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Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé

Jeudi 20 décembre 2007

Séance de 10 heures 45

Compte rendu n° 07

Présidence de M. Gilbert Barbier, sénateur, Vice-président
puis de M. Pierre Méhaignerie, député, Président

– Examen du cahier des clauses particulières modifié de l’étude sur la prise en charge psychiatrique en France (étude du Sénat ; M. Alain Milon, rapporteur)

– Choix du prestataire concernant l’étude sur le dépistage individuel et le traitement du cancer de la prostate (étude de l’Assemblée nationale ; M. Bernard Debré, rapporteur)

Examen du cahier des clauses particulières modifié de l'étude sur la prise en charge psychiatrique en France.

Après avoir rappelé que le précédent appel d’offres pour l’étude du Sénat sur la prise en charge psychiatrique a échoué, faute de candidature dans les délais impartis, M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président, a indiqué qu’un nouveau cahier des charges doit être validé par l’Office pour lancer l’étude au début du printemps 2008.

M. Alain Milon, sénateur, rapporteur, a précisé que le marché ouvert au mois de septembre, pour lequel sept dossiers avaient été retirés au secrétariat de l’Office, a été déclaré infructueux par la décision de questure du 14 novembre 2007, l’unique candidat n’ayant pas déposé son offre dans le délai légal du 15 octobre 2007.

En conséquence, un nouveau cahier des charges a été rédigé en vue de relancer cette étude. Le sujet de la prise en charge psychiatrique a été conservé mais recentré sur quatre thèmes : la place de la psychiatrie dans la santé mentale des Français, l’organisation des soins psychiatriques, le rôle des soignants et des familles de malades et le financement de la prise en charge. Il s’agit de dresser un état des lieux de la situation de la France dans ces domaines avant d’envisager des propositions d’amélioration qui pourraient être élaborées par un groupe de travail spécifique.

Sous réserve de l’approbation de ce second cahier des charges par l’Opeps, l’appel à candidatures relatif à l’étude pourrait être publié en janvier en vue de permettre le choix du prestataire d’ici le mois de mars 2008, l’objectif étant d’en présenter les conclusions au mois de décembre 2008.

M. Bernard Cassou, membre du conseil d’experts, a estimé que l’expression « santé mentale » utilisée dans le cahier des charges de l’étude n’est pas adaptée car trop vague et susceptible d’interprétations variables.

M. Alain Milon, sénateur, rapporteur, a précisé que l’étude portera bien sur la psychiatrie et non sur la santé mentale, et a proposé de modifier les termes du cahier des charges en conséquence.

M. Bernard Cassou a ensuite proposé que l’étude se limite aux psychoses, mais M. Gilbert Barbier, sénateur, président, a considéré qu’il en résulterait une limitation excessive du champ de l’étude.

M. Alain Milon, sénateur, rapporteur, a déclaré partager cette analyse afin que l’étude porte sur l’organisation de la prise en charge psychiatrique et non sur les pathologies elles-mêmes.

M. Philippe Cléry-Melin, membre du conseil d’experts, a estimé que l’étude du Sénat devra insister sur les modalités de la prise en charge psychiatrique, qui varient considérablement d’une région à l’autre. Par exemple, à Paris, où le nombre de psychiatres s’élève à 90 pour 100 000 habitants, soit dix fois plus que dans le Nord-Pas-de-Calais, les lits d’hospitalisation sont moins nombreux qu’ailleurs car les médecins y ont moins recours à ce type de prise en charge. De même, l’hospitalisation de jour, dont le guide méthodologique qui date de 1987 est désormais obsolète, doit être repensée dans la plupart des régions, où elle est devenue l’un des seuls moyens d’accéder aux soins. Concernant les addictions à l’alcool et aux drogues, il a rappelé qu’une enquête récente prouve un lien entre les situations de chômage et ces maladies. Or, les besoins de prise en charge des pathologies addictives sont actuellement loin d’être couverts.

M. Pierre Méhaignerie, député, président, a indiqué que la prise en charge de malades mentaux sortis des hôpitaux psychiatriques constitue une difficulté majeure pour les maires qui sont confrontés à ces situations.

A titre d’exemple, M. Philippe Cléry-Melin a indiqué que la ville de Valenciennes ne compte que cinq psychiatriques, dont deux prochainement en retraite, ce qui rend difficile le suivi des malades par la médecine de ville.

M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président, a souhaité savoir si l’étude traitera également de la pédopsychiatrie.

M. Alain Milon, sénateur, rapporteur, a préféré qu’elle se limite à la prise en charge des adultes.

M. Philippe Cléry-Melin a fait valoir que la frontière entre la psychiatrie et la pédopsychiatrie n’est pas toujours évidente à déterminer, notamment en matière de prise en charge des adolescents. En outre, le pédopsychiatre est confronté à de nombreuses remises en question, s’agissant en particulier du dépistage précoce des dysfonctionnements, tels que l’autisme, chez l’enfant. A cela s’ajoute une difficulté réelle d’accès aux soins : à l’hôpital Robert Debré, le temps d’attente pour une consultation en pédopsychiatrie atteint désormais un an.

M. Bernard Debré, député, a fait valoir que ce constat est le même pour la plupart des spécialités médicales.

M. Philippe Cléry-Melin s’est interrogé sur les conséquences des méthodes de soins sur la prise en charge en psychiatrie. Afin que le point de vue des différentes écoles soit entendu par l’Opeps, il a proposé la tenue d’auditions publiques pendant la durée de l’étude. Il a également souhaité que l’étude puisse aborder les aspects liés à la gérontopsychiatrie, dont l’ampleur ne cesse de croître du fait du vieillissement de la population et des pathologies qui y sont associées, notamment la dépression du sujet âgé, qui conduit chaque année à de nombreux suicides.

M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président, a fait valoir que la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées ont déjà fait l’objet d’un précédent rapport de l’Opeps, de même que la question du bon usage des médicaments psychotropes.

Après avoir procédé aux corrections rédactionnelles ainsi décidées, l’Opeps a validé le cahier des charges de l’étude sur la prise en charge psychiatrique.

*

Choix du prestataire concernant l’étude sur le dépistage individuel et le traitement du cancer de la prostate.

M. Bernard Debré, député, rapporteur, a tout d’abord expliqué que la question du dépistage du cancer de la prostate se pose aujourd’hui en termes renouvelés, en raison de l’augmentation de ce type de cancer et de l’apparition de nouvelles formes de cancer, touchant des hommes plus jeunes, dès cinquante ans, et plus évolutives. L’analyse des causes de cette progression est encore incomplète. L’alimentation exerce sans doute une influence sur le nombre de cas de cancers observés, ainsi que le montrent les comparaisons avec les taux enregistrés dans les pays asiatiques, où la population consomme davantage de soja, riche en substances phyto-œstrogènes. On sait également que le cancer a une composante génétique dans 10 % à 40 % des cas, et certaines études tendent à montrer que les cas héréditaires de cancer de la prostate se manifestent de plus en plus tôt d’une génération à l’autre. L’âge des patients pour lesquels un cancer de la prostate est diagnostiqué a une grande influence sur le choix des traitements proposés : le cancer de la prostate étant d’évolution lente chez les patients âgés, il est possible d’assurer dix à vingt ans d’espérance de vie après le diagnostic à une personne de soixante-dix ans sans recourir à un traitement chirurgical. Pour les patients plus jeunes, les options thérapeutiques sont plus réduites. Les incertitudes thérapeutiques sont accrues, même en ce qui concerne les traitements chirurgicaux, pour lesquels on a pu constater des cas de résurgence de sécrétions hormonales prostatiques plusieurs années après l’ablation complète de l’organe. Le développement des formes atypiques de cancers de la prostate, qu’il convient de détecter le plus en amont possible, explique l’intérêt accru que l’on porte aujourd’hui à la question du dépistage.

M. Bernard Debré, député, rapporteur a ensuite indiqué qu’à la suite de la décision de l’Opeps en septembre dernier de demander la réalisation d’une étude sur le dépistage individuel et le traitement du cancer de la prostate, un appel à candidatures a été lancé dans le cadre d’une procédure de marché public autorisée par le Collège des Questeurs de l’Assemblée nationale. La publicité en a été assurée par le Bulletin officiel des annonces de marchés publics (BOAMP) ainsi que sur différents sites internet spécialisés en économie de la santé. Cinq offres sont parvenues au secrétariat de l’Opeps avant l’expiration du délai prévu dans le règlement d’appel d’offre.

Les offres reçues sont d’un montant très variable et apparaissent d’une qualité hétérogène. Sur le plan méthodologique, plusieurs candidats ont présenté des propositions prévoyant l’utilisation de bases de données déjà préexistantes, complétées dans certains cas par des enquêtes de terrain. De fait, la taille des échantillons de population constitués varie, selon les offres, de plusieurs milliers d’individus à quelques centaines, avec un impact direct sur la représentativité attendue pour les résultats des traitements statistiques. Les échantillons les plus représentatifs ont été réunis par l’Association française d’urologie (AFU) dont l’offre repose sur l’exploitation d’un certain nombre de programmes de recherche engagés sur le sujet, notamment l’étude européenne ERSPC (European Randomised Study of Screening for Prostate Cancer), de deux cohortes constituées par le réseau des registres du cancer FRANCIM ainsi que de la base de données de l’observatoire commun des maladies prostatiques, associant l’Assistance publique des hôpitaux de Paris et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. On observe également des disparités en ce qui concerne la taille et les références des équipes réunies par les candidats autour de l’étude, l’équipe la plus prestigieuse ayant été rassemblée par l’Association française d’urologie, qui prévoit la participation de plus d’une dizaine de spécialistes de niveau universitaire.

En ce qui concerne les prix des offres proposés par les candidats, ils varient, après renégociation avec tous les candidats, dans une proportion de 1 à 3, seules deux offres étant inférieures au plafond budgétaire de l’Opeps. L’échelle des prix n’est pas corrélée avec la qualité des offres. Le facteur principal de différentiation des prix tient à la présence de bases de données préexistantes, qui est un facteur certain d’abaissement des coûts – le candidat le plus dépourvu de ce point de vue a ainsi présenté l’offre la plus élevée – mais la maîtrise des coûts d’enquête de terrain a aussi un impact : les coûts affichés pour cette partie de l’étude varient dans une proportion de un à dix.

Au total, l’offre la plus intéressante du point de vue de la qualité et du prix est celle présentée par l’Association française d’urologie.

M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président, s’est inquiété de savoir si les prises de position de l’Association française d’urologie en faveur du dépistage du cancer de la prostate ne pourraient pas influencer les conclusions de l’étude remise à l’Opeps sur le dépistage et sur les stratégies de traitement.

M. Bernard Debré, député, rapporteur a expliqué que l’étude vise à établir un état des lieux des pratiques de dépistage ainsi que des parcours de soins et de leurs coûts, et n’a pas pour objet de trancher la question de l’intérêt thérapeutique à organiser un dépistage systématique du cancer de la prostate, ceci étant du ressort de deux enquêtes actuellement en cours en Europe et aux Etats-Unis. Il a précisé que si l’AFU préconise un dépistage annuel et individuel du cancer de la prostate, fondé sur une information éclairée du patient et un examen biologique et clinique dès l’âge de cinquante ans, elle ne recommande pas, en l’absence de données épidémiologiques suffisantes et validées, de dépistage systématique de masse.

M. Bernard Cassou, membre du collège d’experts, a rappelé que la question de l’opportunité d’un dépistage organisé du cancer de la prostate a déjà été étudié par l’organisme prédécesseur de la Haute autorité de santé, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation des soins (ANAES), qui n’avait pas conclu positivement sur ce sujet.

M. Gilbert Barbier, sénateur, vice-président, a demandé si la position des autorités sanitaires étrangères sur ce sujet serait étudiée.

M. Bernard Debré, député, rapporteur a indiqué que la proposition de l’AFU prévoit une revue bibliographique, mais que le format de l’étude ne permettrait pas de faire précisément le point sur les démarches d’évaluation engagées dans les autres pays sur cette question controversée.

M. Claude Le Pen, membre du collège d’experts, a fait valoir que sans préjuger des résultats de l’étude, l’Opeps pouvait être amené à émettre, à partir de ceux-ci, des recommandations pour l’amélioration des pratiques de dépistage.

M. Pierre Méhaignerie, député, président, a proposé que les recommandations adoptées par l’Office le soient à l’issue d’une procédure contradictoire donnant aux tenants de chaque thèse la possibilité de faire valoir leurs arguments.

M. Bernard Debré, député, rapporteur a proposé qu’un débat soit organisé après la remise de l’étude scientifique, entre des experts de la Haute autorité de santé et de l’AFU, sur les conclusions que l’on peut tirer des résultats de l’état des lieux.

À l’issue de ce débat, l’Office a conclu, sur proposition du rapporteur de l’étude, au choix de l’offre présentée par l’Association française d’urologie, qui a recueilli la meilleure note au regard des deux critères d’appréciation (qualité de l’offre et prix).