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Mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale

Mercredi 9 mars 2011

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 05

Présidence de M. Marc Laffineur, vice-président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Husson, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales, de M. Dominique Plihon, professeur d’économie financière à l’Université de Paris XIII, et de M. Christian Saint-Étienne, professeur à l’université Paris-Dauphine, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et membre du Conseil d’analyse économique

– Présences en réunion

MISSION D’INFORMATION SUR LA COMPÉTITIVITÉ DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE ET LE FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE

Mercredi 9 mars 2011

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Marc Laffineur, vice-président de la Mission d’information)

La Mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale entend, en audition ouverte à la presse, M. Michel Husson, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales, M. Dominique Plihon, professeur d’économie financière à l’Université de Paris XIII, et M. Christian Saint-Étienne, professeur à l’université Paris-Dauphine, titulaire de la chaire d’économie industrielle au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et membre du Conseil d’analyse économique.

M. Marc Laffineur, président. Nous accueillons aujourd’hui les trois économistes engagés que sont M. Michel Husson, chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales et militant altermondialiste, M. Dominique Plihon professeur d’économie financière à l’Université de Paris XIII mais aussi président du conseil scientifique d’Attac et M. Christian Saint-Étienne, professeur à Dauphine et au Conservatoire national des arts et métiers, membre du Conseil d’analyse économique et par ailleurs vice-président du groupe « Centre et indépendants » du Conseil de Paris.

Comme vous le savez, messieurs, notre mission d’information, créée par la Conférence des présidents à l’initiative du Président Bernard Accoyer, s’est fixée pour objectif d’analyser l’évolution de la compétitivité de l’économie française au regard de la situation de nos principaux partenaires et concurrents et de s’interroger sur le niveau des charges sociales en France et leur impact sur l’économie. Nous vous entendrons avec intérêt.

M. Michel Husson. Je vous remercie pour cette invitation, que j’interprète comme une reconnaissance de l’intérêt des travaux de l’Institut de recherches économiques et sociales.

Selon certains, si la France perd des parts de marché, c’est que sa compétitivité est en baisse, et il faut la rétablir en réduisant le coût du travail. C’est remettre implicitement en cause un modèle social jugé trop coûteux au regard des exigences de la compétitivité.

Or les indicateurs traditionnels que sont, d’une part, les prix relatifs des productions françaises et, d’autre part, l’évolution de la demande mondiale adressée à l’économie française ne peuvent expliquer le recul des parts de marché de la France à partir du milieu des années 2000. C’est une énigme, mais le fait est que l’équation économétrique classique ne fonctionne plus. Comme le montre l’étude par la Commission européenne des performances comparées des économies des pays membres, la France n’est pas la seule concernée : les cas atypiques abondent. Ainsi, en dépit d’une baisse de compétitivité, les Pays-Bas gagnent en part de marché ; l’Espagne perd en compétitivité mais maintient la sienne ; la dévaluation de la livre est sans effet sur la part de marché du Royaume-Uni, qui continue de baisser. Seule l’évolution de l’Allemagne et de l’Italie est conforme au modèle traditionnel : la première augmente sa compétitivité-prix et gagne des parts de marché, la seconde perd sur les deux tableaux.

D’autres facteurs structurels doivent donc être pris en compte. Au nombre de ces éléments, il y a le taux de change de l’euro. On constate en effet une forte corrélation entre la perte de compétitivité de la France et celle du taux de change entre l’euro et le dollar ; la dévaluation relative du dollar entre 2000 et 2005 a conduit à une perte de compétitivité de l’économie française qui n’a pas été rattrapée depuis lors.

Autre facteur d’importance : l’accélération de la mondialisation. Depuis le début des années 2000, les pays émergents gagnent des parts de marché ; cela signifie qu’en corollaire, d’autres pays en perdent, dont la France – un peu plus que les autres, soit, mais sans que cette évolution la touche spécifiquement. C’est l’Allemagne qui, en maintenant ses parts de marché dans ce contexte, fait figure d’exception.

La structure de la demande constitue un troisième et fort élément d’explication. En Allemagne, la consommation des ménages est pratiquement étale depuis l’an 2000 ; au cours de la même période, elle a augmenté d’environ 20 % en France, où elle est le moteur de l’économie. Que la consommation intérieure soit gelée en Allemagne permet de consacrer les capacités productives du pays aux exportations. Les modèles économiques des deux pays sont donc très différents.

Quatrième élément : les dépenses de recherche et développement (R&D), autre variable à prendre en considération. Dans ce domaine, la France, où elles représentent 2,1 % du PIB, est en retard sur l’Allemagne, où elles s’élèvent à quelque 2,7 % du PIB. De plus, la répartition de cette dépense diffère, la part assumée par le secteur privé étant beaucoup plus faible en France qu’en Allemagne. Un des arguments du rapport de Rexecode sur la compétitivité comparée de la France et de l’Allemagne récemment remis au ministre de l’industrie est que la baisse du taux de marge de l’industrie française au cours de la dernière décennie l’a contrainte à réduire son effort de R&D. C’est omettre l’ampleur prise pendant la même période par un phénomène qui n’est pas propre à la France : la préférence donnée à la finance, qui s’est traduite par l’augmentation considérable de la distribution nette de dividendes. À ce jour, les dépenses de recherche et développement ne représentent plus qu’un quart des dividendes nets versés, contre un tiers en l’an 2000. Autrement dit, les dépenses de R&D ont été plafonnées et les dividendes nets versés augmentés.

Selon Rexecode, il faudrait, pour que la France récupère sa perte de compétitivité face à l’Allemagne, « faire baisser de 5 à 10 % les coûts de production pour l’industrie sur notre territoire par une mesure de réduction des charges pesant sur le travail, financièrement compensée autant que possible par une réduction significative des dépenses publiques. » Cette proposition emblématique, fort peu détaillée, découle d’une analyse incomplète et donc d’un mauvais diagnostic, puisque la compétitivité-prix française n’est pas en cause.

Outre cela, absolument rien ne garantit que des allègements de cotisations supplémentaires seraient consacrés à l’augmentation de la compétitivité mesurée par les prix, car ce type d’incitation est aveugle. Il n’existe aucune manière de cibler ces allégements sur les secteurs industriels exposés à la compétition mondiale, comme le soulignait, en 2006 déjà, un rapport non publié de la Cour des comptes indiquant que tous les allégements bénéficient prioritairement à des activités non directement soumises à la concurrence internationale. Aucun moyen ne permet de maîtriser les effets réels d’une telle mesure.

Par ailleurs, la période actuelle, caractérisée par une très grande difficulté à rééquilibrer le budget, est-elle la mieux choisie pour procéder à des allégements supplémentaires des cotisations sociales des entreprises, que les finances publiques seraient appelées à compenser ?

Une telle mesure présenterait de grands risques. Le premier, alors que notre modèle social a déjà été passablement écorné et que la perspective de créations d’emplois à court et moyen termes ne se dessine pas, est celui de l’aggravation de la régression sociale. Le deuxième risque est celui de la régression économique – quelles seraient les répercussions sur la consommation de l’instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale ? Le troisième risque, c’est l’entrée dans une spirale non-coopérative européenne, alors que c’est de la démarche inverse dont l’Union européenne a le plus grand besoin.

M. Dominique Plihon. Je traiterai du modèle allemand et du Pacte de compétitivité avant de décrire la vision alternative du fonctionnement de l’Europe qui me paraît devoir être privilégiée.

Lorsqu’il s’agit de concurrence internationale, nous souffrons d’une tendance au mimétisme. Un temps, le modèle danois de flexisécurité fut donné en exemple ; c’est maintenant le modèle allemand de compétitivité qu’il faudrait importer. Cette tentation peut se comprendre puisque l’Allemagne est notre principal concurrent, mais elle est dangereuse. Trois raisons font que transposer en France le modèle allemand ne serait pas une bonne démarche.

En premier lieu, la théorie institutionnaliste nous apprend que les performances d’un pays donné s’expliquent très largement par son histoire et ses institutions, qui forment un ensemble cohérent, non transposable ; prétendre imiter un pays en lui empruntant celles de ses politiques ou formes d’organisation qui fonctionnent le mieux est à la fois dénué de sens et périlleux.

Ensuite, l’augmentation, réelle, des performances allemandes depuis dix ans résulte d’une vigoureuse politique de l’offre fondée sur un ensemble de facteurs – flexibilité accrue du marché du travail, réduction du coût social du travail par l’instauration d’une TVA sociale, délocalisations… – qui se sont traduits par une précarisation accrue. Or les politiques de l’offre, puisqu’elles supposent de prendre des parts de marché aux pays concurrents, sont par nature des politiques non coopératives : elles n’ont pas un effet « gagnant-gagnant » mais, comme le montre la montée des déséquilibres entre pays membres de l’Union européenne et de la zone euro, un effet « gagnant-perdant ». La politique de l’offre serait-elle généralisée qu’elle tirerait la croissance et l’emploi au sein de l’Union européenne vers le bas, une situation « perdant-perdant ».

Enfin, le modèle allemand est, à bien des égards, peu enviable. Avec un taux de croissance moyen de 1,4 % de 1996 à 2008 contre 2,2 % en France, l’Allemagne a été, dans l’Europe des Quinze, le pays dont la croissance a été la plus faible et celui qui a créé le moins d’emplois depuis vingt ans. Celui, aussi, où la hausse des inégalités de revenus a été la plus élevée d’Europe, Bulgarie et Roumanie exceptées. Celui, encore, où le salaire moyen hors inflation a stagné, où la part des salaires dans la valeur ajoutée a baissé, où le pourcentage de chômeurs indemnisés a fortement chuté – il est passé de 80 % à 35 % –, tout comme la part des investissements dans le produit intérieur brut (PIB). En bref, tous les clignotants ne sont pas au vert en Allemagne.

Certes, le taux de chômage a baissé dans ce pays de 10 % en 2005 à 7,3 % en 2008, mais ce succès politique doit être nuancé : il a été obtenu par l’augmentation du travail à temps partiel, souvent contraint, pour une grande partie des travailleurs – le volume d’heures travaillé a baissé malgré l’amélioration du taux de chômage – et par l’effet d’une décroissance démographique inquiétante pour l’avenir de l’Allemagne. La France est, à cet égard, dans une situation un peu plus favorable.

J’en viens au Pacte de compétitivité proposé par Mme Angela Merkel le 4 février dernier et approuvé par M. Sarkozy, pacte qui a précisément pour objectif de généraliser les préceptes allemands aux autres pays européens en les amenant à conduire une politique salariale et budgétaire restrictive. Il contient deux mesures phares : l’abolition de l’indexation des salaires sur les prix – ce qui, dans une période comme celle que nous connaissons, avec l’augmentation du prix des matières premières importées, conduirait à une perte de pouvoir d’achat – et l’obligation d’inscrire dans la Constitution la limitation de la dette publique.

Dans la droite ligne de la logique ordo-libérale allemande, il s’agit de créer des règles contraignantes pour discipliner les pays membres de l’Union européenne. Ces règles concernent non seulement les politiques publiques mais aussi l’endettement des ménages et des entreprises, que l’on entend contrôler.

Ce document appelle des objections de deux ordres. D’abord, l’application de ces principes aurait des effets pervers pour la zone euro – ce pourquoi le Pacte de compétitivité a été très fraîchement accueilli par un grand nombre de pays membres. Si la politique économique restrictive menée par l’Allemagne depuis dix ans pour améliorer sa compétitivité n’a pas eu de conséquences dramatiques sur la zone euro, c’est parce que dans le même temps l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et l’Italie ont connu une croissance forte tirée par leur consommation intérieure. Si, à l’avenir, tous les pays européens devaient adopter la politique restrictive recommandée par le Pacte de compétitivité, certains pays verraient sans doute leurs exportations progresser mais l’anémie européenne serait certaine dans les autres pays de la zone euro, auxquels interdiction serait néanmoins faite de s’endetter pour se procurer des ressources pourtant indispensables.

Ensuite, ce pacte est fondé sur la poursuite de la politique menée jusqu’à présent, celle de l’intégration européenne par les règles voulue par l’ordo-libéralisme allemand. Mais cette approche conduit à une impasse. Brider les politiques économiques nationales, c’est empêcher les États membres de l’union monétaire de mener des politiques contra-cycliques quand elles sont nécessaires et de jouer un rôle d’ajustement et de stabilisation. Les règles communes ne doivent pas être trop restrictives ; il faut laisser aux États des marges de manœuvre.

Un autre mode de fonctionnement de l’Union européenne doit prévaloir, tel que les États membres retrouvent une capacité d’initiative beaucoup plus forte. Cela n’irait pas à l’encontre d’une plus grande efficacité économique, bien au contraire. Or, rien dans ce plan ne permettrait d’instaurer l’indispensable gouvernement politique européen, alors que la sortie de crise et même la survie de l’Union européenne passent par d’autres formes d’organisation. La coordination des politiques économiques fondée sur le principe de la solidarité des pays membres doit l’emporter sur la « méthode ouverte de coordination », autrement dit la concurrence entre les États. La conception néolibérale de la gouvernance européenne qui a prévalu jusqu’à ce jour doit être abandonnée. Il faut créer les mécanismes, les instances politiques et les instruments européens qui permettront de lancer les grands programmes communautaires nécessaires à l’indispensable relance européenne.

Outre que rien ne figure à ce sujet dans le Pacte de compétitivité, les politiques qu’il décrit sacrifient très largement les objectifs sociaux. Or l’Europe ne peut poursuivre son intégration, ni donc se développer, sans approfondir son modèle social, qui ne peut reposer sur la seule logique du marché. Si l’on veut que l’Union européenne survive et prospère, la concurrence sociale et fiscale à tout prix n’est pas une solution ; or le Pacte de compétitivité, en généralisant la politique de l’offre, la renforcerait.

Il faut donc agir sans ce pacte qui aggraverait des politiques dont on a vu qu’elles mènent à une impasse. Alors que, les populations se sentant maltraitées et laissées pour compte, on assiste à la montée menaçante du nationalisme et du populisme, l’adhésion des peuples à la poursuite du projet européen implique une autre vision.

Des mesures – symboliques dans un premier temps – permettraient de créer ce sursaut à court terme : la création d’un salaire minimum européen modulé selon le niveau de PIB par habitant de chaque pays, mais aussi l’instauration de la taxe européenne sur les transactions financières votée hier par le Parlement européen. Si elle était appliquée, cette disposition permettrait d’augmenter, comme il se devrait, le budget européen, et ainsi de financer des politiques coordonnées ambitieuses. De telles mesures sont indispensables pour permettre à l’Union européenne d’affronter les défis auxquels elle se trouve confrontée : définir une politique commune d’éducation et de recherche bien plus vigoureuse qu’elle ne l’est actuellement et financer la transition écologique. Faute de quoi, l’Union européenne doit s’attendre à de graves problèmes. Le Pacte de compétitivité n’est pas à la hauteur des enjeux.

M. Christian Saint-Étienne. Avant d’exposer les points de divergence avec mes collègues, je dirai les quelques points de vue sur lesquels je suis en accord avec eux – en premier lieu sur le fait que l’Allemagne n’est pas un exemple en tout. La France a des atouts considérables ; seulement, ces atouts forment un potentiel dont on ne joue pas, si bien que nos performances demeurent calamiteuses. Au passage, la politique de désinflation compétitive de l’Allemagne nous a coûté en dix ans un demi-point de croissance chaque année selon les calculs de l’OFCE ; il s’agit, j’en suis d’accord, d’une politique de désinflation non coopérative.

Mes collègues se sont livrés à un exercice plutôt normatif, leur analyse de la situation conduisant à dénoncer une organisation politique, comme le montre la condamnation par M. Dominique Plihon de l’ordo-libéralisme allemand. Tous les deux ont contesté les bons résultats de l’Allemagne ; il n’empêche que ces résultats existent et qu’il faut mesurer les conséquences de ce succès peut-être mal acquis. Quelles sont-elles ? D’une part, l’Allemagne a pris le leadership absolu de l’Union européenne, se montrant d’une arrogance impitoyable à l’égard des pays de l’Union aux performances économiques défavorables, ce qui a des conséquences politiques majeures ; d’autre part, la réflexion sur la modification des politiques européennes se fait sur la base de l’agenda allemand.

Je le redis, la France a des atouts considérables : une population nombreuse, un taux d’épargne des ménages particulièrement élevé et des professionnels très qualifiés, qui ont pour particularité de mieux réussir ailleurs que chez nous. C’est le signe d’une crise systémique : si l’on réunit un très bon ingénieur français, un très bon financier français et un très bon spécialiste des biotechnologies français, ils produisent ensemble 5 à l’étranger, mais seulement 2 en France. En d’autres termes, nous formons des individus exceptionnels mais notre organisation fait que la somme de leurs talents produit moins que ce que l’on pouvait espérer.

La situation de notre pays n’est pas bonne ; il y a donc urgence à agir. Pourtant, mes collègues parlent de long terme, comme si nous avions le temps, et comme si nous avions une chance de modifier les équilibres européens. Or la donne européenne est d’une extrême dureté, elle ne va pas changer et elle n’est pas favorable aux intérêts français.

La situation de la France se caractérisée par une triple crise. Avec un déficit structurel de 6 % du PIB, la crise de nos finances publiques est d’une ampleur historique – comparable, selon moi, à celle de la fin de l’Ancien Régime –, et rien n’est fait pour amorcer une décrue. Nous allons, dans les dix-huit mois à venir, au devant d’une crise d’une ampleur inédite et nous connaîtrons plus tôt que nous ne le pensons notre « Octobre grec », puisque notre dette publique est financée à 70 % par des investisseurs étrangers, notamment des fonds américains. On notera incidemment que ceux qui critiquent notre endettement s’empressent d’acheter notre dette…

Par ailleurs, dix-huit des vingt-sept pays membres de l’Union européenne ayant choisi pour stratégie de développement la compétition fiscale, nous sommes engagés dans une crise de compétitivité fiscale majeure. Cette évolution de la construction européenne avait été théorisée par la Grande-Bretagne et inscrite dans le traité de Maastricht négocié pour la France par François Mitterrand. En 2007, l’Allemagne a rejoint le camp de la compétition fiscale et nous évoluons désormais dans un univers européen dominé par ce concept qu’appuie la Commission européenne. Il est vrai qu’à long terme une politique coopérative permettrait d’obtenir des résultats très supérieurs à ceux que nous observons aujourd’hui. Mais, étant donné l’état de nos finances publiques, dans un contexte idéologique où la concurrence fiscale est tenue pour une bonne chose, les Allemands nous considèrent désormais avec condescendance. Ils jugent que la France mène ses affaires de manière scandaleuse et pensent que nous sommes devenus un partenaire très fragile ; ils ont perdu confiance, nous le font sentir, et interprètent chaque discours en faveur du modèle coopératif comme un aveu de faiblesse, ce qui les pousse à accentuer la concurrence.

La troisième crise d’ampleur historique que nous connaissons est celle de notre système productif. Je ne peux partager le diagnostic d’ensemble porté par Michel Husson à ce propos, puisque notre part relative des exportations de la zone euro s’est effondrée elle aussi. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), nous avons perdu un tiers de nos parts de marché en dix ans ; c’est, selon moi, l’équivalent, sur le plan économique, de la défaite militaire de 1940, et c’est ce qui explique les considérables difficultés de la France, ses millions de chômeurs et le déficit de ses comptes.

Pour remédier à cette situation, trois priorités s’imposent. Puisque notre déficit extérieur traduit le fait que, structurellement, notre consommation est supérieure à notre production, nous devons pour commencer rétablir le primat de la production sur la consommation.

Il nous faut aussi réhabiliter la taxation de la consommation, et donc la TVA. Cette réhabilitation est en cours chez nos voisins, en Allemagne comme au Royaume-Uni – où la commission réunie sous la présidence du Prix Nobel d’économie James Mirrlees a publié en novembre 2010 un rapport démontrant le bien-fondé et l’efficacité de cet impôt. Le maintien d’un taux de TVA réduit est une stupidité ; il faudrait au contraire fixer un impôt à la consommation à un taux relativement élevé, à compenser par une allocation directe aux ménages les plus démunis. On éviterait ainsi l’aubaine qui permet aux plus riches de nos concitoyens d’acheter des produits alimentaires en ne payant que 5,5 % de TVA alors qu’ils auraient les moyens de payer une taxe de 19,6 %, voire davantage.

Enfin, nous devons être en mesure de résister à la concurrence fiscale.

Le Conseil d’analyse économique, s’attachant à expliquer les raisons de l’effondrement relatif des exportations françaises, a pointé l’absence, en dépit de tous nos efforts, de ces milliers de grosses PME qui irriguent le tissu industriel allemand. Derrière nos grands groupes industriels – au demeurant de moins en moins français – nous font défaut les quelque 15 000 entreprises de 300 à 400 personnes qui nous donneraient les 3 à 4 millions d’emplois qui nous manquent.

Nous devons mener une indispensable politique de salut public pour faire face à une Union européenne qui, par la somme des initiatives qu’elle prend, tend à déconstruire la République française, ce que nous n’avons pas de raison d’accepter. Nous sommes porteurs d’un message ; nos institutions diffèrent des institutions allemandes mais ne leur sont pas inférieures ; notre taux de natalité et notre taux d’épargne montrent qu’existe en France un dynamisme individuel. Il nous faut donc reconstruire, ensemble, un collectif disparu.

M. Pierre Méhaignerie, corapporteur. Nous aspirons à réduire le chômage et aussi la dette que nous laisserons à nos enfants. Toutefois, monsieur Dominique Plihon, l’Europe n’est pas un cocon protégé du monde extérieur. Comment concilier le modèle que vous proposez et l’ouverture de l’Union européenne sur le monde ? Monsieur Michel Husson, vous jugez que le modèle social français a été « écorné ». Or nos voisins européens estiment que nos dépenses sociales continuent de s’accroître au rythme de 3,5 % à 4 % par an. En quoi ce modèle est-il donc « écorné » et, au rythme actuel de progression des ces dépenses, ne risque-t-on pas d’étouffer l’emploi ? Enfin, M. Christian Saint-Étienne suggère d’aider les PME à grandir. Cela ne suppose-t-il pas de renoncer à entraver la transmission des entreprises familiales par l’impôt de solidarité sur la fortune, qui pousse ceux des enfants dont ce ne sera pas l’outil de travail à vendre ?

M. Dominique Plihon. Pour concilier la vision de l’Europe que je vous ai proposée et l’ouverture sur le monde, il faut donner à l’Union européenne la « base arrière » forte qui lui permettra de se développer et d’être une puissance reconnue. Pour cela, il lui faut définir des politiques communes qui ne soient pas uniquement fondées sur le principe de la concurrence comme c’est le cas aujourd’hui, mais sur les principes de coordination et de solidarité. Fonder le développement de l’Europe sur la généralisation de politiques de l’offre par essence non coopératives, c’est l’affaiblir, car si l’on poursuit sur cette voie, quelques pays y gagneront, certes, mais il y aura aussi des pays perdants, et pour finir des perdants seulement. C’est une erreur de penser que pour être forts sur la scène internationale, les pays européens doivent se concurrencer d’une manière effrénée sur le marché intérieur, d’autant que cette concurrence porte aussi sur les politiques publiques, fiscales et sociales.

L’Union européenne doit mener des politiques keynésiennes, coopératives, consistant à se tourner davantage vers les besoins internes insatisfaits, qu’il s’agisse d’infrastructures, de ferroutage, d’éducation, de recherche ou des activités liées à la transition écologique. L’Europe retrouverait une unité en fédérant tous ses acteurs, entreprises et ménages, autour d’un projet commun mobilisateur, par des politiques d’investissement coordonnées. Dans les domaines de l’énergie, de l’agriculture et de l’aménagement du territoire, les politiques doivent être engagées collectivement et non plus à l’échelle d’un seul pays. Ce serait un système « gagnant-gagnant », qui n’est en rien incompatible avec l’émergence d’une Europe forte.

M. Michel Husson. J’ai dit que le modèle social français était écorné, je n’ai pas dit qu’il était laminé. MM. Michel Albert et Jean Boissonnat ont indiqué, il y a longtemps déjà, que l’Union européenne, telle qu’elle a été conçue, est fondée sur la concurrence, y compris celle des modèles sociaux. Mais nous sommes parvenus à un tournant. Au cours des dernières années, l’Allemagne est, de tous les pays européens, celui qui a le plus fortement remis en cause son modèle social ; comme l’a signalé l’OCDE, c’est dans ce pays que la pauvreté a le plus augmenté. L’hypothèse selon laquelle l’Allemagne va poursuivre dans la voie actuelle est fausse : elle va être amenée à revoir ses équilibres. Aussi, vouloir remettre en question notre modèle social, prétendument trop généreux, pour imiter les Allemands, risque de nous entraîner dans une spirale fautive. Mme Angela Merkel n’a-t-elle pas indiqué récemment que les salaires allemands devraient recommencer d’augmenter ? Maintenant qu’elle a retrouvé la position perdue après la réunification, l’Allemagne est, pour des raisons démographiques et de politique intérieure, à la veille d’une inflexion. L’imiter en abaissant le coût du travail pour réduire les problèmes structurels de l’industrie française, c’est faire fausse route.

M. Pierre Méhaignerie, corapporteur. La France ne doit-elle pas, cependant, faire des efforts supplémentaires ?

M. Michel Husson. La France ne doit pas se placer à la remorque du pacte de compétitivité mais faire porter ses efforts sur la recherche et le développement. C’est un constat largement partagé depuis vingt ans : nous ne gagnerons pas en jouant sur le coût du travail mais en agissant sur la qualité de nos produits. Je rappelle à ce sujet que si l’économie française se porte mal en termes de compétitivité, les grands groupes multinationaux français sont très bien classés au niveau international.

M. Pierre Méhaignerie, corapporteur. Mais ils réussissent mieux à l’étranger qu’en France !

M. Michel Husson. Ils réussissent sur le marché mondial aussi bien que tous les autres grands groupes multinationaux. La différence de performance entre l’économie française et les grands groupes français doit donc nous faire réfléchir au bien-fondé de toutes les politiques qui favorisent la compétitivité des groupes tournés vers le marché extérieur, sans favoriser la densification du tissu industriel français – il ne s’agit pas de coût du travail !

Par ailleurs, l’Allemagne pratique la réexportation à grande échelle, ce qui fausse l’appréciation de sa situation. Ainsi, Porsche fait fabriquer en République tchèque des véhicules de luxe qui se vendent très bien dans les pays émergents. Mais, parce qu’elle rapatrie en Allemagne la dernière phase de la fabrication, ces exportations sont comptabilisées dans les exportations allemandes, alors que les Logan que Renault fait intégralement fabriquer en Roumanie sont prises en compte dans les exportations roumaines. Une note récente de Natixis indique que deux tiers des gains de parts de marché de l’Allemagne dans la zone euro sont liés aux réexportations.

M. Christian Saint-Étienne. Étant favorable à des États-Unis d’Europe, je suggère, pour résoudre la crise de l’euro, une fédéralisation de la zone, éventuellement partielle ; sept à dix pays, par nature coopératifs, constitueraient une base intérieure puissante qui pourrait se projeter sur le reste du monde. Mais, en ce moment, la zone euro va si mal que le risque d’un éclatement est patent et, contrairement à M. Dominique Plihon, je suis persuadé que le basculement d’une politique de concurrence à une politique de coordination n’a strictement aucune chance de se produire avant dix ou quinze ans ; comment agir dans l’intervalle ?

J’ajoute que, sur le plan stratégique, nous aurons d’autant plus de chances d’amener les autres pays européens à négocier le passage de la concurrence à la coordination que nous aurons ostensiblement commencé à mettre notre maison en ordre. Nous retrouverons de la crédibilité lorsque nos voisins verront que nous menons, nous aussi, une politique de l’offre et que nous dynamisons massivement nos petites et moyennes entreprises (PME). Aussi longtemps qu’il n’en sera pas ainsi, ils refuseront la coopération puisqu’ils tirent un grand bénéfice de la situation présente.

Cela implique que nous traitions la crise des finances publiques par des mesures appropriées. Pour commencer, ayant été élu local, je sais que nous pourrions économiser un point sur les dix points de PIB consacrés à la dépense locale – seuls les bénéficiaires directs s’en apercevraient. Nous pourrions également réaliser d’importantes économies de dépenses sociales. Je rejoins mes deux collègues pour dire que ces économies ne devraient pas être affectées uniquement à la réduction du déficit budgétaire mais aussi à des investissements stratégiques majeurs. La croissance mondiale se concentre désormais dans les grandes métropoles, mais pour qu’une métropole devienne un support de la croissance, il faut réaliser des investissements stratégiques et investir dans la recherche et le développement. Il faut donc, simultanément, restreindre les dépenses de fonctionnement et augmenter massivement les dépenses d’investissement. Je propose, dans un ouvrage qui paraîtra sous peu, un projet complet de réforme fiscale prévoyant un plan de 900 milliards d’euros de dépenses sur quinze ans – dont 300 milliards d’argent public appelant 600 milliards de partenariats public-privé – plan destiné à reconstruire totalement notre pays, dont les infrastructures souffrent d’un sous-investissement massif.

Je souffre de devoir le dire : outre que nous perdons massivement des parts de marché dans l’industrie, nous en perdons aussi dans les services et dans l’agriculture – un domaine dans lequel l’Allemagne nous a maintenant devancés. Nos parts de marché dans le fret aérien, le fret maritime et le fret terrestre, trois indicateurs de vitalité de l’appareil de production, s’effondrent également. Ce qui se produit actuellement dans nos ports et dans les transports terrestres est particulièrement scandaleux ; cela va provoquer la perte de dizaines de milliers d’emplois. Nous devons réinvestir dans tous ces domaines.

On dénombre trois millions d’entreprises en France, dont celles de la cotation assistée en continu (CAC 40). Mais les trente-trois entreprises industrielles du CAC 40 qui sont totalement internationalisées réalisent les deux tiers de leur chiffre d’affaires et les trois quarts de leurs profits hors de France. Le seul enjeu pour nous est de conserver le contrôle capitalistique de ces têtes de réseau, que nous risquons aussi de perdre. Je vous surprendrai sans doute en vous disant que si j’étais ministre des finances, je ferais l’acquisition en bourse de 10 % du capital de Renault – dont l’État détiendrait alors 25 % – pour m’assurer que lorsque l’entreprise investit, elle le fait dans les usines françaises – comme les Allemands le font dans l’industrie allemande.

Pour revitaliser le tissu des PME françaises, il faut donner une responsabilité aux régions dans le maillage territorial des PME, et pour cela des outils d’intervention. La question est éminemment politique. Pourquoi ne pas en revenir aux sociétés de développement régionales, et mêler acteurs publics et acteurs privés ? Il faut recréer un capitalisme national et un capitalisme régional. Chacun le sait, nous avons, en France, un capitalisme sans capital. Nous devons lui redonner les moyens de se développer par une politique fiscale appropriée mais, en contrepartie, les PME que nous aurons aidé à se développer devront associer les salariés au succès de leur stratégie. Il faut donc une relance énergique des politiques de participation et de formation, allant bien au-delà de ce qui a été fait il y a quarante ans. Enfin, nous ne parviendrons pas à passer de 400 000 jeunes en formation en alternance à un million ou bien davantage, comme il le faut, sans imposer un effort aux entreprises. Dans le cadre d’une politique de reconstruction de notre appareil productif, il faudra donc négocier un package. Puisque 99 % de nos trois millions d’entreprises sont des entreprises familiales, donnons-leur les moyens, en collaboration avec les régions, de réaliser le maillage de notre territoire de telle sorte que cela profite aux populations.

M. Dominique Plihon. J’observe que tout cela est terriblement normatif…

M. Paul Giacobbi. Je suis étonné d’entendre un économiste réduire de manière caricaturale la compétitivité à la seule compétitivité mesurée par les prix… Pour m’intéresser à la compétitivité des territoires, je constate que les plus grandes entreprises françaises n’ont plus grand-chose de français – en tout cas, leur production ne se fait plus en France.

Si je vous entends bien, monsieur Dominique Plihon, l’Allemagne, en diminuant le nombre d’heures travaillées et en partageant le travail par un recours accru au travail à temps partiel, a réussi à réduire d’un quart le taux de chômage sans qu’il en coûte un sou aux finances publiques. Dans le même temps, en France, nous avons partagé le travail en instaurant les 35 heures, ce qui n’a pas diminué significativement le taux de chômage mais qui coûte chaque année quelque 20 milliards d’euros aux finances publiques. Si c’est cela, je préfère le modèle allemand !

Par ailleurs, le crédit impôt recherche appelle un intérêt soutenu dans de nombreux pays étrangers – dont les États-Unis qui en connaissent le fonctionnement en détail. Pourtant, lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, nous envisageons de le supprimer ou tout au moins de le limiter !

Il est exact qu’en Europe, les actionnaires, pour une grande part américains, privilégient les dividendes. Ils exigent un rendement de 12 % à 15 %, ce qui oblige les directions générales à obtenir des rentabilités encore supérieures pour pouvoir consacrer une petite part des bénéfices au développement de l’entreprise. Il en résulte que les entreprises qui se financent par le marché n’investissent plus et perdent en compétitivité.

A contrario, les entreprises indiennes Tata et Wipro, des géants dans leur domaine, appartiennent à des familles. Celles-ci ne se distribuent que 2 % des profits et consacrent le reste – des dizaines de millions de dollars – au développement interne de l’entreprise mais aussi à des œuvres d’intérêt général de développement économique. En Inde, la contribution du groupe Tata à l’enseignement supérieur technologique est colossale, comme l’est la contribution de Wipro au développement de la formation dans l’entreprise. De plus, ce groupe vient de consacrer quelque 2 milliards de dollars au financement du développement rural. Dans de tels modèles, non seulement les entreprises considérées grandissent, mais, curieusement, l’économie générale du pays se développe également.

Je remercie M. Christian Saint-Étienne d’avoir souligné qu’avec 150 milliards d’euros de déficit pour 250 milliards de recettes fiscales, la France sera nécessairement confrontée, à brève échéance, à une crise douloureuse. Il est bon qu’un économiste rappelle ce que les responsables politiques disent rarement. J’avais moi-même donné l’alerte dans un article publié en 2002 dans Le Monde et intitulé « Chronique comptable d’une faillite nationale annoncée ».

M. Olivier Carré. Beaucoup de dépenses publiques ont été proposées. Mais tous les récents plans de relance n’ont-ils pas été ainsi fondés ? Le recul manque pour permettre d’apprécier leur succès véritable mais, quoi qu’il en soit, force est de constater que ces politiques n’ont pas permis de résoudre certains problèmes de fond.

Les dépenses de recherche et développement, d’éducation et de formation sont indispensables. À cet égard, l’appétence des entreprises pour le crédit impôt recherche montre que nous sommes sur la bonne voie. De même, par le biais du grand emprunt, la recherche universitaire commence à être bien dotée, voire très bien dotée. Des politiques utiles ont donc été engagées ; pour autant, suffiront-elles à rendre notre modèle soutenable ? En d’autres termes, notre système actuel peut-il perdurer sans que nous réduisions notre dépense ? Comme je n’en crois rien, je vous interroge : sur quelles dépenses pouvons-nous agir ?

Enfin, je rappelle que lorsque Renault a engagé sa stratégie de délocalisation, l’État détenait une part significative de son capital…

M. Jean-Claude Sandrier. Je conviens qu’il ne suffit pas toujours d’étatiser une entreprise pour qu’elle se porte mieux… Monsieur Christian Saint-Étienne, vous insistez beaucoup sur la réussite allemande, mais qu’entendez-vous par là ? La pression sur les salaires, la diminution du pouvoir d’achat, l’augmentation de la précarité, les attaques contre la protection sociale, la baisse de la démographie ? Que représente la « réussite » de l’Allemagne pour les Allemands eux-mêmes ? De même, pour réduire le déficit en France, vous proposez de réduire les services publics et d’augmenter la TVA ; or c’est l’impôt qui pénalise le plus les catégories populaires et moyennes.

Par ailleurs, à quoi sert une Union européenne dont les pays membres se sont engagés dans une guerre économique fratricide de plus en plus dévastatrice, utilisant à cette fin des armes nouvelles, telle la concurrence fiscale ? N’avons-nous d’autre solution que cette guerre économique sans foi ni loi dont il est certain qu’elle nous mènera droit au mur ?

Notre pays ne connaît pas une crise de ses finances publiques mais une crise due à des choix politiques qui ont mis à mal nos finances publiques. Selon le constat de notre rapporteur général, M. Gilles Carrez, sur les 150 milliards d’euros de déficit, 50 milliards seulement sont dus aux conséquences de la crise économique et financière internationale ; 100 milliards correspondent à des cadeaux fiscaux plus ou moins justifiés. On oublie de dire à qui la crise est due – et elle n’est certainement pas due à l’infirmière, à l’enseignant ou au militaire !

Au cours des années 1980, 5 % de la valeur ajoutée était distribuée en dividendes. Aujourd’hui, cette part est passée à 25 %. Quelle est l’utilité de ces fonds ? Contribuent-ils à la création de valeur ? Nous assistons aujourd’hui à l’accaparement des richesses par quelques grosses fortunes, au détriment des autres catégories de la population. Souvenez-vous de ce que disait Warren Buffet : « Notre situation n’a jamais été aussi bonne, vous pouvez nous taxer ! ». Et je ne parle pas des paradis fiscaux !

Pour faire face à la guerre économique mondiale, nous sommes voués à mener des politiques de coopération. Ce matin, la responsable du Mouvement des entreprises de France elle-même soulignait que, de nouveau, les banques, en France, ne font plus leur travail. Leur attitude à l’égard des PME est en effet très différente de ce qu’elle est en Allemagne.

Nous sommes dépassés par l’Allemagne en matière de recherche et développement, dans le secteur public comme dans le secteur privé, et aussi en effort de formation. Ne serait-il pas préférable de faire des efforts dans ces domaines au lieu de demander aux Français, qui n’en peuvent déjà plus, de moins se chauffer ou de moins se soigner, et au lieu de réduire le nombre d’enseignants ?

M. Christian Blanc. Il est intéressant de constater, au fil des auditions, que les économistes expriment des avis partagés.

L’Allemagne s’est donc engagée dans une politique de l’offre généralisée, au détriment des pays qui mènent une politique de la consommation comme la Grèce et le Portugal mais aussi la France. On voit les dégâts auxquels peut conduire une telle politique menée sur le long terme même si, ce à quoi je crois assez peu, elle est corrigée par des coopérations à venir : dans quinze ans, l’Europe pourrait être allemande. Je ne suis pas certain que ce soit un objectif, ni d’ailleurs un cadeau à faire aux Allemands, mais ceux-ci estiment à juste titre que, compte tenu de la rapidité de la mondialisation, l’Union européenne ne résistera pas – et donc l’Allemagne non plus – si elle ne s’arme pas de politiques efficaces. Voilà qui alimentera notre réflexion.

J’ai par ailleurs retenu des propos de M. Christian Saint-Étienne que ce n’est pas par des politiques sectorielles que nous parviendrons à résoudre ce qui est un problème de cohérence. Qu’il s’agisse de politique économique, éducative ou de recherche, l’État, en France, a un problème fondamental d’organisation. La démultiplication des administrations, des corps et des textes rend l’action illisible. En Europe comme en Chine ou en Inde, la production se fait dans des territoires qui doivent mutualiser leurs efforts. Or les relations des grands groupes avec leur banque ne sont pas les mêmes selon qu’ils ont affaire au Kreditbank de Bavière ou à BNP-Paribas en France : dans le premier cas ils ont un seul interlocuteur, dans l’autre des bureaux et des commissions multiples… Quand on est confronté à une crise systémique, il est essentiel de favoriser la production par une organisation optimale. C’est ce sur quoi nous devrons insister au terme de nos travaux, et il nous faudra faire des propositions en ce sens. Je regrette d’ailleurs que le référendum de 1969 ait eu une issue négative. Étant donné le potentiel de la France, la régionalisation proposée par le général de Gaulle, si elle avait été engagée alors, aurait probablement produit des effets considérables ; Adenauer, en régionalisant l’Allemagne après la guerre, lui a rendu le plus grand des services. Je souhaite connaître votre sentiment, messieurs, sur l’organisation des territoires, régions et métropoles.

M. Nicolas Forissier. J’ai été surpris d’entendre M. Christian Saint-Étienne évoquer ce qui serait le grand retard de la France en matière d’infrastructures. Pour avoir parcouru un certain nombre de pays, j’ai plutôt le sentiment que nous sommes très en avance, qu’il s’agisse de réseau routier, de production d’énergie, de transports ou d’équipements publics. Ces propos me paraissent relever de la tendance française à la « déclinologie ». L’un des principaux problèmes de la France en matière de compétitivité n’est-il pas purement intellectuel, culturel, voire émotif ? Quand tiendrons-nous un discours positif, mettant en avant nos atouts face à la mondialisation ?

Par ailleurs, je suis de ceux qui pensent que les banques, en France, ne font pas leur métier. De temps en temps, elles se font rappeler à l’ordre ; elles changent alors d’attitude pendant six mois, puis reprennent leurs mauvaises habitudes. Les PME sont, de ce fait, insuffisamment financées, et empêchées de grandir pour devenir les entreprises de taille intermédiaire que chacun appelle de ses vœux. Est-ce un problème typiquement français ? Peut-on imaginer le résoudre lors de l’examen du projet de texte sur la fiscalité du patrimoine ?

Enfin, la France dispose d’un réseau diplomatique parmi les plus étoffés, qui a beaucoup évolué ces dernières années, et de l’un des plus importants réseaux de soutien au commerce extérieur, Ubifrance, qui a été entièrement rénové. Mais, en dépit de tous nos efforts, notre commerce extérieur, nos parts de marché et le nombre de nos entreprises exportatrices sont en net recul. Comment l’expliquer ?

M. Christian Saint-Étienne. Monsieur Jean-Claude Sandrier, vous avez répondu à votre propre question sur ce qu’est la réussite allemande en reconnaissant la supériorité de l’Allemagne sur la France en matière de financement des PME, de recherche et développement, et de formation.

Il est vrai que l’on assiste à la montée de la précarité en Allemagne, pour les salariés des entreprises qui ne sont pas profitables, et que les Allemands commencent à s’en inquiéter. Mais la précarité augmente aussi en France où, contrairement à ce qui se passe en Allemagne, nous ne pouvons compter sur les résultats d’une économie de premier rang.

Je le répète, je suis absolument opposé à l’Union européenne telle qu’elle est, à savoir une Europe de la concurrence par les normes fiscales et sociales – je l’ai d’ailleurs écrit dans plusieurs rapports du Conseil d’analyse économique. Je déplore la confusion qui existe entre la concurrence sur les marchés, à laquelle je suis favorable, et la concurrence par les normes, contre laquelle je m’élève. Il n’existe pas de concurrence fiscale et sociale entre les cinquante États qui constituent les États-Unis d’Amérique : un seul système fiscal et social s’impose à tous, avec de légères variations. Aux États-Unis, l’impôt sur le revenu est fédéral, comme le sont le système de retraite par répartition, les infrastructures et la politique de recherche et développement. La concurrence n’affecte pas les normes mais uniquement les marchés de biens et services. Au sein de l’Union européenne, nous avons les deux !

Je considère que la concurrence par les normes à l’intérieur de la zone euro est de vingt à trente fois plus grave pour l’économie française que la concurrence des pays à bas salaires. Ainsi, un taux d’imposition sur les sociétés à 12,5 % représente une grave menace pour nous, et il m’est insupportable que l’Union européenne ait accepté de verser 85 milliards d’euros à l’Irlande sans obtenir qu’elle relève d’un iota ce taux d’imposition. Je rejette ce modèle européen mais, je le redis, les discours en faveur d’une Europe de la coopération demeureront incantatoires aussi longtemps que la France n’aura pas retrouvé sa crédibilité.

Vous considérez, monsieur le député, que 100 des 150 milliards d’euros de déficit public proviennent de « cadeaux fiscaux ». C’est qu’en France, on ne comprend pas à quoi sert l’impôt. Alors que l’impôt sert à financer la dépense publique justifiée, nous l’utilisons pour punir certaines catégories sociales ou pour changer la donne économique et sociale. Tous régimes et tous partis politiques confondus, l’impôt est considéré, en France, comme une arme politique. Il en résulte des taux d’imposition très élevés, si élevés que nous en avons restreint les bases et que ce que vous appelez des « cadeaux fiscaux » sont en réalité des baisses de taux destinées à nous permettre de rester compétitifs. Nous devons engager une grande réforme fiscale, élargir massivement les bases de l’impôt et en abaisser les taux pour financer la dépense publique de la façon la plus intelligente possible.

S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), je considère qu’il est justifié de taxer les ménages riches mais en faisant en sorte qu’ils restent sur notre territoire – c’est la meilleure manière de pouvoir les taxer… Le jour où, m’étant rendu à Genève et à Bruxelles pour y faire des conférences, je me suis aperçu que les Suisses et les Belges étaient horrifiés à l’idée que l’ISF pourrait être supprimé en France, j’ai compris que cet impôt bénéficiait plus à la Suisse et à la Belgique qu’à la France…

D’évidence, les versements de dividendes ont augmenté. Toutefois, des travaux sont en cours pour établir dans quelles proportions exactes, car les grands groupes français ont de très nombreuses filiales, et si toutes les écritures comptables correspondant aux transferts de profits au sein des holdings sont prises en compte par l’INSEE, elles ne se traduisent pas nécessairement par des versements effectifs de dividendes.

Le management français des entreprises du CAC 40 est excellent, mais il s’applique à des capitaux étrangers – des fonds de pension américains par exemple –, pour créer de l’activité hors de France ; quel intérêt y trouve notre pays ? D’autre part, exception faite des 300 grands groupes français dont les profits correspondent aux normes internationales, le taux de productivité des trois millions d’entreprises françaises est, selon Eurostat, inférieur d’un tiers à la rentabilité des PME allemandes, anglaises et américaines. Si les banques françaises ne prêtent pas aux PME françaises, c’est que celles-ci représentent un risque insupportable. Seul des partenariats public-privé, avec apports de fonds régionaux, permettrait de surmonter de tels risques.

J’en viens aux infrastructures. J’ai été amené à rédiger deux rapports à la demande du Président de la République. Le premier portait sur la façon de mettre les territoires au service de la croissance, le second traitait des investissements qu’il faudrait engager pour accélérer la croissance. Les conclusions en étaient que nous disposons en France de hauts fonctionnaires de grande qualité et que si nous définissons une stratégie politique puissante nous pourrions remettre ce pays d’aplomb.

Je ne suis donc pas « décliniste », mais j’observe que sur trois points de PIB destinés aux investissements publics, deux sont affectés à des investissements de confort – ceux qui vous font dire, lorsque vous traversez la France, monsieur Nicolas Forissier, que c’est un beau pays. Il ne reste donc qu’un point de PIB pour les infrastructures de compétitivité, et c’est pourquoi il n’existe plus de ligne de fret sur l’axe Le Havre-Paris-Marseille, qui est pourtant d’une importance stratégique majeure. Il est d’une urgence absolue de reconstruire mille kilomètres de lignes de fret – d’autant que cela correspond à notre souhait de privilégier la croissance durable. Mais le financement public relevant à présent pour l’essentiel des compétences locales, personne ne veut plus financer les infrastructures de transport.

C’est pourquoi je prône le retour à un « État stratège », capable de mobiliser les régions et les métropoles dans une stratégie de reconquête. Les chances de la France sont réelles, mais il faudra privilégier les investissements risqués plutôt que la rente et investir dans la production. Ces choix devront être faits rapidement.

M. Paul Giacobbi. J’aimerais que notre mission torde le cou à la légende tenace du taux de l’impôt sur les sociétés irlandais. Son taux nominal est certes de 12,5 %, mais ce n’est pas le taux effectif : le système fiscal irlandais ne prévoit ni amortissement dégressif, ni crédit d’impôt recherche, ni système de localisation des bénéfices et des déficits. De plus, la part des recettes de cet impôt dans le PIB de l’Irlande est largement supérieure à ce qu’elle est en France. La réalité, c’est que le fisc irlandais présente les choses de manière plus astucieuse que l’administration fiscale française, et qu’il est beaucoup plus souple dans sa pratique.

M. Michel Husson. On peut toujours engager une discussion d’ordre statistique sur le taux de versement des dividendes, mais les calculs se font en dividendes nets, par différence entre les dividendes versés et les dividendes reçus. Il est vrai qu’en Allemagne en particulier la proportion des dividendes dans la comptabilité nationale est extravagante et qu’il y a probablement un problème de mesure. On observe cependant que les entreprises ont très vite recommencé à distribuer des dividendes, avant même la reprise économique. Or, conserver le mode actuel de répartition des revenus, ce n’est pas privilégier la croissance et l’emploi européens. Aux États-Unis, la majeure partie des fruits de la croissance a été captée par une couche extrêmement réduite de la population. Nous n’en sommes pas là, mais nous suivons la même trajectoire. Si nous ne revoyons pas notre mode de répartition, nous aurons peu de marges de manœuvre sur la croissance et l’emploi et nous connaîtrons encore dix ans de chômage de masse parce que les entreprises continueront de distribuer des dividendes avant de lancer des activités moins rentables mais créatrices d’emploi.

En des temps colbertistes, la force industrielle de la France s’appuyait sur des grands groupes capables de réaliser les commandes publiques. Nous avons abandonné ce système en 1986, lorsque l’Acte unique a ouvert les marchés publics à la concurrence. Ensuite, après les avoir nationalisées, nous avons à nouveau privatisé quelques grandes entreprises. L’État s’est ainsi défait de tous les instruments qui lui permettraient de mener une politique industrielle. Au sein de l’Union européenne, le terme même de politique industrielle est considéré comme tabou et la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne s’est opposée à certaines restructurations. On manque donc de tout outil de politique industrielle, tant en France qu’en Europe.

Sachant que l’excédent commercial allemand se fait pour 83 % en Europe, le discours arrogant de l’Allemagne est absurde : elle ne peut reprocher à ses voisins d’avoir créé le déficit qui lui permet de réaliser cet excédent ! Ses gains de parts de marché ont pour contrepartie les politiques qu’elle juge déraisonnables ; c’est incohérent.

Si le taux de chômage n’a pas augmenté en Allemagne pendant la crise, c’est que les entreprises, sachant qu’elles auraient du mal à retrouver du personnel une fois l’économie rétablie, ont préféré garder leur effectif, au prix d’un compromis – le chômage partiel – qui coûte aux finances publiques. Je maintiens que la pression sur les salaires conduira à un recentrage des deux principaux exportateurs mondiaux, l’Allemagne et la Chine, sur la consommation intérieure ; les derniers discours des responsables du parti communiste chinois l’indiquent, et nous devons anticiper ce mouvement. C’est pourquoi il faut définir un autre projet européen.

Dans le Pacte de compétitivité, l’idée d’unifier les taux d’impôt sur les sociétés est mise en avant, la discussion portant sur le taux à retenir.

M. Paul Giacobbi. Il est bien plus important de définir une assiette qu’un taux !

M. Michel Husson. Certes. On peut aussi se demander pourquoi M. Sarkozy n’a pas proposé à Mme Angela Merkel que la taxe sur les transactions financières figure dans le Pacte de compétitivité alors qu’il en préconise l’instauration dans le cadre du Groupe des vingt (G20) et que le Parlement européen en a voté le principe.

Enfin, l’idée que des politiques pourraient permettre d’accroître le nombre des entreprises de taille intermédiaire me laisse sceptique. Et s’il est une thèse que je considère d’arrière-garde, c’est celle qui voudrait faire de l’allègement du coût du travail le levier principal de l’action. Parvenir à un budget européen suffisant pour permettre de mener à bien des projets communs ambitieux aurait un tout autre effet.

M. Pierre Méhaignerie, corapporteur. Si, dans un secteur donné, 25 % des PME se vendent à des grands groupes ou à des investisseurs étrangers, n’y a-t-il pas lieu de considérer l’ISF comme un obstacle au développement et à la transmission de ces entreprises familiales ?

M. Dominique Plihon. Plutôt que de mettre l’accent sur un obstacle en particulier, il serait sans doute préférable de dresser la liste de tous les facteurs qui font que les transmissions d’entreprise sont plus compliquée en France qu’ailleurs.

Je souhaite revenir un instant sur la question des territoires. Les régions sont bien sûr essentielles pour la production mais, pour certaines politiques ou pour certains secteurs d’activité, elles n’ont pas la dimension pertinente. Ainsi, le Pas-de-Calais peut mener une politique visant à l’équipement des ports, mais la politique des transports doit s’envisager des Pays-Bas aux pays riverains de la Méditerranée. De même, la construction d’autoroutes empruntées par de très nombreux transporteurs étrangers ne concerne pas que la France. Pour beaucoup de dépenses d’infrastructures et de modernisation, qui sont des facteurs de compétitivité, la dimension pertinente est la dimension européenne, qui permet la mutualisation des investissements.

Par ailleurs, si la concurrence est souhaitable pour les biens et les services, il faut aussi une coopération entre les États ; il est plus important de coopérer que de fonder une compétition sur des règles.

S’agissant des relations entre banques et entreprises, on sait que le succès économique, après-guerre, du Japon, de la Corée du Sud et de l’Allemagne, est dû pour beaucoup à des liens historiques très étroits entre les établissements financiers et l’appareil industriel. En France, la « banque-industrie » est beaucoup moins développée. Selon moi, cela ne s’explique ni par une bureaucratie excessive ni par le fait que les entreprises françaises sont moins rentables que les entreprises allemandes mais, plus sûrement, par un système bancaire beaucoup plus décentralisé en Allemagne, où les établissements financiers présentent par ailleurs une diversité de statuts juridiques qui s’est perdue en France.

Comme M. Michel Husson, je suis convaincu que l’Allemagne changera de voie car celle qu’elle suit actuellement la mène à l’impasse. Si l’Union européenne va vers une politique de rigueur, l’Allemagne, qui réalise les deux tiers de ses excédents commerciaux en Europe, verra ses marchés fondre comme neige au soleil et boira la tasse ! Elle n’a vraiment aucun intérêt à ce que les autres pays européens voient leur croissance ralentir, sauf à réaliser ses excédents avec les pays émergents – mais c’est qu’alors l’Europe n’aura plus de sens.

M. Pierre Méhaignerie, corapporteur. Votre présentation peut se défendre à condition que la France, prenant la mesure de ses problèmes de compétitivité et de déficit, fasse les justes choix politiques sans lesquels nous ne convaincrons personne.

M. Marc Laffineur, président. Messieurs, je vous remercie.

La séance est levée à dix-huit heures quinze.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 mars 2011 à 16 heures

Présents. – M. Christian Blanc, M. Olivier Carré, M. Gérard Cherpion, M. Nicolas Forissier, M. Paul Giacobbi, M. Marc Laffineur, M. Pierre Méhaignerie, M. Hervé Novelli, M. Jean-Claude Sandrier

Excusés. – M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux, M. Jérôme Cahuzac, Mme Marie-Hélène Thoraval