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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 5 novembre 2009

Séance de 8 heures

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Audition, à huis clos, sur le fonctionnement de l’hôpital

– M. Gilbert Chodorge, directeur général du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain- en-Laye

– Table ronde avec des responsables de pôles et de services administratifs du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye : 10

● Mme Gaëlle Fonlupt, responsable du pôle « activité », et Mme Joséphine Romano, directrice de la clientèle,

● M. Nicolas-Raphaël Fouque, responsable du pôle « ressources », et Mme Florence Ardilly, directrice des achats,

– Table ronde avec des directeurs ou anciens directeurs de services administratifs du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint- Germain-en-Laye : 19

● Mme Patricia Colonnello, directrice des affaires hôtelières, logistiques et biomédicales,

● M. Michel Louis-Joseph Dogué, ancien directeur des ressources humaines, directeur du Centre hospitalier Théophile Roussel de Montesson,

● Mme Viviane Humbert, directrice du projet « nouvel hôpital »

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 5 novembre 2009

La séance est ouverte à huit heures.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition de M. Gilbert Chodorge, directeur général du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur le directeur, je vous souhaite la bienvenue au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), dont les auditions sont consacrées cette année au fonctionnement interne de l’hôpital, en partant de cas concrets. Nous avons choisi le Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHIPS) dont la situation financière est extraordinairement dégradée. Le rapport de M. Paraire, directeur de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), est particulièrement éclairant. Toutes les procédures, ou presque, d’appel d’offres des marchés publics qu’il a examinés sont entachées d’illégalité. Quelles sont selon vous les raisons qui ont conduit à cette situation et quelles actions avez-vous menées pour y remédier ?

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Dans quel état avez-vous trouvé cet établissement à votre arrivée il y a deux ans ?

M. Gilbert Chodorge, directeur général du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. Je commencerai par un historique, celui de mon parcours professionnel et celui du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. Pour comprendre le fonctionnement de l’hôpital, il faut remonter à l’ancien cadre législatif et à l’organisation qu’elle sous-tendait.

Le Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est le quatrième établissement que je dirige. Après l’École de la santé, j’ai d’abord été directeur à l’Assistance Publique, puis directeur-adjoint d’un hôpital psychiatrique de la région parisienne, avant de passer huit ans au ministère de la santé puis d’être successivement directeur des centres hospitaliers d’Orsay, de Belfort-Montbéliard – issu d’une fusion – et de Saint-Denis où l’on m’a proposé de prendre la direction du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

La situation, vous avez raison, y était complètement anormale. D’habitude, le déficit d’exploitation est de l’ordre de 3 ou 4 %. Au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, il était de 14 %. Je suis vraiment étonné que la presse spécialisée n’en ait jamais parlé. La situation devait être connue, au moins du cabinet de la ministre.

Une sorte de cogestion administrative et syndicale existe au niveau de la direction des hôpitaux et du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG). D’ordinaire, le président du conseil d’administration choisit le directeur. En l’espèce, Antoine Perrin, qui était le directeur-adjoint du cabinet de la ministre, m’a demandé de poser ma candidature. Il m’a même imposé contre le choix du président du conseil d’administration.

En arrivant le 15 octobre 2007, je m’aperçois assez rapidement que les comptes ne sont pas sincères. Il y avait un arriéré d’une dizaine d’années de taxe sur les salaires et nous avons dû emprunter pour rembourser. La semaine prochaine, je dois d’ailleurs me rendre pour la troisième fois au Conseil d’État, devant le comité de contentieux fiscal, pour éviter d’avoir à payer des pénalités. La direction départementale des affaires sanitaires et sociales des Yvelines, qui doit contrôler les délibérations du conseil d’administration et les écritures, a dû être frappée de cécité trois ou quatre ans avant mon arrivée ! Le Trésor public également alors que, dans mes différents postes, j’avais été auditionné par les chambres régionales des comptes.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur le plan des responsabilités, vous parlez du prédécesseur de M. Paraire, qui n’aurait pas joué son rôle, et de la chambre régionale des comptes ?

M. Gilbert Chodorge. La chambre régionale des comptes fait un contrôle a posteriori. Elle m’interroge aujourd’hui sur la gestion de M. Buisson. Il n’est pas question pour moi de personnaliser. Mais vous me comprenez à demi-mot.

M. le coprésident Pierre Morange. Qui était chargé du contrôle de légalité ?

M. Gilbert Chodorge. Il y a eu un premier plan de retour à l’équilibre, appelé alors contrat de retour à l’équilibre, qui couvrait les cinq années antérieures à 2007. De l’argent a été injecté, mais il n’y a eu aucun contrôle. Le plan était alors piloté par Maryse Lépée, à l’époque numéro deux de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) d’Île-de-France, et maintenant à la retraite. À Saint-Denis aussi, il y avait un plan de retour à l’équilibre, mais nous avions des réunions mensuelles de suivi. C’était la même agence régionale de l’hospitalisation, qui couvre les huit départements, et les mêmes fonctionnaires. Il y a eu des ordres politiques. Mais ce n’est pas à moi de tirer ces conclusions.

Une fois découvert le vrai déficit, je suis obligé de faire un vrai plan de retour à l’équilibre. Nous sommes passés ainsi de moins 39 millions à moins 23,6 millions cette année, sachant que l’on va nous demander de ramener le déficit à 10 ou 12 millions. Or les tarifs hospitaliers diminuent chaque année, si bien que la réduction de moitié du déficit – de 24 millions à 12 millions – représente un effort bien plus important que les seules 12 millions d’économies. Je suis véritablement dans une économie de guerre.

Quand je découvre que les comptes sont faux, personne ne m’aide vraiment. Je mets à l’écart Joséphine Romano, et je fais venir une collègue compétente, Gaëlle Fonlupt. À ce stade, la profession me met à l’écart et on me demande de quitter mon syndicat. Mon agence régionale de l’hospitalisation me soutient, mais parle de « broutilles » quand j’explique que les anciens adjoints n’ont pas fait leur travail. Quant au centre national de gestion, il a toujours défendu les adjoints incompétents pour les aider à ne pas perdre la face.

S’il y a une leçon à tirer, c’est qu’il ne suffit pas de changer le chef d’établissement défaillant – qui a tout de même été promu conseiller général des établissements de santé. Un hôpital, c’est une petite entreprise. Avec un budget de 260 millions, si vous n’avez pas de directeur financier, pas de responsable du personnel, pas de responsable de la logistique, vous ne pouvez pas faire grand-chose. Avant de chercher les responsabilités, il faut chercher les causes des dysfonctionnements. Je ne suis pas meilleur que d’autres, mais je suis expérimenté. Si on change le chef d’établissement, il faut laisser le nouveau s’entourer de gens compétents.

Dans le premier plan de retour à l’équilibre, l’argent prélevé sur les crédits des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC), votés dans le cadre de l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM), n’a servi à rien, puisque le déficit a continué de s’accroître. Quant à M. Dogué, le directeur des ressources humaines, il a trouvé un poste dans un établissement voisin – un peu grâce à moi, selon lui, ce qui n’est pas faux. Quand on veut réorganiser, il faut déclencher une crise, comme l’a fait mon collègue qui est arrivé à Versailles en même temps que moi.

La tarification à l’activité (T2A) a révolutionné les compétences. Avant, un directeur d’hôpital ne se souciait pas de ses recettes, il ne se préoccupait que de ses dépenses. Aujourd’hui, j’ai une ligne de trésorerie de 20 millions, et tous les matins je dois faxer à ma banque avant dix heures mon besoin de trésorerie.

M. le coprésident Pierre Morange. Existe-t-il à votre connaissance des cas similaires au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye ?

M. Gilbert Chodorge. Sur le plan national, je pense à Nancy, encore qu’une inflexion récente ait eu lieu ces deux dernières années, sous l’impulsion de Mme Annie Podeur, directrice de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, qui cherche à nommer des gens compétents, en particulier, le nouveau directeur de Nancy.

M. le coprésident Pierre Morange. Et dans les Yvelines ?

M. Gilbert Chodorge. Il reste des établissements hors T2A : les établissements psychiatriques. Les établissements astreints à la T2A sont, eux, obligés de présenter des comptes sincères. Mon adjoint incompétent a été mis à la tête d’un hôpital psychiatrique.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous en dire plus ?

M. Gilbert Chodorge. J’ai déjà subi assez de pressions. Je dirai simplement que la profession est cogérée par les syndicats du ministère de la santé.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Tous les établissements ne sont pas déficitaires, même après avoir changé de mode de gestion. Au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, le déficit est en quelque sorte structurel. Vous êtes-vous interrogé, au-delà des incompétences, sur la fusion décidée en 1997 ?

M. Gilbert Chodorge. Au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, deux phénomènes se conjuguent.

Tout d’abord, un manque total de préparation au passage à la T2A. Dans sa sagesse, le législateur avait d’ailleurs prévu des paliers. Les cliniques, elles, facturent depuis toujours. Les hôpitaux, eux, vivaient de leur dotation globale, et recevaient des douzièmes. D’une façon générale, mes collègues ont géré, mais en surveillant les dépenses. Dans le cas précis, le chef d’établissement n’a pas suivi la révolution copernicienne de la T2A ; il ne s’occupait pas d’informatique. Les gens étaient peu adaptés, mais il y en a qu’on a pu recycler, par exemple l’ancienne directrice financière.

Ensuite, la persistance des difficultés, douze ans après la fusion. Que ce soit à Belfort-Montbéliard, ou à Quimper-Concarneau, seules les premières années ont été difficiles, après la mise en place d’une nouvelle administration. La fusion entre Poissy et Saint-Germain-en-Laye, décidée à l’initiative d’un homme, Michel Péricard, maire de Saint-Germain-en-Laye, et qui est décédé l’année suivant la décision, n’a pas été ensuite appuyée par une volonté politique, et la fusion est restée virtuelle : administrative, mais pas médicale. Les économies de frais de structure – un seul directeur financier, un seul directeur des achats,… – ne sont que la partie émergée de l’iceberg. L’important, ce sont les synergies médicales. Résultat : on a toutes les charges en double : gardes de nuit, réduction du temps de travail des médecins et des personnels, etc.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Comment est-on passé de deux établissements séparés à peu près en équilibre, à un établissement unique déficitaire ?

M. Gilbert Chodorge. Premièrement, les comptes étaient faux. Avant la T2A, le mot « déficit » n’avait pas de sens en raison de l’absence de sincérité dans les comptes. Pendant dix ans, on n’a pas payé la taxe sur les salaires. Dans le secteur privé, les commissaires aux comptes n’auraient pas certifié les comptes. Il aurait fallu aussi enregistrer les charges liées à la réduction du temps de travail dans un compte hors-bilan.

Deuxièmement, le directeur devait faire avec un budget global, c’est-à-dire passer son temps à récolter le plus de crédits possibles auprès de l’agence régionale de l’hospitalisation et de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Reprenez les plaquettes éditées par mon prédécesseur. Elles vantaient un établissement de 1 500 ou 1 600 lits, le plus grand hôpital hors Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), aux équipements toujours nouveaux. La chute n’en a été que plus dure. C’était ce que le privé reprochait à l’hôpital public : l’équilibre n’était qu’apparent.

Les hôpitaux fonctionnaient parfaitement sous l’empire du budget global. Simplement, dans chaque région, certains vivaient au-dessus de leurs moyens. Le budget global créait une sorte d’économie de la rente. Je ne suis pas sûr d’ailleurs qu’au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, il y ait jamais eu un vrai équilibre comptable, puisque, déjà, on n’y payait pas la taxe sur les salaires. C’est en tout cas certainement à partir de 2000-2001 que les comptes se sont progressivement dégradés.

Troisièmement, la fusion n’aurait pas dû se faire avec les gens en place. Quand on m’a nommé à Montbéliard, le directeur auquel je succédais venait de partir en retraite et le directeur de Belfort était parti à Metz. Or, on a nommé à la tête du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye le directeur de Poissy. Quand on sait la sensibilité des élus locaux, des médecins, de la population, la seule conclusion qu’ils pouvaient en tirer c’est que Poissy avait absorbé Saint-Germain. Le maire de Saint-Germain continue d’ailleurs à me demander de le protéger de Poissy – un hôpital qui n’existe plus depuis douze ans ! Confier la responsabilité de la fusion à un des acteurs en place revient quasiment à la condamner.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons été frappés, à la suite de l’audition de M. Paraire, le directeur de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, par l’insuffisance spectaculaire des recettes autres que budgétaires, et par le non-respect des procédures prévues par le code des marchés publics. Quelle est la part de la responsabilité de la fusion, confiée, de fait, à Poissy ?

M. Gilbert Chodorge. Que le directeur de Poissy soit devenu le directeur de l’ensemble a eu pour conséquence de le laisser en place pendant dix-neuf ans. C’est beaucoup. Je suis resté huit ans au poste que j’ai occupé le plus longtemps. Le principe devrait être le même que pour les préfets. Au bout de cinq ou six ans, en effet, la routine s’installe. Je crois savoir qu’il y a eu aussi des problèmes au niveau du partage de la présidence du conseil d’administration. L’impression que Poissy l’avait emporté s’est alors transformée en certitude.

En ce qui concerne la facturation, quand je quitte Belfort-Montbéliard en 2003 pour Saint-Denis, la T2A en est à ses prémices, mais la couverture maladie universelle (CMU) de base, la CMU complémentaire (CMUC) et l’aide médicale d’État pour les étrangers en situation irrégulière ont été mises en place. J’ai alors changé le système informatique – le sujet de l’informatique hospitalière mériterait d’ailleurs que vous vous y intéressiez – et créé des caisses décentralisées afin que les secrétariats médicaux prennent l’identité des gens. Nous sommes dans un pays où la couverture est presque universelle et où les syndicats répètent qu’ils ne veulent pas embêter les gens en les faisant payer. Mais à partir du moment où on impose une convergence entre le public et le privé, il faut que tout le monde paie, quitte, en contrepartie, à ouvrir des droits sociaux.

La Poste nous retourne tous les jours des factures avec la mention « N’habite pas à l’adresse indiquée ». Il faut donc s’assurer des coordonnées des gens car une carte Vitale peut s’emprunter ou se faire voler. Une application permet, en accord avec la Sécurité sociale, de vérifier, à partir de la carte Vitale, si les droits sociaux sont ouverts, système qui n’avait pas été mis en place à Poissy-Saint-Germain. Aussi, j’essaie avec la nouvelle équipe de direction et d’un consultant de former toutes les secrétaires médicales aux nouvelles règles de facturation pour faire payer les patients à la source. Avec le ticket modérateur, ils paient trois ou quatre euros. Sinon, ils reçoivent la facture six mois après à leur domicile et dans ces conditions, soit ils n’ont pas de droits sociaux et ils ne peuvent donc pas payer, sachant que le moindre séjour hospitalier coûte 5 000 ou 6 000 euros, soit ils laissent traîner, ce qui pèse sur la trésorerie et ce qui explique que le travail qui nous incombe soit dur, faute d’avoir été fait en temps utile.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. À quelle hauteur situez-vous la sous-facturation ?

M. Gilbert Chodorge. Il m’est difficile de vous répondre. Quand je suis arrivé, la décision avait déjà été prise de changer le système informatique à la fin de 2007. Mais il ne portait que sur les recettes, pas sur les dépenses. C’est ce qui explique le changement apporté depuis. Un logiciel, utilisé au sein de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), nous a ainsi permis de récupérer 7 ou 8 millions d’euros sur 2007 et 2008. On n’arrivera jamais à 100 %. Aujourd’hui, sur un budget de 260 millions d’euros, j’ai à peu près 100 millions d’euros de recettes T2A. Même si je recouvre 80 %, ce qui relève du miracle avec une organisation aussi chaotique, il me manquera 20 millions.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Nous voudrions y voir clair dans la gestion du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, mais nous voudrions pouvoir tirer des enseignements généralisables à d’autres établissements. Certains dysfonctionnements, ceux liés à la fusion ou aux insuffisances professionnelles, sont amplifiés par rapport à ce que l’on peut constater ailleurs. Mais d’autres sont, du moins peut-on l’espérer, plus spécifiques comme le non-respect de la réglementation souligné par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales dans son rapport sur les marchés publics : sur dix-neuf marchés étudiés, quinze sont passibles du tribunal !

M. Gilbert Chodorge. Je le répète à mes adjoints, avec la T2A nous sommes tous directeurs des finances. Il ne suffit plus que le directeur des ressources humaines contrôle ses dépenses de personnel, l’économe ses dépenses d’économat, et ainsi de suite. Il faut pouvoir aider le médecin qui augmente son activité et ses recettes en lui fournissant plus de personnel et plus de matériel. C’est ce qu’on appelle le détour productif.

La direction des finances exerce désormais trois fonctions, souvent distinctes dans les grands CHU : la facturation-recouvrement, l’élaboration du budget et la tenue des comptes – fonction classique de la direction des finances – et le contrôle de gestion. Pour le moment, au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, seules les deux premières sont assurées respectivement par Mme Romano et par Gaëlle Fonlupt.

Le contrôle de gestion sert à connaître les coûts directs de chaque équipe médicale. Les coûts indirects étant plus difficile à cerner, j’ai embauché récemment deux contrôleurs de gestion, l’un qui vient d’un hôpital de Bretagne et l’autre, une jeune femme, qui sort d’une école de commerce. Aujourd’hui, de nombreux hôpitaux n’ont pas de contrôleur de gestion. Or, l’analyse médico-économique ne suffit pas, il faut la traduire en langage médical. Un cardiologue compte ses pontages coronariens, mais ne se préoccupe pas de savoir si l’on gaspille le combustible du chauffage. En T2A, l’étude nationale des coûts sert à calculer les tarifs, ce que ne comprennent pas certains médecins.

M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant des appels d’offres, vous avez demandé un complément d’enquête à M. le directeur départemental de l’action sociale, M. Paraire, après les illégalités qu’il avait constatées sur les marchés, par exemple l’acquisition en 2007 par l’hôpital d’un matériel de radiothérapie datant de 1999, c’est-à-dire doté d’une technologie vieille de dix ans.

M. Gilbert Chodorge. Ce cas illustre la gestion des hôpitaux et la tutelle hospitalière. Quand j’arrive, je n’ai aucune raison de suspecter mes collègues. On m’a envoyé au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye pour rétablir l’équilibre financier sans que personne ne m’ait dit qu’il y avait un problème relatif aux marchés. Or voilà qu’en me rendant à une conférence sanitaire de secteur, l’inspecteur principal m’annonce que ses membres ont convoqué la directrice-adjointe chargée des services économiques pour lui demander des explications sur les marchés. C’est la première fois en trente ans d’expérience que je vois convoquer quelqu’un pour lui demander des comptes sur les marchés, sans prévenir son patron !

Quelques mois plus tard – c’est là que je me suis définitivement fait mal voir de ma profession alors que je ne faisais que constater une pratique inhabituelle – j’ai demandé à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d’intervenir. Il a fallu changer les serrures parce que les pièces disparaissaient et que l’on retrouvait des boîtes d’archives vides. M. Paraire m’a dit pour sa part qu’il transmettrait au procureur. Cela fait presque six mois, et il ne s’est rien passé.

Je prendrai un exemple. Depuis août, une machine quasiment neuve, puisqu’elle était en service depuis dix-huit mois, connaissait des pannes répétées avant de tomber définitivement en panne. La tutelle me demandant des comptes à propos d’une machine mise en route un mois et demi avant mon arrivée, je fais alors rechercher l’ensemble du dossier. C’est là que je me rends compte que certaines boîtes étaient vides. Selon l’historique, la commission d’appel d’offres avait procédé à l’ouverture des plis en septembre 1999 pour deux machines, avant que la commission compétente en matière de choix ne siège en novembre. Les deux machines étaient destinées au service de radiothérapie qui devait ouvrir en 2001 à Poissy, projet qui fut par la suite abandonné. Autant pour l’hôpital à Chambourcy, je vais commencer à acheter les matériels six mois voire un an avant son ouverture, autant là on annonçait une ouverture en 2001 sans même avoir déposé de permis de construire ! Un acompte, au sujet duquel j’ai fait un rapport circonstancié, a pourtant été versé en 2002 à Siemens – choix logique puisque les négociations avaient principalement lieu avec cette société –, sachant qu’en novembre 1999, on était passé à un marché négocié après avoir jugé, en invoquant des options trop nombreuses, que les offres n’étaient pas comparables.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Quel est le prix de ces machines ?

M. Gilbert Chodorge. Aujourd’hui, elles valent 1,3 million chacune contre de l’ordre de 1 million à l’époque.

M. le coprésident Pierre Morange. Un acompte a donc été versé en 2002 pour un matériel qui reposait sur un concept flou.

M. Gilbert Chodorge. En 2005, le centre est construit à Saint-Germain-en-Laye, et le marché est confirmé pour un prix inchangé afin d’éviter un nouvel appel d’offres. Si le prix ne change pas – j’ai les lettres commerciales de Siemens –, c’est à cause des options : il y en a moins.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pourtant, tout était caduc en 2005. Il aurait fallu relancer le marché.

M. Gilbert Chodorge. En droit, vous avez raison. Il y a eu un échange de lettres commerciales entre l’hôpital et Siemens qui, « au nom des bonnes relations », a maintenu le prix. Début 2007, un avenant est alors rédigé par l’hôpital pour régulariser ce marché qui porte le numéro 2000-152, et Siemens signe le 30 juin 2007. Le centre ayant ouvert le 1er septembre, je suis persuadé que tout cela est antidaté. Je connais trop les fournisseurs pour ignorer qu’ils ne livrent pas une machine sans être assurés du paiement. Chez Siemens, il y a un contrôleur de gestion !

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Chez Siemens aussi, ils connaissent le code des marchés publics.

M. Gilbert Chodorge. On aurait pu aussi dire à Siemens que, depuis le versement de l’acompte, il y avait eu des améliorations technologiques et qu’on ne voulait plus de la vieille machine.

M. le président Jean Mallot, rapporteur. Entre-temps, un autre fournisseur aurait pu commercialiser une autre machine moins chère. Il fallait, sans hésiter, relancer l’appel d’offres.

M. Gilbert Chodorge. Nous sommes d’accord. La procédure de 1999 devrait être soumise à enquête. De toute façon, même si le marché initial avait été correct, ce qui s’est passé en 2005 et 2007 pose problème. Ce n’est pas à moi à accuser telle ou telle personne. Mais tout ça n’a pas été fait sans ordres. Je vois mal un adjoint décider. Alors, est-ce venu du président du conseil d’administration de l’époque, du directeur, de pressions industrielles et syndicales ? Je n’en sais rien. C’est pourquoi j’ai écrit pour demander à M. Paraire d’enquêter. On en revient au même malaise. Comment a-t-on pu laisser les choses se dégrader ainsi ? C’était Le Bateau Ivre.

Une fois nommé, je me suis adressé à l’agence régionale de l’hospitalisation, laquelle m’a adressé à un consultant, Capgemini, en me répétant qu’elle me soutenait. Il aurait fallu que le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation soit entendu par le conseil d’administration et demande aux élus d’arrêter les pressions. L’inspecteur principal que l’on m’a envoyé arrivait à peine à prendre la parole. S’il n’y a pas de volonté de l’administration et de l’ARH-ARS (agence régionale de santé) de mettre un terme aux déficits, il y en aura toujours. Pourtant, le retour à l’équilibre est possible.

Je n’attends qu’une chose de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), que le conseil de surveillance définisse une stratégie. Il ne s’agit pas d’écarter les élus, mais ce n’est pas à eux de passer les marchés et les écritures comptables. À l’agence régionale de santé d’élaborer la politique de santé régionale, et à nous de l’appliquer chacun dans notre domaine.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. On peut discuter des règles de responsabilité, mais, en tout état de cause, elles sont claires. Vous dites qu’il est possible de revenir à l’équilibre. Certes, mais on peut être en déficit pour des raisons respectables, à condition que la législation soit respectée, que les outils de gestion existent et qu’ils soient utilisés. Au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, on a vraiment l’impression que tout dysfonctionne.

M. Gilbert Chodorge. Nous sommes en train de remettre de l’ordre. Je dispose aujourd’hui d’un tableau de bord de trésorerie, d’un suivi des effectifs. À mon avis, le déficit caché était de l’ordre de 44 millions d’euros. On est passé à 30 millions, puis à 26 millions. Mais un claquement de doigts ne suffit pas. En 2009, on doit être à 80 % des objectifs. Quand je suis arrivé, j’avais l’impression d’être dans un pays du Sud. Le directeur des ressources humaines de l’époque, M. Michel Louis-Joseph Dogué, m’a expliqué qu’il ne suivait pas ses dépenses de personnel.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Il ne voulait pas, ou il ne pouvait pas ?

M. Gilbert Chodorge. Il ne pouvait pas parce qu’il ne s’en donnait pas les moyens. Le seul outil à sa disposition, c’était sa cotisation aux œuvres sociales, calculée en pourcentage de la masse salariale.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour information, ce monsieur vient d’être nommé directeur du centre hospitalier de Montesson.

M. Gilbert Chodorge. Il faut continuer à améliorer nos outils, mais c’est aussi un problème culturel. Quand nous sommes arrivés en décembre 2007, certains médecins, en commission médicale d’établissement, nous ont ri au nez. Cela faisait dix ans qu’on leur répétait que l’hôpital était en déficit et il ne se passait rien. Si Dexia, ma banque, me coupe ma ligne de crédit, je ne pourrai pas assurer la paye, mais je suis le seul à m’en inquiéter. Depuis mon arrivée, nous avons tenté d’instaurer un dialogue médico-économique, en mettant au point un compte de résultat par activité. Les tableaux de bord sont diffusés par notre intranet. Mais cela remonte à un semestre seulement.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur le directeur, nous prenons acte de vos efforts – et de vos résultats – pour redresser les comptes du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, après la dégradation spectaculaire de sa situation financière dans les années antérieures.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l’audition, sous forme d’une table ronde, de responsables de pôles et de services administratifs du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye : M. Nicolas-Raphaël Fouque, responsable du pôle « ressources », et Mme Florence Ardilly, directrice des achats, Mme Gaëlle Fonlupt, responsable du pôle « activité », et Mme Joséphine Romano, directrice de la clientèle.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) a choisi de s’intéresser au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye (CHIPS), un établissement largement déficitaire, en espérant pouvoir en tirer quelques enseignements pour d’autres établissements, même si toutes ses caractéristiques ne sont pas généralisables.

Depuis deux ans, un nouveau directeur général a mis en place des outils de gestion pour remédier aux dysfonctionnements. À votre avis, d’où ceux-ci proviennent-ils ? Les difficultés semblent tenir à la fois de la méconnaissance, de l’opacité et même du non-respect des règles de droit puisqu’un rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales fait apparaître des pratiques qui relèvent de la justice.

Mme Gaëlle Fonlupt, responsable du pôle « activité ». Pour comprendre comment on a pu en arriver là, je commencerai par rapprocher les résultats affichés entre 2001 et 2006, pratiquement à l’équilibre, et les déficits réels tels que nous les avons calculés, avec la collègue qui m’a précédée à ce poste. Jusqu’en 2005, le résultat oscille autour de zéro. Il plonge brutalement à moins 26 millions en 2006. Je suis arrivée en novembre 2007, pour procéder à un audit financier.

En retraitant les chiffres, nous nous sommes aperçues, avec Joséphine Romano, que le résultat s’était dégradé petit à petit, de 2001 à 2006, le déficit passant de 2,3 millions à 26 millions en 2006, et à 27 millions en 2007. Je laisserai Mme Romano expliquer le pourquoi de cette politique d’affichage.

En tout état de cause, savoir qu’on va droit sur l’iceberg quand on n’a ni carte, ni boussole, n’aide pas. Aucun indicateur ne permettait de tirer le signal d’alarme. Seul un travail de comptable aurait permis de prendre la mesure de la gravité de la situation. Il aurait aussi fallu l’accepter.

Mme Joséphine Romano, directrice de la clientèle. L’écart constaté entre 2001 et 2007 provient de la non-prise en compte de l’ensemble des charges de l’établissement, et ce volontairement.

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’entendez par là ?

Mme Joséphine Romano. Pour rendre le résultat acceptable, on n’a pas provisionné l’ensemble des dépenses, notamment la taxe sur les salaires et les provisions pour créances irrécouvrables. S’agissant de la première, nous étions un peu contraints et forcés parce qu’elle nous valait des pénalités ; s’agissant des secondes, c’était un ordre.

M. le coprésident Pierre Morange. De qui ?

Mme Joséphine Romano. Du directeur, parce que le résultat était diffusé.

M. le coprésident Pierre Morange. Personne d’autre ?

Mme Joséphine Romano. Non.

Les dépenses ont continué à déraper. Du côté des recettes, nos différents systèmes informatiques n’étaient pas très performants et ils ne permettaient pas un suivi agressif des recettes. Quant au suivi des dépenses, il existait mais il a été très vite mis en défaut, et abandonné pour des raisons inconnues. Dès 2005, le suivi régulier des dépenses engagées n’a plus existé.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur ordre, là aussi ?

Mme Joséphine Romano. Ce n’était pas un ordre. Il a été abandonné avec le temps. Le directeur financier ne peut pas engager de dépenses seules ; il a obligatoirement recours à ses collègues de la direction des ressources humaines et des services économiques. Il peut tout au plus suivre les amortissements et les provisions. La direction des ressources humaines ne suivait pas ses dépenses, elle se contentait des effectifs en équivalent temps plein (ETP). Même si les résultats étaient contre elle, même si je la prévenais qu’on dépensait de plus en plus, la réponse était : « Non, ce n’est pas possible. J’ai de moins en moins d’effectifs. » Quant aux dépenses pharmaceutiques et médicales, le suivi était fait, rigoureusement, tous les mois, avec l’équipe des services économiques. Mais il a été abandonné au gré des changements de poste. On n’a pas souhaité continuer à le faire. Et sans éléments, on ne peut pas faire.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Même si une certaine latitude existe, il y a tout de même des règles nationales de gestion. Les textes n’ont donc pas été respectés ?

Mme Joséphine Romano. Pour les reports de charges, c’est sûr.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Et même pour le suivi de la masse salariale.

Mme Joséphine Romano. Pour la masse salariale, chacun semblait vouloir être responsable de son domaine. Les financiers se faisaient traiter d’oiseaux de mauvais augure.

M. Nicolas-Raphaël Fouque, responsable du pôle « ressources ». Je confirme les propos de ma collègue, même si je n’étais pas présent à l’époque.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous nous donner les noms des responsables des différentes divisions ?

M. Nicolas-Raphaël Fouque. Mon prédécesseur s’appelait Michel Louis-Joseph-Dogué. En arrivant, j’ai été nommé à la direction des finances et du contrôle de gestion, en tant qu’intérimaire, puis, un mois après, le 1er mars 2008, responsable de la direction des ressources humaines. Un des premiers constats que j’ai pu faire, c’était précisément le paradoxe apparent entre la diminution des effectifs et l’augmentation concomitante des coûts. Le solde des effectifs était négatif, mais ce n’était pas les « bons » effectifs qui diminuaient, puisqu’il s’agissait des personnels spécialisés, ceux qui, dans le cadre d’une tarification à l’activité, sont susceptibles de générer une activité. En revanche, le personnel non qualifié ou bien celui imputé sur les coûts de structure augmentait de façon conséquente. Par exemple, nos charges de structure sont de 27 % supérieures à ce qu’elles devraient être dans un établissement de la taille du nôtre. En outre, pour remplacer le personnel spécialisé et infirmier, on recourait massivement à l’intérim qui revient cher puisqu’à la rémunération du salarié – souvent plus élevée que celle des titulaires – s’ajoute le coût de l’intermédiation.

Quand je suis arrivé à la direction des ressources humaines, les dépenses d’intérim se chiffraient à 2,6 millions. Et si la tendance était restée la même, nous aurions terminé l’année à plus de 4 millions d’euros, ce qui aurait encore aggravé le déficit. D’ailleurs, à l’époque, le déficit prévisionnel atteignait 50 millions d’euros.

On a donc repyramidé les effectifs, et réexaminé le recours à l’intérim. Nous étions arrivés à des niveaux de 55 équivalents temps plein par mois. Aujourd’hui, nous oscillons entre 10 et 15. Le suivi en équivalents temps plein n’est pas un outil de pilotage pertinent, mais il est révélateur d’une méthode de travail en silo alors qu’il faut travailler en transversalité. C’est ce que souhaitait le nouveau directeur et c’est cette logique qui a guidé la restructuration de l’équipe de direction en pôles administratifs.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Nous voudrions aborder également les difficultés du secteur des achats puisque le directeur a demandé à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d’enquêter sur les marchés publics.

Mme Florence Ardilly, directrice des achats. Le service m’a été confié en septembre 2008. Et dès les premières semaines, j’ai constaté que la situation juridique était particulièrement préoccupante.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Si j’ai bien compris, vous n’étiez pas encombrée par les archives…

Mme Florence Ardilly. Ils jetaient les dossiers au bout de cinq ans.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Qui, « ils » ?

Mme Florence Ardilly. Je ne peux pas vous le dire car je ne connais pas l’historique. Mais la durée de conservation de dix ans n’était pas absolument respectée.

Les achats concernant les marchés de travaux sont gérés par la direction des travaux et je suis incapable de vous dire si elle conserve des archives. Je ne peux que constater ce qui se passait dans le service qui m’a été confié. Non seulement certains documents relatifs aux marchés n’avaient pas été conservés pendant dix ans, mais les dossiers étaient mélangés, parfois absents, même s’ils avaient moins de cinq ans. Surtout, je me suis rendu compte que les marchés étaient tacitement reconduits, que des recours intempestifs étaient faits aux marchés complémentaires, qu’il y avait parfois des actes d’engagement non signés, que certains achats étaient faits sans mise en concurrence, et que les seuils n’étaient pas respectés. Les procédures n’étaient pas conformes à la réglementation. Bref, tout le droit des marchés publics était…

M. le coprésident Pierre Morange. …violé.

Mme Florence Ardilly. Tout à fait.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Du début à la fin.

Mme Florence Ardilly. Les agents semblaient tout ignorer de la réglementation, ce qui m’a alertée puisqu’il y a des marchés importants, de plusieurs millions d’euros. Je suis certaine que les agents n’avaient jamais ouvert un code des marchés publics.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Et n’avaient jamais été formés non plus.

Mme Florence Ardilly. En effet.

M. le coprésident Pierre Morange. Et vous vous êtes ouverte de ce problème à votre prédécesseur.

Mme Florence Ardilly. Non, nous n’avons pas communiqué.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous voulez bien nous donner le nom de cette personne ?

Mme Florence Ardilly. Mme Patricia Colonnello.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Vous avez mis en place un outil pour suivre, si l’on peut dire, les « marchés » en cours.

Mme Florence Ardilly. Il a fallu cette année relancer tous les marchés, ce qui représente une tâche très importante. Nous en sommes cette année à 300 marchés. Il faut tout refaire dans l’urgence.

Il ne faut pas oublier non plus l’aspect économique. Sur le marché des transports sanitaires, nous avons ainsi constaté des dérives importantes.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ce marché ? Qui présidait la commission d’appel d’offres ? Comment était-elle composée ?

Mme Florence Ardilly. La commission consultative était composée de la présidente, Mme Viviane Humbert, d’un représentant syndical, administrateur suppléant, et du personnel en charge du dossier.

M. le coprésident Pierre Morange. Le marché porte sur 3 millions d’euros ?

Mme Florence Ardilly. En fait, sur 2 millions.

Il y avait quelques interrogations sur le prestataire qui était le même depuis très longtemps.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. C’est-à-dire ?

Mme Florence Ardilly. Je n’ai pas les documents pour pouvoir vous répondre, mais il nous a dit lui-même s’occuper de Poissy depuis 1962, sans interruption.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Il n’y avait peut-être pas de concurrence.

Mme Florence Ardilly. J’ai été très étonnée de l’existence d’un seul prestataire. En tout cas, quand je suis arrivée en septembre, nous en étions au moment de la notification, après que la publicité eut été faite et la consultation lancée en mai. À l’époque, il y avait encore une commission d’appel d’offres en bonne et due forme – elles ont été supprimées par décret fin 2008.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourtant, il y a d’autres prestataires possibles.

Mme Florence Ardilly. En effet puisque cette fois-ci, trois soumissionnaires ont répondu. En tout état de cause, nous allons gagner de l’argent : 162 000 euros par an à peu près.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur 2 millions, ce n’est pas négligeable.

Mme Florence Ardilly. Nous devrions récupérer aussi les transferts payés par l’établissement et qui auraient dû l’être par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), soit au minimum 200 000 euros. Le principe a été validé par la caisse. Autre point en discussion avec elle : la prise en charge des transferts définitifs aux urgences. Si la caisse accepte, nous recevrons 200 000 euros également.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous nous préciser le déroulement de la nouvelle commission d’appel d’offres sur les transports sanitaires, présidée par Mme Viviane Humbert ?

Mme Florence Ardilly. Les critères de choix ont reposé à 55 % sur les qualités techniques et sur le respect de la réglementation, et, à 45 %, sur le prix. Les offres étaient à peu près équivalentes sur le plan technique. Le prestataire finalement retenu avait un petit avantage dans la mesure où ses véhicules étaient un peu plus récents. J’ai fait valoir à la précédente responsable qu’en termes de prix, cela n’avait rien à voir avec l’offre précédente : la prise en charge était de 50 euros au lieu de 63 euros et couvrait les trois premiers kilomètres, ce qui n’était pas le cas avant – il y avait alors surfacturation puisqu’on payait pour dix kilomètres un trajet de six kilomètres. J’ai cependant envoyé un courrier pour expliquer que l’avenant qui avait été signé entre la caisse primaire d’assurance maladie et les ambulanciers des Yvelines liait les parties.

M. le coprésident Pierre Morange. Je crois également que les deux réanimateurs qui auraient dû être rémunérés par l’entreprise de transports sanitaires l’étaient par le centre hospitalier, contrairement aux termes du marché initial.

Mme Florence Ardilly. Oui. Cette clause qui a été insérée est très curieuse. On devrait par ailleurs récupérer le montant des rémunérations pour les transports de réanimation et d’urgence.

M. le coprésident Pierre Morange. Depuis combien de temps n’ont-elles pas été versées ?

Mme Florence Ardilly. Je n’ai pas les documents. Ils ont été détruits, malheureusement. J’ai pu remonter cinq ans en arrière, ce qui fait un peu moins de 500 000 euros.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour la première fois, l’appel d’offres s’est déroulé dans les conditions prévues par les textes.

Mme Florence Ardilly. Absolument.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. De toute façon, le rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a été transmis au procureur. Nous n’avons pas l’intention de nous substituer à une quelconque juridiction, mais nous voudrions comprendre ce qui s’est passé et voir quels enseignements on peut en tirer pour l’ensemble des établissements. Certains dysfonctionnements sont, nous l’espérons, ponctuels. Les marchés ne sont pas gérés partout en France, comme ils l’ont été au centre hospitalier. Il reste qu’une part importante du déficit et des difficultés de gestion est vraisemblablement liée à son historique. L’établissement a connu une fusion, décidée en 1997, qui est loin d’être achevée. Quels dysfonctionnements avez-vous relevés ?

M. Nicolas-Raphaël Fouque. Ma collègue vient de vous expliquer ce qui avait été fait dans le secteur des achats. Dans celui des ressources humaines, nous avons enregistré, par rapport à l’exercice précédent, une diminution des dépenses de l’ordre de 4 millions d’euros sur le plan conjoncturel et de 5 millions d’euros sur le plan structurel. L’écart provient de l’apurement d’heures travaillées qui n’avaient jamais été provisionnées. La régularisation devrait être terminée à la fin de l’exercice 2009.

Je termine par les grandes actions entreprises dans mon secteur. Nous avons travaillé principalement sur un repyramidage des effectifs, sur les fonctions, sur une diminution de l’intérim. Nous avons réévalué nos coûts moyens, parce qu’ils étaient plus élevés que les moyennes nationale et régionale.

M. le coprésident Pierre Morange. De combien ?

M. Nicolas-Raphaël Fouque. Nous étions à 2 000 ou 3 000 euros au-dessus de l’équivalent temps plein moyen qui coûte à peu près 40 000 euros. La politique de la commission administrative paritaire était assez généreuse. Les possibilités qu’offraient les textes s’étaient progressivement transformées en devoirs. La prodigalité n’est plus de mise, et nous sommes revenus à des niveaux plus adaptés. Nous avions un taux de contractuels bien inférieur à la moyenne nationale. La mise en stage systématique et rapide ne permettait pas d’évaluer les prestations des agents, si bien que les sureffectifs dans les services étaient fréquents. Nous avions beaucoup de reclassements et les postes « productifs » au regard de la tarification à l’activité (T2A) n’étaient pas toujours pourvus par des personnes physiques.

Il a aussi fallu repenser notre politique vis-à-vis des écoles paramédicales puisque nous avons un déficit très important. Nous sommes donc en discussion avec le conseil régional à qui nous avons demandé un audit pour vérifier sur place et sur pièces la véracité de nos affirmations. Nous travaillons aussi sur les budgets annexes.

Mme Gaëlle Fonlupt. Concernant les dysfonctionnements passés et les corrections qui y ont été apportées, j’insisterai plus sur les finances et le recouvrement des recettes. Après ma prise de fonction, je me suis rapidement aperçue qu’il y avait un différentiel important entre l’activité réelle sur le terrain et celle facturée à l’assurance maladie ou au patient, de l’ordre de 10 millions d’euros par an.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Comment avez-vous fait cette évaluation ?

Mme Gaëlle Fonlupt. Grâce à un travail de fourmi. Nous sommes passés dans tous les services pour relever l’activité telle qu’elle était établie manuellement ou de manière artisanale, séjour par séjour, et avons comparé avec ce qui était facturé. Nous avons fait une valorisation au coût moyen d’un dossier. Rien que sur l’année 2008, nous avons pu recouvrer 4,8 millions, en facturant des choses qui ne l’étaient pas et en recouvrant des factures qui n’étaient pas honorées. Tous les services étaient concernés, qu’il s’agisse des passages aux urgences, qui n’étaient même pas enregistrés, ou des molécules onéreuses qui sont remboursables en sus du séjour et qui n’étaient pas, ou mal, facturées.

L’objectif qui nous est assigné par le plan de retour à l’équilibre financier conclu avec l’agence régionale de l’hospitalisation est de revenir à l’équilibre dans un délai de trois ans. L’état prévisionnel des dépenses et des recettes pour 2009 mentionne un rattrapage d’activité de 3,5 millions. À ce jour, nous en sommes aujourd’hui à 3,9 millions, ce qui prouve qu’il reste des marges de manœuvre. Le premier devoir de l’hôpital public est au minimum de valoriser l’intégralité de son activité, puisqu’il s’agit de sa principale source de financement.

La gestion des ressources humaines a permis de faire 4 millions d’euros d’économie sur l’année 2009.

De telles actions ne sont pas envisageables sans outils de contrôle de gestion. Autrement dit, elles n’auraient pas été possibles avant 2007 du fait de la défaillance du système d’information : absence totale d’interfaçage entre les logiciels, et absence de volonté d’y consacrer du temps et de l’argent de la part de la direction.

La première réforme qui a été mise en œuvre à l’été 2008 a consisté à reconsidérer intégralement le fichier commun de structures, qui découpe l’établissement en unités fonctionnelles, en centres de coût, pour pouvoir localiser les surcoûts et les sous-valorisations. C’est la première étape de la comptabilité analytique. Depuis, les premiers comptes de résultat par pôle et par service ont été édités en septembre 2008, pour l’année 2007, et à l’été 2009 pour l’année 2008. On s’est alors aperçu que les surcoûts n’étaient pas répartis de manière homogène, qu’ils étaient concentrés sur certains secteurs. C’est ce qui a permis d’orienter le plan de retour à l’équilibre financier. Il reste des marges de manœuvre importantes car le redressement qui nous est demandé ne peut pas s’accomplir en quelques semaines. Mais nous sommes sur la bonne voie.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Les outils qui sont à votre disposition vous donnent-ils satisfaction ? Beaucoup d’établissements n’ont pas de système de comptabilité analytique.

Mme Gaëlle Fonlupt. Les comptes de résultat analytique par service sont l’aboutissement d’une démarche de comptabilité analytique. Ceux qui ont été diffusés pour l’année 2007 n’étaient pas très fiables. En revanche, ceux de 2008 sont fiabilisés à 95 %. Il reste quelques clefs de répartition à affiner, ce que nous sommes en train de faire. Nous avons désormais une image fiable de l’ensemble de l’établissement. Nous avons aussi sorti des tableaux de bord mensuels, pour gagner en réactivité infra-annuelle, et qui manquaient à l’établissement. Les outils de pilotage médico-économique faisaient défaut et empêchaient toute réactivité à court terme.

Depuis mars 2009, les services ont été, par vagues successives, destinataires de tableaux de bord mensuels qui retracent leur activité, l’intégralité des effectifs et des dépenses correspondantes – les consommations d’examens de laboratoire, d’imagerie, etc. Une synthèse retrace l’intégralité des recettes et des charges directes, plus les charges médico-techniques, qui donne, mois par mois, une image de la marge sur coût direct de chaque service.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Comment les services réagissent-ils ?

Mme Gaëlle Fonlupt. Plutôt favorablement.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Que font-ils de ces informations ?

Mme Gaëlle Fonlupt. Le problème vient de ce que l’appropriation prend du temps. Et certains services ne se sont pas encore approprié ces outils. Après le déploiement, nous avons organisé des réunions de présentation dans les pôles et les services. Certains pôles sont très avancés, comme la périnatalité qui était le service pilote. Elle s’en sert au jour le jour et adapte sa gestion en fonction des résultats. D’autres pôles sont plus lents à s’y mettre.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Vous avez prévu un système de formation ?

Mme Gaëlle Fonlupt. Nous sommes présents à chaque réunion de pôle pour expliquer la démarche. J’ai conçu un guide méthodologique « Comment lire les comptes de résultat analytique » qui est distribué dans les pôles et qui se veut relativement pédagogique.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Comment expliquez-vous que tout ce que vous êtes en train de faire n’ait pas été fait plus tôt, alors que les établissements hospitaliers sont suivis par la tutelle, qu’il y a des inspections, que les règles du jeu existent ?

Mme Joséphine Romano. Avec le recul, je me rends compte que j’ai fait partie d’une équipe qui ne souhaitait pas parler d’argent, comme si l’argent était un gros mot.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Vous dites bien « qui ne souhaitait pas » ?

Mme Joséphine Romano. L’équipe ne souhaitait pas parler d’argent. Quand j’arrivais avec des chiffres, j’étais accueillie par des « Tu vas encore nous parler d’argent ! ».

Mme Gaëlle Fonlupt. Je confirme.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Cette allergie, était-elle culturelle ou bien résultait-elle d’une volonté délibérée de préserver un mode de fonctionnement ?

Mme Joséphine Romano. Je pense qu’il s’agissait d’une volonté délibérée, mais il y avait aussi des lacunes.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Ce n’est pas la même chose.

Mme Joséphine Romano. Je pense qu’il y avait les deux. Il y avait une catégorie ancienne de directeur qui ne parlait pas d’argent parce que c’était la belle époque.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. La culture de l’époque arrangeait tout le monde, en quelque sorte ?

Mme Joséphine Romano. Oui. C’est tellement plus facile de dire oui. Pardonnez-moi d’être aussi brutale, mais on ne pouvait pas parler d’argent en équipe de direction, a fortiori avec les médecins. Or comment aurions-nous pu les convaincre, si nous-mêmes n’étions pas convaincus ? C’était une question de culture. L’« argent » était un gros mot, je le répète, même si cela semble aberrant.

M. le coprésident Pierre Morange. En dehors de cette culture, qui fait fi de la bonne utilisation de l’argent public, il y a tout de même des problèmes de compétence professionnelle, y compris dans le corps des directeurs.

Mme Joséphine Romano. J’ai essayé de convaincre, mais je n’ai pas réussi. Et je crois avoir perdu du temps et du savoir-faire. On se lasse de se battre.

M. le coprésident Pierre Morange. On constate une absence d’outil de gestion, de volonté hiérarchique et politique de mettre au point les instruments qui auraient permis d’atteindre les objectifs.

Quelles ont été les réactions à l’arrivée de la nouvelle direction ? Avez-vous subi des pressions, suscité des réactions hostiles ?

M. Nicolas-Raphaël Fouque. Nous étions tels le messager grec porteur de mauvaises nouvelles, d’autant que la légitimité même du projet que nous incarnions était contestée. Il faut distinguer les réactions en interne, où il y a eu une prise de conscience générale que le niveau de dépenses n’était pas soutenable. Au début de l’année 2008, la situation n’était pas connue et les personnels, y compris les délégués syndicaux, pensaient en toute bonne foi que l’hôpital était à l’équilibre. Quand on leur a annoncé que le déficit se comptait en dizaines de millions d’euros, la surprise a été totale. Même si notre mission est essentiellement financière, elle porte en germe un projet d’établissement unique à vocation universitaire, qui est suffisamment porteur pour être un facteur de mobilisation.

M. le coprésident Pierre Morange. Et vous, madame Ardilly, avez-vous rencontré hostilités, pressions ?

Mme Florence Ardilly. Je ne parlerai pas de pressions. En revanche, il y a des habitudes bien ancrées qu’il faut modifier. Il était plus facile d’obtenir ce qu’on voulait avant qu’aujourd’hui. Comme le disait Joséphine Romano, c’est difficile de dire non, mais il le faut bien.

M. le coprésident Pierre Morange. Au fil des auditions, l’insuffisance des instruments de mesure a été soulignée de manière répétée. Elle est certes particulièrement flagrante au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. Des anomalies ont été relevées dans les procédures d’appel d’offres, en particulier dans le rapport de M. Paraire dont la justice devra tirer les conséquences. Notre propos est de dépasser le cas particulier du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, et de favoriser la diffusion d’une culture plus vertueuse au service de la santé de la population en dégageant des enseignements. S’agissant de l’absence de comptabilité analytique, le cas de Poissy-Saint-Germain-en-Laye n’est apparemment pas marginal.

Les insuffisances dans la facturation étaient largement connues des services de l’État, de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, de la chambre régionale des comptes et de l’agence régionale de l’hospitalisation. Chaque fois, on invoquait les défaillances de la comptabilité analytique, la culture des établissements de santé. La MECSS a du mal à se satisfaire de ses arguments, dans la mesure où on peut toujours faire appel, comme vous, à des prestataires extérieurs. Qu’en pensez-vous ?

Mme Joséphine Romano. Il faut de la volonté.

M. Nicolas-Raphaël Fouque. Le Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est le deuxième hôpital dans lequel j’interviens et c’est la deuxième restructuration à laquelle je participe puisque j’étais auparavant directeur-adjoint à Saint-Denis. L’établissement présentait un déficit, certes moins élevé, mais qui passait pour un des cas les plus difficiles de métropole. La restructuration a été menée à bien puisqu’on est passé d’un déficit de 5 % du chiffre d’affaires à une situation légèrement excédentaire. Le déficit du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est trois fois plus élevé proportionnellement et la tutelle nous a laissé le même délai, trois ans. À Saint-Denis, on n’a pas chômé et le délai a été tenu. Au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, je doute moins du résultat que du respect du calendrier.

Ce qui, à mon avis, mériterait d’être plus approfondi, ce sont les outils d’appui. Vous avez parlé du prestataire extérieur, Capgemini. Il apporte des ressources précieuses mais coûteuses. L’agence régionale de l’hospitalisation nous a aidés à financer l’audit, mais il existe aussi des outils internes à la fonction publique. On devrait pouvoir bénéficier soit de missions d’appui, soit de l’expertise des conseillers généraux des établissements publics de santé. C’est ce qui s’est passé au Centre hospitalier du Havre. Les ressources existent, mais elles ne sont pas toujours optimisées. Le conseiller général intervient seul tandis que Capgemini mobilise des équipes qui peuvent compter de cinq à dix consultants. Cela permet d’aller plus vite et de se rendre sur le terrain.

M. le coprésident Pierre Morange. Combien la prestation de Capgemini a-t-elle coûté ?

Mme Gaëlle Fonlupt. 800 000 euros la première année.

M. le coprésident Pierre Morange. Rapportée au déficit, la dépense était pertinente.

M. Nicolas-Raphaël Fouque. Certainement. Capgemini continue de nous accompagner, quelques semaines encore, sur les restructurations et sur le projet médical.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Il nous reste à vous remercier.

M. le coprésident Pierre Morange. Et à vous féliciter pour le travail que vous avez engagé.

*

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède enfin à l’audition, sous forme d’une table ronde, de Mme Patricia Colonnello, directrice des affaires hôtelières, logistiques et biomédicales du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, de M. Michel Louis-Joseph Dogué, ancien directeur des ressources humaines, directeur du centre hospitalier Théophile Roussel de Montesson, et de Mme Viviane Humbert, directrice du projet « nouvel hôpital ».

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Je vous souhaite à tous la bienvenue. Notre Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a fait le choix, s’agissant du vaste sujet du fonctionnement de l’hôpital, de s’appuyer sur des cas précis afin d’en tirer des enseignements pour l’ensemble des établissements hospitaliers. Nous nous sommes ainsi intéressés au Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, notamment parce que le déficit qu’il a enregistré depuis de nombreuses années aiguise pour le moins la curiosité.

Bien évidemment, les établissements ont tous leurs spécificités. En l’occurrence, la fusion décidée en 1997, qui a beaucoup marqué l’établissement et qui n’est pas encore tout à fait digérée, a produit certains effets, voire des dysfonctionnements. Il est des éléments que l’on retrouve dans d’autres établissements, par exemple la déficience de certains outils de gestion au regard de la comptabilité analytique ou encore de la facturation des prestations – qui à Poissy-Saint-Germain-en-Laye a tout de même atteint certains sommets. Enfin, d’autres dysfonctionnements plus graves ont pu apparaître, qui résultent apparemment du non-respect de règles juridiques – je pense en particulier au rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) sur des marchés publics passés récemment par l’établissement.

Par votre expérience dans vos fonctions antérieures, quelle analyse faites-vous de ces dysfonctionnements ? D’où provenaient-ils et quelles mesures avez-vous prises à l’époque ? Comment expliquez-vous finalement que cette situation soit apparue et qu’elle ait pu durer aussi longtemps ?

M. Michel Louis-Joseph Dogué, ancien directeur des ressources humaines du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, directeur du centre hospitalier Théophile Roussel de Montesson. Nous avons vécu la fusion la plus importante de France. Aussi a-t-il fallu tout défricher, ce qui a été du reste une aventure passionnante, qui a connu des épisodes assez variés et parfois curieux. La première opération de rationalisation a consisté à fusionner les directions administratives de Poissy et de Saint-Germain-en-Laye, ce qui a d’ailleurs conduit à une direction unique moins importante que la seule direction précédente de Saint-Germain-en-Laye.

En dépit de l’effort considérable que cela a représenté, la collaboration s’est très bien passée entre le directeur délégué du site Poissy que j’étais, celui du site de Saint-Germain-en-Laye, qui était un ami de promotion, et le directeur général de l’époque, Marc Buisson, ainsi qu’avec ses successeurs.

La première étape importante a été réalisée de 1997 à 2003, lorsque nous avons tous œuvré pour un hôpital unique.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. L’idée était de faire un établissement dans un seul ou dans plusieurs lieux, pour éviter les doublons ?

M. Michel Louis-Joseph Dogué. La charte de fusion avait pour objectif d’améliorer l’offre de soins, de rationaliser la production des soins – ce qui n’était pas destiné, ainsi que cela avait frappé le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation d’Île-de-France à l’époque, Dominique Coudreau, à réaliser des économies sur le plan du personnel – et de supprimer les doublons inutiles.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Sinon, pourquoi fusionner ?

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Tout à fait, encore que devoir qualifier un chef de service de « doublon inutile » promettait des moments heureux !

Après avoir fusionné les équipes de direction, nous nous sommes penchés sur les restructurations. Nous nous sommes alors vite rendu compte, au moyen de différentes projections, en particulier en termes de démographie médicale, que si nous voulions maintenir deux structures hospitalières autonomes, la restructuration de chacune serait si lourde – sachant par exemple que l’établissement de Poissy n’était plus conforme en matière de sécurité – qu’elle coûterait beaucoup plus cher qu’un hôpital neuf. Tel est le principe qui a sous-tendu l’idée de l’hôpital unique sur un site unique.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pourquoi cela n’a-t-il pas alors été fait ?

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Parce que si nous étions parvenus en 2003 à avoir un superbe projet d’hôpital unique et si une mission d’appui, diligentée cette année-là par le ministère, avait conclu à la nécessité de disposer d’un hôpital unique et de trouver rapidement des terrains afin de pouvoir émarger au plan hôpital 2007, le ministre de la santé d’alors, Jean-François Mattei, a abandonné, le 27 août 2003, le projet d’hôpital unique – pour des raisons sur lesquelles je n’ai pas à revenir – et décidé que l’hôpital resterait sur deux sites. Toute l’énergie que nous avions consacrée à faire adhérer tous les acteurs à un projet économique rationnel d’amélioration notable de l’offre de soins fut alors redirigée dans l’optique d’un hôpital sur deux sites, comprenant chacun des pôles d’excellence, ce qui impliquait des restructurations sur chaque site, notamment avec la construction d’un hôpital neuf à Poissy puisque celui qui existait n’était plus conforme.

Nous nous sommes ainsi lancés à la recherche de terrains pour Poissy tout en engageant la restructuration du site de Saint-Germain-en-Laye, jusqu’à ce qu’en 2007, à ma grande satisfaction, la ministre de la santé de l’époque, Mme Bachelot-Narquin, revienne à la seule solution possible, celle du site unique, nous donnant ainsi finalement raison. Le maire de Saint-Germain-en-Laye, M. Lamy, s’étant toujours déclaré favorable à un site unique et tiers, c’est-à-dire qui ne soit ni à Poissy ni à Saint-Germain-en-Laye, un accord fut alors trouvé avec le maire de Chambourcy, M. Morange, pour une installation dans cette dernière ville.

M. le coprésident Pierre Morange. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le préciser, le maire de Chambourcy ne pouvait accepter le principe d’un site unique qu’à partir du moment où il répondait à une demande conjointe des maires de Poissy et de Saint-Germain-en-Laye. Le site unique qui avait été envisagé à Poissy – puisque l’opération de fusion visait en fait la disparition du site hospitalier de Saint-Germain-en-Laye – aurait pour sa part été installé dans des espaces en violation flagrante du droit de l’urbanisme.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. En termes de rationalité en tout cas, le regroupement de l’hôpital sur un site unique ne pouvait être que la seule solution. Le maintien des deux sites engendrait des coûts considérables.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Il reste que pendant toute cette période d’une dizaine d’années, vous avez été conduit à gérer un établissement éclaté sur deux sites, qui s’est révélé en déficit. Or, prises séparément, les deux structures ne l’étaient pas auparavant. Sauf à prétendre que la fusion crée des déficits, comment analysez-vous ce résultat et comment avez-vous tenté – sans manifestement y réussir – de maîtriser ces déficits ?

Mme Viviane Humbert, directrice du projet « nouvel hôpital ». Je finis justement par me demander si la fusion ne crée pas le déficit. J’ai en effet participé dans un autre cadre, au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à une fusion entre deux établissements qui étaient en équilibre financier, à savoir Cochin et Saint-Vincent-de-Paul : un an après, l’hôpital fusionné était en déficit.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pouvez-vous en analyser les raisons ?

Mme Viviane Humbert. D’une part, les deux cultures étaient assez différentes. D’autre part, l’on s’est très vite trouvé confrontés à la difficulté de fusionner non seulement des équipes médicales, mais également – ce qui ne fut pas le cas à Poissy-Saint-Germain-en-Laye – des équipes administratives et techniques, le tout avec une forte résistance syndicale, contrairement aussi à la situation actuelle.

Pour parvenir à un fonctionnement satisfaisant à Poissy-Saint-Germain-en-Laye, il aurait d’abord fallu, quand cela était possible, regrouper des activités médicales sur un seul site. Or cela a, de façon systématique, entraîné non seulement des débats internes extrêmement importants, mais également des interventions externes.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Qu’entendez-vous par là ?

Mme Viviane Humbert. Dès lors qu’une décision était prise, les personnes qui n’étaient pas d’accord se rendaient immédiatement auprès du maire de Saint-Germain-en-Laye ou de celui de Poissy.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Quid du directeur général de l’établissement ?

Mme Viviane Humbert. Tant le directeur général que le président de la commission médicale d’établissement (CME) étaient assez fréquemment court-circuités, des demandes d’intervention étant formulées auprès du maire de l’une ou de l’autre commune, voire du cabinet du ministre.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Pourriez-vous nous donner des exemples ?

Mme Viviane Humbert. Tel a été le cas lorsque la maternité a été regroupée sur le site de Poissy et, en 2005, lorsque l’agence régionale de l’hospitalisation, dans le cadre du premier plan d’économies que nous avons eu à réaliser et que nous n’avons malheureusement pu mener à son terme, nous a demandé de regrouper la cardiologie et la pédiatrie.

Nous avions beaucoup de mal à obtenir un consensus médical sur les différents projets, sans compter l’obligation, en raison soit des textes soit de la seule nécessité, de maintenir sur chacun des sites des structures logistiques.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Si les structures existaient, pourquoi ont-elles alors coûté plus cher ?

Mme Patricia Colonnello, directrice des affaires hôtelières, logistiques et biomédicales du Centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye. N’oublions pas la mise en place en 1996 – c’est-à-dire au moment de la fusion, dans un contexte déjà difficile – des allocations budgétaires au regard de l’activité, avec la mise en place du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Alors que jusque-là les budgets étaient alloués sous la forme d’un budget global reconduit chaque année avec un taux directeur, l’activité des établissements, prise dorénavant en compte, a sans doute – nous n’en faisions pas partie à l’époque – été insuffisamment productive, voire « rentable », pour que les deux sites continuent à être en équilibre sur le plan budgétaire.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. C’est un problème indépendant de la fusion.

Mme Patricia Colonnello. Peut-être, mais, auparavant, chacun des deux sites hospitaliers fonctionnait de son côté avec ses activités. Avec la fusion, le coût de la prise en charge d’une pathologie a été considéré de façon globale, comme si le centre hospitalier était un site unique.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Le déficit, en quelque sorte, est le produit de la T2A, la tarification à l’activité...

Mme Patricia Colonnello. Ce n’est pas ce que je veux dire.

On appliquait un coût à partir de l’échelle nationale des coûts comme s’il s’agissait d’un site unique. Or, des activités continuaient à fonctionner en doublon et coûtaient donc plus cher.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Disposiez-vous des outils de comptabilité analytique qui vous auraient permis de contester cette façon de procéder ?

Mme Patricia Colonnello. Je ne sais pas ce qui existait en 1996, puisque je n’appartenais pas alors à la structure, mais lorsque je suis arrivé en 2004, il y avait, pour ce que j’en sais, une comptabilité analytique de base, rudimentaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour reprendre les remarques de la chambre régionale des comptes ainsi que de M. Paraire, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, rien n’existait en la matière.

Jamais dans toute sa carrière professionnelle, ce dernier n’avait d’ailleurs constaté, dans la gestion de ce site, une telle somme d’incompétences ou d’insuffisances professionnelles de la part tant des directeurs des départements que des directeurs généraux. Telles sont les conclusions du rapport qu’il nous a communiqué suite à un audit des procédures d’appels d’offres. Pour résumer, les dix-neuf appels d’offre qu’il a étudiés étaient quasiment tous illégaux et constituaient autant de violations du code des marchés publics.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. La mission mesure certainement la gravité des propos tenus.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Tout est enregistré.

M. le coprésident Pierre Morange. Je n’ai fait pour ma part que rappeler les propos de M. Paraire.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Ce que vous dites en clair, monsieur Morange, c’est que l’ensemble de la structure administrative tutélaire de l’établissement ne remplissait pas sa mission.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est ce que nous a dit M. Paraire.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Tous les cadres de direction sont évalués tous les ans, dans le cadre d’une procédure contradictoire absolument transparente, et l’évaluation est transmise à la fois au centre national de gestion et aux autorités de tutelle directe. Nous étions en outre soumis à un contrat de retour à l’équilibre financier (CREF) et au contrôle direct de l’agence régionale de l’hospitalisation – Mme Lepée, secrétaire générale de l’agence régionale d’hospitalisation de l’Île-de-France, nous accompagnait régulièrement dans le cadre de nos travaux.

Ce contrôle direct, attentif, qui allait du cabinet du ministre jusqu’à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, en passant par l’agence régionale de l’hospitalisation, aurait donc totalement ignoré le fait que ces directeurs étaient totalement incompétents, qu’ils ne respectaient pas la réglementation en vigueur, et que tout cela se déroulait au vu et au su d’un conseil d’administration qui votait allègrement les propositions que nous lui faisions ? C’est extrêmement grave : c’est toute la chaîne que vous mettez en cause, y compris celui dont vous citez le nom.

M. le coprésident Pierre Morange. Je ne fais, je le rappelle, que répéter les propos de M. Paraire qui nous a dit textuellement que, dans toute sa carrière, il n’avait jamais constaté autant d’anomalies qui témoignaient – je parle sous le contrôle du rapporteur qui ne me contredira pas – d’une insuffisance professionnelle s’agissant notamment des dix-neuf procédures d’appels d’offre qu’il avait eu vocation à étudier dans le cadre de son audit, ce qui interpellait la responsabilité à la fois de son prédécesseur, des autorités de tutelle, s’agissant du contrôle de légalité, et des différents échelons administratifs qui avaient, au sein de l’hôpital, compétence pour intervenir.

Pour le reste, la MECSS n’est pas une instance judiciaire. M. Paraire, directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, a saisi le procureur de la République de Versailles d’une demande d’ouverture d’une information judiciaire, au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.

Mme Patricia Colonnello. Puisque nous en sommes arrivés là, parlons clairement.

Concernant le contrôle des marchés publics – et donc ce rapport auquel je n’ai pas répondu, mais je reviendrai sur ce point – les choses se sont passées de la façon suivante :

Il faut d’abord savoir que c’est en consultant ma messagerie que j’ai appris, fin août 2008, que si je serais toujours responsable à partir du 1er septembre des achats et des marchés en matière de biomédical, je ne le serais plus pour tout ce qui avait trait à l’hôtellerie et à la logistique. Je n’ai donc pu que répondre par la suite à l’inspecteur et au secrétaire administratif de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales venus procéder à un contrôle des marchés publics, hors opérations de travaux proprement dites, que non seulement je n’étais plus en charge des achats et des marchés, sauf pour ce qui concernait le biomédical, mais que je n’avais également jamais eu en charge les marchés relatifs à l’informatique, aux assurances et à la pharmacie.

Mes deux interlocuteurs se sont donc adressés à la personne recrutée pour prendre en charge les achats à partir du 1er septembre 2008, afin de se procurer les dossiers qui les intéressaient. Ce n’est que plus tard, au mois de mars 2009, qu’ils ont officiellement demandé à me rencontrer afin de faire le point. Les marchés qu’ils avaient examinés portaient tous sur ceux dont j’avais eu la responsabilité. Aucun n’avait trait à l’informatique, aux assurances ou à la pharmacie. Ils m’avouèrent d’ailleurs avoir procédé par sondage à partir des documents que leur avait fourni la nouvelle directrice des achats.

Ils m’ont d’abord parlé d’un marché concernant un logiciel de gestion des marchés publics dont ladite directrice leur avait dit ne pas connaître l’existence. C’était totalement impossible puisque je l’en avais informée : j’ai par chance retrouvé le mail l’informant de l’existence de ce marché.

Ils ont ensuite regretté – ce qui m’a également fait bondir – l’absence de marché de fourniture des denrées alimentaires. Comment peut-on imaginer qu’un établissement comme celui de Poissy-Saint-Germain-en-Laye n’ait pas de marché de denrées alimentaires, impliquant des sommes aussi importantes ? Non seulement nous avions lancé un appel d’offres, mais la direction des achats était en train de reprendre, pour établir le nouveau cahier des charges en la matière, celui que nous avions nous-même mis au point à l’époque.

À la suite de cette rencontre, ces personnes ont poursuivi leurs investigations sans que je les revoie, sinon à deux reprises et de façon officieuse pour leur répondre à brûle-pourpoint, après les avoir croisées dans le couloir, à des questions portant sur des marchés qu’il me fallait reconstituer trois ou quatre ans plus tard, sachant que j’avais eu à en connaître 500 ou 600.

Lorsque leur rapport a été rédigé, j’ai demandé, puisque je devais y répondre, à pouvoir consulter les dossiers sur lesquels il reposait. En effet, le rapport avançait qu’il n’y avait eu, s’agissant notamment du marché de fourniture des denrées alimentaires, ni d’avis de publicité ni d’avis de pré-information, ce qui était totalement faux. Je me demande d’ailleurs comment le Trésor public aurait pu accepter de payer des factures en l’absence de marché, d’autant que l’autorité de tutelle, à qui sont transmis les marchés sur appel d’offre, doit veiller à leur bonne élaboration. J’ai d’ailleurs pu retrouver au sein d’une autre direction les avis qui avaient été communiqués à l’autorité de tutelle avec bordereau d’envoi à l’appui, mais qui apparemment ne figuraient pas dans le dossier qui avait été remis aux contrôleurs.

Ma collègue directrice des achats m’ayant demandé les jours et heures auxquels je désirais consulter les dossiers, je me suis présentée à la porte de son bureau un vendredi pour me procurer la clé de la salle concernée – dès que le contrôle s’est terminé, toutes les serrures avaient en effet été changées, comme si j’allais subtiliser je ne sais quoi dans les dossiers pour faire disparaître des preuves –, sauf que je m’étais trompé de jour, ayant confondu le vendredi à la place du jeudi...

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous nous expliquer...

Mme Patricia Colonnello. Je...

M. le coprésident Pierre Morange. Pardonnez-moi, mais en ma qualité de coprésident, j’ai tout pouvoir pour conduire les débats avec mon collègue Jean Mallot.

Je souhaite que vous puissiez expliciter quelques points en particulier, mais comprenez bien que notre démarche est celle de représentants du peuple, de législateurs et de contrôleurs de la bonne utilisation de l’argent public. La démarche judiciaire n’est pas la nôtre. Nous étudions, nous contrôlons, nous évaluons, tout travail que nous effectuons sur la base de rapports issus des services de l’État. C’est dans ce contexte que nous avons reçu des rapports de la chambre régionale des comptes et du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales faisant état de certains constats que semble-t-il vous contestez. Notre propos n’est pas de dire le vrai, ni, pour revenir sur la saisine du procureur de la République de Versailles, de faire une pré-instruction. Une telle démarche dépend d’une procédure qui n’est pas la nôtre.

Pour autant, plusieurs éléments frappants sont apparus lors de l’examen de ce dossier, au-delà du constat fait par M. Paraire concernant le caractère illégal de certaines procédures d’appels d’offres :

Premièrement, une partie des documents nécessaires à la démarche des contrôleurs a manqué à ces derniers soit parce que les règles de procédure de conservation n’avaient pas été respectées soit, comme vous l’avez fait remarquer, parce que ces documents étaient détenus dans d’autres services ;

Deuxièmement, l’absence totale d’outil de comptabilité analytique rendait difficile l’élaboration d’un plan de retour à l’équilibre financier ;

Troisièmement, l’insuffisance de la collecte de recettes du fait, soit de non-facturations, soit de facturations non recouvrées, a porté sur des sommes importantes puisqu’elles représentent quasiment la moitié des 150 millions d’euros de déficit cumulé – ce qui en fait l’un les plus élevés de France – de ce site hospitalier dont le budget annuel tourne autour de 230 millions d’euros.

Ces constats reposent sur des documents officiels, c’est-à-dire que nous ne sommes pas dans l’interprétation – ni, je le répète, dans la pré-instruction.

Mme Patricia Colonnello. Je souhaite justement expliquer pourquoi je n’ai pas répondu au rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, contrairement à ce qui est la règle dans le cadre de la procédure contradictoire.

Le fait que je n’ai pu avoir accès aux dossiers en raison de mon erreur sur le jour de consultation, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Ce jour-là, je n’ai plus pu supporter la situation que je subissais depuis un certain temps à Poissy-Saint-Germain-en-Laye, au point que j’ai été mise en arrêt maladie pour dépression. Étant arrêtée, je n’ai donc pu répondre dans le délai de trente jours aux observations faites sur les marchés publics. J’en étais psychologiquement incapable.

Lors de mon retour dans l’établissement, le directeur général m’a précisé que, compte tenu de mon absence, il avait lui-même répondu au rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Je n’ai pas eu copie de la réponse. Je lui avais moi-même écrit ainsi qu’à M. Paraire pour les prévenir que je ne répondrais pas au rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compte tenu des conditions dans lesquelles les contrôles s’étaient déroulés, mais surtout de l’impossibilité psychologique dans laquelle je me trouvais. Aujourd’hui encore, dès que je reprends le rapport, tout remonte.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Nous comprenons que tout le monde puisse faire valoir son argumentation. Mais admettez que les documents qui nous ont été fournis en masse aussi bien par l’agence régionale de l’hospitalisation que par la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ou la chambre régionale des comptes étaient pour le moins étonnants, à l’exemple de la disparition de dossiers d’appels d’offre, surtout s’agissant de marchés qui durent depuis des décennies.

Mme Patricia Colonnello. Pour ce qui est par exemple du marché des transports sanitaires sur lequel M. Chodorge souhaitait faire le point, tous les documents qu’il m’avait demandés au mois de juillet 2008, qu’il s’agisse du cahier des charges ou encore du rapport de présentation à la commission d’appel d’offres, lui ont été transmis. Les observations dont il m’a fait part ont conclu à la conformité du dossier, sachant notamment que la mise en concurrence avait eu lieu – tout avait d’ailleurs été transmis aux autorités de tutelle.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Dans ces conditions, n’y aurait-il pas intérêt à ce que le procureur donne suite à sa saisine de façon que tout le monde puisse faire valoir ses arguments ?

Mme Patricia Colonnello. Je serais pour ma part psychologiquement incapable de le supporter. La pression que je subis depuis plus d’un an au centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye est telle que j’ai été arrêtée pour dépression et que je resterai psychologiquement atteinte jusqu’à la fin de mes jours. Pourtant je ne suis pas quelqu’un qui se laisse abattre facilement.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Concrètement, un directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ayant entre les mains un rapport comme celui que nous avons pu lire, n’avait d’autre choix – je suis moi-même ancien fonctionnaire – que celui de la saisine sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale. C’est pourquoi, je me demandais s’il ne valait pas mieux que le procureur donne suite, de façon que chacun puisse au moins faire valoir ses arguments.

M. le coprésident Pierre Morange. M. Paraire a tenu à préciser que s’il n’y avait pas d’action menée par le procureur avant la fin de l’année, soit d’ici à quelques semaines, il se constituerait partie civile.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Concernant notre incompétence,...

M. le coprésident Pierre Morange. Dixit M. Paraire.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. ...je souhaite préciser que, dans le cadre de l’évaluation des cadres de direction à laquelle j’ai fait référence, j’ai été amené à porter à la connaissance de la commission administrative paritaire nationale mon désaccord quant à l’évaluation effectuée à mon encontre par l’actuel directeur général de l’établissement, et à ses conséquences sur la prime de fonction. Le dossier, dont l’examen a été reporté parce que le directeur général ne répondait pas aux demandes du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, a été finalement traité le 15 octobre.

Alors que j’étais accusé d’être dans l’incapacité d’évoluer et d’imaginer un suivi de contrôle des dépenses par un directeur des ressources humaines plutôt que par un directeur financier, et, plus généralement, d’avoir commis une faute grave préjudiciable à l’établissement, accusation à l’appui de laquelle des documents étaient fournis, la commission administrative paritaire nationale a émis le 15 octobre 2009, soit il y a à peine trois semaines, un avis unanime – y compris donc des représentants de l’administration et des trois syndicats représentatifs des directeurs – qui me donnait raison. Toutes les accusations portées contre moi n’ont pas été estimées crédibles une seule seconde.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Par qui étaient émises ces accusations ?

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Par l’actuel directeur général du centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye.

Dans les documents qui venaient à l’appui de l’accusation de faute grave, figurait notamment une erreur flagrante d’appréciation de la procédure budgétaire des collectivités territoriales. Tout était comme cela pour prouver mon incompétence.

M. le coprésident Pierre Morange. Là encore je rappelle que la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale prend acte des rapports et des observations qui nous sont fournis par les services de l’État. Celui qui a été évoqué, à savoir celui de M. Paraire, s’adosse sur un audit portant sur dix-neuf marchés d’appels d’offre, notamment en matière de ressources humaines et de transports sanitaires – marché attribué semble-t-il depuis plusieurs décennies au même prestataire. Notre propos n’a trait ni aux éventuelles sanctions administratives, lesquelles relèvent des hiérarchies compétentes, ni à la saisine de l’instance judiciaire ou à la constitution de partie civile.

Nous faisons des constats pour en tirer des règles générales afin qu’elles puissent être bénéfiques à l’ensemble des établissements hospitaliers. Pour autant, les sujets tels que les outils de comptabilité évoqués par notre rapporteur – qui a été contrôleur financier dans une vie antérieure – ou la collecte des recettes, ne sont pas neutres.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. S’agissant des ressources humaines, permettez-moi de vous renvoyer aux documents écrits que sont les bilans sociaux. À Poissy-Saint-Germain-en-Laye, le directeur des ressources humaines que j’étais à l’époque introduisait chaque bilan social par des considérations d’ordre stratégico-politique : je donnais mon avis quant aux conséquences sur l’établissement de la politique de ressources humaines. C’est ainsi que, pendant des années, j’ai pu écrire que si ce dernier ne restructurait pas beaucoup plus rapidement ses activités, on irait dans le mur, que nous vivions au-dessus de nos moyens ou encore que l’accumulation des crédits ouverts en termes de compte épargne temps ou d’heures supplémentaires constituait une bombe à retardement. Tout cela a été lu par toutes les instances de l’établissement, y compris par le conseil d’administration et la tutelle, sans émouvoir personne.

Je veux bien que l’on dise après que le directeur-adjoint dans cette affaire a une responsabilité forte puisque c’est celle d’un directeur d’hôpital, mais les choses étaient, en toute transparence, écrites et pas seulement suggérées.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Chacun peut penser de bonne foi avoir fait son travail, mais le résultat est quand même là, à savoir un établissement dont la gestion est pour le moins problématique. On peut difficilement se satisfaire du montant des déficits accumulés. Pour comprendre, il faut donc aller plus loin que la simple distribution des bons et des mauvais points.

Il est pour nous assez difficile d’admettre que cette situation ait pu durer aussi longtemps sans que l’on s’interroge sur les outils de gestion ou les moyens de suivi. Il y a bien eu un moment où des décisions inopportunes ont été prises.

M. le coprésident Pierre Morange. Le propos de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale n’est pas de clouer X ou Y au pilori, mais de définir, dans le cadre de la gestion collective ou de la responsabilité partagée, où se situe une coresponsabilité au titre tout simplement des contrôles effectués par les différents services que ce soit au niveau des directeurs, du conseil d’administration ou des services de l’État.

La vérité ultime sera dégagée par les instances dites supérieures. Notre propos, lui, n’est pas, je le répète, de cibler X ou Y, mais de comprendre les mécanismes qui ont conduit sur le plan financier à un déficit tout de même pharaonique, qui s’est échelonné sur les huit dernières années.

Mme Viviane Humbert. À mon arrivée, j’ai trouvé une comptabilité analytique très rudimentaire par rapport à ce qui existait dans des établissements que j’avais connus précédemment.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est le moins que l’on puisse dire. Il est pourtant difficile de mener des réflexions stratégiques en termes d’évolution de la masse salariale, qui constitue 70 % du budget hospitalier, si l’on ne dispose pas d’outils pour la mesurer.

Pour autant, la gestion d’un établissement hospitalier qui a tout de même un budget annuel de quelque 260 millions d’euros, nécessite non seulement des outils de mesure, mais également une mémoire. À cet égard, il n’a pas été répondu à notre question concernant l’archivage. Le rapport de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a en effet relevé que les plus anciens dossiers d’appels d’offre dataient de 2003 alors que les textes exigent de les conserver dix ans voire trente ans dans certains cas. Cela ne peut, pour le moins, que laisser perplexe. Qui s’occupe de la destruction des dossiers ou plutôt qui donne les ordres pour procéder à la conservation de la mémoire, conformément aux textes ?

Mme Patricia Colonnello. Nous avons très peu de place à Poissy-Saint-Germain-en-Laye et, du coup, nous éliminons régulièrement des dossiers de marché, même si les contrôles de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) nécessitent de les garder pendant dix ans. Néanmoins, si ces derniers n’étaient plus sur le site hospitalier, il est clair que si l’inspection en avait eu besoin – je n’ai jamais été sollicitée à ce propos – j’aurais fait des pieds et des mains pour les récupérer, notamment auprès du Trésor public qui en a un exemplaire, voire des autorités de tutelle puisque tous nos appels d’offre sont transmis à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales. Il est évident que s’ils n’étaient pas en interne, je me serais débrouillé pour aller les récupérer là où ils étaient.

M. le coprésident Pierre Morange. Pardonnez-moi, mais il ne faut quand même pas dépasser les bornes. Dire qu’il manque de la place à Poissy-Saint-Germain-en-Laye alors que des milliers de mètres carrés y sont disponibles est peut-être un tout petit peu excessif.

Mme Patricia Colonnello. Il ne s’agissait pas de détruire des preuves qui auraient pu être compromettantes.

M. le coprésident Pierre Morange. Je ne vous ai pas dit cela.

Mme Patricia Colonnello. Très sincèrement, je le vis comme cela.

M. le coprésident Pierre Morange. Je ne suis pas arrivé à cette conclusion. Je vous dis simplement que prétendre qu’il n’y a pas quelques pièces disponibles sur le site de Poissy-Saint-Germain-en-Laye pour stocker des documents est déraisonnable.

Mme Patricia Colonnello. S’il y a tant de place à Poissy-Saint-Germain-en-Laye, dites-moi alors pourquoi l’on stocke pour des centaines de milliers d’euros des archives médicales à l’extérieur de l’hôpital ?

M. le coprésident Pierre Morange. C’est une très bonne question.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Compte tenu de l’heure, chacun pourrait s’exprimer une dernière fois avant que la séance ne s’achève.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Il me semble important d’évoquer la notion d’outil de mesure. Le centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye était organisé de telle manière que la direction des ressources humaines disposait d’un outil très précis de mesure des effectifs. Je fournissais ainsi tous les mois à l’ensemble de mes collègues un suivi extrêmement précis des effectifs par statut, par fonction, etc., la direction financière suivant pour sa part la partie financière, sachant bien évidemment que les choses étaient confrontées dans l’année.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Ce n’est donc pas vous qui suiviez la masse salariale.

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Non, je suivais les effectifs.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Vous gériez des personnels sans savoir combien ils coûtaient ?

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Je connaissais bien sûr le coût moyen d’un agent, mais, en termes de comptabilité, je ne suivais pas la partie financière.

M. le coprésident Pierre Morange. En qualité de directeur du personnel, vous ne disposiez pas de tableaux de bord de la masse salariale ?

M. Michel Louis-Joseph Dogué. Cette masse salariale était quasiment implicite puisque je connaissais le coût moyen d’un aide-soignant ou d’un infirmier, par exemple.

Une fois que l’on suit les effectifs par grade, par statut, par type de contrat, et que l’on connaît le GVT, on a une connaissance parfaite de la situation financière des personnels.

Mme Viviane Humbert. Au-delà de la comptabilité analytique, il me semble qu’en matière de facturation nous avons raté deux virages, d’abord celui de l’informatique – nous n’avons pas mis en place les bons outils au bon moment –, ensuite celui de la T2A, que personne n’avait anticipé.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Merci à vous trois de vous être prêtés à cet exercice difficile, mais qui était nécessaire pour nous. Nous continuerons nos travaux sur ces bases.

La séance est levée à onze heures.