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Commission des affaires sociales

Commission des affaires culturelles familiales et sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 22 janvier 2009

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

– Auditions, ouvertes à la presse, sur la prestation d’accueil du jeune enfant

– M. Jean-Laurent Clochard, responsable de la petite enfance à la Confédération syndicale des familles (CSF), Mme Isabelle Malsch, vice-présidente de Familles de France, et M. Georges Noharet, en charge du développement de la vie associative, Mme Marie-Claude Boileau, administratrice nationale de Familles rurales, Mme Christiane Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance de l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), et Mme Karine Métayer, conseillère technique responsable du pôle enfance, jeunesse, famille.

– M. Yves Verollet, secrétaire confédéral en charge du secteur protection sociale à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Mme Dominique Jeoffre, déléguée nationale du pôle protection sociale, chargée de la famille à la Confédération française de l’encadrement -Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe chargée de la protection sociale à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et Mme Jacqueline Farache, conseillère confédérale en charge du dossier jeune enfant à la Confédération générale du travail (CGT)

– M. Pierre Triadou, membre de la commission sociale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), M. Philippe Chognard, conseiller technique à la direction des affaires sociales, et Mme Sandrine Bourgogne, assistante auprès du secrétaire général, et Mme Fabienne Munoz, membre du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), représentant l’Union professionnelle artisanale (UPA), et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 22 janvier 2009

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la Mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de M. Jean-Laurent Clochard, responsable de la petite enfance à la Confédération syndicale des familles (CSF), Mme Isabelle Malsch, vice-présidente de Familles de France, et M. Georges Noharet, en charge du développement de la vie associative, Mme Marie-Claude Boileau, administratrice nationale de Familles rurales, Mme Christiane Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance de l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), et Mme Karine Métayer, conseillère technique responsable du pôle enfance, jeunesse, famille.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je vous prie tout d’abord d’excuser les deux coprésidents de la mission, M. Jean Mallot, empêché ce matin, et M. Pierre Morange, qui va nous rejoindre. En outre, Mme Patricia Augustin, secrétaire générale de la Fédération syndicale des familles monoparentales (FSM), souffrante, est absente.

Dans le cadre de notre mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, nous aimerions entendre le point de vue des associations familiales que vous représentez sur la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE).

Lors de sa création, la PAJE visait la simplification des prestations familiales, l’élargissement des modes de garde pour les familles, la solvabilisation des familles et une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Quatre ans plus tard, a-t-elle selon vous répondu à ces objectifs ? Étant en lien régulier avec les citoyens, pouvez-vous nous indiquer des pistes afin d’améliorer cette prestation ?

Mme Karine Métayer, conseillère technique responsable du pôle enfance, jeunesse, famille de l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS). Je vous prie tout d’abord d’excuser M. Dominique Balmary, président, et M. Hubert Allier, directeur général de l’UNIOPSS, empêchés.

L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux réunit des organismes non lucratifs du champ du médico-social appartenant à plusieurs secteurs : handicap, personnes âgées, lutte contre les exclusions, santé et, bien sûr, enfance-jeunesse-famille. Au niveau national, elle anime une commission petite enfance regroupant à la fois des représentants de l’accueil individuel et de l’accueil collectif. Nous représentons actuellement plus de 4 000 structures et services, 42 % du multi-accueil, et accueillons à peu près 200 000 enfants et plus de 200 000 parents. Nous regroupons des modes d’accueil très diversifiés et venons de finaliser une plaquette expliquant à la fois ce que nous sommes et les innovations sur lesquelles nous travaillons.

L’objectif de simplification de la PAJE ne semble pas totalement atteint. D’après les informations qui remontent du réseau, les parents rencontrent de grandes difficultés pour obtenir des informations, non seulement sur les différents modes d’accueil, mais aussi, s’agissant de la PAJE, sur le financement de ces modes d’accueil, plus particulièrement sur le reste à charge qu’il leur est très difficile de calculer en fonction du mode d’accueil choisi. Ce constat assez général est visiblement partagé, quel que soit le mode d’accueil.

Concernant l’élargissement des différents modes de garde, la PAJE a permis le développement de l’accueil individuel, que ce soit par des assistantes maternelles ou en garde à domicile. Elle a d’ailleurs probablement contribué à lancer la garde à domicile. L’explication tient au faible coût des assistantes maternelles pour les classes moyennes, les sommes engagées pour le financement de la PAJE étant colossales. Le réseau a par ailleurs constaté la réduction du taux d’effort des familles ; les avances de prestation demeurent néanmoins insuffisantes pour certaines d’entre elles, surtout pour les plus modestes.

Le libre choix des familles est aujourd’hui très relatif, en raison de la très forte pénurie de modes d’accueil, mais aussi des disparités importantes sur le territoire entre milieu urbain et milieu rural, sans compter que les ressources des familles peuvent avoir un impact sur ce choix.

L’équilibre entre la solvabilisation des familles, que vise la PAJE, et le financement par le FNAS (Fonds national d’action sociale) et la PSU (prestation de service unique) de l’accueil collectif, qu’il faut conforter, nous semble fondamental. Ces dernières années, la tendance a plutôt penché vers la solvabilisation des familles – je ne dirai pas au détriment de l’accueil collectif, un certain nombre de plans crèches ayant été lancés. Néanmoins, l’UNIOPSS a le souci de cet équilibre, très compliqué à trouver. La majorité des familles préférant l’accueil collectif, dont le coût est plus important, il ne faudrait pas faire un choix politique unilatéral qui aille dans le sens du développement de l’accueil individuel, donc du financement par la PAJE.

Enfin, la PAJE a incontestablement facilité la conciliation entre vie familiale, vie sociale – nous y tenons – et vie professionnelle, notamment en offrant aux mères la possibilité de réduire partiellement ou d’interrompre leur activité professionnelle dès le premier enfant. Désormais, les enfants sont accueillis plus tardivement – à quatre ou cinq mois aujourd’hui au lieu de deux mois et demi ou trois mois auparavant –, soit à la crèche, soit par une assistante maternelle. La PAJE est intéressante, même si elle peut entraîner des effets pervers, notamment un risque pour les femmes ayant un emploi précaire d’être exclues un peu plus ou d’avoir du mal à retourner dans le monde du travail et, à l’inverse, un risque pour les femmes aux revenus élevés de ne pas bénéficier du complément de libre choix d’activité.

Nous souhaitons appeler votre attention sur le risque de dérégulation résultant du droit d’option que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a offerte au gestionnaire pour la nouvelle modalité d’accueil collectif que sont les micro-crèches. En effet, le gestionnaire peut dorénavant choisir entre le CMG structure (complément de libre choix du mode de garde) ou la PSU qui, elle, impose des contraintes au gestionnaire, notamment l’application du barème de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) – qui tient compte de la mixité sociale – et des contrôles permettant la vérification de l’utilisation des fonds publics. En faisant le choix du CMG structure, le gestionnaire bénéficie d’une totale liberté tarifaire : il n’applique pas le barème de la CNAF, ce qui peut faire voler en éclat les enjeux en termes de mixité sociale, et il ne rend pas de comptes à la CNAF, n’étant pas dans le cadre des contrats enfance. Cette mesure nous a surpris et elle nous inquiète car, si elle venait à être généralisée, elle ne serait pertinente ni pour le suivi et le contrôle du financement public, ni pour la réduction des inégalités issue de la mixité sociale et de l’accueil collectif. Il y a donc là un enjeu de taille.

Mme Christiane Attali-Marot, présidente de la commission petite enfance de l’UNIOPSS. Complexité supplémentaire : dans certains cas, les familles n’ont rien à avancer, dans d’autres, elles sont remboursées via la PAJE.

M. Jean-Laurent Clochard, responsable de la petite enfance à la Confédération syndicale des familles (CSF). L’objectif de simplification de la PAJE n’est pas atteint en ce qui concerne la nécessaire information des familles. Cependant, cette simplification n’a jamais été une de nos demandes car nous pensons qu’elle peut conduire à remettre en cause des droits. En effet, dès lors que les demandes des familles sont complexes, les dispositifs appelés à y répondre le sont également.

En revanche, nous sommes entièrement d’accord avec l’UNIOPSS quant au manque d’information des familles sur leurs droits, le montant des prestations, la marche à suivre, le reste à charge, etc. Si les CAF, les caisses d’allocation familiales doivent participer, bien plus qu’elles ne le font actuellement, à l’information et au soutien des familles qui le demandent, les associations familiales ont elles aussi un rôle à jouer. Malheureusement, elles ne sont pas forcément reconnues dans ce rôle et les financements sont en baisse. Or la PAJE est un dispositif très compliqué pour les familles de nos quartiers, c’est un vrai problème !

S’agissant du libre choix, on peut dire que l’objectif d’élargir les modes de garde est atteint, grâce aux 2 000 places supplémentaires par an chez les assistantes maternelles et à la réduction du taux d’effort. Cela ne représente toutefois qu’une goutte d’eau par rapport aux 500 000 places d’accueil qui font aujourd’hui défaut dans notre pays. En outre, l’allocation de base et la prime de naissance concernent davantage de bénéficiaires. La PAJE a donc créé une dynamique intéressante.

Le surcoût qu’elle a entraîné n’était certainement pas prévu, mais il est la preuve que les pouvoirs publics ont compris la nécessité de « booster » la politique familiale et l’accueil des enfants. Néanmoins, nous avons à présent le sentiment qu’ils ont une vision comptable des choses et qu’ils considèrent que, parce qu’il y a un dérapage d’un côté, il faut faire des économies de l’autre. La réforme du FNAS en 2005-2008, avec des restrictions pour les contrats enfance, n’est-elle pas le contre-pied de ce qui s’est passé pour la PAJE – dont les financements publics explosent ? Mais réduire la dynamique du FNAS, c’est en quelque sorte faire le choix de l’accueil individuel au détriment de l’accueil collectif et le libre choix en est affecté alors que les parents sont plutôt favorables à l’accueil collectif en termes de socialisation pour l’enfant.

Le libre choix, c’est aussi l’école maternelle, or la réduction du nombre de places pour les deux-trois ans ajoute une pression sur les modes de garde.

Bien sûr, l’accueil individuel chez les assistantes maternelles doit être développé, mais il faut tenir compte du fait que les parents ne souhaitent pas forcément être employeurs. Il conviendrait donc de redynamiser les crèches familiales – qui perdent pied actuellement –, car elles offrent une sécurité aux parents en tant qu’employeurs.

Il y a une tension entre la solvabilisation de l’offre et celle de la demande. Il faut soutenir financièrement les équipements d’accueil, il en va de leur survie. Or la création de la PAJE structure est une première tentative pour remplacer, à terme, la solvabilisation de l’offre par celle de la demande. Cette remise en cause de l’accueil collectif nous paraît dangereuse car les équipements seront de moins en moins financés.

Nous tenons à la PSU car, Mme Métayer l’a dit, elle offre des garanties : contrôle de la qualité par la CAF, application d’un barème de participation familiale, pérennité de l’équipement. La PAJE structure est un empilement des dispositifs PAJE et PSU, au détriment d’une nécessaire visibilité. Elle risque, si elle est généralisée à l’ensemble des équipements, d’aboutir à une destruction de l’offre d’accueil – ce qui serait très dangereux – et, à terme, à une disparition de la PSU. Nous sommes contre cette orientation.

Si nous sommes favorables au développement des micro-crèches et des maisons d’assistantes maternelles, il faut veiller à la qualité de l’accueil, donc faire attention à ne pas tout déréguler. Les équipements d’accueil collectif apportent cette qualité, mais nous sentons une très forte pression sur les coûts alors qu’une note récente du Centre d’analyse stratégique rappelle l’importance de l’investissement dans la qualité et du développement de l’accueil collectif.

S’agissant, enfin, du cumul entre PAJE, API (allocation de parent isolé) et ASF (allocation de soutien familial), Mme Augustin, qui représente les familles monoparentales, pourrait vous en dire plus. Il faudrait certainement revoir tout le dispositif pour éviter que ce problème ne se pose avec le futur RSA (revenu de solidarité active).

Mme la rapporteure. Mme Augustin nous a fait parvenir une note à ce sujet, mais je n’ai pas bien saisi le problème.

M. Jean-Laurent Clochard. Si une personne a droit à la PAJE, son montant est déduit de son API ou de son ASF. Ce problème de cumul ne se retrouve pas dans tous les cas et des dispositions ont amélioré le dispositif. Néanmoins, il faut y réfléchir eu égard au RSA – d’autant que ce cumul est possible avec le RMI.

M. Georges Noharet, en charge du développement de la vie associative à Familles de France. Pour nous, l’accueil du jeune enfant doit être un choix politique très clair, un choix de société : investit-on ou pas dans ce champ ? Certes, des analyses font état d’un dérapage ou d’un dépassement des prévisions, mais la société doit se préoccuper du départ des jeunes enfants dans la vie et cela nécessite de ne pas hésiter à dépenser les sommes nécessaires pour leur assurer un accueil de qualité.

Il faut aussi rappeler quel est le contexte. Aujourd’hui, on se pose des questions, mais le fait est là : l’offre est insuffisante puisqu’on compte 1 million de places en accueil individuel et en accueil collectif, pour une population de 2,3 millions enfants concernés. Autrement dit, sur 100 enfants de moins de trois ans, 45 seulement trouvent une place. Même si les temps partiels relativisent un peu les choses, le besoin existe, il faut y faire face.

En outre, les dispositifs évoluent à toute vitesse : nouveau décret du 1er août 2000, mise en place de la PSU, transformation des contrats enfance jeunesse, développement des micro-crèches, développement des maisons d’assistantes maternelles, arrivée des crèches privées, réforme du statut des assistantes maternelles. Toutes ces réformes se télescopent au détriment de la cohérence du dispositif. Nous appelons donc de nos vœux une meilleure anticipation, une meilleure programmation et une politique qui donne un sens à tout ceci.

Nous n’ignorons certes pas les difficultés économiques actuelles et la situation des finances publiques. Mais nous savons aussi que le législateur a voulu, dans la loi du 25 juillet 1994, séparer les financements entre les branches de la sécurité sociale. Or, le projet de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2009 montre que la branche famille affichera 3,795 milliards d’euros d’excédents cumulés à la fin de l’année : une politique ambitieuse pour la petite enfance est donc possible.

Il nous semble par ailleurs nécessaire de prendre en compte le développement du travail à temps partiel et des horaires atypiques, l’éloignement domicile-travail et l’augmentation des temps de transport. Ne faudrait-il pas réfléchir beaucoup plus en amont au recours d’une même famille à différentes formes d’accueil ? Un nombre grandissant de familles a besoin certes d’une crèche, mais aussi d’une réponse avant et après la crèche. C’est toute la question de l’organisation, de la cohérence et de la complémentarité des dispositifs.

On n’a pas atteint l’objectif de la simplification. Si on a beaucoup communiqué sur la prestation unique, la réalité est multiforme, entre les conditions d’accès à certains éléments de la prestation, le complément de libre choix d’activité selon qu’il s’agit du premier ou du deuxième enfant, le non-cumul de ce complément avec les congés payés s’il s’agit du premier enfant mais plus à partir du second... Or, pour qu’un citoyen soit responsable, il est indispensable qu’il connaisse ses droits. Il faut donc faire un important travail en ce sens.

Nous convenons que l’élargissement des modes de garde a un effet positif sur la garde individuelle et sur la garde à domicile.

Quant au complément optionnel de libre choix d’activité – COLCA –, il n’a pas rempli son objectif. Cette prestation n’étant accessible qu’à partir de la naissance du troisième enfant et les problèmes de mode de garde s’accumulant avec trois enfants, elle a raté sa cible. C’est pourquoi il serait intéressant d’expérimenter le COLCA à partir de deux enfants. À côté du complément de libre choix d’activité – CLCA – au taux actuel et sur trois ans, le COLCA avec un taux supérieur, sur un an, ouvert aux familles de deux enfants – ce qui augmenterait le nombre de bénéficiaires – ne nous paraît pas poser de problème pour les finances publiques. Qui plus est, la liberté de choix n’est pas effective partout : les zones rurales ne l’offrent pas toujours et les zones très urbaines souffrent d’une tension de la demande. Si nous souscrivons à l’idée du libre choix, nous pensons que le renforcement de l’offre ne doit pas se faire au détriment de la qualité.

Il est impératif de coordonner les différentes politiques publiques, en particulier la politique éducative et les politiques familiales. Cela renvoie à la question de la scolarisation des enfants à deux ans : on ne peut à la fois afficher sa volonté de développer l’accueil du jeune enfant et mettre 105 000 enfants dehors sans réfléchir aux conséquences pour les familles. La coordination est essentielle.

Jean-Laurent Clochard l’a dit, il nous semble possible d’aller, de manière responsable, vers le développement d’offres de garde structurée. Les crèches familiales – un peu oubliées et dont le nombre de places a stagné ces dernières années – peuvent offrir la souplesse que recherchent les familles.

À côté des micro-crèches, les regroupements d’assistantes maternelles prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale peuvent également permettre de développer l’offre, d’autant qu’un certain nombre de personnes aux ressources modestes ne peuvent disposer d’un logement assez grand pour accueillir des enfants. Il faut simplement veiller à ce que ce dispositif soit encadré comme celui des crèches familiales.

Au moment où les populations se déplacent des couronnes urbaines vers le périurbain – avec les conséquences que l’on sait sur le temps passé hors du domicile –, les élus locaux doivent se demander où seront les enfants et ce que seront leurs équipements dans cinq ou dans dix ans. Dans ce périurbain à la frontière du rural – mais peut-être aussi dans le rural –, les micro-crèches, qui nécessitent un investissement moins important, peuvent apporter dans la durée la souplesse nécessaire.

Si la question de la scolarisation des enfants à deux ans se pose, la réponse ne saurait être une garde au rabais. Le flou règne toujours sur les jardins d’éveil, dont on entend beaucoup parler. Si des dispositifs de ce genre devaient voir le jour, ils devraient répondre aux critères de qualité – c’est-à-dire d’éveil – que l’enfant mérite.

Les choses sont en train de bouger pour la garde à domicile, mais le problème du statut des personnes se pose. Il faut travailler sur la formation, la mise en lien avec les autres dispositifs, notamment avec les RAM, les relais d’assistantes maternelles.

S’inscrivant dans la démarche de Lisbonne, l’allongement du congé de maternité que propose la Commission européenne fait également partie des éléments de réponse aux familles. Nous soutenons cette démarche.

Le plan « métiers de la petite enfance » devrait faire prochainement l’objet d’une communication. Nous nous interrogeons sur la logique du tiers payant qui serait instaurée pour les assistantes maternelles, sous réserve de la signature d’une convention avec la CAF. Les familles ne risquent-elles pas de perdre ainsi la notion du coût réel, comme cela s’est produit pour l’allocation de logement étudiant ? Surtout, cela ne risque-t-il pas d’avoir des effets inflationnistes sur le coût des assistantes maternelles ? Cela mérite réflexion. Notre position n’est pas complètement tranchée, mais nous rejoignons l’UNIOPSS : un barème de la CNAF, permettrait d’uniformiser les coûts pour les familles, donc d’éviter des disparités entre les dispositifs.

Enfin, nous souhaiterions que l’accueil à domicile soit encadré par une charte de qualité.

Mme Marie-Claude Boileau, administratrice nationale de Familles rurales. S’il est normal d’entendre quelques critiques, je tiens à souligner que notre système d’aide aux jeunes enfants est envié par les autres pays. C’est grâce à ces mesures que la France a le privilège de combiner un taux d’activité des femmes important et un taux de natalité élevé. Autrement dit, nous parvenons à concilier raisonnablement activité professionnelle et activité familiale, avec toutefois quelques bémols.

Globalement, les familles se disent satisfaites une fois qu’elles ont réglé un certain nombre de problèmes. Lorsqu’elles ne le sont pas, cela tient essentiellement au manque de places, particulièrement en crèches. Certains départements sont plus touchés que d’autres, notamment ceux du Nord et, dans une moindre mesure, de l’Ouest et de l’Est. Et le problème est beaucoup plus criant en milieu rural où l’offre d’accueil est insuffisante. Or, le milieu rural est en pleine mutation, il est en fait de plus en plus périurbain, les jeunes ménages étant souvent obligés de s’éloigner pour des raisons foncières. Ainsi, les problèmes de transport s’ajoutent aux problèmes de garde, l’assistante maternelle ou la crèche n’étant pas forcément situées près du domicile, tandis que la solidarité familiale joue moins que par le passé, tout simplement parce que les grands-parents ont désormais une activité professionnelle.

Qui plus est, le choix du mode de garde dépend souvent de critères socioprofessionnels. Autrement dit, plus la famille est aisée, plus elle a de possibilités de choix.

En ce sens, le complément de libre choix d’activité – CLCA – est le plus souvent choisi par des familles modestes et il handicape ainsi la carrière des femmes, sa durée en faisant une potentielle trappe à inactivité. D’une durée de trois ans, il peut être prolongé lorsqu’une deuxième naissance arrive dans l’intervalle, ce qui isole un peu plus la mère du milieu professionnel. Peu rémunéré, il s’adresse en priorité aux demandeuses d’emploi indemnisées et aux femmes peu qualifiées en situation de précarité. Parfois, ce congé marque le début de la spirale parce que le retour au travail est plus difficile, parce que les perspectives de carrière sont compromises, mais aussi parce qu’il peut être tentant d’en profiter en cette période de crise où il est difficile de trouver du travail. Or, ce raisonnement à court terme aura des effets à long terme, avec une probable précarisation des femmes, particulièrement des femmes âgées, car si elles ne reprennent pas le travail, leurs droits à la retraite seront amputés. Et que dire si un accident de la vie, une séparation, transforme la famille en famille monoparentale ?

En outre, le congé parental ne favorise pas la parité. Si le congé de paternité est relativement bien pris par les papas, il n’en est pas de même du congé parental, notamment parce que la perte de salaire est d’autant plus élevée que les revenus du père sont supérieurs, ce qui est généralement le cas. Outre qu’ils ont l’image d’une répartition sexuée des tâches liées à l’éducation et aux soins des enfants, les pères craignent de compromettre leurs perspectives de carrière et de revenus, mais aussi de donner une mauvaise image d’eux à leur entreprise.

Le complément de mode de garde – CMG –, répond aux besoins financiers des familles plus aisées qui ont recours à un mode de garde individuel. Le montant en est plus élevé. La branche famille prend en charge la totalité des cotisations sociales pour chaque enfant gardé par une assistante maternelle et 50 % des cotisations sociales pour chaque enfant gardé par une employée à domicile. La famille bénéficie en outre d’un avantage fiscal si elle paie avec des chèques emploi service. C’est un effet pervers du CESU au regard de la justice sociale, même si on ne saurait oublier qu’il a permis de réduire le travail au noir.

En valeur absolue, les deux tiers des bénéficiaires du CMG ont des revenus mensuels compris entre 0 et 0,3 SMIC. Mais si cette allocation est accessible aux familles à bas revenus, ce volet de la PAJE est en fait surtout utilisé par les familles à hauts revenus. L’aisance financière est un facteur déterminant pour le choix du mode de garde à domicile –les jeunes ménages préférant toutefois les modes de garde collectifs aux assistantes maternelles.

En fonction du mode de garde choisi, des disparités importantes subsistent dans le taux de reste à charge pour les familles. Il est malheureusement proportionnellement plus lourd pour les familles à revenus modestes et des modifications sont donc nécessaires.

Dans les familles modestes ou à bas revenus, l’enfant est le plus souvent gardé par l’un des parents, et c’est souvent un mode de garde subi. Les familles à revenus plus élevés ont davantage recours à la garde par une assistante maternelle agréée ou à la crèche. Enfin, les familles très aisées recourent davantage à un mode de garde en accueil individuel ou à une garde à domicile.

Les besoins en équipements de garde pour la petite enfance vont croissant parce que les couples sont de plus en plus biactifs. L’accroissement de la demande de garde tient aussi au fait que les femmes ont leur premier enfant de plus en plus tard – aux alentours de vingt-huit - trente ans –, à un âge où la propension à utiliser les services de l’accueil de la petite enfance est supérieure. Leur motivation pour reprendre leur travail après la naissance est plus importante – car elles ont acquis une qualification ou un niveau de compétence plus élevé – et les revenus qu’elles peuvent consacrer à la garde des enfants sont plus importants.

Familles rurales a toujours défendu la solvabilisation des familles pour leur permettre de choisir les modes de garde qui leur conviennent ; c’est la notion de libre choix qu’évoquait M. Clochard. Les enquêtes montrent que les familles demandent des services plutôt que des aides en espèces. Pour quatre Français sur dix, la crèche est le mode de garde le plus bénéfique pour un enfant en bas âge. Pour la moitié d’entre eux elle est aussi le moins onéreux. Du reste, les accueils collectifs coûtent effectivement moins cher aux familles que le recours à une assistante maternelle. Et il est vrai qu’en milieu rural le manque d’accueil collectif pénalise les familles à bas revenus. Ainsi, il manquerait en France environ 300 000 à 500 000 places d’accueil, les besoins étant inégalement répartis sur le territoire.

Familles rurales souhaite vous faire des propositions qui s’articulent autour de trois axes.

Le premier axe, qui est de favoriser l’accueil de l’enfant dans sa famille, se décline en quatre sous-propositions :

– adopter une démarche pragmatique de rapprochement entre offre et demande. Il existe de fortes disparités selon les territoires : chaque territoire, chaque type de famille a des besoins différents ;

– garantir une répartition plus équilibrée de l’offre d’accueil sur le territoire. L’offre est encore insuffisante. Il existe 320 000 places en établissements d’accueil collectif pour 2,4 millions d’enfants de moins de trois ans. L’objectif est de répondre autant que faire se peut au choix des parents. Ce n’est pas facile, mais avec le fort taux de natalité français, nous travaillons pour les générations futures ;

– allonger le congé de maternité tout en luttant contre un éloignement prolongé du marché du travail, notamment pour les femmes les moins qualifiées. C’est la logique de l’Union européenne. La durée légale du congé de maternité étant souvent prolongée par un congé pathologique, pourquoi ne pas clarifier les choses en allongeant le délai ? Lutter contre un éloignement durable des femmes qui ont un enfant du marché du travail est un enjeu d’autant plus fort, que ce sont surtout les familles modestes qui ont recours aux différentes formes de congé parental. Les éloigner du marché du travail alors qu’elles connaissent des difficultés d’insertion professionnelle n’est certainement pas leur rendre service, d’autant qu’en période économique difficile, elles risquent d’être la variable d’ajustement dans les statistiques du chômage. Faisons en sorte que ce ne soit pas le cas.

– raccourcir le congé parental à un an, avec une meilleure rémunération et une incitation au partage du congé entre les parents. Je pense très sincèrement que si ce congé était plus court, mieux partagé entre le père et la mère et assorti de mesures facilitant le retour à l’emploi – comme une formation pour le parent en fin de congé parental, visant à le réinsérer plus facilement dans son emploi –, le regard des employeurs, mais aussi de l’ensemble de la société serait différent. On finirait même par trouver normal que les parents fassent une pause au moment d’une naissance et les implications pour les carrières futures seraient beaucoup moins lourdes.

À Familles rurales, un groupe de réflexion recherche comment inciter fortement les pères à partager ce congé parental, d’autant que le contact avec le père et un meilleur partage des tâches de la parentalité ne peuvent être que bénéfiques pour l’enfant.

Deuxième axe : recourir à des modes de garde innovants.

Cela suppose tout d’abord de développer l’offre d’accueil des deux-trois ans en créant des jardins d’éveil même s’il est vrai que cette notion reste floue. Mais, étant donné le flux démographique et les difficultés rencontrées pour scolariser les enfants dès deux ans, les parents sont susceptibles de se reporter vers de tels lieux d’accueil. Familles rurales n’est pas opposé à ces structures, à condition que la qualification des personnels, le libre accès de tous et le financement soient garantis. Les jardins d’éveil traduisant un certain désengagement de l’Éducation nationale, pourquoi ne pas reporter le coût actuel de la scolarisation des deux-trois ans sur la branche famille pour qu’elle soit en mesure de financer ces structures ? Pour nous, il serait inconcevable que la charge financière de ces jardins porte sur les familles ou sur la branche famille.

Pour les enfants de plus de trois ans jusqu’alors gardés en accueil collectif sous forme de micros-crèches, il conviendrait d’étendre aux parents le bénéfice de la PAJE/accueil collectif jusqu’à la scolarisation effective. En effet, quand l’enfant n’a pas atteint ses trois ans en cours d’année scolaire, il est obligé d’attendre pour entrer à l’école maternelle mais la prestation s’arrête et l’accueil reste totalement à la charge de la famille.

Enfin, il conviendrait de préférer l’accueil en relais à l’ouverture de structures 24 heures sur 24 et de revaloriser la PAJE/garde à domicile pour répondre aux besoins de garde atypique. C’est très important car de très nombreux postes de travail sont concernés, en particulier dans le domaine de la santé.

Troisième axe : assouplir les contraintes financières pesant sur le budget des familles. Cela signifie d’abord de lever le reste à charge de 15 % pour les familles les plus modestes car il s’agit d’un frein au retour à l’emploi. En effet, si retourner travailler coûte trop cher à la mère, elle restera en congé parental ! Cela signifie ensuite de préférer la PAJE mensualisée au crédit d’impôt annualisé.

M. le coprésident Pierre Morange. Faute de temps, nous sommes malheureusement obligés de clore cette audition fort riche.

Au-delà des réserves et des critiques qu’il est nécessaire d’entendre, il me semble que vous faites tous le constat de l’efficacité de la politique familiale française, qui permet de concilier vie professionnelle et vie familiale, ce dont atteste un taux de fécondité que nous envient nos voisins.

Vous avez évoqué la complexité du dispositif, sa lisibilité, l’accès à la connaissance d’un droit pour les parents, le système de vase communicant entre les différents modes de garde dont les déficits sont compensés par des créations nouvelles mais sans amélioration du bilan global. Vous avez aussi déploré la prolifération des normes qui alourdit les coûts et freine le développement des modes d’accueil.

Au-delà de ces constats, il serait fort utile que chacun d’entre vous nous adresse, par écrit, des propositions extrêmement concrètes et précises, voire nous suggère des modifications législatives qui apparaîtraient nécessaires. Le rapport devant être publié fin mars, il serait bon que vous nous répondiez avant fin février.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il manque, nous avez-vous dit, entre 300 000 et 500 00 places, en particulier, ai-je cru comprendre, en termes d’accueil individuel, puisque le nombre de places total serait de 1 million, dont 320 000 en collectif. Pourriez-vous apporter des précisions sur ce point car il est important que notre état des lieux repose sur les dernières données ?

Mme Isabelle Malsch, vice-présidente de Familles de France. Ce sont bien les chiffres.

Mme la rapporteure. J’aimerais connaître votre point de vue à tous sur l’accueil des deux-trois ans, car ce sujet important sera sans doute d’actualité d’ici peu.

Quelle est par ailleurs votre position quant à un raccourcissement du congé et sur le partage d’une partie au moins de ce congé entre le père et la mère.

Enfin, quelle est votre analyse du nombre d’assistantes maternelles au chômage, sujet intéressant qui n’a pas du tout été évoqué.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous l’aurez compris, c’est également par écrit que nous souhaitons que vous répondiez à ces questions, auxquelles j’en ajouterai une autre.

On a évoqué à de nombreuses reprises la notion de temps partagé ainsi que l’idée que la responsabilité parentale ne doit pas reposer au premier chef sur la mère. Et je suis en effet persuadé que la responsabilité partagée est un élément fédérateur de notre pacte républicain.

Dans l’arsenal conventionnel du monde du travail, le compte épargne temps permet de comptabiliser notamment les journées de congés et de repos issues de la réduction du temps de travail. C’est un sujet qui me passionne car j’y vois un moyen de concilier d’une part la productivité, la créativité et l’adaptabilité que la compétition internationale impose à notre système de production, d’autre part la nécessaire sécurité des salariés. Le compte épargne temps se caractérisant par une extraordinaire plasticité, il rend possible la conciliation entre temps de travail et de repos et permet à chacun de trouver une solution adaptée à ses projets de vie. On peut imaginer que les journées stockées sur un compte épargne temps soient mobilisées au titre de cette parentalité partagée.

Je vous remercie.

Mme la rapporteure. Merci beaucoup pour cette audition particulièrement intéressante.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède ensuite à l’audition de M. Yves Verollet, secrétaire confédéral en charge du secteur protection sociale à la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Mme Dominique Jeoffre, déléguée nationale du pôle protection sociale, chargée de la famille à la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe chargée de la protection sociale à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), et Mme Jacqueline Farache, conseillère confédérale en charge du dossier jeune enfant à la Confédération générale du travail (CGT).

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous souhaite la bienvenue et je passe sans plus tarder la parole à notre rapporteure.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Je rappelle que les objectifs de la PAJE lors de sa création étaient la simplification des prestations, l’élargissement des modes de garde, la solvabilisation des familles et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Selon vous, ces objectifs ont-ils été atteints ? Des améliorations doivent-elles être apportées au système ? Merci de faire une synthèse des propositions concrètes de vos confédérations à ce sujet.

M. Yves Verollet, secrétaire confédéral en charge du secteur protection sociale à la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Nos préconisations se fondent sur les aspects positifs et négatifs de la prestation d’accueil du jeune enfant par rapport aux objectifs fixés lors de sa création.

Les aspects positifs sont d’abord quantitatifs : par rapport à l’ancienne AFEAMA – aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée –, au complément assistantes maternelles et à l’allocation de garde d’enfant à domicile – AGED, il y a eu un élargissement des conditions d’ouverture des droits – notamment avec la transformation de l’APE, l’allocation parentale d’éducation, en CLCA, complément de libre choix d’activité, avec ouverture du droit au premier enfant – et une augmentation importante du montant des prestations servies puisqu’elles sont passées en peu de temps de 8 à 11 milliards d’euros.

Les aspects négatifs – ou qui montrent qu’on est resté au milieu du gué – sont de plusieurs ordres.

Premièrement, la PAJE n’a pas favorisé, comme on l’espérait, un libre choix du mode de garde. On a constaté, au contraire, une faible progression du nombre d’assistantes maternelles et le nombre de départs à la retraite dans les prochaines années ne laissent pas d’inquiéter.

Deuxièmement, bien que le phénomène ne soit pas lié à la PAJE, on observe une forte baisse de la scolarisation des enfants de deux à trois ans.

Troisièmement, l’augmentation intéressante du nombre d’enfants en garde collective ne fait que suivre la natalité.

Finalement, le pourcentage d’enfants gardés à l’extérieur du domicile a légèrement baissé. Alors que l’on pensait que le CLCA favoriserait le retour à l’emploi des femmes, les prestations à taux complet venant s’ajouter à celles à taux partiel, tous les rapports montrent qu’une clientèle nouvelle un peu plus aisée a bénéficié du taux partiel tandis que les familles modestes sont restées sur le taux plein. Or une proportion non marginale de femmes qui prennent le taux plein arrêtent de travailler en raison de contraintes financières ou faute de modes de garde.

Enfin, si l’effort financier consenti a globalement réduit le taux d’effort des familles, pour l’accès aux assistantes maternelles, cet effort demeure plus important pour les familles modestes. Ce problème est accentué par le fait qu’il ne peut pas y avoir de crèches partout.

J’en viens aux préconisations de la CFDT. Pour nous, les difficultés des familles et, pour partie, le retrait des femmes du marché du travail résultent d’une double difficulté : le coût de la garde pour certaines familles et le manque de places, deux éléments qui font que l’objectif de libre choix du mode de garde n’a pas été atteint.

Première préconisation : pour éviter le retrait contraint du marché du travail, qui touche majoritairement les femmes les moins qualifiées, nous souhaitons qu’une réflexion soit menée en vue de réduire la durée des congés parentaux CLCA et COLCA – complément optionnel de libre choix d’activité – et de mieux les rémunérer, tout en sachant que cela doit s’accompagner d’un développement important de l’ensemble des modes de garde.

Le coût d’accès aux modes de garde par les assistantes maternelles demeurant trop élevé pour les familles modestes, nous demandons par ailleurs qu’un état des lieux complet – prenant en compte à la fois les prestations familiales et les mesures fiscales – soit réalisé sur les restes à charge. Cette étude pourrait être menée soit par la MECSS soit par le futur Conseil de la famille.

Pour la garde par des assistantes maternelles, le taux d’effort des familles au SMIC est actuellement de 10 %, contre 5 % pour les familles ayant des revenus un peu plus élevés. Nous demandons que le taux d’effort des familles, pour la garde en crèche comme par des assistantes maternelles, soit davantage proportionné au revenu, en prenant en compte l’ensemble des mesures fiscales et familiales.

Le dispositif du crédit d’impôt est peu utilisé car les personnes modestes ne peuvent pas faire l’avance d’une année. C’est ce qui a conduit le Président de la République à lancer l’idée d’une avance sur crédit d’impôt. Le Conseil économique, social et environnemental réfléchit à son application à la petite enfance à travers le système de la PAJE.

Nous souhaitons que l’ensemble des financeurs potentiels de modes de garde travaillent ensemble pour développer tous les dispositifs de garde possibles et imaginables. Cela concerne aussi bien plusieurs ministères, dont celui de l’Éducation nationale, que le secteur privé à travers les crèches parentales, dès lors que sécurité et qualification sont assurées.

Nous sommes favorables à un développement plus important des modes de garde collectifs, en particulier des crèches, ainsi que, dans la mesure où il ne peut pas y avoir des structures lourdes partout, à la création de micro-crèches.

M. le coprésident Pierre Morange. Êtes-vous favorables à un desserrement du carcan normatif et réglementaire qui limite la création et le fonctionnement de nombreuses structures d’accueil collectives ?

M. Yves Verollet. J’en viens aux assistantes maternelles, ce qui répondra en partie à votre question. Je l’ai dit, leur nombre n’a pas beaucoup progressé et un certain nombre d’entre elles sont au chômage. Dans tous les quartiers – pas seulement les quartiers difficiles – des femmes pourraient très bien faire ce métier mais leur logement ne leur permet pas d’accueillir des enfants. Compte tenu de ces éléments, nous sommes favorables aux regroupements d’assistantes maternelles, que ce soit sous forme associative, de SCOP – société coopérative de production – ou de groupements d’employeurs, sous réserve, là encore, que la sécurité soit assurée.

Cela ne répond pas complètement à votre question mais ce n’est pas à un parlementaire que je dois rappeler l’importance de vérifier que toutes les précautions sont prises.

Nous sommes également favorables à des regroupements pour les gardes à domicile, par exemple dans le cadre des relais d’assistantes maternelles – RAM.

Autre élément qui concerne davantage les partenaires sociaux : nous souhaitons une négociation sociale forte sur ces sujets. Des outils comme le CESU – chèque emploi service universel – préfinancé ou, pour les entreprises, le crédit d’impôt famille pourraient alimenter cette négociation.

Enfin, bien que je n’aie pas une position ferme et définitive sur la question, la réflexion menée actuellement sur les jardins d’éveil pour les enfants de deux et trois ans me semble intéressante.

Mme Dominique Jeoffre, déléguée nationale du pôle protection sociale, chargée de la famille à la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC). La CFE-CGC se réjouit du travail accompli dans le domaine de la garde du jeune enfant car il a permis une amélioration notable tant des modes de garde que des montants des prestations. Nous émettons cependant une réserve d’ordre éthique : dans le cadre de la politique de natalité conduite par la France, tous les citoyens et toutes les citoyennes qui font des enfants devraient bénéficier des prestations famille. Nous ne demandons pas de toutes les déplafonner mais au moins une pourrait l’être, afin d’associer l’ensemble des femmes de France.

Mme la rapporteure. Pour quels motifs ?

Mme Dominique Jeoffre. Au motif qu’une prestation n’est pas une aide adaptée. Tous ceux qui font des enfants doivent y avoir droit du fait qu’ils font aussi un effort pour la France.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous nous fournir une estimation précise du coût induit par le déplafonnement que vous souhaitez ?

Mme Dominique Jeoffre. Nous nous y emploierons.

Nous considérons que le système de la PAJE a permis le développement des modes de garde et qu’il répond en ce sens aux demandes des parents.

Pour améliorer la qualification, offrir de nouveaux débouchés aux élèves en difficulté scolaire et développer encore les modes de garde, nous proposons de créer, dans le cadre scolaire, une nouvelle formation diplômante pour les métiers de la garde d’enfants et de les revaloriser en leur donnant une nouvelle appellation. Un jeune qui n’a pas les capacités de poursuivre ses études après la troisième pourrait s’orienter vers cette filière, dont les débouchés sont assurés. Cela fournirait des personnels qualifiés et élargirait les types de modes de garde, ce qui compenserait la diminution du nombre des structures d’accueil collectives classiques, permettrait de s’adapter aux horaires atypiques et même de créer des structures complémentaires pour accueillir les enfants malades.

Une question pour terminer : que devient une femme qui se trouve enceinte avant d’avoir atteint les huit trimestres d’activité imposés pour percevoir le CLCA ?

Mme Jacqueline Farache, conseillère confédérale en charge du dossier jeune enfant à la Confédération générale du travail (CGT). La CGT revendique depuis longtemps la mise en place d’un véritable service public – diversifié – d’accueil des jeunes enfants. La PAJE, née de la conférence de la famille de 2003, ne répond donc pas à notre attente puisqu’elle est réservée à l’accueil individuel. L’accueil collectif a, certes, bénéficié, concomitamment, d’une augmentation sans précédent des dépenses autorisées par la CNAF en matière d’investissements, ce qui a permis le développement des crèches à un moment où elles étaient en fort recul. Mais, en 2006, un redressement important a abouti à une nouvelle régression.

La PAJE n’a pas permis une simplification des prestations famille puisqu’elle a regroupé sous un même vocable les prestations existant antérieurement.

L’augmentation des compléments de mode de garde inscrits dans la PAJE, notamment pour les salaires les plus modestes, a permis en revanche un rééquilibrage entre les contributions pour l’accueil individuel et pour l’accueil collectif.

La PAJE a donc renforcé l’accès à l’accueil individuel au détriment de l’accueil collectif. La réserve que nous avions émise au moment de sa création s’est d’ailleurs confirmée : le versement de prestations directement aux parents aboutit presque automatiquement à une augmentation des tarifs des assistantes maternelles, si bien que les familles n’ont pas bénéficié d’une meilleure solvabilisation, ce qui était pourtant l’un des objectifs de la PAJE. C’est un des défauts du système. Les crèches familiales sont également composées d’assistantes maternelles mais les parents ne sont pas les employeurs. Ils ne sont que les usagers de la structure. La directrice, qui est souvent une puéricultrice, fait la médiation entre eux et les assistantes maternelles. La structure s’occupe également de leur formation et les enfants peuvent être accueillis pendant le temps de cette formation, ce qui n’est pas le cas quand ils vont chez des assistantes maternelles indépendantes.

Selon la Cour des comptes, la PAJE a davantage profité aux familles aisées qu’aux familles modestes. Nous aimerions savoir ce que l’on entend par « aisées », notamment quand les deux parents travaillent. Si l’on met la barre à 1 000 euros, il y a un problème. Une émission de télévision programmée ce soir montre, à partir de témoignages, les difficultés que rencontrent les couples qui ont 1 500 euros pour vivre.

Nous nous félicitons qu’un certain nombre de parents aient pu accéder au temps partiel – souvent à 80 % – en étant solvabilisés en partie par la PAJE. Cela leur a permis de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Ils sont parfois contraints de recourir au temps partiel surtout dans les zones urbaines, lorsque certaines assistantes maternelles souhaitant également travailler à temps partiel, n’offrent qu’un accueil réduit. Pour le premier enfant, cela n’est pas compensé par le COLCA.

On peut toujours souhaiter que les participations des familles soient alignées sur celles demandées pour les équipements collectifs. Encore faut-il que la qualité d’accueil soit la même. Si, comme nous le souhaitons, les assistantes maternelles exerçaient dans le cadre d’un service public, la question ne se poserait pas. Tout le monde serait au même barème.

Les barèmes sont d’ailleurs trop élevés puisqu’ils supposent une participation financière des familles à hauteur de 10 ou 12 %.

Nous sommes frappés par la disparité de l’offre – que la PAJE n’a pas réduite – sur le plan tant géographique que des tarifs, qui peuvent passer du simple au double sans justification particulière, ni du point de vue professionnel, ni du point de vue du service rendu. Personne ne paie pareil et personne n’a le même service. C’est assez choquant.

Le coût des structures d'accueil et ce qui est appelé par certains « le carcan réglementaire » qui augmenterait encore leur coût, devraient être mis en regard, en termes de PIB, de ce que rapporte à la société, en contributions sociales et impôts de toutes sortes, la double activité d’un couple. Dans son rapport intitulé « Accueil et éducation des jeunes enfants dans les pays riches » l’UNICEF souligne que « la bonne qualité de l’accueil et l’éducation de l’enfant améliorent son potentiel et son développement cognitif, émotionnel et social. Cela peut contribuer à améliorer ses résultats scolaires, promouvoir son intégration, développer le sens civique en société, favoriser l’égalité des chances pour les femmes. » Quand on prend en compte le fait que la qualité de l’accueil des jeunes enfants conditionne une bonne partie de la qualité du développement économique et social d’un pays, on est davantage prêt à y consacrer l’investissement nécessaire. On se dirige vers une société de la connaissance. C’est donc dès le plus jeune âge qu’il faut favoriser le développement de l’enfant. Il faut pour cela de vrais métiers et une vraie formation professionnelle. Nos connaissances sur le développement de l’enfant ont fait de grands progrès. Une société moderne doit en tenir compte.

Or, toutes les annonces qui sont faites, toutes les mesures qui viennent d’être votées vont dans le sens d’une déréglementation sans précédent.

Nous ne poussons pas au développement des micro-crèches, à moins qu’elles soient tenues par un personnel vraiment qualifié, ce qui n’est pas imposé.

Nous ne sommes pas non plus favorables au regroupement des assistantes maternelles. Nous ne voyons pas comment cela peut s’organiser. Les parents vont rester dans une relation de gré à gré. Quelles qualifications auront les personnes qui devront gérer une véritable petite structure ? La formation imposée aux assistantes maternelles est de soixante heures avant de commencer à travailler, puis de soixante heures dans les cinq ans qui suivent, soit seulement 120 heures de formation au total !

Nous sommes opposés, ainsi que de nombreux professionnels de PMI – protection maternelle et infantile –, à l’attribution de quatre enfants de moins de trois ans par assistante maternelle. Cela revient à s’occuper de quadruplés… Pour une personne seule, sans encadrement ni suivi, cela nous semble dangereux. Inquiets, les parents ne donneront pas leurs enfants à garder dans ces conditions et les mères seront donc incitées à arrêter de travailler.

Une étude réalisée à Grenoble montre que les parents qui mettent leurs enfants en crèche ont un travail de meilleure qualité et une meilleure productivité. Si les parents sont inquiets, on obtiendra l’inverse.

Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe chargée de la protection sociale à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). La CFTC a soutenu la création de la PAJE parce que ce dispositif avait pour but de simplifier les prestations offertes aux familles et de leur permettre de prévoir l’avenir de la famille et de l’enfant.

Nous en faisons aujourd’hui un bilan en demi-teinte.

Les modes de garde offerts aux parents ne répondent pas à 100 % à leurs attentes.

En premier lieu, l’offre varie beaucoup selon les lieux de travail ou d’habitation, en ville ou à la campagne, si bien que les parents ont du mal à s’organiser.

Ensuite, le travail des assistantes maternelles est sous-valorisé. Il y a vingt ou trente ans, on les voyait comme des personnes ayant raté leurs études et ne sachant pas quoi faire d’autre. En outre, parce qu’on considérait qu’une femme avait une aptitude innée à s’occuper d’enfants, on ne leur offrait ni diplôme ni reconnaissance. Nous payons cela aujourd’hui. Il faut créer un métier d’assistante maternelle et l’ouvrir aux hommes, pour qu’ils puissent partager cette belle expérience de la vie.

Par ailleurs, dans les crèches, qu’elles soient communales ou inter-entreprise, les assistantes maternelles ne bénéficient d’aucun suivi, ni médical – elles n’ont pas accès à la médecine du travail – ni professionnel. Elles n’ont pas droit à la formation tout au long de la vie. Tant qu’elles ne seront pas considérées comme des salariées comme les autres, il n’y aura pas d’engouement pour ce métier qui permet pourtant d’élever et d’éduquer nos enfants, et qui donne aux parents la possibilité d’aller travailler sereinement dans les entreprises qui font vivre le pays.

Nos préconisations sont donc les suivantes.

Il importe, tout d’abord, d’augmenter et de diversifier l’offre de garde et de valoriser le métier d’assistante maternelle en l’inscrivant dans un parcours scolaire afin de le rendre plus attractif. Il ne doit plus être associé à l’idée d’échec scolaire ou de pis-aller professionnel. Garder un enfant est beaucoup plus important qu’on ne le croit.

Il faut par ailleurs faire attention aux élargissements d’horaires dans les crèches. Au motif qu’il va falloir travailler plus et plus longtemps, on prône leur ouverture de huit heures à vingt-deux, voire vingt-trois heures. Cela se fait déjà dans certaines entreprises qui demandent ainsi aux parents – notamment quand ils sont cadres au forfait – de faire des heures supplémentaires, sous le prétexte qu’ils disposent d’un mode de garde. Or, il n’est pas permis qu’un enfant reste plus de sept heures dans une crèche.

Dans le cadre du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, nous avons beaucoup travaillé avec le ministre du travail sur le lien entre famille et entreprise. La CFTC a présenté, en septembre 2008, trente-quatre propositions sur les moyens d’articuler vie dans l’entreprise et vie familiale afin que les parents ne se sentent pas coupables d’avoir un enfant malade ou d’arriver en retard pour telle ou telle raison. La garde des enfants ne peut pas se faire sans les entreprises ni sans un changement de mentalité en la matière.

Nous sommes un peu déçus que le ministre du travail soit parti sans avoir fini son travail sur le temps partiel, notamment, sans qu’ait eu lieu la table ronde sur le temps partiel, pour lequel nous avions aussi des propositions. Les femmes qui décident de travailler à temps partiel le font souvent à cause d’un problème de garde d’enfant ou de reste à charge trop élevé. Une réflexion sur ce sujet ne peut pas se faire sans le monde du travail. Elle ne doit pas être cloisonnée, une partie étant menée à l’Assemblée nationale, une autre par le ministère du travail, une autre encore par le conseil supérieur de l’égalité professionnelle. La famille ne peut pas se construire sans l’entreprise tout comme l’entreprise ne peut pas fonctionner sans tenir compte de la vie familiale.

Les enfants de deux à trois ans ne nécessitent plus le même mode de garde que les tout-petits à la crèche mais ils ont encore besoin d’une éducation particulière. Les « jeter » tout de suite dans une école maternelle ne nous semble pas la bonne solution. Nous prônons donc la création de classes passerelles. Certaines entreprises l’ont déjà fait. Le Crédit Lyonnais dispose ainsi sur les grands boulevards d’une crèche qui accueille les enfants jusqu’à la fin de leur quatrième année : entre deux et trois ans, ils sont dans une classe un peu passerelle, de trois à quatre ans, la classe va, de temps en temps, rejoindre les autres enfants à la maternelle, les parents recevant les mêmes aides que leur enfant ait trois mois ou quatre ans. Cela permet une entrée en douceur dans le monde scolaire.

Je rappelle enfin que nous réclamons depuis bientôt trente-six ans l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes. Être une femme et avoir des enfants ne doit plus être un handicap par rapport à l’homme. On ne doit plus choisir son mode de garde par rapport au montant de la fiche de paye mais en fonction de sa disponibilité et de sa compétence.

Mme la rapporteure. Le nombre de places en accueil collectif progresse légèrement depuis quelques années. Il est vrai que cette progression est masquée par le fort taux de natalité – 840 000 nouveau-nés en 2008 – et par le retrait, depuis deux ans, d’un certain nombre d’enfants de deux et trois ans de l’école maternelle. C’est sans doute ce qui a pu conduire à parler de « régression ».

Nous aimerions que vous nous fassiez connaître par écrit votre point de vue sur un certain nombre de sujets, dont certains ont été évoqués mais que nous n’avons hélas plus le temps de traiter en profondeur :

– l’accueil des enfants de deux et trois ans. Je rappelle que, quand un enfant entrait à la maternelle à deux ans, l’accueil était gratuit. Les classes passerelles semblent une bonne solution. Il convient de réfléchir à leur financement par la collectivité et les familles ;

– l’allongement du congé de maternité ;

– les moyens de rendre plus attractif le métier d’assistante maternelle. Comment analysez-vous les raisons du fort taux de chômage qui frappe actuellement les assistantes maternelles ?

– que pensez-vous de l’idée de raccourcir le complément de libre choix d’activité et de le partager entre le père et la mère ?

– quelle est votre opinion quant au fractionnement du CLCA ou du COLCA jusqu’au 16 ans de l’enfant ?

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de M. Pierre Triadou, membre de la commission sociale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), accompagné de M. Philippe Chognard, conseiller technique à la direction des affaires sociales, et de Mme Sandrine Bourgogne, assistante auprès du secrétaire général, et Mme Fabienne Munoz, membre du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), représentant l’Union professionnelle artisanale (UPA), accompagnée de Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale. Vous connaissez le thème sur lequel notre mission a choisi de travailler et nous attendons aujourd’hui de vous des avis, des analyses, mais surtout des propositions concrètes.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. Simplification des prestations, élargissement des modes de garde, solvabilisation des familles, conciliation entre vie familiale et vie professionnelle : tels étaient les objectifs assignés à la PAJE. Cinq ans après son lancement, l’occasion nous est donnée d’en faire le bilan et il nous a paru en effet important de recueillir votre avis.

Considérez-vous en particulier que le système est équitable, que les aides sont efficaces pour les familles, qu’elles permettent aux salariés – en particulier aux femmes, qui sont souvent les plus directement concernées par les tâches domestiques – de concilier vie familiale et vie professionnelle ? Comment faire en sorte que les pères prennent toute leur place ?

M. Pierre Triadou, membre de la commission sociale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME). Si le dispositif de la PAJE ne simplifie pas forcément les démarches, regrouper en un seul système l’ensemble des aides à l’accueil de la petite enfance répond à l’objectif recherché. Cela est également utile aux jeunes ménages, par l’harmonisation des réponses aux contraintes de la vie familiale et de la vie professionnelle, ainsi qu’aux entreprises qui bénéficient d’une meilleure implication et d’une diminution du stress des salariés.

Ce système s’est révélé coûteux parce qu’il n’avait pas été possible de bien l’évaluer préalablement mais il est efficace puisqu’il accompagne – pour ne pas dire qu’il la suscite – une hausse de la natalité dont la France peut s’enorgueillir.

La PAJE est une compensation financière et elle est donc très certainement perfectible sur le plan humain, le chantier restant également ouvert sur les plans individuel, local, collectif et associatif. On doit en particulier s’efforcer d’améliorer la formation des assistantes maternelles, de fluidifier le marché car aujourd’hui certaines assistantes sont au chômage alors que l’on manque de place pour les jeunes enfants. Mais, au total, on peut considérer qu’on est sur la bonne voie.

Il convient donc de pérenniser ce dispositif, d’autant que l’universalité des versements quelle que soit la situation des ménages permet de couvrir largement le spectre des personnes concernées. Sans doute faut-il toutefois améliorer la gestion des prestations, en particulier en regardant de plus près la répartition entre les prestations familiales non prioritaires et la gestion interne des caisses, dont l’organisation est actuellement en discussion.

M. Philippe Chognard, conseiller technique à la direction des affaires sociales de la CGPME. L’avantage de la PAJE tient au fait qu’elle regroupe les différents dispositifs préexistants et qu’elle donne ainsi une meilleure lisibilité aux destinataires. Toutefois, lorsqu’on entre dans le détail, on s’aperçoit que la lecture n’est pas tout à fait aussi aisée qu’il y paraît. En effet, si les quatre volets de la PAJE sont assez faciles d’accès, en revanche il est plus compliqué de déterminer si l’on doit s’orienter vers le complément du mode de garde ou vers le complément de libre choix d’activité. Il serait peut-être bon d’essayer de clarifier et de simplifier encore la déclinaison du dispositif.

Il faut aussi s’efforcer que le système bénéficie à tous ceux qui ont des enfants ou qui sont susceptibles d’en avoir, donc éviter d’aller vers des critères plus drastiques pour l’obtention des compléments.

La PAJE présente également l’avantage de compenser les déficiences relatives des modes d’accueil collectifs, en particulier dans les grandes métropoles. Le complément de mode de garde offre aussi une certaine liberté de choix entre garde à domicile et garde chez une assistante maternelle. Le CLCA à taux réduit permet à toutes les femmes – car se sont bien les principales bénéficiaires de ce dispositif – de mieux combiner vie familiale et vie professionnelle.

Vous nous avez aussi demandé, Monsieur le président, de vous faire des suggestions. La CGPME a déjà transmis des propositions à Mme Tabarot lorsqu’elle préparait son rapport. Il s’agissait toutefois moins de la PAJE que des modes de garde collectifs, en particulier en élargissant les possibilités de recours aux crèches, aux haltes garderies, voire aux crèches interentreprises. Cela suppose que ces modes de garde bénéficient d’un soutien plus efficace de l’État mais aussi des municipalités.

Mme Fabienne Munoz, membre du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), représentant l’Union professionnelle artisanale (UPA). Vous avez rappelé, madame la rapporteure, les trois grands objectifs fixés à la prestation d’accueil du jeune enfant dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 : simplification du dispositif d’aide à la garde ; diversification des modes de garde ; meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

En qualité de représentante des entreprises du secteur de l’artisanat, mon propos sera essentiellement centré sur ce dernier objectif. J’imagine que c’est bien sûr cette thématique particulière que vous souhaitiez entendre le monde de l’entreprise.

Pour autant je n’écarterai pas les deux premiers objectifs dont l’UPA considère qu’ils ont été peu ou prou atteints.

Il serait faux de dire que la mise en place de la PAJE n’a pas été source de simplification puisqu’elle regroupe six prestations antérieures différentes. Cela participe de la meilleure lisibilité dont a besoin l’éventail des prestations familiales de notre pays, qui relève encore trop souvent du parcours du combattant pour l’allocataire.

La PAJE a par ailleurs permis une meilleure solvabilisation des ménages en leur donnant davantage de moyens pour payer les différents modes d’accueil.

Elle a enfin – nous y étions attachés – préservé le principe du libre choix en garantissant la diversité des modes de garde offerts aux parents. Mais préserver le principe est une chose, en assurer l’effectivité en est une autre.

Or le troisième objectif assigné à la PAJE, c'est-à-dire permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale, ne peut être atteint de façon satisfaisante que si on est véritablement en capacité d’offrir un mode de garde, quel qu’il soit, adapté à la situation du salarié de sorte qu’il ne soit pas dans l’obligation de faire un choix contraint, par défaut.

Nous avons, dans l’artisanat, de nombreux métiers à forte densité féminine. En dépit d’avancées indéniables, la charge de la conciliation entre vie familiale et la vie professionnelle repose encore essentiellement sur les femmes. Et force est de constater qu’un pourcentage non négligeable de femmes qui se sont arrêtées pour garder leur enfant, l’ont fait non par choix mais en l’absence d’autre solution de garde. Ainsi, 25 % des parents qui gardent leur enfant le feraient par nécessité et non par choix. Or un tel choix contraint peut avoir des conséquences négatives non seulement sur la vie familiale, sur l’évolution professionnelle du salarié, mais aussi sur l’organisation et la bonne marche de l’entreprise où il travaille, aspect auquel, vous vous en doutez, nous sommes particulièrement sensibles.

Bien entendu, pour faciliter cette conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, l’entreprise peut agir notamment par le biais de l’aménagement des horaires de travail.

La flexibilité des horaires et le temps de travail partiel choisi relèvent pour l’essentiel de la responsabilité des entreprises. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, de telles mesures sont plus aisées à mettre en œuvre dans une grande entreprise que dans une petite structure. Une petite entreprise avec un effectif de 2 ou trois salariés est indéniablement fragilisée lorsqu’elle perd un collaborateur qui se retire du marché du travail ou qui se voit contraint de réduire son nombre d’heures pour garder son enfant, faute de solution adaptée. Cette fragilisation peut être accrue lorsque la qualification du salarié le rend difficilement remplaçable.

En dépit des difficultés, les entreprises et les partenaires sociaux ne sont pas restés inactifs : ils ont pris leur responsabilité dans l’aide aux parents salariés pour combiner travail et vie familiale.

En effet, le droit du travail, qui comporte un certain nombre de clauses relatives à la prise en compte de la vie familiale des salariés par les employeurs – droits à congés et autorisations d’absence à l’occasion d’événements familiaux notamment –, est complété par les conventions collectives qui peuvent prévoir des clauses spécifiques.

Les lois relatives aux « 35 heures » ont eu un impact sur l’organisation de la vie familiale des salariés, notamment sur celle des parents de jeunes enfants. Elles ont en outre relancé la négociation dans les entreprises, permettant ainsi d’inscrire à l’ordre du jour les questions de conciliation vie familiale-vie professionnelle.

La loi de 2005 sur l’égalité salariale, qui vise à réduire l’écart de salaire entre les hommes et les femmes en stimulant la négociation collective sur l’égalité, comporte plusieurs dispositions à ce propos.

Cependant, malgré cette palette de prestations et de services en matière d’accueil des enfants, les besoins restent non couverts : en dépit des importants efforts déployés, l’offre d’accueil reste insuffisante et inégalement répartie. Le rapport de Mme Tabarot est éloquent : répondre à la demande impliquerait de créer, tous modes de garde confondus, entre 300 000 et 800 000 places supplémentaires.

Si le constat chiffré est préoccupant, pour autant on ne peut nier les efforts déployés pour développer des dispositifs de garde d’enfants, condition indispensable à une articulation sphère privée-sphère professionnelle profitable aux salariés.

J’insiste à cet égard sur la mobilisation des entreprises pour soutenir le dispositif d’accueil des jeunes enfants, mobilisation favorisée par des incitations financières mises en place par l’État puisque les entreprises qui aident leurs salariés à concilier leurs temps de vie bénéficient de dispositifs d’allègements fiscaux et sociaux : crédit d’impôt famille, crédit d’impôt CESU, exonération de cotisations et de contributions sociales pour les subventions de fonctionnement de crèches d’entreprise ou interentreprises versées par les employeurs.

Pour autant les résultats de ces incitations demeurent pour le moins limités. Malgré des développements récents, le parc de crèches d’entreprise reste un appoint pour l’accueil des très jeunes enfants, loin derrière les structures publiques et les assistantes maternelles. Selon la CNAF, depuis 2004, 180 porteurs de projet seulement ont manifesté leur souhait de bénéficier des fonds de l’action sociale. En outre, seuls quelques très grands groupes se sont saisis de cet outil. En effet, les difficultés juridiques et pratiques et le coût financier rendent très difficile le développement de modes de garde collectifs d’entreprise ou interentreprises, si ce n’est pour des sociétés d’une certaine taille ou pour les zones où une mutualisation est possible. Les petites entreprises ne sont pas en mesure de proposer ces services à leurs salariés.

Qui plus est, soyons honnêtes, l’utilisation du « crédit impôt famille » relevait plutôt de l’effet d’aubaine puisque très peu d’entreprises ont déclaré des dépenses destinées à offrir des modes de garde collectifs à leurs salariés. Parmi la liste des dépenses éligibles au crédit d’impôt figurent également les sursalaires versés aux salariées en congé maternité. Or, ces dépenses, qui représentent la majorité des déclarations des entreprises, ont souvent été prévues dans les conventions collectives ou dans des accords d’entreprise avant même la mise en place de cette incitation.

La réforme du crédit impôt famille prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, devrait permettre de corriger ces effets et de redonner tout son sens à ce dispositif.

En tout état de cause, il est nécessaire de diffuser une information à toutes les entreprises car le dispositif est très mal connu, en particulier des PME et des TPE.

Je ne vous étonnerai pas en vous disant que, par essence, les entreprises du secteur de l’Artisanat, en raison de leur taille et de leur mode de fonctionnement, sont culturellement et philosophiquement ancrées sur des principes de solidarité et d’entraide. Ce n’est ni par contrainte ni par obligation mais bien par état d’esprit : nous avons le souci d’un patronat à visage humain. Les chefs d’entreprises artisanales pratiquent au quotidien une solidarité de proximité avec leurs salariés dans le cadre de l’entreprise mais aussi en dehors. Face aux événements familiaux qui touchent leurs salariés, les artisans adaptent en effet naturellement leur quotidien pour aider au mieux leur collaborateur. Nous tenons compte de la vie familiale de nos salariés dans l’organisation du travail et des horaires de nos entreprises, lorsque cela nous est possible. Grâce à notre adaptabilité nous venons, autant que faire ce peut, en complément aux offres de prestations familiales liées à un événement familial.

Nos entreprises sont dans une relation « gagnant-gagnant », car le taux d’activité professionnelle est étroitement lié à la qualité des réponses aux contraintes de la vie familiale.

Il existe à l’évidence une relation claire entre une offre de garde importante et un taux élevé d’emploi, en particulier des femmes. Une étude récente mise en avant par le rapport de Mme Tabarot montre que la création de 100 places de crèches permet de sauvegarder 15 emplois équivalent temps plein.

Notre secteur est reconnu comme une source majeure de création d’emplois. Sa capacité sera d’autant plus libérée que nous serons capables d’apporter les solutions adaptées, en particulier sur cette question de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.

Mme la rapporteure. J’aimerais que les représentants des syndicats d’employeurs nous donnent leur sentiment sur l’allongement éventuel du congé maternité et sur la possibilité de raccourcir le complément de libre choix d’activité, afin de tenir compte des difficultés que rencontrent les femmes à se réinsérer sur le marché du travail au bout de trois ans. Ne pourrait-on dans ce cadre envisager l’usage d’un compte épargne temps jusqu’aux 16 ans ou jusqu’à la majorité de l’enfant ? Ne conviendrait-il pas de permettre aux conjoints ayant opté pour le CLCA de bénéficier d’une formation – par exemple à temps partiel au cours du congé – afin de réintégrer plus facilement l’entreprise ? Pensez-vous enfin que le CLCA pourrait être partagé entre les deux parents ?

M. Pierre Triadou. L’allongement du congé de maternité n’est pas une priorité pour les entreprises, qui préféreraient largement un raccourcissement du CLCA, qui permet un retour plus rapide à son poste de travail, quitte à l’accompagner, en effet, d’une formation.

Le partage du congé entre les deux parents est une tendance qui nous vient des pays nordiques et qui est appelée à se développer progressivement, en fonction du poste occupé par l’un ou par l’autre.

Mme la rapporteure. On pourrait envisager de rendre ce partage obligatoire, au moins un certain temps, pour l’autre parent.

M. Pierre Triadou. Je ne pense pas que nous vous suivrions dans cette voie : il faut laisser les parents et les entreprises choisir librement l’organisation la plus souple et qui leur convient le mieux. Cela se fait déjà de façon informelle dans les PME, lorsque l’on choisit entre travail à temps partiel, travail à domicile, travail sur internet, etc. On procède à des arrangements dans le respect des intérêts des uns et des autres, surtout quand il s’agit de cadres à un niveau tel qu’on ne peut pas les remplacer, qui veulent rester dans le monde du travail et ne pas interrompre leur carrière de façon brutale, ce qui rend ensuite le retour plus difficile.

Mme la rapporteure. Des difficultés peuvent se poser lorsqu’un des parents a un salaire supérieur à l’autre, mais cela renvoie aussi à la nécessité de parvenir à la véritable égalité des femmes et des hommes dans le monde du travail.

M. Pierre Triadou. En effet, dans la discussion sur l’égalité, l’évolution des modes de garde et la combinaison, éventuellement au cours d’une même journée, de différents types de garde sont des éléments importants. Le manque de fiabilité de la présence des femmes au travail est souvent avancé comme justificatif des différences de salaires. Si cette difficulté est résorbée, la différence de salaires va naturellement se réduire, d’autant que le travail sur internet est désormais plus fréquent que le travail en force. Cette évolution s’accompagnera de discussions mais elle me paraît inéluctable. On peut donc avoir confiance dans l’avenir et dans l’attitude des entreprises, qui ont tout intérêt à ce que leurs collaborateurs soient bien traités et se sentent à l’aise dans leur vie familiale comme professionnelle.

Mme Sandrine Bourgogne, assistante auprès du secrétaire général de la CGPME. La CGPME compte parmi ses adhérents beaucoup de très petites entreprises de moins de 25 salariés. Or, la taille de l’entreprise est essentielle quand on aborde ces problématiques : certes, la proximité entre le salarié et le chef d’entreprise permet souvent de négocier directement, mais ce dernier a besoin de disposer de l’ensemble de ses salariés et l’allongement du congé de maternité pourrait être difficile à compenser.

M. Philippe Chognard. Raccourcir le CLCA pourrait être un peu dangereux car cela obligerait à rechercher un autre mode de garde entre son arrêt et l’entrée en maternelle, qui n’est effective qu’à partir de trois ans. En effet, nous avons constaté que les entrées en maternelle à deux ans sont en nombre décroissant et portent à controverse parmi les personnels de l’Éducation nationale, sans doute insuffisamment formés pour cela.

Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement à l’UPA. Nous ne sommes pas très éloignés des positions de la CGPME.

Nos adhérents sont souvent des entreprises de moins de dix salariés pour lesquelles l’allongement du congé de maternité serait très compliqué, en particulier parce que nous avons besoin de personnels très qualifiés pour lesquels le marché de l’emploi est particulièrement tendu. Nous nous situons donc plutôt dans une logique d’adaptation d’horaires et de temps de travail. Pour autant, il ne paraît guère envisageable de réduire le congé de maternité car nous avons affaire à une population assez féminisée.

Cela vient d’être dit, limiter le CLCA à deux ans obligerait les parents à trouver un nouveau mode de garde entre deux et trois ans, au risque de les mettre dans une situation de stress qui aurait des effets au sein des entreprises car on sait qu’un salarié serein est plus efficace dans son travail.

Partager le congé entre les deux parents, pourquoi pas ? On sait bien que le choix se fait le plus souvent autour de la question salariale. En fait la situation dépend beaucoup du secteur d’activité. Ainsi, dans le bâtiment, les artisans sont souvent des hommes tandis que les femmes ont le statut de conjoint collaborateur et s’occupent des enfants.

Je ne suis pas certaine que l’idée de rendre obligatoire le congé en l’assortissant d’un crédit temps soit très adaptée aux très petites entreprises de l’artisanat.

Il est indéniable qu’il faut réfléchir à l’accueil en crèche collective et à la formation des assistantes maternelles, mais il ne me semble pas que cela relève des entreprises. Enfin la solution des crèches d’entreprises ne me paraît absolument pas adaptée à notre secteur.

M. Philippe Chognard. Le système actuel nous convient par sa souplesse, par la diversité des solutions proposées et par le fait que toute une gamme de choix est ouverte aux parents. Il ne faudrait pas aller vers des systèmes trop compliqués et trop contraints pour les parents – je pense en particulier à l’obligation d’un partage du congé entre les deux parents – et pour les PME, qui n’ont pas la capacité d’organisation des grandes entreprises.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons bien compris le message.

Marie-Françoise Clergeau a évoqué une idée qui m’est chère, celle du compte épargne temps. C’est un dispositif que j’ai fait simplifier et alléger mais je sais bien que les TPE et les PME ne s’y sont pas particulièrement investies car elles le voyaient comme un outil lourd et complexe.

Je pense néanmoins que vous auriez avantage à y réfléchir à nouveau car il présente pour vous un très grand intérêt. Outre que j’ai fait adopter des dispositions législatives pour le simplifier, il est désormais opposable au niveau de l’entreprise et non plus de la branche, ce qui lui garantit plus de souplesse dans le cadre du dialogue social. On ne peut plus par ailleurs lui reprocher une certaine insécurité comptable puisqu’il bénéficie maintenant d’un cautionnement de l’État, adossé à la Caisse des dépôts et consignations. C’est aussi un dispositif extraordinairement attractif tant pour l’entreprise que pour les salariés. Dans le cadre de la constitution de comptes épargne temps, les journées de congés qui y sont stockées et investies dans des plans d’épargne-retraite sont désormais totalement exonérées de prélèvements fiscaux et de cotisations sociales. Je rappelle enfin que tout ce qui est stocké sur le compte épargne temps et qui correspond en fait à des journées travaillées supplémentaires, n’est pas comptabilisé comme des heures supplémentaires.

M. Pierre Triadou. Mais la CSG s’y applique.

M. le coprésident Pierre Morange. Certes, mais cela n’empêche pas qu’il s’agit du dispositif le plus attractif.

L’avantage pour le salarié est tout aussi évident car le complément apporté par les PERP (plans d’épargne retraite populaire) et les PERCO (plans d’épargne retraite collectif) est une réponse aux dangers qui menacent l’assurance vieillesse, sans pour autant toucher aux principes fondateurs de la solidarité nationale et de la répartition et sans que le salarié soit obligé d’y consacrer une enveloppe spécifique.

Il s’agit donc d’un mécanisme gagnant-gagnant, qui s’inscrit dans le cadre du dialogue social et qui offre une grande souplesse aux entreprises. Celles que vous représentez auraient donc tout intérêt à réfléchir à ses avantages. Le décret d’application sera publié au début du printemps afin de permettre une généralisation d’un dispositif polyvalent, qui s’adapte à chacun des temps de vie du parcours professionnel – y compris ceux que nous avons évoqués ce matin – sans que la vie de l’entreprise ne s’en trouve menacée, et qui permet de prendre en compte la formation professionnelle. Au total, il est donc parfaitement adapté aux besoins des salariés comme de l’entreprise.

Mme Caroline Duc. Il y a un problème d’information, en particulier dans les petites entreprises qui n’ont pas de service des ressources humaines.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est bien pourquoi les représentants syndicaux ont tout intérêt à se faire les relais de ce système, grâce aux kits d’information que les institutions financières et les services d’expertise-comptable mettront à leur disposition pour promouvoir cet outil remarquable.

M. Pierre Triadou. Si l’on réfléchit à plus long terme, on s’aperçoit que c’est précisément la tranche de la population qui a aujourd’hui des jeunes enfants qui profitera, demain, de ce dispositif.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est un outil universel apte à répondre aux préoccupations des uns et des autres.

Je vous remercie.

La séance est levée à douze heures trente.