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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 12 juillet 2007

1ère séance
Séance de 9 heures 30
8ème séance de la session
Présidence de M. Rudy Salles

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

TRAVAIL, EMPLOI, POUVOIR D’ACHAT (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

M. Jean-Louis Idiart – Rappel au Règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 2. Madame la ministre, le texte que nous examinons n’est pas sans résonance dans l’actualité. Plutôt que de découvrir dans la presse spécialisée des informations qui nous concernent directement, et qui relèvent également des rapports entre l’Élysée et certains ministères, nous aimerions que vous nous exposiez le contenu de la lettre de mission que le Président de la République vous a adressée, et qui n’est pas sans lien avec ce texte puisqu’elle semble concerner des questions relatives au salariat et au fait de travailler certains jours. Au-delà des questions constitutionnelles générales, fournir ces informations, comme celles qui se rapportent à la réunion de Bruxelles où vous avez accompagné le Président de la République, serait une marque de considération envers la représentation nationale.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l’emploi Je m’engage volontiers à le faire tout à l’heure, Monsieur le député, pour ce qui, dans cette lettre de mission, entretient un rapport manifeste avec le texte que nous examinons. J’ai d’ailleurs rendez-vous avec M. le Premier ministre afin d’évoquer cette lettre de mission, dont j’ai en effet pris connaissance hier ; je vous prie donc de m’excuser par avance de devoir pour cette raison m’absenter de l’hémicycle entre 9 h 50 et 10 h 40 environ.

APRÈS L’ARTICLE PREMIER

M. Jacques Myard – Nous avons évoqué, au cours de la discussion générale, la question du cumul entre emploi et retraite, véritable course de haies pour les jeunes retraités désireux de travailler un jour, deux jours ou six mois dans telle ou telle entreprise et que des dispositions malthusiennes empêchent de le faire, au détriment de l’économie nationale.

Mon amendement 171 a trait au personnel navigant de cabine, dont la situation est plus que paradoxale : alors que les pilotes de ligne peuvent, eux, travailler jusqu’à 60 ans – voire jusqu’à 65 ans, comme le leur permettent les recommandations de l’Organisation internationale de l’aviation civile, sous réserve qu’ils en possèdent l’aptitude physique –, tout se passe comme si ces personnels étaient obligés de prendre leur retraite à 55 ans, car il leur est alors impossible de voler. Le procédé de reclassement au sol qui leur est proposé est illusoire, dans la mesure où les compagnies aériennes n’ont en réalité guère besoin de personnel supplémentaire au sol. Ils sont ainsi amenés, quand bien même ils veulent travailler et y sont physiquement aptes, à prendre leur retraite sans toujours bénéficier du nombre de points nécessaire, même en étant indemnisé pendant deux ou trois ans au titre de l’assurance chômage. Il y a là une injustice flagrante. C’est pourquoi je demande la suppression des deux dernières phrases de l’article L. 421–9 du code de l’aviation civile.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances  La commission est défavorable à cet amendement, pour la raison générale que j’ai dite hier matin dès le début de notre discussion : modifier le code du travail – ou, en l’occurrence, les dispositions du code de l’aviation civile qui s’y apparentent – est hors de propos.

M. Jacques Myard - C’est un peu court !

Mme la Ministre – Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Permettez-moi toutefois de préciser que le régime de retraite de cette catégorie de salariés relève des questions qui seront évoquées à la rentrée lors d’une conférence relative au plan « Seniors » lancé par M. Gérard Larcher et repris par M. Xavier Bertrand.

M. Jacques Myard - J’entends bien, mais le temps presse ! Les personnels dont il s’agit sont littéralement débarqués – c’est le cas de le dire ! – du fait, je le répète, d’une injustice patente dès lors que les pilotes de ligne, qui exercent pourtant des responsabilités importantes, ne sont pas soumis aux mêmes conditions. Les principes, Monsieur le rapporteur général, sont une grande chose, mais Clemenceau n’en disait-il pas que l’on s’y appuie, jusqu’à ce qu’ils cassent ! (Sourires) Nous devons prendre nos responsabilités, avoir le courage de modifier une loi contraire à l’intérêt de celles et ceux qui souhaitent travailler au bénéfice de l’économie nationale. Je maintiens donc mon amendement.

M. Michel Bouvard – Cet amendement soulève des questions plus générales, qui nécessitent une concertation au sein de notre groupe.

Je sollicite donc une suspension de séance et vous prie de m’excuser du léger retard qui affectera par conséquent nos travaux.

M. le Président – Cette suspension est de droit.

La séance, suspendue à 9 heures 40, est reprise à 9 heures 50.

L'amendement 171, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Éric Jalton - Le Premier ministre ayant, lors de son discours de politique générale, affiché un objectif de 5 % de chômeurs en France, nous aimerions que cet objectif soit également valable pour l’outre-mer.

L’amendement 252 vise à exonérer de cotisations sociales, en Guadeloupe et à la Martinique, les agriculteurs propriétaires de terrains contaminés par le chlordécone, quelle que soit la taille de l’exploitation, et pour toute la durée de la décontamination. Privés de revenus à cause de cette véritable catastrophe environnementale, ces agriculteurs sont en outre confrontés à des contentieux inextricables.

Pesticide longtemps utilisé dans les bananeraies pour lutter contre le charançon, le chlordécone est un polluant organique persistant, qui se dégrade difficilement et peut s’avérer très toxique. Classé cancérigène dès 1979, il n’a été interdit qu’en 1993.

Cette pollution est aujourd’hui présente dans d’anciennes terres bananières rendues à la culture vivrière, et contamine les produits qui y sont cultivés. Une quinzaine de sources d’eaux de captage sont ainsi polluées, alors même que le premier capital de la Guadeloupe, dont le nom originel est Karukera, « l’île aux belles eaux », est l’or bleu.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été chargée d’évaluer l’exposition de la population antillaise au chlordécone et de fixer des limites maximales de contamination des denrées. Depuis les arrêtés des 5 et 10 octobre 2005 du ministère de l’économie et des finances, sont ainsi considérés comme impropres à la consommation humaine un certain nombre de produits d’origine animale et végétale dont les teneurs en chlordécone sont trop importantes.

La solidarité envers ces agriculteurs est nécessaire pour maintenir leur pouvoir d’achat durant la décontamination de leurs exploitations.

M. le Rapporteur général – La commission a conscience de l’extrême gravité du problème, mais elle a émis un avis défavorable, considérant que l’exonération de charges n’est pas le bon moyen de le résoudre.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiquesLa commission des affaires économiques a travaillé sur le sujet en 2005 et préconisé que l’État verse une aide aux agriculteurs dont les terrains sont pollués. En outre, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, M. Baroin avait annoncé une indemnisation pour les agriculteurs amenés à détruire leurs récoltes ou à abandonner leurs productions en cours ; il serait bon qu’on en reparle dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2008.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourismeS’agissant d’un problème majeur pour ce département, le FEADER – Fonds européen pour l’agriculture et le développement rural – sera mobilisé pour la reconversion des exploitations touchées. À cet effet, le ministre de l’agriculture a écrit le 21 juin dernier au préfet de la Martinique – et cela concerne également la Guadeloupe – pour lui demander la mobilisation de ces crédits. Enfin, les exploitations inférieures à 40 hectares sont déjà exonérées. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de l’amendement ou, à défaut, son rejet.

M. Victorin Lurel - Je voudrais que chacun soit conscient de la catastrophe que subit l’ensemble de la Caraïbe. En Guadeloupe, ce sont plus de 5 000 hectares, sur 40 000, qui sont pollués par ces produits. Nous allons perdre des emplois.

Les reconversions, les diversifications sont désormais inadéquates. Les chercheurs ont montré que, les pesticides remontant dans la sève, les bananes – production majeure de la Guadeloupe et de la Martinique – ne sont plus à l’abri de la contamination. Le taux de prévalence du cancer de la prostate, du cancer du sein et des malformations congénitales est le plus élevé au monde. Une catastrophe est en cours !

Lors d’une séance au conseil général de Guadeloupe, des militants de tous bords sont venus manifester contre l’inertie de l’État. Il y a bien eu une mission d’information, mais elle a plus divisé que réuni. Le ministère de la santé a refusé de la recevoir, et ni le service des douanes ni celui de protection des végétaux n’ont été entendus, si bien que la recherche en responsabilité n’a pu être effectuée ! Dix ans après, l’existence de filières de produits interdits comme le Kepone, en provenance des États-Unis, n’a pu être élucidée.

M. Bussereau, alors ministre de l’agriculture, avait promis des indemnisations, mais nous avons vu ces promesses fondre : ce sont seulement les récoltes détruites qui seront indemnisées, alors que les terres seront gelées pour 516 ans ! Répondant à la pression de l’opinion publique, l’ensemble des parlementaires de l’outre mer, au-delà de leurs clivages politiques, exigent que l’État s’engage plus avant et qu’une commission d’enquête parlementaire soit créée afin de faire la lumière sur les filières. Les services de l’État continuent de délivrer des communiqués mensongers sur la non contamination de l’eau, mais leur responsabilité, comme celle des distributeurs, est engagée. Personne, pourtant, ne veut évoquer le sujet, et à chaque fois, on nous renvoie aux calendes grecques en nous conseillant de dormir tranquilles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. le Président – Monsieur Jalton, eu égard à l’engagement du Gouvernement, retirez-vous votre amendement ?

M. Éric Jalton - Je le maintiens.

M. le Président - Je le mets donc aux voix.

M. Victorin Lurel - La réponse du Gouvernement est insuffisante ! Le ministre a évoqué la loi d’orientation pour l’outre-mer, qui prévoit qu’au-delà de 40 hectares pondérés – soit 10 hectares de bananiers si l’on applique le coefficient – les cotisations patronales doivent être acquittées. Or nous avons déjà perdu plus de 800 exploitations, la plupart dépassant les 10 hectares. Nous voulons donc que l’article L. 762-4 du code rural exonère les exploitations jusqu’à 100 hectares pondérés – soit 25 hectares.

Nous souhaitons qu’un signal fort soit adressé à l’opinion publique antillaise, et même métropolitaine, car dans le cas du Régent, qui a fini par être interdit et contre lequel M. de Villiers avait manifesté dans les rues du Puy-du-Fou, les agriculteurs ont été indemnisés et des mesures d’accompagnement prises. Pourquoi cette discrimination à l’égard de l’outre-mer ?

M. le Secrétaire d'État - Le ministre de l’agriculture est, j’y insiste, tout à fait conscient du problème, et a donné instruction aux préfets concernés pour mobiliser des crédits du FEADER.

L'amendement 252, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Bouvard - Le retour ou la poursuite d’une activité pour les retraités ne s’effectue pas toujours dans l’esprit de la loi votée en 2003 : dans un certain nombre de cas, les cotisations sont anormalement élevées eu égard aux ressources complémentaires tirées de l’activité. Mon amendement 390 vise donc à modifier le code de la sécurité sociale afin que les taux de cotisation soient mieux adaptés.

M. le Rapporteur général – La commission n’a pas retenu cet amendement, dans la mesure où le sujet sera examiné au cours du rendez-vous « retraites ».

M. le Secrétaire d'État - Il s’agit d’une question importante. Alors que notre pays connaît un taux d’activité des seniors anormalement bas, le Gouvernement, après le plan mis en place par M. Larcher, continue de se mobiliser pour permettre aux plus de 55 ans de retrouver une activité. Le sujet sera bien évoqué lors du rendez-vous « retraites » et du PLFSS. En attendant, je souhaite donc le retrait de l’amendement.

M. Michel Bouvard – Soit, mais je voudrais auparavant citer l’exemple d’une personne, retraitée d’une usine de production chimique où elle a acquis un savoir–faire en matière de sécurité, a décidé de monter une micro-entreprise spécialisée dans ce domaine : elle doit s’acquitter, dès la première année, d’un forfait de 840 euros auprès de la CIPAV, alors que les revenus de l’entreprise n’excèdent pas 2 500 euros. Nous nous trouvons bien devant une situation d’urgence.

L’amendement 252 est retiré.

M. Éric Jalton – Le postulat « travailler plus pour gagner plus » se révèle totalement inopérant dans les quatre départements d’outre-mer, où l'évolution du marché de l'emploi est particulièrement préoccupante. Le taux de chômage, qui atteignait en 2006 27,3 % en Guadeloupe, 29,1 % à la Martinique et 25,2 % en Guyane a augmenté respectivement de 1,3, de 3,5 et de 2,6 points, tandis qu’à la Réunion cependant, il régressait pour la première fois sous la barre des 30 %. En Guadeloupe, 58,4 % des actifs de moins de 25 ans sont au chômage, et ce malgré les dispositifs du congé solidarité mis en place en 2000. Par ailleurs, la hausse des prix dans les DOM est supérieure à celle enregistrée dans l’hexagone, en raison de l'augmentation des prix de l'énergie, du logement et des transports.

La priorité en matière de lutte contre le chômage est de permettre aux jeunes diplômés de travailler. Si la relance de nos économies insulaires passe par les mesures contenues dans la loi de programme pour l'outre-mer, la crise de l'emploi y revêt de telles proportions qu'il est urgent de renforcer le dispositif d'exonération des cotisations, dès lors que le salarié est un jeune diplômé d'études supérieures, demandeur d'emploi depuis plus de six mois.

L’amendement 250, qui vise donc à amplifier cet instrument de lutte contre le chômage des jeunes, devrait, de manière concomitante, contribuer à améliorer le pouvoir d'achat d'un public fragilisé par l'insularité et l'exiguïté du marché du travail. Il s’agit de donner un signe à nos populations et particulièrement à notre jeunesse qui n’entend pas travailler plus, mais travailler tout court.

M. le Président – Cela vaut-il défense des amendements 251 et 365, qui sont voisins ?

M. Éric Jalton - Tout à fait.

M. le Rapporteur général – Je rappelle que le dispositif d’exonération de charges patronales spécifique à l’outre-mer a donné des résultats positifs.

La commission a rejeté ces amendements pour des raisons techniques : l’exonération de charges disparaîtrait pour les salariés déjà présents dans l’entreprise si leur salaire dépassait 1,3 fois le SMIC ; la condition de diplôme risque par ailleurs de rejeter les salariés non diplômés dans des trappes à bas salaires.

Puisque la commission d’évaluation des charges patronales, instaurée sous la précédente législature, a porté une appréciation positive sur le dispositif actuel, je propose d’en rester là pour le moment.

M. le Secrétaire d'État - Le Gouvernement partage votre volonté d’adresser un signal fort à l’outre-mer, et le Président de la République s’est d’ailleurs engagé à instaurer un dispositif global de zones franches économiques.

Vous savez qu’une réflexion est en cours au sein de la commission nationale chargée d’évaluer l’application de la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2003, ainsi qu’un audit de modernisation sur les évaluations de charges spécifiques à l’outre-mer. Désireux que cette question soit traitée de façon globale, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption d’amendements de cette nature dans le présent projet de loi.

M. Victorin Lurel – Comment pouvez-vous nous demander d’attendre les conclusions de cette commission, dont les travaux n’ont d’ailleurs pas été portés à notre connaissance, alors que vous avez modifié le droit en vigueur en réduisant la participation de l’État au congé de solidarité, destiné à favoriser le départ à la retraite de salariés âgés de plus de 55 ans en contrepartie de l’embauche de jeunes de moins de 30 ans ? À l’occasion de la loi de finances pour 2007, vous nous aviez expliqué que ce dispositif fonctionnait bien, et pourtant vous avez réduit la participation de l’État de 60 % à 50 %.

Face à la gangrène du chômage, c’est l’équivalent moral d’une guerre qu’il faut mener, au lieu de poser un cautère sur une jambe de bois ! Nous devons instaurer un système de discriminations positives en faveur des jeunes diplômés en chômage de longue durée, qui ont fait l’effort de se former et qui regardent passer avec amertume le train de l’emploi. Il faut aller au-delà de votre philosophie libérale, qui considère l’emploi comme le simple croisement de deux courbes, celle de l’offre et celle de la demande de travail. Sinon, vous laisserez les jeunes diplômés d’outre-mer sombrer dans la désespérance, voire l’agitation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

L’amendement 250 mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 251 et 365.

M. Roland Muzeau – L’amendement 137 concerne les astreintes, dont le régime avait été clarifié par la seconde loi Aubry afin d’éviter qu’il soit contourné par certains employeurs. Quoique peu contraignantes, car l’employeur pouvait imposer unilatéralement des astreintes contraignantes en l’absence d’accord de branche étendu ou d’accord d’entreprise tout en décidant des compensations accordées au salarié, sous forme financière ou sous celle d’un repos, ces garanties étaient sans doute trop protectrices pour ceux qui souhaitaient assimiler les astreintes à du temps de repos.

La majorité UMP a donc profité de la loi Fillon de 2003 pour remettre en cause la jurisprudence Dalkia en modifiant l’article L. 212–4 bis du code du travail. Exception faite de la durée d'intervention effective, la période d'astreinte est désormais décomptée des durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire. Oui, tout est décidemment possible avec l’UMP : même d’être considéré comme en repos alors qu’on doit rester en état d’alerte, mobilisable à distance raisonnable de son employeur !

L’amendement 137 tend à supprimer ces dispositions, qui ont valu à notre pays un rappel à l’ordre du comité de la Charte sociale du Conseil de l'Europe dans une décision du 4 mai 2005.

M. Alain Cacheux – Très bon amendement !

M. le Rapporteur général – La commission a rejeté cet amendement, comme elle a rejeté toute proposition de modifier le code du travail.

M. le Secrétaire d'État - La loi du 17 janvier 2003 a permis de clarifier la situation du salarié, obligé de demeurer à son domicile ou à proximité, mais qui n’a pas été appelé à intervenir : la période d’astreinte est dans ce cas assimilable au repos. Cet amendement n’entrant pas dans le champ du présent texte, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis – J’aimerais parfois que l’on parle un peu plus positivement des entreprises. Certains évoquaient hier le faible nombre d’entreprises « vertueuses », d’autres les conditions de travail « épouvantables » des salariés… Comment voulez-vous, dans ces conditions, donner l’envie aux jeunes de créer leur entreprise ? Malgré votre manque de considération pour eux, nous avons besoin des entrepreneurs pour créer des emplois et de la richesse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean-Claude Sandrier - La considération, ça se mérite !

M. Roland Muzeau – D’une clarté biblique, la jurisprudence de la Cour de Cassation vous gênait. Vous avez donc profité d’une loi pour la supprimer en imposant des conditions très dommageables aux salariés en position d’astreinte. Voilà où nous en sommes.

Vous vous plaignez de l’appréciation que nous portons sur l’entreprise, Monsieur le rapporteur, mais ce n’est pas nous qui avons inventé l’expression « patrons voyous » : c’est un certain Jacques Chirac, alors président de la République !

M. François Brottes – Sarkozy l’a même reprise !

M. Roland Muzeau – Au Sénat, mes collègues ont pu citer nombre d’exemples démontrant à quel point certains employeurs se soucient peu de leurs employés, allant parfois jusqu’à déménager pendant le week-end… Je ne loge pas tous les patrons à la même enseigne, mais quand je dis qu’il y a peu d’entreprises vertueuses en matière de salaire et d’égalité entre hommes et femmes, les statistiques sont malheureusement là pour confirmer mes dires !

L'amendement 137 mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Dans la grande majorité des cas, le temps partiel ne correspond pas à un choix des salariés, mais à l’application de logiques de flexibilité et de rentabilité de l’entreprise. Les travailleurs moins qualifiés, mais aussi les femmes en général, sont ainsi livrés à la précarité, notamment dans la grande distribution.

Une étude récente de la DARES rappelle que la catégorie des employés est sur-représentée dans le salariat à temps partiel, alors que seuls 8 % des cadres travaillent sous ce mode. En outre, une étude européenne relève que le temps travaillé des femmes est globalement supérieur à celui des hommes, si l’on ajoute au travail effectué à l’extérieur les tâches domestiques, qu’elles assument toujours majoritairement. En vue de tendre vers une meilleure égalité et de préserver les salariés de nouveaux abus, notre amendement 139 rectifié vise à requalifier le contrat à temps partiel en contrat à temps complet en cas de recours abusif de l’employeur aux heures complémentaires. Et ne me répondez pas que la jurisprudence de la Cour de cassation est suffisamment protectrice, car elle ne résout rien en la matière.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Le code du travail dispose expressément que le recours aux heures complémentaires ne peut avoir pour effet de porter la durée effective du travail au niveau de la durée légale ou conventionnelle. Les salariés à temps partiel sont de ce fait déjà protégés d’une utilisation abusive des heures complémentaires. D’autre part, l’objet du présent article est bien d’inciter les employeurs à conclure des contrats de travail à temps complet – sauf demande contraire du salarié –, puisqu’il est prévu que, si les heures complémentaires sont visées par l’exonération de cotisations sociales, seules les heures supplémentaires correspondants à des temps complet ouvriront à la réduction forfaitaire de cotisation patronale, à hauteur de 0,50 € pour les entreprises de plus de 20 et d’1,50 € pour les moins de 20 salariés.

M. le Secrétaire d'État – Avis défavorable, pour les mêmes raisons. Le code du travail comporte déjà des clauses anti-abus et un arrêt récent de la Cour de cassation – 14 juin 2006 – a rappelé que les heures complémentaires ne pouvaient avoir pour effet de porter de manière permanente la durée effective du travail au niveau du temps légal ou conventionnel.

L'amendement 139 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L'article L. 212-4-3 du code du travail dispose que « le refus d'effectuer les heures complémentaires proposées par l'employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ». Il s’agit d’une disposition importante, dans la mesure où le salarié n’est évidemment pas placé dans une situation d'égalité par rapport à son employeur. La liberté de consentir est largement entamée par le poids du chômage et l'immédiateté des pressions intérieures et extérieures à l'entreprise. Il importe donc de protéger le salarié contre toute forme de chantage.

L'employeur ne peut invoquer, en cas de refus du salarié d'effectuer des heures complémentaires, une faute constituant un motif de licenciement. Cette disposition protectrice doit toutefois être élargie, car elle vise seulement le refus d'exécuter des heures complémentaires au delà du dixième de l'horaire prévu au contrat. Lorsque les heures complémentaires sont proposées dans la limite d'un dixième de l'horaire prévu au contrat, le salarié peut les refuser, à condition que le délai de prévenance de trois jours n'ait pas été respecté.

Nous savons tous la situation faite aux personnes majoritairement contraintes de travailler à temps partiel. Les horaires de travail sont éclatés et les plages horaires trop larges. Il leur est donc particulièrement difficile d'organiser leur vie, d'articuler leur activité professionnelle avec leur contraintes familiales et leurs aspirations personnelles. Nous savons également que les employeurs – de manière intentionnelle ou non, nécessité économique oblige – ont tendance à s'affranchir de ce délai de prévenance, lequel a du reste été assoupli par la récente loi sur le développement des services à la personne. Notre amendement vise à lever toute ambiguïté quant aux motifs permettant aux salariés de refuser des heures complémentaires. Il demande que même dans les limites autorisées par le contrat de travail, le salarié soit libre de refuser d'exécuter des heures complémentaires.

M. le Rapporteur général – Rejet. Le code du travail fixe très précisément les règles du jeu et le salarié demeure tout à fait libre de refuser des heures complémentaires au-delà de ce qui est prévu au contrat. De même, les salariés à temps complet sont libres de refuser les heures supplémentaires proposées au-delà du contingent de 220 heures, dites « heures choisies », et qui seront couvertes par l’exonération de charges sociales.

M. le Secrétaire d'État Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement 140, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – Notre amendement 217 vise à inciter les employeurs à proposer de travailler plus à ceux qui en ont le plus besoin, soit les travailleurs à temps partiel plus ou moins librement choisi. À cet effet, il demande que l’accord collectif de travail fixe les conditions dans lesquelles les salariés à temps partiel imposé doivent se voir proposer en priorité des heures complémentaires.

M. le Rapporteur général – Défavorable. Nous en avons déjà débattu hier soir et nous sommes tous convenus que, dès lors que l’activité de l’entreprise permet un surcroît de travail, la priorité doit être donnée aux salariés à temps partiel.

Mme Michèle Delaunay – Mais c’est un vœu pieux !

M. le Secrétaire d'État – Chacun est libre, en demandant un avenant à son contrat de travail, de demander à travailler plus. Et il ne serait sans doute pas judicieux de se substituer aux salariés eux-mêmes comme aux employeurs pour ce qui relève de l’organisation interne des entreprises.

M. François Brottes – Nous avons là deux réponses assez contradictoires. Notre rapporteur général, que je remercie de ne pas se renier, semble soutenir notre amendement…

M. le Président – Je n’ai pas entendu cela ! (Sourires)

M. François Brottes – …puisqu’il se dit convaincu de la nécessité de donner la priorité aux temps partiels. M. Chatel présente une tout autre approche puisqu’il met en avant la liberté du salarié à temps partiel de demander à travailler plus. Mais si les heures complémentaires n’entrent pas dans le champ de toutes les exonérations, comment espérer que le chef d’entreprise donne la priorité aux salariés à temps partiel ? Alors que notre pays compte beaucoup trop de travailleurs à temps partiel subi, les dispositions que vous nous soumettez auront l’effet pervers de créer un nouvel effet d’aubaine en faveur de ceux qui ont déjà les positions les mieux assurées. Et puis, franchement, Monsieur le ministre, je ne crois pas que l’on puisse dire que l’on porte atteinte à la liberté d’organisation du travail à l’intérieur des entreprises en demandant aux employeurs de faire un effort particulier pour les salariés à temps partiel subi.

M. Jean-Charles Taugourdeau, rapporteur pour avis – Je ne suis pas insensible aux arguments des auteurs de l’amendement, mais on ne peut pas demander au chef d’entreprise d’aller recruter à l’extérieur alors que certains de ses salariés – qu’il connaît, et n’a pas besoin de former – sont demandeurs d’heures supplémentaires !

Mme Michèle Delaunay – Il ne s’agit pas de recruter mais de permettre aux salariés à temps partiel subi présents dans l’entreprise d’accéder enfin à un revenu décent !

M. le Secrétaire d'État – Un mot pour préciser à M. Brottes que, contrairement à ce qu’il a déclaré tout à l’heure, les heures complémentaires sont bien visées par les dispositions du présent article.

M. François Brottes - Ce que nous demandons, ce que les salariés à temps partiel subi soient prioritaires, car ce sont eux qui ont le plus besoin de travailler pour vivre, et, parfois, hélas, simplement pour survivre tant bien que mal !

L'amendement 217, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Notre amendement 142 vise à protéger le salarié qui refuserait d'exécuter les heures supplémentaires proposées par son employeur.

En effet, contrairement à ce que vous vous plaisez à laisser croire, les salariés ne sont pas libres de travailler plus ou moins, ils ne négocient pas d'égal à égal avec leur employeur leur temps de travail – ni leur salaire. Le thème du code du travail qui enserre et du contrat qui libère est développé pour accréditer l’idée de l'inutilité de la législation sociale, mais la liberté dont on parle tant n’est ici que pure fiction. Comme le souligne Philippe Waquet, « le contrat de travail est la seule convention qui établisse une relation de subordination entre les parties : le salarié doit obéir au patron ».

S'agissant des heures supplémentaires, la jurisprudence a confirmé que le refus sans motif valable – telles des obligations familiales dûment justifiées – de les accomplir pour effectuer un travail urgent constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, et même dans certains cas une faute grave. Si nous sommes d’accord pour qu'un salarié volontaire puisse effectuer ponctuellement des heures supplémentaires proposées par l’employeur, nous voulons que cela relève de son choix ; il nous paraît donc indispensable de préciser que son refus ne constitue pas une faute ni un motif de licenciement. Cette garantie ne nuirait en rien à votre dispositif.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Cet amendement vise, lui aussi, à modifier le code du travail. Or le système actuel est équilibré : il faut donner à l’entreprise les moyens de faire face à des « coups de feu », d’où l’affirmation d’un principe qui est néanmoins, comme vous l’avez dit vous-même, atténué par la jurisprudence, laquelle reconnaît la validité de certains motifs de refus. On peut compter aussi sur le bon sens de la plupart des employeurs.

M. le Secrétaire d'État – Le législateur a donné aux partenaires sociaux la possibilité de négocier, par branche ou par entreprise, le contingent d’heures supplémentaires. Cela assure aux salariés une protection contre les demandes injustifiées des employeurs. Le Gouvernement est hostile à la remise en cause de ce système.

M. Alain Vidalies – Nous ne proposons pas la remise en cause d’un principe, mais l’instauration d’une protection minimale pour le salarié. Lorsqu’il s’agit de la liberté du chef d’entreprise, vous ne tolérez aucune limite, mais lorsqu’il s’agit de restreindre les droits des salariés – on le verra bientôt à propos du droit de grève –, vous êtes beaucoup plus empressés !

Nous proposons par notre amendement 271 d’appliquer aux heures supplémentaires les limitations qui existent déjà dans le code du travail pour les heures complémentaires. Qu’y a-t-il d’extravagant à demander qu’on respecte la vie privée du salarié, en l’informant suffisamment à l’avance du jour où il devra effectuer d’heures supplémentaires, et en acceptant comme motif de refus des obligations familiales impérieuses ou le suivi d’un enseignement ?

M. le Rapporteur général – Rejet, pour les raisons que je viens d’indiquer.

M. le Secrétaire d'État – Même position.

M. François de Rugy – Je voudrais apporter mon soutien à ces amendements ; Mme Billard en avait d’ailleurs déposé un dans le même sens. On parle beaucoup de liberté, mais il faut respecter celle du salarié qui ne souhaite pas faire d’heures supplémentaires ! Pensons à celui – souvent une femme – qui s’est organisé pour travailler quatre jours par semaine et qui, si on lui demande de travailler plus, sera obligé de payer quelqu’un pour garder ses enfants, et donc perdra du pouvoir d’achat au lieu d’en gagner !

M. Roland Muzeau – Je ne peux accepter la réponse de M. le secrétaire d’État : il ne s’agit pas ici de questions qui relèvent des négociations de branche, mais de la relation entre les salariés – qui ont droit à une vie personnelle – et leur employeur.

M. Francis Vercamer – Cette discussion m’étonne un peu : ceux qui aujourd’hui proposent de modifier le code du travail nous disaient il y a quelques mois qu’il ne fallait surtout pas y toucher sans passer par les partenaires sociaux…

M. Alain Vidalies – Proposez donc le retrait du projet !

M. le Rapporteur général – Quand on a réduit autoritairement le temps de travail en passant de 39 à 35 heures, on a en général provoqué une exacte compensation en heures supplémentaires, sans que celles-ci soient mieux rémunérées. A cette époque, nul n’a réclamé de modifier le code du travail. Pourquoi lancer ce débat à propos d’heures supplémentaires qui, elles, seront mieux rémunérées ? Un peu de cohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Delaunay – Ces derniers jours, nous avons entendu répéter comme une antienne que le Président Sarkozy tenait ses engagements. Or durant la campagne présidentielle, il a affirmé à maintes reprises qu’il voulait que celui qui souhaite travailler plus puisse le faire. La loi contredit totalement cet objectif, puisque rien n’est laissé à la liberté du travailleur – il ne peut choisir ni de ne pas faire d’heures supplémentaires, ni d’en faire. Cela seul devrait suffire à nous convaincre de voter cet amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

L’amendement 142 , mis aux voix, n’est pas adopté, non plus que l’amendement 271.

M. Roland Muzeau – L’amendement 143 tend à supprimer l'article L. 212-6-1 du code du travail, qui a introduit dans notre législation sociale les heures choisies, singulier concept laissant croire qu'il existerait « un nouveau monde » de rapports de parfaite égalité entre l'employeur et ses salariés. Nous le redisons, cette liberté n'est qu'une fiction juridique.

Créées par la loi de mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise votée à l’initiative des députés UMP Ollier, Novelli et Morange, ces heures «choisies» présentent un fabuleux avantage pour l’employeur : elles échappent au régime de droit commun des heures supplémentaires. Ces heures travaillées au delà du contingent d'heures supplémentaires – porté de 130 à 180 heures grâce à M. Fillon – contournent en outre deux autres obstacles : l'autorisation de l'inspecteur du travail et le droit à un repos compensateur obligatoire.

Certes, ces heures ne peuvent être imposées et la loi les subordonne à l'existence d'un accord collectif de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement ainsi qu’à un accord entre l'employeur et le salarié. Le Medef rêvait de cette individualisation des relations de travail. Il s'est réjoui de la loi de 2005 et se félicite à nouveau aujourd'hui « que l'on aille à la vitesse de l'entreprise » : des heures supplémentaires et complémentaires quasiment gratuites pour les patrons, donnant lieu à une majoration de 10 % à 25 % et ouvrant droit, surtout, à d'avantageuses exonérations de cotisations !

Demain, toujours au nom de l'emploi, du travail et du pouvoir d'achat, vous défendrez avec ardeur la liquidation du SMIC, la fin de la durée légale fixée par la loi, que sais-je encore… Modernité, me direz-vous ? Permettez-moi de vous rappeler ce que disait déjà en 2005 Olivier Favereu, professeur d’économie : « Regardés de près, ces deux slogans, “travailler plus pour gagner plus” et “rétablir la liberté de choix”, sous couvert de modernité et de flexibilité, trahissent une vision de l'économie qui fleure bon le dix-neuvième siècle. »

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement. Je suis en désaccord total avec vous, Monsieur Muzeau : les heures choisies sont un progrès pour le salarié. Vous êtes en pleine incohérence. Il y a un instant, vos collègues se plaignaient que le refus d’effectuer des heures supplémentaires puisse être un motif de licenciement. Avec les heures choisies, ce risque disparaît. De surcroît, ces heures entrent dans le champ de l’exonération défini à l’article premier. Elles constituent donc un véritable progrès !

M. le Secrétaire d'État – Étonnante contradiction en effet : il y a quelques instants, vous insistiez pour que le salarié ait le choix, et à présent vous contestez le fait qu’il ait le choix, au-delà du contingent, d’effectuer des heures choisies ! La loi du 31 mars 2005 est un progrès, et le Gouvernement n’entend pas la remettre en cause.

M. Lionel Tardy – Voilà une heure que je vous écoute, Monsieur Muzeau. En tant que jeune chef d’entreprise, j’aimerais vous rappeler qu’il n’y a pas que les entreprises du CAC 40 ! Dans la plupart des 1 600 000 PME-TPE de France, les relations humaines, fondées sur la proximité entre le chef d’entreprise et les salariés, font converger les intérêts des uns et des autres autour d’un même projet, aux antipodes de la logique financière (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Renforcer la cohésion sociale et préserver la vitalité économique de nos régions, c’est aussi organiser le marché du travail en prenant en considération les réalités actuelles et l’exigence d’une compétitivité accrue. Accepter de faire évoluer certaines règles et reconnaître que flexibilité peut aussi rimer avec emploi, c’est sans doute s’engager dans une voie fructueuse pour peu qu’on le fasse dans un esprit de dialogue et sans dogmatisme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Morange - Rapporteur de la loi de 2005, dont la gauche et les syndicats avaient dit pis que pendre à l’époque, je me permets de rappeler qu’elle avait déjà bénéficié, six mois après sa parution au Journal officiel, à près de 2 millions de salariés.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Roland Muzeau – Nos débats servent aussi à écouter. Je vous ai dit tout à l’heure que les heures choisies présentaient un fabuleux avantage pour l’employeur, celui d’échapper au régime de droit commun des heures supplémentaires. Ce sont des heures travaillées au-delà du contingent des heures supplémentaires…

M. Christian Jacob – Cela, vous l’avez déjà lu !

M. Richard Mallié - Il faut certes écouter, mais aussi éviter de se répéter !

M. Roland Muzeau – C’est pédagogique ! (Sourires) Du reste, le candidat Sarkozy ne s’est pas privé de se répéter à la télévision pendant la campagne électorale, et vous reprenez maintenant mot à mot tous ses propos : c’est tout aussi fatigant ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Ce dispositif avait un autre avantage : celui de contourner l’inspection du travail et le droit au repos compensateur obligatoire. Avouez que ce n’est pas négligeable pour l’employeur !

L'amendement 143, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Méhaignerie Tout texte législatif doit être précédé d’une étude d’impact. Au-delà de l’étude d’impact collective que représente la campagne présidentielle, je me suis donc attaché à en conduire une sur un bassin d’emploi industriel. J’ai constaté que les salariés attendent beaucoup de la défiscalisation des heures supplémentaires. Le rapport Delors sur l’étude du CERC observe en effet qu’au cours des dernières années, le salaire indirect a beaucoup plus progressé que le salaire direct. La France est au deuxième ou au troisième rang européen pour le coût horaire du travail, mais au dixième ou onzième rang seulement pour le salaire direct – du fait des charges sociales pesant sur le travail.

Pour répondre à cette attente des salariés, il y a d’abord la croissance. Il y a eu aussi la prime pour l’emploi. Je rappelle d’ailleurs que, s’il n’y a pas eu de coup de pouce sur le SMIC, il y en a bien eu un sur les bas salaires, via cette PPE, en 2007 – grâce à elle, un salarié au SMIC a vu son pouvoir d’achat augmenter de 2,5 %, et la PPE permettra encore, demain, de concilier compétitivité des entreprises et revalorisation des salaires.

Pour améliorer le pouvoir d’achat, on peut également maîtriser la progression des impôts locaux et remettre en question les rentes de situation de secteurs qui font payer cher leurs services. Le rapport Rueff-Armand permettra, je l’espère, d’aller dans ce sens.

On peut enfin recourir aux heures supplémentaires. Mais il ne faudrait pas que les secteurs qui ont consenti le plus d’efforts de productivité ces dernières années soient privés de cette possibilité. Nous avons parlé hier des salariés du secteur des transports ; il y a aussi ceux du secteur industriel qui sont passés aux 2x8 ou aux 3x8 pour faire face aux 35 heures. Or on se heurte là aux accords de modulation. Je rappelle que de nombreux accords de branche ne permettent pas de choisir entre repos compensateur et paiement des heures supplémentaires, puisqu’ils imposent la première solution. L’amendement 336 permet de donner le choix aux salariés.

Certes, il existe des accords d’entreprise, mais que se passerait-il dans le cas où les délégués syndicaux s’opposeraient au fait de donner la priorité aux heures supplémentaires sur la modulation et sur le repos compensateur ? Vous parliez hier, Madame la Ministre, d’un texte de liberté : pourquoi donc ne pas donner aux salariés la possibilité de choisir entre le repos compensateur et le paiement d’heures supplémentaires ? Pourquoi ne pas recourir à un référendum d’entreprise ?

M. le Rapporteur général – La commission des finances a accepté l’amendement de M. Méhaignerie, car l’enjeu en est considérable. Étant donné la réduction autoritaire du temps de travail à 35 heures, les entreprises ont dû s’organiser : dans de nombreuses branches ont été signés des accords de modulation permettant une variation sur l’année du cycle de travail ; ainsi, il était possible de travailler davantage – 40 ou 42 heures – certaines semaines moyennant la contrepartie consistant, au titre du repos compensateur, à ne travailler que 30 ou 32 heures au cours des autres semaines, de manière à demeurer dans les limites d’une enveloppe annuelle de 1 607 heures. Nombre de ces accords de modulation ont donc eu pour conséquence concrète de supprimer les heures supplémentaires. Dans la mesure où le paiement des heures supplémentaires présentera désormais un intérêt nouveau, puisque ces heures seront exonérées de charges sociales et d’impôt sur le revenu, il faut que ces accords de modulation puissent être revus, de façon à pouvoir transformer le repos compensateur en heures supplémentaires rémunérées – à condition bien entendu que la charge de travail au sein de l’entreprise, liée au carnet de commandes de celle-ci, le permette.

La commission se demande s’il est obligatoire d’en passer par une modification des accords de branche – comme semble le suggérer l’amendement de M. Méhaignerie –, ce qui supposerait une procédure longue et pesante. N’est-il pas possible de traiter cette question au niveau non des branches, mais de l’entreprise ? Autrement dit, ne peut-on convertir le repos compensateur en heures supplémentaires dans le cadre d’accords de modulation de branche en renvoyant à une négociation d’entreprise, moyen plus facile et plus rapide qu’une intervention du législateur ?

M. Christian Jacob – Très bien !

Mme la Ministre – Après m’en être assurée auprès de mes services, je vous confirme que tous les accords de branche comportent une disposition permettant – pour la plupart dans le cadre de l’entreprise et, pour certains d’entre eux, dans le cadre du contrat individuel de travail – de recourir soit au repos compensateur soit à la rémunération des heures supplémentaires. Il n’est donc pas nécessaire d’en passer par une renégociation des accords de branche pour permettre tant aux salariés qu’aux entreprises de tirer profit des dispositions de l’article premier.

Quant au référendum, il a cours notamment pour la mise en place des contrats d’intéressement au sein de l’entreprise ; il s’agit d’une voie intéressante, qu’il faudra explorer dans le cadre d’autres textes, et qui suppose naturellement une négociation avec les organisations syndicales représentatives, conformément à la loi de janvier 2006.

M. Pierre Méhaignerie – Mais que se passera-t-il, au cours des mois à venir, dans le cas où les accords de branche ne comportent pas une telle possibilité de dérogation et interdisent de choisir entre repos compensateur et heures supplémentaires ? D’autre part, même si l’on revient à un accord d’entreprise, que se passera-t-il en cas de refus des délégués syndicaux ? Pourquoi ne pas expérimenter le référendum d’entreprise, qui constitue la voie la plus démocratique s’agissant d’un sujet aussi essentiel que l’amélioration du pouvoir d’achat ? J’aimerais que nous puissions disposer sur ce point d’un bilan dès la fin de l’année, car je crains que des salariés ne voient déçus les espoirs qu’ils mettent dans ce texte.

Mme la Ministre – Sans doute n’ai-je pas été suffisamment claire : tous les accords de branche actuellement en vigueur donnent la faculté d’opter, dans le cadre d’une renégociation, pour une rémunération des heures supplémentaires plutôt qu’en faveur du repos compensateur. Je retiens par ailleurs l’idée d’une évaluation, en fin d’année, des possibilités ainsi ouvertes aux entreprises en application des accords de branche. Au bénéfice de ces explications, je vous suggère de retirer l’amendement.

M. le Rapporteur général – La nuit dernière, nous avons adopté à l’unanimité un amendement, du reste préparé par nos collègues socialistes, prévoyant une évaluation par entreprise du dispositif relatif aux heures supplémentaires. Ce bilan, annuel, sera soumis au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. S’ajoutant à l’évaluation globale, cette évaluation par entreprise devrait répondre à votre préoccupation, Monsieur Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie – Je ne voudrais pas qu’une fois de plus les ouvriers fassent les frais d’un texte trop rigide (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). C’est pourquoi je souhaite que soit également établi un bilan concernant plus précisément les salariés travaillant aux « 2x8 » et aux « 3x8 ». Cela étant dit, je retire mon amendement.

L’amendement 336 est retiré.

M. Richard Mallié – L’amendement 182 concerne les salariés travaillant le dimanche, qui, pour certains d’entre eux, touchent de ce fait 300 euros supplémentaires par mois, mais qui, demain, risquent de perdre ce supplément de revenu. Madame la ministre, le Président de la République, qui, dans la feuille de route qu’il vous a adressée, fait référence à l’ouverture dominicale, déclarait ce matin sur France Info que ceux qui souhaitent travailler le dimanche doivent rapidement pouvoir le faire sur la base du volontariat. Comment ? La solution ne peut être que législative. L’article 126 du code du travail autorise en effet certaines dérogations, mais ne permet pas à tous les magasins d’ouvrir le dimanche.

La question de l’ouverture dominicale ne se pose en fait que dans les zones agglomérées : des sondages et des études d’opinion ont en effet établi qu’il y a là une demande, de la part de plus de 65 % des habitants – 75 % en Île-de-France. Ailleurs, la mesure ne présente guère d’intérêt, ne serait-ce que parce que les commerçants qui ouvrent le dimanche tiennent eux-mêmes leur magasin. J’ajoute que la grande distribution n’est pas concernée – et ne doit pas l’être à mon avis.

En tout état de cause, les élus locaux et les chambres de commerce et d’industrie doivent être consultés. L’ouverture dominicale suppose aussi, comme je l’ai dit, le volontariat mais également un accord entre partenaires sociaux, un repos compensateur et une contrepartie financière – ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Enfin, il convient qu’il y ait une évaluation au bout de cinq ans, pour apprécier l’intérêt de la mesure à la fois pour l’économie et pour les salariés.

Il y a urgence ! Nous voulons défendre le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat, mais, pour cela, il faut que cesse une situation où les arrêtés préfectoraux sont attaqués et cassés et où l’on va même devant le juge civil pour réclamer amendes et dommages-intérêts. Sont concernées une vingtaine de zones en France : Plan-de-Campagne dans ma circonscription, Vélizy-Villacoublay… D’où mon amendement 182.

M. le Rapporteur général – La commission en a débattu, mais M. Mallié l’a retiré…

Mme la Ministre – J’espère vous convaincre de rééditer ce retrait en séance, Monsieur Mallié !

Il s’agit d’une question extrêmement importante, au regard des trois grands objectifs – plein emploi, croissance et augmentation du pouvoir d’achat – que se fixe le Gouvernement et qui feront l’objet de douze travaux d’été, compte tenu de l’urgence.

Pour autant, les tribunaux veillent à l’application des règles relatives à l’ouverture dominicale, et en vertu de l’indépendance du pouvoir judiciaire, il n’appartient pas au Gouvernement de se prononcer sur tel ou tel cas. En outre, le Conseil économique et social a été saisi de ce sujet. Dans mon ministère, avec Luc Chatel, un processus de consultation a débuté avec les organisations de consommateurs, les représentants de la grande distribution et des petits détaillants. La commission « Séguin-Séguin », si l’on veut l’appeler ainsi, sera amenée à examiner dans quels cas la fermeture le dimanche constitue un frein à la consommation. Tous ces efforts déboucheront certainement sur une initiative législative, dont nous espérons qu’elle sera mise en œuvre rapidement. C’est pourquoi je demande, dans l’immédiat, le retrait de l’amendement.

M. Jean-Marc Ayrault – Il s’agit d’un sujet sensible, dont je n’imagine pas qu’il soit traité à la sauvette, par le biais d’un amendement. Madame la ministre, vous avez reçu une lettre de mission du Président de la République qui vous donne mandat de libéraliser l’ouverture des magasins le dimanche. Cela est conforme à ses promesses électorales : si l’on veut travailler le dimanche, on doit pouvoir le faire !

Pour nous, le préalable indispensable pour traiter cette question doit être la négociation avec les partenaires sociaux. Les maires peuvent autoriser des ouvertures cinq dimanches par an. En tant que maire, je pose comme préalable l’existence d’un accord entre partenaires sociaux : sans accord, pas d’autorisation. Et sur cette position, j’ai eu l’appui non seulement de la grande majorité des salariés, mais aussi du petit commerce.

En outre, je ne vois pas comment vous pouvez autoriser les uns à ouvrir et obliger les autres à rester fermés dans une même agglomération ! Ça ne tient pas. Les petits commerces rencontrent d’énormes problèmes pour ouvrir le dimanche, car il faut payer les employés et les charges, et ce alors que le bénéfice de l’ouverture n’est nullement évident pour eux.

En tout état de cause, le problème mérite mieux que des injonctions simplistes du type de celles que vous avez reçues. Les salariés de ces magasins exigent du temps libre, une vie familiale. Nous avons en Europe un certain mode de vie, et nous ne gagnerions rien à nous aligner sur le modèle américain, où l’on se passe de toute règle sous prétexte que cela favoriserait la croissance.

M. Méhaignerie a dit tout à l’heure que l’étude d’impact sur les heures supplémentaires avait été faite pendant la campagne électorale. Cela doit être de l’autodérision, ou de la dérision envers ceux qui le demandent ! Je pense qu’il faut des études d’impact et, à l’évidence, il n’y en a pas eu sur les heures supplémentaires ; c’est d’ailleurs pourquoi l’application du présent projet sera très compliquée. L’ouverture dominicale en a également besoin ; il ne s’agit pas seulement d’organiser une consultation, mais bien d’appeler à une véritable négociation entre partenaires sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Roland Muzeau – Madame la ministre, je vous ai interpellée hier soir suite à la publication d’une dépêche concernant la lettre de mission que vous avez reçue du Président de la République et par laquelle il vous demande de régler la question de l’ouverture des magasins le dimanche dès cet été. Vous venez d’ailleurs de dire qu’il fallait que cela se fasse le plus rapidement possible.

Depuis des années, de nombreux cas attestent que les préfets n’appliquent pas la loi et que les entreprises de la grande distribution contournent toujours plus la règle des cinq jours autorisés. Au moment des soldes, on voit même des magasins, comme le Virgin des Champs-Élysées, ouvrir à minuit une ! Les grandes chaînes alimentaires, comme Carrefour ou Auchan, multiplient les demandes de dérogation. La désorganisation devient totale et entraîne une surexploitation des salariés qui, gagnant des salaires de misère, n’ont pas d’autre choix que d’accepter de travailler le dimanche, pour gagner un petit peu plus.

D’un autre côté, en Alsace, aucun commerce n’est ouvert le dimanche, et les Alsaciens n’en sont pas morts ! C’est même la seule région que vous ayez conservée ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Ce qui est possible là l’est certainement ailleurs.

Enfin, l’argument de la menace sur le pouvoir d’achat et l’emploi ne tient pas : si toutes les grandes surfaces étaient fermées le dimanche, le marché se reporterait sur les six autres jours. Le vrai problème, c’est plutôt cette atteinte à la concurrence que représente le fait que certains magasins soient ouverts et d’autres fermés ; mais la solution n’est pas de les ouvrir tous, elle est de les laisser tous fermés le dimanche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. François de Rugy – Après avoir retiré son amendement en commission, M. Mallié a souhaité le présenter en séance, anticipant ainsi les désirs du Président de la République. Mais si la version qu’il propose reste encore quelque peu encadrée, le Président veut, quant à lui, généraliser complètement l’ouverture dominicale. Pendant longtemps, la droite a accusé la gauche d’être excessivement matérialiste ; aujourd’hui, vous liquidez les derniers remparts au consumérisme.

Je voudrais répondre point par point aux arguments présentés. En ce qui concerne les zones agglomérées, je ne vois pas au nom de quoi une telle distorsion de concurrence serait introduite entre zones urbaines et zones rurales.

Les amendes sont trop faibles ? Il serait peut-être judicieux de présenter un amendement qui en relève le montant, plutôt que de légaliser des zones de non-droit. En faisant cela, vous mettez le doigt dans un engrenage très dangereux, car quel exemple pour tous ceux qui se mettent hors la loi !

Quant à la vente sur Internet, ce n’est qu’une nouvelle version de la vente par correspondance, qui existe depuis toujours. Quelqu’un qui achète sur Internet n’oblige personne à être présent dans un magasin, car les commandes sont traitées le lundi de manière normale.

De même, contredisant l’idée que les magasins feraient un plus gros chiffre d’affaires le dimanche, les directeurs de grandes surfaces de la région nantaise nous assurent qu’ils ne constatent aucun gonflement de leur résultat annuel : le pouvoir d’achat des consommateurs reste de toute façon le même ! Ils ne retirent donc aucun profit de l’ouverture dominicale ; mais si celle-ci est permise, ils seront alors obligés d’ouvrir le dimanche, pour faire face au risque de concurrence déloyale.

Il est nécessaire qu’il y ait un jour pour que la famille, les amis se retrouvent. Au moment où l’on parle beaucoup de la responsabilité des parents vis-à-vis des enfants, va-t-on laisser des enfants livrés à eux-mêmes parce que leurs parents travaillent le samedi et le dimanche ?

M. Thierry Mariani - Caricature !

M. Richard Mallié – Cela fait quatre ans que j’avance une telle proposition. Nicolas Sarkozy l’a entendue et reprise dans son programme (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Certes, ce problème existe dans ma circonscription, mais d’autres zones se trouvent en situation de non-droit. Vous parlez des syndicats : sachez que, dans les Bouches-du-Rhône, il suffit de 15 syndiqués de la CGT pour empêcher 6 000 employés de travailler.

Il faut vivre avec son temps, nous ne sommes plus au XIXe siècle !

M. Jean-Louis Idiart – Justement !

M. Richard Mallié – Au XXIe siècle, le commerce en ligne fonctionne 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Je suis moi-même fils de petits commerçants…

M. Jean-Pierre Brard – Avez-vous déposé le bilan ?

M. Richard Mallié – …et je sais qu’il est nécessaire de s’aligner sur la concurrence pour rendre le meilleur service. Il faut aujourd’hui s’adapter à Internet !

Mme Catherine Lemorton – Mais le pain ne s’achète pas sur Internet !

M. Richard Mallié – Si vous aviez lu mon amendement, Monsieur Ayrault, vous auriez retenu que c’est sur la base du volontariat des salariés et d’un accord avec les partenaires sociaux que je propose cette mesure…

M. Jean-Marc Ayrault – Mais les salariés n’ont pas le choix !

M. Richard Mallié – Vous me parlez d’étude d’impact. Depuis quarante ans que cette zone est ouverte le dimanche, nous l’avons, et les chiffres le prouvent : 30 à 40 % du chiffre d’affaires est réalisé ce jour-là !

Madame la ministre, je ne suis pas entièrement satisfait de votre réponse car je crois qu’il y a urgence. Mais j’ai compris que ce sujet était à l’étude et je me tiens à votre entière disposition. Je retire cet amendement.

L’amendement 182 est retiré.

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement. Nos collègues ont évoqué la lettre de mission que le Président de la République a adressée à Mme Lagarde. Il s’agit d’un président putschiste, qui se mêle de tout ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Bur – Il a été élu par 53 % des Français !

M. François Brottes – Et non pas 100 % !

M. Jean-Pierre Brard – L’article 5 de la Constitution dispose que le Président de la République veille au respect de la Constitution, qu’il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Nulle part, la Constitution n’indique qu’il donne des missions aux membres du Gouvernement ! L’article 19 précise que les actes du Président de la République – autres que ceux prévus aux articles 8,11,12,16,18,54,56 et 61 – sont contresignés par le Premier ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables.

Que je sache, la lettre de mission n’a pas été contresignée par le Grand Vizir, M. Fillon, ou par l’un de ses ministres, tel M. Chatel. Elle est donc nulle et non avenue, et représente un viol de notre Constitution ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault – Je souhaitais une suspension de séance pour réunir mon groupe ; j’y renonce puisque M. Mallié a bien voulu retirer son amendement. Mais reconnaissez que nous nous trouvions dans une situation surréaliste ! Cet amendement, retiré en commission, est revenu en discussion sans que le groupe UMP s’exprime. Nous nous trouvions au bord d’un vote qui aurait pu autoriser, en passant, l’ouverture des magasins le dimanche !

M. Christian Jacob – On ne discute pas d’un amendement retiré !

M. Yves Censi – C’est de la provocation !

M. Jean-Marc Ayrault – Je vous demande un peu de respect. Je m’exprime en tant que président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, qui compte 204 députés.

Mme la ministre, comme l’a souligné M. Brard, a reçu une injonction du Président de la République. Nous assistons à une dérive inexorable du système institutionnel sans qu’à aucun moment le Parlement, réuni en Congrès, ou le peuple, convoqué par référendum, soient consultés. Il est plus que jamais important que le Parlement soit associé à la réforme des institutions.

Sur le fond, Madame la ministre, je vous conseille de prendre garde aux conséquences qu’aurait une ouverture des magasins le dimanche du point de vue social et économique : les services de transport, de sécurité, de propreté devraient être réorganisés. Veillez à mesurer l’impact qu’aura cette décision pour le moins dogmatique ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Après ce que vous avez dit à la tribune de l'Assemblée, je crains le pire. « Je pense à ceux qui se lèvent tôt, alors que pour d’autres, c’est tous les jours dimanche », avez-vous déclaré. Mais de qui parlez-vous ? Des personnes qui bénéficieront de votre projet de loi, à savoir les rentiers ? Leurs enfants bien nés n’auront jamais besoin de travailler ! Mais une société de la rente n’a jamais connu la croissance ; c’est le contraire de l’économie de marché.

M. Yves Censi – Que faites-vous de la propriété, droit fondamental ?

M. Jean-Marc Ayrault – Ne prenez pas cet été une mesure aussi idéologique ! Les salariés des grands magasins sont en majorité des femmes, qui n’auront pas le choix et devront travailler le dimanche. Quant aux étudiants, Monsieur Mallié, s’ils s’estiment heureux de pouvoir travailler le dimanche pour payer leurs études, c’est que nous n’avons pas traité le problème de leurs ressources ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Jérôme Chartier – Rappel au Règlement. Hors de l’hémicycle, j’expliquerai à M. Brard le contenu des articles 8 et 9 de la Constitution, qu’il a d’ailleurs omis de citer…

Aux termes de l’article 58 du Règlement, les rappels au Règlement et les demandes touchant au déroulement de la séance ont toujours priorité sur la question principale ; ils en suspendent la discussion…

M. François Brottes – Il remet en cause la présidence !

M. Jérôme Chartier – … Mais l’alinéa 2 dispose que si, manifestement, l’intervention n’a aucun rapport avec le Règlement ou le déroulement de la séance, ou si elle tend à mettre en question l’ordre du jour fixé, le Président retire la parole à l’orateur. Je demande, au nom du groupe UMP, l’application stricte de cet article !

M. François Brottes – C’est scandaleux !

M. le Président – Ce n’est pas un rappel au Règlement, Monsieur Chartier, c’est un rappel du Règlement (Sourires)…

M. Jean-Marc Ayrault – Rappel au Règlement. Au nom de mon groupe, je m’élève contre toute mise en cause de la Présidence. Nous devons la respecter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Rassurez-vous, je ne me suis pas senti visé.

M. Jean-Pierre Brard – M. Chartier voudrait présider à votre place, Monsieur le président, car il n’y a visiblement pas assez de maroquins au Gouvernement...

Plusieurs députés UMP – Jaloux !

M. Jean-Pierre Brard – Aux termes de la Constitution, le Président de la République est seulement chargé de présider le conseil des ministres. Or, nous avons tous eu connaissance de la lettre d’injonction…

M. Michel Piron – Mais non ! « de mission » !

M. Jean-Pierre Brard – …qui vous a été adressée par le Président, Madame Lagarde. Pour que la Constitution soit respectée, il faudrait le contreseing du ministre compétent, M. Chatel, l’article 19 exigeant que « les actes du Président de la République autres que ceux prévus à l’article 8 [soient] contresignés par le Premier ministre, et le cas échéant, par les ministres responsables ».

J’aimerais donc savoir si M. Chatel a enfin retrouvé son stylo. S’il le faut, je demanderai une suspension de séance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. André Schneider – Où vous croyez-vous ? Dans un tribunal du peuple ?

Mme la Ministre – Ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, j’ai effectivement l’honneur et la chance d’être entourée de deux secrétaires d’État : MM. Chatel et Novelli, l’un en charge de la consommation et du tourisme, l’autre des entreprises et du commerce extérieur. La lettre de mission – et non d’injonction – a été cosignée par le Président de la République et par le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Brard – « Cosignée ? » Ce n’est pas la même chose que contresignée…

Mme la Ministre – Il y a deux signatures sur une même feuille, je parle donc de cosignature. Mais laissons-là l’exégèse. La Constitution précise clairement : « le cas échéant ». Je préfère par ailleurs recevoir une lettre de mission plutôt que des mises en garde, quelle que soit leur nature (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Ce débat est clos (M. Brard proteste). Ne perdons pas de temps en jouant sur les mots !

M. Jean-Pierre Brard – Voyons, Monsieur le Président, vous êtes un homme libre et nous connaissons votre respect sourcilleux de la Constitution (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne vous ai pas adressé de mise en garde, Madame la ministre : je mets en doute votre bonne foi…

M. Richard Mallié – C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Jean-Pierre Brard – Vous êtes avocate, Madame Lagarde. On pourrait donc s’attendre à ce que vous connaissiez le sens exact des mots : « cosigner » ne signifier pas « contresigner » ! Je demande une suspension de séance.

M. le Président – Elle est de droit.

La séance, suspendue à 12 heures 5, est reprise à 12 heures 15

M. Jean-Pierre Brard – Rappel au Règlement. Nous avons mis à profit la suspension pour nous concerter avec nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et nous sommes unanimes à renouveler notre demande à Mme Lagarde : Madame la ministre, en vous adressant une lettre de mission, le Président de la République a posé un acte public, qui n’a pas à être couvert par la confidentialité des échanges privés. Nous vous le redemandons par conséquent : où cette lettre est-elle publiée ? Comment les représentants de la nation peuvent-ils en obtenir une copie ? Son rédacteur emploie-t-il le « je » ou le « nous ». (Murmures sur les bancs du groupe UMP) et, le cas échéant, ce « nous » est il collectif ou de majesté ? (Même mouvement)

M. Jean-Marie Binetruy - Demandez aux Français ce qu’ils pensent de tout cela !

Mme Marisol Touraine – Dans la mesure où ce texte prétend « réhabiliter le travail comme valeur et comme outil d’amélioration du pouvoir d’achat », il nous semble essentiel de porter une attention particulière à la situation des salariés à temps partiel subi et des titulaires de contrats précaires. Compte tenu de l’explosion des CDD, du véritable parcours du combattant auquel sont soumis les jeunes avant d’accéder à un emploi stable, des nombreux abus constatés et du fait que les trois quarts des salariés à temps partiel souhaiteraient travailler plus pour accéder à un revenu décent, notre amendement 215 demande que les cotisations des employeurs soient modulées en fonction du nombre d’emplois précaires recensés dans l’entreprise et de la durée des contrats de travail proposés aux salariés.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

Mme la Ministre – Même avis. Le code du travail ne consacre pas moins de 22 pages à l’encadrement des CDD et du travail à temps partiel. Il me semble donc inutile d’ajouter encore à la réglementation, d’autant que son application est parfaitement contrôlée par notre excellente administration du travail.

M. Roland Muzeau – Il manque au moins 400 inspecteurs du travail !

Mme Marisol Touraine – Je regrette cette position, qui traduit une forte méconnaissance des réalités du monde du travail et le refus de prendre en compte les difficultés particulières des travailleurs pauvres, dont le nombre ne cesse pourtant de s’étendre.

L'amendement 215, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François de Rugy – Mon amendement 345 propose une voie nouvelle pour l’amélioration du pouvoir d’achat. Traditionnellement, on recourt à deux moyens : l’augmentation des salaires – à laquelle le Gouvernement et sa majorité s’opposent résolument – et l’augmentation du temps de travail, qui fait l’objet du présent texte. Mon amendement, lui, vise à procurer aux ménages un gain de pouvoir d’achat en allégeant les dépenses relatives à leurs trajets entre domicile et travail, dépenses qui viennent immédiatement après celles de logement dans le budget des Français. Il s’agit de créer une véritable dynamique de développement durable du pouvoir d’achat en rendant obligatoire pour l’employeur la mise à disposition du chèque transport, en circulation depuis le 1er janvier 2007. Le cofinancement des trajets par l’employeur permettrait aux salariés de faire une économie importante – dont le montant peut rapidement être équivalent à un treizième mois – et sa généralisation supprimerait l’inégalité territoriale déjà ancienne entre l’Ile-de-France – où l’employeur participe à l’achat de la « Carte orange » - et les autres régions. Mon expérience d’élu chargé des transports dans l’agglomération nantaise m’enseigne qu’une économie sur les coûts de transport – dont les fluctuations sont subies – serait extrêmement appréciée de nos concitoyens.

M. le Rapporteur général – Rejet. Comme je l’ai indiqué en commission à M. de Rugy, nous n’allons pas à nouveau légiférer alors que le dispositif n’a été lancé que le 1er janvier dernier. La sagesse commande de le laisser s’installer et d’attendre les premières évaluations.

Mme la Ministre – Les décrets d’applications de ce dispositif créé en janvier ont paru dès le mois suivant. Il est le fruit d’une large concertation avec les partenaires sociaux, au terme de laquelle l’État a décidé de s’engager de manière très forte. Je partage donc l’avis de votre rapporteur général et j’invite M. de Rugy à retirer son amendement. À défaut, j’en préconise le rejet.

M. François de Rugy – Je maintiens mon amendement. J’avais cru comprendre qu’il était urgent d’améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens et je regrette par conséquent qu’on laisse passer cette occasion.

L'amendement 345, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Sur les amendements identiques 121 et 429, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

M. Jean-Claude Sandrier – Vendredi dernier, la 18e chambre de la cour d’appel de Paris a validé un jugement du conseil des prud’hommes de Longjumeau portant sur un litige relatif à la rupture d’un CNE. Il s’agit du premier jugement rendu par une juridiction de ce niveau pour invalider le CNE, créé, faut-il le rappeler, par l’ordonnance du 4 août 2005, avec le soutien total du président de l’UMP d’alors, M. Nicolas Sarkozy. Ce jugement, qui a vocation à faire jurisprudence, confirme que la justice de notre pays partage désormais l’avis des millions de manifestants qui ont défilé dans les rues pendant des semaines pour obtenir le retrait du CPE, jumeau du CNE.

Ces deux contrats de travail avaient pour particularité commune de permettre pendant deux ans le licenciement des salariés sans indication de motif. La cour d'appel de Paris a jugé le CNE non conforme à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail, que la France a signée voici plus de vingt ans et qui fait obligation aux employeurs de motiver tous les licenciements.

Ces deux contrats avaient pour but inavoué de devenir la règle générale pour l’embauche des jeunes et des salariés des PME, et ainsi de supplanter le CDI afin de rendre taillables et corvéables à merci des millions de salariés. Ils relevaient d'une seule et même stratégie, à laquelle le Medef et la CGPME n'ont toujours pas renoncé.

Dans son arrêt, la Cour constate que « durant une période de deux années, le CNE prive le salarié de l'essentiel de ses droits » et estime anormal que le salarié soit obligé de prouver le caractère abusif de son licenciement. Considérant que « cette régression va à l'encontre des principes fondamentaux du droit du travail », elle observe que, « dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour licencier ». Elle fait ainsi litière de l’argument selon lequel la précarisation extrême serait favorable à l'emploi. Une étude de la DARES a d’ailleurs confirmé que le CNE avait eu avant tout un effet d’aubaine : seulement 8 % des 9 000 contrats conclus sont imputables au dispositif lui-même.

La cour d'appel souligne que dans aucun pays comparable à la France, la législation ne prive les salariés de leurs droits pendant une telle durée. Nous demandons solennellement que l’on prenne acte de cette décision de justice et que l’on abroge le CNE, dispositif scandaleux institué par ordonnance, sans discussion ni vote explicite au Parlement. C’est la raison de notre demande de scrutin public sur notre amendement 121.

M. François de Rugy – Notre amendement 429 a le même objet. Le CNE a été institué par ordonnance, selon la méthode chère à l’ancien Premier ministre, et contre l’avis de toutes les organisations syndicales. À tout ce qui vient d’être dit, j’ajoute un argument supplémentaire : mieux vaut, par une abrogation du dispositif, mettre fin dès à présent à l’insécurité juridique dans laquelle se trouvent tant les employeurs que les salariés, et relancer le dialogue social – sans se contenter de recevoir des syndicalistes à déjeuner.

M. le Rapporteur général – La commission a rejeté ces amendements sans la moindre hésitation. Le CNE a contribué à créer des dizaines de milliers d’emplois. Par ailleurs, nous ne saurions interférer dans la procédure judiciaire, qui est loin d’être close puisque l’employeur s’est pourvu en cassation.

Mme la Ministre – Même avis.

M. François Brottes – Adopter ces amendements serait pourtant rendre service tant au Gouvernement, qui sera bien en difficulté si l’arrêt de la Cour d’appel de Paris est confirmé par la suite, qu’aux entreprises, victimes d’une insécurité juridique, et aux 900 000 salariés plongés dans l’inquiétude par ce dispositif – qui a eu un simple effet d’aubaine, Monsieur le rapporteur général, vous le savez bien. Quand on est menacé de licenciement sans motif pendant deux ans, peut-on se permettre, par exemple, de refuser de travailler le dimanche ?

M. Jean-Pierre Brard – La justice est indépendante, c’est vrai – même si l’on peut avoir parfois des doutes très forts –, et la justice va très bien puisqu’au cabinet de la ministre, c’est l’exode massif… Oui, Madame la ministre, nous pouvons attendre que la procédure suive son cours ; le problème, c’est que le CNE livre aux employeurs une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. Et là-dessus, vous ne parlez pas de « rupture », vous assumez la continuité ! Vous vous grandiriez pourtant en acceptant ces amendements, et éviteriez ainsi de subir un camouflet. Vous éviteriez aussi des confrontations sociales, inévitables tant le CNE est immoral. Faites un geste qui montre votre ouverture – non pas celle du Président de la République qui consiste à débaucher, mais une ouverture au dialogue !

M. Francis Vercamer – Nous sommes opposés à ces amendements pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il ne faut pas confondre le CPE et le CNE.

M. François Brottes – La précarité est la même !

M. Francis Vercamer – S’agissant du CPE, j’avais soutenu des amendements tendant à ramener la période d’essai à six mois et à motiver le licenciement. S’agissant du CNE, nous attendons le rapport que le Gouvernement avait annoncé : il faut qu’on nous dise combien d’emplois le CNE a permis de créer, dans quel type d’entreprise… Nous préférons la réforme du CNE à son abrogation. C’est pourquoi nous ne voterons pas ces amendements. Mais nous aimerions savoir si, à l’issue de la procédure judiciaire, le Gouvernement envisage de réduire la période d’essai et de réintroduire la motivation du licenciement.

À la majorité de 62 voix contre 30 sur 92 votants et 92 suffrages exprimés, les amendements 121 et 429 ne sont pas adoptés.

Mme Marisol Touraine – L’amendement 213 tend à majorer de 10% les cotisations sociales des entreprises de plus de vingt salariés employant plus de 25% de salariés à temps partiel, et ce pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel. L’une des raisons de l’augmentation du nombre de travailleurs pauvres tient en effet au choix fait par certaines entreprises de développer le temps partiel imposé – qui concerne plus de 15 % des salariés du secteur privé, essentiellement des femmes. Pour réhabiliter vraiment le travail, il faut établir une différence entre les cotisations payées par les entreprises qui respectent leurs salariés en ne faisant appel au temps partiel que lorsqu’elles en ont réellement besoin et celles des entreprises qui font de ce recours une véritable politique.

M. le Rapporteur général – La commission est tout à fait d’accord pour encourager en priorité le dépassement du temps partiel – avant celui du temps plein. Vous avez d’ailleurs satisfaction, puisque l’article premier dispose que la déduction forfaitaire qui sera fixée par décret sera applicable aux seules heures supplémentaires, et non aux heures complémentaires.

Mme la Ministre – J’ajoute que l’amendement 11 que nous avons adopté hier à l’initiative de M. Tian a renforcé le dispositif anti-abus, pour mieux lutter contre le phénomène du temps partiel subi. Je souhaiterais donc que vous retiriez votre amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Nous avons bien compris l’objet de l’amendement 11, mais la question n’est pas là. On nous dit qu’il faut travailler plus. Or nous constatons que 15 % des salariés – en majorité des femmes – subissent un temps partiel. Notre amendement entend simplement prévenir l’abus de temps partiel, afin qu’ils puissent travailler plus - comme ils le souhaitent. Il est dommage que vous le rejetiez.

L'amendement 213, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Charles de Courson – Nous aurions souhaité défendre l’amendement 253 avant l’article premier, et non après. Le groupe Nouveau centre estime en effet que le coût des mesures que nous sommes en train de voter – estimé à 11 milliards pour 2008 – doit être gagé. La commission des finances a reçu récemment M. Woerth, puis M. Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Face aux 8 milliards d’augmentation spontanée des dépenses, auxquels s’ajoutent les 11 milliards que nous sommes en train de voter, les orientations budgétaires tablent sur une hausse spontanée des recettes de 13 milliards. Il faut donc faire 6 milliards d’économies si l’on veut maintenir le niveau du déficit public, que le Président de la République s’est engagé à réduire de 2 milliards – soit un dixième de point – dès 2007.

Cet amendement propose trois pistes pour dégager dès maintenant une dizaine de milliards d’économies. Première piste : plafonner les niches fiscales par l’impôt minimum alternatif – IMA. Il n’est en effet pas normal que les niches fiscales permettent à certains contribuables d’annuler leur impôt sur le revenu. En outre, il n’est pas cohérent de mettre en place un bouclier fiscal sans IMA. Cette première mesure devrait permettre d’économiser 3 à 4 milliards. Deuxième piste : en matière de dépenses publiques, l’État doit appliquer à ses transferts aux collectivités territoriales les règles qu’il s’applique à lui-même. Les transferts de l’État aux collectivités territoriales ne doivent donc pas augmenter plus vite que sa dépense brute. Le Président de la République lui-même a évoqué ces deux pistes. Troisième piste, enfin : réduire la prise en charge par l’État des cotisations patronales des grandes entreprises, dont l’effet sur l’emploi est, selon la Cour des comptes, faible voire nul.

Nous aimerions connaître dès maintenant la position du Gouvernement sur ces propositions.

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement, mais le rapporteur général n’en est pas moins très intéressé par les propositions de M. de Courson. Elles nourriront donc notre réflexion pendant l’été, dans la perspective de la discussion budgétaire de l’automne.

Le Premier ministre a réuni hier les préfets et les directeurs d’administration pour leur demander de procéder à une revue de programmes, dans le cadre de laquelle vos propositions auront toute leur place. Votre troisième idée est du reste presque mise en œuvre : le Premier ministre a indiqué dans son discours de politique générale qu’en 2008 , le prélèvement sur recettes en direction des collectivités locales serait pris en compte dans la norme de dépenses générale. Il serait néanmoins prématuré de voter cet amendement dès à présent.

M. Jean-Louis Idiart – L’esprit est là, mais pas la foi !

Mme la Ministre – Le Gouvernement est lui aussi très intéressé par vos propositions, dans la perspective de la préparation du budget 2008, mais aussi dans celle du réexamen de l’ensemble des prélèvements de nature fiscale que nous entamons actuellement. L’IMA, déjà pratiqué par un certains nombre d’États, sera bien sûr un des moyens à envisager pour parvenir à une meilleure maîtrise de la dépense publique. Compte tenu de ces éléments, je vous suggère de retirer cet amendement au profit de l’amendement 273 de M. Méhaignerie, qui sera défendu après l’article 5 et qui prévoit la remise au Parlement, avant le 15 octobre, d’un rapport sur les modalités de mise en œuvre d’une imposition minimale.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances  Cet amendement est intéressant à plus d’un titre. Il devient en effet urgent de disposer d’une évaluation sérieuse de l’efficacité des exonérations de cotisations sociales. C’est un débat récurrent, que nous avons abordé hier après-midi encore avec le Premier président de la Cour des comptes. Le ministère dispose d’un certain nombre d’études qui ont été conduites sur le sujet. Il faudrait que la commission des finances s’en saisisse pour pouvoir formuler des propositions à l’occasion de la discussion de la prochaine loi de finances. Pour un certain nombre de ces exonérations, l’effet d’aubaine est réel, et il faut que nous progressions sur ces sujets.

Cet amendement pose aussi la question de la justice fiscale. Est-il légitime que l’on puisse s’exonérer en totalité de l’impôt sur le revenu ? La question du plafonnement des niches fiscales et celle de l’imposition minimale se trouvent ainsi posées. Il constate malheureusement qu’une nouvelle fois, on botte en touche. J’espère donc un débat de fond et l’ébauche de propositions dès l’examen de la prochaine loi de finances, dans la mesure où nous disposons d’études suffisantes et d’exemples de réussite à l’étranger. Pour l’heure, je souhaite que notre collègue de Courson retire cet amendement et intervienne de nouveau dans la discussion, tout à l’heure ou demain, des amendements 273 et 157 à 159.

M. Charles de Courson - Naturellement, je retirerai cet amendement. Mais, au sujet de la première piste – l’impôt minimum alternatif –, le groupe Nouveau centre déposera un amendement auquel il tient mais dont la rédaction est extrêmement complexe, si bien que M. le rapporteur général a dû provisoirement y renoncer.

Quant aux deux autres pistes, on ne peut se contenter des propos qu’a tenus M. le président Séguin et qui étaient en retrait sur le rapport remis par la Cour des comptes à la commission des finances : ce rapport proposait en effet clairement la suppression des exonérations de charges patronales consenties aux grandes entreprises. La grande distribution fournit l’exemple même de l’inutilité, voire de la perversité de ces aides, qui, dans le secteur du pétrole ou de l’énergie, ne présentent aucun intérêt et gaspillent l’argent public. Or il s’agit là d’environ 25 milliards d’euros dont une politique courageuse, préconisée par la Cour des comptes, pourrait permettre d’extraire 5 à 7 milliards en trois ans. Je retire donc cet amendement, mais j’espère, Madame la Ministre, que nous reviendrons sur ces questions lundi, lors du débat d’orientation budgétaire.

L’amendement 253 est retiré.

M. Charles de Courson – L’amendement 265 a été abordé lors de la discussion générale et en commission. L’article premier du projet concerne les seuls salariés, ou une partie de ceux-ci. Quel discours, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il adresser aux 10 % de travailleurs non salariés ?

M. le Rapporteur général – La commission a rejeté cet amendement, car, si la question est ouverte, les modalités proposées ne peuvent être retenues. Nous incitons les salariés à recourir aux heures supplémentaires, mais ils ne peuvent tous le faire, et nous ne saurions mettre en place un dispositif systématique destiné aux indépendants.

Mme la Ministre – Le Gouvernement est conscient de l’enjeu que représente le travail indépendant, mais l’on ne saurait comparer le lien salarial et la situation des travailleurs indépendants. Du reste, leur régime d’imposition diffère : les uns sont soumis à l’impôt sur le revenu, les autres relèvent du régime des bénéfices non commerciaux. Il est extrêmement délicat d’interférer dans la manière dont un travailleur indépendant gère son temps, puisqu’il le gère, par définition, comme il le souhaite. Je précise néanmoins que le Conseil des prélèvements obligatoires examine actuellement la situation fiscale et sociale de ces travailleurs afin d’étudier la possibilité d’un système fiscal harmonisant leur situation et celle des salariés, et qu’un rapport découlera à l’automne de ces travaux, qui s’inscrivent dans le cadre de la revue des prélèvements obligatoires annoncée par le Président de la République. Je souhaite donc le retrait ou, à défaut, le rejet de cet amendement.

M. Charles de Courson – Je retire cet amendement, mais il eût été préférable de s’adresser à tous les Français.

L’amendement 265 est retiré.

M. Victorin Lurel – L’amendement 249 est un amendement d’appel qui devrait néanmoins recueillir l’accord général. Il concerne l’intégration – la réintégration, devrais-je dire – dans les statistiques officielles du chômage des personnes privées d’emploi résidant dans les outre-mer français. Ces statistiques font elles-mêmes l’objet d’une polémique. En septembre 2006, le nombre de chômeurs inscrits à l’ANPE s’élevait à 4 450 000, alors que le chiffre pris en compte par l’INSEE, la DARES et le Gouvernement lui-même était de 2 172 000 : ainsi, 2 276 000 chômeurs étaient devenus invisibles et, parmi eux, 220 000 chômeurs issus des outre-mer. On a plaisamment distingué chômeurs radiés, chômeurs déboutés et chômeurs dégoûtés ; les chômeurs dont je parle sont, eux, rendus virtuels et, littéralement, « zombifiés ».

Certes, les statistiques officielles se conforment aux définitions retenues par le BIT. Vous excluez cependant – selon les chiffres fournis par le réseau « Les Autres Chiffres du Chômage » (ACDC) – 871 000 demandeurs d’emploi temporaire ou à temps partiel, 412 000 personnes dispensées de recherche d’emploi, 452 000 chômeurs en activité réduite et 321 000 chômeurs non immédiatement disponibles. Si je peux comprendre que les premiers soient exclus de la définition officielle –, sans approuver, de même que d’autres sur ces bancs, ce type de manipulations –, pourquoi est-ce également le cas des chômeurs des DOM qui correspondent parfaitement à la catégorie 1 des demandeurs d’emploi en fin de mois – DEFM ? Ne sommes-nous pas partie intégrante de la République ? Il n’a jamais été question d’une dérogation ou d’une exception à la législation. Votre prédécesseur, M. Borloo, avait éludé cette question, que lui avaient posée des journalistes du Monde.

J’ajoute que, les DOM étant considérés comme des territoires d’exportation, le solde du commerce extérieur se trouve amélioré lorsque la France y envoie des marchandises. Pourquoi les DOM, pris en compte lorsqu’il s’agit de présenter de façon avantageuse les statistiques du commerce extérieur, sont-ils exclus de celles du chômage ? Nous demandons à être inclus dans le Bulletin mensuel des statistiques du travail, car ce qui n’est pas mesuré n’existe pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen)

M. le Rapporteur général – La Commission est favorable à cet amendement, mais demande à ce que la date de remise du rapport soit fixée au 31 décembre 2007 afin de disposer du temps nécessaire à une étude sérieuse sur les modalités d’intégration des personnes concernées.

Mme la Ministre – Les DOM et les TOM ne sont pas oubliés ni exclus des statistiques. Le Bulletin mensuel fourni par la DARES et par l’ANPE présente l’ensemble des chiffres sur la même page, bien qu’elle réserve – je vous l’accorde – une ligne distincte à chacun des DOM et des TOM, en vertu d’une raison statistique : dans ces territoires, les calculs indiciels du chômage ne sont pas continus tout au long de l’année. Surtout, le Conseil national de l’information statistique, présidé par Jean-Baptiste de Foucauld, a été mandaté pour réfléchir à des indicateurs pertinents, consensuels et conformes aux définitions utilisées par le BIT comme aux conclusions de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires sociales, permettant de déterminer le nombre et le taux de salariés inactifs ou inemployés. Je souligne que les calculs actuels se fondent exactement sur les critères utilisés il y a cinq ou dix ans. La question de l’intégration des DOM aux statistiques nationales du chômage a été évoquée au cours de la première réunion de ce conseil, le 8 mars, et un groupe de travail spécial sera constitué afin de l’étudier.

Je suis favorable à l’amendement, sous réserve qu’il soit modifié comme l’a proposé le rapporteur général, afin de nous donner le temps nécessaire.

M. Victorin Lurel - J’accepte cette modification. Je précise que les définitions des catégories sont les mêmes. Sur 220 000 chômeurs outre-mer, il y a 165 000 demandeurs d’emploi en fin de mois de la catégorie E, correspondant à la définition du BIT. Il n’y a donc pas là véritablement de doute.

M. le Président – Dans l’amendement, « le 1er octobre » est donc remplacé par « le 31 décembre 2007 ».

L'amendement 249 rectifié, mis aux voix, est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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