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Mission d’information relative à l’analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Jeudi 1er septembre 2011

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Armand Jung, Président

Table ronde, ouverte à la presse, sur la sécurité des véhicules

– M. Daniel Kopaczewski, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules (Ministère de l'Écologie, du développement durable, des transports et du logement)

– M. Jean-Yves Le Coz, expert leader « Sécurité routière » pour le Groupe Renault, M. Jean-François Huère, responsable « Sécurité routière » pour le Groupe PSA Peugeot Citroën, membres du Comité des constructeurs français d’automobiles et M. Nicolas Bertholon du Laboratoire d’Accidentologie, de Biomécanique et d’étude du comportement humain

– M. Christian Sibrik, président de la branche « contrôle technique » du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) et Mme Pauline Johanet coordinatrice média et lobbying

– M. Philippe Toussaint, délégué général du Centre européen d'études de sécurité et d'analyse des risques (CEESAR)

– M. Dominique Cesari, directeur de recherche émérite à l’IFSTTAR (Ministère de l'Écologie, du développement durable, des transports et du logement et Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche)

– M. Jacques Ehrlich, directeur du Laboratoire sur les Interactions Véhicules-Infrastructure-Conducteurs (Livic) à l’IFSTTAR (Ministère de l'Écologie, du développement durable, des transports et du logement et Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche)

Table ronde, ouverte à la presse, sur la sécurité des véhicules, avec la participation de :

- M. Dominique Cesari, directeur de recherche émérite à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux, IFSTTAR (ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche) ;

- M. Jacques Ehrlich, directeur du Laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructure-conducteurs (LIVIC) à l’IFSTTAR ;

- M. Daniel Kopaczewski, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules (ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement) ;

- M. Philippe Toussaint, délégué général du Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques (CEESAR) ;

- M. Jean-Yves Le Coz, expert leader « sécurité routière » pour le groupe Renault, M. Jean-François Huère, responsable « sécurité routière » pour le groupe PSA Peugeot Citroën, membres du Comité des constructeurs français d’automobiles, et M. Nicolas Bertholon, du Laboratoire d’accidentologie, de biomécanique et d’étude du comportement humain ;

- M. Christian Sibrik, président de la branche « contrôle technique », M. Geoffrey Michalak, membre de la même branche, et Mme Pauline Johanet, coordinatrice media et lobbying, du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA).

La table ronde débute à quatorze heures trente-cinq.

Présidence de M. Armand Jung, président.

M. le président Armand Jung. Madame et messieurs, merci de votre présence. Nous attendons beaucoup de votre expertise en matière de sécurité des véhicules. Je vous propose de vous présenter chacun brièvement avant de faire état des points sur lesquels il vous semble utile d’insister.

M. Dominique Cesari, directeur de recherche émérite à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR). Ingénieur mécanicien, titulaire d’un doctorat de biomécanique, je préside le Comité européen pour l’amélioration de la sécurité des véhicules, qui pose les bases scientifiques des réglementations. Je suis également expert auprès de la Communauté européenne pour les projets de recherche du septième programme-cadre de recherche et de développement (PCRD) et directeur de recherche émérite rattaché à la direction scientifique de l’IFFSTAR.

J’ai abordé cette question de la sécurité des véhicules en travaillant à la protection des usagers depuis le début des années soixante-dix. J’ai participé au développement des ceintures de sécurité et des airbags ; j’ai également étudié le comportement des véhicules soumis à des chocs et, plus récemment, la protection des piétons en cas d’accident.

Je souhaiterais faire passer plusieurs messages.

Premièrement, il est habituel de distinguer entre sécurité active – comment éviter l’accident – et sécurité passive – comment protéger les usagers en cas d’accident –, mais il faut bien voir que chacune interagit avec l’autre. Voilà pourquoi nous adoptons de plus en plus souvent une approche intégrée.

Deuxièmement, les questions liées à la sécurité des véhicules sont d’abord internationales : la France a signé des accords dans le cadre des Nations unies ; les règlements de sécurité sont établis à Genève, repris sous forme de directives à Bruxelles et appliqués dans les pays de l’Union européenne. Notre pays n’est pas dépourvu pour autant de moyens d’agir, puisque, présent dans ces différentes instances, il peut par exemple pousser en faveur de telle ou telle réglementation.

Troisièmement, la sécurité passive a énormément progressé au cours des quarante dernières années même si certaines niches restent à exploiter – ainsi l’amélioration de la compatibilité entre véhicules ou de l’adaptation des systèmes aux caractéristiques des occupants ou des accidents. C’est donc de la sécurité active que nous pouvons attendre l’essentiel des améliorations à venir. Comme de nouvelles technologies apparaissent tous les jours, il nous faut faire des choix, ce qui suppose de développer des méthodes d’évaluation et de validation. Or cette évaluation est particulièrement difficile s’agissant des systèmes de sécurité active dans la mesure où ils interfèrent directement avec les actions du conducteur.

Enfin, ces progrès, qui s’apprécient au niveau international, ne peuvent être le fruit que de recherches collaboratives, entre les pouvoirs publics et ceux qui étudient les accidents – ceux qui sont à même d’évaluer les progrès et de les mettre en œuvre.

M. Jacques Ehrlich, directeur du Laboratoire sur les interactions véhicules-infrastructure-conducteurs (LIVIC) à l’IFSTTAR . Le laboratoire que je dirige, placé sous la double tutelle du Laboratoire central des Ponts et Chaussées et de l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, a pour mission le développement de systèmes d’aides à la conduite – relevant donc plutôt de la sécurité active – et je souhaite vous entretenir particulièrement du limiteur s’adaptant à la vitesse autorisée, le LAVIA.

Entre 2001 et 2006, en partenariat avec les deux constructeurs français PSA Peugeot Citroën et Renault, avec le Laboratoire d’accidentologie et de biomécanique, avec la direction régionale des transports d’Île-de-France et avec le Centre d’études techniques de l’équipement (CETE), j’ai dirigé un projet qui visait à évaluer l’acceptabilité et l’usage fait par les conducteurs d’un système limitant automatiquement la vitesse du véhicule à la vitesse réglementaire à l’endroit où il se trouve, et d’en mesurer le bénéfice pour la sécurité routière.

Ce projet a donné lieu, pendant une année, à une vaste expérimentation : 93 conducteurs volontaires du département des Yvelines ont testé le système dans différents modes d’utilisation, du mode simplement informatif au mode réellement limitatif. Il est alors apparu que le LAVIA contribuait de façon certaine à réduire le nombre de tués sur la route et même que, dans un cas particulier d’accident, si 100 % du parc en était équipé, le nombre de tués et de blessés graves baisserait respectivement de 270 et de 300 par an.

En 2006, la question s’est posée de savoir s’il fallait développer un tel système.

M. le président Armand Jung. Est-il techniquement maîtrisé ? Combien coûte-t-il par véhicule ?

M. Jacques Ehrlich. Ce système repose sur une interaction entre des éléments embarqués dans le véhicule, dont un GPS, et d’autres qui proviennent de l’extérieur, comme la cartographie des limitations de vitesse.

La partie purement technologique, embarquée, limite la vitesse du véhicule une fois la consigne de limitation connue. Le dispositif est parfaitement au point. Aujourd’hui déjà, les constructeurs commercialisent des limiteurs de vitesse mais, dans ce cas, c’est le conducteur lui-même qui fixe la vitesse tandis qu’avec le LAVIA, c’est l’infrastructure qui est à l’origine de la consigne de limitation. Le problème est là : pour commercialiser un tel système, il faut qu’il soit fiable et donc que les limitations de vitesse du réseau routier français soient régulièrement réactualisées dans la base de données.

M. le président Armand Jung. Le LAVIA pourrait-il constituer une alternative aux radars ?

M. Jacques Ehrlich. Absolument, mais cela dépend des modalités d’utilisation qui seront choisies. Si son fonctionnement est imposé au conducteur, il peut en effet se substituer aux radars. En revanche, si sa mise en marche est laissée à l’appréciation du chauffeur, il ne fera que compléter les nouveaux radars pédagogiques.

M. Daniel Kopaczewski, sous-directeur de la sécurité et des émissions des véhicules au ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. La réglementation en matière automobile, qui est extrêmement sophistiquée, s’élabore au niveau international, essentiellement à la demande des constructeurs automobiles et des équipementiers. Ceux-ci ont en effet besoin d’une réglementation harmonisée qui leur permette de vendre l’ensemble de leurs produits à l’échelle de la planète.

Toutefois, comme on l’a dit, la France peut encore faire entendre sa voix dans le processus d’élaboration de cette réglementation. Elle le fait d’abord au sein du Parlement et du Conseil européens, mais aussi auprès de la Commission. À propos de cette dernière, je voudrais d’ailleurs nuancer ce qu’a dit M. Cesari : dans le domaine de l’automobile comme dans d’autres, la Commission a de plus en plus tendance à procéder par voie non plus de directives mais de règlements, directement applicables par les États membres et ne nécessitant donc pas, eux, de transposition. À Genève, sous l’égide des Nations unies, les Français participent au groupe de travail connu sous le nom de Working Party 29, qui réunit constructeurs, équipementiers, associations et même, dans une mesure que nous souhaiterions d’ailleurs plus importante, pétroliers.

Il me semble important de signaler que l’essentiel de la réglementation pertinente est déjà écrit, y compris la réglementation qui s’appliquera demain, jusqu’en 2020. Au niveau communautaire, un règlement général de sécurité des véhicules décrit l’ensemble des équipements que vous verrez sur les nouvelles voitures particulières, dites de catégorie M1, mais aussi sur les nouveaux camions, camionnettes et véhicules de transport en commun. Un calendrier a été déjà établi et l’on peut savoir à quel moment chaque gamme de véhicules devra être dotée des nouvelles technologies de sécurité, en distinguant à chaque fois entre les nouveaux modèles mis sur le marché – ceux que l’on vient d’homologuer –, et les nouveaux véhicules – c’est-à-dire les véhicules neufs qui peuvent avoir été homologués antérieurement –, étant entendu qu’il existe un décalage entre ce que l’on impose aux uns et ce que l’on impose aux autres. Il en est de même des différentes catégories de véhicules : ainsi l’ESC – système de contrôle électronique de la stabilité – qui devra équiper les voitures de catégorie M1 dès cette année, n’équipera que progressivement les autres véhicules : poids lourds, véhicules de transport en commun de personnes.

Je vous transmettrai un document décrivant les normes qui s’imposeront aux constructeurs automobiles et aux équipementiers d’ici à 2020, et ce qui se passera après 2020, voire au-delà. En effet, la mise au point de certains équipements comme le LAVIA peut se heurter à des difficultés – manque de fiabilité de la technologie, coût excessif… – qui nous obligent à continuer d’y travailler avant de pouvoir décréter leur généralisation.

M. Philippe Toussaint, délégué général du Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques (CEESAR). J’ai pris mes fonctions de délégué général il y a quatre ans. Je suis également membre du collège des experts géré actuellement par Louis Fernique au sein de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière (ONISR). J’interviens enfin au sein du pôle de compétitivité Mov’eo et du Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres (PREDIT).

Le CEESAR est un organisme de recherche qui réunit l’école Centrale de Paris, le laboratoire d’anthropologie appliquée et un professeur d’anatomie de l’Université Paris V, la fondation MAIF et les constructeurs Renault et PSA. L’assemblée générale du Centre comprend également des enseignants, des chercheurs et un équipementier automobile, dans un souci de pluridisciplinarité.

Nous fonctionnons avec deux entités de régulation : un conseil scientifique et un médecin délégué. Les membres du conseil scientifique, qui est consulté sur des problèmes éthiques et scientifiques, viennent du monde médical et de la recherche. C’est ainsi que le professeur Got, qui a été vice-président du CEESAR, l’a présidé de 1997 à 2003.

Le CEESAR intervient dans trois domaines : l’accidentologie, la biomécanique et les facteurs humains. Nous sommes mandatés par les membres du conseil d’administration pour différentes missions. Dans le domaine de l’accidentologie, la principale est le recueil de données de terrain, pour mieux comprendre les risques routiers et les mécanismes d’accident et pour mettre en relation le bilan lésionnel d’un accidenté avec les circonstances de l’accident.

Nous réalisons également pour différents organismes des études visant à déterminer les priorités de recherche en vue d’améliorer la sécurité. Nous intervenons a posteriori pour constater les progrès apportés sur les véhicules : par exemple, pour évaluer le bénéfice tiré de la généralisation de l’ABS.

M. le président Armand Jung. Je suppose que le résultat s’est révélé positif ?

M. Philippe Toussaint. Oui, l’ABS a réellement contribué à réduire le nombre d’accidents mortels et de blessés graves.

Nous participons enfin à des projets de recherche nationaux et internationaux.

Dans le domaine de la sécurité routière, le monde de la recherche – pas seulement en France – a besoin de s’appuyer sur des bases de données détaillées, pertinentes, fiables et homogènes.

M. le président Armand Jung. Le sont-elles ?

M. Philippe Toussaint. Oui et non. Aujourd’hui, Louis Fernique dirige des groupes de travail qui s’emploient à améliorer la pertinence du fichier BAAC d’analyse des accidents corporels de la circulation (BAAC). En effet, les informations qui y sont entrées manquent d’homogénéité ou de précision, s’agissant des circonstances de l’accident, de l’environnement ou des types de véhicules concernés. Il conviendrait donc d’obtenir des données plus précises et plus cohérentes. Il serait également important de généraliser les registres comme celui du Rhône, qui recense les victimes d’accidents de la route dans ce département et qui permet de mesurer des incidences et d’avoir une vue globale de la situation sur un territoire. Enfin, il serait indispensable de disposer de données récentes et actualisées sur l’exposition aux risques et sur le trafic.

Le deuxième domaine dans lequel nous souhaitons améliorer nos connaissances est celui de la biomécanique – biomécanique des chocs et mécanismes lésionnels du corps humain. Nous travaillons sur un certain nombre d’essais réalisés à partir de programmes numériques et avec l’aide de mannequins. En ce domaine aussi, les recherches sont menées aux niveaux français, européen et mondial.

Pour ce qui est de la recherche relative aux facteurs humains, notre objectif est d’étudier l’homme dans son environnement automobile et d’essayer de mieux comprendre les facteurs entrant en jeu dans l’utilisation, la non-utilisation ou la mauvaise utilisation des systèmes, en particulier des systèmes d’aide à la conduite aujourd’hui proposés aux conducteurs de véhicules récents. Pour cela, nous procédons à des expérimentations en vraie grandeur. Nous faisons ensuite aux constructeurs, aux équipementiers et aux organismes de recherche des propositions destinées à faciliter l’usage de ces systèmes par les conducteurs.

M. le président Armand Jung. Vos avis sont-ils suivis par les constructeurs ?

M. Philippe Toussaint. Oui.

M. Jean-Yves Le Coz, expert leader « sécurité routière » pour le groupe Renault, membre du Comité des constructeurs français d’automobiles. Je suis docteur en médecine, spécialiste de rééducation et de réadaptation fonctionnelles. Pendant une quinzaine d’années, j’ai vécu dans le monde du handicap, prenant en charge des patients souffrant de séquelles d’accidents de la voie publique. C’est par ce biais que j’ai été amené, il y a vingt ans, à travailler pour les constructeurs automobiles. Je suis par ailleurs professeur d’université en bio-ingénierie et enseigne à l’école des Arts et Métiers ParisTech.

Tout comme M. Huère, je suis membre du Comité des constructeurs français d’automobiles. Voilà plus de quarante ans que ces constructeurs travaillent ensemble sur un sujet dont l’importance vous sera démontrée par l’exposé que fera Nicolas Bertholon, mais cette coopération est également active au niveau international et nous participons aux différentes instances déjà citées, dans le cadre de l’Union européenne ou des Nations unies.

Chaque élément du système routier doit offrir le même niveau de sécurité. L’automobile en est évidemment un et la prise en compte de la sécurité routière fait donc partie de notre responsabilité sociale d’entreprise. Aujourd’hui, l’automobile est probablement le bien de consommation le plus réglementé au monde et cette réglementation est largement internationale. Mais les deux constructeurs français ont une spécificité : ce sont des constructeurs généralistes, qui produisent aussi bien de petites que de grosses voitures, et les progrès réalisés dans la sécurité des unes comme des autres sont très notables. L’European New Car Assessment Program (EuroNCAP), créé par des associations de consommateurs et des gouvernements, dont le gouvernement français, a élaboré un label mesurant la sûreté des véhicules et permettant donc des comparaisons : la première voiture à obtenir la meilleure note était française et aujourd’hui, les deux constructeurs français sont au meilleur niveau.

Deuxièmement, il ne faut oublier que les constructeurs automobiles vivent dans un contexte concurrentiel, sur le plan national et international.

Après ces deux remarques, j’en viendrai à la question de la vitesse, qui fait aujourd’hui débat, pour d’abord inviter à ne pas confondre vitesse de circulation et vitesse de choc.

Aujourd’hui, les vitesses de choc prises en compte dans nos laboratoires d’essai couvrent 97 % des vitesses de choc des accidents. Nos données en la matière proviennent des travaux que nous menons en commun avec le CEESAR et le LAB ainsi que de toutes les bases de données existantes, nationales et internationales. Nous ne sortons jamais un chiffre au niveau national qui n’ait pas été comparé aux bases de données de Grande-Bretagne (CCIS) ou d’Allemagne (GIDAS). Et nous travaillons tous ensemble, constructeurs automobiles et autorités, dans des groupes internationaux d’accidentologie.

S’agissant de la vitesse de circulation, nous nous interrogeons tous sur les moyens de faire respecter les panneaux de limitation mais souffrez que je verse quelques éléments à ce dossier.

Premièrement, quand on mène des études détaillées d’accidents, on s’aperçoit dans 97 % des cas que la vitesse de circulation était inférieure à 130 km/h. Cela figurait déjà dans le rapport fait par Robert Namias à la fin des années quatre-vingt-dix.

Deuxièmement, brider un véhicule à 150 km/h n’empêchera jamais son conducteur de rouler à 110 km/h quand il devrait rouler à 90 km/h, ou à 90 km/h quand il devrait rouler à 50 km/h.

Troisièmement, les limitations de vitesse relèvent d’une réglementation technique qu’il faudrait discuter au niveau international.

Tous ces arguments pragmatiques nous conduisent à penser que le bridage des automobiles n’est pas forcément la mesure la plus efficace.

Face à ce problème, quelle a été l’attitude des constructeurs ? Nous n’avions pas à attendre que la société, au sens large, ait traité de la question un peu philosophique de « l’utilité des choses inutiles ». Ni que toutes les discussions aient abouti au niveau international. Il était en revanche de notre responsabilité d’installer sur nos voitures des systèmes facilitant la conduite automobile et le respect de la loi par les automobilistes. Voilà pourquoi les voitures françaises ont aujourd’hui le plus fort taux d’équipement en limiteurs volontaires de vitesse.

Il ne faut pas confondre limiteur volontaire et régulateur de vitesse. Avec le premier, vous vous imposez vous-même de ne pas dépasser la vitesse indiquée sur le bord de la route. C’est le cas avec le LAVIA informatif, dont certaines automobiles françaises sont d’ailleurs déjà équipées.

M. le président Armand Jung. Je sais que les voitures françaises sont parmi les plus sûres. Mais il se trouve que, pendant les vacances, je suis allé voir un concessionnaire Renault et un concessionnaire Peugeot pour vérifier si les voitures disposaient d’un compteur à aiguille ou d’un affichage digital de vitesse. Nombre des personnes que nous avons auditionnées avaient en effet déploré d’avoir à regarder l’aiguille de leur tableau de bord pour s’assurer qu’elles ne dépassaient pas la vitesse autorisée. Or il semble bien que, malgré toutes les avancées technologiques de ces quarante dernières années, les constructeurs français ne se soient pas donné la peine d’installer un affichage digital de vitesse, qui ne leur coûterait pourtant rien du tout.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Monsieur le président, sur ma Renault Laguna, qui est un modèle de série, la vitesse de circulation est indiquée par une aiguille mais la vitesse autorisée s’affiche et, lorsqu’elle est dépassée, j’en suis averti par un petit clignotant.

M. Jean-Yves Le Coz. Comment délivrer des informations aux conducteurs ? C’est tout le problème de l’IHM – interface homme-machine.

L’important est le temps que va mettre le conducteur à intégrer une information. Or, monsieur le président, il est parfois plus long de lire un chiffre que de repérer la position d’une aiguille sur un cadran.

M. le président Armand Jung. Tout le monde nous dit l’inverse.

M. Jean-Yves Le Coz. C’est faux, les études le montrent. En outre, si vous mettez en marche votre limiteur volontaire de vitesse, vous savez que vous n’allez pas dépasser la vitesse autorisée et, de ce fait, vous n’avez plus besoin de regarder votre tableau de bord. Ainsi, vous pouvez consacrer à regarder à l’extérieur de votre véhicule le temps que vous passiez à observer l’indicateur de vitesse.

M. le président Armand Jung. Cela ne vaut que sur autoroute, où vous pouvez utiliser votre régulateur de vitesse…

M. Jean-Yves le Coz. Monsieur le président, nous pourrons vous faire essayer des voitures équipées de ces systèmes de sécurité. Mais je vous rappelle aussi qu’il y a une différence entre le limiteur volontaire et le régulateur de vitesse. Avec le premier, vous fixez la vitesse que vous ne voulez pas dépasser – par exemple 50 km/h en ville – et vous continuez pour le reste à conduire normalement ; avec un régulateur, vous stabilisez votre vitesse comme vous l’entendez – par exemple à 130 km/h sur autoroute – mais vous n’avez plus à utiliser vos pieds pour conduire : vous ne faites que corriger la trajectoire de votre véhicule.

M. Jean-François Huère, responsable « sécurité routière » pour le groupe PSA Peugeot Citroën, membre du Comité des constructeurs français d’automobiles. Je précise, pour ma part, que tout limiteur de vitesse s’accompagne d’un affichage digital et je vous invite moi aussi à venir tester ces interfaces homme-machine.

Je suis chargé, à la direction des affaires publiques de PSA, de la sécurité routière et des systèmes de transport intelligents, après avoir passé plus de quinze ans à réaliser des crash tests dans notre laboratoire de Paris. J’ai eu le plaisir de travailler pendant de nombreuses années avec Jean-Yves le Coz, comme expert en accidentologie au sein du LAB. Je crois donc avoir une longue expérience des accidents et de leurs conséquences.

Jean-Yves Le Coz a parlé de la vitesse. Je traiterai quant à moi de l’alcool, qui est la première cause d’accidents mortels en France.

La première question qui se pose à ce propos est celle de l’équipement de l’alcoologue. PSA et Renault y travaillent, de concert, depuis très longtemps. Ils ont participé activement à l’élaboration de la loi d’orientation sur la sécurité intérieure, la LOPPSI 2. Cette loi comprend des mesures d’équipement pour les mini-vans et les transports scolaires et une mesure complémentaire que les juges peuvent imposer aux récidivistes de conduite alcoolisée : grâce à un post-équipement, le conducteur ne peut démarrer la voiture que s’il ne dépasse pas un certain taux d’alcoolémie. Ce dispositif, qui est à la charge du conducteur, doit être installé par un garage agréé et son coût s’élève au moins à 1 000 euros. Son démontage est également à la charge du conducteur.

M. le président Armand Jung. Est-il fiable ?

M. Jean-François Huère. En tant que constructeurs automobiles, nous avons aidé le ministère à définir un cahier des charges garantissant la sécurité et la sûreté de fonctionnement des voitures. Nous avons travaillé, notamment avec l’Union technique de l’automobile et du cycle (UTAC), à l’intégration en post-équipement de ce type de dispositif. Il s’agissait d’éviter que son intrusion sur le véhicule n’entraîne un risque – par exemple, celui de tomber en panne au milieu d’un passage à niveau.

Nous n’avons jamais caché nos réserves vis-à-vis de la généralisation de ce système : il est coûteux ; ne seraient concernés que 3 % des conducteurs, même si ceux-ci génèrent de très nombreux accidents graves ; le manque de maturité de la technologie empêche, selon nous, de l’intégrer en premier équipement. Il faut encore souffler dans un tuyau et, malgré les progrès réels faits par les équipementiers, il est encore possible de biaiser ce système.

Enfin, en tant que constructeurs, il nous semble que pouvoir démarrer sa voiture dans un cas d’urgence est indispensable. Or la lourdeur actuelle de l’interface homme-machine pourrait entraîner des situations dangereuses, rappelant ce qui s’est passé aux États-Unis dans les années quatre-vingt, lorsque certains constructeurs s’étaient risqués à subordonner le démarrage de la voiture au bouclage de la ceinture de sécurité. Des conducteurs paniqués qui avaient oublié de boucler leur ceinture n’ont pas pu démarrer instantanément et ont eu des accidents très graves.

Le démarrage est une fonction de sécurité qui doit être mise à disposition de la façon la plus fiable possible. Le processus conditionnant le démarrage de la voiture à un éthylotest ne nous paraît pas mature. Cela étant, nous surveillons bien évidemment l’évolution des technologies. Le moment venu, lorsqu’il n’y aura plus besoin de souffler pendant un certain temps dans cet éthylotest et que le système sera fiabilisé, nous y regarderons de très près.

Le dernier point que je souhaite aborder n’est pas forcément aussi connu que les précédents mais je souhaite vous montrer qu’en matière de réglementation, les constructeurs sont capables de prendre les devants.

Les voitures sont aujourd’hui extrêmement protectrices en cas d’accident : renforcement des structures, habitacles indéformables et systèmes de retenue sophistiqués. Mais de ce fait, lorsqu’elles sont obligées de désincarcérer des victimes d’accidents, les forces de secours ont du mal à découper les véhicules. En 2004, à la suite de leurs observations, Renault et PSA ont pris l’initiative d’élaborer avec la direction de la défense et de la sécurité civile des fiches fournissant toutes les informations nécessaires dans ces cas. Elles leur indiquent, pour chaque type de véhicule, là où il faut couper et là où il ne faut pas – en raison de la présence de systèmes pyrotechniques, de carburant, de gaz ou de carburants alternatifs et d’électricité.

Aujourd’hui, chaque fois que nous commercialisons de nouvelles voitures, nous nous rendons au Centre de formation des forces de secours des pompiers, à Fleury-Mérogis, et nous leur donnons des voitures crashées dans nos laboratoires, pour qu’ils y exercent leurs nouveaux outils. En outre, nous améliorons nos fiches en sorte que les secours disposent de tous les éléments techniques utiles sur ces nouveaux modèles.

M. le président Armand Jung. Se pose également le problème du matériau qui sert à fabriquer les véhicules et des angles d’accident les plus courants. Je crois que vos concurrents, Fiat et Volvo, ont arrondi certains angles et modifié, à certains endroits, le matériau utilisé…

M. Jean-François Huère. Nous faisons exactement la même chose et nous n’avons pas à rougir de notre technologie, qu’il s’agisse des carrosseries, des matériaux ou des systèmes de retenue.

M. Jean-Yves Le Coz. Toutes les évolutions en matière de sécurité routière et de protection de l’environnement vont dans le même sens mais certaines se heurtent à un défaut d’éducation technologique chez les consommateurs. Par exemple, pour protéger l’environnement, nous nous efforçons d’utiliser des matériaux plus légers mais ce n’est pas bien vécu par nos clients, qui n’associent pas allégement et sécurité.

M. Jean-François Huère. Les progrès réalisés à cet égard sont énormes, mais ne se voient pas sur les voitures. C’est pour cela qu’il est important de les souligner.

En dernier lieu, je traiterai des systèmes avancés de sécurité. Nous avons réalisé des progrès considérables de ce point de vue également. S’agissant de la protection des occupants en cas d’accident, 80 % du travail a été fait et pour ce qui est des émissions de CO2 et des contraintes économiques, nous ne pourrons guère aller au-delà de ce qui est déjà acquis. En revanche, en ce qui concerne l’assistance apportée aux conducteurs pour éviter l’accident, nous avons encore beaucoup à faire et nous nous y attelons.

M. le rapporteur. Pourriez-vous développer ?

M. Jean-François Huère. Sont déjà sur le marché des voitures équipées de radars et de caméras qui permettent de détecter les obstacles, éventuellement de freiner au moment où le conducteur ne pourrait le faire par lui-même, pour éviter l’accident. En outre, certains systèmes – freinage automatique d’urgence, contrôle de trajectoire – sont dans les tuyaux « prérèglementaires ».

L’essentiel de ce qui fait une voiture performante est déjà présent sur les produits d’aujourd’hui. C’est donc en éliminant les vieilles voitures du parc et en les remplaçant par des voitures modernes, protectrices du passager et évitant les accidents, qu’on arrivera le plus rapidement, par un effet de masse, à sauver des vies humaines.

M. Jean-Yves Le Coz. Vous utilisez probablement des véhicules classés « cinq étoiles » par EuroNCAP, très évolués pour ce qui est des structures, des éléments de protection, de l’aide au freinage d’urgence, etc. Par rapport aux véhicules antérieurs, c’est vraiment le jour et la nuit ! Le risque d’être blessé ou tué a été divisé par quatre. Mais il faut savoir que ces automobiles ne représentent que 20 % du parc actuel.

M. Nicolas Bertholon, directeur adjoint du Laboratoire d’accidentologie, de biomécanique et d’études du comportement humain (LAB). Le LAB est une structure de recherche commune aux deux constructeurs PSA Peugeot Citroën et Renault. Anne Guillaume vous ayant déjà présenté ses activités, je traiterai aujourd’hui de la part de l’automobile dans les progrès constatés, sur le terrain, en matière de sécurité.

En 2010, les décès des occupants d’automobiles représentaient la moitié des décès survenus sur la route en France, contre les deux tiers il y a dix ou vingt ans. La mortalité de l’ensemble des usagers de la route ayant baissé de 50 % depuis 2000, celle des seuls occupants d’automobiles a donc baissé de 60 %.

Ces bons résultats résultent d’abord de l’amélioration de la sécurité passive ou secondaire, c’est-à-dire de la protection offerte aux occupants d’automobiles en cas d’accident. La structure des voitures a été complètement modifiée, des déformations étant programmées dans les zones inoccupées cependant que l’habitacle était renforcé pour créer une cellule de survie. À cela est venue s’ajouter l’optimisation de l’ensemble des moyens de retenue – ceintures de sécurité, sièges et coussins gonflables de sécurité – qui équipent maintenant l’intérieur des véhicules. D’après nos études fondées sur des cas réels d’accident, les coussins gonflables de sécurité frontaux permettent de réduire de 90 % les lésions graves à la tête lors d’un choc frontal.

Dans un second temps, associée à la sécurité secondaire, la sécurité primaire – qui permet d’éviter les accidents ou d’en limiter la violence – a elle aussi bénéficié d’améliorations majeures, concernant tant le freinage que le comportement routier des voitures.

Dans le cadre du projet européen de recherche TRACE, nous avons montré que l’assistance au freinage d’urgence, qui est présente sur toutes les nouvelles voitures depuis fin 2009, permet de réduire de 15 % le nombre des blessés graves ou des tués, et que le contrôle dynamique de stabilité, qui sera installé sur toutes les nouvelles voitures à la fin de cette année, permet de réduire leur nombre de 20 %.

Toujours dans le cadre de ce projet, nous avons évalué l’efficacité d’un ensemble de systèmes de sécurité primaire et secondaire qui équipent maintenant pratiquement toutes les voitures neuves.

Pour apprécier la sécurité secondaire, nous avons utilisé la notation de l’EuroNCAP. Nous avons comparé une voiture « cinq étoiles » en sécurité secondaire, équipée de l’assistance au freinage d’urgence et du contrôle dynamique de stabilité, à une voiture « quatre étoiles » sans les équipements de sécurité primaire. Et nous avons observé, sur la route, une réduction de 70 % des blessés graves ou des tués.

Les progrès sont donc considérables : une voiture d’aujourd’hui est quatre fois plus sûre qu’une voiture d’il y a vingt ans. En revanche, une grande partie de ces progrès reste à capitaliser puisque les taux d’équipement de l’ensemble du parc roulant sont encore relativement faibles : nous n’en sommes qu’à 20 % pour l’ESC, par exemple. Or, si le parc roulant était équipé à 100 % de l’ensemble des systèmes de sécurité, le nombre des blessés graves et des tués sur la route, parmi les occupants d’automobiles, baisserait de moitié – à accidents équivalents.

Parmi les nouveaux systèmes de sécurité, soit en cours de développement, soit sur le marché, trois nous paraissent particulièrement prometteurs.

Le premier est le limiteur de vitesse intelligent, qui permet au conducteur de fixer sa vitesse maximale en fonction de la limite réglementaire applicable à l’endroit où il se trouve.

Le deuxième est l’appel d’urgence automatique, qui permet de mettre en relation les occupants de la voiture avec les secours, et aux secours de localiser celle-ci.

Le troisième est l’aide au suivi de voie, qui alerte le conducteur, voire corrige sa trajectoire, si jamais il franchit involontairement la ligne.

M. le président Armand Jung. Ne pourrait-on pas généraliser la boîte noire ? Cela éviterait de débattre sur les causes d’accidents.

M. Nicolas Bertholon. Cela nous aiderait énormément mais, aujourd’hui, une boîte noire ne peut pas tout enregistrer. Par exemple, elle ne rend pas compte de l’environnement, et donc du cadre de l’accident. D’autre part, la légalité d’un tel dispositif est incertaine…

M. Jean-Yves Le Coz. Il faut savoir ce que l’on entend par « boîte noire ». Aux États-Unis, on utilise des crash recorders où sont retenus en mémoire des éléments dynamiques très ponctuels, au millième de seconde près, sur ce qui s’est passé au moment de l’accident. Mais ils n’apprennent rien sur l’environnement.

M. le président Armand Jung. Nous disposerions au moins d’éléments techniques et d’informations sur le comportement du conducteur.

M. Christian Sibrik, président de la branche « contrôle technique » du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Vingt métiers sont représentés au CNPA, du concessionnaire au démolisseur en passant par les auto-écoles – soit 90 000 entreprises et 410 000 salariés.

Le contrôle technique va bientôt fêter ses vingt ans puisqu’il a été rendu obligatoire en 1992 – depuis 1986, il l’était seulement en cas de mutation. Nous traquons, sur les véhicules ayant plus de quatre ans, 398 altérations élémentaires dont 165 entraînent l’obligation d’une contre-visite. Nous avons ainsi effectué en 2010 un peu plus de vingt millions de contrôles dans nos 5 434 stations.

Depuis 1992, l’état du parc s’est considérablement amélioré. Par exemple, on ne voit pour ainsi dire plus de planchers troués ni de ceintures de sécurité rafistolées avec des épingles à nourrice. En revanche, ce parc vieillit : l’âge moyen des véhicules est passé de 7,3 à 8 ans. Et sur ces véhicules de huit ans, le taux de contre-visites est de 25 %, contre 6 % pour les véhicules de quatre ans. Nous pensons donc qu’il faudrait revoir plus fréquemment les véhicules plus anciens.

Un contrôle prenant environ trois quarts d’heure, nous devrions également profiter de ce temps pour diffuser aux conducteurs des messages ou des vidéos de sensibilisation à la sécurité routière.

M. le rapporteur. Rien ne vous en empêche.

M. Christian Sibrik. Certains centres le font. Mais le problème est que les établissements, qui sont de plus en plus nombreux, se préoccupent de ce fait davantage de leur productivité que de communication avec les clients.

Mme Pauline Johanet, coordinatrice « media et lobbying » au Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Tous les dispositifs dont il a été question dans cette table ronde sont indéniablement efficaces, mais ne concernent que les 2,5 millions de véhicules neufs vendus chaque année. Or on en compte 37 millions en circulation. S’il y a donc un message que notre branche « contrôle technique » souhaite faire passer, c’est la nécessité d’un bon entretien de l’ensemble de ce parc pour limiter le nombre des accidents.

M. Geoffrey Michalak, directeur technique « qualité, sécurité, environnement » du groupe Dekra Automotive, membre de la branche « contrôle technique » du CNPA. Le contrôle technique n’a pas pour mission d’inventer de nouveaux dispositifs, mais de vérifier le bon fonctionnement de ceux qui équipent les véhicules tout au long de la vie de ceux-ci. Or nous nous heurtons là à plusieurs difficultés. D’abord, comme la plupart de ces dispositifs sont optionnels, nous avons du mal à savoir si un véhicule ancien en est équipé. Ensuite, il n’existe pas de bases de données, qui devraient être au moins européennes, permettant de connaître les dispositifs de sécurité de manière à effectuer sur eux les contrôles pertinents. Notre secteur s’applique certes à évoluer et à tenir compte des nouvelles réglementations, mais nous nous trouvons parfois démunis devant les avancées technologiques les plus « pointues ».

M. le président Armand Jung. J’observe qu’il est fait mention du contrôle technique sur la carte grise : la police ou la gendarmerie peuvent donc vérifier qu’il a bien été effectué.

M. Jean-Yves Le Coz. Les résultats des enquêtes REAGIR sont assez clairs : parmi les facteurs techniques à l’origine des accidents, les éléments tenant à la conception des véhicules jouent un rôle bien moindre que ceux qui tiennent à la maintenance, notamment des pneumatiques, impliqués dans 3 à 3,5 % des cas.

M. le président Armand Jung. Je vous remercie de la précision de ces premiers propos, et je vous livre maintenant au feu des questions du rapporteur !

M. le rapporteur. La première, qui s’adresse à M. Le Coz, sera un peu provocatrice. Certes, brider les véhicules à 130 kilomètres-heure n’empêchera pas les excès de vitesse en agglomération mais quelle logique y a-t-il à construire des véhicules qui peuvent atteindre 250 kilomètres-heure et, comme la limitation à 130 kilomètres-heure s’impose en France et dans de nombreux autres pays, à s’ingénier ensuite à mettre au point des systèmes permettant de réduire la vitesse ? J’aimerais vous voir aller jusqu’au bout du raisonnement : pourquoi estimez-vous que le bridage n’est pas une solution ?

M. Jean-Yves Le Coz. Parce que les études – dont les données détaillées sont à votre disposition – nous montrent que, dans 97 % des cas, la vitesse de circulation des véhicules juste avant l’accident est inférieure à 130 kilomètres-heure.

Ne nous demandez pas de régler aujourd’hui la question sociologique, voire philosophique, de l’utilité des choses inutiles…

M. le rapporteur. Je dirai plutôt de la dangerosité des choses inutiles, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

M. Jean-Yves Le Coz. …Nous ne pouvons cependant nous permettre d’attendre sans rien faire et c’est pourquoi nous proposons d’autres solutions pour que le conducteur puisse exercer sa responsabilité. Il reste que la décision de brider les véhicules ne peut être prise par un ou deux constructeurs automobiles. J’ai tenu à le rappeler en préambule, je viens du monde du handicap et, pour moi, les impératifs de sécurité routière l’emportent évidemment sur les considérations économiques. Mais les constructeurs automobiles n’en vivent pas moins dans un environnement concurrentiel. Autrement dit, c’est à la société de répondre à la question que vous posez – car ce n’est pas une question industrielle, mais bien une question de société.

M. le rapporteur. Cela mériterait de plus amples développements, car je ne partage pas entièrement votre avis. Au surplus, les aspects juridiques du sujet n’ont pas été évoqués.

M. Jean-François Huère. Je vous retournerai la question, monsieur le rapporteur : comment expliquez-vous le succès des voitures qui dépassent les vitesses limites ?

M. le rapporteur. C’est sans doute que le budget de communication des constructeurs automobiles est supérieur à celui de la délégation interministérielle à la sécurité routière !

M. Jean-François Huère. Il y a une autre explication : l’envie d’aller vite. Les constructeurs automobiles sont légalistes et prêts à fabriquer les voitures qu’on leur demandera. Mais nous vivons dans un marché ouvert, et vous n’ignorez pas que dans certains pays d’Europe, on peut rouler très vite.

M. le rapporteur. La principale explication est donc d’ordre commercial et, pour ne pas porter préjudice à tel ou tel constructeur, il faudrait une réglementation uniforme. En attendant, on construit des voitures pouvant rouler à 250 kilomètres-heure ; la publicité aidant, elles plaisent car on suscite une envie ; mais, en même temps, on fait tout pour interdire aux gens de rouler vite et on conçoit des systèmes extrêmement ingénieux pour limiter la vitesse… Tout cela est grandement hypocrite et mériterait un vrai débat. Reste que, selon certains juristes, il n’est pas impossible qu’un constructeur finisse par être attaqué en justice pour complicité – via la fourniture d’engins dangereux – en cas d’accident mortel ayant pour cause essentielle et avérée la vitesse.

J’en viens à ma deuxième question. De l’avis général, les constructeurs automobiles français sont plutôt bons pour ce qui est de la sécurité des véhicules et de l’adaptation d’un certain nombre de systèmes. Or, curieusement, nous n’obtenons pas les meilleurs résultats européens en matière de sécurité routière. Comment expliquez-vous ce décalage ?

À quelle échéance estimez-vous, d’autre part, que l’ensemble du parc automobile pourra être équipé d’un certain nombre des dispositifs qui ont été mentionnés, sachant que l’âge moyen des véhicules est d’environ huit ans et que l’on achète sa première voiture neuve à 51 ans ?

M. Jean-François Huère. Nous n’avons pas d’explication au décalage que vous évoquez. Nous l’avons dit tout à l’heure, la voiture ne fait pas tout. Les nôtres sont au meilleur niveau européen ; du point de vue de la technologie automobile, il n’y a donc aucune raison que nos résultats en matière de sécurité routière ne soient pas comparables à ceux de nos voisins. Je note d’ailleurs qu’ils se sont bien améliorés depuis quelques années, ce qui constitue une performance qui mérite d’être saluée. Cependant, le réseau routier, la structure du parc automobile et le comportement des conducteurs ne sont pas les mêmes partout : autant de sujets qui demanderaient à être approfondis pour pouvoir répondre à votre question. Ce qui est certain, c’est que la voiture, qu’il s’agisse d’une Peugeot ou d’une Renault, est la même dans toute l’Europe. Ce n’est donc pas elle qui peut expliquer les différences de résultats.

M. Jacques Ehrlich. Je suis assez optimiste sur la question du bridage et de la puissance des véhicules. Nous sommes en effet en pleine évolution : les valeurs attachées à la voiture sont en train de changer, et je pense que le contrôle-sanction automatisé y est pour quelque chose. La valeur « puissance vitesse » devient obsolète.

M. Jacques Myard. Cela vaut-il pour les motos ?

M. Jacques Ehrlich. Peut-être pas – mais c’est un domaine que je connais moins bien. S’agissant des voitures, d’autres valeurs se substituent – contrôle automatisé aidant – à la valeur « puissance vitesse » : le confort, la faible consommation, la sécurité passive et active. La période est donc très favorable à l’acceptation de la technologie. C’est pourquoi je suis convaincu que le LAVIA est l’une des options qui s’offrent à nous pour améliorer nos performances par rapport aux autres pays. Sachant le rôle que joue la vitesse dans l’accidentalité, tout progrès sur le respect des vitesses autorisées permet de réduire le nombre de tués et de blessés.

M. le rapporteur. Le LAVIA est évidemment une solution. Mais ne risque t-on pas de susciter un débat – qui est un débat de société – sur l’accès à la sécurité ? Il n’est pas censé dépendre des moyens de chacun.

M. Jacques Ehrlich. Bien entendu, mais il faut un certain temps pour que les technologies se déploient. Le processus est toujours le même : une innovation est d’abord coûteuse et limitée aux véhicules haut de gamme, puis son coût diminue progressivement. Elle peut alors se diffuser pour s’étendre à toute la gamme des véhicules. On l’a observé pour le limiteur-régulateur de vitesse contrôlé par le conducteur, dont tous les véhicules de constructeurs français sont aujourd’hui équipés. L’évolution sera la même pour le LAVIA, qui est un limiteur de vitesse dont la consigne vient de l’extérieur, puisqu’il est couplé à un système GPS et à une base de données des limitations de vitesse.

Notre discussion est pour l’instant restée centrée sur le véhicule. Le LAVIA, lui, suppose une interaction entre véhicule et infrastructure. Nous devons donc essayer d’étendre le débat au rôle des gestionnaires d’infrastructures dans la mise en place de ces systèmes. Si le LAVIA ne peut aujourd’hui se déployer comme nous le souhaiterions, c’est parce que, pour disposer d’une base de données des limitations de vitesse qui soit à jour, il faut un système d’information qui parte des collectivités locales – qui fixent ces limitations – et couvre ensuite toute une chaîne pour finalement arriver aux véhicules. Au-delà des technologies embarquées, c’est aussi de cela – l’évolution des infrastructures et le modèle économique qu’elle implique – que nous devons discuter.

M. le rapporteur. L’obligation de porter la ceinture de sécurité a suscité un vaste débat et maintes contestations lorsqu’elle a été instaurée dans les années 1970. Elle a cependant abouti à une baisse très substantielle du nombre des victimes. Avez-vous aujourd’hui en vue un dispositif susceptible de produire des effets équivalents ?

M. le président Armand Jung. Je m’associe à cette question. Bien qu’elle n’ait jamais été présentée comme une avancée technologique exceptionnelle, la ceinture de sécurité a permis de sauver des milliers de vies. Notre ambition serait de pouvoir proposer au Gouvernement, à l’issue des travaux de cette mission d’information, l’idée « de génie » qui permettrait d’obtenir un résultat du même ordre. C’est pourquoi nous faisons appel à vos lumières…

M. Jean-Yves Le Coz. Il s’agit pour moi d’un dispositif dont nous parlons depuis le début de l’après-midi, mais que fort peu de conducteurs – comme c’était le cas pour la ceinture de sécurité au début des années 1960 – utilisent aujourd’hui : le limiteur volontaire de vitesse, dont la généralisation pourrait avoir un effet aussi important que le port obligatoire de la ceinture.

M. le président Armand Jung. Mais il faut une carte électronique. En ville, les limitations de vitesse sont éminemment variables : ici à 30 kilomètres-heure, là à 50 ou 70 kilomètres-heure.

M. le rapporteur. S’il s’agit du limiteur volontaire, sa non-utilisation n’est pas une infraction – contrairement à l’absence de port de la ceinture.

M. Jean-Yves Le Coz. Si les gens avaient connaissance de l’existence de ces équipements et de l’intérêt de les utiliser et qu’ils en maîtrisaient le fonctionnement, leur efficacité en serait considérablement augmentée… Cela nous ramène à la question de M. Houillon sur le délai d’équipement de la totalité du parc. Je pourrais vous dire comme tant d’autres, monsieur le rapporteur, que demain, la technologie permettra de régler tous les problèmes. Pour ma part, j’estime qu’il ne faut pas tout attendre d’elle, et que le grand pas a déjà été fait. Il reste à permettre à la population d’utiliser les dispositifs qui existent et dont nous avons mesuré l’efficacité. Or moins de 20 % des conducteurs peuvent aujourd’hui le faire. Autrement dit, il reste à trouver le moyen de favoriser l’utilisation générale de ces systèmes – ce qui permettra des gains substantiels.

M. Ehrlich a relevé que nos préoccupations étaient centrées sur le véhicule. C’est vrai mais, même si cela ne peut déplaire aux constructeurs automobiles que nous sommes, il nous faut aussi insister sur l’importance fondamentale de l’éducation et de la formation à l’utilisation de ces nouveaux systèmes. Nous devons consacrer du temps aux acquéreurs de véhicules neufs pour leur apprendre comment fonctionne un limiteur volontaire ou un régulateur de vitesse. Par exemple, il est inutile de s’effrayer parce que la pédale vibre lorsqu’on appuie un peu fermement dessus : cela signifie simplement que l’ABS fonctionne correctement. Il ne faut donc surtout pas relâcher la pédale ! Encore faut-il l’avoir expérimenté et ressenti.

Mme Françoise Hostalier. Contrairement au rapporteur, je pense que la sécurité devient de plus en plus un argument de vente. C’est en tout cas ce que je constate dans mon entourage. Comment vous, constructeurs, vivez-vous cette évolution, compte tenu des limites que vous impose le secret technologique, puisque la sécurité fait l’objet de lourds investissements en matière de recherche ? Y a-t-il des « secrets maison » que l’on ne partage pas, ou existe-t-il des structures favorisant, dans l’intérêt des consommateurs, les échanges de technologie entre constructeurs ?

Ma deuxième question porte sur le contrôle technique. Vous nous dites que l’âge moyen des voitures a augmenté. N’est-ce pas dû à l’amélioration des véhicules ? Je constate pour ma part que la carrosserie de ma voiture est impeccable au bout de dix ans. De même les pneumatiques. Bref, il semble que les véhicules d’aujourd’hui soient devenus inusables !

Profiter du contrôle technique pour mener une action de sensibilisation à la sécurité routière auprès des conducteurs – par exemple par des vidéos – me semble une excellente idée. N’y aurait-il pas moyen d’y associer les assureurs, pour qui l’enjeu est également important ?

Un autre point m’inquiète. Vous construisez des véhicules de plus en plus sophistiqués. Mais assurez-vous la formation correspondante aux mécaniciens et autres réparateurs ? Si je me permets de poser cette question, c’est que je suis tombée un jour en panne en Auvergne avec un de ces véhicules, et qu’il m’a fallu attendre trente-six heures pour être dépannée !

Enfin, puisqu’il a été question de la formation des automobilistes aussi, agissez-vous auprès des auto-écoles et des lycées pour apporter vos connaissances aux futurs conducteurs et les inciter à utiliser les nouvelles technologies de sécurité ?

M. Jacques Myard. Je suis frappé, à vous entendre tous, par la « balkanisation » qui semble toucher la filière automobile. Vous avez notamment expliqué que les progrès qui avaient été faits sur l’habitacle – qui protège les passagers – étaient tels que vous aviez dû donner leur « mode d’emploi » aux pompiers pour pouvoir l’ouvrir ! N’existe-t-il vraiment aucun lieu – je me tourne ici vers les représentants du ministère – où puissent se faire les « connexions » sur tout ce qui est nécessaire à la sécurité ? Je crains que vous ne vous parliez guère et que les informations ne circulent pas suffisamment…

M. le rapporteur. C’est une bonne question.

M. Alfred Trassy-Paillogues. En tant que président du groupe d’études sur l’automobile, j’ai moi aussi quelques questions à vous poser.

En ce qui concerne le débat sur la puissance et la vitesse, l’avènement progressif du véhicule électrique et du véhicule hybride rechargeable va conduire à l’arrivée sur le marché de véhicules à vitesse maximale limitée. Pour préserver l’autonomie, celle-ci ne dépassera en effet pas les 150 à 160 kilomètres-heure. Or la puissance est utile pour certains dépassements ou certaines situations critiques.

J’observe par ailleurs que les options constituent pour les constructeurs des sources de fortes marges. Peut-on envisager qu’ils fassent un effort particulier sur les équipements de sécurité ? Je ne pense évidemment pas qu’aux constructeurs français… De même, ne pourrait-on standardiser l’utilisation de ces équipements, afin de faciliter celle-ci, notamment par les seniors ? Pour prendre un exemple, le régulateur pourrait se mettre en marche de la même façon sur tous les véhicules, quel que soit le constructeur, Renault, Peugeot, Volkswagen ou Toyota…

En vue de mettre au point le limiteur de vitesse « intelligent », le LAB a-t-il déjà conduit des études sur l’interactivité avec une signalétique verticale intelligente ?

Enfin, sans en arriver à la boîte noire, complexe à mettre au point, ne pourrait-on imaginer une boîte noire pédagogique, à l’image de cette clé que M. Le Coz connaît bien, qui stocke pour le constructeur toute une série de données sur la vie du véhicule ? Il suffirait en effet d’y intégrer des données concernant l’utilisation des régimes et la fluidité de la conduite, par exemple, qui seraient mises à la disposition de l’automobiliste pour lui permettre de s’améliorer.

M. Patrick Lebreton. Pour résumer, les véhicules neufs sont mieux équipés, mais les véhicules anciens restent à équiper. Cela suppose une meilleure formation des jeunes conducteurs et un vrai « recyclage » des conducteurs plus anciens – dont je fais partie. A-t-on évalué le coût d’une telle révolution ?

Ma deuxième question concerne plus particulièrement mon département de l’île de la Réunion, où l’on voue un véritable culte à la voiture, et qui compte aujourd’hui 430 000 véhicules pour 833 000 habitants. En 2007, dernière statistique dont je dispose, le taux de véhicules neufs y était limité à 10 %. Auriez-vous des chiffres plus récents à me fournir ? Cet élément a son importance puisque, vous l’avez dit tout à l’heure, on peut établir un lien entre l’âge des véhicules et l’accidentalité.

M. Lionel Tardy. Je reviens tout d’abord sur les éthylotests anti-démarrage. Nous sommes tous conscients, monsieur Huère, que cela peut poser des problèmes sur les véhicules de série, notamment en cas de démarrage d’urgence. Je rappelle cependant que la loi s’est bornée à instaurer ce dispositif pour les récidivistes de l’alcoolémie au volant, et avec un accompagnement. Pour le généraliser, il faudrait en diminuer le coût – nous en reparlerons.

Ma deuxième question s’adresse au CNPA. Vous nous dites que 2 millions de véhicules seulement, sur les 37 millions aujourd’hui en circulation, seraient équipés des systèmes de sécurité les plus récents. Quel a été l’impact de la prime à la casse à cet égard ? Si nous n’avons jamais eu de chiffres sur ce point, la mesure a tout de même dû contribuer à abaisser un peu la moyenne d’âge des véhicules. Quels véhicules les constructeurs ont-ils pu vendre à cette occasion ? S’est-il agi de véhicules bas de gamme, ou aussi de véhicules équipés des dispositifs les plus récents de sécurité active ou passive ? Il serait intéressant de le savoir : en l’absence de normes imposées, le choix d’équipements de sécurité par les acquéreurs dépendra de leur prix. L’ESC sera intégré sur les véhicules de série d’ici à la fin de l’année. Plus les systèmes seront intégrés d’office dans les véhicules, et mieux ce sera !

Je m’adresse maintenant au représentant du CEESAR. Si l’on parle bien de sécurité des véhicules au niveau européen, la pratique et la réglementation ne suivent guère. Je pense aux pneus neige, qui ne sont obligatoires que dans certains pays, mais aussi au suivi des amendes, à la protection des véhicules ou encore aux pièces détachées…

Monsieur Le Coz, quelle différence faites-vous entre le limiteur volontaire de vitesse et le régulateur de vitesse pour ce qui est de l’impact réel sur la sécurité routière ?

Je suis persuadé, monsieur Ehrlich, que le LAVIA constitue à terme une bonne solution. Le problème réside dans la mise à jour de la base embarquée, puisque les limitations de vitesse varient suivant les communes et les départements. À mon avis, un LAVIA en mode actif – avec un mode kick down permettant par exemple de « piler » en cas de besoin – associé à une base de données vraiment fiable peut être efficace. La Haute-Savoie est prête à être département pilote pour la mise en place de ce système, mais il faut d’abord régler la question de la base de données – gestion, mise à jour et aspects juridiques.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur Sibrik, nous avons appris ce matin que des milliers – voire des dizaines ou des centaines de milliers – de conducteurs roulaient sans permis. Connaissez-vous pour votre part le nombre de véhicules qui roulent sans avoir passé le contrôle technique ou dont les conducteurs s’abstiennent de respecter les consignes données lors de ce dernier ?

Quant au bridage, si nous sommes tous conscients qu’il pourrait être une solution, on conçoit mal que des constructeurs comme Ferrari puissent produire des voitures ne pouvant dépasser 140 kilomètres-heure. La mesure mérite donc une vraie réflexion, d’autant que la vitesse est avant tout un phénomène de société.

M. Dominique Raimbourg. Monsieur Toussaint, n’y a-t-il pas parfois confusion entre cause et corrélation ? Lorsqu’on affirme par exemple que l’alcool est responsable de 30 % des accidents, est-ce à dire qu’il en est vraiment la cause, ou simplement que la présence d’alcool a été constatée chez un des conducteurs à l’occasion d’un accident ?

Je m’interroge d’autre part sur le rôle du trafic dans les accidents. Le nombre de véhicules multiplié par le kilométrage moyen induit-il un certain nombre d’accidents ? Autrement dit, peut-on espérer faire baisser le nombre de ceux-ci par le report d’un certain nombre de déplacements sur le train ou sur la marche à pied ?

Mes autres questions s’adressent plutôt à M. Ehrlich. Combien coûte le LAVIA ? Le consommateur peut-il espérer récupérer une partie de sa dépense via une baisse de la police d’assurance ?

M. Christian Vanneste. La plupart d’entre nous ont connu l’époque où la voiture était un objet de désir – rappelons-nous la « mythologie » de la DS selon Roland Barthes ! – mais il semble qu’elle soit désormais vouée à devenir un outil sécurisé, avec tout le désenchantement que cela implique. Pour autant, sera-ce un objet égalitaire ? Si l’on s’en tient aux véhicules les plus récents, les voitures les plus puissantes – et les mieux équipées – sont-elles plus sûres que celles à bas coût ? Les constructeurs se préoccupent-ils du coût de l’intégration des systèmes de sécurité dans la voiture ? Avez-vous essayé d’évaluer le coût minimum d’un véhicule équipé de tous ces systèmes, accessible à tous ?

Plusieurs des personnes que nous avons auditionnées ont d’autre part insisté sur le fait que conduire une voiture toujours à la même vitesse sur un itinéraire présentant peu de difficultés induisait un risque. L’endormissement est ainsi devenu l’une des premières causes d’accident. Avez-vous déjà réfléchi aux moyens – et notamment aux moyens embarqués – qui permettraient de combattre ce danger ?

M. Jérôme Lambert. Que préconisez-vous pour lutter contre un phénomène proche de l’endormissement mais néanmoins différent, l’inattention ? Je suis personnellement frappé par les « records » qu’enregistrent les radars automatiques, pourtant signalés par des panneaux. Sans aller jusqu’à ce qui se pratique pour certains trains, où le conducteur doit appuyer sur un bouton toutes les n secondes sous peine d’arrêt automatique de l’engin, existe-t-il des moyens techniques permettant de s’assurer de la vigilance du conducteur ? Beaucoup d’infractions relèvent en effet moins d’une volonté délibérée que de ce phénomène d’inattention.

M. Dominique Cesari. Il convient de rester prudent : la technologie ne peut suffire à garantir la sécurité routière. Elle doit être adaptée à ce que les conducteurs, dans leur diversité, sont capables de faire : tout le monde ne peut pas utiliser de la même façon tous les dispositifs.

Les performances de ces technologies sont du reste très diverses. Les ESB ou les ESC répondent en effet à des spécifications propres à chaque constructeur. À ce jour, il n’y a pas de méthode commune pour les évaluer ou les valider. Il reste donc tout un champ de recherches à mener dans ce domaine.

La ceinture de sécurité a certes constitué un réel progrès, mais elle n’a plus rien à voir avec celle des années 1970. C’est parce que son port a été rendu obligatoire que ses performances se sont améliorées. Il faut donc accepter l’introduction de dispositifs qui ne sont pas optimisés. C’est seulement à mesure qu’on développera des méthodes permettant de les évaluer – en pratique mais aussi en laboratoire – qu’ils gagneront en efficacité. On peut donc rester optimiste dans ce domaine.

S’agissant de la puissance et de la vitesse, je rejoins mon collègue. Nous sommes en pleine évolution, ne serait-ce qu’avec les véhicules électriques, dépourvus de boîtes de vitesses, qui ne seront plus des véhicules à conduite agressive. Tout cela va dans le sens de la sécurité. Nous pouvons donc – là aussi – être optimistes.

M. Jacques Ehrlich. Pour ce qui est de la gestion de la base de données, monsieur Tardy, il faut bien voir que nous avons à la fois une chaîne d’acteurs et une chaîne de valeurs. La collecte des données sur les limitations de vitesse ne peut se faire qu’au niveau des communes. L’information doit ensuite être intégrée dans des bases de données et reliée à une carte – autrement dit située sur la route. Une fois cela fait, il faut l’amener dans les véhicules, ce qui peut passer par plusieurs moyens, dont les télécommunications. Certains éléments de cette chaîne de valeurs relèvent à mon sens de la responsabilité de l’État. Reste à voir où placer le curseur entre État et opérateurs privés, ceux-ci assurant le formatage et la diffusion des données. La constitution de la base de données est à la frontière entre les deux. Elle pourrait être de la responsabilité de l’État ou des collectivités locales. Le projet BALI, que nous avons développé dans les Yvelines, avait justement pour objectif de montrer la faisabilité de cette base de données et de définir l’organisation à mettre en place pour faire remonter les informations jusqu’à cette base. Ce schéma est-il viable à long terme du point de vue économique ? Je l’ignore, mais l’État ne peut en tout cas se désengager de cette chaîne de valeurs. Lorsque l’information sera disponible, les opérateurs privés sauront bien s’en emparer...

En ce qui concerne le LAVIA, je parlerai de surcoût plutôt que de coût. Ce dispositif associe en effet le limiteur de vitesse, un GPS et une carte intégrant les limitations de vitesse. Dans les années à venir, le parc automobile va progressivement s’équiper à 100 % du limiteur de vitesse et du GPS. Ne restera donc que le surcoût que représente l’actualisation des bases de données, qui peut être estimé, en gros, à 100 ou 200 euros par an, à la charge du conducteur, ou partagé avec les assureurs, ou encore intégré dans des bouquets de services plus vastes.

M. Daniel Kopaczewski. S’agissant du bridage des véhicules, un autre élément est désormais pris en considération : l’impact environnemental. On sait que les émissions de CO2 sont liées à la consommation de carburant. La pression aujourd’hui exercée par les pouvoirs publics en faveur d’une baisse de ces émissions conduit tout naturellement les constructeurs automobiles à réfléchir aux meilleurs moyens d’assurer le respect des normes environnementales. La limitation de la puissance des véhicules en est un – et il est de plus en plus souvent évoqué.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, madame Hostalier, la sécurité n’est pas vraiment un argument de vente pour nos concitoyens, qui privilégient d’abord, dans leur choix d’options, la peinture métallisée, la qualité de l’autoradio ou les jantes en alliage, les équipements de sécurité n’arrivant qu’en sixième ou septième position. Nous n’avons donc d’autre choix que de les rendre obligatoires…

Il existe heureusement des lieux d’échange pour réfléchir à la sécurité des véhicules, monsieur Myard. Comme l’a dit M. Huère, les constructeurs tendent désormais à intensifier les échanges avec les pompiers dès la conception des véhicules – de plus en plus sophistiqués – sur lesquels ils sont appelés à intervenir. Nous plaidons pour être associés à ces échanges, comme devraient l’être à notre sens les autres acteurs de la sécurité.

Quant à l’impact de la prime à la casse sur le renouvellement du parc, il a été assez faible, la mesure ayant surtout servi à soutenir le marché à un moment où il s’effondrait. Sans les deux mesures de soutien que sont le programme bonus-malus écologique et la prime à la casse, on aurait observé une baisse de l’ordre de 10 à 20 % des immatriculations. Cela ne signifie évidemment pas qu’il ne faille pas encourager ce renouvellement : les véhicules modernes sont bien plus sûrs que les véhicules anciens.

À l’endormissement et à l’inattention, j’ajouterai la distraction du conducteur. Si une partie des accidents sont imputables à l’endormissement et une autre à l’inattention, la part de la distraction – manipulation de téléphone portable, visionnage de vidéos et j’en passe – est en train de croître.

M. Christian Vanneste. Il y a en effet des chauffeurs routiers qui regardent la télévision.

M. Daniel Kopaczewski. Dans certains bus, des panneaux invitent les passagers à ne pas parler au chauffeur pour ne pas le distraire de sa conduite. Nous devons nous attaquer à ce même problème de la distraction s’agissant cette fois des conducteurs de voitures particulières. Pour un certain nombre de dispositifs – qui vont d’abord être installés dans les poids lourds, car la réglementation les impose –, il faudra ainsi trouver un juste milieu de manière qu’une confiance excessive dans la technologie embarquée n’empêche pas l’automobiliste de rester maître et responsable de sa conduite. Il ne faut pas qu’il s’en remette aux seuls équipements…

M. le rapporteur. N’y a-t-il pas là un risque ?

M. Jacques Myard. Bien sûr !

M. Philippe Toussaint. Pour ce qui est de l’implication de l’alcool dans les accidents, monsieur Raimbourg, nous nous fondons sur les données du fichier BAACC, alimenté par les forces de l’ordre – gendarmerie, police et CRS. Je rappelle en effet qu’une prise de sang est systématiquement effectuée après tout accident corporel. Mais pour établir de manière certaine l’existence d’un lien direct, il faudrait davantage d’éléments.

En ce qui concerne le report modal, il est particulièrement important pour nous de disposer de données de trafic fiables. Auparavant, ces données – concernant notamment les vitesses moyennes et les flux – nous étaient fournies par les DDE. C’est en combinant les informations sur le nombre des accidents et sur ces données de trafic que nous pourrons éventuellement déterminer si des reports modaux peuvent avoir une influence sur le nombre d’accidents.

M. Jean-Yves Le Coz. Je m’abstiendrai de vous répondre sur l’inattention, la distraction ou l’hypovigilance, puisqu’une autre table ronde sera consacrée à ce sujet.

Soyons clairs, les véhicules électriques seront au même niveau de sécurité routière que les véhicules thermiques. L’électrification ne se fera donc pas au détriment de la sécurité. Je précise d’ailleurs, à l’intention de M. Myard, que nous avons travaillé avec les forces de secours dès le début de la conception de ces véhicules. Lorsqu’on sait que la tension est de 400 volts en courant continu, on comprend que les pompiers redoutent de mettre les mains dans la prise ! Il fallait donc établir des procédures d’intervention spécifiques, et nous les avons mises au point avec eux. Nous avons également mis des véhicules électriques à leur disposition pour qu’ils puissent s’entraîner.

Pour moi, monsieur Tardy, le régulateur de vitesse est un dispositif de confort qui a peu d’effet sur la sécurité routière, alors que le limiteur volontaire est, lui, un dispositif de sécurité routière.

Les achats qui ont été faits grâce à la prime à la casse se sont orientés, non vers les voitures bas de gamme, mais vers les petites voitures, qui peuvent être de très haut de gamme.

Lorsque nous avons évoqué la sécurité passive, nous avons omis un point important : la compatibilité. Il existe en effet, dans les structures mêmes des voitures, des sources d’incompatibilité, qu’il s’agisse d’incompatibilités de masse, comme entre les petits et les gros véhicules, d’incompatibilités de géométrie – véhicules plus ou moins bas ou hauts – ou encore d’incompatibilités de raideur de structure – une petite voiture de structure molle résistera fort mal au choc avec une grosse voiture de structure très rigide… Introduire la compatibilité entre les véhicules dans la réglementation me semble donc s’imposer. Nos véhicules sont d’ailleurs compatibles entre eux – nous les testons les uns contre les autres dans nos laboratoires d’essais.

Si l’arrivée sur le marché de véhicules low cost répond à une attente, elle ne se fait pas au détriment de la sécurité routière. Ils intègrent en effet dans leur conception un niveau de sécurité bien supérieur à celui des véhicules d’occasion sur lesquels leurs acquéreurs auraient porté leur choix s’ils n’avaient pu s’offrir une voiture neuve. On peut donc dire que ces véhicules concourent à la sécurité routière.

M. Jean-François Huère. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, madame Hostalier, la sécurité n’est pas un argument de vente – ce qui fait peser une vraie responsabilité sur les constructeurs. Faites le test autour de vous : vous verrez que les acheteurs sont avant tout sensibles au style ou à la couleur du véhicule. Pour eux, un constructeur sérieux offre par définition une voiture sûre.

Les taux de panne ont incontestablement baissé. Nous n’en sommes plus à la quatre-chevaux qui tombait régulièrement en panne sur la route des vacances : ne nous en plaignons pas !

Mme Françoise Hostalier. Certes, mais la quatre-chevaux, la deux-chevaux ou la 4L, on la réparait soi-même au bord de la route ! Ce n’est plus possible avec les véhicules sophistiqués d’aujourd’hui. Ancienne enseignante en lycée professionnel et technologique, je connais le profil des élèves qui choisissent la filière automobile. Je m’interroge donc sur l’adéquation entre leur niveau de formation et la nécessité pour les ateliers de réparation de disposer de personnel de plus en plus qualifié.

M. Jean-François Huère. Il est évident que le niveau de formation requis pour réparer une voiture est bien plus élevé qu’auparavant – c’est presque un phénomène de société et cela va dans le sens de l’histoire. Mais nous prenons en charge la formation de tout le réseau : à chaque fois que nous sortons une voiture, nous lui fournissons toute une gamme d’instrumentation, de documentation technique et de moyens de communication. Nous prenons également en charge la diffusion des équipements nécessaires à la maintenance des voitures.

M. Nicolas Bertholon. Vous avez parlé d’un LAVIA intelligent, monsieur Trassy-Paillogues, avec une signalétique interactive. Nous avons des projets de recherche en cours sur les communications de véhicule à véhicule ou entre véhicule et infrastructure et sur leurs apports éventuels à la sécurité. À terme, on pourrait associer ces dispositifs au LAVIA, en prenant en compte des limitations de vitesse qui ne seraient plus seulement réglementaires, mais aussi contextuelles – liées par exemple à la météorologie ou au trafic.

Pour ce qui est de l’alcool, je voudrais rappeler qu’un accident est le résultat de facteurs multiples. Lorsqu’on dit que l’alcool intervient dans 30 % des cas, cela signifie que dans 30 % des accidents, au moins un des conducteurs avait bu mais cela n’exclut nullement d’autres facteurs. Nous essayons de les identifier tous pour déterminer les meilleurs moyens de réduire les risques. Mais, corrélativement, la somme des taux d’efficacité des divers systèmes de sécurité active et passive dont nous parlons est largement supérieure à 100 % – car il y a plusieurs façons d’éviter un accident.

Je reviens pour finir sur les différences entre segments et entre générations de segments. Si je ne vous ai parlé que des différences entre générations de segments, c’est parce que ce sont les plus importantes : les améliorations constatées entre les décennies de conception permettent de gommer les différences entre segments. Celles-ci subsistent, mais elles sont beaucoup plus faibles que les différences entre générations. Autrement dit, une petite voiture d’aujourd’hui est bien plus sûre qu’une grosse voiture d’hier. Par ailleurs, les différences se sont réduites au fil du temps : on a commencé à homogénéiser le parc.

M. Christian Sibrik. Les véhicules sont en effet de plus en plus fiables, madame Hostalier. Cela tient en partie à la détection précoce des altérations, qui réduit la gravité des conséquences que celles-ci peuvent avoir sur l’ensemble du véhicule – car une rotule de train qui joue, par exemple, entraîne une usure irrégulière des pneus. Nous avons mené une étude sur la prospective du commerce jusqu’en 2020 qui montre clairement que les véhicules sont de plus en plus sûrs et réclament de moins en moins d’entretien. Perçu comme une taxe il y a encore dix ans, le contrôle technique fait aujourd’hui figure d’aide. J’ai ainsi contrôlé hier une voiture de sport dont les quatre pneus étaient quasiment usés jusqu’à la toile : le propriétaire ne s’en était pas aperçu ! C’est dire combien nous avons besoin de pédagogie. La fourniture de vidéos officielles par les pouvoirs publics nous aiderait à faire passer un certain nombre de messages.

Mme Pauline Johanet. Je ne puis que confirmer les propos de M. Kopaczewski sur l’impact de la prime à la casse. Les recycleurs d’automobiles, qui sont également représentés au CNPA, ont eu à démanteler de nombreux véhicules récents et encore en excellent état, ce qui leur a fait peine, mais l’objectif premier de la mesure était d’ordre économique – et je crois qu’il a été atteint.

Mme Hostalier a soulevé un point important. Les professionnels des réseaux de constructeurs sont régulièrement informés des évolutions techniques des véhicules et formés en conséquence, mais les mécaniciens et réparateurs indépendants, dits mécaniciens et réparateurs automobiles (MRA), présents dans toutes les campagnes françaises, peinent à recruter des jeunes suffisamment qualifiés. Il semble que les élèves qui s’orientent vers notre filière – qui a son propre organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) et ses propres CFA – ont tendance à arrêter leurs études un peu trop tôt pour acquérir toutes les compétences requises.

Afin de limiter la consommation d’alcool par les automobilistes, objectif auquel nous ne pouvons que souscrire, la loi « hôpital, patients, santé et territoires » encadre désormais strictement la possibilité pour les stations-service d’en vendre. Le CNPA observe néanmoins que cette mesure n’a pas modifié le poids de ce facteur dans l’accidentalité, et déplore que les grandes et moyennes surfaces proches des autoroutes et des routes ne soient pas elles aussi concernées.

M. le président Armand Jung. Je vous rappelle que cette mesure n’est applicable qu’à partir de 18 heures.

M. Geoffrey Michalak. Les véhicules qui ne se présentent pas au contrôle technique sont assez peu nombreux, monsieur Candelier : ils représentent moins de 5 % du parc. En effet, non seulement leurs propriétaires s’exposent à une contravention, mais ils sont régulièrement relancés – la plupart des réseaux de contrôle technique achètent des fichiers des véhicules immatriculés quatre ans auparavant. On peut en revanche nourrir certaines craintes à propos d’une catégorie de véhicules qui sera prochainement soumise au contrôle technique : les cyclomoteurs. D’une part, ils ne sont pas encore tous immatriculés et, d’autre part, on ignore la proportion des conducteurs qui soumettront effectivement leur véhicule au contrôle.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Trois de mes questions sont restées sans réponse. Elles portaient respectivement sur la possibilité d’avoir une carte mémoire à vocation pédagogique permettant d’avoir une trace de la nature de la conduite, sur le prix de vente des équipements de sécurité et sur l’effort que pourraient consentir les constructeurs en la matière, et enfin sur la standardisation du mode de fonctionnement de ces dispositifs entre constructeurs.

M. Jean-Yves Le Coz. Les éléments de comportement sont déjà pris en compte, même si c’est insuffisamment du point de vue de la sécurité routière. Nous sommes capables de créer des bases de données individualisées sur les effets environnementaux des modes de conduite et nous travaillons aujourd’hui sur ces éléments, principalement avec des gestionnaires de flotte afin qu’ils puissent intervenir. Ce sont aussi des éléments qui tendent à prendre un poids accru dans la formation des conducteurs. Nous y œuvrons d’ailleurs avec les auto-écoles : une fédération du secteur développe un produit d’éducation à la formation en sécurité routière qui repose sur ce type de données. Il pourra ultérieurement être proposé aux particuliers.

M. Daniel Kopaczewski. En ce qui concerne la boîte noire, nous avons l’expérience de l’élaboration des cahiers des charges des deux éthylotests anti-démarrage – l’un destiné aux véhicules de transport en commun de personnes, l’autre aux véhicules des récidivistes de conduite en état d’alcoolémie. Nous avons eu de longs débats avec les ministères de l’intérieur et de la justice sur la nature des informations qui pouvaient être stockées dans ces dispositifs : si l’on peut faire beaucoup de choses dans ce domaine, nous avons dû renoncer à y intégrer une bonne partie des éléments prévus, pour des raisons tenant à la protection des données personnelles.

J’en viens à la standardisation des équipements. Un constructeur que je ne nommerai pas – et qui n’est pas présent ici – vend un certain nombre d’équipements de sécurité dont nous avons parlé, en option, près de dix fois leur prix de revient. Le TPMS, instrument de mesure de pression des pneumatiques en passe de devenir obligatoire, élément de sécurité important qui permet également de réduire les consommations de carburant, coûte aujourd’hui 30 euros, ce qui n’est pas négligeable sur une petite voiture. On comprend qu’un certain nombre de grands constructeurs soient peu pressés de voir généraliser tous ces équipements, qu’ils vendent aujourd’hui très cher en option.

M. Jean-Yves Le Coz. Que peuvent faire les constructeurs automobiles pour aider à la diffusion de ces systèmes ? Prenons l’exemple du contrôle de trajectoire : convaincus de son efficacité et en mesure de le proposer sur la totalité des véhicules, nous avons volontairement décidé, lorsqu’il était en option, de le vendre au prix le plus bas.

M. Dominique Cesari. La standardisation entre équipements et constructeurs passe aussi par la réglementation : dès lors qu’un équipement devient obligatoire, il est nécessairement standardisé.

M. Daniel Kopaczewski. La réglementation est en effet tellement précise qu’on aboutit de fait à cette standardisation.

M. le président Armand Jung. Je vous remercie pour ce débat passionnant.

La table ronde s’achève à dix-sept heures dix.

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