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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 10 novembre 2011

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 04

Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents

– Auditions, ouvertes à la presse, sur la prévention sanitaire

– Mme Évelyne Guillet, directrice Santé du Centre technique des institutions de prévoyance, Mme Miriana Clerc, directrice Communication et relations extérieures, M. David Giovannuzzi, directeur des accords collectifs – pôle alimentaire d’AG2R La Mondiale et M. Philippe Quique, directeur du développement services santé, et Mme Isabelle Hébert, directrice Stratégie et marketing, santé et prévoyance du Groupe Malakoff Médéric, Mme Marika Lefebvre, responsable du pôle Prévention-promotion de la santé à la direction de la santé de la Fédération nationale de la mutualité française, Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques, M. Vincent Figureau, responsable du département des relations institutionnelles nationales, et Mme Annabel Dunbavand, conseiller médical à la direction déléguée à la santé, M. Alain Rouché, directeur Santé de la Fédération française des sociétés d’assurance et M. Jean-Paul Laborde, directeur Affaires parlementaires, M. Laurent Moreau, directeur médical de Groupama, et Mme Catherine Masclet, direction Santé prévoyance d’Allianz

– M. Stéphane Seiller, directeur général du Régime social des indépendants, et Mme Stéphanie Deschaume, directrice adjointe de la santé

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 10 novembre 2011

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition de Mme Évelyne Guillet, directrice Santé du Centre technique des institutions de prévoyance, Mme Miriana Clerc, directrice Communication et relations extérieures, M. David Giovannuzzi, directeur des accords collectifs – pôle alimentaire d’AG2R La Mondiale et M. Philippe Quique, directeur du développement services santé, et Mme Isabelle Hébert, directrice Stratégie et marketing, santé et prévoyance du Groupe Malakoff Médéric, de Mme Marika Lefebvre, responsable du pôle Prévention-promotion de la santé à la direction de la santé de la Fédération nationale de la mutualité française, Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques, M. Vincent Figureau, responsable du département des relations institutionnelles nationales, et Mme Annabel Dunbavand, conseiller médical à la direction déléguée à la santé, et de M. Alain Rouché, directeur Santé de la Fédération française des sociétés d’assurance et M. Jean-Paul Laborde, directeur Affaires parlementaires, M. Laurent Moreau, directeur médical de Groupama, et Mme Catherine Masclet, direction Santé prévoyance d’Allianz.

M. Jean-Luc Préel, rapporteur. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui des représentants des mutuelles, des assurances et des institutions de prévoyance, qui constituent les trois « familles » des complémentaires santé, dont le rôle, déjà très important dans notre protection sociale, est sans doute appelé à se renforcer.

Chacun s’accorde à reconnaître que la prévention est le parent pauvre de notre système de santé, tourné essentiellement vers le soin. Cela étant, le curatif n’exclut pas le préventif, et il est souvent difficile de faire la part exacte entre les deux.

Une communication de la Cour des comptes a relevé une absence de pilotage de la politique de prévention au niveau national. Chaque « famille » de complémentaires santé n’est-elle pas portée à définir sa propre politique en la matière ? Vous concertez-vous ? Avez-vous mis en place un pilotage commun ? Le rapport de la Cour a également montré que les cent objectifs de santé énumérés par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique n’étaient pas réellement pris en compte.

Travaillez-vous en coordination avec les agences régionales de santé ? Quelles relations entretenez-vous avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’assurance maladie, l’Éducation nationale et la médecine du travail ? Il paraît en effet difficile d’élaborer une politique de prévention sans liens avec la médecine du travail ainsi qu’avec l’Éducation nationale. À cet égard, menez-vous des actions spécifiques en direction des jeunes ?

Mme Marika Lefebvre, responsable du pôle prévention-promotion de la santé à la direction de la santé de la Fédération nationale de la mutualité française. Nos actions de prévention en matière de santé sont conduites par les mutuelles, les unions régionales de la mutualité française, les services de soins et d’accompagnement mutualiste. L’ensemble de ces acteurs met en œuvre la stratégie définie au niveau de la fédération.

Les mutuelles financent pour partie les actions des unions régionales à travers le Fonds national de prévention. Certaines financent également elles-mêmes des actions de prévention destinées à leurs adhérents ou au grand public. Et, bien entendu, elles intègrent des prestations de prévention dans leurs garanties.

Les vingt-cinq unions régionales ont une activité de prévention et de promotion de la santé, structurée de très longue date à travers des services spécialisés qui conçoivent et conduisent des actions en direction du grand public, mutualiste ou non.

Tout cela se fait en partenariat avec le secteur sanitaire et médico-social, les collectivités locales, l’Éducation nationale et le milieu associatif. Bien qu’elles déclinent des priorités nationales élaborées par la Mutualité française, les actions n’en prennent pas moins en compte les spécificités sanitaires et sociales régionales.

L’objectif de la Mutualité française en matière de prévention est de réduire les risques pour la santé et d’améliorer la qualité de vie de tous dans une logique de santé publique.

Notre action s’organise autour de quatre axes stratégiques : favoriser l’égal accès de tous à la prévention et à des soins de qualité ; réduire les inégalités sociales de santé ; renforcer la capacité de chacun à agir individuellement pour le bien de sa santé ; garantir par des actions collectives le droit des personnes et des populations à la protection de leur santé. Ces axes se déclinent autour de priorités thématiques comme la prévention des maladies chroniques, de la perte d’autonomie, ou bien encore des actions dans le domaine de la petite enfance et de la jeunesse.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous nous donner quelques éléments chiffrés, tant sur les montants dépensés que sur les publics bénéficiaires ? Pourriez-vous également nous dire comment s’articule votre action avec celle des agences régionales de santé, de l’assurance maladie et de la direction générale de la santé ? En effet, chacun le sait, qui trop embrasse mal étreint, et tel a malheureusement été le cas de la loi relative à la politique de santé publique, dont la dispersion des objectifs a fait perdre en efficacité et n’a pas permis les résultats escomptés.

Mme Marika Lefebvre. Le Fonds national de prévention, alimenté par l’ensemble des mutuelles de la Fédération nationale de la mutualité française, alloue 4,4 millions d’euros par an aux unions régionales en se fondant sur plusieurs critères, dont la prise en compte des priorités nationales. Aux appels à projets annuels se sont substituées des conventions triennales d’objectifs et de moyens, dont la première portera sur la période 2012-2014 pour un montant total resté inchangé. Les partenariats noués au niveau local avec les agences régionales de santé, les collectivités et les associations permettent, par un effet de levier, de démultiplier l’effort. Avec ces 4,4 millions d’euros, ce sont au final 12 millions d’euros d’actions qui peuvent être initiées.

Le nombre de bénéficiaires varie en fonction des régions, de la politique de communication et des partenaires de chaque union régionale, mais les actions de prévention de la Mutualité française étant ouvertes à tous, il est en tout état de cause élevé.

S’agissant de la prévention des maladies chroniques, il convient de réduire l’exposition aux facteurs de risque communs à ces maladies, qu’ils soient indépendants du comportement individuel, comme l’environnement chimique, physique ou biologique, ou qu’ils soient liés aux conditions de travail ou au mode de vie. Sur ce dernier point, nous incitons les assurés à avoir une alimentation saine, à pratiquer une activité physique régulière et à limiter la consommation de tabac et d’alcool. La Mutualité française propose également un programme d’accompagnement et d’éducation thérapeutiques à l’intention des personnes atteintes de maladies chroniques, les aidant à mieux se prendre en charge afin d’éviter des complications ultérieures.

Mme Annabel Dunbavand, conseiller médical à la direction déléguée à la santé de la Fédération nationale de la mutualité française. En partenariat avec l’assurance maladie et les agences régionales de santé, la Mutualité française a, dans deux régions, lancé un programme expérimental d’éducation thérapeutique sur l’hypertension artérielle, « Tensioforme ». L’expérimentation sera évaluée avant d’être éventuellement généralisée.

Mme Isabelle Millet-Caurier, directrice des affaires publiques de la Fédération nationale de la mutualité française. Le mouvement mutualiste possède une culture ancienne de la prévention. On constate aujourd’hui une nette convergence entre les quatre axes stratégiques de la Mutualité française qui viennent d’être rappelés et ceux retenus par les agences régionales de santé dans leurs schémas de prévention. La Mutualité française souhaite être un partenaire de l’action des pouvoirs publics au niveau régional et il existe un fort besoin de coordination avec les agences régionales de santé. Certaines, comme celle des Pays de la Loire, ont permis à la Mutualité française de participer à la commission de coordination des politiques publiques chargées de la prévention, ce qui traduit une meilleure coordination des acteurs de terrain.

M. le rapporteur. Pourriez-vous nous présenter vos actions de prévention dans les contrats collectifs que vous proposez, et notamment celles relatives à la santé au travail ? Vous avez évoqué des partenariats avec les associations, mais comment cela se passe-t-il concrètement sur le terrain ? Quel type d’accords avez-vous avec l’assurance maladie ? La Mutualité française est-elle par exemple associée au programme Sophia de l’assurance maladie pour les patients diabétiques ?

Mme Annabel Dunbavand. Nous travaillons bien sûr en partenariat avec l’assurance maladie. Le programme Tensioforme est cofinancé par nos mutuelles, l’assurance maladie et les agences régionales de santé. Mais le partenariat n’est pas seulement financier : les agences régionales de santé participent au conseil scientifique du programme, à la mise au point duquel a également contribué l’assurance maladie. Celle-ci le finance à 65 %, les 35 % restants étant supportés par les mutuelles.

M. le coprésident Pierre Morange. Quels montants cela représente-t-il et combien y a-t-il de participants dans les deux régions ?

Mme Annabel Dunbavand. Ce programme « Tensioforme », dont les participants sont pris en charge pour une durée d’un an, coûte 360 euros par an et par personne. L’assurance maladie y contribue à hauteur de 250 euros pour l’éducation thérapeutique, les mutuelles à hauteur de 110 euros, notamment pour inciter à réduire les facteurs de risque. Nous visons à terme une cohorte de deux mille participants. La première phase de recrutement est terminée : cinq cent cinquante personnes ont d’ores et déjà commencé le programme, qui se déroule dans des centres de santé, en partenariat avec des fédérations sportives comme la Fédération française de randonnée pédestre et des associations sportives telles que le Paris université club.

M. le coprésident Pierre Morange. La cohorte est-elle constituée de façon aléatoire ou sur la base du volontariat, auquel cas les participants appartiennent déjà à une population motivée, ne reflétant pas exactement, de par sa composition sociologique et ses caractéristiques médicales, la population française générale ?

Mme Annabel Dunbavand. Les personnes sont volontaires. Les sept mutuelles partenaires de l’expérimentation, qui a lieu à Paris et Saint-Étienne, ont, dans les deux régions concernées, adressé un courrier à leurs adhérents masculins de plus de quarante-cinq ans et à leurs adhérents féminins de plus de cinquante ans. Ce courrier, outre la présentation du programme, contenait un questionnaire permettant à chacun d’évaluer ses risques. Les intéressés étaient invités à appeler notre plateforme « Priorité santé mutualiste » pour avoir un entretien téléphonique avec un médecin, afin d’affiner leur profil de risques.

Mais il est extrêmement difficile de réduire les inégalités en matière de santé. Alors que ces programmes de prévention – l’évaluation médico-économique du programme Sophia l’a encore démontré récemment – s’adressent en théorie à toute la population, ce sont en réalité les personnes les mieux informées, les plus éduquées et qui bénéficient déjà le plus de prévention, qui y accèdent. C’est une véritable difficulté, comme vous l’avez souligné. Ainsi, ce sont en majorité des cadres qui participent à « Tensioforme » et on n’y dénombre que 11 % d’ouvriers et d’employés bien que notre population initiale qui est constituée à 60 % d’adhérents de la Mutuelle générale de l’éducation nationale, composée pour l’essentiel des cadres, introduit de facto un biais. Avant de généraliser l’expérimentation, nous nous sommes demandés si une action spécifique de sensibilisation ne devrait pas être conduite en direction des ouvriers et employés.

M. le rapporteur. Vos contrats collectifs comportent-ils un volet prévention ? Quelles relations entretenez-vous avec la médecine du travail ?

Mme Marika Lefebvre. La santé au travail fait partie des priorités de la Mutualité française. Chaque mutuelle décline comme elle le souhaite ce volet d’action.

M. le rapporteur. Quelles sont vos relations avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé ?

Mme Marika Lefebvre. Nous avons des échanges réguliers et menons des actions en partenariat au niveau national. Il existe aussi des liens très forts au niveau local, les unions régionales entretenant elles-mêmes des relations avec les représentations locales de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.

Mme Isabelle Millet-Caurier. Nous pouvons citer le travail commun mené par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et la Fédération nationale de la mutualité française sur le thème de l’accès aux soins des personnes en situation de handicap, qui intègre un volet prévention. Après une audition publique à la Haute Autorité de santé, des travaux ont été menés sous l’égide du Conseil national consultatif des personnes handicapées, où la Mutualité française a animé un groupe de travail. Nous avons travaillé avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé sur le sujet de la prévention bucco-dentaire des personnes en situation de handicap.

Mme Annabel Dunbavand. La Mutualité française siège au conseil d’administration de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Elle donne son avis sur les campagnes nationales de l’institut et les décline dans les unions régionales, où travaillent les cent quarante personnes de l’ensemble du réseau prévention.

M. le rapporteur. Nous allons maintenant entendre les représentants des assureurs.

M. Alain Rouché, directeur Santé de la Fédération française des sociétés d’assurances. La prévention est au cœur du métier de l’assurance. Les assureurs font de la prévention dans des domaines aussi divers que l’automobile, le vol ou l’incendie. L’assurance santé présente des particularités : en raison, tout d’abord, du poids de l’assurance maladie obligatoire ; ensuite, parce que la durée moyenne des contrats n’est que de sept ans, alors que la prévention exige une approche de long terme ; enfin et surtout, parce que les sociétés d’assurance ignorent les affections dont souffrent leurs assurés.

La Fédération française des sociétés d’assurances fait de la prévention, mais ce sont surtout les grandes sociétés d’assurance qui s’en chargent. Toutes, développent des programmes de prévention.

Il y a tout d’abord des actions d’information et de sensibilisation sur les principaux facteurs de risque. À la Fédération française des sociétés d’assurances, l’association Assureurs prévention, qui regroupe désormais dans une même entité l’ensemble de l’activité prévention, diffuse de l’information par le biais de son site internet. Elle a également édité une trentaine de dépliants sur des sujets comme la lutte contre le tabagisme, les bienfaits de l’activité physique, la prévention de l’obésité, en particulier chez les enfants. Les sociétés d’assurance informent elles aussi largement.

M. le rapporteur. À qui s’adresse cette information ?

M. Alain Rouché. Ces dépliants visent un très large public. Ils sont diffusés dans les cabinets médicaux ainsi que dans certaines pharmacies. Le milieu scolaire nous en commande aussi très régulièrement. Nous les fournissons bien entendu gratuitement.

Le deuxième type d’action développé par les assureurs concerne les services et prestations de prévention inclus dans les contrats. Ainsi certaines assurances remboursent-elles la vaccination contre la grippe chez des personnes pour lesquelles l’assurance maladie ne la prend pas en charge. Certains contrats d’entreprise peuvent comporter des actions spécifiques de prévention des troubles musculo-squelettiques par exemple. Il y a quelques années, la Fédération française des sociétés d’assurances avait travaillé avec trois sociétés d’assurance à la prévention des risques cardiaques. Un accord avait été conclu avec des cardiologues pour proposer aux assurés qui le souhaitaient une consultation approfondie de prévention.

L’accompagnement des assurés dans la lutte contre les facteurs de risque est un autre type d’action. Les sociétés d’assurance le font essentiellement dans le domaine de la nutrition et de la lutte contre le tabagisme.

Il y a enfin l’accompagnement des personnes qui sont, hélas, déjà malades. Les sociétés d’assurance ont développé des services d’orientation de leurs assurés dans le système de soins. Et les assisteurs, qui sont en général des filiales de ces sociétés, proposent des services comme la livraison de médicaments à domicile ou la fourniture de dispositifs d’alerte pour des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Pour ce qui est de la coordination, nous avons proposé il y a quelques mois à M. Frédéric Van Roekeghem, directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, divers projets, sur lesquels nous n’avons pas encore eu de réponse. Il n’existe donc pas encore à ce jour d’actions coordonnées avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, mais nous souhaitons en mener.

M. le rapporteur. Quelles propositions avez-vous faites ?

M. Alain Rouché. Nous avons proposé, dans le cadre des possibilités ouvertes par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, de suivre, par l’intermédiaire des pharmaciens, les patients placés sous anticoagulants à leur sortie de l’hôpital. Si la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ne donne pas suite, les sociétés d’assurance sont prêtes à le faire seules.

Nous pensons également proposer une consultation approfondie de prévention chez le médecin traitant pour les assurés à partir de cinquante-cinq ans, avec pour objectif de prévenir les affections les plus fréquentes pouvant survenir à cet âge.

M. le coprésident Pierre Morange. Quels sont les montants financiers affectés à ces actions de prévention ? Combien de personnes en bénéficient ? Disposez-vous de premiers résultats d’évaluation des programmes que vous avez mis en œuvre ?

M. Alain Rouché. Je ne connais pas les sommes que les sociétés d’assurance consacrent à la prévention, beaucoup plus importantes que celles mobilisées au niveau de la Fédération française des sociétés d’assurances. Notre association Assureurs prévention dispose d’un budget annuel légèrement inférieur à 1 million d’euros. En direction du public, nous diffusons quelque 5 millions de dépliants chaque année.

M. le rapporteur. Par qui est assuré le programme d’accompagnement proposé aux assurés ?

M. Alain Rouché. Chaque société d’assurance a sa propre organisation. Je vous propose donc de laisser la parole à M. Laurent Moreau pour vous détailler ce que fait Groupama, en liaison avec la Mutualité sociale agricole.

M. Laurent Moreau, directeur médical de Groupama. Nous sommes confrontés à plusieurs difficultés dans la mise en œuvre des programmes de prévention. La première tient au recul indispensable pour toute évaluation. Pour pouvoir évaluer les résultats de nos actions de prévention, il est nécessaire que les personnes restent assurées dans notre groupe sur une période assez longue. Or, la durée moyenne des contrats est relativement brève. La deuxième difficulté est liée au manque de coordination.

Notre action est triple. Il y a tout d’abord ce qui est contenu dans les contrats eux-mêmes : diverses actions, pas ou peu financées par l’assurance maladie, peuvent être prises en charge, le cas échéant, par l’assurance complémentaire.

Ensuite des messages spécifiques d’information et de prévention sont diffusés auprès des assurés, au travers de trois canaux. Le premier canal consiste en des lettres d’information santé envoyées régulièrement aux assurés – chez Groupama, ces lettres, diffusées à environ 500 000 exemplaires, comportent chacune des fiches de prévention rédigées par des professionnels de santé et qui s’inspirent très largement des priorités de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Ensuite, il existe un deuxième canal qui utilise les sites internet – celui de Groupama comporte une rubrique spécifique prévention, mais nous avons aussi ouvert il y a quelques mois un site spécifique « Vivons prévention », destiné à l’ensemble de la population, avec l’ambition qu’il devienne un site de référence. Enfin, le dernier canal réside dans les conférences santé, organisées sur l’ensemble du territoire. Elles rassemblent chaque année plusieurs milliers de personnes au cours desquelles est délivrée de l’information sur la nutrition, l’activité physique, la lutte contre le surpoids ou le tabagisme. Pour chaque conférence, un expert vient en région débattre de l’un de ces sujets, au plus près de la population.

Enfin, nous développons, en liaison avec la Mutualité sociale agricole le plus souvent, divers programmes expérimentaux de santé publique. Le premier, « Partenaires santé », a été lancé en 2000 dans le cadre des expérimentations « Soubie » et se poursuit, ayant d’ailleurs été repris par l’assurance maladie dans certaines régions, notamment en Bretagne. Il réunit les professionnels de santé en groupes de pairs avec pour objectif de favoriser la qualité des soins. Nous travaillons avec les médecins à réduire certains facteurs de risques. Un programme a ainsi été lancé visant à limiter le nombre de médicaments prescrits chez les personnes âgées et à abaisser la morbidité liée à la polymédication. Un autre a permis de diminuer de moitié les prescriptions de benzodiazépines de la part des médecins participants. Les résultats de ces expérimentations ont été publiés dans des revues médicales.

Un autre type de programme comportant d’importants volets prévention, intitulé « Pays de santé », mené là encore avec la Mutualité sociale agricole, vise à maintenir une offre de soins adaptée aux besoins de la population en milieu rural. En effet, les incitations financières et fiscales ne suffisent pas à lutter contre les déserts médicaux. La qualité de l’exercice professionnel est déterminante. Quand elle se dégrade par trop, les praticiens partent exercer en ville, dans un environnement plus favorable, ou du moins perçu comme tel. Nous avons donc mis en place dans certains territoires ruraux une infirmière de santé publique qui coordonne toute une série de services, destinés à faciliter la tâche des professionnels de santé, comme des patients.

En matière de prévention, il convient de mentionner notre action d’éducation thérapeutique classique, effectuée en liaison avec la Mutualité sociale agricole, en direction des patients diabétiques ou souffrant de maladies cardio-vasculaires. Dans une perspective de prévention tertiaire, l’objectif est d’éviter l’aggravation des pathologies. Cela fonctionne parfaitement quand on travaille au plus près du terrain, avec les acteurs locaux. Coordonner l’action des médecins, des élus, des associations au niveau d’un canton permet de toucher davantage de gens que si l’on agit au niveau départemental, et a fortiori régional. Pour la prévention de l’obésité, nous avons mis en place un programme semblable s’adressant à des patients en surpoids que les médecins orientent préventivement vers des diététiciennes afin d’éviter qu’ils ne deviennent obèses.

Il existe un autre type d’action de prévention, développée dans les Ardennes en partenariat avec le réseau de santé CARéDIAB, qui y met à disposition un rétinographe mobile. L’examen du fond d’œil, réalisé sur place chez des patients diabétiques est analysé à distance par un ophtalmologiste. L’enjeu de santé publique est important car, si ces patients n’effectuent pas régulièrement cet examen, ils risquent vraiment de perdre la vue. Or, dans les zones rurales notamment, outre la longueur du trajet pour pouvoir consulter un ophtalmologiste, il n’est pas rare, comme dans les Ardennes, de devoir attendre neuf ou douze mois pour obtenir un rendez-vous. Le déplacement de cet appareil sur le terrain, couplé à la télémédecine, permet de dépister précocement et de traiter à temps les rétinopathies spécifiques du diabète.

M. le rapporteur. Comment l’ophtalmologiste qui donne son avis est-il rémunéré ?

M. Laurent Moreau. Il l’est dans le cadre d’un contrat préalablement passé entre l’Union régionale des caisses d’assurance maladie à l’époque, et CARéDIAB. Toute la difficulté réside dans le recrutement des patients. Il ne suffit pas de disposer de l’appareil ni de proposer l’examen pour que les patients s’y soumettent. Encore faut-il qu’ils soient bien informés et convaincus de l’intérêt de cette prévention, de même d’ailleurs que les médecins, les pharmaciens, les infirmières et les associations telles l’Aide à domicile en milieu rural. La mobilisation de tous est nécessaire pour inciter les patients qui n’iraient pas d’eux-mêmes chez un ophtalmologiste à se faire dépister ainsi. C’est dans ce cadre que notre intervention est importante. Toute la question est bien de savoir comment faire accéder aux soins de prévention les patients qui, tout en étant ceux qui en ont le plus besoin, sont en général ceux qui y ont le moins accès, quand bien même une offre existe.

M. le rapporteur. Il y a un foisonnement d’initiatives intéressantes à travers tout le pays. Mais comment généraliser les expériences quand elles sont concluantes ?

M. Laurent Moreau. Nous faisons évaluer de manière rigoureuse ces expérimentations par un évaluateur externe et diffusons l’ensemble des résultats. Pour cela, nous travaillons bien sûr avec les agences régionales de santé, qui sont étroitement associées aux projets. Celles-ci participent notamment aux comités d’organisation régionaux. Notre conseil scientifique comprend des représentants de la Haute Autorité de santé, du conseil de l’ordre des médecins et du conseil de l’ordre des pharmaciens, ce qui permet de faire connaître largement les résultats. Groupama ne peut bien entendu pas déployer ces expérimentations sur l’ensemble du territoire, mais peut en faire bénéficier d’autres, par exemple en matière d’ingénierie.

M. le rapporteur. Nous allons laisser la parole aux représentants des institutions de prévoyance, qui, je l’espère, nous parleront des contrats collectifs car, sur ce point, je dois avouer ne pas avoir eu les informations attendues.

Mme Évelyne Guillet, directrice santé du Centre technique des institutions de prévoyance. Les institutions de prévoyance, organismes à but non lucratif et à gouvernance paritaire, sont spécialisées dans la prévoyance et l’assurance complémentaire santé pour les entreprises. Leurs actions de prévention s’adressent donc en priorité aux salariés et à leurs familles. Organisées au plus près de la population couverte, elles sont menées au travers d’accords de branche ou de contrats d’entreprise.

Dans le cas où il existe un accord de branche, l’objectif premier est pour nous d’identifier, en liaison avec les partenaires sociaux, les spécificités de la profession en matière de santé. Deux cas se présentent : soit la branche possède déjà un organisme paritaire chargé de la prévention ; soit elle n’en bénéficie pas encore et l’organisme gestionnaire, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et assisté d’un comité d’experts, peut les aider à en élaborer le projet. Dans la branche du bâtiment et des travaux publics, il existe un organisme paritaire professionnel de prévention, l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, en soutien des actions duquel intervient BTP Prévoyance.

Je laisse le soin à M. David Giovannuzzi de vous présenter l’accord de branche qui existe dans le secteur de la boulangerie.

M. David Giovannuzzi, directeur des accords collectifs – pôle alimentaire – d’AG2R La Mondiale. Je suis, de par mes fonctions, chargé de suivre une vingtaine de professions du secteur alimentaire. Depuis plusieurs années, la tendance, qui n’est d’ailleurs pas propre au secteur, est à la conclusion d’accords de branche en santé. Je vous parlerai plus précisément de l’accord de la boulangerie artisanale, qui date de 2007 – c’est celui sur lequel on a le plus de recul – et qui couvre plus de cent mille salariés.

Dans un contrat collectif classique d’entreprise, la société d’assurance est moins encline à s’engager en matière de prévention, dans la mesure où elle peut chaque année perdre son client à l’échéance du contrat. C’est un facteur économique essentiel à prendre en considération. Dans un accord de branche, c’est au contraire une vision à moyen et long terme qui peut prévaloir. Les partenaires sociaux ont un réel souci de réduire les risques dans un métier donné et d’élaborer des tableaux de bord pour suivre leur évolution dans la durée.

On compte quelque 33 000 boulangeries en France qui n’emploient pour la plupart qu’un ou deux salariés, même si en région parisienne on en trouve de beaucoup plus importantes. Au total, ce sont cent mille salariés et 98 % des effectifs de la branche qui sont couverts par l’accord de branche du secteur, dont les règles, définies par les partenaires sociaux, sont très contraignantes.

Nous avons procédé en trois étapes. La première a consisté dans un diagnostic, établi par un comité d’experts, où siégeaient des représentants de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, du Régime social des indépendants, de la commission paritaire nationale avec des représentants des chefs d’entreprise et des organisations syndicales, des médecins du travail de la branche, un pneumologue, un dentiste conseil et un opticien conseil. Deux risques professionnels sont clairement identifiés dans la boulangerie : la carie dentaire, dite « du boulanger », et l’allergie à la farine, première cause d’asthme professionnel en France. Ce sont les deux thèmes sur lesquels nous travaillons depuis 2007. Nous avons très vite proposé aux partenaires sociaux une action de prévention dans le domaine de la carie dentaire. Tous les salariés ont reçu un courrier leur proposant une consultation gratuite de prévention, financée à 100 % par le régime. Pour des raisons de rapidité, nous avons dans un premier temps préféré ne pas recourir à l’assurance maladie. Mais nous tenons la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés informée et étudions comment nous pourrions dans le futur travailler avec elle, puisque notre action est complémentaire de son propre programme « M’T dents » à destination des jeunes jusqu’à dix-huit ans. Nous en prenons en quelque sorte le relais dans la boulangerie où l’on compte beaucoup d’apprentis, hommes et femmes d’ailleurs, celles-ci étant plutôt employées dans la vente, où les moins de vingt-cinq ans représentent 40 % de l’effectif et où l’âge moyen n’est que de trente ans.

En lançant cette opération, nous nous sommes d’emblée imposé d’en évaluer les résultats. Les partenaires sociaux en étaient eux-mêmes très soucieux. Nous avons, sous le contrôle de notre dentiste conseil, qui connaît bien la profession, et de la Confédération nationale des syndicats dentaires, élaboré un questionnaire à la fois simple et précis, auquel les dentistes étaient chargés de répondre. C’est ainsi que nous savons qu’en 2008-2009, 10 % des salariés de la boulangerie ont consulté leur dentiste et nous disposons désormais d’une base de données sur l’état bucco-dentaire de près de neuf mille salariés. Alors que s’achève le deuxième train d’actions de prévention, nous allons pouvoir établir des comparaisons.

En tant qu’assureur du risque, nous avons proposé aux partenaires sociaux de mieux rembourser les dépassements d’honoraires sur les prothèses dentaires et de prendre en charge les implants. Nous avons également lancé une campagne de sensibilisation pour que les boulangers consultent un dentiste au moins deux fois par an, la carie propre à cette profession présentant la particularité d’être indolore et de se situer à la base des gencives, ce qui peut conduire très rapidement chez des sujets fragiles à la perte des dents.

M. le rapporteur. Comment s’explique ce risque particulier de carie ?

M. David Giovannuzzi. Il est lié à une exposition permanente au sucre. Les boulangers, comme d’ailleurs les pâtissiers et les confiseurs, goûtent en permanence des produits sucrés, en même temps qu’ils absorbent des poussières de sucre lorsqu’ils en vaporisent.

Nous espérions toucher 15 % de l’effectif du secteur. Nous avons gagné en efficacité lors du deuxième volet d’actions et nous devrions être proches de l’objectif. La diffusion d’un dépliant comportant des photos très réalistes des caries auxquelles sont exposés les boulangers et de leurs conséquences, n’y est sans doute pas étrangère. Sans pouvoir nous appuyer comme l’assurance maladie sur des données qualitatives détaillées, nous n’en avons pas moins connaissance des principaux agrégats : dépenses de soins dentaires, nombre respectif de prothèses acceptées et refusées, nombre de bénéficiaires par type d’acte, notamment. Nous avons ainsi pu constater que notre action de prévention a fortement accru la consommation de soins dentaires. Notre meilleure prise en charge des prothèses et implants y a sans doute aussi contribué.

M. le coprésident Jean Mallot. Le risque dentaire est le même pour un boulanger, qu’il soit salarié ou indépendant. Or, si j’ai bien compris, votre action ne s’adresse qu’aux salariés de la boulangerie. Comment étendre votre démarche aux chefs d’entreprise ?

M. David Giovannuzzi. Dans les 33 000 boulangeries du territoire national, quelque vingt mille chefs d’entreprise non salariés cotisent au Régime social des indépendants. Notre dentiste conseil nous avait invités à porter l’effort sur les boulangers de moins de vingt-cinq ans, dont certains d’entre eux deviendront patrons. Nous étudions comment associer le Régime social des indépendants à nos actions. Il est représenté dans notre comité d’experts et nous échangeons déjà sur les bonnes pratiques. La Confédération nationale de la boulangerie nous a demandé de mettre en place à compter du 1er janvier une garantie pour les chefs d’entreprise identique à celle des salariés, intégrant cette approche préventive. Les partenaires sociaux ont insisté pour que tous les professionnels de la branche, quel que soit leur statut, bénéficient de cette prévention.

Mme Isabelle Hébert, directrice stratégie et marketing, santé et prévoyance du groupe Malakoff Médéric. Le triptyque de la prévention repose sur les trois piliers de la prévention primaire, secondaire et tertiaire.

Je ne m’étendrai pas sur la prévention primaire, qui est assez commune à l’ensemble des organismes. Les thèmes sont bien connus et ne sont d’ailleurs pas propres à notre pays : nutrition, tabac, activité physique, entre autres. Nos contrats collectifs standards incluent ainsi, sans surcoût, le remboursement de certains dépistages et de certaines vaccinations, et des services d’accompagnement concernant la nutrition et la lutte contre le tabagisme. Telle est notre offre pour les entreprises moyennes. Les grandes entreprises ont, quant à elles, un choix un peu plus large et peuvent opter pour plus ou moins de prévention primaire.

De nos discussions avec les directeurs des ressources humaines, il ressort qu’ils sont parfaitement conscients que nos actions sur les facteurs de risque ou les pathologies chroniques contribueront à réduire les coûts globaux de santé supportés par le régime obligatoire et les régimes complémentaires, mais auront aussi une incidence sur la prévoyance, du fait par exemple d’un moindre absentéisme ou d’une meilleure prévention de la perte d’autonomie.

J’en viens à la prévention secondaire. Nous avons lancé un projet sur l’hypertension artérielle dans le cadre d’un appel d’offres émis par le ministère de l’industrie. Celui-ci recherchait un consortium de partenaires capables d’apporter des solutions complètes en matière de prévention, par le biais de la télémédecine. Nous n’avons pas hésité à constituer, sous l’égide du Centre technique des institutions de prévoyance, un dossier en partenariat avec certains de nos concurrents, notre idée étant que la prévention est plus efficace si elle est bien coordonnée.

Ce projet consiste à dépister l’hypertension artérielle chez les salariés au sein même des entreprises, ce qui a posé d’ailleurs le problème de la coordination avec la médecine du travail et les partenaires sociaux, et à offrir aux sujets hypertendus le moyen de « gérer » leur hypertension à domicile, avec à la fois un dispositif communicant offrant une interface pour le médecin traitant et un programme d’accompagnement médicalisé personnalisé ne se limitant pas à une assistance de base, mais comportant une réelle dimension psychologique. La technologie en effet ne suffit pas. L’accompagnement est essentiel pour que, d’une part, les dispositifs médicaux soient correctement utilisés et que, d’autre part, les patients s’engagent durablement dans le programme.

Notre projet a été retenu par le ministère de l’industrie qui souhaitait que se développe dans notre pays une nouvelle industrie autour de la télémédecine. Nous avons obtenu un soutien financier au titre du programme « Initiative Entreprises Innovantes » : il fallait en effet une petite et moyenne entreprise capable de développer à la fois des interfaces web et des dispositifs communicants. Après que notre dossier a été accepté, nous avons trouvé d’autres partenaires – entreprises de haute technologie, médecins à même d’apporter l’intelligence clinique nécessaire dans les dispositifs, plateformes de programmes d’accompagnement, acteurs régionaux et institutionnels – et avons pu nous autofinancer en partie.

Le pilote a été lancé dans le Nord-Pas-de-Calais, en accord avec l’agence régionale de santé, et nous devons signer tout prochainement avec celle-ci le contrat définitif. Elle a d’ailleurs inclus ce projet de télémédecine dans son schéma de prévention. Nous avons aussi travaillé avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés parce que prévenir et traiter à temps l’hypertension représente un gain aussi bien pour l’assurance maladie obligatoire que pour les régimes complémentaires.

Nous avons été nous-mêmes surpris de l’intérêt de nos clients, toutes catégories confondues, pour ce programme. Notre plus gros client y a adhéré tout de suite, mobilisant ses propres équipes de communication et mettant à profit sa « journée santé » pour promouvoir le programme. Le succès a été au rendez-vous du côté des entreprises mais aussi des salariés, nombreux à être venus se faire dépister sur leur lieu de travail, en toute confidentialité.  Le Nord-Pas-de-Calais présente sans doute des caractéristiques sanitaires particulières, mais en moins de trois semaines une hypertension a ainsi été détectée chez plus de cinq cents personnes, qu’elles l’aient découverte à cette occasion ou qu’elles aient eu connaissance de leur état antérieurement. Et, dans une seule entreprise, cent cinquante personnes sont déjà entrées dans le programme. Celui-ci s’étalera sur dix-huit mois, comme prévu dans le cadre du financement du ministère de l’industrie. L’objectif est de parvenir à un millier de personnes bénéficiant d’un programme d’accompagnement. Au-delà de la satisfaction des patients, nous évaluerons aussi l’expérience d’un point de vue médico-économique. Nous allons travailler sur ce point avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’école d’ingénieurs Télécom Bretagne, l’idée étant de créer un modèle industriel reproductible sous une forme peut-être différente tout en faisant appel à la même technologie, pour d’autres pathologies, d’autres populations comme les retraités et d’autres régions. Nous avons travaillé avec de très nombreux partenaires et ce que nous avons appris pour mettre au point cette action complexe de prévention multidimensionnelle nous sera précieux pour envisager les modalités d’une généralisation de l’expérience.

M. le rapporteur. Agissez-vous, au sein de l’entreprise, en collaboration avec la médecine du travail ?

Mme Isabelle Hébert. Dans la première version du dossier que nous avions présenté au ministère de l’industrie, la médecine du travail était intégrée au processus de dépistage, mais les trois ministères concernés –industrie, santé et travail – nous ont demandé de revoir notre dossier au motif que le médecin du travail n’avait pas à jouer ce rôle. Nous avons trouvé une solution en faisant intervenir nos propres infirmières dans les entreprises, à charge pour la médecine du travail de nous fournir un local permettant d’assurer la confidentialité des consultations.

M. le coprésident Pierre Morange. Il serait intéressant que chaque acteur institutionnel nous présente une photographie des publics concernés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la mutualité représente trente-quatre millions d’adhérents et effectue 23 milliards d’euros de remboursement de dépenses de santé, mais consacre 4 millions d’euros à la prévention. En réalité, elle dépense beaucoup plus, car cette somme correspond aux seules actions relevant d’une logique de prévention. La Cour des comptes évalue la somme consacrée à la prévention sanitaire de 1 à 10 milliards d’euros, en fonction des critères utilisés.

Notre rapporteur a mis l’accent, à juste titre, sur l’éclatement des centres décisionnels, l’absence de coordination et la difficulté de généraliser les évaluations médico-économiques, ce qui souligne l’absence de stratégie de l’État en matière de santé publique. Mais des données chiffrées permettraient de mettre en lumière les forces potentielles de votre secteur.

M. le rapporteur. Il en va de la prévoyance comme des assurances : chacun mène sa propre politique. Seule la mutualité est en mesure de fédérer les actions de l’ensemble du secteur.

M. le coprésident Pierre Morange. Il est vrai que les multiples objectifs de la loi quinquennale ne sont pas très lisibles. Une analyse, même sommaire, des grands facteurs de risque que sont le tabac, l’alcool, la surcharge pondérale, la sédentarité et les accidents domestiques permettrait de mesurer leur incidence médico-économique et de déclencher une dynamique collective.

L’installation des détecteurs automatiques de fumée dans tous les lieux d’habitation permettrait à l’assurance maladie d’économiser 1 milliard d’euros. Il serait intéressant que la Fédération française des sociétés d’assurances s’intéresse à la généralisation de cet outil car je rappelle que quatre cents ou cinq cents morts sont dues chaque année aux incendies domestiques.

M. le rapporteur. Le fait que le contrat porte en moyenne sur une période de sept ans pose un problème. Qu’en est-il pour les associations de prévoyance ?

Mme Évelyne Guillet. S’agissant de la prévoyance, la durée est du même ordre que pour les contrats d’entreprise.

M. Alain Rouché. Elle est plus longue pour les contrats qui relèvent des accords de branche.

Mme Évelyne Guillet. En effet.

M. le rapporteur. En raison de l’absence de coordination entre l’assurance maladie et les complémentaires santé, vous ne connaissez pas la pathologie de vos adhérents. Cela pose un réel problème.

Mme Isabelle Millet-Caurier. Les unions régionales et les mutuelles prennent de nombreuses initiatives, mais en l’absence d’évaluation et de modélisation, elles ne peuvent les généraliser. C’est la raison pour laquelle le mouvement mutualiste a exprimé le souhait de définir des axes prioritaires dans le cadre d’un plan stratégique de prévention. Les actions de prévention définies par ce plan seraient financées par un fonds de financement.

Le mouvement mutualiste entend être un partenaire, de l’assurance maladie mais également des agences régionales de santé. Mme Emmanuelle Wargon, au cours de son audition, a évoqué cette difficulté de coordination. La Fédération nationale de la mutualité entend promouvoir la coordination et la lisibilité des actions de prévention des unions régionales et des mutuelles.

Certes, nous aurions pu vous présenter une sorte de catalogue des actions menées par les mutuelles, mais la journée n’y aurait pas suffi. Nous avons préféré mettre en évidence les actions qui nous sont apparues comme des priorités.

M. le rapporteur. Connaissant les difficultés d’une coordination avec la médecine scolaire et l’Éducation nationale, quelles sont les actions que vous menez en faveur de la petite enfance ? Quelles sont vos relations avec la Mutuelle générale de l’Éducation nationale et les infirmières ? Est-il possible d’améliorer la coordination entre tous les acteurs de la prévention ?

Mme Marika Lefebvre. En partenariat avec l’Union nationale du sport scolaire, la Mutualité française a mis en place le programme « Bouge…, une priorité pour ta santé », qui a pour but de favoriser l’activité physique des collégiens. Dix-sept régions participent à ce programme.

Un certain nombre de régions ont choisi de sensibiliser les jeunes sur la thématique des risques auditifs liés à l’écoute intensive de musique en leur présentant un concert pédagogique produit par la compagnie Peace and lobe.

Je ne peux moi non plus vous dresser un catalogue exhaustif des actions engagées sur ces thèmes, mais je vous propose de vous faire parvenir une liste précise des actions prioritaires que les régions mettront en œuvre entre 2012 et 2014.

Mme Annabel Dunbavand. Outre le défaut de coordination et le morcellement des actions sur le territoire, nous avons nous aussi du mal à recruter des participants. C’est particulièrement vrai dans le cadre du programme Tensioforme. En cherchant à comprendre les réticences de la population, nous nous sommes aperçus que les personnes ciblées ne se sentaient pas concernées par ce programme, bien que 75 % d’entre elles présentaient des facteurs de risque. Nous devons donc agir sur la manière dont la population perçoit le risque et la persuader que l’action de prévention lui est destinée.

M. le coprésident Jean Mallot. Cela démontre simplement que vous n’aviez pas choisi la population pertinente.

Mme Annabel Dunbavand. Non, car seules les personnes qui n’ont pas répondu ne se sentaient pas concernées.

M. le coprésident Jean Mallot. Elles le sont sur le plan sanitaire, et c’est ce qui nous intéresse.

Si une somme de 4,5 millions d’euros est consacrée à la prévention au niveau national, cela signifie que chaque département reçoit 45 000 euros.

Il est naturel que les organismes de prévoyance préfèrent engager des actions dont ils peuvent mesurer les résultats à court terme. Il faudrait revoir la durée du contrat car elle va à l’encontre de notre préoccupation commune : améliorer la santé de la population.

M. le coprésident Pierre Morange. Quel est le retour sur investissement du dépistage du cancer colorectal et du cancer du sein pour les organismes d’assurance complémentaire ?

Mme Marika Lefebvre. Dans plusieurs régions, notamment dans les zones défavorisées, l’action de l’union régionale a démultiplié l’accès du public à la campagne nationale de dépistage.

M. le coprésident Pierre Morange. Je ne doute pas de l’investissement des unions régionales, mais la Cour des comptes a émis des réserves sur un certain nombre de campagnes de dépistage du cancer. Nous aimerions connaître le sentiment de chaque acteur de l’assurance complémentaire.

M. David Giovannuzzi. En matière d’évaluation des actions de prévention, nous sommes très modestes face à la sécurité sociale, qui a la capacité d’analyser et de se lancer dans un processus de gestion de la maladie (Disease management). J’ai découvert avec plaisir l’ampleur de l’action Sophia, qui sera généralisée à partir du 1er janvier 2012. Quant à nous, il nous manque des éléments. Notre rôle est de relayer des actions que le régime de base considère comme étant prioritaires, d’être complémentaires de la sécurité sociale et non redondants.

La sécurité sociale a évalué à deux cent vingt-cinq mille le nombre des asthmatiques vivant en France. Elle a pu le faire à partir du nombre des traitements contre l’asthme qu’elle rembourse. Nous ne pouvons, avec les partenaires sociaux de la boulangerie, connaître le nombre de personnes souffrant de l’asthme du boulanger car nous sommes dans l’incapacité totale d’identifier ces personnes. Nous pourrions jouer un rôle intéressant en identifiant, sur les deux cent vingt-cinq mille asthmatiques, les vingt mille ou trente mille asthmatiques qui travaillent dans le secteur de la boulangerie, et en leur délivrant des messages à connotation professionnelle. Pour l’instant, l’étanchéité des fichiers nous en empêche, mais c’est une piste à suivre.

En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein et du cancer colorectal, nous disposons de fichiers très précis et nous adressons très régulièrement des courriers à nos ressortissants. C’est notre façon de participer au dépistage et de contribuer à la prévention. L’asthme est un excellent exemple de notre complémentarité avec l’assurance maladie et nous travaillons actuellement avec les responsables de la prévention de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés pour mettre en place des actions en direction de l’asthme professionnel des professions de la boulangerie. Mais, j’en conviens, nous contenter de n’être qu’un relais est un peu frustrant.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur Alain Rouché, quel est le retour sur investissement, sur un contrat moyen de sept ans, des actions de prévention des accidents domestiques ?

M. Alain Rouché. La décision du Parlement d’étendre l’usage du ticket modérateur aux actes de prévention traduit sa volonté de faire jouer un rôle aux complémentaires santé. Soit on leur demande uniquement de financer une partie des actes de prévention, par le biais du ticket modérateur, soit on leur demande de s’impliquer davantage. Nous y sommes tout à fait prêts, mais nous avons besoin d’un minimum d’informations pour accompagner au mieux nos assurés, qu’ils soient atteints de telle ou telle pathologie ou qu’ils présentent des facteurs de risque.

M. David Giovannuzzi. En ce qui concerne la durée du contrat, qu’elle soit de court, moyen ou long terme, nous préférons observer rapidement les résultats de nos actions. Si le régime a investi 500 000 euros dans une action de prévention dans le domaine bucco-dentaire, soit de 4 % à 6 % des efforts rapportés au poste, c’est sur le constat que 30 % des dépenses totales de la branche, soit 12 millions d’euros, sont consacrés aux soins dentaires. Mais en matière de prothèse dentaire, quand verrons-nous un retour sur investissement ? Si, demain, la branche professionnelle change d’assureur, elle pourra poursuivre cette action et en récolter les bénéfices dans vingt ans. Or le bénéfice d’une telle action ne peut être perçu avant dix ans. Nous avons opté pour le long terme parce que le poste dentaire est le plus important pour la population dont nous parlons. En tout état de cause, il faut saluer le courage des partenaires sociaux d’avoir osé se lancer dans une opération à moyen et long terme.

M. le rapporteur. En matière de problèmes musculo-squelettiques, les actions engagées par les entreprises vont vous permettre de réaliser des économies. Tout le monde a intérêt à faire de la prévention : l’entreprise, l’employeur et l’assureur.

M. Alain Rouché. L’entreprise est pénalisée par de nombreux arrêts de travail qui engendrent des indemnités journalières, voire des rentes d’invalidité. Les prestations versées aux salariés tiennent à deux problématiques : les troubles musculo-squelettiques et les arrêts de travail dus à un état dépressif. Nous travaillons actuellement avec quelques-uns de nos clients pour tenter de limiter le nombre des arrêts de travail.

Il est difficile de réaliser de réelles économies si l’on réduit les cotisations d’assurance en fonction des résultats obtenus. Dans un certain nombre de branches d’activité, à un certain âge, il n’est pas anormal de souffrir de problèmes de dos. Au-delà de la prévention, il faudrait réussir à maintenir au travail les personnes concernées, mais à un autre poste, en résumé adapter le poste de travail en fonction de l’âge et des problèmes de santé de la personne.

Mme Isabelle Hébert. Les partenaires sociaux et les directions des ressources humaines exigent des contreparties, évoquant le travail de communication que leur ont demandé les plans de prévention. Tous reconnaissent l’impact de la prévention sur l’absentéisme, mais ils nous demandent de développer des modèles économiques qui leur permettraient de récupérer de 1 % à 4 % sur le montant de la prime d’assurance. Nous leur proposons de travailler ensemble et d’analyser les gains.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous mesuré l’incidence de l’exposition au tabagisme passif en termes de morbidité, de mortalité et d’absentéisme professionnel ? Certains pays étrangers, qui comme nous ont adopté l’interdiction de fumer dans les lieux publics, ont constaté une baisse de près de 10 % du nombre des arrêts maladie. Faites-vous le même constat ?

Mme Isabelle Hébert. Nous ne disposons pas des éléments qui nous permettraient d’aboutir à un tel constat.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous participé à une conférence de consensus avec l’assurance maladie ? La communication de la Cour des comptes indique que le dépistage du cancer du sein n’est efficient que si au moins 70 % de la population y participent. Or, dans le meilleur des cas, le pourcentage de participation ne dépasse guère les 50 %, ce qui ne permet pas d’aboutir à une amélioration statistique de la mortalité et de la morbidité. Quelle est l’appréciation du secteur de l’assurance complémentaire santé sur ce sujet ?

M. David Giovannuzzi. La campagne de vaccin antigrippal nous a permis de constater que, lorsque les entreprises s’investissent et informent leurs salariés sur la nécessité de la prévention, le nombre des participants peut augmenter de 50 % à 60 %.

M. le rapporteur. Le dépistage du cancer de la prostate passe par des dosages de taux de PSA (Prostate Specific Antigen) qui ne sont pas forcément utiles et par des interventions chirurgicales parfois traumatisantes. En ce qui concerne le cancer du sein, les jeunes femmes sont exclues du dépistage systématique, sans oublier celles qui préfèrent « ne pas savoir » et certaines populations défavorisées qui n’y ont pas accès. Or c’est à elles que doit s’adresser la prévention. Quant au dépistage du cancer du col de l’utérus, la vaccination des jeunes filles ne fait pas l’unanimité.

Les exemples que vous avez cités illustrent un certain nombre de difficultés : la durée des contrats, les relations avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la médecine du travail et l’Éducation nationale. Je retiens également la difficulté de renforcer les initiatives locales prises par des assurances complémentaires santé. Il faut favoriser de telles initiatives ainsi que les campagnes visant à diminuer la mortalité prématurée évitable, qui doit être l’une de nos priorités de santé publique.

Mme Isabelle Millet-Caurier. La durée des contrats a peu d’importance pour le mouvement mutualiste car nous accompagnons nos adhérents tout au long de leur vie, de la petite enfance à la perte d’autonomie. La perte d’autonomie est un volet essentiel du champ de la prévention, qui décloisonne les aspects sanitaire et médico-social au profit d’une vision globale de la personne.

Monsieur Jean-Luc Préel, j’adhère en partie à votre ébauche de conclusion. Nous devons en effet parvenir à une meilleure coordination, en matière de gestion du risque, entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires santé. Or l’organisation de la gestion du risque au niveau régional se heurte à d’importantes difficultés. L’accès aux données de santé en est la parfaite illustration.

Mme Catherine Masclet, de la direction santé prévoyance d’Allianz. Je voudrais vous parler d’un partenariat novateur que nous menons depuis le début de l’année avec le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine dans le domaine du risque cardiovasculaire. Les pharmaciens qui ont souhaité nous rejoindre, qu’ils soient adhérents au collectif national ou indépendants, organisent des actions de dépistage de différentes affections, que ce soit le cholestérol, la glycémie, le surpoids ou le tabagisme. Ils remettent un coffret de dépistage personnalisé et un cédérom aux participants, et ils les orientent, le cas échéant, vers des professionnels de santé, médecins traitants ou cardiologues.

Allianz a participé, avec deux autres assureurs, Axa et Swiss Life, à une opération de consultation cardiologique approfondie menée avec le Syndicat national des spécialistes du cœur et des vaisseaux. Dans le cadre de cette opération, nous avons proposé une consultation, pour un coût de 90 euros, naturellement remboursé, à tous nos assurés entre trente-cinq ou quarante ans a priori en bonne santé.

M. le coprésident Pierre Morange. Lors d’une audition antérieure, on nous a relaté une expérience intéressante mise en œuvre par le comité régional d’éducation pour la santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur : il s’agit d’un programme d’éducation sanitaire, destiné aux classes de cours moyen deuxième année, dispensé tous les quinze jours pendant un an. Quelques années plus tard, on a pu constater chez les jeunes qui avaient bénéficié de ce programme, qui étaient à présent adolescents, une consommation d’alcool et de tabac et un indice de masse corporelle deux fois moins importants que la moyenne.

Quelle est votre position sur ce type d’expérience, qui a fait la démonstration de son efficacité ? Seriez-vous prêts à réfléchir de façon collective à la mutualisation de vos moyens ?

M. Alain Rouché. Je répondrai positivement ; à partir du moment où l’efficacité d’une action a été démontrée, les assureurs ne peuvent être opposés à sa généralisation.

Par le biais de notre association Assureurs prévention, nous avons soutenu significativement pendant plus de cinq ans le programme « Ensemble, prévenons l’obésité des enfants » (EPODE), qui a obtenu des résultats très probants en raison des liens qu’il a créés entre l’école et la municipalité. La prise en charge locale, la mise en œuvre des réseaux locaux, en particulier l’Éducation nationale, sont des éléments extrêmement importants.

Mme Évelyne Guillet. Les institutions de prévoyance y son également favorables. L’expérience décrite par AG2R sur la boulangerie montre l’intérêt de la mutualisation, qui nous aide à nous positionner par rapport au régime d’assurance maladie de base.

M. David Giovannuzzi. S’agissant de la pédagogie, les partenaires sociaux ont récemment décidé d’assurer la formation en éducation sanitaire de formateurs de vingt mille apprentis.

Mme Isabelle Millet-Caurier. La Mutualité française y est également prête, à condition d’être associée à une action coordonnée et d’apparaître, non comme un financeur, mais comme un partenaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Mesdames, messieurs, nous vous remercions pour ces propos porteurs d’espoir.

La Mission procède ensuite à l’audition de M. Stéphane Seiller, directeur général du Régime social des indépendants, et de Mme Stéphanie Deschaume, directrice adjointe de la santé.

M. Stéphane Seiller, directeur général du Régime social des indépendants. Le Régime social des indépendants apporte la couverture de la sécurité sociale de base aux artisans, commerçants et professions libérales contre le risque maladie. Il assure également, pour les deux premières catégories professionnelles, la couverture retraite et le régime complémentaire afférent. Créé en 2006, le régime a d’abord traversé quelques années troublées, notamment en raison de la création de l’interlocuteur social unique, qui prévoyait un recouvrement des cotisations partagé avec les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale. Ce système a rencontré, à ses débuts, de grandes difficultés de mise en œuvre, qui sont actuellement en voie de résorption, mais qui ont consommé beaucoup d’énergie dans les deux organismes.

La prévention, dans le cadre du Régime social des indépendants, a cependant continué de se développer dans le prolongement des efforts déjà engagés par le régime qui couvrait auparavant les mêmes populations contre le risque maladie, avec la Caisse nationale d’assurance maladie des professions indépendantes comme tête de réseau.

Notre budget de prévention a sensiblement augmenté depuis la création du Régime social des indépendants, passant d’environ 9 millions d’euros à près de 20 millions d’euros en 2011. Cet effort se justifie notamment par les caractéristiques des populations que nous couvrons, moins enclines que les autres à appréhender leurs problèmes de santé, et plus attentistes en face du système de distribution des soins, a fortiori en matière de prévention.

Dans ce contexte particulier, le Régime social des indépendants a élaboré un ensemble d’actions de prévention regroupées sous le terme générique de « Parcours prévention ». Son but consiste à couvrir la population en fonction de l’âge. Nous commençons par les enfants des commerçants, artisans et professions libérales, depuis la grossesse de leur mère jusqu’à l’âge de six ans ; nous les suivons ensuite par des cycles d’offre de prévention selon les grandes tranches d’âge. Nous proposons ainsi des prestations telles que le suivi préventif des femmes enceintes et des enfants en bas âge, la promotion de la vaccination contre la rubéole, les oreillons et la rougeole, la prévention bucco-dentaire, les bilans de prévention consistant en consultations approfondies proposées chez les médecins traitants à différents âges, l’aide au sevrage tabagique, la prévention des risques professionnels, sur laquelle nous mettons particulièrement l’accent, la vaccination anti-grippale, le dépistage du cancer du col de l’utérus, de celui du sein, du cancer colorectal et, pour les diabétiques, un accompagnement thérapeutique.

60 % des actions inscrites dans notre budget de prévention s’insèrent dans des programmes nationaux soutenus par les pouvoirs publics, dont je viens de citer quelques exemples. Nous versons aussi chaque année 2,7 millions d’euros à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et 1,2 million aux différentes agences régionales de santé. Les 40 % restants correspondent à des actions spécifiquement conduites par le Régime social des indépendants, dont le bilan bucco-dentaire. Ces actions nous coûtent, au total, 5 millions d’euros. À ce titre, nous proposons un bilan annuel aux enfants de nos affiliés, à partir de l’âge de six ans et jusqu’à dix-huit ans. Il en va de même des examens de prévention chez les médecins traitants.

Nous sollicitons les affiliés concernés par un courrier comprenant un auto-questionnaire, qui sert ensuite de guide pour une consultation médicale. Le coût global de l’opération s’élève à un peu plus de 1,5 million d’euros.

M. le rapporteur. Combien de personnes sont-elles concernées ?

Mme Stéphanie Deschaume, directrice adjointe de la santé. Pour la campagne 2011, toujours en cours, nous nous sommes adressés à environ 180 000 personnes. Nous avions obtenu, au cours de la campagne précédente, un taux de participation de 15 %.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur combien d’adhérents ?

Mme Stéphanie Deschaume. Nous couvrons près de 4 millions de personnes, dont environ 2,8 millions dans la population visée, celle des seize à soixante-dix ans.

Notre démarche repose sur des cycles à long terme ayant pour objectif de proposer ce type d’examen quatre fois dans une vie, soit pour quatre classes d’âge : les quinze–vingt-cinq ans, les vingt-six–quarante ans, les quarante et un–cinquante-cinq ans et les cinquante-six–soixante-dix ans. Sur une période de dix ans, nous touchons ainsi l’ensemble de la population.

M. Stéphane Seiller. Un axe important de notre politique de prévention vise les risques liés à l’activité professionnelle, élément spécifique à la population de nos affiliés. Nous avons, depuis trois ans, consenti un effort particulier dans ce domaine et souhaitons pouvoir, dans le cadre de notre convention d’objectifs et de gestion en cours de discussion avec l’État, lui affecter des moyens supplémentaires.

Cette action de prévention comporte deux aspects : le premier, de nature médicale, concerne le suivi des personnes en fonction de leur métier en s’appuyant sur le dispositif de consultation spécifique que je viens d’évoquer ; le second consiste en actions plus directement liées aux conditions de travail et pour lesquelles, compte tenu des limites de notre capacité d’expertise interne, il nous faut recourir au partenariat avec des organismes tels que le réseau des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les services de santé au travail et les organisations professionnelles des secteurs les plus concernés par la problématique de l’incidence de l’activité sur la santé de la personne, c’est-à-dire d’abord les professions artisanales. Nous avons ainsi ciblé certains métiers et élaboré, pour chacun d’eux, une documentation spécifique.

Dans l’ensemble, la politique de prévention fonctionne bien au niveau du Régime social des indépendants qui, depuis longtemps, a investi en la matière. Elle reste cependant une sorte de terre de conquête puisque, je le répète, le public auquel nous nous adressons est réticent à considérer suffisamment tôt ses problèmes de santé. Cela se traduit par des montants de dépenses par personne protégée sensiblement inférieurs à ceux observés dans le cadre du régime général de la sécurité sociale ou de celui de la Mutualité sociale agricole. Ce montant s’élève en 2011 à 5,17 euros, contre 8,46 euros pour le régime général et 9,21 euros pour la Mutualité sociale agricole.

Nous négocions donc actuellement avec l’État, dans la perspective de notre prochaine convention d’objectifs et de gestion, pour 2012-2015, la possibilité de faire progresser raisonnablement nos investissements dans la prévention.

M. le coprésident Jean Mallot. Vous avez indiqué que vos affiliés accusaient un certain retard dans leur comportement envers la prévention. On pouvait sans doute affirmer cela il y a vingt ou trente ans mais, aujourd’hui, toute la population est couverte et les préoccupations sanitaires sont largement partagées. Comment expliquer la persistance de ce retard et les difficultés à le combler ?

M. Stéphane Seiller. Le mot « retard » n’est pas le plus approprié. Les travailleurs indépendants font d’abord tourner leur entreprise ou leur commerce et ne s’occupent que secondairement de leur santé. Le niveau de leurs dépenses le prouve.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous en rappeler les chiffres ? Nous savons que les dépenses par assuré social s’élèvent à environ 2 200 euros par an dans le cadre du régime général.

Mme Stéphanie Deschaume. Le chiffre est très inférieur dans le cadre du Régime social des indépendants et une partie importante de la population correspondante ne recourt à aucun soin sur une période d’un an, à la grande différence du régime général. Mais nos affiliés sont très volatils, de nombreux travailleurs devenant indépendants sur une courte période de transition.

M. Stéphane Seiller. Les taux de participation aux démarches de prévention sont moindres que ceux que l’on constate dans les autres régimes de protection sociale. Une des explications est liée au fait qu’un travailleur indépendant s’échappe moins facilement de son activité professionnelle qu’un salarié et dispose donc de moins de temps pour aller voir un médecin ou écouter les messages relatifs à la prévention.

Mme Stéphanie Deschaume. Quelques chiffres permettent d’illustrer ce phénomène. Ainsi, pour le dépistage du cancer du sein, la participation des travailleurs indépendants s’élève à 43 %, contre 50 % dans le régime général et 55 % dans le régime agricole. Il en va de même pour le dépistage du cancer colorectal : 21 % contre 34 % dans le régime général, ainsi que pour la vaccination antigrippale : 44 % contre 53 %.

Toutes les études réalisées afin de connaître les motifs d’une absence de participation à une démarche de prévention l’imputent à un manque de temps des personnes concernées. Le travailleur indépendant s’extrait plus difficilement de son activité professionnelle.

M. le coprésident Jean Mallot. Mais ces écarts se réduisent-ils avec le temps ?

Mme Stéphanie Deschaume. Oui, et nous le constatons notamment pour le dépistage du cancer du sein, la vaccination contre la grippe et la prévention bucco-dentaire, mais sur des périodes relativement longues, entre cinq et dix ans.

M. Stéphane Seiller. Et nous espérons que cette réduction des écarts va continuer, grâce à la poursuite d’une politique de prévention dynamique.

M. le rapporteur. La communication de la Cour des comptes a montré l’importance du pilotage national des actions de prévention.

Vous avez mentionné votre participation financière à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Quelles sont vos relations avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés ? Êtes-vous associé à la définition de ses campagnes et à leur mise en œuvre ? Participez-vous, par exemple, au programme Sophia contre le diabète ? La campagne contre la carie du boulanger, destinée aux salariés, a-t-elle son équivalent pour les travailleurs indépendants ?

M. Stéphane Sellier. Les actions de prévention se développent de façon satisfaisante pour le compte du Régime social des indépendants. Ainsi, la campagne en faveur de la vaccination antigrippale s’est parfaitement coordonnée avec l’action du régime général. Le bilan bucco-dentaire s’inscrit dans la démarche globale du régime général, mais le Régime social des indépendants a décidé de lui octroyer des moyens supplémentaires.

Il y a deux ans, alors en fonctions à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, j’avais souhaité un rapprochement avec le Régime social des indépendants dans le domaine de la prévention des risques professionnels car le régime général éprouve bien des difficultés à toucher les salariés des petites entreprises. Il s’agissait de sensibiliser à ces risques les dirigeants des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises en leur faisant comprendre qu’eux-mêmes étaient aussi concernés comme le montre l’exemple de la carie du boulanger que vous avez évoquée. C’est pourquoi, nous avons, à la fin de l’année dernière, signé une convention par laquelle nos deux régimes mettent en place un partenariat, le régime général apportant son expertise du risque et le Régime social des indépendants sa capacité de toucher les publics visés.

Le diabète constitue un autre bon exemple de notre coordination dans le domaine de la prévention. Le régime général a lancé Sophia mais le Régime social des indépendants avait déjà engagé un programme expérimental « RSI diabète », qui répond plus à un souci d’éducation qu’à un souci d’accompagnement des personnes dans le suivi des traitements, comme le fait Sophia. La question se pose aujourd’hui de sa prolongation ou d’un rapprochement avec la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés pour s’articuler avec Sophia.

Mme Stéphanie Deschaume. Nous avions identifié un sur-risque de diabète chez certaines catégories de travailleurs indépendants, notamment chez les commerçants, eu égard à leurs pratiques alimentaires, souvent atypiques. D’où la création de « RSI diabète » afin, d’une part, de faire accéder les assurés diabétiques de type 2 à une éducation thérapeutique, d’autre part, à travers un portail de prévention santé, de leur permettre de suivre personnellement leur respect des référentiels fournis par la Haute Autorité de santé. Ce programme a été déployé dans toutes nos régions et couvre environ 46 000 personnes, soit 45 % de notre population diabétique de moins de quatre-vingts ans. Le taux de participation s’établit à un peu plus de 16 %. Le programme est en plein déploiement, le principal frein provenant de l’insuffisant maillage territorial de l’offre d’éducation thérapeutique. Mais nos assurés, ainsi que leurs médecins traitants, se disent satisfaits de notre démarche. Nous observons aussi, par les réponses à nos questionnaires, une forte modification des habitudes alimentaires et des comportements d’hygiène de vie. Ainsi, la population du programme augmente de six points son respect des référentiels précités par rapport à la population témoin.

Quelles synergies pouvons-nous trouver avec Sophia ? Des échanges ont déjà eu lieu, montrant que le régime général recherche aussi une complémentarité entre l’accompagnement et l’éducation thérapeutique. On peut donc imaginer à terme la présentation à nos affiliés d’une offre leur permettant de bénéficier du programme Sophia.

M. Stéphane Sellier. Ce type de sujet devrait faire l’objet de discussions au sein du collège des directeurs de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie car nous disposons des premiers résultats de l’évaluation des deux programmes expérimentaux lancés récemment par le Régime social des indépendants : « RSI prévention professionnelle » et « RSI diabète ».

M. le rapporteur. Des réunions sont-elles organisées entre les médecins chefs des trois régimes rassemblés dans l’Union nationale des caisses d’assurance maladie ?

Mme Stéphanie Deschaume. Les trois médecins conseils nationaux se réunissent régulièrement.

M. le rapporteur. Vos affiliés adhèrent encore un peu moins facilement aux campagnes de prévention que ceux du régime général. Comment améliorer cette situation ? On constate d’importantes variations d’un département à l’autre, sans doute également liées au plus ou moins grand nombre de relances effectuées par les associations locales.

Mme Stéphanie Deschaume. Nous souhaitons, dans ce but, nous intégrer de façon complémentaire dans les actions de communication de l’État et du régime général car celles-ci bénéficient d’un important effet de masse. Il est patent que la façon de proposer un programme conditionne largement son succès. Demander une implication individuelle importante conduit à l’échec auprès des travailleurs indépendants. Il faut, au contraire, leur proposer une information et un modèle simples, ainsi qu’un accès facile à la démarche de prévention. À titre d’exemple, on n’invite pas un commerçant à se rendre dans un centre d’examen de santé fermé le lundi…

M. le rapporteur. Certains examens de santé nécessitent moins de temps que d’autres. Il en est ainsi du test hémocult.

Mme Stéphanie Deschaume. Celui-ci ne bénéficie pas partout d’une bonne acceptation. Notre population est, aux deux tiers, masculine, et l’on sait que la capacité d’acceptation des examens médicaux est, chez les hommes, plus faible que chez les femmes, toutes catégories sociales et professionnelles confondues.

M. le coprésident Pierre Morange. La Cour des comptes ne mentionne pas le Régime social des indépendants dans sa communication sur la prévention sanitaire. Vous a-t-elle entendus ?

Mme Stéphanie Deschaume. Non.

M. le rapporteur. Entendre la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés suffirait-il ?

M. Stéphane Seiller. Certainement pas !

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous nous fournir des précisions concernant votre politique de prévention des risques professionnels, concernant notamment sa typologie et son évaluation ?

M. Stéphane Sellier. Les résultats de l’évaluation nous sont tout juste parvenus. Depuis deux ou trois ans, le Régime social des indépendants a ciblé les professions touchées par des morbidités spécifiques et engagé à la suite un travail de sensibilisation sous la forme de brochures d’information par profession. Ainsi sont visés les couvreurs, les maçons, les plâtriers, les chauffeurs de taxis, exposés aux risques de troubles musculo-squelettiques en raison de leur position au volant, ainsi que les coiffeurs.

Le programme consiste à proposer aux intéressés un auto-questionnaire et une consultation approfondie par le médecin traitant qui, lui-même, aura préalablement reçu une documentation sur les risques afférents.

M. le coprésident Pierre Morange. On ne peut que saluer cette démarche, dont l’évaluation médico-économique de l’efficacité est plus facile, notamment pour ce qui concerne la mesure du retour sur investissements, que celle de politiques de prévention indifférenciées et à très long terme. Quelle impression générale en retirez-vous ?

M. Stéphane Sellier. Dans l’ensemble, les participants se montrent satisfaits du procédé.

Mme Stéphanie Deschaume. Nous avons expérimenté, à la fin de 2010 et au début de 2011, ce type de campagne pour deux types de population : les boulangers et les coiffeurs, en Picardie et en Pays de la Loire. Selon les premières données rassemblées, leur participation s’établit globalement à 11 %, mais avec une différence très nette entre les deux populations : un peu plus de 5 % chez les boulangers et plus de 15 % chez les coiffeurs. Cet écart résulte notamment du caractère plus masculin de la première de ces deux professions. L’implication de leurs organisations professionnelles respectives fut également différente : nos deux caisses concernées ont rencontré plus de facilité avec l’une qu’avec l’autre. Nous devons, pour l’avenir, en tirer la leçon de l’importance de nos liens avec les organisations professionnelles.

Les publics participants se sont déclarés très satisfaits de l’expérience : plus de 85 % des deux catégories de population l’ont considérée comme bonne ou très bonne. Les médecins traitants, bien que dépourvus de formation à la médecine du travail, partagent le point de vue général : ils se sont efforcés d’identifier les risques de chaque profession grâce à un kit très simple, facilitant les dépistages au cours de leur consultation et en vue, le cas échéant, d’une proposition de suivi thérapeutique.

Les risques ainsi identifiés chez les boulangers et les coiffeurs concernent, d’abord, les troubles musculo-squelettiques, puis le stress, généralement important chez les travailleurs indépendants, comme le montre par ailleurs une expertise réalisée en collaboration avec lInstitut national de la santé et de la recherche médicale. Viennent ensuite le diabète et l’hypertension artérielle, ainsi que les asthmes et rhinites directement liés à l’exercice des deux professions sélectionnées.

Nous avons identifié 22 groupes professionnels prioritaires, représentant huit cent cinquante mille assurés, afin de déployer progressivement à leur intention le même type de démarche en fonction du mandat qui figurera dans notre prochaine convention d’objectifs et de gestion.

M. Stéphane Sellier. L’implication des médecins traitants est essentielle pour la réussite de telles opérations. Elle exige de leur part un investissement dans des matières qui ne leur sont pas a priori familières.

Parallèlement, nous devons développer des partenariats avec la branche accidents du travail du régime général pour des professions spécifiques dont les risques sont bien identifiés. Des expérimentations sont engagées à ce titre dans plusieurs régions : nous cherchons à adopter une démarche commune de sensibilisation de certains métiers à certains risques. Il existe ainsi, en partenariat avec la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail d’Aquitaine, un projet visant à sensibiliser les peintres en bâtiment, qu’ils emploient ou non des salariés, aux risques de chutes des échelles et à leur proposer une aide financière pour s’équiper de plateformes sécurisées.

M. le coprésident Pierre Morange. Comment s’opère l’articulation avec la médecine et l’inspection du travail ?

M. Stéphane Sellier. C’est une question complexe. Dans mes fonctions précédentes à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, j’avais déjà essayé de rapprocher les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail des services de santé au travail. La loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail associe désormais les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail à la gouvernance de la médecine du travail. En s’appuyant sur elle, le Régime social des indépendants pourra mieux déployer ses initiatives. Mais il faut, pour cela, pouvoir mobiliser les acteurs à l’échelon local, dont les branches professionnelles.

Dans une optique purement médicale, pourra-t-on impliquer durablement les médecins traitants dans un domaine un peu extérieur à leur champ d’action traditionnel ?

M. le rapporteur. Et leur assigner des indicateurs de performance ?

M. Stéphane Sellier. Il faudrait que les conventions médicales le stipulent.

M. le coprésident Pierre Morange. Quelles sont vos relations avec les agences régionales de santé ?

M. Stéphane Sellier. Elles dépendent évidemment de chaque région. Par exemple, pour la partie de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui dépend de notre caisse de Marseille, celle-ci coopère avec l’agence régionale de santé pour faire face au défaut de vaccination ROR contre la rougeole, les oreillons et la rubéole, dans le cadre d’un programme spécifique.

Mme Stéphanie Deschaume. Le Régime social des indépendants est membre des commissions de prévention des agences régionales de santé, où se définissent les programmes qui dépendent du schéma régional de prévention. Le régime s’associe, en tant que de besoin, aux différentes actions correspondantes, selon les thèmes prioritaires retenus : dépistages, vaccinations, hygiène bucco-dentaire, par exemple. Toutes nos caisses sont donc impliquées en fonction de l’état d’avancement dans chaque région, du schéma de prévention.

M. le rapporteur. La principale difficulté consiste à favoriser les initiatives locales et professionnelles. Vous en avez fourni de bons exemples avec les peintres, les coiffeurs et les boulangers. Nous connaissons aussi la nécessité de coordonner les grandes campagnes nationales de prévention.

La transmission des données de santé se fait-elle convenablement ? Plusieurs programmes ont été ici évoqués, manquant d’indications statistiques indispensables pour certaines affections. La commission présidée par M. Christian Babusiaux préconisait, en 2003, l’accès des assureurs complémentaires aux données de santé figurant sur les feuilles de soin électroniques transmises grâce à la carte Vitale. Quelle est la position du Régime social des indépendants à ce sujet ?

M. Stéphane Sellier. Nous nous situons plutôt dans la ligne du régime général. Nous ne divergerons probablement pas de la position de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés sur cette question sensible. Nos prestations sont en effet servies par des organismes conventionnés dans le cadre du respect du secret médical.

M. le coprésident Pierre Morange. Quels sont les coûts de gestion du Régime social des indépendants ? Sont-ils plutôt comparables à ceux du régime général obligatoire ou à ceux des mutuelles ?

M. Stéphane Sellier. Les sections locales mutualistes gèrent les assurés affiliés au régime général mais dont les prestations sont servies par les mutuelles. Dans ce cadre, nos coûts de gestion s’élèvent à environ 40 ou 50 euros par personne couverte, soit un ordre de grandeur comparable.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame, monsieur, nous vous remercions.

La séance est levée à douze heures vingt.