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Mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale

Mercredi 9 novembre 2011

Séance de 16 heures 30

Compte rendu

Présidence de M. Bernard Accoyer, président

– Conclusions des travaux de la mission d’information

– Présences en réunion

MISSION D’INFORMATION SUR LA COMPÉTITIVITÉ DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE ET LE FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE

Mercredi 9 novembre 2011

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de M. Bernard Accoyer, président de la Mission d’information)

La Mission d’information sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale conclut ses travaux.

M. le président Bernard Accoyer. Mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour prendre malheureusement acte de l’impossibilité qu’ont les corapporteurs de la mission sur la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale, MM. Jérôme Cahuzac et Pierre Méhaignerie, de parvenir à un rapport commun. Les nombreux contacts entre eux n’ont en effet pas pu permettre d’aplanir les difficultés résiduelles, alors qu’un accord global ne semblait pas hors de portée.

Je le regrette évidemment beaucoup. J’avais en effet l’espoir que les enjeux électoraux ne viendraient pas polluer l’objectif fixé par la Conférence des Présidents, qui a créé cette mission au début de l’année, et partagé par les membres de la mission elle-même : parvenir à des constats objectifs sur la situation de la compétitivité de l’économie française et le financement de la protection sociale. Je me doutais qu’il n’était pas envisageable d’aller au-delà, c’est-à-dire de formuler en la matière des préconisations communes aux deux rapporteurs, mais j’osais espérer que les arrière-pensées électorales ne prendraient pas le pas sur l’intérêt général et l’évaluation sereine des faits.

Mes regrets sont encore renforcés après avoir constaté que ce que les syndicats de salariés et les représentants du patronat ont réussi en juin dernier, et ce que le Conseil économique, social et environnemental est parvenu à accomplir en octobre, l’Assemblée nationale n’a pas réussi à le mener à bien. En effet, alors que les syndicats de salariés ont signé un document commun avec le Mouvement des entreprises de France et la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises qui dresse un tableau complet et exhaustif de la situation de la compétitivité de l’économie française, nos deux rapporteurs n’ont pu aboutir à un résultat équivalent.

Les leçons que je tire de l’expérience sont multiples. Tout d’abord, à l’évidence, il n’est pas raisonnable qu’un rapport soit confié à deux présidents de commission dont l’agenda est naturellement très chargé, bien qu’en l’espèce, l’un des deux rapporteurs ait pu – je tiens à le dire publiquement et à l’en remercier –, assister à presque la totalité des auditions.

Deuxième leçon : la dernière année d’une législature est décidément peu propice au travail d’évaluation bipartisan. Il faudra s’en souvenir en d’autres occasions.

Troisième leçon : nous devons prendre à bras-le-corps la question industrielle. C’est la leçon de fond. Il nous appartient, élus de la Nation, de sensibiliser nos concitoyens sur les enjeux du déclin industriel – évident en France – et de militer en faveur de l’innovation, de la recherche, des pôles de compétitivité, de l’apprentissage et de l’emploi industriel. Je regrette qu’un message en la matière n’ait pu être adressé à nos concitoyens afin d’alimenter le débat démocratique qui va s’ouvrir. Il faudra assurément reprendre le sujet au début de la prochaine législature.

Cela étant, nos auditions ont été aussi nombreuses que riches d’enseignements. Certes, leur compte rendu est disponible sur le site de l’Assemblée nationale, mais il faut aller plus loin et mieux faire connaître le travail que nous avons accompli. Ce travail n’a pas été négligeable, puisque nous avons reçu plus de soixante-dix personnes : toutes doivent savoir que leur présence n’a pas été vaine, que leurs exposés et leurs réponses à nos questions ne sont pas perdus. Aussi je vous propose de publier les comptes rendus des auditions, auxquels s’ajoutera bien entendu celui de la présente réunion. Je me chargerai de présenter l’esprit de notre démarche et d’expliquer, tout en la regrettant, l’absence de rapport.

La réunion d’aujourd’hui doit compléter nos auditions et être l’occasion pour les corapporteurs de présenter leurs constats partagés et d’exposer leurs divergences. Mais, au-delà, chacun des membres de la mission comme chaque groupe doit aussi pouvoir s’exprimer sur les thèmes qui nous ont passionnés au cours de nos dix-neuf réunions. L’objet de nos travaux est en effet stratégique pour l’avenir du pays et tous les points de vue de la Représentation nationale doivent pouvoir trouver une trace dans le document qui sera mis en distribution, sachant qu’il ne saurait, bien entendu, y avoir de « contributions » à proprement parler puisqu’il n’y a pas de rapport.

Le tout devrait permettre au lecteur de prendre la mesure des analyses les plus largement partagées – sur la compétitivité hors-prix, la fiscalité dissuasive, le poids des normes, notamment en matière de droit du travail, la réduction de la durée du travail, la croissance du coût horaire, ou encore la faiblesse du tissu des moyennes entreprises exportatrices dans notre pays – et, a contrario, des postures idéologiques.

M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des affaires sociales, corapporteur. Même si une idée simple mais fausse aura toujours plus de puissance qu’une idée vraie mais complexe, j’ai toujours pensé que la vérité se trouvait dans la nuance. Et sur le thème qui nous occupe aujourd’hui, je n’ai aucune arrière-pensée électorale, monsieur le président, mais des convictions. La circonscription dont je suis l’élu est très industrialisée puisque ce secteur y occupe 45 % des actifs : je peux donc mesurer à quel point la compétitivité de notre économie est un enjeu majeur pour les années à venir. Cet enjeu est aussi, pour moi, une passion, et c’est la raison pour laquelle j’ai suivi l’intégralité des auditions, dont je veux ici rappeler quelques idées maîtresses.

La première est l’importance de nos déficits et de leur aggravation : celui du commerce extérieur atteindra 70 milliards d’euros à la fin de l’année. Si nous avions conservé les mêmes parts de marché qu’en 1995, notre PIB serait supérieur de 150 milliards d’euros, ce qui ne serait évidemment pas sans effet sur le niveau de notre dette ou sur celui du chômage.

Un sujet de désaccord est revenu fréquemment au cours de nos débats concernant le renforcement de la compétitivité en Allemagne. Les uns y ont vu des effets positifs – réduction du déficit, amélioration de l’emploi –, d’autres ont estimé, non sans raison, que l’économie allemande était désormais caractérisée par une aggravation des inégalités et une faible consommation intérieure, en raison de la priorité donnée aux exportations.

L’examen de nos faiblesses, de nos atouts et de nos progrès a, au contraire, conduit à une certaine convergence. Je ne reviens pas sur les premières, révélées par les chiffres. Nos atouts, nombreux, ont été rappelés au cours des réunions de même que les progrès réalisés ces dernières années : crédit d’impôt recherche, pôles de compétitivité, rapprochement entre l’université et le monde de la recherche.

Je ne peux toutefois occulter l’importance de certains éléments expliquant notre déclin industriel – d’autres rapports les ont d’ailleurs cités. Le premier concerne la durée du travail. Les 35 heures, a dit M. Henri Lachmann – et je partage cette conviction –, ont détruit la valeur travail. Le nombre annuel d’heures de travail par habitant nous place au plus faible niveau : 610 heures en France, contre 690 en moyenne dans les pays européens, et 770 au Danemark et en Suède. Je fais mien le jugement de M. Jean Peyrelevade : au moment où d’autres ont mesuré le risque que représentait la concurrence des pays émergents – comme l’Allemagne, qui a été amenée à prendre des décisions difficiles –, nous avons eu tendance à nous assoupir. Notre incapacité à prendre les mesures nécessaires est une des causes de notre perte de compétitivité.

La compétitivité liée aux coûts de production n’est toutefois pas le seul facteur de notre affaiblissement. Les éléments hors coût jouent probablement un rôle plus important, mais c’est un aspect sur lequel nous ne pouvons pas agir rapidement. C’est pourquoi le fait que le coût horaire du travail de la France ait rattrapé celui de l’Allemagne place notre pays dans une position aujourd’hui délicate et lui fait perdre des marchés et des emplois. C’est le deuxième élément d’explication. Et si les coûts salariaux français sont désormais équivalents à ceux de son voisin, ils ne sont pas compensés par une compétitivité hors coûts.

Le troisième élément, rappelé par la quasi-totalité des entrepreneurs que nous avons reçus, est la rigidité de la législation et la judiciarisation des relations de travail. J’ai toujours défendu dans ma circonscription l’idée qu’il ne fallait pas reprocher aux entreprises de licencier. Songeons au processus de « destruction créatrice » cher à Schumpeter : les entreprises doivent savoir s’adapter. Or cette nécessaire adaptation se heurte aux rigidités françaises.

Enfin, il faut également regarder en face les raisons qui poussent les entreprises à ne pas croître : les seuils sociaux, la judiciarisation des relations sociales et d’affaire et l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – même si la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite loi « Dutreil » a réduit l’impact négatif de ce dernier.

Si les divergences qui nous séparent sont compréhensibles d’un point de vue démocratique, elles n’en sont pas moins lourdes. Dans ces conditions, je comprends qu’il soit impossible de présenter un rapport commun sur les raisons de la perte de compétitivité de l’économie française.

M. Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances, corapporteur. En définitive, ce travail apparaîtra original du début à la fin, de sa genèse à sa conclusion. Cette mission résulte en effet d’une décision de la Conférence des Présidents, prise à l’initiative du Président de l’Assemblée nationale, quelques jours après que Jean-François Copé, responsable de l’UMP, a jugé nécessaire de débattre à nouveau de la question du temps de travail, comme on l’avait fait en 2002, puis en 2007, et avant, probablement, de le faire à nouveau en 2012. On peut espérer qu’au bout de dix ans un tel débat parvienne à une certaine maturité.

Originale, également, était la méthode de travail, puisque deux présidents de commission ont été nommés rapporteurs. En ce qui me concerne – et vous avez eu l’élégance de l’admettre, monsieur le président –, cela représentait une vraie difficulté, dans la mesure où de nombreuses auditions ont eu lieu en même temps que des réunions de la commission des finances. L’année 2011, en effet, a été riche en projets de loi dont cette commission a dû se saisir : une loi de finances, initiale ou rectificative, tous les deux mois ou deux mois et demi, selon les calculs du rapporteur général.

Comme M. Pierre Méhaignerie, j’estime qu’en matière de compétitivité, une partie du diagnostic est partagée, et une autre l’est moins, voire pas du tout. En l’écoutant à l’instant, je pensais à une phrase du livre L’insomnie des étoiles de Marc Dugain : « celui qui ne doute jamais a peu de chances d’accéder à la vérité ». Je suis persuadé que M. Pierre Méhaignerie a douté autant que moi sur certains sujets, et je rends hommage à sa sincérité. Cela étant, cette mission s’intéressait à l’ensemble de l’industrie française, et pas seulement au bassin industriel dont il est l’élu – même si cet intérêt particulier est tout à son honneur, et s’il est pour beaucoup dans le nombre d’industries implantées dans sa circonscription.

Nous partageons donc de nombreux constats sur certains aspects liés à la compétitivité hors-coût, mais peut-être pas l’idée selon laquelle il serait trop long et trop compliqué de remédier à nos faiblesses en la matière. Des avancées ont déjà été accomplies, que je n’ai pas manqué de reconnaître : le crédit d’impôt recherche – du moins dans sa nouvelle version – ou les pôles de compétitivité – que pour ma part je n’ai jamais critiqués.

En revanche, je suis moins enclin à faire porter sur la compétitivité-coût la responsabilité du déficit de notre commerce extérieur. Si la balance du commerce extérieur est un indicateur de la compétitivité de nos entreprises, nous devons convenir qu’elle s’est considérablement dégradée depuis dix ans. Encore excédentaire – certes faiblement – en 2001 et 2002, elle est devenue déficitaire par la suite, d’abord légèrement, puis plus gravement à partir de 2005 et, surtout, de 2009 : le déficit était alors de 58 milliards d’euros, avant de reculer à 51 milliards en 2010. En 2012, on le sait, il sera d’au moins 70 milliards d’euros. Or les causes de cette évolution sont nombreuses. On peut douter que la seule compétitivité-coût soit à l’origine d’une telle dégradation, et surtout du différentiel avec l’Allemagne.

S’agissant du temps de travail, la comparaison entre les situations de la France et de l’Europe du nord est exacte. Mais notre collègue aurait également pu citer le cas du Japon, où le nombre d’heures de travail par habitant atteint 850, sans que le pays jouisse d’une économie particulièrement prospère ni que son endettement puisse être érigé en modèle, bien au contraire. Si la durée travaillée a évidemment une importance pour la performance d’un pays, elle n’est pas le critère essentiel de la compétitivité.

Nous sommes donc d’accord sur de nombreux sujets, mais faute d’être d’accord sur tout, il s’est avéré impossible de cosigner un rapport, même si nous nous sommes efforcés d’y parvenir au cours d’une réunion de travail qui a duré près de deux heures.

En juillet, une première version du rapport me convenait. Sur les quinze à vingt points soulignés par M. Pierre Méhaignerie, nous étions parvenus à un accord en modifiant une formulation ou un titre, ou bien, si cela ne risquait pas de compromettre l’intégrité du rapport, en écartant les passages problématiques mais somme toute subalternes.

Restait toutefois la question de la taxe sur la valeur ajoutée sociale, sur laquelle nous ne pouvions nous entendre. En effet, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que faire financer par cet impôt une partie des cotisations sociales dues par les entreprises serait une solution acceptable pour notre pays.

Nous avions finalement deux grands points de désaccord : le temps de travail et la TVA sociale. Nous aurions peut-être pu dépasser le premier – même si je ne crois pas que la réduction du temps de travail puisse être chargée de tous les péchés dont certains veulent l’accabler. Mais il ne pouvait en être de même du deuxième.

Pour finir, je m’inquiète de la situation actuelle de nos entreprises. Nous allons bientôt examiner un projet de loi de finances rectificative prévoyant d’instituer une surtaxe de 5 % calculée sur le montant de l’impôt sur les sociétés payé par les entreprises réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les petites et moyennes entreprises (PME) ne seront donc pas concernées, et c’est tant mieux. Mais rappelons que sur les 45 milliards d’euros de recettes de l’impôt sur les sociétés, les entreprises de la cotation assistée en continu (CAC 40) – et encore : seulement celles qui sont publiques – ne contribuent qu’à hauteur de 3,5 milliards. La somme supplémentaire qu’elles devront verser est donc de 200 000 euros, ce qui signifie que le plus gros du milliard d’euros de nouvelles recettes attendues de cette surtaxe sera versé par les entreprises de taille intermédiaire. Si, avec M. Pierre Méhaignerie, nous étions parvenus à un diagnostic partagé sur l’état de notre économie, je ne pense pas que nous aurions suggéré une telle mesure.

M. Paul Giacobbi. La théorie de la valeur est la base de l’économie théorique. Très ancienne, elle a trouvé son aboutissement il y a une vingtaine d’années avec les travaux de Gérard Debreu – d’origine française, mais naturalisé américain, si bien qu’on ne le compte pas parmi les prix Nobel d’économie dont notre pays peut se prévaloir. Si vous avez des insomnies, je vous conseille son admirable livre, La théorie de la valeur, rempli d’équations… Ces travaux sont remarquables sur le plan intellectuel, mais totalement inutiles : les déterminants des choix des agents, le fonctionnement des marchés sont si complexes qu’aucune théorie, à ce jour, n’est parvenue à une modélisation dont on puisse tirer des enseignements sur le plan pratique.

Il existe de nombreuses idées reçues sur la compétitivité. Je pourrais prendre l’exemple de la production de fournitures pour l’industrie automobile. Avec M. Éric Woerth, nous avons entendu récemment le responsable d’une entreprise américaine qui compte 2 000 employés en France et 7 000 en Inde. Comparant la compétitivité-prix pour les mêmes produits livrés dans une usine de Normandie, il parvient à la conclusion qu’il est préférable de fabriquer une pièce en France qu’en Inde. La première raison est l’importance des coûts de transports, de l’ordre de 12 %. La deuxième est que la productivité du travail en Inde est au moins trois fois inférieure à celle de notre pays, même si la main-d’œuvre coûte dix fois moins cher. Enfin, le nombre de rejet de pièce pour défaut de qualité est de une à trois par million en France, contre 100 à 300 en Inde. Sachant qu’il faut en moyenne 1 500 à 2 000 pièces pour construire un véhicule automobile, un taux médiocre de qualité entraîne nécessairement des coûts considérables.

Un autre exemple d’idée reçue concerne le taux réel d’impôt sur les sociétés en France et en Irlande. Je le redis : parler de dumping fiscal à propos de l’Irlande est une sottise. Le Conseil des prélèvements obligatoires a montré que les grandes entreprises, en France, étaient imposées à un taux effectif d’environ 8,5 %, contre 11 % en Irlande. En raison des parts respectives de recettes de la corporate tax et de l’impôt sur les sociétés, le poids de cet impôt dans le produit intérieur brut (PIB) est supérieur en Irlande – un résultat corrigé de toute analyse sur le taux moyen de profit des entreprises. Avec pratiquement aucun amortissement dégressif, un research & development tax credit qui n’est pas du tout l’équivalent de notre crédit d’impôt recherche, et des règles de localisation du résultat différentes, le pays applique en apparence un taux deux fois et demie inférieur, mais l’assiette est en réalité fondamentalement différente pour la plupart des entreprises. En France, on paye en effet 35 % d’impôt sur les sociétés, mais seulement si on ne réalise aucun investissement, si on n’effectue ni recherche ni développement, et si on est idiot ! Car il faut l’être pour payer autant.

Comme l’a rappelé le président Pierre Méhaignerie, la compétitivité hors-coût est un élément fondamental. La réputation, la fiabilité, le service après vente, le design, le réseau de distribution et les facilités de transport comptent au moins autant que le prix dans le choix d’une automobile, ce qui explique que l’on peut préférer une Mercedes à une voiture chinoise.

Malgré tout, la compétitivité globale d’un pays, et surtout son évolution, ne se mesure de manière relativement objective que si l’on se place en dehors des variations des cours des devises, ce qui est le cas entre la France et l’Allemagne. Dans le cas contraire, cette variation est telle qu’elle dépasse tous les écarts de compétitivité possibles. On le voit dans les pays émergents.

Pour l’apprécier, il existe deux critères fondamentaux : l’évolution moyenne des marges des entreprises à secteur identique, et surtout celle des résultats du commerce extérieur. Je vous laisse donc en tirer toutes les conclusions pour ce qui concerne les compétitivités allemande et française : la deuxième tend à l’évidence à se détériorer.

M. Marc Dolez. Comme Jean-Claude Sandrier vous l’a déjà indiqué par écrit, monsieur le président, notre groupe regrette vivement qu’après plusieurs mois de travail et l’audition de plusieurs dizaines de personnalités, cette mission d’information ne donne finalement pas lieu, comme c’est l’habitude, à la rédaction d’un rapport.

Dans la mesure où il n’est pas possible de présenter de contribution écrite, je souhaite présenter les conclusions que notre groupe tire de cette série de travaux.

La mission d’évaluation s’était donné pour objectif d’analyser l’évolution de la compétitivité de notre économie au regard de la situation de nos principaux partenaires et concurrents.

Mais selon nous, elle visait indirectement à mettre en avant le « modèle » allemand de compétitivité et à souligner que la perte de compétitivité de la France vis-à-vis de son principal partenaire et concurrent tenait à la fois au poids excessif des prélèvements fiscaux et sociaux acquittés par nos entreprises et à l’inadaptation du mode de financement actuel de notre système de protection sociale.

Les auditions organisées dans le cadre de la mission ont mis à mal ces présupposés et apporté un éclairage saisissant sur les limites du « modèle » allemand, le peu de pertinence de la question des coûts salariaux et l’importance cruciale que revêt le développement industriel pour la croissance de notre économie. Cela nous conduit à souligner l’urgence d’une réorientation des politiques industrielles à l’échelle de l’Union européenne.

Le prétendu modèle allemand est parvenu à une impasse. Afin d’accompagner l’entrée de leur pays dans l’Union monétaire avec une monnaie surévaluée, les gouvernements allemands successifs se sont fixés pour tâche, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, de soutenir les grandes entreprises du secteur exportateur dans leur stratégie de restauration de la compétitivité.

Les politiques conduites, en particulier par le gouvernement dirigé par M. Gerhard Schröder dans le cadre de l’« Agenda 2010 », ont ainsi mis l’accent sur la compression des coûts salariaux, la déréglementation du marché du travail et la réduction drastique des dépenses publiques, dont la part dans le PIB a baissé de 10 % entre 1996 et 2007.

Par l’effet combiné d’une faible inflation et du transfert d’une partie des coûts fiscaux des entreprises vers les ménages, avec l’instauration en 2007 d’une TVA sociale, l’Allemagne a acquis en quelques années un énorme avantage compétitif sur l’ensemble des pays de la zone euro. Celui-ci s’est traduit par une explosion des excédents commerciaux. La part des exportations dans le PIB allemand est ainsi passée d’environ 25 % en 1996 à 47,5 % en 2008.

L’Allemagne n’en éprouve pas moins aujourd’hui de graves difficultés. Certaines tiennent à des facteurs historiques ou culturels, comme l’effondrement démographique, mais d’autres nous renseignent utilement sur les impasses où conduisent les politiques économiques fondées exclusivement sur l’offre.

Il importe de rappeler que les « succès » affichés à l’exportation se paient en premier lieu d’une atonie durable de la croissance et de reculs sociaux majeurs : l’Allemagne est le pays qui a créé le moins d’emploi depuis vingt ans. Il est aussi celui où la hausse des inégalités de revenus a été la plus élevée d’Europe ces dernières années, si l’on excepte la Bulgarie et la Roumanie : le ratio entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres y a en effet augmenté de 33 % entre 1998 et 2008, contre 2 % en France. C’est également le pays où le salaire moyen hors inflation a stagné, où la part des salaires dans la valeur ajoutée a baissé, où le pourcentage de chômeurs indemnisés a le plus fortement chuté – il est passé de 80 % à 35 % –, tout comme la part des investissements dans le produit intérieur brut ; un pays où le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté atteint 17 %, contre 13,5 % en France.

Certes le taux de chômage a baissé en Allemagne, passant de 10 % en 2005 à 7,3 % en 2008, mais cette baisse est avant tout la conséquence de l’augmentation du travail à temps partiel, le plus souvent contraint. Outre-Rhin, un emploi sur trois n’est désormais ni à temps plein ni à durée indéterminée ; et un emploi sur dix est un « job » à moins de 400 euros par mois. Le pourcentage des emplois à bas salaires a augmenté de 6 points et 2,5 millions de personne travaillent, en l’absence de salaire minimum de croissance (SMIC), pour moins de 5 euros de l’heure.

Si l’économie allemande a su en apparence profiter de la reprise du commerce mondial en 2009, et affichait, en 2010, une croissance en rebond de 3,5 %, ses perspectives ne sont guère plus prometteuses et encourageantes que lors des dix dernières années, pendant lesquelles le taux de croissance n’a progressé en moyenne annuelle que de 1,1 %.

En faisant entièrement reposer sa politique économique sur la balance extérieure au détriment de la demande intérieure, l’Allemagne est aujourd’hui dans une impasse. Elle est devenue étroitement dépendante de ses excédents commerciaux et de la demande intérieure de ses voisins européens, avec lesquels elle réalise 75 % de son excédent.

De fait, comme le soulignait l’économiste Jacques Sapir, « si tous les pays de la zone euro avaient une politique similaire, l’excédent commercial allemand serait bien moins fort mais – surtout – nous aurions une crise majeure dans la zone euro en raison de l’addition des politiques récessives sur la demande intérieure. ».

Nous mesurons ici le risque pour la France et pour l’ensemble des pays de l’Union européenne à prendre exemple sur l’Allemagne et à puiser dans son répertoire de recettes néolibérales : entraîner l’Europe entière dans une spirale de récession. C’est pourtant la voie suivie par le « pacte pour l’euro plus » signé en mars dernier, une voie qui encourage les stratégies non-coopératives et la fuite en avant dans la concurrence fiscale et sociale.

De son côté, la France connaît une crise du développement et de l’emploi industriels. Après avoir culminé en 1974 à plus de 5,3 millions d’emplois, notre industrie a perdu, depuis, plus de 40 % de ses effectifs, pour passer en 2008 sous la barre des 3 millions de salariés. La dégradation s’est accélérée dans la dernière décennie : entre 2000 et 2008, l’industrie a perdu 500 000 emplois, et 269 000 emplois supplémentaires, soit près de 8 % des effectifs, ont été détruits avec la crise, entre le début de l’année 2008 et la fin de l’année 2009.

Si le phénomène touche l’ensemble des pays de l’Union, notre pays a été plus gravement affecté que d’autres. En dix ans, la part de l’emploi industriel dans l’emploi général a reculé de 14,3 % au sein de l’Union européenne, et de 19,3 % en France, contre 14,2 % en Allemagne et 11,8 % en Italie. Notre pays est désormais, avec l’Espagne et la Grèce, un des pays les plus désindustrialisés de la zone euro. Le constat est d’autant plus alarmant que l’industrie reste au cœur de notre développement économique en raison de l’évidente asymétrie de taille entre ce secteur et celui des services.

Parmi les facteurs structurels du déclin de l’industrie française figure en premier lieu le faible nombre des entreprises exportatrices – 90 000, alors que l’Allemagne en compte 250 000 – et la petite taille de nos PME, qui pèse sur leur capacité à investir dans la recherche et le développement, sur leur capacité à exporter et sur leur capacité d’autofinancement : cette dernière n’est que de 60 %, soit le taux le plus bas d’Europe après le Portugal. L’autre facteur principal est assurément la trop forte concentration de l’appareil industriel français, qui repose sur un cœur productif très dense, au détriment du reste du tissu industriel.

Outre le manque de petites et moyennes entreprises industrielles, indépendantes et diversifiées, l’un des facteurs économiques du déclin de l’industrie hexagonale est l’essoufflement de la compétitivité de notre appareil productif, qui a notamment eu pour conséquence la dégradation spectaculaire de la balance commerciale : alors que le solde des échanges commerciaux de produits industriels était encore positif en 2002, à hauteur de 20 milliards d’euros, il est devenu négatif pour la première fois en 2007, pour avoisiner les 51 milliards d’euros de déficit en 2010. Principales responsables, les importations croissantes de biens de consommation et de biens intermédiaires en provenance des pays émergents, avec lesquels il est difficile de rivaliser en termes de prix, mais aussi les stratégies des multinationales françaises, qui entretiennent un lien de plus en plus lâche avec leur territoire d’origine et n’hésitent pas à délocaliser leur production ou à faire leurs achats à l’étranger.

La sauvegarde de l’industrie et la préservation de l’emploi industriel exigent, pensons-nous, de rompre avec la logique de fuite en avant préconisée par le patronat, qui ne jure que par la baisse des charges et qui, après avoir obtenu récemment la suppression de la taxe professionnelle, cherche désormais, comme nous l’avons vu avec la réforme des retraites, à réduire toujours davantage le financement des régimes sociaux. C’est dans cette perspective que Gouvernement et majorité envisagent à présent la mise en œuvre d’une TVA sociale, laquelle aurait à leurs yeux pour principal avantage de transférer vers les ménages une partie des charges qui pèsent sur les entreprises, fût-ce, comme en Allemagne, au détriment du pouvoir d’achat des classes moyennes et des moins favorisés.

À rebours de ces orientations, nous considérons que la première des priorités doit consister à conforter les atouts de notre pays : son modèle social, la qualité des services publics, la qualité de ses infrastructures, son tissu de petites et moyennes entreprises, le niveau de qualification de ses salariés – et donc la qualité du système d’enseignement et de formation –, la qualité et l’indépendance de la recherche publique… Ce sont là des facteurs majeurs de l’attractivité de la France et des atouts fondamentaux pour sa prospérité économique. Bien qu’elle ne saurait à elle seule tenir lieu de stratégie industrielle, la création de nouvelles activités dans les secteurs qualifiés d’« avenir », comme l’environnement, représente une seconde piste.

L’urgence est surtout de développer de nouveaux outils d’intervention, telle la création de fonds publics régionaux et d’un pôle financier public national prenant en charge tout ou partie des intérêts des crédits contractés par les entreprises pour financer leurs investissements, à proportion de leur efficacité sociale. Un pôle financier serait constitué autour de la Caisse des dépôts et consignations, avec les caisses d’épargne, les réseaux mutualistes, Oséo et la Banque postale. Nous jugeons également indispensable une remise à plat de la fiscalité des entreprises, de façon à décourager la spéculation par des dispositifs de modulation de l’imposition des entreprises et des cotisations patronales en fonction de l’orientation des bénéfices réalisés, selon que l’entreprise privilégie le versement de dividendes ou bien l’emploi stable, les salaires, l’investissement et la formation.

Autres objectifs prioritaires : séparer, au sein des banques, les activités de dépôt et les activités d’affaires, de façon à replacer les établissements de crédit dans leur cœur de métier – le financement de l’économie – et à les mettre à l’abri des turbulences et des caprices des marchés financiers ; rétablir les moyens de contrôle de l’utilisation des fonds publics ; définir des instruments permettant de s’assurer que la prise de participation de l’État au capital de grandes entreprises industrielles s’accompagne de la transmission de réels pouvoirs décisionnaires.

M. Christian Blanc. Je pensais aussi – mais la période n’était peut-être pas favorable – qu’au terme de cette série d’auditions, nous aurions pu parvenir à un premier état de consensus sur la compétitivité.

Nous avons souvent orienté nos réflexions en prenant l’Allemagne comme élément de comparaison. On peut le comprendre, dès lors que l’addition du PIB de la France et de celui de l’Allemagne équivaut à peu près à la moitié du produit intérieur brut de la zone euro. Tout élément de convergence peut donc produire des effets importants.

Je me sens aujourd’hui pleinement libre de l’affirmer : nous assistons aujourd’hui à un basculement historique. Alors que pendant des siècles, l’économie mondiale s’est concentrée sur les bords de la Méditerranée, puis sur les deux rives de l’Atlantique, elle tend aujourd’hui à s’identifier aux deux rives du Pacifique. Sous nos yeux, le monde bascule vers l’Asie, et ce mouvement a des conséquences majeures sur nos modes de production et nos modes de vie. Nous en sommes encore qu’aux premiers temps de cette situation nouvelle. Il s’agit d’une évolution d’ordre à la fois structurelle et mondiale, qui ne s’arrêtera donc pas au lendemain de l’élection présidentielle.

Des formes de régulation nouvelles sont nécessaires pour accompagner l’essor des nouvelles économies. Lors de sa venue devant l’Assemblée nationale, le président de la République chinoise a dit sans ambages que son pays serait la première puissance mondiale avant le milieu de ce siècle. De tels changements ne doivent pas avoir pour conséquence le suicide de nos économies et de nos modes de vie. C’est un problème historique majeur.

Cette phase d’adaptation va prendre de nombreuses années : deux, cinq, voire dix ans. Dès lors, nous devons parvenir à une convergence d’analyse suffisante si nous voulons pouvoir mettre en place une stratégie. L’absence de stratégie est en effet depuis longtemps – depuis l’après-guerre – ce qui caractérise notre pays.

J’entends dire à juste titre depuis une dizaine d’années que la France vit au-dessus de ses moyens. Pourtant, personne n’y a vraiment attaché d’importance. Le coût de fonctionnement de l’État est pourtant un sujet de préoccupation pour beaucoup, et en particulier pour vous, monsieur le président de la Commission des finances. À l’époque du général de Gaulle, notre pays comptait entre 2 et 2,5 millions de fonctionnaires, et notre administration était vue comme la plus efficace au monde. Aujourd’hui, les effectifs ont doublé, et je n’entends plus exprimer un tel jugement.

S’agissant de la croissance, on érige en modèle la croissance par la consommation, en prenant l’exemple des États-Unis, sans se rendre compte qu’il manque le facteur d’ajustement considérable pour une économie que représente l’émission d’une monnaie d’usage mondial.

De même, personne n’a jamais contredit cette partie du rapport Pébereau qui affirme que la protection sociale, en France, est financée depuis vingt-cinq ans par la dette. Un tel constat mérite pourtant que l’on s’y arrête mais, pour des raisons politiques évidentes, on ne s’est pas demandé si une telle politique pouvait durer. Or nous sommes parvenus à un moment où toutes ces questions doivent se poser faute de voir la situation s’aggraver considérablement d’ici peu de temps.

Comme M. Paul Giacobbi, j’estime que le problème n’est pas tant celui des coûts de production que celui de l’organisation des nouveaux modes de production. Plusieurs personnes auditionnées l’ont souligné, nous sommes confrontés à la nécessité structurelle de passer à d’autres niveaux de gamme. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait – sans trop en parler – les Allemands, mais aussi les Néerlandais, les Suédois et, plus largement, les pays du nord. L’objectif est de donner la priorité aux niveaux de gamme, c’est-à-dire de rendre possible la création d’une valeur susceptible de rendre l’achat d’un produit acceptable par le marché mondial.

Cela nous renvoie à la question de l’organisation, et en particulier de l’organisation par la territorialisation. Ce qui a motivé pour une – petite – part la création des pôles de compétitivité, c’est la volonté de parvenir à une fertilisation d’un territoire par un mode de production. Du point de vue de la production économique, l’Allemagne se résume à deux ou trois grandes régions, dont la Bavière et le Bade-Wurtemberg. Or l’organisation de ces Länder laisse apparaître une fertilisation mutuelle de la recherche, de l’innovation, de la culture, de la formation et de la production au sein d’un lieu donné, grâce à des gens qui se connaissent, qui travaillent ensemble et ont des objectifs communs. Dans ces régions, on n’est pas confronté à l’équivalent de la bureaucratie parisienne, ni à des « je-sais-tout » venus expliquer comment les choses doivent être organisées sur place.

En partant de notre identité, du label France, en exploitant les potentiels que nous avons dans tous les domaines, en développant des synergies, en faisant confiance aux hommes et en les accompagnant le mieux, nous pouvons obtenir des résultats considérables en termes de montée en gamme.

Par exemple, nous venons d’apprendre que la France a retrouvé sa position, un temps perdue au profit de l’Italie, de premier producteur mondial de vin. Interrogé sur ce sujet à la radio, le président d’un syndicat de viticulteurs lançait cet avertissement : nous ne pourrons conserver une position forte dans ce secteur qu’en maintenant une qualité supérieure à celle des vins chiliens ou sud-africains, car l’écart des coûts de production est tel que nous ne pouvons lutter en termes de prix. Comme dans tous les autres domaines, la question de la qualité est essentielle. Elle vient du savoir-faire des viticulteurs, bien sûr, mais aussi de l’innovation. Élever un vin en fût de chêne ne s’improvise pas, c’est le fruit de la recherche. De même, dans tous les secteurs économiques, nous devons développer nos capacités de recherche et d’innovation.

M. Hervé Novelli. Finalement, nous sommes parvenus à un consensus sur l’absence de consensus. Les deux rapporteurs ne pouvaient se mettre d’accord : ils en ont donc pris acte, et ont pointé leurs points de désaccord. Je salue à cet égard le sens de la mesure dont fait preuve – en ces lieux – le président de la Commission des finances. En affirmant que l’on ne peut pas faire des 35 heures la cause unique du défaut de compétitivité dont souffre notre économie, il admet implicitement que cette mesure ne lui apparaît pas aussi positive qu’elle l’est pour d’autres personnes de son parti.

Personne ne peut nier qu’à partir des années 2000, les économies allemande et française ont commencé à diverger : c’est ce que montrent les chiffres. Mais la question est de savoir pourquoi elles l’ont fait. Cela résulte, dans les deux pays, d’un changement dans le dispositif législatif : la réduction du temps de travail en France, et les réformes structurelles de l’économie réalisées en Allemagne. Il est difficile d’évaluer la part de chacun de ces facteurs dans le déficit de compétitivité que nous connaissons depuis cette époque, et qui se traduit par la hausse, en quelques années, du coût du travail en France au niveau de celui de l’Allemagne. Mais les deux ont joué. Cela étant, je partage le sentiment de plusieurs de mes collègues : la durée du travail n’est pas le seul élément à prendre en compte pour juger de la compétitivité de notre économie.

Par ailleurs, nous avons vu au cours des auditions un certain consensus se dessiner sur une autre question, celle du financement de la protection sociale. En particulier, nombre de nos interlocuteurs, y compris des représentants syndicaux, ont jugé qu’il pesait trop lourdement – de l’ordre de 70 % à 75 % – sur le travail. Il n’est par exemple ni naturel ni logique que la branche Famille soit financée par des charges assises sur le travail, et il est dès lors légitime d’explorer d’autres voies. Je regrette donc que nous n’ayons pas été plus loin dans la recherche d’une autre source de financement pour la protection sociale, comme nous y incitait la teneur générale des auditions.

Des pistes auraient donc dû être suivies ; elles n’ont pas pu l’être en raison de l’absence de consensus, qui se nourrit aussi, reconnaissons-le, de la proximité d’échéances électorales. Mais j’étais le rapporteur de la mission d’information sur la réduction du temps de travail et ses conséquences, qui a rendu ses conclusions en 2004, et je constate que les auditions auxquelles nous avons procédé cette année n’ont fait que confirmer mes conclusions d’alors.

M. Alain Vidalies. Je m’interroge : si cette mission a existé, pourquoi ses conclusions n’ont-elles pas été mises en œuvre ?

M. Hervé Novelli. Certaines l’ont été.

M. Alain Vidalies. S’agissant des travaux qui nous occupent aujourd’hui, l’absence d’accord final était prévisible, dès lors qu’un des deux rapporteurs avait depuis longtemps, et avec constance, exprimé sa certitude que tous les malheurs de la France provenaient essentiellement du poids des charges sociales, des effets du mode de financement de la protection sociale sur la compétitivité de nos entreprises et des 35 heures.

Or la réduction du temps de travail ne s’appliquait à l’origine qu’aux entreprises de vingt salariés et plus. Son application aux plus petites entreprises était prévue, mais avait dû être reportée. C’est la droite, reconduite au pouvoir en 2007, qui a décidé de généraliser les 35 heures dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), en faisant de la trente-sixième heure le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. C’était même une des premières dispositions adoptées au cours de la législature.

Je constate donc une certaine incohérence dans le discours public. À ceux qui nous reprochent sans cesse d’avoir institué les 35 heures, je demande non seulement pourquoi ils ne les ont pas supprimées dès qu’ils en ont eu l’occasion, mais surtout pourquoi ils les ont généralisées. Je me pose la question depuis quatre ans.

S’agissant de la compétitivité, le Conseil économique, social et environnemental s’est également emparé du sujet, mais contrairement à nous, il est parvenu à un large consensus : seules deux personnalités qualifiées se sont abstenues lors de l’adoption du rapport, auquel sont jointes des contributions très intéressantes.

Ce rapport aborde également la question de la comparaison avec le modèle allemand : « Le choix a été fait de conforter la compétitivité de l’industrie allemande, notamment en limitant les hausses salariales. La part des exportations s’est accrue dans le PIB tandis que la consommation intérieure baissait ou, au mieux, stagnait. » Les Allemands ont donc décidé, à un moment donné, de pratiquer la déflation salariale. Ils sont ainsi parvenus à réduire à leur profit l’écart de coût du travail entre la France et l’Allemagne.

Le rapport du conseil se poursuit ainsi : « Les salaires allemands partant d’un niveau significativement plus élevé, les coûts sont désormais du même ordre de grandeur. Eurostat estime ainsi que, pour l’année 2008, le coût dans l’industrie, la construction et les services (…) était désormais plus faible en Allemagne (28,91 euros) qu’en France (31,53). Pour la seule industrie manufacturière, en revanche, le coût demeurait légèrement plus élevé en Allemagne (33,37 euros contre 33,16 en France).

« Pour être complète, la comparaison nécessite également de tenir compte de la productivité, c’est-à-dire de la production fournie par chaque salarié à quantité de travail identique. Or, en 2010, selon Eurostat, la productivité de la main-d'œuvre par personne occupée demeurait sensiblement plus élevée en France (indice 120,1 pour une moyenne européenne à 100) qu’en Allemagne (105,2). »

De telles données relativisent l’idée selon laquelle tous nos malheurs trouvent leur origine dans les 35 heures et dans l’écart de compétitivité par rapport à l’Allemagne.

Il est vrai qu’en matière de temps de travail, tous les indicateurs sont discutables. Ainsi, le nombre d’heures de travail par habitant n’est pas un indicateur de la productivité, mais de l’activité économique. Ce qui est important, c’est la productivité et le nombre d’heures travaillées par salarié. Or selon le dernier numéro de la revue de l’Union des industries et métiers de la métallurgie, la durée annuelle effective du travail par salarié est de 1 554 heures au Japon, de 1 620 heures au Royaume-Uni, de 1 469 heures en France et de seulement 1 340 heures en Allemagne.

Il est également intéressant de consulter le bilan conjoncturel publié par la même revue : « Dans les pays de la zone euro, la progression des coûts horaire de la main-d’œuvre, qui était revenue à 1,2 % sur un an à l’été 2006, s’est accélérée depuis lors, atteignant 3,6 % au deuxième trimestre 2011. Ce mouvement est attribuable à la forte montée des coûts allemands : + 4,8 %, après 2,7 % au premier trimestre, un rythme jamais observé depuis au moins 1997. » Ainsi, l’opération effectuée par l’Allemagne a eu certes un effet ponctuel, mais les choses tendent à revenir à leur équilibre initial. Telle est l’évolution que nous observons aujourd’hui – la note de conjoncture date d’octobre 2011 –, et qui devrait nous donner à réfléchir.

Il me semble donc que cette mission d’information aurait pu explorer d’autres pistes, sans parler des problèmes que l’on a écartés parce que les solutions sont sans doute trop complexes : comment réfléchir à la compétitivité sans s’interroger sur la mondialisation ou sur la politique monétaire ? Notre monde actuel est organisé d’une drôle de façon, avec un pays, la Chine, qui pratique le capitalisme d’État et une politique monétaire ne respectant pas les règles du jeu, sans pour autant que l’Organisation mondiale du commerce ne réagisse. Nous sommes engagés dans une compétition dans laquelle chacun fixe ses propres règles ! Les normes minimales internationales, comme celles de l’Organisation internationale du travail ou du Protocole de Kyoto, ne sont même pas intégrées à celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), alors qu’elles sont pourtant bien peu contraignantes par rapport à nos propres normes. M. Christian Blanc parlait de régulation ; voilà une première réponse à apporter en ce domaine, notamment au niveau européen. Car si le chacun pour soi continue à régner, continuer à batailler ne nous permettra pas d’échapper à nos difficultés. Il en est de même au sujet de la spéculation. Le décalage entre l’économie réelle et l’économie financière est, à l’heure où les ordinateurs spéculent tout seuls, considérable. Pouvons-nous longtemps continuer ainsi ? Toutes ces questions auraient mérité de figurer dans le débat.

M. Christian Blanc a dit que nous financions notre protection sociale par l’emprunt. C’est vrai, mais n’oubliez pas qu’en novembre 2010, la majorité de l’Assemblée nationale a adopté une loi organique faisant peser 130 milliards de dette sociale sur les générations futures, en prévoyant un remboursement entre 2018 et 2022. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois, puisque la même majorité avait adopté une loi similaire en 2005 avant d’être obligée de la défaire. Il est en effet inacceptable de faire payer aux Français de demain nos dépenses de santé actuelles, et à cet égard, la décision prise il y a moins d’un an est particulièrement scandaleuse.

J’en terminerai avec une autre certitude exprimée par M. Pierre Méhaignerie, et qui concerne les relations sociales, un domaine que je connais mieux que celui de l’économie : nos entreprises seraient paralysées par les rigidités sociales. En Allemagne, un comité d’entreprise est créé à partir de cinq salariés ; et quand l’entreprise dépasse les 2 000 salariés, un conseil de surveillance paritaire est élu, qui permet d’associer ces derniers à la stratégie de l’entreprise. C’est un exemple auquel nous ferions bien de réfléchir.

De nombreuses pistes restent donc à explorer. La territorialisation du développement, évoquée par M. Christian Blanc, en est une, même si les pôles de compétitivité constituent un début de réponse. En figeant le débat sur la question du coût du travail – un enjeu dont le rapport du Conseil économique, social et environnemental montre la faible pertinence –, nous n’avons pas été au rendez-vous fixé lors de la création de cette mission. Le débat sera donc tranché lors des échéances politiques à venir.

M. Jean Grellier. Lors de notre dernière réunion, le 22 juin, nous avions déjà commencé à réfléchir aux conclusions de nos travaux : je vous renvoie à ma déclaration d’alors, à laquelle je ne changerais pas une ligne. Je pressentais déjà, compte tenu de l’ampleur des divergences, que le débat devait être tranché dans l’espace politique.

Parler de compétitivité suppose d’évoquer également la notion de productivité, un élément fondamental dans l’application des 35 heures par les entreprises.

De toute façon, les propos tenus par M. Xavier Bertrand lors de son audition – « les 35 heures n’existent plus dans notre pays » – devraient nous mettre tous d’accord. Aujourd’hui, la préoccupation majeure est le dialogue social et la façon dont les salariés sont considérés dans l’entreprise.

Je vous appelle à consulter le rapport publié par le Conseil économique, social et environnemental sur le même sujet, qui est d’un très bon niveau. Non seulement il dresse le même constat que cette mission, mais il propose un certain nombre de pistes intéressantes. M. Pierre Méhaignerie insistait sur la difficulté à agir sur la compétitivité hors-coût : c’est bien pour cette raison que les responsables politiques doivent adopter une vision à plus long terme. Il faut rétablir l’État stratège : c’est une conclusion essentielle du rapport du Conseil économique, social et environnemental. Cela nécessite sans doute de faire preuve de courage politique, mais il n’existe pas d’autres solutions, car les réformes structurelles n’ont que trop duré.

Cette exigence nous est rappelée sans cesse : lors de son audition devant la Commission des affaires économiques, le ministre du commerce extérieur s’est présenté comme le VRP de la France, tout en admettant qu’il manquait de produits à proposer. Cela nous renvoie au problème du niveau de gamme de notre production. De même, nous avons auditionné le Médiateur de la sous-traitance, M. Jean-Claude Volot, qui a insisté sur les difficultés chroniques marquant les relations entre grands donneurs d’ordre et sous-traitants. Si ces derniers devenaient des « co-traitants », comme c’est le cas dans plusieurs filières industrielles en Allemagne, cela pourrait contribuer à résoudre certains de nos problèmes structurels.

M. Olivier Carré. Parmi les points importants abordés au cours de ces auditions, on peut citer les éléments relatifs à la taille, à la marge, à l’autofinancement des entreprises – à leur muscle, en quelque sorte –, des éléments qui nous renvoient moins au débat sur la durée du temps de travail qu’à celui de la fiscalité et de son harmonisation. En ce qui concerne en particulier l’impôt sur les sociétés, évoqué par M. Paul Giacobbi, – même si sa comparaison entre les systèmes français et irlandais me paraît un peu sommaire –, tout dépend du résultat et du point à partir duquel on considère que l’assiette doit converger dans la construction de la valeur ajoutée.

J’ai particulièrement apprécié la partie de nos travaux relative à la compétitivité hors coût – une notion difficile à appréhender quand on n’est pas directement confronté au monde de l’entreprise, et difficile à maîtriser pour les responsables politiques, même si ces derniers peuvent agir par l’intermédiaire de l’organisation territoriale, par exemple.

En ce qui concerne les 35 heures, nous ne devons pas oublier qu’une entreprise sous contrainte n’a d’autre choix que de s’adapter. Dès lors, le niveau élevé de productivité de notre pays, reconnu par dans le monde entier, peut aussi être analysé en creux : ne subsistent que les entreprises les plus productives. Quand on considère la quantité d’entreprises de taille moyenne qui ont disparu, ou l’émiettement du tissu industriel, notamment pendant les périodes où notre commerce extérieur est en déficit, on comprend qu’il faut un niveau de productivité très élevé pour conserver, en France, une marge minimale suffisante pour survivre.

Dans ces conditions, les politiques publiques que nous mettons en œuvre ne doivent pas avoir pour effet de tuer la poule aux œufs d’or. L’entreprise est le lieu de création de la richesse. Si nous voulons pouvoir continuer à financer nos politiques, il faut bien faire en sorte que le PIB marchand puisse se développer. Or la France inflige de sérieux handicaps au développement de la valeur ajoutée, dont les rigidités sur le temps de travail sont un élément.

À ce sujet, nous ne devons pas oublier qu’en Allemagne, le taux d’emploi partiel est beaucoup plus important qu’en France. Cela modifie complètement la lecture des statistiques citées par M. Alain Vidalies. Un salarié à temps plein allemand, lui, travaille plus qu’un Français – il est vrai dans des conditions peu enviables, comme l’ont rappelé les syndicats. J’ai d’ailleurs cru comprendre que Mme Angela Merkel avait décidé d’engager avec ses différents partenaires des discussions sur la question du salaire minimum : c’est sans doute une bonne nouvelle pour la France.

Ce sera ma conclusion : les problèmes de compétitivité rencontrés à l’échelle européenne trouveront une issue quand les différentes politiques économiques seront coopératives. Il y a vingt ou vingt-cinq ans, quand la monnaie unique a été imaginée, on pouvait peut-être compter sur la « main invisible » de l’euro mais, depuis, on s’est aperçu qu’une série de rigidités, d’habitudes, de consensus ou au contraire de divergences politiques s’opposait à l’harmonisation des politiques économiques entre les pays européens. C’est dans ce contexte que la France a été victime d’une forte détérioration de sa compétitivité.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Je crois que la France s’est endormie en 1989. Lors de la chute du mur de Berlin, tous les grands responsables politiques se sont réjouis à l’idée que notre principal concurrent, l’Allemagne, mettrait au moins vingt ans à se remettre de la réunification. Mais elle s’en est remise, et pendant la même période, elle a réalisé des réformes structurelles importantes.

Par ailleurs, le respect du chef d’entreprise ne fait pas partie de la culture française. L’administration – notamment fiscale – a une faible considération à son égard, et nous-mêmes, en tant que législateur, avons tendance à légiférer en ne prenant en compte que les 2 % ou 3 % qui trichent, au risque de paralyser les 97 % restant. En concentrant notre action contre les tricheurs et en laissant les autres tranquilles, nous pourrions contribuer à un réel gain de compétitivité.

Enfin, il faudrait que l’administration s’oblige à répondre dans des délais beaucoup plus courts : le temps, c’est de l’argent, et c’est donc aussi un facteur de compétitivité.

M. Pierre Méhaignerie, rapporteur. M. Alain Vidalies a raison de souligner l’excellente productivité horaire manufacturière des salariés français, mais ce résultat a été obtenu au détriment de leurs conditions de travail – deux-huit, trois-huit, flexibilité à l’intérieur de l’enveloppe de 1 606 heures –, au point qu’un rapport de la médecine du travail lie le développement des troubles musculo-squelettiques (TMS) à la mise en place des 35 heures. En outre, si les ouvriers ont payé cher les 35 heures en termes de productivité, ce n’est pas le cas des salariés des autres secteurs.

Par ailleurs, le nombre d’heures travaillées par habitant est un élément important pour tenir compte de la population la plus jeune, encore en âge d’effectuer sa scolarité, et de la plus âgée, celle des retraités. C’est d’ailleurs l’indicateur utilisé par les organisations professionnelles et syndicales.

S’agissant des rigidités, tous les chefs d’entreprise que nous avons reçus ont jugé qu’elles constituaient un obstacle à leur développement en France. Je citerai en particulier les nombreuses contraintes que leur imposent le code du travail et la judiciarisation, les difficultés d’application des plans de sauvegarde de l’emploi, et le mille-feuille social à l’origine de procédures extrêmement complexes. Dans le classement de notre pays fait par l’Agence des investissements internationaux, cette difficulté d’adaptation des entreprises fait partie des principaux éléments défavorables. Le président de Nestlé dit qu’il met tellement de temps pour fermer, en France, une entreprise qui ne correspond pas aux besoins des consommateurs qu’il n’en a plus pour en ouvrir de nouvelles.

La territorialisation évoquée par M. Christian Blanc est également un élément fondamental du succès. Pourquoi, dans certaines régions françaises, l’industrie s’est-elle beaucoup mieux développée qu’ailleurs ? Les gouvernances locales méritent d’être étudiées.

Enfin, s’il fallait citer un seul facteur parmi les plus importants, je dirais que la France, et son système éducatif, n’aime pas l’industrie. Compte tenu de la gravité de la situation, faire aimer l’industrie est la première chose à faire si nous voulons rétablir une dynamique positive.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur. Un accord se dessine sur les problèmes de compétitivité hors coût, qu’il s’agisse de la question du niveau de gamme de nos produits, de l’insuffisance de la spécialisation, ou des faiblesses de nos organisations à l’export, même si je ne veux pas méconnaître les efforts accomplis aujourd’hui dans ce domaine.

En revanche, le désaccord reste total sur l’opportunité de faire basculer les cotisations patronales sur la taxe sur la valeur ajoutée, en instituant ce que d’aucuns appellent la « TVA sociale ». Les Français trancheront.

Enfin, il existe soit un désaccord, soit un malentendu sur le lien de causalité entre la réduction du temps de travail et l’état actuel de la compétitivité française. À tout le moins, si ce lien existe, la responsabilité devrait être partagée, puisque si certains ont instauré les 35 heures, d’autres les ont généralisées et gravées dans le marbre du code du travail : cela, tout le monde peut l’admettre. Comme l’a dit M. Hervé Novelli, nous pouvons être d’accord pour définir ce qui nous rapproche et ce qui, au contraire, nous divise.

M. le président Bernard Accoyer. Je remercie les membres de cette mission et ses rapporteurs.

Je regrette à nouveau que, face à une évidence – la perte de compétitivité très rapide et très grave que connaît notre économie –, nous n’ayons pas pu trouver un accord sur le diagnostic. Toutefois, le débat qui est en train de s’ouvrir dans le pays pourra se nourrir de nos travaux.

Par ailleurs, il convient d’atténuer la séparation entre compétitivité-coût et compétitivité hors-coût, car les deux s’additionnent. La compétitivité est liée à l’évolution du tissu industriel, mais aussi à celle de la nature, du coût et de la qualité des biens que nous produisons : soit l’innovation et le marketing sont insuffisants, soit le coût est trop élevé, mais tout cela se tient. Le dénominateur commun, c’est que notre système productif est soumis à des charges trop importantes : charges administratives, charges sociales et charges fiscales. En vous écoutant, j’ai cru déceler une certaine convergence sur ce sujet.

Ce qui est en jeu, dans tout cela, c’est la dépense commune de tous les Français, personnes physiques ou personnes morales, et donc, la dépense publique. Or personne ne peut nier l’importance du budget de la nation consacré chaque année – 12 milliards d’euros – au financement des exonérations de charges liées aux 35 heures, le surcoût occasionné par la réduction du temps de travail dans les différentes fonctions publiques – une dizaine de milliards d’euros –, la situation la plus caricaturale étant celle de la fonction publique hospitalière. Ce sont des éléments factuels ; pour le reste, les divergences sont normales, puisqu’elles touchent à nos convictions politiques. Je souhaite simplement que nos échanges permettent de préparer, à l’approche des échéances électorales de 2012, un débat fructueux pour notre pays et pour son avenir.

À cette fin, je pense que personne ne verra d’inconvénient à la publication de l’ensemble des comptes rendus de nos travaux. Il en est donc ainsi décidé.

La séance est levée à dix-huit heures dix.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 novembre 2011 à 16 h 30

Présents. – M. Bernard Accoyer, M. Christian Blanc, M. Jérôme Cahuzac, M. Olivier Carré, M. Gérard Cherpion, M. Nicolas Forissier, M. Bernard Gérard, M. Paul Giacobbi, M. Jean-Pierre Gorges, M. Marc Goua, M. Jean Grellier, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, M. Hervé Novelli, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jacques Valax, M. Alain Vidalies, M. Éric Woerth

Excusés. – M. Jean-Claude Sandrier, M. Jean-Marie Sermier

Assistait également à la réunion. – M. Marc Dolez