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Commission des affaires sociales

Commission des affaires culturelles familiales et sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 19 mai 2009

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Audition, ouverte à la presse, sur la prestation d’accueil du jeune enfant

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 19 mai 2009

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la Mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition de Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur la prestation d’accueil du jeune enfant.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame la ministre, bienvenue au sein de notre Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.

Nous vous remercions de nous présenter votre analyse de la prestation d’accueil du jeune enfant et les perspectives envisagées pour la politique d’accueil du jeune enfant.

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille, auprès du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Je vous remercie de m’avoir invitée à m’exprimer devant vous sur un des fleurons de notre modèle social et économique : notre politique familiale.

En France, 834 000 bébés ont vu le jour l’année dernière et le taux de fécondité s’est élevé à 2,018 enfants par femme. Même si le renouvellement des générations, qui nécessiterait un taux de fécondité de 2,06 enfants, n’est pas encore assuré, notre pays est champion d’Europe des naissances, ce taux n’étant que de 1,36 en Allemagne, 1,28 en Italie et 1,66 en Suède. C’est un enjeu important.

Les analyses nationale et européenne – j’ai reçu mes homologues européens à Paris le 18 septembre dernier au cours de la présidence française de l’Union européenne et je me suis rendue à Prague il y a quelques semaines pour poursuivre nos travaux sur la politique familiale – font apparaître que le dynamisme de la fécondité suppose d’augmenter, en même temps, le taux d’activité des femmes et l’offre de garde.

Dans les pays où le taux d’activité des femmes est élevé et l’offre de garde est insuffisante, le taux de natalité est bas. Les femmes sont obligées de choisir entre avoir des enfants ou exercer une activité professionnelle. En France, nous avons fait le choix, à travers notre politique familiale, de nous doter d’instruments qui reposent sur trois piliers, très observés au niveau international : la fiscalité et notamment le quotient familial, les prestations familiales et l’accompagnement de la maternité, le taux d’équipement en structures d’accueil. Notre taux de natalité est donc le résultat d’une politique familiale volontariste.

Depuis sa création en 2004, la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE – a accompagné et même suscité le dynamisme de notre fécondité et nous pouvons présenter un excellent bilan. La PAJE n’explique évidemment pas à elle seule le dynamisme de notre natalité, mais elle y participe incontestablement. Je vous rappelle que nous consacrons à notre politique familiale 88 milliards d’euros, soit 4,7 points de notre produit intérieur brut, c’est-à-dire deux fois plus que la moyenne des pays européens.

Quelques chiffres témoignent de la mobilisation du Gouvernement en faveur des familles. En 2008, près de 2,2 millions de familles ont bénéficié de la PAJE ce qui représente 11,2 milliards d’euros de prestations versées. Cette somme permet de financer la réponse globale aux besoins liés à l’arrivée d’un enfant que constituent la PAJE et ses composantes : prime à la naissance, allocation de base, complément de libre choix d’activité, complément de libre choix du mode de garde.

Quels étaient les objectifs du Gouvernement et de mon prédécesseur au moment de la création de la PAJE ?

Christian Jacob a souhaité simplifier et rendre plus lisible l’aide à l’accueil du jeune enfant en fondant les cinq prestations existantes en une prestation unique versée jusqu’aux trois ou six ans de l’enfant. Il a permis à 10 % de familles supplémentaires de disposer d’une prestation grâce à un relèvement du plafond de ressources de 37 %. Il a créé une nouvelle prestation, le complément mode de garde, qui permet, sans plafond de ressources, à l’ensemble de nos concitoyens de choisir entre l’accueil chez une assistante maternelle, la garde à domicile et l’accueil collectif. Le but était clair : diminuer les « restes à charge » des accueils individuel et collectif pour créer, à terme, une convergence garantissant, dans les actes, la liberté de choix du mode de garde.

La PAJE a parfaitement répondu aux trois missions qui lui étaient assignées et a permis de mieux accompagner plus de familles. Ainsi, l’objectif posé en 2003 de 200 000 bénéficiaires supplémentaires d’allocations d’accueil du jeune enfant est largement dépassé. Au 1er janvier 2008, environ 285 000 familles de plus qu’en 2003 bénéficiaient d’une aide. Aujourd’hui, plus de 90 % des familles ayant un enfant en bas âge accèdent à ce dispositif. C’est dire l’importance de la PAJE pour les familles de notre pays.

En outre, la mise en œuvre de la PAJE a contribué à la concrétisation d’un des fondements de notre politique familiale : garantir et aider le libre choix des familles. Liberté de travailler ou de cesser de travailler pour s’occuper de son enfant, liberté de choisir tel ou tel mode d’accueil sans qu’aucun obstacle financier ne puisse se présenter, ces principes font certainement le succès de notre politique familiale et nous sont d’ailleurs enviés par de nombreux pays, nos partenaires européens étant très intéressés par l’ensemble de nos dispositifs, que ce soit la PAJE ou les modes de garde diversifiés que nous sommes en train de développer.

De très nombreux indicateurs témoignent que cet objectif est atteint et, surtout, montrent l’effort du Gouvernement en faveur des familles les plus modestes. Ainsi, le « reste à charge » pour une famille disposant d’un revenu égal au SMIC après crédit d’impôt est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros en 2008 en cas de recours à une assistante maternelle, et de 89 euros à 52 euros si la famille s’adresse à une crèche. Une étude à paraître fin mai de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES –, intitulée « Les dépenses pour la garde des jeunes enfants », montre même que le coût de la garde d’un enfant est identique une fois déduites les différentes prestations financières et aides fiscales, que l’on ait recours à une assistante maternelle ou à l’accueil en crèche. Un tel résultat est sans nul doute une des réussites les plus marquantes de la PAJE.

La PAJE est aussi un dispositif lisible qui a considérablement simplifié la vie des familles. C’est fondamental car trop de parents ont souvent l’impression de devoir affronter un véritable parcours du combattant pour accéder à leurs droits. Lorsque l’on compare l’empilement des dispositifs qui existaient avant la création de la PAJE et la qualité du service rendu aujourd’hui aux familles, l’effort des gouvernements saute aux yeux ! Le dispositif « Pajemploi » qui permet de gérer le recrutement d’une garde à domicile ou d’une assistante maternelle en ligne contribue aussi à la satisfaction des familles, 85 % des déclarations étant aujourd’hui dématérialisées.

Certes, le coût budgétaire de la PAJE a été plus élevé que prévu : 1,1 milliard d’euros de plus entre 2004 et aujourd’hui, ce n’est pas rien. Mais les trois logiques – budgétaire, économique et sociale – sont liées, l’objectif étant de favoriser, d’accompagner la natalité, mais également de mettre en œuvre une politique visant à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, même si nous avons encore beaucoup d’efforts à faire en la matière.

La PAJE a connu un véritable succès. Les gouvernements antérieurs avaient estimé son coût en tablant sur un comportement identique. Or, la natalité a très fortement augmenté, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Surtout, la PAJE a eu un effet très bénéfique puisque les familles ont eu bien plus recours à l’accueil chez l’assistante maternelle, phénomène qui a coûté à lui seul 750 millions d’euros.

Je redis en outre que cette ambition a permis de soutenir notre natalité. Elle nous a aussi permis de parvenir à un taux d’emploi de 82 % des femmes de vingt-cinq à quarante-neuf ans et de consentir des efforts budgétaires à destination des assistantes maternelles, même si un recrutement massif est nécessaire, puisque nous avons besoin de créer 60 000 emplois supplémentaires à destination de la petite enfance pour accompagner les nouveaux modes de garde.

Tout ceci ne doit pas nous empêcher de réfléchir à certaines évolutions de la PAJE, notamment pour rendre le congé parental plus favorable à l’égalité homme - femme. C’est une priorité essentielle pour le Gouvernement.

Nicolas Sarkozy l’a souligné dans le discours qu’il a adressé aux familles le 13 février 2009 : le congé parental peut être à l’origine de nombreuses difficultés professionnelles, principalement bien sûr pour les mères. Un congé parental de longue durée, c’est une rupture dans un parcours professionnel, qui peut se traduire par une diminution des chances d’obtenir un meilleur salaire ou de retrouver un emploi, c’est parfois aussi une « trappe à inactivité ».

Deuxième constat marquant : sur les 586 000 congés parentaux pris dans le cadre du complément du libre choix d’activité (CLCA), seulement 1 % sont pris par des pères. Cela signifie que, encore aujourd’hui, malgré les immenses progrès réalisés en la matière, c’est toujours la femme qui est responsable des tâches ménagères – bien plus que les hommes –, c’est toujours la mère qui est considérée comme la principale responsable de l’éducation des enfants. Nous devons favoriser un meilleur équilibre au sein de la famille, pour aider les femmes dans leur carrière professionnelle.

Troisième et dernier constat : une femme sur deux qui a pris un congé parental dit l’avoir fait faute d’avoir trouvé un mode d’accueil adapté. Cela implique de continuer nos efforts pour développer l’offre de modes de garde diversifiés, comme s’y est engagé le Président de la République.

Vous comprendrez que ce sujet du congé parental est extrêmement complexe et nécessite un diagnostic clair quant aux motivations réelles du retrait du marché du travail et aux conséquences tant économiques que sociales d’un tel retrait. C’est pourquoi nous souhaitons confier au Haut conseil de la famille (HCF), qui se réunira dans les prochaines semaines, une réflexion sur l’évolution du congé parental.

Deux questions principales semblent devoir être examinées. Premièrement, le problème du retour à l’emploi pour les femmes qui viennent de prendre un congé parental. Comment faire concrètement pour qu’un congé parental ne soit pas un frein à leur promotion ? Le Président de la République l’a souligné, l’aménagement des horaires de travail et le recours au temps partiel sont certainement des évolutions souhaitables, que le Haut conseil à la famille examinera avec attention. Deuxièmement, l’objectif d’un meilleur partage du congé parental entre parents me semble être essentiel. En particulier, je souhaite que la possibilité de créer une période de congé réservée à chacun des parents soit étudiée, comme dans les pays du Nord. C’est la meilleure manière d’agir si l’on veut ancrer dans les faits l’égalité hommes-femmes.

Aujourd’hui, 70 % des Français attendent le développement des équipements et 30 % seulement des prestations familiales supplémentaires. Une étude récente du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) est formelle sur ce point.

200 000 places de garde supplémentaires seront offertes, conformément à l’engagement du Président de la République. Il est nécessaire de développer des modes de garde adaptés aux territoires, aux contraintes professionnelles des parents et aux attentes des collectivités locales, tout en tenant compte de notre souci budgétaire. À cet égard, il est possible d’imaginer des modes de garde à la fois de très bonne qualité et beaucoup plus simples dans leur mise en œuvre.

Pour atteindre ces 200 000 offres supplémentaires, le Parlement a adopté trois mesures législatives.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permet aux assistantes maternelles d’accueillir chez elles quatre enfants au lieu de trois. Je vous rappelle que dans les pays du Nord de l’Europe, elles peuvent en accueillir jusqu’à six. Grâce à cette possibilité supplémentaire, nous pouvons créer jusqu’à 50 000 places supplémentaires.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 permet également aux assistantes maternelles de travailler ensemble, à quatre au maximum, à l’extérieur de chez elles. Ce regroupement, qui permet d’offrir un accueil à horaires atypiques – tôt le matin, tard le soir –, est très demandé par les élus locaux, notamment en milieu rural. Il est expérimenté en Mayenne depuis 2006 et j’y ai vu – pour une fois – un maire de gauche, un député UMP et un président de conseil général centriste contents, des parents et des assistantes maternelles heureux et des bébés qui gazouillaient !

Dans le cadre du projet de loi de finances, le Parlement a relevé le crédit d’impôt famille destiné aux entreprises à 50 %, sur un plafond de dépenses de 2 millions d’euros, pour « booster » le dispositif des crèches en entreprise. Notre pays compte moins de 4 000 places dans les entreprises, notre objectif est d’en créer au moins 10 000 d’ici à la fin du quinquennat.

L’État a signé le 9 avril dernier la nouvelle convention d’objectifs et de gestion avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Après plusieurs mois de travail et de préparation, nous faisons un effort budgétaire de près de 1,3 milliard d’euros qui nous permettra de créer 100 000 places de crèches supplémentaires.

À travers ce dispositif, nous fléchons des places par le biais de l’expérimentation de 8 000 places en jardins d’éveil, qui seront des structures souples, reposant surtout sur le principe de mutualisation des moyens, avec un encadrement beaucoup plus important qu’en préscolarisation, car un enfant de deux ans est encore un bébé.

Nous souhaitons également flécher 1 800 places à destination des 215 quartiers prioritaires, dans le cadre du plan « Espoir banlieue ». Dans ces quartiers, le taux d’activité des femmes est nettement inférieur à la moyenne nationale et deux demandes récurrentes s’expriment : le désenclavement par le biais des transports et le développement des modes de garde. Ne pas pouvoir faire garder ses enfants à proximité est un handicap pour ces femmes si elles veulent aller travailler ou se rendre à un entretien d’embauche. Nous avons signé une convention avec Fadela Amara, et ces 1 800 places seront créées directement au cœur des quartiers, avec les offices publics de l’habitat. Les structures seront simples à mettre en œuvre, par le biais de regroupements d’assistantes maternelles ou de microcrèches dans des appartements aménagés.

En outre, j’ai signé un accord avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et la Caisse d’allocations familiales pour pouvoir ouvrir les crèches hospitalières de Paris et de l’Île-de-France, dont le taux d’occupation est d’à peine 70 %, aux familles habitant à proximité des hôpitaux mais n’y travaillant pas. Ce dispositif permettant d’optimiser les moyens et d’économiser 13 millions d’euros, j’ai signé le même accord avec les hôpitaux de Lyon, le directeur du centre hospitalier Le Vinatier m’ayant dit qu’il était à deux doigts de fermer sa crèche, occupée à 40 % ! Du coup, j’ai généralisé l’accord au niveau national avec Claude Evin, président de la Fédération hospitalière de France, mais aussi avec les hôpitaux et les cliniques privées.

À total, les financements du Fonds national d’action sociale de la CNAF affectés à l’ensemble de ces moyens de garde supplémentaires augmenteront de 7,5 % par an.

Enfin, je suis allée inaugurer à la CNAF un nouveau dispositif : le site internet www.mon-enfant.fr qui permettra aux parents d’être mieux guidés dans leur parcours, souvent compliqué, de recherche de places. Nous optimiserons ce dispositif d’ici à 2010 : les familles pourront alors connaître en temps réel les places disponibles là où elles souhaitent faire garder leur enfant.

Une politique familiale performante en termes d’enjeu démographique au sein de l’Union européenne ; des outils performants, en particulier la PAJE ; des objectifs clairs en matière de développement des modes de garde diversifiés pour mieux concilier vie familiale et vie professionnelle des parents, tout en les guidant dans leur parcours. Telles sont l’analyse et les perspectives de la politique d’accueil du jeune enfant en France que je tenais à vous présenter aujourd’hui.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure. La France compte environ 2,5 millions d’enfants de moins de trois ans. En sus des 330 000 places en structures collectives, des 700 000 places chez les assistantes maternelles et de l’accueil de 40 000 tout-petits à l’école maternelle, la CNAF a évalué les besoins de garde à 350 000 places.

Comment comptez-vous atteindre l’objectif de 200 000 places d’accueil nouvelles d’ici 2012 ? Alors que les annonces se sont succédées, 30 000 places en équipements collectifs seulement ont été créées depuis cinq ans. Par ailleurs, les assistantes maternelles – dont un grand nombre partira prochainement à la retraite – sont parfois réticentes à l’idée d’accueillir un quatrième enfant. La même réticence se faisant jour chez certains parents, comment parviendrez-vous à créer les 50 000 places supplémentaires ?

Les personnes que nous avons auditionnées nous ont expliqué que le reste à charge des familles était plus important pour les familles modestes lorsqu’elles confiaient leur enfant à une assistante maternelle. Or vous faites état d’une étude de la DREES selon laquelle la charge serait aujourd’hui la même que lorsque l’enfant est accueilli en crèche. Comment expliquez-vous une telle évolution ? De manière générale, est-il possible d’aider davantage les familles modestes et plus particulièrement les familles monoparentales ?

Concernant les jardins d’éveil, la PAJE permettra-t-elle de financer la participation des familles ? Vous avez privilégié le maintien de classes maternelles destinées aux enfants de moins de trois ans dans les ZEP. L’accueil gratuit et prioritaire dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP) des enfants de deux ans en maternelles sera-t-il pérennisé ? Dans ce cas, comment garantira-t-on l’équité territoriale, alors que certaines familles devront payer pour l’accueil de leur enfant en jardin d’éveil ? Par ailleurs, pensez-vous qu’il soit bénéfique pour l’enfant de connaître, avant ses six ans, trois lieux différents – la crèche, le jardin d’éveil, la maternelle ?

Je me réjouis d’apprendre que le Haut conseil de la famille, créé en octobre 2008, va enfin être constitué pour se voir confier une mission sur le congé parental. Sur ce même sujet, les concertations menées avec les partenaires sociaux dans le cadre de l’Union européenne ont-elles abouti ?

Mme la secrétaire d’État. Il faut cesser de raisonner selon le schéma « tout accueil collectif ». La création d’une place de crèche est onéreuse – coûts de construction et de fonctionnement – et prend du temps. La diversification des modes de garde permet d’aller plus vite.

Les assistantes maternelles ne sont pas obligées d’accueillir quatre enfants. C’est une possibilité qui leur est offerte, sous le contrôle de la protection maternelle et infantile – PMI – qui délivre l’agrément, et une solution supplémentaire pour les parents, qui y verront peut-être un avantage en termes éducatifs.

Ce dispositif s’accompagne d’un plan métier, lancé avec Valérie Létard. L’un des objectifs est d’attirer de nouvelles recrues – femmes et hommes – auprès du Pôle emploi et de convaincre les jeunes d’embrasser la carrière de la petite enfance lors de leur orientation scolaire.

Depuis peu, les assistantes maternelles qui s’installent dans des secteurs déficients en modes de garde reçoivent une prime allant de 300 à 500 euros. Par ailleurs, nous créerons des modules de formation dans le cadre des relais d’assistantes maternelles.

M. le coprésident Pierre Morange. Tout projet ambitieux s’inscrit dans le temps : il faut environ cinq ans pour créer une place de crèche. La réponse de court terme, qui vise à rationaliser et à optimiser l’existant, s’inscrit dans un dispositif global.

Il semble que la solution consistant à réunir plusieurs assistantes maternelles sur un même lieu – les microcrèches – ne bénéficie pas encore d’un cadre juridique et réglementaire stable. Qu’en est-il ?

Par ailleurs, alors que l’enveloppe financière consacrée à la PAJE est importante, la part des enfants accueillis en maternelles dans les zones sensibles est passée de 23 à 17 % ; les places de crèches qui seront créées seront absorbées par la réduction importante des capacités d’accueil en maternelles.

Enfin, nos auditions ont montré combien il était nécessaire de mettre en adéquation l’offre et la demande. Cela signifie, surtout au regard de l’effort budgétaire consenti par nos concitoyens, que l’information concernant l’offre disponible doit être maîtrisée, réactualisée en permanence et surtout centralisée.

Mme la secrétaire d’État. C’est l’objectif du site www.mon-enfant.fr, dont la nouvelle formule permet aux parents, grâce aux liens avec chaque département, d’obtenir une information précise quant aux places disponibles.

C’est vrai, cinq ans peuvent s’écouler entre la décision de construire une crèche et son ouverture. Mais lorsque les places sont réalisées par des fédérations de crèches privées, cela va beaucoup plus vite ! J’ai inauguré des crèches conçues et réalisées en six mois…

Les élus locaux et les parlementaires – de tous bords – se montrent très intéressés par le regroupement d’assistantes maternelles. Une convention type, rédigée avec la Direction générale de l’action sociale (DGAS), sera prochainement accessible sur le site de la CNAF. C’est une solution qui peut ne pas être onéreuse pour la commune – la mairie pouvant par exemple prendre en charge la location du lieu – et être souple, puisqu’elle ne nécessite pas d’engagement à long terme de la collectivité et ne crée pas de charges de fonctionnement.

Les jardins d’éveil sont en phase expérimentale et chaque année un bilan sera fait. Le dispositif a été lancé depuis un village de la Marne, où un jardin d’éveil est installé dans l’ancien bureau de poste.

Quasiment toutes les études pédo-psychologiques ont montré que la préscolarisation n’était pas souhaitable pour les moins de trois ans. L’encadrement des jardins d’éveil – trois personnes en permanence et deux personnels d’encadrement mutualisés pour douze enfants – est mieux adapté aux enfants, qui, par ailleurs, n’auront pas l’obligation d’être « propres ».

Les syndicats scolaires m’ont fait part de leurs craintes. Je répète que le Gouvernement est viscéralement attaché à l’école maternelle, dispositif unique au monde. Les jardins d’éveil ne signent pas la disparition de la maternelle, ils représentent un autre mode de garde, que Ségolène Royal avait en son temps appelé « jardin d’enfants ».

Mme la rapporteure. Que les deux-trois ans bénéficient d’un accueil personnalisé me paraît être une bonne chose. Cela dit, Ségolène Royal proposait de créer des jardins d’enfants – gratuits – dans le cadre de l’Éducation nationale.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Si j’ai bien compris, 8 000 places de jardins d’éveil seront réparties sur le territoire à titre expérimental.

Mme la secrétaire d’État. En fonction des projets présentés par les caisses d’allocations familiales (CAF).

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Les auditions nous ont montré combien les Français étaient attachés à leur école maternelle. Pour ma part, j’estime que l’accueil des deux-trois ans qu’elle assurait était de qualité et, de surcroît, gratuit. Celui-ci a été maintenu à titre prioritaire dans les ZEP parce qu’il est bien adapté aux besoins de populations fragiles. Qu’en sera-t-il demain ?

La mission menée par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les jardins d’éveil est-elle terminée ? Quelles propositions pensez-vous retenir ?

M. Georges Colombier. Les communes rurales défavorisées pourront-elles bénéficier de financements pour la mise en place des jardins d’éveil ?

Mme la secrétaire d’État. Nous sommes tous attachés à l’école maternelle. Mais en tant que secrétaire d’État à la famille, j’ai pour objectif de développer des modes de garde. L’Éducation nationale et la préscolarisation ne sont pas de ma compétence.

Que veut-on ? Des modes de garde adaptés aux deux-trois ans ou des modes de garde gratuits – encore qu’il soit faux de dire que l’école est gratuite, puisqu’elle est financée par l’impôt des contribuables ? Ce qui nous importe, c’est la qualité, non la gratuité : le jardin d’éveil, qui offre un meilleur encadrement, vient en complément, il ne nuit pas aux dispositifs qui continuent d’exister en ZEP.

Les financements sont croisés : l’entreprise, au titre de sa politique familiale, peut financer une place en jardin d’éveil. J’ai veillé à ce qu’en milieu rural, l’aide versée par la CAF – 3 200 euros par place – soit abondée de 25 % lorsqu’il n’existe pas d’autre mode de garde à proximité. Le coût pour la famille est calculé en fonction de son revenu mensuel – 27 euros pour un SMIC, 42,50 euros pour trois SMIC – et il est inférieur de 33 % au prix d’une place de crèche. Les jardins d’éveil sont ouverts au moins 200 jours par an et l’amplitude est au minimum de 8 heures.

S’agissant du reste à charge pour les familles selon les modes de garde, le coût horaire pour une famille percevant moins de 1 100 euros est de 0,60 euro pour une place en crèche et de 0,70 euro pour une place chez une assistante maternelle. Cette absence d’écart s’explique par l’augmentation de 50 euros du complément de libre choix du mode de garde décidée en 2008.

Mme la rapporteure. Le montant de la participation des familles modestes au jardin d’éveil peut demeurer dissuasif pour certaines, qui feront alors le choix de garder l’enfant à leur domicile. Pensez-vous pouvoir atténuer cette charge ?

Des échanges ont lieu au niveau européen sur le congé parental. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ?

Mme la secrétaire d’État. S’agissant du congé maternité, les dix-huit semaines en vigueur en France – si l’on ajoute aux seize semaines de congé normal les deux semaines de congé pathologique, placent notre pays au-dessus de la moyenne des pays européens. Nous confierons au Haut conseil de la famille – qui sera installé le 5 juin – le soin de réfléchir au congé parental et d’analyser un certain nombre d’éléments, comme les conditions de retour à l’activité.

M. le coprésident Jean Mallot. Comme nos différentes auditions nous l’ont montré, le système a plutôt bénéficié aux classes moyennes et aisées, ce que confirme la Cour des comptes. Doit-on alors moduler certaines prestations qui composent la PAJE en fonction du revenu des familles ? Ou doit-on s’en remettre à la fiscalité pour établir plus de justice sociale entre les familles ?

Nous sommes d’accord avec vous pour dire qu’il faut diversifier les modes de garde en fonction des situations familiales, des territoires et des situations sociales. Or l’adéquation entre la situation de la famille, notamment au regard de son revenu, et l’offre à laquelle elle peut prétendre ne peut pas être totale. Comment peut-on alors concilier une prise en compte du revenu des familles pour qu’elles ne pâtissent pas du système et le bénéfice du mode de garde le mieux adapté à leurs caractéristiques ?

Mme la secrétaire d’État. Il est vrai que l’on peut se dire que les familles modestes ne sont pas suffisamment aidées par ce dispositif et que trop de familles des classes moyennes le sont. Faut-il pour autant ne pas aider les classes moyennes ?

M. le coprésident Jean Mallot. Ce n’est pas la question que j’ai posée.

Mme la secrétaire d’État. La PAJE concerne 90 % des familles, ce qui me semble être un bon résultat.

Mon « ministère de la vie », comme j’ai l’habitude de l’appeler car il est le plus transversal qui soit, s’occupe de la politique familiale sous l’angle des prestations, mais aussi de toutes les autres formes d’aides. À cet égard, je pense aux familles monoparentales et aux familles modestes, que le revenu de solidarité active va aider de manière supplémentaire dans leur vie quotidienne en majorant leurs revenus.

Faut-il aller plus loin en matière d’aides aux familles modestes ? C’est une de mes réflexions s’agissant des modes de garde dans les secteurs les plus défavorisés.

J’ai reçu M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi avec lequel je travaille afin d’aboutir à la signature d’une convention avec l’ensemble des CAF et des collectivités locales, dans le but de définir des modes d’accueil d’urgence en direction des familles modestes qui veulent faire garder leurs enfants lorsqu’elles se rendent à un entretien d’embauche ou sont en recherche d’emploi, et qui bénéficieraient par exemple de tarifs nettement inférieurs. La politique familiale, c’est aussi cela.

Plutôt que la modification de la PAJE stricto sensu, je vous propose donc des dispositifs multiples et complémentaires.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous avez parlé de 88 milliards d’euros pour la politique familiale – dans son ensemble –, périmètre de l’Éducation nationale compris, je suppose. Pour notre part, nous considérons la politique familiale au sens large.

Mme la secrétaire d’État. Ce montant inclut les aides fiscales, donc le quotient familial, mais pas l’Éducation nationale.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous ne doutons pas de votre volonté d’aider aussi les familles modestes. Mais je le répète : tout le monde constate, y compris la Cour des comptes, que le système a plutôt creusé les inégalités, même si toutes les familles en ont bénéficié.

La méthode que vous préconisez pour aider les familles modestes va-t-elle contribuer à résorber ces inégalités ?

Mme la secrétaire d’État. Les indicateurs de performance montrent que le reste à charge pour les plus pauvres a baissé. Pour une famille disposant d’un SMIC, le reste à charge pour une assistante maternelle est passé de 123 euros en 2004 à 96 euros aujourd’hui. Pour les crèches, il est passé de 89 à 52 euros. Le dispositif a donc favorisé les personnes les plus modestes. Évidemment, on peut toujours faire mieux.

M. le coprésident Jean Mallot. Nous ne disons pas des choses différentes, mais nous n’en tirons pas les mêmes conclusions. Si vous versez beaucoup plus d’argent à toutes les familles, le dispositif bénéficie plus – en proportion – aux familles aisées qu’aux familles modestes. L’inégalité est là.

Mme la secrétaire d’État. Le complément mode de garde est un des éléments moteurs qui favorise l’activité des femmes, des plus modestes aux moins modestes. En ce sens, on peut se réjouir de l’efficacité du dispositif.

Je vous remets le dossier concernant l’expérimentation des jardins d’éveil, d’ores et déjà téléchargeable sur le site Internet du ministère, et que je vais faire parvenir à tous les élus avec un « kit » juridique et pratique sur les différents modes de garde et leurs conditions de mise en œuvre.

M. le coprésident Pierre Morange. Les normes exigées pour le nombre de mètres carrés de ces structures de garde alternatives que sont les jardins d’éveil, ainsi que pour le ratio et la composition du personnel d’encadrement devraient être, d’après ce que j’ai lu, moins rigoureuses que pour les crèches et haltes-garderies. Toutes les dispositions réglementaires sur ces sujets sont-elles précisées dans le kit ?

Mme la secrétaire d’État. Tout est précisé quant au personnel encadrant qui peut être recruté, mais pas aux mètres carrés pour lesquels les services de la protection maternelle et infantile (PMI) sont compétents.

Il y a d’importantes disparités entre les critères définis par les services de PMI. Des candidats se voient refuser l’agrément d’assistant maternel au prétexte que des rosiers sont ici, que deux marches sont là… En outre, la réglementation est trop stricte pour les crèches et l’accueil collectif.

Nous sommes donc en train de travailler à un référentiel national pour les PMI.

Le référentiel pour les assistantes maternelles est prêt ; nous le présenterons d’ici peu.

Le référentiel pour les crèches et l’accueil collectif est sur le point d’aboutir, grâce au groupe de travail sur la réglementation que j’ai mis en place.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour terminer, j’insiste lourdement sur le fait que tant qu’on n’aura pas une obligation et un partage des données dématérialisées entre les conseils généraux, les services de PMI, les communes, les caisses d’allocations familiales et les parents on n’avancera pas. C’est aussi de bonne gestion des deniers publics qu’il s’agit !

Mme la secrétaire d’État. Ce point est fondamental.

6 millions d’euros seront consacrés à la généralisation de l’information, pour aboutir à la mise place du site « mon-enfant.fr » de deuxième génération. Je précise que la prime à l’installation des assistantes maternelles ne leur sera versée qui si les informations les concernant sont mises en ligne sur ce site.

Je vais plus loin. Beaucoup de chiffres circulent, et vous avez vous-même dit tout à l’heure, madame la rapporteure, que la CNAF avait estimé les besoins à 350 000 places supplémentaires. Or la plateforme nationale, créée par la CNAF, dont j’ai lancé la première génération, permet d’accéder – grâce à des liens entre les sites, à l’information en cliquant sur le nom de sa région ou son département. Le site de deuxième génération sera opérationnel au premier trimestre 2010 et indiquera l’occupation des places d’accueil en temps réel pour l’ensemble du territoire.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci, madame la secrétaire d’État.

Nous serons très attentifs aux conclusions du Haut conseil de la famille, à qui vous allez proposer une réflexion sur le congé parental.

La séance est levée à dix-huit heures.