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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 30 mars 2010

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 13

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Audition, ouverte à la presse et au public, sur le fonctionnement de l’hôpital

– Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 30 mars 2010

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, sur le fonctionnement de l’hôpital.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir ce matin Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, dans le cadre de nos travaux sur le fonctionnement de l’hôpital.

À travers l’examen de cas concrets, notre Mission cherche à tirer des préconisations concernant les missions de l’hôpital telles qu’elles sont définies dans la loi la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires que vous avez portée, madame la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. L’hôpital public emploie un million de personnes et le secteur hospitalier représente dans son ensemble 71 milliards d’euros de dépenses d’assurance maladie par an.

L’hôpital est au cœur de la vie de nos cités. Il évolue, se modernise et s’adapte aux enjeux de demain et ces évolutions sont attendues non seulement par les patients mais aussi par les professionnels de santé. Les défis que l’hôpital doit relever sont très nombreux : vieillissement de la population, développement des maladies chroniques et de la dépendance, intégration de très importants progrès technologiques, évolutions des demandes des usagers et de leurs familles, tous éléments qui modifient les prises en charge.

Nous voulons relever ces défis en poursuivant les réformes engagées puisque se moderniser, c’est d’abord mieux concilier la qualité des soins et l’efficacité de leur organisation.

J’ai, de par ma fonction de ministre de la santé, la responsabilité de garantir à tous les Français l’accès à des soins de qualité tout en maîtrisant les dépenses engagées. J’entends assumer cette responsabilité en cherchant l’équilibre entre deux objectifs impondérables : la santé publique et la responsabilité financière, ce qui suppose d’inscrire toutes mes actions dans la durée et la cohérence.

L’action publique s’inscrit dans le long terme. De ce point de vue, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires à laquelle vous avez fait allusion, M. Morange, a marqué une étape essentielle puisqu’elle va permettre de mettre en place le cadre de fonctionnement des établissements de santé pour au moins une décennie.

Les problématiques en matière de santé ont évolué, ce qui nous impose d’avoir une vision prospective. Les soins seront de plus en plus individualisés : ils seront non seulement adaptés à l’âge et à la pathologie du patient mais également à ses souhaits, à son environnement et même à son profil génétique – comme on le voit déjà en cancérologie. Les progrès de l’imagerie et des techniques interventionnelles font reculer la chirurgie invasive et les anesthésies complètes. Les systèmes d’information – dont nous favorisons le développement – permettent un suivi à distance en liaison avec les professionnels libéraux et les outils de télémédecine se déploient jusqu’au domicile des patients.

La loi la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires répond à ces nouvelles problématiques en favorisant de nouvelles formes d’organisation, des coopérations entre plusieurs hôpitaux qui, à l’échelle d’un territoire, d’une région, parfois même d’une interrégion, offrent une palette de soins graduée du plus simple au plus technique. Les établissements publics mutualisent et devront de plus en plus mutualiser leurs ressources et leurs compétences pour apporter une réponse adaptée aux besoins de nos concitoyens. C’est le sens des communautés hospitalières de territoire et des groupements de coopération sanitaire, qui vont permettre d’opérer des recompositions et d’offrir des complémentarités médicales.

Le dynamisme des hôpitaux publics passe par un pilotage renforcé autour d’un projet médical. J’insiste sur le mot « médical » car il est consubstantiel à un projet hospitalier. La loi permet d’avoir un responsable et un décideur unique à l’hôpital : le directeur qui, recruté selon des modalités professionnalisées et formé aux techniques managériales, dispose d’une plus grande autonomie et d’une plus grande souplesse de gestion.

La rénovation du cadre d’exercice des médecins est essentielle. J’ai voulu, là aussi, assouplir les statuts et créer des passerelles.

Les personnels hospitaliers doivent être également mieux associés aux évolutions de l’hôpital. La France est sans doute le seul pays d’Europe où il existe de telles frontières de compétences entre les personnels soignants et les médecins. Je veux y remédier. La levée de ces frontières, d’une part, permettra des soins efficients et, d’autre part, répondra aux aspirations des personnels.

Pour garantir la qualité des soins – ce qui est le fil rouge de mon action ministérielle –, les professionnels de santé doivent être mieux formés.

Nous devons, par ailleurs, renforcer l’attractivité des carrières à l’hôpital. Je veux également, avec le ministère de l’enseignement supérieur, encourager la recherche et l’enseignement.

En décidant d’appliquer le dispositif Licence-Master-Doctorat (LMD), j’ai voulu valoriser les professionnels paramédicaux, leur ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles, créer de nouveaux métiers et permettre une délégation plus large des actes.

Les difficultés que nous connaissons en matière de démographie médicale – je suis reconnaissante, à ce sujet, au Président de la République d’avoir inscrit cette question comme une des priorités de la seconde partie de son quinquennat –, nous invitent à recentrer les médecins sur leur cœur de métier pour libérer du temps médical, en ville comme à l’hôpital.

Afin d’améliorer la continuité des soins, j’ai donc souhaité que les personnels paramédicaux soient mieux reconnus et puissent assumer une plus grande part de soins dans les domaines de la rééducation, de l’action thérapeutique, de la prévention et de la coordination d’accompagnement. Ils le méritent et nous avons besoin d’eux. C’est une stratégie gagnant-gagnant.

Nous sommes à J–2 de la création des agences régionales de santé (ARS) qui sont la clé de voûte de la loi. Je suis très heureuse de venir devant votre Mission à quelques heures de ce lancement.

En matière hospitalière, les agences régionales de santé vont entraîner deux changements.

D’une part, elles vont unifier le pilotage de l’offre de soins ambulatoires hospitaliers et médico-sociaux, ce qui devrait faciliter la sortie de ce que certains ont appelé l’hospitalo-centrisme au profit de l’intégration de l’hôpital dans un projet territorial permettant de prendre en compte l’amont et l’aval de celui-ci.

D’autre part, les agences régionales de santé vont enrichir le suivi de l’hôpital, qui ne va plus se limiter à une juste répartition de l’offre de soins hospitaliers sur un territoire mais qui va désormais inclure la performance de l’hôpital, de la qualité des soins aux résultats financiers. Le pilotage de la performance de l’hôpital va donc être renforcé.

La création des agences précédera de quelques jours, pour ne pas dire de quelques heures, la publication des textes sur la gouvernance des établissements publics de santé, laquelle donnera le coup d’envoi de la mise en place de la réforme dans les hôpitaux.

La création des agences régionales de santé et la mise en place de la gouvernance hospitalière sont deux piliers de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Il faut se réjouir que la réforme progresse.

Parallèlement à l’action publique, j’ai souhaité mettre en œuvre un autre chantier, lui aussi de longue haleine : celui du financement de l’hospitalisation, socle fondamental reposant sur un certain nombre de leviers contenus dans la loi. Sans une analyse de ce socle, on ne peut comprendre ni l’évolution passée ni l’évolution à venir de l’organisation du fonctionnement de notre hôpital.

Un système de financement adapté est un système qui garantit la performance globale de l’hôpital – entendue comme la conjonction d’un haut niveau de qualité et de sécurité des soins – et une exigence d’efficience médico-économique.

La mise en place, en 2004, de la tarification à l’activité (T2A) comme outil de financement des établissements de santé, publics et privés, a constitué une réforme majeure et structurante qui a répondu aux objectifs de mes prédécesseurs. Elle a institué un financement plus équitable, lié à la production effective de soins – ce qui évite les rentes de situation et donne aux établissements des moyens cohérents par rapport aux coûts constatés – ; un financement qui permet de mieux accompagner les innovations scientifiques et techniques – notamment grâce à l’instauration d’une liste de médicaments et de dispositifs médicaux facturés en sus des tarifs – ; un financement, enfin, plus responsable qui a modifié la culture hospitalière en lui imposant un pilotage des recettes et une recherche d’efficience.

Dans leur très grande majorité, les professionnels ne remettent pas en cause les principes de la T2A. Ils lui reconnaissent de nombreuses vertus car ils sont conscients qu’elle a pour objet une juste et pertinente répartition des ressources hospitalières disponibles. D’ailleurs, quand on demande à certains professionnels qui critiquent la T2A, ou certains aspects de cette tarification, s’ils souhaiteraient revenir au système précédent, il est amusant de constater qu’ils répondent vivement par la négative : ils en connaissent trop les effets pervers.

On peut d’ailleurs remarquer que l’instauration de la T2A n’a pas eu d’effet sur l’enveloppe globale destinée à l’hôpital. Les ressources hospitalières n’ont pas baissé. Elles dépendent toujours du niveau de l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie (ONDAM) voté chaque année par le Parlement et qui croît chaque année de façon beaucoup plus importante que la richesse nationale. Il a encore progressé de 2,8 % en 2010, c’est-à-dire de deux milliards d’euros par rapport à 2009.

Il est important de rappeler que notre pays consacre une part importante de sa richesse nationale à sa santé.

La T2A est montée en puissance progressivement, sur plusieurs années, dans le respect des établissements, afin de lisser les effets redistributifs. Cependant, je ne méconnais pas ses conséquences : il y a eu des gagnants et des perdants. Si la T2A est appliquée à 100 % depuis 2008, les effets redistributifs liés à ce taux d’application ne sont pas encore pleins et entiers. Une période de transition est prévue jusqu’en 2012 pour permettre aux établissements publics et privés de disposer d’un temps suffisant d’adaptation.

La T2A n’est pas un modèle figé : elle s’adapte d’année en année dans l’optique de gagner en précision et en justesse dans l’allocation des financements aux établissements de santé.

Les deux dernières années ont été marquées par des évolutions importantes.

Par l’introduction d’une nouvelle version des tarifs hospitaliers, appelée V11, je veux à la fois mieux financer les séjours des patients atteints d’une pathologie lourde et prendre en compte les surcoûts liés à la prise en charge des patients en situation de précarité.

Les modes de financement de la permanence des soins hospitaliers ont été également modifiés afin de mieux cibler les établissements qui prennent en charge ce coût.

Les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) ont été réévaluées en 2008 et consolidées en 2009. Il a été proposé un nouveau modèle de financement des missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI).

La complexité du fonctionnement de l’hôpital et, notamment, la multiplicité des missions et des activités mises en œuvre ne permettaient pas d’obtenir un financement parfait dès la première année. L’un des enjeux des prochaines années est de trouver un compromis entre raffinement des règles de financement et demande de stabilité : on ne souhaite rien de moins, en effet, qu’un modèle de plus en plus juste et de plus en plus stable dans un milieu en perpétuel changement, ce qui est un peu paradoxal.

Pour répondre à cette demande de stabilité des professionnels, la campagne tarifaire 2010 s’emploiera à consolider les évolutions antérieures et ne comportera pas d’évolution systémique de grande ampleur.

Des améliorations seront apportées.

J’ai décidé d’augmenter de 50 % l’enveloppe de prise en charge des personnes en situation de précarité. La lutte contre les inégalités en matière de santé est, vous le savez, un des fils rouges de ma politique.

Des chantiers importants nous attendent dans les années à venir. Je pense tout particulièrement à l’élargissement du champ d’application de la T2A aux secteurs d’activité qui en avaient été exclus en 2004 : les soins de suite et de réadaptation (SSR), la psychiatrie, les hôpitaux locaux. Dans aucun de ces secteurs, le modèle cible n’a encore été appliqué. J’entends lancer une très large concertation avec les professionnels concernés car je veux me conformer à la méthode de travail qui a guidé les évolutions antérieures.

Un système de financement adapté doit également garantir l’efficience médico-économique des acteurs.

Le Président de la République avait réaffirmé, vous vous en souvenez, la nécessité pour nos hôpitaux publics de revenir à l’équilibre financier d’ici à 2012. Cet objectif a été fixé dans l’intérêt même des établissements concernés : aucun hôpital ne peut accumuler durablement les déficits sans remettre en cause son existence sur le long terme. Le retour à l’équilibre est une condition de la pérennité de nos établissements de santé. Une situation financière saine est indispensable pour continuer à mettre en œuvre des projets nouveaux et pour investir dans des bâtiments neufs ou dans des équipements biomédicaux de pointe.

Le déficit de l’hôpital n’est pas une fatalité. Des résultats encourageants ont été obtenus au cours des deux dernières années. Le déficit global des hôpitaux a ainsi décru de près de 90 millions entre 2007 et 2008. La même tendance doit être observée entre 2008 et 2009. Les premiers chiffres sont très encourageants.

En 2008, 61 % des établissements publics de santé étaient à l’équilibre ou en excédent. Les 39 % qui étaient encore en déficit ne l’étaient pas tous dans les mêmes conditions, la majorité de ce déficit étant concentré sur un nombre très limité d’établissements qui n’avaient pas su procéder aux réformes de gestion nécessaires.

Les difficultés budgétaires sont le plus souvent dues à une mauvaise utilisation des moyens alloués, cette mauvaise utilisation étant elle-même liée à une organisation inadaptée. Je récuse l’idée selon laquelle les déficits auraient pour origine l’insuffisance des ressources allouées aux hôpitaux. De ce point de vue, la tarification à l’activité a joué le rôle de révélateur de la lourdeur de certaines organisations internes et du manque de productivité de certains hôpitaux. Cette situation est elle-même liée, très souvent, à un déficit de pilotage. C’est pour tenir compte de cette grande diversité de situation que la politique que je conduis depuis maintenant trois ans s’est matérialisée à la fois par une fermeté dans la fixation des objectifs, un suivi des résultats obtenus et une confiance dans la capacité des acteurs à relever le défi, capacité que j’ai encouragée par un accompagnement méthodologique et financier. Je n’ai jamais « laissé tomber » les acteurs qui s’impliquaient dans cette démarche.

Les bons résultats obtenus sont donc à mettre au crédit à la fois d’une plus grande responsabilisation des établissements, permise par la tarification à l’activité, et d’une mobilisation des services du ministère. Les deux se sont donné les moyens et les outils pour mener à bien cette politique.

Un cadre juridique adapté à la mise en œuvre de l’objectif fixé par le Président de la République a été mis en place, avec l’obligation de conclusion d’un contrat de retour à l’équilibre quand l’établissement connaît une situation financière dégradée, ou la possibilité de mise sous administration provisoire quand la situation est vraiment très détériorée et que les mesures de redressement n’ont pas été mises en œuvre ou ont échoué. C’est ainsi que 238 établissements se sont engagés dans une procédure de retour à l’équilibre, ce qui représente une proportion bien supérieure à celle qu’implique l’application des critères de dégradation financière contenus dans le décret du 27 juin 2008. Cela prouve qu’il y a eu une démarche d’anticipation de la part d’un certain nombre d’établissements, signe qu’une autre culture prévaut à l’hôpital : une culture de prévention, complément indispensable de l’action curative. Cela vaut pour la médecine comme pour la gestion.

Les établissements ne sont pas seuls. Le ministère les a accompagnés tout au long du processus. Les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) ont vu leur marge de manœuvre budgétaire augmenter de 100 millions d’euros pour aider les établissements qui devaient être aidés. Cet accompagnement budgétaire, quantitatif, s’est doublé d’un accompagnement qualitatif, méthodologique, d’aide à la réorganisation parce que seules les réformes de structure sont de nature à dégager avec pertinence des marges de manœuvre pour assurer le rétablissement durable de la situation budgétaire d’un établissement. Si l’on se contente de donner de l’argent et qu’on laisse perdurer les mécanismes délétères qui ont causé le déficit, on ne règle rien et la situation financière de l’établissement de santé se dégradera à nouveau. Le retour à l’équilibre est indispensable à l’exercice des missions de l’hôpital au service des patients et à la qualité des soins. Il vise un objectif de qualité de soins plus que d’assainissement comptable.

Cette approche a exigé la création de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux qui a vocation à apporter un soutien méthodologique aux hôpitaux, en s’engageant dans des réorganisations de leurs activités, et à diffuser les enseignements tirés de ces réorganisations. En plus d’aider les établissements de santé, il constitue une sorte de lieu de collecte des bonnes pratiques pour que tout le monde puisse en profiter.

Certains cas particuliers accréditent malheureusement la thèse de l’insuffisance des efforts de gestion des hôpitaux. Mais je veux nuancer cette affirmation et rendre justice aux efforts consentis ces dernières années par la très grande majorité des établissements publics. La conjonction de la politique de retour à l’équilibre des comptes des établissements de santé et du processus de convergence intrasectorielle a contraint les établissements de santé publics et leurs personnels à un effort sans précédent de rationalisation de leurs organisations et de leurs coûts. Bien qu’il reste encore insuffisant, il faut reconnaître cet effort à sa juste hauteur et à sa juste valeur. Je souhaite que les établissements de santé entendent les paroles de reconnaissance que je leur adresse.

Je veux impulser une politique hospitalière ambitieuse, responsable, réaliste. Elle doit être responsable parce qu’elle doit permettre de maîtriser les dépenses de santé pour préserver notre système hospitalier. Elle doit également être ambitieuse parce qu’elle porte une vision moderne de l’hôpital de demain. Les évolutions étant lourdes, elles doivent être anticipées plusieurs années à l’avance.

Les patients et les professionnels de santé verront ainsi leurs besoins et leurs aspirations mieux pris en compte. L’ambition d’articuler étroitement la qualité des pratiques et l’efficacité économique est au cœur de la politique que je veux mener au service du système hospitalier de notre pays.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Je vous remercie, madame la ministre, pour ce propos introductif.

Par l’étude de cas précis, notre Mission essaie de saisir, autant qu’elle le peut – je ne suis pas, personnellement, praticien de ce secteur – la réalité du fonctionnement de l’hôpital sur le terrain, ce qui m’amène à vous poser quelques questions.

Vous tablez sur un retour à l’équilibre financier des hôpitaux à l’horizon 2012. Pensez-vous que cet objectif sera atteint ?

J’ai ressenti un décalage assez important entre le système de la T2A mis en place sur le plan national et la situation réelle dans les établissements : absence de système de comptabilité analytique réellement performant, sous-facturation de certaines prestations, systèmes d’information peu homogènes et peu satisfaisants. Malgré leur sophistication et leur affinement régulier, les outils de gestion ne suscitent pas un management aussi efficace qu’on pourrait l’espérer sur le terrain.

Ce phénomène est lié à l’ambiguïté de l’objectif de la T2A : cette tarification est-elle un outil pour mesurer le juste coût des prestations ou pour orienter les activités des établissements de santé ?

Mme la ministre. Contrairement à ce que l’on entend ici ou là, la situation financière des hôpitaux s’est significativement améliorée ces dernières années.

Après une lente dégradation des comptes des hôpitaux jusqu’en 2007, il s’est produit une inversion de tendance en 2008. Le résultat d’exploitation et la capacité d’autofinancement des établissements publics de santé se sont améliorés.

Au niveau national, le déficit du compte de résultat principal s’est établi à 592 millions d’euros en 2008, contre 679 millions en 2007, ce qui représente une amélioration notable. Toujours en 2008, 61 % des établissements réalisaient un excédent à hauteur de 211 millions d’euros et 41 % accusaient un déficit sur leur compte de résultat principal pour un montant de 803 millions d’euros, 11 établissements, dont 9 CHU, concentrant à eux seuls 40 % de ce déficit. Le déficit des Hospices civils de Lyon, par exemple, s’élevait à 94 millions d’euros, celui de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) à 58 millions d’euros et celui de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à 20,8 millions d’euros.

Cette amélioration du compte de résultat principal s’explique en partie par une progression plus modérée des charges de personnel – 3,4 % en 2008, contre 4 % en 2007, ce qui montre qu’il n’y a pas de réduction des dépenses de personnel mais une progression plus modérée – et par une progression plus importante des recettes : 4,8 % en 2008, contre 3,4 % en 2007.

La capacité d’autofinancement s’est établie à 3,39 milliards d’euros en 2008 – ce qui correspond à une augmentation de 530 millions par rapport à 2007, soit 18 % d’augmentation – et représente 5,1 % du total des recettes. Cette augmentation s’explique par l’amélioration du résultat d’exploitation et par la dynamique insufflée par le plan Hôpital 2007.

Les premiers chiffres dont nous disposons sur 2009 semblent confirmer cette tendance. Ils doivent être interprétés avec prudence car tous les établissements n’ont pas transmis leurs comptes, mais les chiffres fournis par 1 151 établissements sur 1 674 font apparaître, sous réserve de la validation définitive, une tendance forte à l’amélioration.

Certains établissements très importants ont vu leur situation s’améliorer très significativement. Le déficit des Hospices civils de Lyon est passé de 94 millions d’euros à 79 millions d’euros, celui de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), de 58 à 36 millions d’euros. Je veux saluer les efforts que cela représente pour les gestionnaires et l’ensemble de la communauté hospitalière.

Certains établissements marquent une tendance inverse. En particulier l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) devrait voir passer son déficit de 20 à 96 millions d’euros, creusant ainsi de 67 millions d’euros le déficit national, ce qui témoigne de la nécessité de procéder à des réorganisations, d’autant que l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris bénéficie d’un rebasage particulièrement favorable.

La dynamique et les résultats obtenus depuis 2007 permettent d’espérer un retour à l’équilibre en 2012.

On constate une prise de conscience de la part des acteurs de l’hôpital. Ces derniers ont compris que l’objectif de retour à l’équilibre était dans leur intérêt. Cette prise de conscience est à mettre au compte de la tarification à l’activité, associée à la mise en œuvre progressive de l’organisation en pôles et de la délégation de gestion inhérente à cette organisation, qui ont permis la diffusion d’une culture médico-économique.

Nous assistons vraiment à un mouvement de fond, si bien que les risques d’un retour en arrière me paraissent extrêmement limités.

Si nous parvenons à garantir aux hôpitaux un certain taux de progression de leurs ressources dans les prochaines années, j’estime que le retour à l’équilibre en 2012 est à notre portée. Je vais être extrêmement vigilante sur cet objectif, qui m’a été fixé par le Président de la République.

Nous souhaitons, bien entendu, améliorer le management médico-économique de l’hôpital. Cela passe par la clarification de la gouvernance, dont nous avons abondamment parlé, et par le renforcement de la compétence du pilotage des établissements, notamment par le développement des outils de la comptabilité analytique et, plus largement, du contrôle de gestion. Ces outils sont indispensables pour évaluer l’activité, la gestion, analyser les coûts, les écarts et tirer les conclusions qui permettent de prendre de bonnes décisions en termes de sécurité, de qualité, de performance de prestations.

La direction générale de l’offre de soins (DGOS), qui remplace la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), conduit actuellement, avec l’ensemble des acteurs de la comptabilité analytique hospitalière, un chantier visant à accélérer le processus de généralisation de la comptabilité analytique dans les établissements de santé. Cela introduira une plus grande lisibilité et une plus grande pertinence dans le dispositif qui encadre la comptabilité analytique hospitalière. Nous débuterons par une harmonisation des outils et des méthodes de calcul des coûts, attendue à la fois par l’hôpital et par les éditeurs des systèmes d’information, qui pourront ainsi proposer des logiciels de gestion adaptés. Une mission d’appui et d’accompagnement au changement est conduite par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux afin de promouvoir le renforcement des compétences en matière d’analyse et de prise en compte des résultats de gestion dans le pilotage stratégique et opérationnel des établissements.

La T2A doit-elle être utilisée pour rémunérer les actes au juste prix ou pour réorienter l’offre ? Elle doit faire les deux, même si la conciliation des deux objectifs peut paraître complexe. Je ne méconnais cependant pas les difficultés.

Un tarif, c’est à la fois la compensation d’une charge supportée par l’établissement, l’évaluation du prix d’une prestation de soins existante ou à venir dans le cadre d’une innovation, un instrument incitatif – je l’ai utilisé pour la chirurgie ambulatoire et les soins palliatifs – et une modalité de répartition d’une ressource allouée par le Parlement dans le cadre général de l’ONDAM.

La construction des tarifs se fait en trois étapes – tarifs bruts, tarifs repères et tarifs de campagne – et permet de fonder le calcul de ceux-ci sur les coûts observés dans chacun des secteurs en soutenant certaines activités au titre des politiques de santé publique, tout en prenant en compte les revenus qui peuvent être ainsi produits.

La dimension « juste prix » est présente dans la construction tarifaire lorsque nous partons, entre autres, des éléments qui nous sont fournis par l’étude nationale de coûts à méthodologie commune.

La dimension « réorientation de l’offre » est également présente. Le mode de financement est en effet structurant. Dans un dispositif T2A, les acteurs économiques réagissent en faisant des choix orientés vers le développement d’activités qui correspondent à un besoin effectif. Une baisse de tarif peut répondre à la régulation d’une activité qui ne répond plus aux besoins de la population. A contrario, l’instauration de tarifs adaptés favorise la création d’une offre et le développement d’activités nécessaires. Je citerai à cet égard trois exemples.

La chirurgie ambulatoire – domaine où la France accuse un grand retard par rapport à d’autres pays comme le Danemark où elle est pratiquée pratiquement à 80 % – a fait l’objet de mesures incitatives dans le cadre de la T2A : rapprochement des tarifs des groupes homogènes de malades (GHM) correspondants avec ceux des mêmes prestations en hospitalisation complète. L’analyse de l’évolution des séjours confirme une tendance à la hausse des séjours de chirurgie ambulatoire et, corrélativement, une tendance à la baisse des GHM homologues en hospitalisation.

La notion de soins palliatifs, à laquelle je suis, comme la représentation nationale, très attachée, a été reconnue au plan financier et la création de structures correspondantes a été favorisée via des tarifications incitatives.

L’activité de transplantation d’organes s’est vue octroyer des financements spécifiques qui favorisent une organisation des prélèvements et des greffes.

Même si ce n’est pas facile, je veux continuer sur cette base.

M. Jean-Pierre Door. J’apporterai tout d’abord un témoignage qui confirme les progrès réalisés en matière d’équilibre hospitalier.

Lors de l’inauguration, qui a eu lieu hier, d’un service de médecine psychiatrique et d’un service de médecine générale dans ma circonscription – service de médecine générale que vous avez d’ailleurs visité, madame la ministre –, l’ancien directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation m’a confirmé que, pour toute la région, l’équilibre était plus qu’atteint : la majorité des établissements, y compris le CHU, sont en excédent. Deux petits hôpitaux posent encore quelques problèmes de retour à l’équilibre mais, sur la région, le service hospitalier fonctionne bien, ce dont on ne peut que se réjouir.

Ma première question concernera le nombre d’hôpitaux en France, qui est de 3 000 et quelques. N’y a-t-il pas trop d’hôpitaux en France ? L’Allemagne n’en compte qu’un peu plus de 2 000.

Par ailleurs, pressés, comme vous, que la T2A fonctionne bien, nous avons été nombreux à regretter que la convergence des tarifs public-privé soit reportée en 2018. Nous avons l’impression d’aller clopin-clopant et voudrions aller plus vite. Qu’en pensez-vous ?

Ma troisième question portera sur le fonctionnement des services hospitaliers. L’entrée à l’hôpital et la sortie de celui-ci posent encore des difficultés, si bien qu’il y a des embouteillages en amont comme en aval. Comment peut-on remédier à ces dysfonctionnements ?

Ma quatrième question concernera les missions d’intérêt général – je laisse de côté, pour l’instant, l’aide à la contractualisation. Les missions d’intérêt général sont, comme l’a souligné la Cour des comptes, très variables d’un centre hospitalier à l’autre puisqu’elles représentent entre 8 % et 20 % de leurs activités. Il peut s’y ajouter, à votre demande, madame la ministre, ou à celle du Président de la République, le lancement de plans, comme le plan « cancer ». Cela risque de déséquilibrer l’ONDAM si des financements supplémentaires ne sont pas prévus. Comment faire pour répondre aux demandes prioritaires de l’État et respecter l’ONDAM ?

Ma dernière question portera sur la mission présidée par M. Jean-Pierre Fourcade que vous avez mise en place sur le suivi de la réforme de l’hôpital : qu’en attendez-vous ?

Mme Catherine Génisson. Je commencerai, comme M. Jean-Pierre Door, par apporter un témoignage. J’étais de garde, dimanche dernier, à l’hôpital d’Arras dans le cadre du SAMU-centre 15 et je dois dire qu’il existe un décalage entre le vécu des professionnels de santé à l’intérieur de l’hôpital public et le tableau que vous en avez brossé.

L’équilibre financier des hôpitaux pourra être atteint en 2012, soit par une diminution arbitraire des dépenses, soit par une augmentation, ce qui serait extraordinaire, des recettes.

L’hôpital public vit aujourd’hui non seulement une diminution de ses dépenses, mais également la révision générale des politiques publiques, laquelle se traduit par le non-remplacement de certains personnels. Des coupes sombres sont actuellement opérées, et ce de manière arbitraire entre les personnels soignants et non soignants. Cette question mériterait d’être regardée de manière attentive.

La T2A en tant qu’outil d’orientation ne défend pas toujours les bonnes causes : elle pousse parfois à privilégier les activités dites rentables. Un grand nombre d’hôpitaux abandonnent certaines pratiques, non parce qu’elles sont inutiles, désuètes ou n’ont plus lieu d’être, mais parce qu’elles ne sont pas rentables, ce qui provoque parfois le report de celles-ci sur de grands établissements qui voient ainsi se creuser leur déficit. La T2A en tant qu’outil d’orientation nécessiterait un encadrement très fort afin que l’hôpital public n’abandonne pas sa fonction essentielle, qui est d’accueillir tout le monde.

J’ai toujours été perplexe sur la définition des missions d’intérêt général. Je pense qu’elle devrait être beaucoup plus précise.

Malgré les améliorations que vous avez apportées avec la V11, il me semble nécessaire d’affiner encore l’analyse afin de prendre en compte, non seulement les situations de précarité, mais encore la situation sociale de tous les patients accueillis à l’hôpital public.

Tout en reconnaissant les progrès réalisés en matière de chirurgie – il fallait, en effet, plus parler de désorganisation que d’organisation des blocs opératoires –, je tiens à faire remarquer que ce ne sont pas les mêmes patients qui sont accueillis à l’hôpital public et en chirurgie ambulatoire. Tout ce qui est ambulatoire est basé sur la responsabilisation du patient et de son entourage. Or, force est de constater qu’on est souvent contraint de garder des patients à l’hôpital public car, faute d’une organisation adéquate de l’aval, comme l’a souligné M. Jean-Pierre Door, on ne peut pas renvoyer rapidement les patients chez eux.

Enfin, je précise que cela fait longtemps que la gestion médico-économique est consubstantielle au fonctionnement des professionnels de santé à l’intérieur de l’hôpital public.

Mme la ministre. Compte-t-on trop d’hôpitaux dans notre pays ? Question ontologique ! Une évaluation objective du maillage hospitalier français montre en effet qu’il est le plus dense du monde, ce qui représente moins une charge qu’une chance. Dans le contexte de difficultés que connaît la démographie médicale et du fait de l’exigence de décloisonnement, l’hôpital de proximité constitue un élément fondamental auquel peut s’adosser la médecine de premier recours. Cela exige des évolutions du tissu hospitalier car on ne pourra pas tout faire partout. C’est pourquoi, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a introduit les indispensables concepts de gradation des soins et de coopération entre établissements. On voit clairement se dessiner l’évolution de l’hôpital vers des équipements techniques extrêmement perfectionnés, des hospitalisations courtes, assurées par des personnels de plus en plus spécialisés, pouvant aller jusqu’à une centaine de personnes autour d’un plateau chirurgical performant. L’image du chirurgien qui effectue seul, dans un petit hôpital local, toutes les prestations est aujourd’hui révolue. Il faut une gradation des soins, selon laquelle l’hôpital de proximité, absolument nécessaire pour garantir l’offre de soins, doit traiter les urgences, les soins courants et les soins post-aigus. On ne peut donc pas dire, d’une façon technocratique et inhumaine, qu’il y a trop d’hôpitaux dans notre pays.

Le report de la convergence à 2018 traduit, là encore, le refus d’une vision technocratique imposant une évolution à marche forcée. La convergence ne signifie pas l’égalité, mais l’évaluation des charges spécifiques imposées aux établissements, ainsi que le permet l’introduction dans la V11 de facteurs correctifs tenant compte de la sévérité des pathologies et de la situation de précarité des patients. À charges égales, rémunérations égales, mais à charges différentes, rémunérations différentes. J’ai donc reporté la convergence dans l’attente de l’évaluation des contraintes des établissements, d’ailleurs déjà étudiées par une mission parlementaire.

Le décloisonnement devrait permettre, en amont, de mieux gérer l’entrée des malades à l’hôpital et, en aval, de mieux les orienter à leur sortie car, aujourd’hui, certains d’entre eux restent hospitalisés faute de solution thérapeutique au dehors. On constate aux urgences un afflux important de malades qui n’ont pas vu préalablement de généraliste. Or dix-sept millions de personnes sont passées par les urgences à l’hôpital en 2008. Des mesures ont été prises afin d’améliorer la prise en charge de soins non programmés et de soulager ainsi les urgences hospitalières. La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires rénove le dispositif de la permanence de soins en créant une obligation pour les médecins libéraux d’assurer cette mission de service public dans le cadre de leur activité, et selon l’organisation définie par les directeurs généraux des agences régionales de santé, qui transmettent les informations nécessaires aux préfets. Elle réaffirme le rôle essentiel de la régulation médicale préalable dans le système de prise en charge des soins de premier recours en faisant du « 15 » le numéro national d’appel. Un médecin libéral peut assurer la permanence d’un centre « 15 » hébergé par un établissement de santé. Cette régulation sert de premier filtre pour réorienter éventuellement le malade vers la médecine de ville. Le développement des maisons médicales de garde offre une autre alternative à l’urgence hospitalière tout en s’appuyant sur les structures de l’hôpital, comme le recommande la circulaire ministérielle de 2007.

L’organisation de la permanence des soins, sous l’égide du directeur général de l’agence régionale de santé, fera l’objet d’un suivi particulier, dont un des indicateurs de performances pourrait être l’évolution du taux de passage aux urgences en première partie de nuit. Cette mise en place, dans le cadre des établissements hospitaliers, poursuit trois objectifs : l’accès permanent aux soins urgents, l’optimisation de la ressource médicale et paramédicale et, enfin, l’efficience du dispositif. Son organisation sera territoriale, pilotée par les agences régionales de santé sur la base des schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) qui intègrent aussi la médecine ambulatoire.

Le coût des gardes et des astreintes médicales a été retiré des tarifs en 2009 afin de constituer une enveloppe MIGAC permettant aux agences régionales de santé de rémunérer directement les établissements en fonction de leur prise en charge effective de la permanence des soins hospitaliers. L’enveloppe s’élève à un montant annuel de 760 millions d’euros en année pleine.

La création des agences régionales de santé vise aussi à décloisonner les secteurs social et médico-social. Le taux d’occupation de la médecine-chirurgie et gynécologie-obstétrique (MCO) en court séjour dans notre pays est l’un des plus faibles d’Europe. Il existe donc des capacités de réorganisation importantes, qui se situent au centre des objectifs de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Les marges étant considérables en ce domaine, nous avons créé des outils tels que celui de la fongibilité asymétrique, qui entraînera les réorganisations vers les soins post-aigus, c’est-à-dire là où sont les besoins.

Les missions d’intérêt général de l’hôpital sont-elles perturbées par les plans de santé publique ? Elles sont bien davantage menacées par les déséquilibres budgétaires des établissements car, en situation de déficit, la tentation est de compenser les insuffisances financières par les dotations au titre des missions d’intérêt général, qui servent alors de variables d’ajustement. Nous nous efforçons de garantir l’équilibre entre la partie qui relève des missions d’intérêt général et la partie tarifaire, dans le respect de l’enveloppe globale de l’ONDAM, qui progresse plus vite que la richesse nationale et qui intègre les mesures nouvelles, lesquelles représentent 2 milliards d’euros, alors que les plans de santé publique s’élèvent à 500 millions d’euros. Du fait de leur caractère pluriannuel, la première année d’application de ceux-ci est financièrement blanche. En outre, les actions de prévention ou d’amélioration des prises en charge qu’ils comportent correspondent à des stratégies à terme gagnantes au niveau de l’hôpital public. Ils constituent enfin des démarches de réorganisation mobilisant des moyens souvent déjà existants. Leur « mise en péril » des missions d’intérêt général est donc pour le moins à relativiser.

La mission « Fourcade » pourrait tout aussi bien s’appeler mission « Door » puisque vous y représentez, monsieur le député, l’Assemblée nationale. Elle a été installée à la fin du mois de janvier 2010, en application des dispositions prévues par l’article 35 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Elle correspond aussi aux nouveaux pouvoirs conférés au Parlement. Elle a pour objet l’évaluation de la mise en œuvre du titre Ier de la loi, relatif à la modernisation des établissements de santé et visant notamment leurs missions, leur statut, la coopération hospitalière et le rôle joué par les agences régionales de santé. Son rapport doit être remis deux ans après la promulgation de la loi, soit le 20 juillet 2011. Mais, avant cette date, je serai attentive à tout rapport d’étape ou compte rendu provisoire de nature à fournir un outil de pilotage du suivi de l’application de la loi.

Les termes employés par Mme Catherine Génisson ne me permettent pas de reconnaître la réalité.

Non seulement les dépenses hospitalières ne diminuent pas, mais elles augmentent nettement plus vite que la richesse nationale, ainsi réorientée pour partie vers la santé publique. Dans ce domaine, les dépenses sont illimitées. Elles seraient toujours insuffisantes quand bien même elles atteindraient 100 % de la richesse nationale.

La France figure parmi les trois pays au monde qui consacrent à la santé la part la plus élevée de leur revenu national. Elle est celui dont le niveau des dépenses hospitalières est le plus fort par habitant. Les charges de personnels ne subissent pas de coupes sombres. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne touche pas le secteur hospitalier. Le retour à l’équilibre financier des hôpitaux est obtenu par tous moyens : les ajustements d’effectifs n’interviennent qu’à la marge. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas diminué au cours des dernières années : ils ont même progressé de 11,4 % en dix ans.

L’observation de l’évolution des différents secteurs financés par l’Assurance-maladie montre que le secteur médico-social occupe une place de plus en plus importante, ayant créé 20 000 emplois en 2008, quand, dans le même temps, le secteur hospitalier en créait 5 000. Le phénomène va s’accélérer. Globalement, notre système de santé embauche. Le chômage ne touche pas les métiers médicaux et paramédicaux. Dans notre société en pleine mutation, quel autre secteur d’activités crée-t-il autant d’emplois, peu qualifiés comme très qualifiés, partout dans le monde et dans tous les départements français ?

La T2A ne conduit pas à privilégier les activités rentables de l’hôpital puisque son mécanisme empêche qu’elles le restent, du fait de l’ajustement continu des tarifs à la réalité des coûts. En outre, les activités hospitalières ne peuvent être rapidement modifiées et répondent à des besoins qui viennent de l’extérieur. Aucune n’a d’ailleurs vocation à devenir rentable. Un établissement hospitalier qui chercherait à agir dans ce sens commettrait une grave erreur. Les rémunérations doivent correspondre à la réalité des coûts et l’offre correspondre à celle des besoins.

M. le coprésident Pierre Morange. La philosophie de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale est d’optimiser l’usage des deniers publics afin d’assurer des soins de qualité pour tous. Le déficit budgétaire d’aujourd’hui, c’est le risque sanitaire de demain.

La montée en charge des outils de comptabilité analytique et d’urbanisation des plans d’informatisation au sein des hôpitaux répondent à un impératif de partage des connaissances, tant sur le plan budgétaire que sur celui de la gestion prévisionnelle. L’interopérabilité des systèmes informatiques est essentielle. Quel est son agenda de mise en œuvre opérationnelle au sein du parc hospitalier français ?

La France doit rattraper son retard par rapport à d’autres pays dans le domaine de la chirurgie ambulatoire. La réévaluation de celle-ci au sein de la T2A est-elle suffisante pour favoriser la promotion de certaines conduites thérapeutiques ? Ou faut-il encore progresser dans ce sens ? Ou bien cela correspond-t-il à des pratiques culturelles professionnelles qui nécessitent un peu de temps pour être mises en œuvre ? Ou, enfin, est-ce lié à des questions de gouvernance hospitalière dans le cadre de la restructuration des services ?

Mme la ministre. La mise en place d’outils et de pratiques de pilotage pour améliorer la gestion des hôpitaux comprend beaucoup d’éléments : la généralisation de systèmes d’information performants et interopérables, essentiels en vue du décloisonnement, la comptabilité analytique, la chaîne de facturation et de recouvrement, notamment. Existe-t-il encore des marges pour progresser ? L’intervention de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux, opérateur de services ministériels, va permettre d’amplifier les efforts déjà accomplis et d’appuyer des projets nouveaux en jouant sur six leviers : l’accompagnement de la transformation d’un établissement, notamment dans le cadre de la gradation des soins au niveau d’un territoire, l’amélioration des grands processus de production « métier », concernant non seulement les soins mais aussi la logistique et la gestion, le développement de parcours innovants d’accompagnement et de prise en charge des patients, l’amélioration de la gestion des ressources humaines et des compétences, l’optimisation des investissements et l’appropriation d’une culture de la performance chez l’ensemble des acteurs, objectif qui se traduit aussi dans les chantiers lancés par la direction générale de l’offre de soins.

À la suite des préconisations du rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales, seront menées des expérimentations de facturation individuelle. Ce sera l’occasion de mettre en avant la nécessité pour l’ensemble des établissements de se préparer à l’enjeu majeur d’une facturation efficace, et de repérer les bonnes pratiques d’organisation afin de pouvoir les généraliser. Dans le cadre de sa mission de pilotage de la performance, la direction générale de l’offre de soins a mis au point un tableau de bord de l’efficience, réalisé par l’Agence technique d’informatisation de l’hospitalisation (ATIH), disponible sur le site du Système national d’information sur l’hospitalisation (SNATIH) et comportant une vingtaine d’indicateurs qui permettent de situer et de comparer les établissements entre eux sur différents champs de la performance : l’insertion de l’établissement dans son environnement, ses finances, son organisation, etc. On mesure pour chacun sa valeur propre, rapportée à celle de la moyenne régionale, de la moyenne nationale et de la moyenne de la catégorie d’établissements auquel il appartient. On dispose ainsi, pour chaque hôpital, d’une vision globale et synthétique de ses performances et de son positionnement. Ce qui favorise le repérage des bonnes pratiques par le ministère, qui peut ensuite en assurer la diffusion.

Par ailleurs, l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux déploie de nombreuses opérations sectorielles visant à accroître les performances dans plusieurs établissements en même temps. On peut ainsi procéder à des comparaisons, définir des organisations optimales, selon les principes de capitalisation des expériences et de généralisation de leurs applications.

En dehors des six leviers précités, on relève des démarches vertueuses de certains établissements qui comparent leurs organisations en toute transparence et introduisent des mesures correctrices. Cohabitent ainsi une démarche verticale et une démarche horizontale.

Au niveau régional, les agences régionales de santé, dans leur fonction d’appui et de conseil, apportent aux établissements des compétences et des outils d’adaptation à l’évolution de la demande, qui anticipent aussi les risques, notamment de dégradation financière, et qui font progresser la sécurité et la qualité des soins.

La T2A, par son rôle de structuration de l’offre, est-elle suffisante, compte tenu de ses évolutions, pour développer la médecine et la chirurgie ambulatoires ? Aujourd’hui, 40 % des 13 millions de consultations ambulatoires sont dispensés dans les CHU. La chirurgie ambulatoire n’est donc pas l’apanage des hôpitaux généraux et des cliniques privées : les CHU remplissent aussi une mission d’hôpital de proximité. Le projet de décret sur les conditions d’implantation des activités de soins de médecine et de chirurgie, qui a fait l’objet de concertations approfondies ces derniers mois, prévoit que les établissements autorisés en chirurgie devront développer les deux modalités de prise en charge des malades, en hospitalisation à temps complet et à temps partiel, ce qui permettra d’augmenter la part de cette dernière. La proportion de chirurgie ambulatoire doit en effet progresser : en 2008, elle n’est que de 32 % en France, contre 78 % au Danemark et 79 % au Royaume-Uni. La moyenne française recouvre une grande hétérogénéité au niveau régional, mais montre l’existence de marges de développement. Des mesures incitatives ont donc été prises en faveur de cet enjeu stratégique majeur, s’appliquant aux tarifs, à l’organisation, aux schémas territoriaux et aux établissements. L’Assurance maladie accompagne le mouvement avec, depuis 2008, la mise sous accord préalable. Les régions ont mis en place des plans spécifiques et ont passé des conventions avec les établissements de santé. Après la modulation de la T2A en ce sens, toutes les actions encourageant le développement de la médecine ambulatoire seront encore accrues en 2010 : les incitations tarifaires à travers une meilleure valorisation des séjours concernés, la généralisation de l’activité de chirurgie ambulatoire, l’insertion dans les autorisations de soins de chirurgie de l’obligation d’en réaliser une part en ambulatoire, le développement de centres de chirurgie ambulatoire exclusive, inscrits dans l’offre régionale, le développement d’une politique de qualité et de sécurité car il ne saurait y avoir de chirurgie à deux vitesses, enfin le développement de pratiques efficientes. L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux a inscrit la mission ambulatoire dans ses chantiers d’organisation performante de la chirurgie.

M. le coprésident Jean Mallot, rapporteur. Considérer qu’atteindre l’équilibre financier prouve qu’un établissement fonctionne bien me semble un peu rapide. Vous nous avez dit que la situation financière des hôpitaux s’était améliorée, mais à quel prix ? Parmi les personnels hospitaliers que nous avons entendus ici, tous ne nous sont pas apparus remplis d’aise par l’évolution qu’ils vivent dans les établissements. Comment mieux les associer à la modernisation de l’hôpital, sachant que les dépenses de personnels représentent 70 % du budget et qu’il serait tentant, selon des personnes entendues ici, d’obtenir l’équilibre financier en diminuant ces dépenses à due concurrence ? Or, on ne peut considérer les ressources humaines comme une variable d’ajustement. Comment éviter d’entrer dans ce raisonnement ?

Les tutelles et les contrôles sur les établissements hospitaliers sont nombreux, définissant les règles selon lesquelles les hôpitaux doivent être gérés et adoptant parfois des orientations différentes. Il revient certes à la ministre de procéder aux arbitrages. Mais il reste peut-être des incompréhensions.

Comment s’intéresse-t-on à la pertinence des soins ?

Comment, dans le système d’allocation des ressources entre les hôpitaux, rémunérer la qualité compte tenu de la T2A corrigée ?

Mme la ministre. Nous ne nous préoccupons pas que du financement des établissements. L’hôpital constitue d’abord une communauté de personnes, avec des personnels et des malades. L’enjeu du processus Licence-Master-Doctorat (LMD) est au cœur de l’hôpital de demain. L’amélioration des ressources humaines, point cardinal de ma démarche, implique trois grandes actions.

La première est l’individualisation des parcours professionnels. Historiquement, la gestion des ressources humaines dans la fonction publique hospitalière s’est construite autour de grandes masses d’agents, aux droits et aux rémunérations identiques. Les personnels, qui devraient en être les premiers bénéficiaires, se montrent eux-mêmes parfois réticents au changement de culture en la matière. Mais nous devons combiner l’adaptation de la gestion des ressources humaines aux capacités, aux besoins et aux spécificités des personnels tenant compte des souhaits de chaque agent tout au long de sa vie professionnelle avec le respect des valeurs et du consensus collectif qui touche à l’égalité des fonctionnaires et à la sécurité de leur avancement, principes auxquels je reste attachée. L’évolution que nous voulons passe par le développement de la mobilité et par l’accompagnement des parcours professionnels conformément à la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, par des modes de recrutement plus efficaces, notamment la généralisation des concours sur titres, la reconnaissance de l’expérience professionnelle dans les épreuves de concours, la rénovation des modalités d’évaluation individuelle et la construction de parcours de formation individualisés. L’entretien professionnel et l’entretien annuel de formation sont systématisés, dès 2010. L’ensemble des dispositifs prévus par le décret du 21 août 2008 relatif au droit individuel à la formation et au passeport formation, contribuent aussi à cette évolution, considérablement renforcée par la réforme des études selon le cursus LMD qui va permettre un vrai parcours et offrir de nouvelles perspectives, y compris sur le plan de la rémunération et sur le plan hiérarchique. Après l’institution de la prime de fonction et de résultat (PFR) qui permet de mieux reconnaître la spécificité de chacun dans une logique de gestion individuelle des compétences, la mise en place progressive de la loi d’intégration des personnes handicapées permet de mieux accompagner individuellement l’agent frappé par un drame de la vie.

La deuxième action porte sur le positionnement de la gestion des ressources humaines comme acteur clé en amont des changements, selon le concept des ressources humaines partenaires, et non plus comme une conséquence des changements subis. Le directeur des ressources humaines, dont la formation revêt un caractère essentiel, doit pouvoir produire une connaissance sur la démographie de ses personnels, les caractéristiques des flux dans son bassin d’emploi, l’organisation durable du travail, elle-même productrice et facilitatrice des changements à mener.

La troisième action vise la professionnalisation de la gestion des ressources humaines afin d’organiser, au-delà du suivi des droits statutaires individuels, une architecture de pilotage à tous les échelons de la décision.

La gestion prévisionnelle des métiers a fait l’objet d’un nouveau répertoire publié en 2009, outil de référence intégré dans les programmes pédagogiques de l’École des hautes études en santé publique de Rennes dans le cadre de la gestion prévisionnelle des métiers et des compétences (GPMC). Les établissements sont incités financièrement à déployer ces méthodes par le biais des crédits du fonds de modernisation des hôpitaux. Des conventions entre les agences régionales de santé et les établissements hospitaliers en vue de développer des démarches de gestion prévisionnelle des métiers et des compétences s’intègrent maintenant dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

Nous devons faire évoluer les systèmes d’information dans le cadre des ressources humaines et mener des projets d’amélioration de la performance « ressources humaines ». La création de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux participe de cette démarche.

Les exigences réglementaires fixées dans les bilans sociaux des établissements de santé doivent soutenir la transformation des systèmes d’information, initialement conçus pour un suivi statutaire individuel et devant désormais piloter également le dialogue social, ce qui implique un changement de culture.

L’intéressement collectif des personnels hospitaliers est conforme aux valeurs du service public : il convient de mobiliser collectivement les agents autour d’un projet de service qui fait l’objet de discussions, qui constitue un levier de l’amélioration de la qualité du service rendu et de la performance, participant ainsi à la réalisation des politiques publiques.

La démarche humaniste d’amélioration des ressources humaines et de la qualité de l’hôpital ne peut passer par des oppositions entre les catégories de personnels. Des négociations approfondies ont été engagées avec les organisations syndicales en vue de la mise en place de dispositifs d’intéressement sur les trois versants de la fonction publique. Un accord cadre entre l’État et les syndicats de fonctionnaires pourrait ensuite se décliner dans la fonction publique hospitalière. S’agissant de l’accompagnement de la modernisation, dans la mesure où les syndicats ont refusé de signer l’accord cadre, je serais favorable à ce qu’une disposition législative intervienne pour valoriser la performance collective à l’hôpital.

La T2A améliore et valorise la qualité et la pertinence des actes. La quantité de soins inutiles et redondants diminue, les durées de séjour raccourcissent, le rétablissement des malades intervenant plus vite et dégageant ainsi de nouvelles marges pour les hôpitaux.

Elle est complétée à ce titre par la certification des hôpitaux que délivre la Haute Autorité de santé, le renforcement de la transparence par la publication d’indicateurs de qualité prévus par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ainsi que par les travaux de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux.

De nombreuses et récentes publications de presse ont présenté le palmarès des hôpitaux. Leur degré de qualité des soins finit par être connu par le public. Dès lors, les patients « votent avec leurs pieds », se détournant des hôpitaux de proximité trop petits pour assurer convenablement certains soins.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame la ministre, nous vous remercions.

La séance est levée à onze heures vingt.