Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’information sur les raisons des dégâts provoqués par la tempête Xynthia

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Mercredi 28 avril 2010

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Maxime Bono

– Audition de MM. Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d’assurance, Philippe Poijet, directeur des affaires juridiques et Frédéric Gudin du Pavillon, sous-directeur

Mission d’information
sur les raisons des dégâts provoqués
par la tempête Xynthia

M. Maxime Bono, président. Je salue M. Bernard Spitz, Président de la Fédération française des sociétés d’assurance, organisme important qui regroupe 90% des sociétés d’assurance nationales et 100% des sociétés internationales opérant en France. Je sais combien vous êtes présents pour apporter toute l’aide possible aux victimes de la tempête Xynthia : avec le Rapporteur, nous avons pu constater l’engagement qui était le vôtre lors des premiers contacts à la préfecture de Charente-Maritime. Je vous laisse la parole pour une présentation liminaire de votre action, avant de passer à la phase des questions et réponses.

M. Bernard Spitz. La FFSA a, depuis un an et demi, essayé d’instaurer un nouveau dispositif dans le cas des catastrophes naturelles afin de renforcer sa réactivité et son efficacité : une procédure d’urgence a été mise en place à la suite de la tempête Klaus, les assurés ne devant pas être doublement pénalisés, en premier lieu par la catastrophe, puis par les difficultés rencontrées.

La FFSA a été très présente sur le terrain, dès le week-end où s’est produite la tempête, avec ses correspondants locaux et à la préfecture de La Rochelle avec les pouvoirs publics, afin de prendre la mesure des problèmes et d’étudier la simplification des procédures : en particulier, il a été décidé de ne pas demander aux assurés de transmettre à leur compagnie d’assurance les documents prévus par les contrats dans la mesure où la profession pouvait les réunir et de rallonger les délais de déclaration. Cette décision a eu pour conséquence que certains sinistres ont été signalés tardivement, si bien que les visites des experts ont également été effectuées plus tard.

Il s’agit d’un dispositif très particulier : 500 experts étaient sur le terrain. En Vendée, 100% des sinistrés se trouvant en « zone noire » ont été visités une fois et la moitié deux fois, ce qui représente un effort considérable. On n’a jamais été aussi vite. Une permanence et un standard ont été mis en place afin de répondre aux appels et le site Internet de la FFSA été alimenté en permanence.

Les coûts ont d’abord été évalués à 1,2 milliard d’euros, puis à 1,5 milliard, montant qui a été confirmé.

La procédure des catastrophes naturelles qui a été déclenchée – car Xynthia s’est caractérisée par deux phénomènes conjugués, la marée et la tempête –, a bien fonctionné et correspond aux besoins. Le « fonds Barnier » sollicité pour l’indemnisation des populations en situation dangereuse paraît également être un instrument adapté à la situation, tant pour les principes que pour les montants dont il dispose, même si un toilettage limité des textes parait nécessaire.

L’enjeu majeur étant la prévention des risques naturels (et pas seulement la tempête et les inondations), la FFSA a souhaité que des progrès soient réalisés, notamment dans le sens d’une plus grande rationalisation, car les plans de prévention « inondation » ont montré leurs limites. Les acteurs en matière de risques naturels sont au nombre de trois, qui se complètent mais interviennent séparément : les pouvoirs publics, les assureurs et la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui dispose d’un instrument perfectionné ; il n’est pas justifié que les différents outils utilisés soient séparés. Nous proposons la création d’un observatoire de la prévention pour fédérer ces compétences.

M. Maxime Bono, président. Vous avez bien souligné que les pouvoirs publics, les assureurs et la CCR intervenaient dans les mêmes conditions.

Pouvez-vous nous indiquer quelle sera la part des indemnisations à la charge des assureurs et celle qui relèvera du régime des catastrophes naturelles garanti par l’Etat et géré par la CCR ?

Que pensez-vous de l’opinion développée par la Cour des comptes dans un récent rapport selon laquelle le régime des catastrophes naturelles, qui bénéficie d’une garantie illimitée de l’Etat, aurait un effet de déresponsabilisation des différents acteurs ?

Dans quelle mesure l’observatoire de la prévention que vous appelez de vos vœux permettra-t-il d’améliorer les connaissances locales du risque ?

Quels efforts en matière de prévention les assureurs ont-ils réalisés au cours des dernières années ?

En France la tarification du risque dans les contrats « dommages » des biens immobiliers des particuliers résulte du libre jeu de la concurrence : Considérez-vous qu’elle tienne suffisamment compte de la vulnérabilité des lieux d’implantation ?

M. Bernard Spitz. Le régime de catastrophe naturelle n’est pas financé par l’Etat, mais par les assureurs, et en fait, les assurés : il est prélevé 12% de la prime du contrat d’habitation, dont la moitié est versée à la CCR et l’autre moitié conservée par les assureurs. Le « fonds Barnier » reçoit 12% de ces 12%, soit environ 140 millions d’euros par an. Le montant moyen de la police habitation en France est de 200 euros : près de 20 euros sont donc prélevés en faveur du régime des catastrophes naturelles et 2 euros environ en faveur du « fonds Barnier ».

Jusqu’où peut-on augmenter la prime pour responsabiliser les assurés, peut-on la doubler ? Outre qu’une telle croissance serait scandaleuse pour les particuliers, elle n’aurait pas de sens, dans la mesure où la prime est actuellement en moyenne de 220 euros, alors que le remboursement moyen en cas de sinistre est de 200 000 euros : l’écart est trop considérable. On ne peut fixer de montants « responsabilisants » que pour les assurances souscrites par les entreprises.

M. Frédéric Gudin du Pavillon. Le coût global de Xynthia est de 1,5 milliard d’euros, dont 800 millions d’euros pour les sinistres causés par le vent (garantie tempête), et 700 millions d’euros pour les sinistres dus aux inondations (régime catastrophes naturelles). Pour les inondations, les dégâts ont été plus importants par sinistre, mais moins nombreux sur l’ensemble du territoire. En ce qui concerne le nombre des sinistres, 90% sont imputables au vent, soit 350 000 sinistres et 10 % dus aux inondations, soit 40 000 sinistres.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Quel est l’intérêt du régime des catastrophes naturelles pour l’assuré ? En effet, parfois certaines clauses du contrat ne s’appliquent plus en raison de la mise en œuvre de ce régime, ce qui laisse penser que le régime de catastrophes naturelles est défavorable pour les assurés.

M. Frédéric Gudin du Pavillon. La prime de 25 à 30 euros par an en moyenne qui alimente le régime des catastrophes naturelles permet à l’assuré de se couvrir contre tous les aléas naturels (sauf les effets du vent), ce qui est un prix abordable. La garantie tempête et le régime des catastrophes naturelles sont calés sur le périmètre assuré dans le cadre de la garantie dommages souscrits par l’assuré. La couverture des risques est donc large et le prix abordable.

M. Bernard Spitz. Le régime des catastrophes naturelles permet une mutualisation des risques pour l’ensemble de la population ; il s’agit d’un système très protecteur qui fonctionne bien. On pourrait imaginer un système plus libéral. A ce propos, la Fédération a constaté pour la première fois que les assurés avaient compris que le coût élevé de la tempête pouvait avoir une répercussion sur leur prime d’assurance ; certains ont indiqué sur des blogs qu’ils n’étaient pas prêts à payer un surcoût pour ceux qui prennent des risques en s’installant dans des zones dangereuses, ce qui montre les limites de la mutualisation : celle-ci est légitime tant que les risques pris ne sont pas excessifs.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. L’intérêt collectif du régime de catastrophe naturelle est bien perçu et il n’est pas envisageable de le remettre en cause ; toutefois, certains assurés s’interrogent, au sein de nos cellules de médiation, au sujet de certaines prises en charge prévues au contrat qui ne sont plus possibles du fait de la déclaration de catastrophe naturelle.

M. Philippe Poijet. Le régime des catastrophes naturelles porte sur les dommages matériels directs, il est attaché aux événements que nous venons de citer ; il n’y a donc pas de suppression de garanties prévues au contrat à propos d’autres événements.

M. Bernard Spitz. Il est parfois difficile de faire comprendre aux particuliers ce qui relève du vent et ce qui relève du régime de catastrophe naturelle.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Il n’est pas si évident que toutes les garanties soient maintenues : je vous apporterai des cas précis.

M. Bernard Spitz. Transmettez-nous les contrats qui vous paraissent poser problème et nous les étudierons.

Mme Marie-Line Reynaud. Fournissez vous une aide aux sinistrés pour faciliter leurs démarches ? Allez-vous assurer les propriétaires d’habitations situées dans des zones noires qui ne veulent pas les quitter ? Quelles solutions sont-elles proposées aux personnes qui se retrouvent sans logement ? En cas d’incendie, le relogement est prévu pour 6 mois : en sera-t-il de même dans le cas de Xynthia ? Quelles mesures de prévention sont-elles mises en œuvre pour l’avenir ?

M. Bernard Spitz. Afin d’aider les sinistrés, nous avons décidé de ne pas leur demander les documents qu’ils auraient dû normalement fournir, telle que l’attestation de la vitesse du vent ; en outre, il a été mis en place une convention entre les assureurs afin d’éviter les recours entre eux et de limiter les retards. L’indemnisation des petits sinistres est effective dans un délai de trois mois. Des avances sont faites sans attendre les évaluations définitives en cas de situations personnelles très difficiles.

Des experts sont constamment sur place et le site de la FFSA fournit des conseils en temps réel.

La création des zones a créé une situation nouvelle et complexe. Le classement n’a aucune incidence sur les assureurs : les contrats d’assurance sont antérieurs à la création des zones. Quelle que soit la zone, si la maison est détruite, le remboursement sera effectué sur la base de sa valeur. Si elle est endommagée, l’indemnisation doit permettre sa remise à neuf.

On doit distinguer deux cas. Dans le cas d’un accord amiable avec l’Etat, il n’existe plus aucun problème d’assurance, puisque les intéressés partent. En l’absence d’accord conduisant à contentieux, les assureurs paieront ce qu’ils doivent payer ; l’emploi de cet argent par les assurés sinistrés relève de leur responsabilité. Ceux-ci seront assurés tant qu’ils font des recours. Il demeure une question à laquelle je ne peux répondre actuellement : celle de savoir quelle est la situation de quelqu’un qui a perdu tous ses recours et qui peut être expulsé.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Du fait de l’expropriation, l’Etat devient propriétaire.

M. Bernard Spitz. Oui, s’il n’existe pas de délai de latence entre l’expropriation actée et le dernier recours.

En ce qui concerne la prévention, La FFSA a réalisé des études rétrospectives qui figurent sur son site : le coût depuis 20 ans des catastrophes naturelles s’élève à 30 milliards d’euros. Si l’on ne prend aucune mesure, il atteindra dans les 20 prochaines années 60 milliards d’euros, car le coût par sinistre augmente et certains événements deviennent récurrents.

La politique de prévention n’est pas adaptée : les plans de prévention des inondations n’ont pas été pris dans toutes les zones à risque, ceux qui existent sont parfois incomplets ou obsolètes. Il existe également des disfonctionnements entre le contenu de ces plans et la gestion par les élus des permis de construire.

Les pouvoirs publics, comme la CCR, ont développé des instruments de prévention, qu’il conviendrait de mettre en commun afin de disposer d’un instrument de référence, les acteurs concernés devraient se regrouper afin de mener une politique de prévention moderne. D’ores et déjà, la CCR dispose d’un instrument « luxueux » et efficace en la matière. Le conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs présidé par M. Christian Kert, député, pourrait y être associé.

Il faudra également édicter des normes de construction, comme cela est le cas pour les séismes, et réaliser un calcul économique afin d’optimiser les choix zone par zone.

M. Dominique Souchet. Après la phase d’évaluation caractérisée par la simplification des procédures et la présence des experts sur le terrain, allez-vous faire des efforts sur les remboursements et dans quel délai ? Vous avez précisé que les petits sinistres seraient indemnisés dans un délai de trois mois : jusqu’à quel montant est-ce un « petit » sinistre ? La question des délais est importante pour les personnes qui accepteront un accord amiable car le « fonds Barnier » ne sera mobilisable qu’après le versement des assurances. Je souhaiterais que vous me précisiez si le régime des catastrophes naturelles est géré par la CCR.

M. Bernard Spitz. La somme alimentant le régime des catastrophes naturelles - égale à 12% de la prime versée pour le contrat d’assurance habitation - est versée pour moitié à la CCR et est conservée pour moitié par les assureurs.

Le remboursement des dommages inférieurs à 2 000 euros sera effectué dans un délai de 3 mois. Pour les autres sinistres, l’indemnisation interviendra dans le mois qui suit le rapport final ; beaucoup ont déjà été remboursés.

M. Dominique Caillaud. Dans le cas d’accord amiable, le remboursement aura lieu sur la base de la valeur avant la tempête : il s’agit donc de la valeur de la reconstruction et non pas de valeur vénale ; qu’en sera-t-il de la différence entre la valeur de reconstruction et la valeur du marché ? Pendant la période de contestation des « zones noires ou jaunes », les tarifs seront-ils maintenus ?

Mme Claude Darciaux. Étant donné la recrudescence des catastrophes naturelles et la nécessité de mettre en œuvre des mesures préventives, les assureurs rembourseront-ils les travaux réalisés dans les habitations à cette fin ? Il arrive que des inondations se produisent trois fois au même endroit : il vaudrait donc mieux que les travaux de prévention soient encouragés.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Ne serait-il pas plus avantageux pour les assureurs de participer aux travaux de protection collective qui permettraient de limiter les risques ?

M. Bernard Spitz. En ce qui concerne les remboursements, dans le cas d’accord amiable, l’assurance rembourse un montant y, alors que la valeur du bien est d’un montant x plus élevé : « le fonds Barnier » intervient à hauteur de la différence. Il ne sera pas retenu de coefficient de vétusté dans les « zones noires » non pourvues de plan de prévention.

S’agissant des travaux de prévention, le contrat tient déjà compte de certains éléments (par exemple, la présence d’une portée blindée), dans la limite du montant assurable, ce qui permet une diminution des tarifs. Les travaux de protection contre les inondations seront également pris en compte ; toutefois, cela aura une portée plus grande dans les assurances souscrites par les entreprises en raison de montants plus importants.

Enfin, les contrats ne seront pas modifiés dans les « zones noires » ; les zonages établis n’ont pas d’incidence sur les contrats.

M. Jacques Bascou. Dans les « zones jaunes », si une vente est réalisée, le contrat sera modifié.

M. Bernard Spitz. Cette modification dépend du jeu de la concurrence.

M. Jacques Bascou. Pour réaliser des travaux de protection, il faut recourir à l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Quant à l’expropriation, elle peut durer 10 ans, comme j’ai pu le constater dans ma circonscription.

M. Jean-Louis Léonard, rapporteur. Une précision à propos de l’indemnisation des zones à prescription (par exemple en cas de PPRI) : si ces zones sont créées après la construction d’une habitation, c’est le «  fonds Barnier » qui est sollicité.

En ce qui concerne le relogement, peut-il y avoir un accord sur une indemnisation dans un délai de 6 mois, ce qui est prévu par exemple dans le cas d’un incendie. Le fonds d’aide au relogement d’urgence (FARU) va indemniser au delà de 6 mois.

M. Bernard Spitz. La plupart des contrats ne le prévoyant pas, il en résulterait une grande disparité. Nous sommes dans un univers concurrentiel où beaucoup d’assureurs font des gestes commerciaux, mais pas sur les mêmes éléments : si bien que les assureurs de la FFSA ne veulent pas adopter de position commune, mais au contraire garder leur propre spécificité. Ce jeu de la concurrence permet les meilleurs tarifs. En fait, une proportion importante des assureurs a assuré le relogement.

Un autre problème du même type peut se poser : faut-il supprimer la franchise ? Le faire systématiquement conduirait à supprimer cette possibilité et donc à augmenter les coûts. Plutôt que de systématiser, mieux vaut laisser au marché la possibilité de jouer son rôle.

M. Maxime Bono, président. Je vous remercie de vos précisions qui ont éclairé la mission ; peut-être nos échanges continueront-ils avec l’envoi de questions écrites de notre part.

—fpfp—