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Mission d’information relative à l’analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Mardi 6 septembre 2011

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Armand Jung, Président

Table ronde, ouverte à la presse, sur la formation à la conduite

– M. Jean-Pascal Assailly, chargé de recherche au laboratoire de psychologie de la conduite à l'IFSTTAR

– Mme Nadine Neulat, chef du bureau de la santé, de l'action sociale et de la sécurité

– M. Loïc Turpeau, président de l'Association nationale pour la promotion de l’éducation routière (formation des moniteurs) ANPER

– M. Marc Meunier, sous directeur de l'éducation routière - Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (DSCR)

– M. Michel Schipman, vice-président de la branche des écoles de conduite et M. Philippe Malpièce, secrétaire de la branche des écoles de conduite du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA)

Table ronde, ouverte à la presse, sur la formation à la conduite réunissant :

- M. Jean-Pascal Assailly, chargé de recherche au laboratoire de psychologie de la conduite à l'IFSTTAR, (Ministère de l'Écologie, du développement durable, des transports et du logement et Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) ;

- Mme Nadine Neulat, chef du bureau de la santé, de l'action sociale et de la sécurité (Direction générale de l'enseignement scolaire) ;

- M. Loïc Turpeau, président de l'Association nationale pour la promotion de l’éducation routière (formation des moniteurs) ANPER ;

- M. Marc Meunier, sous directeur de l'éducation routière - Ministère de l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (DSCR) ; 

- M. Michel Schipman, vice-président de la branche des écoles de conduite et M. Philippe Malpièce, secrétaire de la branche des écoles de conduite du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) ;

La table ronde débute à neuf heures dix.

Présidence de M. Armand Jung, président.

M. le président Armand Jung. Le problème de la formation à la conduite a été évoqué de manière récurrente lors des précédentes auditions. Je souhaite que chaque intervenant se présente rapidement. Il reprendra ensuite la parole pour formuler plus précisément ses propositions, remarques ou critiques.

M. Jean-Pascal Assailly, chargé de recherche au laboratoire de psychologie de la conduite à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR). Psychologue de l’enfant et de l’adolescent, je travaille depuis vingt-cinq ans sur les accidents de la route, plus particulièrement des quinze-vingt-cinq ans. J’ai été chargé d’une mission sur la formation à la conduite dans les différents pays de la Communauté européenne, ce qui m’a amené à formuler des propositions pour améliorer cette formation ainsi que celle des formateurs.

Mme Nadine Neulat, chef du bureau de la santé, de l’action sociale et de la sécurité à la direction générale de l’enseignement scolaire. Je représente Jean-Michel Blanquer, directeur général de l’enseignement scolaire, et je dirige le bureau de la santé, de l’action sociale et de la sécurité, qui est chargé de l’éducation à la sécurité routière.

M. Marc Meunier, sous-directeur de l’éducation routière à la Délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR). La sous-direction de l’éducation routière à la DSCR traite de la formation des conducteurs et de la formation à la sécurité routière. Elle définit notamment les catégories et les épreuves du permis de conduire. Elle gère également les 1300 inspecteurs de l’examen.

M. Loïc Turpeau, président de l’Association nationale pour la promotion de l’éducation routière (ANPER). Créée il y a vingt-cinq ans à l’initiative de la Chambre syndicale de l’automobile, l’ANPER a formulé des propositions en vue d’agir en amont comme en aval du permis de conduire. L’expérience que nous avons menée il y a une dizaine d’années sur 50 000 jeunes en post-permis a contribué à réduire la sinistralité des jeunes conducteurs.

M. Michel Schipman, vice-président de la branche des écoles de conduite du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA). Je représente le CNPA pour la branche des écoles de conduite. Si l’auto-école existe depuis environ un siècle, le métier d’enseignant de la conduite ne dispose que depuis vingt-cinq ans d’un véritable programme de formation. Cette professionnalisation doit nous conduire à élargir nos capacités et nos activités.

M. Philippe Malpièce, secrétaire général de la branche des écoles de conduite du CNPA. Le CNPA dont je suis secrétaire général pour la branche formation des conducteurs, c’est-à-dire pour les auto-écoles, est la principale organisation des écoles de conduite en France. Trois sièges lui sont réservés au Conseil supérieur de l’éducation routière.

M. le président Armand Jung. Quand on soulève le problème de la formation des conducteurs, jeunes ou plus âgés, des critiques s’élèvent, souvent très vives, à propos des formateurs. Disposez-vous d’éléments objectifs à ce sujet ? Quelle proposition peut-on transmettre au Gouvernement ?

M. Jean-Pascal Assailly. Le point de vue du chercheur consiste à définir un idéal, tout en sachant qu’on rencontre toujours sur le terrain des problèmes d’ordre économique, financier ou syndical. En l’espèce, on poursuit un objectif d’insertion – il faut que les dix-huit-vingt-cinq ans obtiennent le permis – et un objectif de sécurité – on doit éviter que les jeunes titulaires du permis ne se tuent sur la route. La conduite accompagnée, qui est une bonne mesure au regard du premier critère, ne l’est pas pour le second, puisque les jeunes qui en ont bénéficié n’ont pas moins d’accidents que les autres.

M. le président Armand Jung. La conduite accompagnée est une bonne mesure ? Comment peut-on l’améliorer ?

M. Jean-Pascal Assailly. La plupart des conducteurs qui se tuent au volant sont titulaires du permis, ce qui prouve que la formation et l’examen ne sont pas suffisamment protecteurs. On peut être capable de maîtriser un véhicule sans pour autant s’abstenir de comportements dangereux ou transgressifs qui incitent à prendre des risques. Il est donc nécessaire d’agir au niveau de l’éducation nationale, avant la formation de vingt heures, ou après celle-ci, en post-permis.

Une étude menée sur le plan européen, puisque l’approche scientifique ne se cantonne pas au niveau national, a permis de développer un outil : la matrice GDE (Goals of Driver Education, objectifs de l’éducation du conducteur). Celle-ci détermine la manière dont s’organisent, dans la conduite, la performance et la motivation des conducteurs qui sortent de l’auto-école. Aucun d’eux n’ignore qu’il faut s’abstenir de boire, de fumer du cannabis, de rouler vite ou de téléphoner au volant, mais tous ne sont pas motivés pour respecter ces consignes, et leur motivation pèse lourdement sur leur performance.

À l’auto-école, on apprend au conducteur à effectuer les manœuvres, mais on doit aussi insister sur la compréhension des scénarios d’accident, des trajectoires, des intentions des autres usagers et sur le champ de la motivation. Ce domaine, évoqué tant à l’auto-école que dans le cadre de l’éducation à la sécurité routière dispensée par l’éducation nationale, met en jeu le rapport à la voiture, au développement durable, à la consommation d’alcool et de cannabis, tout comme la peur, l’émotion, le respect des règles, la relation à autrui, les influences générationnelles, puisque tout jeune conducteur est influencé par la manière dont conduisent ses parents et par les pressions sociétales comme la publicité ou les lobbys. Pour des raisons économiques ou liées à la formation des formateurs, l’auto-école ne prend pas suffisamment en compte ces motivations qui sont au cœur du comportement dangereux.

Pour améliorer la formation initiale, l’auto-école doit travailler davantage sur les aspects affectifs qui déterminent attitudes, valeurs et représentations. Il faut aussi agir en amont, dans le cadre de l’enseignement, pour les quinze-dix-huit ans. Il est regrettable que le continuum éducatif s’interrompe entre quinze et vingt-cinq ans, c’est-à-dire précisément à l’âge où l’on se tue le plus sur la route. Enfin, pour améliorer ce qui n’a pas été acquis à l’auto-école, on pourrait imposer une formation post-permis, sans toutefois que le conducteur risque de se voir retirer le permis. Les problèmes économiques que poserait cette mesure pourraient sans doute être surmontés.

M. le président Armand Jung. Merci d’avoir cadré le problème. Que peut-on faire concrètement ? Que penser de la conduite accompagnée ? Faut-il autoriser de passer le permis à seize ans ? Comment modifier la formation dispensée en auto-école et quelle formation complémentaire peut-on proposer ensuite ?

Mme Nadine Neulat. Nous nous inscrivons dans un continuum éducatif. Dans le primaire, l’écolier se voit délivrer une attestation de première éducation à la route, qui le sensibilise aux dangers que court le piéton. Au collège, il peut obtenir les attestations scolaires de sécurité routière (ASSR). Sa formation doit se poursuivre au lycée, en intégrant les acquis de la recherche.

Dans le second degré, nous avons rénové toutes les épreuves de l’ASSR grâce à un nouvel outil en ligne élaboré par le centre régional de documentation pédagogique de Versailles, qui a travaillé de manière spécifique sur l’éducation à la sécurité routière. Ce système sera opérationnel l’an prochain. L’enseignant accompagnant disposera d’un tirage de questions aléatoire. Il pourra corriger les erreurs des élèves en cours de travail, ce qui leur permettra de progresser. En outre, de nouvelles questions ont été introduites afin de souligner les dangers liés à la consommation d’alcool et de cannabis.

La mesure 13 du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) de 2010 a lancé une expérimentation portant sur quatre-vingts établissements. Son bilan, très encourageant, a mis en valeur l’implication des équipes éducatives, même s’il a montré que des outils spécifiques doivent encore être mis en place. Au titre de la mesure 17 du CISR de 2011, le dispositif a été étendu à plus de 300 lycées. À terme, il sera généralisé.

Les établissements ont également été dotés d’outils éducatifs précis et concrets. Le département met désormais à la disposition des lycées des simulateurs de conduite de deux-roues motorisés, permettant de mener des actions de prévention. Un portail internet très complet d’éducation à la sécurité routière propose aux éducateurs un panel d’outils. Enfin, nous avons développé des partenariats, notamment avec l’Association de prévention routière et l’Association prévention MAIF, dont l’appui est précieux.

M. Marc Meunier. Nous avons deux objectifs : d’une part, améliorer la sécurité routière grâce à la formation ; d’autre part, favoriser l’obtention du permis de conduire, auquel 3 millions de personnes se présentent chaque année.

Nous nous sommes fixé trois axes de priorité.

Le premier consiste à développer le continuum éducatif. Même si le point fort de la formation reste la préparation au permis de conduire, c’est en amont, dans le milieu scolaire, qu’on apprend aux futurs conducteurs à se comporter de manière responsable. Par ailleurs, bien que le permis de conduire soit délivré de manière définitive, il importe de prévoir en aval des séances de recyclage, de sensibilisation et de remise à niveau tout au long de la vie, notamment pour aborder des aspects qui ne peuvent être examinés lors de la préparation au permis.

Le deuxième axe concerne le comportement du conducteur. Longtemps, la formation au permis s’est concentrée sur le maniement du véhicule et la maîtrise des situations de conduite. Pour franchir un palier supplémentaire, il faut travailler sur les habitudes des candidats. Les conditions dans lesquelles ils prennent la voiture, leur mode de vie, leurs valeurs, ainsi que leurs rapports à la règle et au groupe ont un impact sur la sécurité routière.

Le troisième principe qui guide notre action est la progressivité. On doit prendre en compte la puissance des véhicules et faire en sorte que le jeune conducteur ait déjà une certaine expérience quand il obtient le permis.

Avant même la transcription de la troisième directive européenne sur le permis de conduire, le Gouvernement avait entrepris une réforme du permis en janvier 2009. Celle-ci comportait trente-sept mesures. Il fallait d’abord combler un vide en proposant, dans le cadre du lycée, une sensibilisation à la sécurité routière. Il convenait aussi d’améliorer la préparation au permis de conduire, ce qui passe par un travail sur la formation des formateurs. Les enseignants à la conduite disposeront d’outils pour travailler sur les aspects comportementaux du futur conducteur. Les voies d’accès à la profession ainsi que le contenu de la formation des formateurs sont également rénovées.

Si l’on veut aider les jeunes à se former correctement à la conduite, notamment à prendre un grand nombre de leçons, celles-ci ne doivent pas leur coûter trop cher. Bien que le coût du permis ne soit pas particulièrement élevé en France, où il est inférieur à la moyenne européenne, le Gouvernement a mis en place des aides pour que certains jeunes en difficulté accèdent au permis de conduire.

Améliorer l’examen étant une manière d’améliorer la formation, nous avons rénové l’épreuve de code – toilettage de la banque de questions, introduction de nouveaux thèmes comme la prise de conscience des risques ou le partage de la route – ainsi que l’épreuve de conduite au permis B. Celle-ci ne se présente plus comme un relevé d’erreurs mais comme un bilan de compétence, car il est plus valorisant pour les candidats d’accumuler les points que d’être sanctionnés à chaque faute. Afin d’évaluer la dimension comportementale, on juge désormais leur autonomie, leur prise de conscience des risques et leur capacité d’analyse.

La troisième directive européenne permettra d’introduire le principe de progressivité, notamment pour la conduite des deux-roues. Une catégorie de permis intermédiaire est prévue pour les cylindrées de moyenne puissance. Le jeune conducteur devra passer par des paliers progressifs, ce qui lui permettra d’acquérir de l’expérience, avant de conduire des motos puissantes.

M. Jérôme Lambert. La progressivité existe déjà puisque les jeunes de moins de vingt et un ans ne peuvent pas conduire des motos d’une puissance supérieure à trente-quatre chevaux.

M. Marc Meunier. Il existe deux types de permis pour les motos : le permis A1 correspondant aux engins de moins de 125 centimètres cubes et, pour les moteurs plus puissants, le permis A, qui comporte une condition d’âge. La directive introduira une catégorie intermédiaire. Le permis A2 permettra de conduire les engins compris entre 125 et 600 centimètres cubes.

Un jeune pourra toujours passer à seize ans le permis A1, pour conduire une moto de moins de 125 centimètres cubes. Il pourra passer à dix-huit ans le permis A2 pour conduire une moto de moins de 600 centimètres cubes. Pour conduire une moto plus puissante, il devra attendre 24 ans pour passer le permis A, sauf s’il possède le permis A2 et deux ans d’expérience, auquel cas il lui suffira de suivre une formation.

Enfin, la directive européenne prévoit de remplacer, à l’intérieur de l’Union, le permis de conduire national par un document unique qui ressemblera à une carte bancaire à puce. Il sera renouvelé tous les quinze ans de manière uniquement administrative, sans que le titulaire passe une nouvelle épreuve ou soit soumis à un contrôle médical.

M. le président Armand Jung. Certains ont fait courir le bruit que la directive imposerait de repasser le permis tous les quinze ans, ce qui a introduit une suspicion inutile à l’égard des autorités européennes. Il faut donc être précis.

M. Marc Meunier. Le temps venu, le Gouvernement ne manquera pas de diffuser clairement l’information et de faire de la pédagogie sur ces mesures importantes. Pour l’heure, nous préparons encore la transcription de la directive.

L’impact de la conduite accompagnée sur la sécurité routière est difficile à évaluer. Néanmoins, ceux qui bénéficient de ce dispositif augmentent de 20 % leurs chances de réussir le permis. En outre, au cours des premiers mois qui suivent l’obtention du permis, ils semblent avoir moins d’accidents que les autres. Nous souhaitons donc développer cet apprentissage anticipé de la conduite. Par ailleurs, les jeunes conducteurs de plus de dix-huit ans pourront s’initier à la conduite supervisée. Ce dispositif pour lequel, dès lors qu’ils ont effectué les vingt heures de conduite réglementaires, ils pourront opter à tout moment est plus souple que la conduite accompagnée, puisqu’il s’effectue pendant trois mois au lieu d’un an et sur 1 000 kilomètres au lieu de 3 000. Les conducteurs pourront y recourir après un premier échec à l’examen, s’ils s’aperçoivent qu’ils n’ont pas été suffisamment formés mais qu’ils n’ont pas les moyens de reprendre un grand nombre de cours.

Dernier chantier, que nous avons à peine ouvert, le post-permis concernera tant les conducteurs novices, qui ne possèdent le permis que depuis quelques mois, que le milieu professionnel ou les seniors.

M. Loïc Turpeau. Je ne peux que souscrire à ce qui vient d’être dit sur le continuum éducatif. D’ailleurs, les écoles de conduite interviennent déjà pour former les élèves au brevet de sécurité routière, lequel bénéficie d’un volume de formation en augmentation. Toutefois, il faut être conscient que toute amélioration du permis de conduire se traduira nécessairement par une augmentation de son coût.

Nous avons proposé que les jeunes conducteurs disposent de six points au lieu de douze, ce qui a eu pour effet de rendre moins pérenne le permis probatoire. Cette mesure, au même titre que la formation en vue de récupérer des points ou les radars, a diminué le nombre de morts sur les routes. Premier réseau de formation continue des enseignements de la conduite en France, notre association aide les écoles de conduite à se former, comme le prévoit la réforme du permis de conduire. Mais, quel que soit l’investissement dont font preuve les auto-écoles, former en vingt heures des conducteurs pour toute la vie constitue une épreuve de force. La formation continue, qui existe dans tous les domaines, doit concerner aussi la conduite. Le volet post-permis nous semble indispensable.

Si un stage destiné à récupérer des points permet de modifier le comportement d’un conducteur, on peut aussi influer sur celui des jeunes qui viennent d’obtenir le permis, pour lesquels rien n’est prévu. Une étude que nous avons effectuée avec une mutuelle d’assurance sur 50 000 formations post-permis révèle que les jeunes qui ont bénéficié de la conduite accompagnée ont, sinon moins d’accidents, tout au moins des accidents moins graves que ceux qui ont suivi la formation traditionnelle au permis, ce qui montre qu’il faut favoriser cette solution.

On a constaté au début de l’année les effets négatifs induits par l’allégement du permis à points. À mon sens, s’il ne faut pas toucher à la prévention, notamment aux radars, on doit tenter de l’améliorer. Emmener les jeunes sur des pistes d’évolution n’est pas utile, dès lors que leur maîtrise du véhicule n’est pas en cause. Il faut en revanche modifier leur comportement sur la route, ce qui ne peut se faire que par le biais des opérations post-permis, puisque cette sensibilisation ne trouve pas sa place dans la formation initiale. Aujourd’hui, 60 % des morts dans le cadre des accidents du travail se tuent au volant de leur voiture. Pour améliorer la sécurité routière, il faut réfléchir au moyen de former les gens tout au long de leur vie. Reste à savoir qui financera cette mesure.

M. Michel Schipman. Notre profession reste plus axée sur la réussite à l’examen que sur la sécurité routière. Si l’on veut que les écoles de conduite s’orientent davantage vers l’amélioration des comportements, peut-être faut-il poser des bases réglementaires. Depuis 2009, les cours théoriques qu’elles sont tenues de dispenser ne sont guère suivis, puisqu’ils sont facultatifs, de sorte que les professionnels ont tendance à les mettre de côté. Pour que les conducteurs adoptent un comportement plus sûr en dehors des situations d’observation que sont les cours de conduite ou l’examen, on doit rendre ces cours obligatoires. Ceux-ci doivent en outre être repensés. Pour l’heure, l’enseignement théorique s’effectue par le biais de tests, ce qui constitue une anomalie pédagogique, puisqu’un test sert non à apprendre, mais à valider des acquis.

M. Philippe Malpièce. On constate un manque de communication entre le grand public et la corporation des auto-écoles. Les jeunes souhaitent toujours obtenir leur permis dans les délais les plus brefs et au prix le plus bas possible. Or le rôle des enseignants est de leur inculquer non seulement la réglementation – c’est-à-dire la signification des panneaux –, mais le civisme, la responsabilité et l’écoconduite, ainsi que l’utilisation des nouveaux outils de navigation qu’on trouve sur les véhicules. Il faut donc instaurer avec eux un dialogue afin de définir un meilleur rapport qualité/prix.

Un autre déficit de communication, dont la faute incombe tant aux écoles de conduite qu’à l’État, concerne les aides au financement du permis de conduire. Alors que le prix du permis est le cœur du problème, il n’y a aucune communication sur le permis à un euro par jour ou les bourses au permis qui existent sur le territoire. Les jeunes ne disposent d’aucune information sur ces excellentes mesures, et ne savent pas où la chercher.

Le dernier problème concerne le délai d’obtention du permis. L’éducation routière accomplit un travail considérable pour améliorer les épreuves, mais, chaque département étant responsable de son pôle, le nombre d’examens organisés varie d’un territoire à l’autre. L’essentiel ayant été fait au niveau central, il faut à présent agir sur le plan local. Nous avons formulé des propositions à ce sujet. Quand un élève demande à quel moment il pourra passer les épreuves, il est dommage que son seul interlocuteur soit la secrétaire de l’école de conduite, qui n’est en rien responsable du nombre de candidats admis à se présenter.

M. Christian Vanneste. Ma première inquiétude concerne le nombre de personnes circulant sans permis. On croit un peu hâtivement qu’il s’agit de conducteurs ayant perdu tous leurs points. Or, les deux tiers d’entre eux n’ont jamais passé le permis. Le coût est une première explication, mais il y a également le problème des délais. Il en résulte des situations dramatiques dans certains cas, mais aussi des inégalités profondes, notamment entre les jeunes pour l’accès à l’emploi. Quelles propositions concrètes pourriez-vous faire ? Je pense en particulier à des synergies entre les écoles de conduite et l’éducation nationale en matière d’information.

J’en viens aux deux-roues non motorisés, dont la circulation fait l’objet d’un flou croissant. On leur a réservé des voies en sens interdit, ce qui n’est pas forcément une mauvaise idée, car on voit plus facilement un vélo s’il vient en face que s’il circule du même côté que soi. Le problème est que des comportements un peu anarchiques se développent : on roule sur les trottoirs, croyant à tort que c’est toujours autorisé, ou l’on ne s’arrête pas aux feux rouges. Ne peut-on pas éviter, grâce à une formation à la conduite des deux-roues, que de très mauvaises habitudes ne s’installent d’emblée ?

S’agissant des automobilistes, la proposition de loi que j’ai déposée en vue de rendre obligatoire un examen de santé périodique a déclenché de vives réactions, alors que je ne visais pas les personnes âgées en particulier : on peut être victime, à tout âge, d’un déficit ou d’un handicap ayant des conséquences sur la capacité à conduire. Dans certains pays, tels que les Pays-Bas ou l’Espagne, il existe une vérification périodique de l’aptitude des conducteurs, avec un accompagnement visant à remettre les compétences à niveau. Que pourrait-on faire pour avancer sur ce point dans notre pays ?

M. Jacques Myard. J’aimerais savoir si l’apprentissage d’une plus grande responsabilité quand on se déplace à vélo fait partie des programmes théoriques actuels. En effet, on peut être automobiliste et circuler parfois à vélo ; dans ce dernier cas, il n’y a pas lieu de s’affranchir des règles de conduite.

Que pensez-vous, par ailleurs, des zones partagées qui mêlent automobilistes, cyclistes et piétons ? Elles sont très à la mode, mais elles ne sont pas sans risque.

M. Henri Nayrou. Il a beaucoup été question de principes, mais il ne faudrait pas oublier d’autres facteurs : beaucoup d’accidents se produisent dans la nuit du samedi au dimanche, par exemple, ou au retour de week-end.

Les jeunes doivent pouvoir apprendre, au meilleur coût, les rudiments essentiels pour avoir le droit de conduire une voiture, mais cela ne suffit pas. En suivant une formation sur piste fermée, j’ai ainsi compris que je ne savais pas très bien conduire alors que j’avais le permis. La pré-action, c’est-à-dire l’anticipation, est essentielle : j’ai appris, grâce à cette formation, deux leçons qui m’ont tout le temps servi par la suite, l’une concernant le rayon de courbure, l’autre la position des mains sur le volant.

Même si tout le monde ne peut pas bénéficier, pour des raisons de coût, d’une formation en circuit fermé, comment pourrait-on organiser un « après-permis de conduire » ? Je rappelle que le but de cette mission d’information n’est pas seulement d’établir un état des lieux, mais aussi de formuler des préconisations.

M. Philippe Malpièce. La conduite sans permis, voire sans formation, est un véritable fléau auquel la réponse ne saurait être unique : on se heurte non seulement au problème des délais, mais aussi à la question des moyens financiers disponibles, ainsi qu’à des difficultés liées à la notion d’apprentissage.

Les délais de présentation font l’objet d’un chantier considérable sur lequel nous travaillons d’arrache-pied avec la Délégation à la sécurité et à la circulation routières (DSCR). C’est une question complexe, car les inspecteurs du permis de conduire sont des agents de l’État, jouissant en tant que tels d’un statut. Ils consacrent une partie de leur temps à l’examen du permis de conduire, mais ils ont aussi d’autres missions. Selon l’organisation de leur temps de travail, les délais d’attente peuvent varier de plusieurs semaines à plusieurs mois, au niveau départemental, à l’issue d’un premier échec à l’examen.

Nous souffrons, par ailleurs, d’un problème de communication : on imagine, à tort, qu’il suffit de vingt heures de leçons de conduite pour obtenir le permis. Or, la moyenne nationale est de 32 heures par élève. Les auto-écoles ont, en outre, une obligation de résultat à l’examen : il n’est donc pas question de présenter tous les élèves dès lors qu’ils ont suivi un certain nombre d’heures de cours. C’est à l’enseignant de dire au candidat s’il peut se présenter à l’examen en fonction de son degré de préparation.

Sur ce point, il conviendrait de modifier un texte de 1991 aux termes duquel il faut avoir suivi au minimum vingt heures de conduite. Je rappelle qu’il n’y avait pas de rollers, ni de skateboards en circulation à cette époque : les usagers de la route et des trottoirs ont bien changé depuis vingt ans.

M. le président Armand Jung. Si je comprends bien, vingt heures de cours ne suffisent plus.

M. Philippe Malpièce. L’examen du permis de conduire a été revu aussi bien dans sa partie théorique que dans sa partie pratique. Il y a de nouvelles notions à apprendre.

M. le président Armand Jung. De combien d’heures a-t-on besoin ?

M. Philippe Malpièce. Comme je l’ai indiqué, la moyenne nationale est de 32 heures.

M. Jean-Pascal Assailly. Sans instaurer un permis spécifique pour le vélo, on pourrait s’inspirer de l’expérience de pays très portés sur les deux-roues : le Royaume-Uni, le Danemark, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces pays ont instauré des formations obligatoires qui sont très bien conçues et qui produisent de très bons résultats.

En étudiant les accidents impliquant des véhicules à deux-roues et à quatre roues, on s’aperçoit, par ailleurs, qu’il y a généralement eu un problème de communication et de compréhension : l’automobiliste n’a pas vu le vélo, alors qu’il faisait attention, parce que les usagers ont des logiques, des vitesses et des trajectoires différentes. Il faut travailler sur cette question, aussi bien chez les conducteurs que chez les cyclistes, au titre de la protection des usagers vulnérables.

La question de l’examen de l’état de santé de l’automobiliste se pose effectivement, mais j’y apporterai une réponse différente : tous les pays qui ont tenté de mettre en œuvre un dépistage médical ont fini par abandonner cette solution dont le coût pour la société est supérieur au bénéfice réalisé en évitant quelques accidents. Les Espagnols, par exemple, sont en train de revenir en arrière alors qu’ils étaient allés très loin dans ce domaine. Compte tenu de l’importance des faux positifs et des faux négatifs, la prédiction des accidents ne repose pas sur des bases suffisamment solides, au plan scientifique, pour qu’on puisse écarter de la route certaines personnes. Ce type de mesure s’accompagne, en outre, d’une augmentation du nombre d’accidents impliquant des piétons et des cyclistes, ainsi que de phénomènes de désocialisation et de dépendance.

Pour améliorer la situation, les chercheurs s’accordent pour recommander une amélioration du travail des médecins traitants : ils ne sont pas assez formés dans ce domaine et ils ne se préoccupent pas suffisamment des problèmes que peuvent rencontrer, en matière de conduite automobile, les patients âgés et les personnes souffrant de certaines pathologies. C’est par un dialogue entre la famille, le médecin traitant et le sujet lui-même qu’on peut résoudre le problème, et non par des mécanismes de dépistage obligatoire.

M. Michel Schipman. Pour compléter les propos de Philippe Malpièce, je tiens à rappeler que la formation au permis de conduire est individualisée. On peut souhaiter que le permis soit obtenu plus rapidement, mais il ne faut pas oublier ces deux éléments essentiels que sont la personnalité des candidats et les compétences individuelles.

Dans ces conditions, la question des délais ne peut être envisagée qu’une fois la formation terminée : il s’agit de savoir dans quel délai on peut se présenter à l’examen et, en cas d’échec, quand on peut se représenter. Certains candidats, en particulier ceux qui sont très disponibles, obtiennent le permis un mois seulement après leur inscription dans une auto-école, mais ce n’est pas envisageable pour ceux qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou qui ne disposent pas de beaucoup de temps libre pour leur formation.

J’en viens aux zones de rencontre, qui ont été créées en août 2008. Comme vous l’avez indiqué, ce sont des « zones de partage » où le piéton et le cycliste invitent la voiture. Alors que l’autoroute est un espace consacré aux véhicules roulant vite, à l’exclusion des moins rapides, la ville appartient plutôt aux piétons et aux cyclistes. On pourrait songer à en exclure l’automobiliste, mais ce n’est pas socialement envisageable à grande échelle. D’où la nécessité des zones de rencontre. La notion de partage de l’espace entre piétons, cyclistes, automobilistes et motocyclistes doit être introduite lors des cours théoriques, à la faveur d’une discussion entre élèves : il faut mettre en commun les expériences, faire appel à des témoignages et étudier des cas précis d’accident.

S’agissant des problèmes de comportement à vélo, je rappelle qu’il n’y a pas une partie de la population qui roulerait uniquement à vélo, une autre en voiture et une troisième à moto : bien souvent, les cyclistes sont aussi des automobilistes. C’est donc à l’occasion du permis le plus facilement admis au plan social, à savoir le permis de conduire automobile, qu’il conviendrait d’améliorer la formation – et autrement que sous la forme de questions du type : « dois-je laisser passer le vélo ? ».

Je le répète : il faut améliorer la formation des jeunes conducteurs par des prestations théoriques dépassant largement le cadre de la seule conduite automobile : c’est la question du partage global de l’espace qui est en jeu.

M. Marc Meunier. La question des délais est complexe, car elle fait intervenir trois types d’acteurs dont les modes de fonctionnement sont distincts : les candidats, dont la formation est plus ou moins longue et qui sont plus ou moins motivés ; l’école de conduite, qui choisit de présenter tel candidat à tel moment ; et enfin les personnels de l’État – en l’occurrence, les inspecteurs du permis de conduire – dont le nombre est limité.

Dans ces conditions, il faudrait parvenir à distinguer le temps de formation et le délai de présentation d’un candidat prêt, mais sans place d’examen. Or, nous n’en sommes pas capables pour le moment : il faudrait examiner tous les dossiers, école de conduite par école de conduite. Nous nous attachons donc, pour notre part, à suivre le délai entre deux présentations à l’examen du permis de conduire, et non le délai entre l’inscription dans une école de conduite et une première présentation à l’examen.

J’ajoute que les candidats ayant opté pour l’apprentissage anticipé de la conduite doivent consacrer une année à leur formation pratique avant de pouvoir passer l’examen. Les délais peuvent donc être relativement longs avant une première présentation, mais pour une bonne raison. Ce qui préoccupe nos concitoyens, c’est le délai dans lequel ils peuvent se présenter une nouvelle fois à l’examen en cas d’échec.

Ce délai, que nous suivons de manière très précise depuis un an, est d’environ 75 jours, avec des variations parfois importantes – il s’élève à 50 jours dans certains départements, mais il peut dépasser 100 jours dans d’autres départements, notamment en région parisienne. Dans chaque département, tout dépend, par ailleurs, des écoles de conduite : le système actuel d’attribution des places d’examen permet aux écoles qui ont de bons résultats d’obtenir plus facilement des places, ce qui réduit leurs délais par rapport aux autres écoles.

J’en viens aux formations post-permis, pour lesquelles nous avons déjà des idées assez précises : il s’agirait, en particulier, d’insister sur des points qui ne sont pas abordés, faute de temps, lors de la préparation au permis de conduire – comme on ne peut pas tout faire, la priorité est naturellement d’apprendre à manier le véhicule et de comprendre les situations de conduite.

Des formations ultérieures pourraient ainsi porter sur les habitudes de conduite et sur les modes de vie. Il conviendrait, par ailleurs, de mieux faire prendre conscience des risques : il faut les détecter et les analyser afin de mettre en place des stratégies pour y faire face. Un travail de développement des capacités d’auto-évaluation serait également utile : chaque conducteur doit être conscient de ses points forts et de ses points faibles, ainsi que des erreurs et des infractions qu’il a déjà commises. Tout cela permettrait d’aider les jeunes conducteurs à améliorer leur comportement.

Suivant l’exemple offert par certains pays étrangers, les formations post-permis pourraient comporter trois moments : un travail sur piste, tout d’abord, dont le but ne serait pas d’apprendre à conduire sur une piste mouillée ou sur une simulation de verglas, car cela pourrait conduire à un sentiment de confiance excessif et finalement néfaste, mais plutôt d’apprendre à éviter ce type de danger et de prendre conscience des risques de certaines situations ; à cela pourraient s’ajouter un test sur route, pour réaliser un diagnostic de conduite, ainsi qu’une discussion en salle sur les habitudes d’utilisation du véhicule.

Dans ces différentes phases, il me semble que le travail devrait avoir lieu en groupe pour favoriser les échanges et pour permettre à chacun de déchiffrer le comportement des autres. J’ajoute que de telles formations pourraient durer entre six et huit heures, du moins dans un premier temps.

Reste à savoir s’il convient d’instaurer une obligation et comment financer le dispositif. Des assureurs ont déjà essayé d’instaurer de telles formations, mais ils ont éprouvé beaucoup de difficultés pour mobiliser les jeunes, malgré la « carotte » qui était offerte sous la forme d’une réduction de leur prime d’assurance.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Pouvez-vous revenir sur les exemples étrangers de formation continue ? Que fait-on concrètement ?

M. Marc Meunier. L’expérience n’a pas été très probante en Norvège, où l’accent avait été mis sur le travail sur piste. En faisant des jeunes concernés des experts en situation dangereuse, on a suscité un climat de sur-confiance plutôt négatif en fin de compte. Il conviendrait plutôt d’apprendre à éviter les dangers et à les anticiper. L’enseignement des réflexes nécessaires exigerait, au demeurant, des formations très lourdes.

Un travail est aussi en cours en Autriche, mais je n’ai guère d’informations à ce stade. Jean-Pascal Assailly pourrait sans doute vous répondre plus précisément, car il a beaucoup travaillé sur cette question.

M. Jean-Pascal Assailly. Le dossier est prêt au plan scientifique. Après avoir examiné ce que font des pays tels que la Suisse, l’Autriche et l’Allemagne, nous connaissons les contenus et les méthodes qu’il conviendrait de développer ; nous savons aussi comment améliorer la formation des formateurs.

Je serais donc tenté de dire que le dossier n’est plus entre nos mains. Lorsque nous l’avons présenté aux services du Premier ministre, ces derniers nous ont répondu qu’il s’agissait d’une très bonne idée, mais que les caisses de l’État étaient vides et que le contexte était plutôt de rendre le permis moins cher. On a nous alors suggéré de nous tourner vers les assurances.

M. le rapporteur. Pouvez-vous nous dire qui assure le financement du dispositif à l’étranger ?

M. Jean-Pascal Assailly. Il existe plusieurs systèmes, mais une partie est toujours prise en charge par le jeune lui-même, dans le cadre de formations obligatoires.

M. le rapporteur. Quel est le public concerné ? S’agit-il des jeunes conducteurs à la fin de leur période probatoire ?

M. Jean-Pascal Assailly. Il s’agit des conducteurs novices. En général, il s’agit effectivement des jeunes, mais l’âge n’est pas le critère retenu.

M. le président Armand Jung. Avez-vous une idée précise du surcoût occasionné par ces formations après le permis ?

M. Jean-Pascal Assailly. C’est difficile à dire, car tout dépend du nombre d’heures de la formation. Elle dure 48 heures en Suisse, ce qui peut paraître beaucoup. Michel Meunier évoquait une formation d’une seule journée.

M. Loïc Turpeau. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, 50 000 jeunes ont déjà été formés pour un coût de 200 euros, à la charge de la compagnie d’assurance.

Une première journée était consacrée à des opérations de sensibilisation. Un jeune ayant son premier sinistre entre le 3e et le 6e mois suivant l’obtention de son permis de conduire, c’est à ce moment-là qu’il faut intervenir.

Six ou sept mois plus tard, on voyait les jeunes une seconde fois s’ils avaient eu un accident. En effet, tout le monde ne doit pas être mis dans le même panier : entre 80 et 90 % des jeunes n’ont pas d’accident. D’où la nécessité d’une action à la carte.

M. le rapporteur. Comment avait-on connaissance des sinistres éventuels ?

M. Loïc Turpeau. Par l’intermédiaire de la compagnie d’assurance avec laquelle les jeunes signaient un véritable contrat : ils devaient s’abstenir de consommer de l’alcool avant de conduire, ils ne devaient pas prêter leur véhicule, et ils n’étaient pas assurés s’ils ne s’engageaient pas dans un cursus de formation – une demi-journée de sensibilisation avec la sécurité routière, puis un audit de conduite en situation, six ou sept mois plus tard, en cas de sinistre.

J’ajoute que les compagnies d’assurances ont tout intérêt à réduire la sinistralité des jeunes : ils représentent entre 14 et 16 % des assurés, contre 50 ou 70 % des frais remboursés – les autres assurés paient donc pour eux. Compte tenu de la situation financière actuelle et du coût du permis de conduire, c’est vers les compagnies d’assurances qu’il convient effectivement de se tourner. Ce qui a été fait dans ce domaine à une certaine époque produisait d’excellents résultats.

M. Jean-Pascal Assailly. Je crois pouvoir dire que la MAIF et AXA seraient intéressées. Nous travaillons déjà sur la conception des formations post-permis.

M. Lionel Tardy. Il a beaucoup été question des jeunes, mais je tiens à rappeler que la courbe des accidents forme un U : il reste beaucoup à faire pour tenir compte du vieillissement de la population. Les personnes âgées perdent, en effet, certains réflexes, elles ne savent pas toujours comment se comporter dans des configurations nouvelles pour elles, telles que les ronds-points, et les panneaux de la sécurité routière leur posent beaucoup de difficultés

Sans revenir directement sur la question de la capacité de conduire, même si je suis intéressé, le cas échéant, par des précisions sur ce point – certains pays ont instauré un contrôle médical tous les deux ou trois ans –, je voudrais aborder le problème posé par l’octroi à vie du permis de conduire. Les plus de soixante ans ont, eux aussi, besoin de leur véhicule, mais ils sont parfois complètement dépassés par l’évolution du contexte de la conduite depuis l’obtention de leur permis, il y a quarante ans. Que pourrions-nous faire pour eux ?

M. Jean-Pascal Assailly. Je suis tout à fait d’accord avec vous. La vraie question est de savoir comment organiser des formations pour les seniors, plus que d’instaurer un dépistage médical.

Il convient, tout d’abord, de bien comprendre les types d’accidents concernés et d’éviter certaines idées fausses : il arrive qu’une personne de 80 ans tue quatre pompiers en roulant à 180 kilomètres à l’heure sur une autoroute, mais c’est absolument atypique. Les problèmes des personnes âgées sont plutôt de tourner à gauche aux intersections ou d’estimer correctement les vitesses.

Peut-être ne faudrait-il pas accorder à vie le permis, comme vous le suggérez, mais je répète que la solution n’est pas d’exclure les personnes âgées de la circulation, car cela finit par coûter plus cher à la société que cela ne rapporte. Mieux vaut maintenir ces conducteurs sur la route en les entraînant, un peu comme des sportifs. Il existe aujourd’hui une documentation très fournie sur ce qu’on fait à l’étranger en ce domaine.

M. Gérard Voisin. Je suis personnellement sous le choc de trois accidents qui ont coûté la vie, ce week-end, à trois jeunes gens d’une vingtaine d’années.

Au risque de vous surprendre, je suis tenté d’établir une comparaison entre l’apprentissage de la conduite automobile et celui du pilotage dans l’aviation civile. Si le nombre d’heures de formation n’est guère plus élevé dans le dernier cas, c’est que les comportements sont différents : il y a une véritable rigueur dans l’aviation civile. Elle est inculquée par les formateurs et l’on est dans une autre dimension : on ne peut pas se permettre de fantaisie, contrairement à ce que l’on peut observer ailleurs.

Deux des décès que j’évoquais tout à l’heure ont eu lieu en courbe au petit matin. Je le répète : il faut agir sur les comportements en essayant d’imposer plus de rigueur au moment de la formation, puis lors des différents contrôles qui peuvent avoir lieu par la suite.

M. le rapporteur. Je crois qu’il n’y a pas eu de réponse précise à la question portant sur l’opportunité de porter à seize ans l’âge auquel on peut passer le permis de conduire.

M. Jacques Myard. Et pourquoi pas à treize ans ?

M. Jean-Pascal Assailly. Seize ans est l’âge auquel la prise de risque et la recherche de sensations sont maximales. Compte tenu de la psychologie de l’adolescent, il y a de nombreuses raisons de ne pas réduire l’âge minimal pour passer le permis de conduire, mais nous aurons l’occasion d’aborder plus en détail cette question à l’occasion de la table ronde consacrée au problème spécifique des jeunes.

M. le président Armand Jung. Merci à tous pour votre contribution aux travaux de notre mission d’information. Votre expertise et votre franchise nous sont précieuses.

La table ronde s’achève à dix heures trente.

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