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Mission d’information relative à l’analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière,

Mardi 21 juin 2011

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 2

Présidence de Mme Françoise Hostalier, Vice-présidente, puis de M. Armand Jung, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Anne Guillaume, directrice du laboratoire d’accidentologie, de biomécanique et d’études du comportement humain (constructeur automobile)

La séance est ouverte à 17 heures 40.

Présidence de Mme Françoise Hostalier, vice-présidente,
puis de M. Armand Jung, président

La mission d’information procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière.

Mme Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière. Le développement de la circulation des véhicules motorisés au xxe siècle s’est accompagné d’une forte augmentation de la mortalité jusqu’en 1972, année où 18 034 personnes ont perdu la vie sur les routes. On ne pouvait plus longtemps accepter de payer un tel prix humain et c’est de ce moment que datent les premières mesures contraignantes et des opérations de communication – parmi lesquelles le film « Mazamet, ville morte » – ainsi que la création de la délégation interministérielle à la sécurité routière (DISR), rattachée au Premier ministre.

Malgré ces actions, depuis 1972, de nombreux drames de la route ont continué d’endeuiller les familles de France : 380 000 vies perdues, 8 900 000 blessés, 300 000 handicapés à vie, des dizaines de milliers d’orphelins… Néanmoins, alors que, depuis cette date, le volume du trafic routier a été multiplié par 25, des progrès considérables ont été enregistrés : dans les trente premières années, le nombre de morts sur les routes a été divisé par deux, et de nouveau par deux au cours des dix dernières années. En 2010, pour la première fois, moins de 4 000 personnes – 3 992 très exactement – ont laissé leur vie sur la route. Ce nombre n’avait pas été aussi bas depuis 1948 !

Ces progrès sont d’abord dus à l’amélioration considérable du réseau routier : création de voies séparatives, construction d’autoroutes, amélioration de la qualité des revêtements, rectifications de virages, suppression d’obstacles latéraux et de passages à niveau, création de ronds-points et pose de rambardes. Désormais, les études portent sur la route « intelligente » et « communicante », en relation avec le véhicule de l’usager.

La sécurité du véhicule s’est aussi considérablement améliorée, aussi bien au profit du conducteur et des passagers que des autres usagers. L’impact des chocs entre les véhicules a été réduit. Des dispositifs de freinage ABS et de contrôle de trajectoire, des airbags, des limiteurs de vitesse et des détecteurs d’endormissement, etc. ont été installés. Ces améliorations ont aussi concerné les poids lourds – la dernière en date à cet égard est un rétroviseur couvrant mieux les angles morts – et les transports de personnes. En 2015, le parc de camions et d’autocars français sera sans doute le plus sûr d’Europe : les autocars français seront équipés d’un éthylotest antidémarrage et de ceintures de sécurité pour tous les passagers, et seront accessibles aux handicapés.

Avec l’apparition de nouveaux modes de propulsion et de locomotion, notamment de la propulsion électrique, il convient maintenant de se préoccuper de la coexistence entre véhicules de natures différentes. Certains seront très légers, d’autres très lourds. L’organisation de la sécurité routière en sera rendue encore plus complexe.

L’amélioration de cette sécurité est aussi largement due à celle de la chaîne des secours. L’alerte, l’intervention des forces de l’ordre, des pompiers, du SAMU et de l’hôpital, ainsi que les soins, ont connu des progrès considérables depuis 1972. Une meilleure articulation entre les intervenants et des techniques plus efficaces ont permis non seulement de diminuer la gravité des accidents mais aussi d’assurer à beaucoup de blessés – qui, auparavant, auraient pu décéder – le retour à une vie meilleure.

Les progrès ont aussi pour origine une meilleure adaptation des comportements des usagers de la route aux règles qui organisent l’usage collectif de la liberté constitutionnelle d’aller et venir. Alors que nous sommes de plus en plus nombreux à occuper l’espace public de mobilité, celui-ci ne croît que fort peu. Les règles instaurées visent à limiter les risques et à codifier droits et devoirs de façon que chacun puisse utiliser la rue et la route sans mettre en péril sa vie ni celle des autres.

Ces comportements se modifient sous l’effet d’une action publique multiforme : prévention sur le terrain, en liaison avec les associations ; campagnes de communication, dont certaines ont beaucoup marqué nos imaginaires et nos mémoires ; formation – aujourd’hui, avec 1,3 million d’épreuves annuelles, l’examen du permis de conduire est devenu le premier de France – ; la dissuasion, autrement dit la peur du gendarme, et enfin la sanction, lorsque celle-ci est nécessaire au respect de la règle. Tous ces leviers sont utilisés simultanément avec un unique objectif : moins de morts, de blessés et d’accidents.

L’histoire de la sécurité routière a été marquée par des décisions fortes : limitation des vitesses sur les routes – à 90, 110 ou 130 kilomètres/heure selon les cas – en 1973 et 1974, limitation de la vitesse en ville à 50 km/h en 1990, obligation de porter la ceinture de sécurité à l’avant, hors agglomération en 1973 et en agglomération en 1979, puis à l’arrière en 1990. Et je n’aurai garde d’oublier les mesures de prévention de l’alcoolisme prises depuis 1970, en 1990 et 1995 notamment, puis tout récemment dans la LOPPSI, facteur d’avancées considérables : souvenons-nous qu’il y a seulement quinze ou vingt ans, en cas d’accident, l’alcoolisme était encore considéré comme un facteur atténuateur de la responsabilité.

À ces mesures s’ajoutent le permis à points, créé en 1989 et entré en vigueur en 1992, l’automatisation des contrôles et des sanctions en 2002 et 2003, la fin des indulgences et enfin la loi contre la violence routière, adoptée en 2003.

Toutes ces décisions ont été vécues comme des restrictions de la liberté individuelle, suscitant souvent des débats houleux. Elles n’ont parfois été que difficilement acceptées, même si une grande partie des conducteurs, soucieux de leur sécurité et du respect des règles, s’y sont pliés. Les progrès n’ont pas non plus été linéaires. Il y a eu des retours en arrière. Cependant, les gains en termes de vies sauvées ont été au rendez-vous.

En 2002 a commencé une nouvelle étape. La sécurité routière a été proclamée « grande cause nationale » par le Président de la République. Aussitôt, les ministres chargés de l’intérieur et des transports ont mis en œuvre la fin des indulgences, lancé le programme de déploiement des radars et fait voter la loi contre la violence routière.

En 2007, non seulement la sécurité routière a été confirmée comme grande cause nationale, mais le Président de la République a fixé pour objectif de ramener en 2012 à moins de 3 000 le nombre annuel des morts de la route, notamment en combattant l’alcool au volant et en réduisant la surmortalité des jeunes ainsi que la « sur-accidentalité » des usagers des deux-roues motorisés.

En vue d’atteindre ces objectifs, quatre réunions du comité interministériel de la sécurité routière (CISR) ont suivi le conseil restreint présidé par le Président de la République fin 2007. Les trois premières, tenues en février 2008, janvier 2009 et février 2010, ont abouti à 103 mesures, dont 101 sont déjà en application. La dernière s’est tenue le 11 mai dernier et ses décisions seront mises en œuvre avant le mois de septembre pour l’essentiel, et avant la fin de l’année pour le reste.

Grâce à l’action menée, la baisse de la mortalité routière a été continue de 2002 à 2010, même si elle a marqué des paliers en 2007, puis en 2009, année où une diminution de 103 décès pour les usagers de véhicules autres que les deux-roues a été contrariée par une augmentation de 101 décès d’usagers de deux-roues motorisés.

En 2010, nous avons renoué avec les progrès, le nombre des tués baissant de 6,6 %, celui des accidents de 7 %, celui des blessés de 7,1 % et celui des personnes hospitalisées de 8,8 %.

Cependant, à partir de janvier 2011, et pendant quatre mois consécutifs, la courbe s’est inversée. Une augmentation de 13 % des décès – 144 de plus que pendant les quatre mêmes mois de 2010 – a laissé présager, en cas de confirmation de la tendance, une mortalité de 4 500 personnes à la fin de l’année.

Les causes de cette dégradation ne pourront être comprises qu’avec le recul. Il est cependant possible d’effectuer une observation et de proposer quelques hypothèses.

D’abord, pour la première fois depuis 2007, les chiffres du premier trimestre ont été mauvais dans l’ensemble de l’Europe. Selon la Commission européenne, ils seraient en augmentation de 4 %. Les quelques améliorations auraient en effet été compensées par des aggravations de 10 % en France, mais de 16 % en Allemagne, de 19 % en Finlande et de 29 % en Suède.

Si nous ne disposons pas encore d’explications de nos collègues de ces pays, nous pouvons supposer que la météorologie extrêmement défavorable à la circulation au début de 2010 avait entraîné une forte diminution du trafic, des vitesses et de la circulation des deux-roues motorisées. Au contraire, du fait de la reprise économique, le début de l’année 2011 a connu une augmentation du trafic, notamment des camions. À cela se sont ajoutées de meilleures conditions météorologiques, qui ont favorisé les départs en week-end et entraîné une reprise de l’utilisation des deux-roues motorisés un mois et demi plus tôt que l’année précédente. Enfin, ont joué une diminution de l’effet dissuasif des radars et le développement d’attitudes de contournement de certains usagers, ainsi que l’annonce de mesures liées à la LOPPSI : chaque fois que les automobilistes ont pu penser que la sévérité pourrait s’atténuer, on a assisté à une détérioration momentanée de la sécurité routière.

Cette détérioration a paru suffisamment alarmante au Gouvernement pour justifier une rapide réaction de sa part, d’autant que le 11 mai, jour où devait se réunir le CISR, était aussi celui du lancement à l’ONU de la décennie mondiale de la sécurité routière – l’insécurité routière tue chaque année dans le monde 1,3 million de personnes et en blesse 50 millions. Pour autant, le comité a pu s’appuyer sur nombre d’éléments : sur l’analyse des données de sécurité routière, qui vous sera présentée par l’Observatoire national interministériel de sécurité routière, sur les résultats des travaux et études réalisés dans les années passées par le réseau scientifique et technique, sur les concertations engagées sous l’égide de la Sécurité routière ou en liaison avec elle – notamment sur un « code de la rue », sur les deux-roues motorisés et sur l’aptitude à la conduite –, sur les observations remontant du terrain via les préfets, et sur les discussions avec les partenaires de la route : sociétés d’autoroute, assureurs, constructeurs et associations de victimes. À ce dernier propos, j’ai communiqué à la Mission, en avant-première, un guide d’aide aux familles des victimes de la route, qui vient d’être élaboré en collaboration avec les ministères de l’intérieur, de la justice et de la santé et qui est préfacé par le ministre de l’intérieur. Mais, pour accompagner toutes nos actions, nous menons une plus large politique de communication. Ainsi, depuis ce matin, une nouvelle campagne a été lancée à la télévision à l’attention de ceux qui, souvent raisonnables dans la vie courante, changent profondément d’attitude une fois au volant et transgressent les règles. Nous venons aussi d’achever deux campagnes, l’une sur l’usage du téléphone et l’autre pour expliquer les risques routiers ; dans ce contexte, avec les émissions C’est pas sorcier et Auto-moto, nous avons monté un film décortiquant, chaque fois en une minute, 91 risques pour mieux faire comprendre et respecter les règles qui permettent d’y parer.

(Le président Armand Jung remplace Mme Françoise Hostalier à la présidence de la séance)

Les commentaires pourtant abondants qui ont été faits des décisions prises par le dernier CISR n’ayant peut-être pas donné une idée exacte de leur portée, je m’attacherai pour finir à les retracer plus précisément.

Ces décisions concernent d’abord la vitesse, l’alcool et la drogue. Ces trois facteurs étant causes, ensemble, de la moitié des morts de la route, il s’imposait de ne pas relâcher l’effort.

L’excès de vitesse supérieur à 50 km/h a été transformé en délit dès la première infraction.

Nous avons aussi décidé de poursuivre le développement de notre gamme de radars. Depuis 2003, elle s’est considérablement enrichie : nous disposons désormais de radars capables de mesurer la vitesse, mais aussi de radars discriminants, permettant de distinguer les camions des voitures, de radars mesurant le respect des feux rouges, de radars installés aux passages à niveau, de radars de chantier, que nous pourrons déplacer, de radars permettant de mesurer la vitesse moyenne sur un parcours et, à partir de cet été, nous expérimenterons des radars « mobiles-mobiles », embarqués dans des véhicules de police qui pourront continuer à circuler.

Nous allons déployer 1 000 radars supplémentaires en 2011 et 2012.

Il a aussi été décidé de supprimer l’annonce des radars mais on présenterait plus exactement la chose en disant qu’il s’agit de poursuivre la démarche pédagogique qui a présidé à l’implantation de ces appareils. Pour accoutumer les Français à respecter les limitations de vitesse, il avait d’abord été décidé d’annoncer les radars fixes 400 mètres à l’avance. Puis nous avons demandé de mettre progressivement fin à l’annonce des radars mobiles. En 2010, une nouvelle étape a été franchie dans cette pédagogie avec l’éloignement de l’annonce, faite désormais à un ou deux kilomètres du ou des radars – sans précision de leur nombre. Le temps est maintenant venu d’une troisième étape, où nous éloignons encore plus l’information du lieu des contrôles, en annonçant par des « radars pédagogiques », très en amont, l’entrée dans une zone où un ou plusieurs radars peuvent être présents.

De plus, de nombreux radars – ceux qui sont installés aux feux rouges et ceux qui seront demain déployés dans les véhicules de police en mouvement – ne feront l’objet d’aucune annonce.

Notre politique en la matière est donc claire. Dans un premier temps, nous allons déployer 200 premiers radars pédagogiques, aux emplacements des panneaux d’avertissement que nous aurons supprimés. Ensuite, dans le cadre d’un nouveau marché, nous allons installer deux fois 2 000 radars pédagogiques supplémentaires très en amont des radars destinés à sanctionner ainsi que dans des zones accidentogènes – du fait de dangers particuliers ou de travaux par exemple – qui seront déterminées département par département. Ces radars sont interactifs : loin de se contenter de préciser la vitesse maximale, ils indiquent sa vitesse au conducteur, et ajoutent donc un élément supplémentaire à cette pédagogie du respect de la vitesse que nous nous attachons à développer.

La décision d’interdire les avertisseurs de radars complète cette politique de transformation de l’annonce des radars en annonce des zones dangereuses. Le ministère de l’intérieur travaille actuellement à déterminer jusqu’à 5 000 ou 10 000 zones où l’attention des usagers sera particulièrement appelée sur les dangers spécifiques encourus. La volonté du Gouvernement est de développer l’ensemble des technologies nouvelles au bénéfice de la sécurité routière. Tout cela se fera donc sans préjudice pour les autres fonctionnalités des GPS ou des avertisseurs, qui doivent pouvoir continuer à fournir aux conducteurs le maximum d’informations utiles – emplacement des postes d’essence, des aires de repos, etc. –, dans les meilleures conditions et au bénéfice de la sécurité routière.

Le label « voiture sûre » va quant à lui favoriser l’installation, en première monte et en série, de limiteurs de vitesse, de dispositifs d’éthylotests antidémarrage et, en général, de tous les systèmes permettant de rendre le véhicule encore plus sûr, sur la base du volontariat. Par exemple, coupler le GPS et le limiteur de vitesse donne le LAVIA (limiteur s’adaptant à la vitesse autorisée) dont tous les travaux prouvent qu’il est efficace à 85 %.

La LOPPSI a apporté beaucoup de solutions en matière d’alcoolémie. À partir de 0,8 gramme d’alcool dans le sang, l’aggravation du risque est très nette. Pour empêcher les buveurs d’habitude de prendre le volant, nous souhaitons développer l’éthylotest antidémarrage. Nous avons aussi multiplié les campagnes de communication et des actions à l’attention des jeunes, notamment la campagne « Sam – celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas » et l’organisation du raccompagnement à l’issue des soirées.

Les deux-roues motorisés, qui représentent moins de 2 % du trafic, ont été cause en 2009 de 28 % de la mortalité, au lieu de 9 % dix ans plus tôt. Or, 50 % de ces tués sont des jeunes de moins de trente ans. Si nous avons renoncé aux plaques d’immatriculation à l’avant, nous souhaitons accroître la dimension des plaques arrière jusqu’à leur faire atteindre celle des plaques allemandes, pour les rendre lisibles. En concertation avec les associations de conducteurs de deux-roues motorisés, nous avons aussi beaucoup travaillé sur la formation. Nous avons ainsi rendu obligatoire une formation de sept heures pour ceux des conducteurs qui ne sont pas titulaires d’un permis moto.

Nous avons aussi cherché à améliorer la visibilité et la protection du motard. Si nous n’avons pas imposé le port du gilet jaune, nous savons qu’un motard qui tombe cesse d’être visible. Pour cette raison, nous voulons que les motards portent un brassard, peu coûteux, qui leur permette d’être vus par les autres usagers.

En relation avec le monde médical, mais aussi avec les sociétés d’autoroutes, nous nous sommes préoccupés de tout ce qui peut distraire les conducteurs ou contribuer à leur endormissement.

Enfin, nous avons donné une importance majeure à la prévention, ainsi qu’à la place du citoyen dans la sécurité routière. À cette fin, il a été décidé de relancer le Conseil national de la sécurité routière (CNSR). Celui-ci doit être réorganisé pour tenir compte des nouvelles responsabilités des collectivités territoriales. Il nous faut aussi développer l’éducation à la sécurité routière dispensée dans les lycées depuis l’an dernier. Enfin, nous devons intervenir dans les entreprises, car la première cause de mortalité au travail, c’est la route.

Telles sont les dispositions arrêtées par le CISR. Par leur cohérence, elles doivent permettre de faire diminuer l’insécurité routière. L’objectif de 3 000 morts sur les routes est tout à fait à notre portée.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Madame la déléguée interministérielle, pourriez-vous nous donner des indications sur le mode de fonctionnement de la Délégation interministérielle à la sécurité routière, sur ses effectifs – une centaine d’agents, je crois –, sur son budget et sur la part de ses crédits qui est consacrée à la communication ? Vous avez conclu, je suppose, un marché public avec une agence de communication.

Depuis votre prise de fonctions, en juillet 2008, quelles ont été les campagnes de communication menées ?

Pourriez-vous être plus précise sur les mesures arrêtées par les précédents CISR et sur leur application ?

Quelles sont vos relations avec l’Observatoire de la sécurité routière ? Combien de réunions celui-ci tient-il ?

Quelle est la périodicité des réunions du Conseil national de la sécurité routière ? Quels enseignements en tirez-vous ?

Si vous ne pouvez pas nous répondre précisément aujourd’hui, peut-être pourriez-vous nous adresser une note sur chacun de ces points. La Mission devra sans doute aussi vous revoir d’ici au mois d’octobre.

Comme certaines associations, vous évoquez l’incidence de la météorologie sur le nombre d’accidents. Disposez-vous d’un instrument de mesure, région par région, voire département par département, susceptible d’étayer cette corrélation ?

J’ai compris de votre propos liminaires que la progression du nombre d’accidents, réelle en France, était supérieure dans d’autres pays d’Europe, mais que vous n’aviez pas encore l’explication de cette recrudescence.

Comment expliquez-vous l’ampleur de la levée de boucliers – allant jusqu’à des manifestations – suscitée par l’annonce des décisions du 11 mai dernier ? N’y avait-il pas lieu de mener au préalable une action de pédagogie ou de communication ? Où se trouve selon vous le seuil de tolérance aux mesures que vous proposez ?

Alors que les préfets ont fait démonter la plupart des panneaux avertisseurs de la présence de radars, nous ne disposons que de peu d’éléments sur le respect des engagements pris de lancer une autre communication. Que pouvez-vous nous en dire ?

Les usagers disent accepter d’être contrôlés, mais non d’être piégés. Considérez-vous comme convenable et efficace que des contrôles soient effectués par des agents qui se dissimulent ?

Enfin, avez-vous réfléchi à un éventuel bridage des véhicules, de façon qu’ils ne puissent dépasser la vitesse légale ? On sait que la publicité dont certains font l’objet s’appuie bel et bien sur la vitesse...

Mme Michèle Merli. Le budget de la DISR est de 54,6 millions d'euros et se décompose en trois grands programmes – nous vous communiquerons toutes les données à ce sujet. Nous consacrons entre 16 et 17 millions d'euros à la communication. Le poste le plus coûteux est l’achat d’espaces, pour lequel nous dépensons deux à trois millions d’euros par campagne. C’est d’ailleurs ce point qui nous a conduits à lancer à l’attention des jeunes une campagne sur Internet, média beaucoup plus économique : nous y avons diffusé le film « Insoutenable », qui a rencontré un très grand succès, avec 10 millions de connexions.

Je vous ferai parvenir un tableau de toutes les campagnes conduites depuis 2007.

Comme je l’ai dit, les trois CISR tenus depuis 2007, avant celui du 11 mai dernier, ont pris 103 décisions, dont 101 sont mises en œuvre ; nous vous en communiquerons le détail. La rédaction du décret d’application des décisions prises le 11 mai sera bientôt achevée.

M. le rapporteur. J’avais cru comprendre, sur ce point précis, que le Premier ministre attendrait les résultats des travaux de la présente Mission d’information avant de prendre des mesures nouvelles, y compris réglementaires.

Mme Michèle Merli. Seule la mise au point du texte est en cours. Il faut bien partir de propositions, d’éléments écrits de débat, qui pourront ensuite être modifiés.

M. le rapporteur. Vous nous confirmez donc qu’il s’agit simplement de la préparation d’un fond de dossier écrit, et que, hormis l’enlèvement des panneaux, déjà annoncé, aucune mesure ne sera prise avant la remise de notre rapport ?

Mme Michèle Merli. Certaines mesures ne soulèvent absolument aucune difficulté.

M. le rapporteur. Vous nous confirmez donc qu’aucune mesure nouvelle ne sera prise sans que la Mission en ait été avertie.

Mme Michèle Merli. L’Observatoire interministériel de la sécurité routière est une structure indépendante, dirigée par un ingénieur et composée d’une toute petite équipe. Il travaille avec le réseau scientifique et technique du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Il élabore les statistiques, puis les consolide à partir des bulletins d’accidents remplis par les forces de l’ordre puis vérifiés par le réseau des observatoires départementaux et régionaux. Même s’il réalise de façon autonome ses propres travaux, l’Observatoire est associé à toutes les réunions de la Délégation à la sécurité et à la circulation routières, nous fournissant les éléments statistiques dont nous avons besoin pour travailler avec nos partenaires. Ainsi, depuis que nous avons engagé une concertation sur les deux-roues motorisés, il a mené une série d’études qui nous assure une connaissance beaucoup plus fine de cette catégorie d’accidents.

Le CNSR a réalisé ses derniers travaux à la fin de 2007 et au début de 2008. Alors qu’il avait été question de le supprimer, nous avons réussi à obtenir son maintien, mais dans une configuration nouvelle. Nous devons en effet tenir compte aujourd’hui de nombreuses modifications dans toute une série de thématiques. Par exemple, les thématiques relatives à la conduite, notamment à celle des personnes âgées, imposent une plus forte représentation du corps médical. La décentralisation de la responsabilité du réseau routier justifie aussi un accroissement de la présence des collectivités territoriales.

M. le rapporteur. Serait-ce à dire que le Conseil national ne s’est pas réuni depuis 2008 ?

Mme Michèle Merli. En effet. Ses réunions ont été remplacées par des concertations sur les thématiques pour lesquelles nous avions besoin d’un partenariat plus large, en particulier avec le corps médical : deux-roues motorisés, code de la rue, aptitude à la conduite. La relance du CNSR venant d’être décidée dans le cadre du comité interministériel, nous travaillons à un nouveau décret modifiant sa composition.

M. Jacques Myard. Selon le Gouvernement, des associations considèrent que c’est parce que les députés ont allégé les retraits de points de permis que le nombre des accidents de la route a augmenté en France. Le fait que ce nombre ait crû dans d’autres pays d’Europe, comme vous l’avez souligné, amène à rechercher ailleurs l’explication. Pour moi, celle-ci réside notamment dans la vitesse et dans la consommation d’alcool ou de drogue. Un conducteur ivre peut tuer à 30 km/h !

Le réseau routier, avez-vous aussi noté, a été considérablement amélioré. Dans la ville dont je suis le maire, le nombre de blessés est tombé de 96 à moins de 10 sans qu’un seul radar soit posé, uniquement grâce à l’amélioration de la signalisation. Autrement dit, il y a bien d’autres mesures efficaces que l’installation de radars.

Pouvez-vous nous indiquer aussi les raisons expliquant que, selon certaines statistiques, 10 % de nos concitoyens conduiraient sans permis ? Cette situation ne rend-elle pas vaine la politique de développement du nombre de radars, la sanction par le retrait de points ou de permis ne fonctionnant plus ? En revanche, cette politique semble bien interdire la recherche des causes sociologiques de ce nouveau comportement d’un certain nombre de conducteurs…

M. Christian Vanneste. À mon sens, la réaction négative de la population aux propositions faites repose sur la distinction insuffisante entre excès de vitesse à petite et à grande allure. Alors que chacun est favorable à la répression des grands excès de vitesse, une proportion importante de nos concitoyens considère que la répression des petits excès de vitesse, à petite allure, a pour objectif non pas de réduire le nombre de morts mais de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État.

Des associations telles que la Ligue contre la violence routière exposent souvent que toute diminution de la vitesse, aussi faible soit-elle, entraîne une diminution du nombre de morts. Dispose-t-on de statistiques sur le sujet ? Si les vitesses élevées sont la cause d’un grand nombre d’accidents et de morts, je ne pense pas que tel soit le cas des petits excès de vitesse. Or ceux-ci finissent par être la cause de retraits de permis à des professionnels de la route qui perdent du même coup leur emploi – et ce pour la seule raison qu’ils parcourent un grand nombre de kilomètres, alors qu’à aucun moment ils n’ont mis de vies en danger.

Les motos étant dépourvues de carrosserie, leurs utilisateurs sont plus vulnérables. Or la première cause de la diminution de morts en voiture, c’est l’amélioration considérable de la sécurité des automobiles, et non pas la lutte contre les excès de vitesse. A-t-on envisagé d’imposer aux motards le port de vêtements protecteurs, dotés d’un airbag par exemple ? Ils sont coûteux, certes, mais ce serait sans doute l’un des premiers moyens de réduire le nombre des morts parmi cette catégorie d’usagers de la route.

Si l’alcoolémie coûte plus cher que la vitesse – la combinaison des deux étant terrible –, la consommation de drogue, également désastreuse, est peu évoquée. La raison de ce silence n’est-elle pas que les moyens de la détecter coûtent plus cher et sont plus rares que ceux qui permettent de déceler la présence d’alcool, alors que les effets sont rigoureusement les mêmes ?

Enfin, pendant les années 2002 et 2003, plusieurs comités avaient évoqué la possibilité d’un contrôle médical des conducteurs. Alors que tous devraient être concernés, on visait surtout les personnes âgées, de sorte que la survenue de la canicule a fait renoncer à cette idée… Quel est l’état actuel de la réflexion sur ce contrôle de l’aptitude physique à la conduite, quel que soit l’âge, tel que le pratiquent nombre de pays étrangers ?

M. Jean-Louis Léonard. Je suis surpris qu’aujourd’hui, pour diminuer le nombre de décès, la coercition soit privilégiée. Pourquoi n’a-t-on pas développé des réglementations incitatives auprès des constructeurs pour généraliser la technologie du LAVIA, développée sur des crédits d’État en association avec l’ensemble de la recherche française ? Le gain qui en résulterait serait supérieur à celui d’une réglementation renforcée pour des raisons conjoncturelles.

Pourquoi mépriser aussi la technologie ? Pourquoi supprimer les avertisseurs de radar ? L’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS) a parfaitement démontré que leur utilisation incite les conducteurs à la prudence. Que n’a-t-on écouté les chercheurs ? Le freinage devant les panneaux avertisseurs de radars et l’accélération une fois le radar passé sont aussi des phénomènes tout à fait marginaux. Une fois le véhicule ralenti, il lui faut beaucoup de temps pour retrouver éventuellement une vitesse excessive. N’étant fondée ni sur des faits réels ni sur les résultats de la recherche, la suppression des panneaux avertisseurs me paraît être une mauvaise décision.

Je suis moi aussi surpris que l’action ne porte que sur la vitesse, en oubliant la consommation d’alcool. La décision de développer les éthylotests anti-démarrage aurait rassuré les parents et nous aurions eu là un moyen de minorer fortement les risques mortels. Le ministre de l’intérieur ayant mentionné cette piste, je suis désolé qu’on ne s’y soit pas engagé.

M. Philippe Meunier. Comment et par qui les mesures récemment prises ont-elles été préparées ? Les associations de motards, qui nous disent travailler depuis deux ans sur les mesures de sécurité à prendre pour les deux-roues, n’ont apparemment pas été associées à ces décisions. Pouvez-vous le confirmer et, si oui, jugez-vous cela normal ?

Je regrette également que les mesures annoncées soient exclusivement des mesures de répression. Le rejet du corps social me semble dès lors fondé, la sécurité routière devant reposer aussi sur la prévention. Mais sans doute est-il plus facile de sanctionner la vitesse !

M. Alfred Trassy-Paillogues. Madame la déléguée interministérielle, pouvez-vous nous communiquer la liste de tous les organismes qui travaillent pour la sécurité routière, ainsi que le montant des subventions publiques que chacun reçoit ?

Pourquoi n’avez-vous pas évoqué la somnolence au volant ?

Disposez-vous de statistiques sur les motifs des procès-verbaux qui sanctionnent les conducteurs ? Connaît-on les causes, ou les successions de causes, qui conduisent aux retraits de permis ?

Il ne vous a sans doute pas échappé que certains éléments de signalisation sont inappropriés, fantaisistes, voire dangereux. Il est bon de responsabiliser les conducteurs, mais avez-vous prévu de faire de même des services de l’État et des forces de l’ordre qui ont connaissance de ces indications incorrectes et ne les signalent pas ? Envisagez-vous des sanctions dans ces cas ?

Mme Annick Lepetit. Puisqu’un nouveau marché de 2 000 radars pédagogiques, en plus de ceux qui sont déjà en cours d’installation, va être passé, pouvez-vous nous préciser les expérimentations qui ont été conduites sur le sujet ? Selon vous, justifient-elles l’extension de leur nombre ? Les détracteurs de ces radars considèrent aussi qu’ils peuvent parfois produire des effets contraires à ceux qui sont escomptés. Certains conducteurs, m’a-t-on dit, s’amuseraient à les déclencher en dépassant la vitesse autorisée.

Comment expliquez-vous que, alors que le permis de conduire est devenu le premier examen de France, de plus en plus de personnes prennent le volant sans permis ? Est-ce parce que ce permis leur a été retiré, ou parce qu’elles n’ont jamais passé l’examen ?

Avez-vous étudié l’éventualité d’une réforme du permis de conduire ? De plus en plus coûteux, il demande de véritables sacrifices financiers. Un volet de prévention et d’information, plus large que le simple apprentissage technique de la conduite, serait-il envisageable ? Travailler sur les comportements me paraît nécessaire.

Enfin, les trois-roues sont de plus en plus nombreux. Leur cylindrée dépasse souvent largement 125 centimètres cubes. Or, alors que pour conduire des deux-roues de ces cylindrées, un permis moto spécifique est demandé, il n’en est rien pour ces engins. Envisagez-vous de leur étendre cette obligation ?

M. Henri Nayrou. La fonction des radars fixes est-elle d’abord de faire ralentir les véhicules à l’approche de passages dangereux, ou de sanctionner leurs conducteurs par des amendes et des pertes de points pouvant conduire à celle du permis de conduire ?

L’installation de radars pédagogiques ou de dispositifs d’information sur les zones dangereuses me semble la moindre des choses. Ne se moque-t-on pas quand on met ces mesures en avant ?

Est-il exact que la somnolence n’est pas techniquement prise en compte dans les statistiques d’accidents ? Est-il vrai aussi que 2 % seulement des automobilistes sanctionnés le sont pour avoir roulé à plus de 20 km/h au-dessus de la vitesse autorisée ?

Enfin, seriez-vous d’accord ave moi pour considérer que si le permis de conduire donne le droit de conduire, il n’est en aucun cas un certificat de la capacité à bien conduire ?

M. le président Armand Jung. Le nombre et l’intérêt des questions posées confirment la nécessité d’organiser une seconde audition.

Mme Michèle Merli. S’agissant de l’incidence de la météorologie, monsieur le rapporteur, le modèle sur lequel on s’appuyait, très ancien, a cessé d’être pertinent du fait de l’évolution des modes de circulation, et est en cours de refonte. M. Louis Fernique, secrétaire général de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, pourra vous en dire plus à ce sujet. Cette refonte fait en effet partie des missions confiées à l’Observatoire, à côté d’études nouvelles dont nous devrons absolument tirer la substantifique moelle, comme nous l’avons fait s’agissant de l’usage du téléphone au volant, pour lequel nous mettons en œuvre les décisions proposées par l’INSERM et l’INRETS.

Nous communiquerons à la Mission les comparaisons établies par la Commission européenne sur l’évolution comparée de l’accidentologie dans les pays européens.

Je ne sais que répondre à propos de la levée de boucliers contre les mesures récemment prises. J’ai rappelé que la plupart des principales décisions du passé ont de même fait l’objet de violentes attaques. L’obligation du port de la ceinture de sécurité a même été considérée par certains comme source d’accidents supplémentaires ! Or, aujourd’hui, plus personne n’aurait l’idée de la contester. L’une des causes des protestations actuelles est sans doute aussi que, alors même que, depuis quatre mois, nous devions bien constater une détérioration très nette de la sécurité routière, ces décisions n’étaient pas attendues.

Les travaux effectués de 2004 à 2006 ont montré que le LAVIA informatif était efficace à 85 %. En revanche, alors que le GPS peut dès aujourd’hui indiquer la vitesse maximale sur une portion de route, nous ne disposons toujours pas, malgré nos travaux, d’une cartographie qui puisse être mise à jour instantanément. La décision de modifier les limitations relève en effet des collectivités territoriales, qui peuvent la prendre à tout moment. Cela étant, nous souhaitons, comme vous monsieur Léonard, coupler le GPS au limiteur de vitesse afin que la technologie moderne de la communication embarquée vienne assister le conducteur pour l’aider à éviter d’être sanctionné. Le jour où les radars ne rapporteront plus rien à l’État, nous aurons gagné la bataille de la régulation de la vitesse et de la sécurité routière ! Les radars ne sont pas là pour piéger les conducteurs. Les premiers à être installés l’ont été dans les endroits les plus accidentogènes.

M. Henri Nayrou. Mais quelle est votre priorité à vous ?

Mme Michèle Merli. C’est, sans ambiguïté, de faire baisser le nombre d’accidents, et la vocation des radars est de finir par ne plus servir !

Le ministre de l’intérieur a la volonté de faire travailler ses services, département par département, à la lisibilité de la route. Ce travail n’a pas été suffisamment effectué. Lors de mes déplacements, je demande que des comités d’usagers soient réunis par les préfets, pour que chacun puisse alerter sur des signalisations déficientes, ou encore sur des changements de limitation de vitesse trop fréquents pour permettre une conduite cohérente. Le préfet de la région Rhône-Alpes a réuni l’ensemble des gestionnaires de voirie pour leur demander de se mettre d’accord sur la gestion cohérente de chaque itinéraire ; la multiplication des changements de limitation de vitesse rendant cette gestion impossible, il a proposé une vitesse moyenne cohérente, assortie d’une signalisation spécifique des passages éventuellement dangereux.

Aujourd’hui, l’essentiel du travail des départements est la rectification des signalisations et des limitations de vitesse. Il existe probablement des endroits où la vitesse maximale est inférieure à celle que réclame une circulation sûre. Il faut donc organiser des réunions entre tous les partenaires de la route pour essayer, département par département, de constituer des itinéraires cohérents, intelligents et compréhensibles par tous. La réglementation sera alors mieux respectée.

Le lancement de cette concertation est la traduction de notre volonté d’améliorer pour tous nos concitoyens la lisibilité de la route. Personne n’a pour objectif de piéger les automobilistes. Ce travail aboutira à une diminution considérable des mécontentements liés aux difficultés de la route.

Eu égard au nombre des questions posées, la DISR se permettra, si vous le voulez bien, d’y répondre précisément par écrit. Je reviendrai aussi volontiers devant vous.

Ce que nous voulons, c’est rendre facile la vie des usagers de la route. Il reste que la vitesse est bien l’une des causes des accidents de la route. Son incidence sur l’accidentalité relève d’une loi des grands nombres.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Votre action vise à faire diminuer la vitesse moyenne.

Mme Michèle Merli. Sa diminution explique largement celle du nombre d’accidents.

M. Jacques Myard. Comment se fait-il alors que ceux-ci aient recommencé à augmenter ?

Mme Michèle Merli. Même si elle entre en ligne de compte, la vitesse n’est pas la seule cause des accidents. Si j’ai présenté l’ensemble des motifs qui peuvent expliquer l’augmentation des accidents depuis quatre mois, nous ne disposons pas aujourd’hui d’une explication définitive. Nous travaillons avec nos homologues étrangers à comprendre ce qui a pu se passer en Europe pendant les trois premiers mois de l’année 2011.

Nous évaluons le nombre de personnes qui conduisent sans permis à 400 000 ou 410 000, dont les deux tiers n’ont jamais passé le permis.

M. Jacques Myard. Les services de police concluent des sondages qu’ils effectuent à une proportion de 10 %. J’ai entendu ce chiffre de la bouche de hauts responsables du ministère de l’intérieur. Dans les Yvelines, les contrôles menés par la police et la gendarmerie font également ressortir cette proportion sur 3 500 contrôles. Vos chiffres, qui émanent des associations actives en matière de sécurité routière, ne semblent donc pas correspondre à la réalité.

Mme Michèle Merli. Les chiffres que je vous ai donnés émanent non pas d’associations, mais de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière.

La proportion de conducteurs sans permis est très supérieure dans les grandes agglomérations à celle qu’on peut observer en milieu rural, où les conducteurs sont beaucoup plus rares à conduire sans permis. C’est ce qui peut expliquer le pourcentage dont vous faites état.

Le permis de conduire est un véritable examen. Il est très difficile à réussir ; il faut apprendre beaucoup et certains jeunes, en échec scolaire ou réfractaires aux examens, sont incapables de fournir l’effort qu’il exige. Cette situation est très grave.

Le coût du permis – entre 1 200 et 1 500 euros, un peu plus en région parisienne –est d’un niveau comparable à celui qu’on peut constater dans les autres pays européens. Pour y faire face, plusieurs dispositifs ont été mis en place. Le permis à 1 euro par jour permet au jeune d’emprunter à taux zéro, avec une caution familiale, ou, pour ceux qui ne peuvent en bénéficier, une caution donnée par les pouvoirs publics ; 20 000 jeunes par an peuvent la fournir, sachant qu’ils n’auront que 30 euros par mois à rembourser sur une durée pouvant aller jusqu’à 46 mois. Ce dispositif rend le tarif du permis acceptable, même s’il demeure élevé – mais chacun ne passe cet examen qu’une fois dans sa vie.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Ce dispositif a échoué.

Mme Michèle Merli. Par ailleurs, beaucoup de collectivités locales créent à l’intention des jeunes des « bourses au permis de conduire ». Il s’agit d’une prise en charge partielle du coût du permis, allant de 400 à 800 euros, en échange d’une participation à des tâches effectuées par des associations communales. Ce dispositif et le permis à 1 euro par mois étant cumulables, nous disposons donc bien désormais de formules fonctionnelles permettant de diminuer le coût du permis.

Un petit nombre de jeunes peut aussi bénéficier d’écoles sociales, qui permettent de resocialiser des jeunes en situation d’échec et ne pouvant que difficilement passer leur permis.

Depuis deux ans, nous travaillons sur l’ensemble des questions relatives aux motards dans le cadre de la concertation sur les deux-roues motorisés. La possibilité de conduire un trois-roues sans permis moto prendra bientôt fin : la transcription de la troisième directive européenne sur le permis de conduire aboutira en effet à une harmonisation des permis dans toute l’Europe et rendra impossible, à partir de 2013, de conduire sans permis adéquat aussi bien un cyclomoteur qu’un trois-roues.

Les motards n’étant pas protégés par une carrosserie, nous nous sommes préoccupés de leur protection. Il avait été envisagé en CISR de leur imposer une tenue spécifique. Il est cependant impossible d'imposer le même équipement à un conducteur de cyclomoteur et à celui d’une moto de 600 centimètres cubes. Nous sommes donc en train d’élaborer, avec la participation des médecins de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches et celle d’un champion du monde d’enduro, un guide de l’équipement des motards précisant celui qui est nécessaire en fonction de la vitesse que le deux-roues peut atteindre. Il sera diffusé cet été.

Nous participons aussi à la mise au point du gilet à airbag. J’ai assisté à des démonstrations. Aujourd’hui, il existe des équipements s’encastrant sous le casque qui permettent de rigidifier la colonne vertébrale, afin d’éviter fractures du rachis, hémiplégies et tétraplégies.

La publication du guide sera accompagnée d’une campagne destinée à inciter tous les jeunes à s’équiper correctement dès cet été. Les médecins nous disent que tomber de moto sur la voie publique, c’est tomber sur une râpe à fromage et être ensuite, à l’hôpital, nettoyé à la brosse à chiendent !

Nous travaillons aussi à un guide d’aménagement de la voirie pour résoudre les difficultés spécifiques que celle-ci pose aux motards. Je vous en ai communiqué un exemplaire.

Enfin, dans le cadre de la concertation avec les associations représentatives des usagers de deux-roues motorisés, nous travaillons sur la formation, pour préparer la transcription de la troisième directive et pour faire prendre conscience que l’accès à la puissance doit être fonction de l’âge et de l’expérience.

Si l’accidentalité des deux-roues motorisés a connu un fort recul en 2010, c’est que, pour la première fois, nous avons intégralement consacré à ces engins la « semaine de la sécurité routière ». Pour la première fois aussi, nous avons réalisé pour la télévision des films montrant la vision qu’a un motard de la route derrière sa visière, afin que les autres usagers, voyant les choses du même point de vue, apprennent à les respecter au même titre que les motards doivent respecter l’ensemble des règles communes.

M. Philippe Meunier. Vous travaillez avec les associations de motards, nous dites-vous. Mais, à leur demande, ceux-ci ont été des milliers ce week-end à manifester contre les mesures prises, sans concertation, nous disent-ils. Comment expliquez-vous le fait ?

Mme Michèle Merli. Nous travaillons sur de nombreuses mesures. Vous allez auditionner, je crois, M. Régis Guyot, qui a exploré les « gisements » de sécurité routière en ce qui concerne les deux-roues motorisés et élaboré 78 propositions. Nous avons lancé une concertation sur celles-ci. Nous en avons écarté certaines, comme la plaque minéralogique à l’avant. En revanche, nous voulons que la plaque arrière soit lisible. Les motards doivent comprendre que l’ensemble des règles de sécurité routière leur est applicable. Or nous savons qu’ils respectent moins les limitations de vitesse que les autres usagers. On ne saurait non plus admettre que les plaques arrière soient trafiquées ou rendues illisibles.

M. le rapporteur. Le bridage des véhicules fait-il partie de vos hypothèses de travail ? Se heurte-t-il à des difficultés industrielles ? La promotion des véhicules est aussi fondée sur la vitesse ! Pourquoi cette question n’est-elle pas abordée ?

Mme Michèle Merli. Elle l’est par l’intermédiaire du limiteur volontaire de vitesse, embrayable et débrayable par l’usager. Son efficacité étant de 85 %, nous voulons en favoriser le développement et le coupler avec une transmission embarquée de l’information sur les limites de vitesse applicables.

M. le rapporteur. Comment concilier l’idée selon laquelle la vitesse doit être limitée parce qu’elle est une cause d’accident et la commercialisation de véhicules de plus en plus rapides ?

Mme Michèle Merli. Nous ne pouvons pas agir à l’échelle française. Nous souhaitons convaincre l’Union européenne de rendre obligatoire l’équipement, en première monte, de tous les véhicules, de quelque gamme qu’ils relèvent, d’un limiteur volontaire de vitesse. Le ministre de l’intérieur y tient beaucoup. C’est ainsi que nous allons pouvoir progresser.

Par ailleurs, la vitesse d’une forte proportion des engins à propulsion électrique que nous allons voir se multiplier sur nos routes sera limitée à 130 km/h. Dès lors que sera ainsi mis en évidence l’intérêt d’une telle limitation, il sera possible d’aller beaucoup plus loin dans le bridage des voitures.

Enfin, le bridage à 130 km/h d’un véhicule n’empêchera pas son conducteur de commettre des excès de vitesse en ville, où la vitesse est limitée à 30 ou 50 km/h. L’outil le plus intéressant pour la sécurité routière est donc bien le limiteur de vitesse volontaire, qui permet au conducteur de réguler celle-ci, et, couplé au GPS, d’éviter tout risque de verbalisation.

M. le président Armand Jung. Merci, madame la déléguée interministérielle, pour vos propos et vos réponses. J’ai bien noté que vous allez répondre en détail par écrit à toutes les questions posées. La Mission devra aussi vous réentendre. Je demande à nos collègues qui n’ont pas pu poser toutes les questions qu’ils souhaitaient de les communiquer à la présidence de la Mission, qui les transmettra à la DISR.

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* *

Puis, elle procède à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Anne Guillaume, directrice du laboratoire d’accidentologie, de biomécanique et d’études du comportement humain (constructeur automobile).

M. le président Armand Jung. Nous accueillons maintenant Mme Anne Guillaume, directrice du laboratoire d’accidentologie, de biomécanique et d’études du comportement humain. Pourriez-vous, madame, en nous présentant ce laboratoire, nous dire en quoi il se distingue de la multitude d’autres organismes s’occupant de sécurité routière ?

Mme Anne Guillaume. Le laboratoire d’accidentologie, de biomécanique et d’études du comportement humain, ou LAB, a été créé en 1969 par Renault et PSA – devenu depuis PSA Peugeot-Citroën –, à un moment où le nombre de tués sur les routes ne cessait de s’élever. Sa vocation est d’analyser les causes et les conséquences des accidents. En effet, ceux-ci étant le plus souvent d’origine multifactorielle, la sécurité routière doit être l’affaire de tous les acteurs, pouvoirs publics, conducteurs ou constructeurs.

En tant que laboratoire de recherche amont, le LAB produit des connaissances scientifiques pour les deux constructeurs en sorte qu’ils puissent développer des systèmes de sécurité adaptés. Nous analysons les causes des accidents à partir de bases de données et d’enquêtes que nous conduisons sur le terrain et, sur ce fondement, nous établissons des hypothèses sur lesquelles travaille le service de biomécanique. Nous sommes alors à même de fournir aux constructeurs des éléments pour la mise au point des systèmes de sécurité. Ensuite, nous vérifions l’efficacité de ceux-ci, en biomécanique, par nos enquêtes sur le terrain et via nos bases de données accidentologiques, en cherchant à identifier les dispositifs les plus prometteurs.

L’accidentologie recouvre un champ très vaste. Nous travaillons à la fois en faveur de la sécurité primaire – prévenir l’accident – et en faveur de la sécurité secondaire – réduire autant que possible les conséquences de l’accident. Nous étudions aussi les comportements des conducteurs afin de déterminer leurs besoins et de leur fournir les aides à la conduite les plus appropriées.

Nous nous appuyons sur des bases de données nationales et internationales – européennes en particulier mais nous recourons aussi à la GIDAS (German In-Depth Accident Study) allemande et à la CCIS (Co-operative Crash Injury Study) britannique. Cependant, le LAB a aussi constitué ses propres bases. Ainsi, en accidentologie secondaire, nos spécialistes examinent les véhicules accidentés pour déterminer le type de choc, sa force, pour être à même d’établir ensuite comparaisons et statistiques ; ils relèvent également les dispositifs de sécurité dont étaient dotés les véhicules impliqués ainsi que les lésions subies par les occupants, afin d’établir le lien entre choc et lésion.

Pour donner un exemple de nos conclusions, l’enquête effectuée par le LAB sur l’évolution des lésions, graves à mortelles, subies par un conducteur ceinturé lors d’un choc frontal démontre que les dispositifs dont les véhicules ont été dotés au fil des années – en premier lieu le renforcement de l’habitacle, mais avec tous les compléments indispensables que sont l’airbag, la ceinture de sécurité, les limiteurs d’efforts, etc., car la rigidité accrue des structures augmente l’énergie transmise aux passagers – ont permis de diminuer très sensiblement l’importance des lésions pour un même choc.

Dans le domaine de l’accidentologie primaire, les équipes du LAB, en coopération avec le Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques (CEESAR), recueillent sur le terrain les informations labiles sur les conditions de survenue des accidents. Cela permet de déterminer les situations accidentelles et leur fréquence, d’analyser de façon très détaillée ce qu’on appelle les « pertes de contrôle », mais aussi, à partir de scénarios réels, de tester ensuite par simulation les systèmes de sécurité primaire. Nous avons ainsi, dans le cadre du projet européen TRACE, démontré que l’aide au freinage d’urgence et le système de contrôle électronique de stabilité ESC permettaient de réduire de 70 % le nombre des blessures graves ou mortelles.

La biomécanique consiste à tester de façon rigoureuse toutes les hypothèses de lésion en laboratoire, en reproduisant expérimentalement les conditions des accidents. Il s’agit d’évaluer, à l’aide de mannequins – nous en avons un pour chaque type de choc – le risque de lésions, de comprendre les mécanismes à l’œuvre. Nous essayons également d’améliorer les mannequins utilisés par les constructeurs pour évaluer leurs systèmes de sécurité – nous espérons parvenir à dépasser le stade des modèles numériques pour arriver à un « modèle être humain ».

On a avec la ceinture de sécurité un exemple de ce que peut produire la collaboration entre le LAB et les constructeurs. Il s’agit en effet, sous une apparente simplicité, d’un dispositif extrêmement complexe comportant un bloqueur de sangle, des prétensionneurs et un limiteur d’effort thoracique, dont la mise au point a été permise par une analyse biomécanique de l’effort supporté au niveau du thorax lors d’un choc – et nos données accidentologiques ont confirmé l’efficacité d’un tel dispositif pour réduire les risques de lésions graves.

Depuis de nombreuses années, le LAB est très impliqué dans des projets européens axés sur la protection des enfants. Il a ainsi reconstitué un accident pour rechercher l’origine des lésions abdominales observées sur une fillette en dépit du dispositif de retenue, et a conclu à une mauvaise position du harnais. Plus généralement, une étude sociologique menée dans le cadre du projet européen CASPER (Child Advanced Safety Project for European Roads), a mis en évidence un taux de 70 % d’utilisation incorrecte des dispositifs de retenue destinés aux enfants, les DRE. C’est à partir de ces observations que les constructeurs ont mis au point le système ISOFIX d’ancrage de sièges qui équipe tous les nouveaux véhicules depuis 2009.

Dans l’avenir, le LAB a l’ambition d’améliorer la sécurité des nouveaux véhicules électriques, de travailler sur les véhicules « communicants » et de participer à des projets internationaux.

M. le président Armand Jung. Les travaux du LAB bénéficient-ils à d’autres constructeurs que Renault ou Peugeot-Citroën ?

Mme Anne Guillaume. Nous participons à un grand nombre de projets collaboratifs et nous publions la plupart de nos résultats.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Quelles mesures techniques préconiseriez-vous au législateur pour améliorer la sécurité ? Que pensez-vous du bridage des véhicules ? Cette solution vous semble-t-elle réaliste dans une économie mondialisée ? Le low cost est-il compatible avec la sécurité ?

Mme Anne Guillaume. Renforcer les contraintes de sécurité secondaire n’est pas forcément la solution d’avenir, car on ne peut indéfiniment alourdir les véhicules, d’autant que les normes environnementales poussent plutôt dans le sens d’un allégement. Les perspectives offertes par les véhicules communicants semblent sans doute plus intéressantes. Surtout, il serait temps de raisonner en termes de sécurité intégrée, c’est-à-dire incluant la sécurité primaire. Il faut désormais avoir une conception globale de la sécurité dans sa dimension multifactorielle, intégrant tous les acteurs.

M. le rapporteur. Ce n’est pas le cas ?

Mme Anne Guillaume. En matière de sécurité routière, on pointe toujours la responsabilité des constructeurs alors que ceux-ci font déjà beaucoup dans ce domaine. Il faudrait aussi considérer le comportement de l’ensemble des usagers, y compris donc les piétons et les utilisateurs de deux-roues, et ne pas demander à la technologie seule d’améliorer la sécurité routière. La prise de conscience doit être générale.

L’accidentologie nous montre qu’en France les autoroutes, qui sont pourtant les voies les plus rapides, sont aussi les plus sûres, ce qui conduit à penser que le bridage n’est pas la solution. En tout état de cause, la France ne peut pas prendre seule une mesure de ce genre, le marché étant international.

Certes, les voitures de luxe sont équipées de tous les dispositifs de sécurité les plus perfectionnés. Cependant, la plupart des gens considérant aujourd’hui la mobilité comme un droit, les constructeurs font le maximum pour développer des systèmes de sécurité financièrement abordables pour une grande majorité des consommateurs.

M. Jacques Myard. Les constructeurs comptent-ils équiper à très court terme tous les véhicules de série d’avertisseurs du type Coyote, signalant les limitations de vitesse et les bouchons dus aux accidents ?

Mme Françoise Hostalier. On ne peut pas nier que certains systèmes de protection des enfants sont d’une utilisation trop complexe. Ne devrait-on pas adopter le système, en usage aux États-Unis, de la ceinture de sécurité à déclenchement automatique, fixée à la portière ? Y a-t-il une homogénéisation des normes de sécurité au niveau européen ? Certaines de vos analyses portent-elles sur les deux-roues ? L’équipement des véhicules par des dispositifs de sécurité de plus en plus sophistiqués ne va-t-il pas donner aux conducteurs un sentiment d’assurance dangereux ?

M. Jean-Louis Léonard. Vos recherches ont-elles une incidence sur l’évolution de la réglementation ? Y a-t-il une coopération entre les constructeurs européens ? Vos recherches sont-elles le fruit de commandes des constructeurs ? Dans quelle mesure pouvez-vous influer sur leurs décisions ? Enfin, quelle place occupent les sciences humaines dans vos analyses ? Autrement dit, recherchez-vous les causes culturelles des accidents ?

M. Christian Vanneste. Les accidents trouvent aussi leur origine dans le comportement et l’état du conducteur. Peut-on envisager un véhicule capable de contrôler ces éléments – de détecter par exemple l’état de somnolence, responsable de 30 % des accidents ?

Mme Pascale Gruny. Les sièges d’enfants les moins chers sont-ils vraiment sûrs ? Par ailleurs, je ne comprends pas qu’on autorise la circulation des véhicules électriques, dangereux pour les piétons parce que trop silencieux.

M. Michel Raison. La démocratisation de la technologie embarquée n’est-elle pas le nouveau défi à relever pour assurer la sécurité primaire ?

M. Philippe Meunier. Les progrès accomplis en deux décennies en matière de sécurité, sous la pression de la réglementation et de la concurrence, sont considérables. Quelles nouvelles améliorations prévoyez-vous à échéance de dix ou vingt ans ? Une voiture puissante, équipée d’un système de freinage adapté à la grande vitesse, n’est-elle pas de ce fait plus sûre qu’une voiture bon marché ?

Mme Anne Guillaume. Je pense que les constructeurs seront dans quelques années à même d’équiper leurs véhicules d’un système limitant la vitesse en fonction des indications fournies par le GPS.

M. Jacques Myard. Sera-ce possible à partir des panneaux de signalisation routière ?

Mme Anne Guillaume. Je pense qu’un dispositif de communication directe avec la voiture est réalisable, mais à un coût extrêmement élevé car cela supposerait d’équiper tous ces panneaux d’émetteurs. Le GPS, malgré l’imprécision de la cartographie, permet un repérage assez fiable et pourra donner au conducteur toutes les indications de vitesse utiles.

En ce qui concerne la protection des enfants, les constructeurs se sont efforcés de simplifier les dispositifs de retenue, contribuant ainsi à améliorer la sécurité. Il semble en revanche que la communication sur ces dispositifs soit insuffisante, nos enquêtes montrant que peu de parents connaissent le système ISOFIX. En tout état de cause, les DRE sont homologués au niveau européen et les constructeurs n’ont pas leur mot à dire en la matière. Mais peut-être faudrait-il envisager d’imposer des normes plus sévères… Quant au système de ceinture de sécurité à déclenchement automatique, il est onéreux, pour un intérêt modeste, le taux de port de ceinture étant excellent en France. Il s’agit en réalité d’un dispositif de confort plutôt que de sécurité.

Associant accidentologie et biomécanique sous l’égide des constructeurs, le LAB fait figure d’exception parmi les laboratoires européens. Cela ne nous empêche pas de participer à quatre projets européens, dont DaCoTA (Road Safety Data Collection, Transfer and Analysis), qui vise à harmoniser le recueil des données d’accidents à travers l’Europe. Nous travaillons également en collaboration avec les organismes actifs dans nos domaines de compétence.

Même si nous avons participé à une étude « 2RM » du PREDIT (programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres) sur les deux-roues motorisés, et à différentes études consacrées aux piétons, le LAB se consacre avant tout à la sécurité du véhicule quatre-roues.

Le développement des technologies de sécurité ne déresponsabilise pas le conducteur, qui reste maître à bord : c’est toujours lui qui prend la décision, même s’il est aidé. En outre, les constructeurs veillent à ce qu’il ne soit pas abreuvé par un flux d’informations qu’il serait incapable de maîtriser ou qui ne lui seraient pas directement utiles.

Le LAB contribue à l’évolution de la réglementation via sa participation à une quinzaine de groupes préréglementaires et normatifs, comme les groupes de travail sur les normes ISO.

Conformément au souhait des constructeurs, le LAB compte développer dans l’avenir ses analyses du comportement humain. Nous envisageons notamment d’utiliser ces nouveaux outils que sont les field operational tests et l’observation naturaliste, qui visent à suivre le comportement d’un conducteur lambda grâce à des capteurs équipant son véhicule. S’agissant d’outils extrêmement onéreux, ces enquêtes sont en général menées dans le cadre de projets européens. Les études de ce genre qui ont déjà été conduites aux États-Unis ont permis de recueillir nombre d’informations très instructives sur le comportement du conducteur avant l’accident ou le « presque accident ». Elles ont ainsi montré que la somnolence était une cause d’accident beaucoup moins fréquente que l’on ne croyait. Richard Hanowski en particulier a montré que des accidents qui pouvaient lui être imputés étaient dus en fait à la distraction du conducteur, occupé à chercher un objet par exemple.

M. Jacques Myard. Avez-vous auditionné des conducteurs qui avaient fait des tentatives de suicide au volant ?

Mme Anne Guillaume. Il y a très peu de cas de suicides dans nos bases de données. De toute façon, nous n’auditionnons pas les conducteurs.

En ce qui concerne la sécurité des piétons, les deux constructeurs sont engagés dans un projet européen relatif aux moyens de sonoriser les véhicules électriques roulant à faible vitesse, leur bruit étant suffisant dès que leur vitesse augmente.

Mme Pascale Gruny. Ne faudrait-il pas alors conseiller à leurs conducteurs d’accélérer ?

Mme Anne Guillaume. Je n’irai pas jusque-là ! Par ailleurs, certains de ces véhicules seront également équipés d’un détecteur de piétons.

M. Christian Vanneste. Ne pourrait-on équiper les pneus des véhicules électriques de bandes de roulement sonore ?

Mme Anne Guillaume. À grande vitesse, cela produirait un bruit intolérable !

M. le président Armand Jung. Pourrez-vous nous faire connaître les grandes tendances qui se dégagent des bases de données sur lesquelles vous travaillez et les préconisations les plus urgentes en matière d’accidentologie ?

Mme Anne Guillaume. Ces données ne signifient pas grand-chose en elles-mêmes.

M. le rapporteur. Les causes des accidents n’y figurent-elles pas ?

Mme Anne Guillaume. Elles ne les décrivent pas de façon suffisamment détaillée tant que nous ne les avons pas retravaillées selon des critères bien précis. Elles nous permettent, en amont de fournir des orientations aux constructeurs, et en aval d’évaluer la performance des systèmes de sécurité.

M. le président Armand Jung. Qu’est-ce qui vous semble prioritaire ?

Mme Anne Guillaume. Même s’il faut évidemment continuer à progresser dans le domaine de la sécurité secondaire, la sécurité primaire et la sécurité tertiaire constituent désormais la priorité des constructeurs.

La séance est levée à 20 heures 20.

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