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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 26 juillet 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
25ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen

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La séance est ouverte à quinze heures.

LUTTE CONTRE LA RÉCIDIVE (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission mixte paritaireNous voici parvenus au terme de l’examen de ce projet par le Parlement puisque nos collègues sénateurs ont approuvé, ce matin, les conclusions de la CMP réunie mardi.

Avant d’évoquer les débats de la CMP, je voudrais revenir sur la philosophie générale du texte. Ce projet n’est pas un texte répressif de plus ; il a pour objectif, dans le droit fil des conclusions de la commission d’information de la précédente législature, de mieux encadrer et prévenir la récidive, et, comme l’a dit Mme la ministre, de créer un véritable statut pénal de la récidive et de la multirécidive.

Affirmer que les peines minimales sont des peines automatiques est une erreur, puisque le principe constitutionnel de l’individualisation est intégralement maintenu, même si ce texte confirme le souci d’une gradation de la réponse pénale en fonction de la récidive.

De même, le projet de loi ne met pas fin au statut particulier de la justice des mineurs. Aucun des éléments fondamentaux de cette justice, en particulier l’ordonnance de 1945, n’est remis en cause. Certes, ce texte, qui traduit la volonté du Président de la République, largement approuvée par le peuple français lors de l’élection présidentielle, tend à apporter une réponse pénale mieux appropriée aux mineurs récidivistes entre 16 et 18 ans ; mais il ne supprime nullement l’excuse de minorité et l’atténuation de la peine qui en découle. Si celle-ci est mieux encadrée, rien dans ce texte n’empêche le juge de prononcer la peine que la personnalité du jeune concerné lui paraît appeler.

Enfin, si ce texte vise à généraliser l’injonction de soins, en aucun cas le juge ne sera lié par les résultats de l’expertise, et il ne pourra pas non plus prononcer une injonction de soins sans que celle-ci ait été au préalable validée par une expertise.

Si j’ai tenu à rappeler ces éléments, c’est pour montrer que les caricatures que l’on a faites de ce texte sont injustes. Nous avons voulu aller au bout de la réflexion engagée à la faveur des textes précédents, s’agissant de la réitération des actes les plus graves, c’est-à-dire des crimes et délits susceptibles d’être punis de trois ans d’emprisonnement, qui sont les seuls visés par ce texte. Ce qui ne veut pas dire que ce dernier aurait une portée limitée : il vise à mieux prévenir, à mieux punir, et constitue un signal clair adressé aux auteurs d’infractions ainsi qu’aux victimes, trop souvent oubliées par la justice.

Il restait en réalité très peu de points en discussion, puisqu’ils se limitaient aux articles 2 bis et 2 ter seulement.

L’article 2 bis avait été créé par le Sénat en vue de rendre obligatoire et automatique une enquête de personnalité avant de retenir l’état de récidive. Cette disposition avait été supprimée par l'Assemblée nationale, et la CMP, sur ma proposition, a maintenu cette suppression. Nos collègues sénateurs ont reconnu que l’application de l’article risquait d’être à la fois limitée et aléatoire. C’est pourquoi, Madame la garde des Sceaux, je voudrais appeler votre attention sur la nécessité de faire appliquer l’article 41 du code de procédure pénale qui rend cette enquête obligatoire, notamment en cas de comparution immédiate et de comparution à délai rapproché, et répond ainsi aux préoccupations des auteurs de l’article 2 bis. Il n’était pas nécessaire d’écrire dans la loi qu’il faut appliquer la loi, mais il appartient à la chancellerie d’adresser sur ce point un rappel aux parquets.

En ce qui concerne l’article 2 ter, la rédaction du Sénat nous semblait de nature à créer des problèmes. D’un autre côté, nous savions que notre propre rédaction avait vocation à être révisée par la CMP. Mon homologue, M. Zocchetto, a effectivement proposé une rédaction conciliant les deux positions, et le texte finalement adopté est encore meilleur, – et sans doute le meilleur auquel on pouvait parvenir, s’agissant de l’avertissement adressé par le président de la juridiction sur les conséquences d’une nouvelle récidive.

Madame la garde des Sceaux, je vous remercie de la disponibilité dont vous avez fait preuve tout au long de nos travaux. Vous vous êtes montrée attentive à nos observations et à nos propositions. Je souhaite qu’avec cette loi, nous progressions dans la prévention de la récidive, mais il me semble d’ores et déjà évident que ce texte équilibré, enrichi par nos travaux, atteindra ses objectifs. C’est pourquoi, au nom de la CMP, je vous invite, chers collègues, à l’adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice Je tiens à saluer la qualité du travail parlementaire. Les débats ont été riches, les échanges ouverts et respectueux. Je remercie M. Geoffroy, qui a été un rapporteur rigoureux et perspicace, ainsi que la commission des lois et tout particulièrement son président, M. Warsmann, pour sa vigilance et ses interventions pertinentes.

Dans l'ordre du jour chargé et les délais contraints de cette session extraordinaire, vous avez conduit l'examen de ce projet avec rigueur et rapidité. Indéniablement, le texte porte la marque de vos propositions, qui l'ont amélioré – l'accord intervenu en CMP en est une illustration supplémentaire.

Ces travaux aboutissent à un texte ferme, qui apporte une réponse adaptée à la récidive ; à un texte clair, qui énonce les principes dans des conditions propres à donner toute sa force dissuasive à la loi ; à un texte équilibré, conciliant la nécessaire fermeté à l’encontre des récidivistes avec les principes constitutionnels auxquels nous sommes tous attachés.

Par votre vote, vous allez donner aux juges des outils adaptés au traitement de la récidive, répondant ainsi à une forte attente de nos concitoyens, qui ne supportent plus le sentiment d'impunité de nombreux délinquants, en particulier de certains mineurs. Vous allez inscrire dans la loi l'un des engagements pris par le Président de la République devant les Français.

En ce qui concerne l’enquête sociale, Monsieur le rapporteur, je demanderai aux parquets de la favoriser, y compris dans des cas où elle n’est pas obligatoire.

Nous avons une obligation de résultat, et le Gouvernement veillera à ce que ces nouvelles dispositions soient efficacement mises en œuvre. La même volonté, me semble-t-il, a conduit à la création par votre assemblée de la mission d'information sur l'exécution des décisions de justice. Mes services sont à votre disposition pour vous apporter toute l'aide utile dans cette démarche légitime. Dans le domaine de la justice comme dans les autres, les Français attendent de nous un changement concret ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Braouezec – Vous venez de le dire, Madame la ministre : notre ordre du jour est chargé. Je trouve pour ma part dangereux pour la démocratie et les droits fondamentaux que le Gouvernement nous présente ainsi, en tout début de législature, des textes aussi importants sur la récidive, l'autonomie des universités ou le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, qui plus est en déclarant l’urgence. Réduire le temps des débats, c’est réduire l’information des citoyens : ces lois ne les concerneraient-elles pas ? Il est donc de notre devoir de mettre en garde le Gouvernement, mais aussi nos collègues qui trouveraient normal de travailler de cette façon. La démocratie mérite d’être respectée, et nos concitoyens méritent d'être informés et consultés.

M. Bernard Carayon – Il y a eu six mois de campagne, et les électeurs ont tranché !

M. Patrick Braouezec – Je ne suis pas sûr qu’ils aient été vraiment éclairés (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Ce texte durcit la répression en matière pénale pour les délinquants récidivistes en instaurant des peines dites planchers. Il se veut dissuasif et repose sur le présupposé qu'un délinquant avisé de la sévérité des peines qu'il encourt en cas de récidive renoncerait à commettre une nouvelle infraction. Or ce principe de dissuasion est parfaitement illusoire et inefficace (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je l'ai signalé lors de ma première intervention, mais je n’ai pas été le seul. C'est une loi d'affichage inspirée d'une idéologie conservatrice et répressive. Elle fait plaisir à la majorité et s'inscrit dans la droite ligne des lois sécuritaires défendues à partir de 2002 par le ministre de l'intérieur, devenu depuis Président de la République.

M. Bernard Carayon – C’est ce qu’on appelle la cohérence !

M. Patrick Braouezec – Contrairement à ce que vous avez dit, Monsieur le rapporteur, ce projet remet en cause des principes fondamentaux de notre droit : l'individualisation des peines…

M. le Rapporteur – Pas du tout !

M. Patrick Braouezec – …la nécessité des peines et la primauté de l'éducatif sur le répressif pour les mineurs (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP). Le juge se voit ainsi contraint de motiver la remise en liberté d'un mineur : nul doute que la France sera citée en exemple pour son respect de la Convention des droits de l'enfant ! La justice va appliquer aux mineurs les dispositions prévues pour les majeurs, comme si les premiers étaient des adultes en réduction et non des êtres en développement. Cette confusion des genres contribue à criminaliser une partie de notre jeunesse.

M. Bernard Carayon – Vous vous occupez des voyous, et nous des victimes !

M. Patrick Braouezec – Pas du tout : ce projet ne fait rien pour elles. Enfin, en limitant le pouvoir d'appréciation des magistrats, le texte affiche une défiance vis-à-vis du juge, ce qui fragilise l'institution judiciaire dans sa mission de contrôle démocratique.

Ce qui importe au Gouvernement, c'est de produire des textes à visée répressive : peu importe leur impact sur le fonctionnement de la chaîne pénale ou leur pertinence pour la prévention de la récidive !

L'article 10 bis fixe une date limite – au plus tard le 31 mars 2011 – pour l’évaluation des dispositifs issus des articles 5 à 9. C’est la moindre des choses, mais son introduction n’a été qu'une victoire par défaut : répression et enfermement restent les maîtres mots du Gouvernement.

Contrairement à ce qu’a affirmé Mme la garde des Sceaux à la fin du débat, il existe de vraies divergences de fond entre les tenants d'une fermeté dite nécessaire face aux récidivistes et ceux qui, bien que partisans d’une certaine fermeté, en appellent au respect des valeurs constitutionnelles et refusent qu’on choisisse d'enfermer et de réprimer encore plus.

Parce que vous préférez la prison à l’éducation, et que ce texte comporte de vrais risques de dérives, la Gauche démocrate et républicaine s'oppose à ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jacques Alain Benisti – Nous partageons tous une même volonté d’agir pour que le fléau de la délinquance cesse de croître et de troubler la quiétude et la sécurité de nombre de nos concitoyens (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). Certes, ce texte ne règlera pas tous les problèmes de délinquance : il n’a d’autre ambition que de combattre avec plus de fermeté la récidive. Tous les travaux sur le sujet dressent le même constat : tout individu, si jeune soit-il, qui commet un premier délit se retrouvera toujours en situation de récidiver si son acte n’a pas reçu de réponse appropriée dans les heures, les jours ou les semaines qui suivent.

M. Jérôme Lambert et M. Patrick Braouezec – C’est là qu’est le problème !

M. Jacques Alain Benisti – Et l’escalade de délits qui en résultera sera quasi automatique si aucune sanction n’est intervenue entre les actes délictueux.

C’est à ce constat que répond ce texte, qui devrait réduire ou faire disparaître si ce n’est la première, au moins la deuxième récidive.

Le débat reste bien sûr ouvert. Quatre années d’auditions et de réflexions avec les professionnels de terrain ont précédé, sous l’impulsion du ministre de l’intérieur de l’époque, l’adoption de la loi sur la prévention de la délinquance, pionnière du genre, dans le cadre d’une commission où l’on aurait aimé voir davantage de parlementaires de l’opposition, notamment de ceux qui réclament aujourd’hui à grands cris de nouveaux travaux dans un esprit d’ouverture – M. Valls pour ne pas le citer.

M. Julien Dray – C’est un fait personnel !

M. Jacques Alain Benisti – Que n’a-t-on pas entendu, en effet, lorsqu’on a commencé à parler d’action précoce ? Nul ne pouvait alors prononcer les mots « troubles du comportement » ou « dépistage ». Mais après tout, pourquoi pas ? Reprenons donc cette réflexion, mais cette fois-ci, ayons le courage d’aller jusqu’au bout, puisque nous avons la chance que celui qui a ouvert ce chantier préside aujourd’hui aux destinées de notre pays. Servons-nous aussi de nos expérimentations : l’école de la deuxième chance et sa faculté des métiers à Évry, l’école du respect et de la responsabilité à Villiers-sur-Marne,… autant d’initiatives qui méritent d’être imitées !

Nous nous retrouverons à la rentrée avec un nouveau projet sur les conditions de vie en prison et sur la réinsertion et la préparation de la sortie, et ce sera un autre élément du puzzle de la politique de prévention. Votons déjà ce texte pour éviter à un maximum de nos jeunes l’enfer de la prison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Delphine Batho – Il y avait en préambule à la discussion de ce projet un constat dramatique : les violences contre les personnes ont augmenté de 30 % en cinq ans, les violences commises par des mineurs de 40 %, et le nombre de récidivistes condamnés pour violences de 145 %.

M. Serge Blisko – Qui était au Gouvernement ?

Mme Delphine Batho – Derrière ces chiffres, il y a des drames humains, des victimes, l’exaspération de nos concitoyens. Il y a aussi le terrible sentiment d’échec qui nous hante chaque fois qu’un crime est commis par un individu qui a déjà eu affaire à la justice.

Autre constat : ce texte est le neuvième adopté en cinq ans par la majorité en matière de lutte contre l’insécurité. Cette inflation législative est donc inversement proportionnelle à son efficacité.

M. le Rapporteur - Cela reste à démontrer !

Mme Delphine Batho – Ce texte connaîtra sans doute le même destin que les précédents. C’est en postes de magistrats et de greffiers, en centres éducatifs pour les mineurs, en moyens pour l’exécution des peines alternatives que doivent s’évaluer les besoins ! Pour mieux prévenir et réprimer la récidive, il faut avant tout en finir avec l’impunité des primo-délinquants et l’inflation carcérale, qui sont des machines à fabriquer de la récidive – ou plus exactement de la réitération, puisque notre système judiciaire n’a même pas la capacité de prononcer dans le délai voulu les condamnations qui permettraient de constater l’état de récidive légale.

Telles sont les raisons qui nous ont conduits à voter contre ce texte qui règlera d’autant moins les vrais problèmes que la priorité de Mme Lagarde n’est pas de mettre fin à la misère de l’institution judiciaire, mais d’accorder 13 milliards de cadeaux fiscaux aux contribuables les plus aisés ! (« Démagogie ! » sur les bancs du groupe UMP)

Plutôt que de vous attaquer avec rigueur à cette situation, vous nous avez proposé un texte de portée pratique symbolique (Protestations sur les bancs du groupe UMP) mais qui, de manière contournée, remet en cause et le principe de l’individualisation des peines et la justice des mineurs (Exclamations sur les mêmes bancs).

M. le Rapporteur – Eh bien, non !

Mme Delphine Batho – Il est curieux que certains des soutiens les plus actifs de ce projet se soient recrutés parmi les opposants de naguère aux peines plancher !

M. le Rapporteur – Non ! À l’automaticité des peines !

Mme Delphine Batho – Je ne pense pas, pourtant, que l’élection présidentielle ait effacé les objections de fond qui avaient été formulées en leur temps.

M. Philippe Vitel – En tout cas, elle a effacé l’opposition !

Mme Delphine Batho – Nous espérions que, dans sa sagesse, la CMP reprendrait l’article 2 bis introduit par le Sénat et supprimé par l'Assemblée nationale, qui faisait obligation au procureur de la République de prescrire une enquête de personnalité avant de prendre des réquisitions tendant à retenir la récidive. Il n’en a rien été, et vous nous expliquez qu’une simple circulaire de politique pénale y pourvoira…

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois – Auriez-vous voté le projet si l’article 2 bis avait été maintenu ?

Mme Delphine Batho – Le sénateur Badinter a dit pourquoi il est utile d’imposer une enquête de personnalité…

M. le Rapporteur – Il peut arriver à M. Badinter de se tromper !

Mme Delphine Batho – La suppression de cette disposition sera pour nous une raison supplémentaire de saisir le Conseil constitutionnel, car c’est bien une justice d’abattage que vous instituez (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors même que, dans aucun des pays où elles ont été instituées, les peines plancher n’ont fait la preuve de leur efficacité (Protestations sur les mêmes bancs).

M. le Rapporteur – Lisez le rapport !

Mme Delphine Batho – Nous avons proposé une autre démarche. On sait que la récidive est due au sentiment d’impunité qu’éprouvent trop souvent les primo-délinquants, et singulièrement les mineurs. Nous privilégions donc de leur appliquer des sanctions rapides et proportionnées…

M. Bernard Carayon – Selon le modèle chinois cher à Mme Royal ?

Mme Delphine Batho – Sans doute Mme la garde des Sceaux a-t-elle voulu, par ce texte, rassurer la majorité quant aux limites de l’ouverture… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur – Nous n’avons pas besoin d’être rassurés !

Mme Delphine Batho – « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », a dit Montesquieu. Or, l’activisme parlementaire à l’œuvre depuis cinq ans dans ce domaine ne se dément pas, sans que rien soit réglé (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il y a fort à craindre que, bientôt, l’opposition ne soit pas la seule à demander des comptes. L’incompréhension se fera jour dans l’opinion publique quand un nouveau crime sera commis par un récidiviste, et l’on demandera alors à ce Gouvernement comment de telles choses sont encore possibles alors qu’il existe des peines plancher, censées dissuader la réitération et alors, surtout, que le Président de la République avait promis de régler la question. Il y a de fortes chances pour que vous reveniez alors, madame la ministre…

M. Philippe Vitel - Elle sera la bienvenue !

Mme Delphine Batho – …remettre une nouvelle fois l’ouvrage sur le métier. Un débat sérieux aurait dû avoir lieu pour colmater les failles béantes de notre système judiciaire, plutôt que cette discussion à la va-vite. Nous étions prêts à y contribuer, mais ce n’est pas le choix qui a été fait. Pourtant policiers, magistrats et experts, tous…

M. le Rapporteur – Vous allez un peu vite en besogne !

Mme Delphine Batho – …disent leur désaccord avec votre texte, vous demandent d’arrêter de voter des lois quand c’est de moyens qu’ils ont besoin. Ils sont las. Parce que nous partageons leur lassitude, nous voterons contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

La discussion générale est close.

EXPLICATION DE VOTE

M. Serge Blisko – Comme vient de le dire Mme Batho, le groupe socialiste se prononcera contre ce projet. Si notre constat – de nombreux délinquants jouissent d’un sentiment d’impunité – ne diffère pas de celui de Mme la garde des Sceaux, nous sommes certains que la loi ne règlera pas le problème auquel le Gouvernement prétend s’attaquer. L’empilement de sept, huit, et maintenant neuf textes depuis 2002 ne suffit pas à masquer la réalité de la politique suivie pendant la même période, caractérisée par la suppression de la police de proximité, la réduction des budgets sociaux et la chute libre des subventions aux associations. C’est cette politique qui explique la constitution des « territoires perdus de la République » ! Les réponses nécessaires sont ailleurs que dans une frénésie législative qui donne l’impression que l’on agit alors que rien n’est réglé.

Je reviendrai brièvement sur les points les plus inquiétants du texte. En premier lieu, je déplore à mon tour que l’article 2 bis introduit par le Sénat, qui tendait à généraliser l’enquête de personnalité, n’ait pas été retenu par la CMP ; on en conclut que l’atténuation des peines n’est pas votre priorité. Nous considérons par ailleurs que les dispositions que vous introduisez dans notre droit contredisait la Convention des droit de l’enfant. (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Enfin, le consentement à l’obligation de soins qui, même en prison, fonde la relation entre patient et médecin, est bafoué.

Vous nous avez dit, Madame la garde des Sceaux, que rien ne se ferait sans moyens, et vous avez annoncé ces moyens. Nous attendons de voir comment cet engagement sera tenu par un Gouvernement en folie, qui ne cesse de réduire les recettes tout en faisant croire qu’il peut toujours augmenter les dépenses (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Lorsque l’absence de moyens nouveaux deviendra flagrante, l’impossibilité d’appliquer le texte le deviendra aussi, et vous serez contrainte de remettre, une fois encore, l’ouvrage sur le métier. « Il faut ne toucher aux lois que d’une main tremblante » : mieux aurait valu ne pas ajouter ce caillou législatif à une construction déjà imposante, et s’attacher plutôt à alléger la tâche si compliquée de tous les acteurs de terrain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, est adopté.

La séance, suspendue à 15 heures 40, est reprise à 15 heures 55.

CRÉATION D’UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE AU RENSEIGNEMENT

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, portant création d’une délégation parlementaire au renseignement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  J'ai l'honneur de soumettre à votre examen le projet de loi portant création d'une délégation parlementaire au renseignement. Avant tout, je tiens à saluer la qualité du travail de vos rapporteurs, MM. Carayon et Fromion, sur ce texte essentiel à la sécurité du pays comme à la reconnaissance des droits du Parlement. Avec les présidents des deux commissions compétentes, MM. Warsmann et Teissier, ils se sont attachés à faire en sorte que, pour la première fois, le Parlement soit associé au suivi des activités des services de renseignement.

Le Gouvernement répond ainsi au consensus politique qui s'est dégagé ces dernières années en faveur d'une instance parlementaire en charge du renseignement. Les principaux directeurs de service eux-mêmes sont favorables au principe d'une instance parlementaire…

M. Julien Dray – Ça dépend lesquels !

M. le Secrétaire d'État - …pour autant que des garanties minimales permettent d’assurer le bon déroulement et la sécurité des activités de renseignement.

Depuis une dizaine d’années, les auteurs de plusieurs propositions de loi ont préconisé la création d'une telle instance, car la France était pratiquement la seule démocratie occidentale à en être dépourvue. Plusieurs ministres, sous diverses majorités, ont eux aussi indiqué qu'ils ne voyaient pas d'objection à une délégation permanente, sous réserve que ses règles de fonctionnement tiennent compte de la spécificité de l'activité de renseignement. Et il revient au précédent Gouvernement d'avoir donné l'impulsion politique, à la fin de 2005.

En effet, ce texte honore les engagements pris en décembre 2005 devant votre Assemblée par M. Sarkozy, lors de l'examen du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme. Compte tenu des différentes propositions des parlementaires, le ministre d’État avait alors donné un accord de principe pour la création d'un organe de contrôle. Toutefois, il avait écarté toute décision hâtive, préférant que l’on se donne le temps de mettre au point une rédaction conciliant au mieux discrétion, transparence et démocratie. L'engagement qu’il a pris en tant que ministre de l'intérieur est donc respecté, et ce texte répond aussi à l’ambition plus large du président Sarkozy de renforcer le poids du Parlement dans nos institutions.

Ce projet de loi ne s’inscrit pas dans le seul contexte national. Il répond aussi à une évolution de la situation géopolitique mondiale. En effet, les services de renseignement font face à des défis croissants, qu'il s'agisse des multiples crises régionales, du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive. Leur action exige donc des moyens renforcés.

Le monde d’aujourd’hui est à la fois plus pacifique que celui de la guerre froide et plus instable, car l’adversaire potentiel est aussi invisible qu’imprévisible. Les services de renseignement ont dû adapter leur action, multipliant les risques. Le secret de leur activité doit être protégé, mais il faut également satisfaire à l’exigence d’information du Parlement.

Les Français connaissent souvent mal l’activité de leurs services de renseignement qui, de leur côté, n’ont pas toujours la place qu’ils méritent dans les prises de décision. Avec ce texte, nous leur donnons une légitimité nouvelle et ouvrons la voie à une culture du renseignement qui nous fait encore défaut.

La Direction générale de la sécurité extérieure, la Direction de la surveillance du territoire, la Direction centrale des renseignements généraux, la Direction du renseignement militaire et la Direction de la protection, de la sécurité et de la défense relèveront désormais de la compétence de la délégation. Celle-ci sera composée de quatre députés et quatre sénateurs – le Sénat ayant choisi d’ajouter deux membres aux six initialement prévus. L’opposition y sera naturellement associée. En outre, les présidents des commissions parlementaires de la défense et des lois en seront membres de droit, et sa présidence sera assurée alternativement par un président de commission de l’Assemblée et un du Sénat. Elle pourra entendre les ministres de l’intérieur et de la défense, les directeurs des services de renseignement, le secrétaire général de la défense nationale et, sur proposition du Sénat, le Premier ministre. Elle rédigera un rapport annuel à l’intention du Président de la République, du Premier ministre et des présidents des assemblées, rapport que le Sénat a souhaité public.

Néanmoins, les données menaçant l’anonymat, la sécurité ou la vie d’un membre des services et les informations relatives à l’acquisition des renseignements et aux opérations passées ou en cours ne seront pas communiquées à la délégation. Le Conseil constitutionnel a confirmé en 2001 que le Parlement n’était pas habilité à intervenir dans les opérations en cours. De même, la délégation n’aura accès à aucune information concernant les relations entretenues par nos services avec des services étrangers, conformément à la loi d’airain du renseignement selon laquelle un service tiers ne peut avoir accès à aucune information sans l’aval du service source, qui en reste propriétaire.

Le Parlement est un lieu de débat, mais la sécurité est primordiale en matière de renseignement. Les travaux de la délégation seront donc couverts par le secret de la défense nationale. Les services auront à communiquer des informations secrètes, mais il va de soi qu’ils ne dévoileront par leurs sources. De leur côté, les parlementaires devront concilier leur besoin d’information avec la préservation du secret, clef du succès de nos services.

Il s’agit donc d’un texte pragmatique, propre à établir une relation de confiance entre les responsables du renseignement et le Parlement. Les uns confieront l’appréciation de leurs besoins aux autres, qui devront traiter des informations qu’ils reçoivent en toute discrétion. In fine, le projet accroît la confiance que le peuple peut éprouver en ses services de renseignement.

Je tiens à rendre hommage aux femmes et aux hommes qui travaillent dans ces services : dévoués, discrets, sereins, c’est souvent au péril de leur vie et dans l’anonymat le plus complet qu’ils sacrifient leur temps – et parfois leur sang – pour notre sécurité. La délégation contribuera à la reconnaissance de leur rôle.

Le Gouvernement concilie donc la nécessaire information du Parlement et la sécurité des services de renseignement. Certains, je le sais, voudraient aller plus loin et plus vite, mais nous avons là un texte à maintenir en l’état, car il aboutit à un équilibre entre transparence et discrétion. La démocratie, je n’en doute pas, y gagnera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du Nouveau centre)

M. Bernard Carayon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République – La délégation parlementaire au renseignement est une innovation démocratique de première importance qui existe déjà dans tous les autres états démocratiques. La singularité française reposait jusqu’ici sur de solides arguments : les services de renseignement doivent parfois utiliser des moyens légitimes mais illégaux, et le secret garantit leur sécurité. Le Parlement, lieu de transparence, traite d’ailleurs déjà de ces services lors de la discussion budgétaire. Très vite, pourtant, il se heurte à l’écueil du secret défense.

Le Parlement doit disposer d’un organe spécifique pour suivre les activités des services de renseignement sans interférer dans leur bon fonctionnement. Le vote de la loi de lutte contre le terrorisme de novembre 2005 conduisait à une anomalie : les services de renseignement étaient dotés de nouveaux moyens juridiques alors même que le Parlement ne pouvait exercer sur eux aucun contrôle. Un amendement y remédiant fut retiré moyennant la promesse du ministre de l’intérieur de l’époque, devenu depuis Président de la République, de présenter un projet de loi. Engagement d’ailleurs tenu dès mars 2006, mais l’encombrement du calendrier législatif n’a pas permis d’examiner le texte au cours de la précédente législature. Je me félicite donc qu’il ait pu être inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire.

Il parvient à un équilibre remarquable entre la confidentialité des activités de renseignement et les exigences du contrôle démocratique : c’est tout le débat entre les droits de l’État et l’état de droit. L’approche anglo-américaine soumettant le renseignement au contrôle permanent et pointilleux du Parlement n’est pas souhaitable. Pour autant, le Parlement doit avoir connaissance des conditions de fonctionnement des services de renseignement, des moyens techniques dont ils disposent, de l’orientation de leurs missions et de leurs modes de recrutement : telle sera la mission de la délégation, dont l’efficacité reposera avant tout sur l’établissement d’une relation de confiance avec les services concernés.

Ainsi, le terme « contrôle », trop intrusif, n’est pas employé dans le texte. En effet, si les services de renseignement formaient l’impression que la délégation entrave leur action, ils pourraient devenir méfiants. Pour éviter de tels malentendus, le projet de loi limite très précisément l’étendue des missions de la délégation au suivi de l’activité générale et des moyens des services de renseignement dépendant du ministre de l’intérieur et de la défense. Par ailleurs, il précise que les informations fournies à la délégation ne peuvent porter ni sur les opérations elles-mêmes, ni sur leur origine, ni sur leur financement.

Le Gouvernement a voulu éviter ainsi que la délégation ne soit tentée de s'ériger en organe de supervision de l'activité des services de renseignement, prérogative qui relève de l'exécutif. La commission n'a pas voulu revenir sur cet équilibre et les missions de la délégation resteront donc très encadrées, du moins pour l’instant. En revanche, nous avons estimé que le champ de compétence de la délégation devait inclure, outre les services relevant des ministères de l'intérieur et de la défense, les services du ministère des finances menant des missions de renseignement, tels que la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ou la cellule de renseignement financier TRACFIN.

Le projet de loi règle également l'organisation de la délégation, afin de garantir le nécessaire respect du secret. D’abord, le fait que la délégation soit commune à l'Assemblée nationale et au Sénat permet de limiter le nombre d'intervenants et les transmissions d'informations. Les services de renseignement auront ainsi un interlocuteur unique. Le nombre de membres est strictement limité : fixé dans le texte initial à trois députés et trois sénateurs, dont les présidents des commissions des lois et de la défense de chaque assemblée, il a été porté au Sénat à quatre députés et quatre sénateurs. Le format reste ainsi resserré, tout en permettant une représentation de l'opposition. Par ailleurs, le texte comporte des mécanismes rigoureux de protection du secret. Les travaux de la délégation seront couverts par le secret de la défense nationale, puisque c’est la préservation de ce secret qui justifie à titre principal la création d'un organe spécifique. Les séances de la délégation se tiendront à huis clos, et si les parlementaires pourront, ès qualités, avoir directement accès aux informations classifiées, les fonctionnaires qui les assisteront devront se soumettre à une procédure d'habilitation. Parlementaires et fonctionnaires étant soumis au secret défense, ils pourront voir leur responsabilité pénale engagée en cas de violation. Le respect de ces règles de confidentialité est un impératif pour la crédibilité de la délégation. Ses réunions devront se tenir dans des locaux sécurisés, dans lesquels les documents classifiés seront conservés.

Le Sénat a conservé l'équilibre d'ensemble du projet du Gouvernement, qu’il a cependant modifié sur deux points principaux. En ce qui concerne les personnes qui pourront être entendues, le Sénat a considéré, alors que le texte initial en donnait une énumération limitative, que la loi devait se contenter d'évoquer la situation des agents relevant de l'exécutif, la délégation étant libre d’entendre qui elle voudra parmi les personnes extérieures au Gouvernement. Cependant, notre commission estime que la liste des interlocuteurs gouvernementaux ne devait pas atteindre un niveau de détail ne relevant manifestement pas du domaine de la loi.

La seconde modification concerne le rapport annuel de la délégation. Dans le texte initial, on avait opté pour un nombre restreint de destinataires – Président de la République, Premier ministre et présidents des deux assemblées –, ce qui permettait à son contenu d’être substantiel. Éclairée par les documents confidentiels et par les auditions tenues à huis clos, la délégation serait en mesure de se prononcer sur des questions sensibles qui n'ont bien évidemment pas vocation à tomber dans le domaine public. Pour éviter qu’en l'absence de tout lien avec l'extérieur, l'activité de la délégation ne tombe dans l'oubli, le Sénat a préféré que le rapport soit rendu public – mais il ne s’agirait dès lors que d’un simple rapport d'activités, ce qui en amoindrit singulièrement l'intérêt. Notre commission estime que ces deux solutions ne sont pas exclusives l’une de l’autre et proposera par amendement que la délégation produise à la fois un rapport public et d’autres plus substantiels adressés aux plus hautes autorités de l'État.

Au total, la création de cette délégation participe du mouvement plus général de renforcement de la fonction de contrôle du Parlement. La spécificité des services concernés exige des procédures singulières, afin de ne pas compromettre leur efficacité, et donc la sécurité de nos concitoyens. C'est pourquoi la commission des lois a adopté le présent projet de loi, sous réserve des amendements qu’elle présentera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense – La nécessité pour le Parlement de disposer d'une information de qualité sur les activités de renseignement fait, je pense, l'unanimité sur ces bancs. La France connaît d’ailleurs en ce domaine un retard réel par rapport aux autres pays de l'Union. Céder à l'autodénigrement pourrait cependant accréditer l'idée que nos services de renseignement ne font l'objet d'aucun contrôle extérieur, alors que des instances telles que la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ou la commission de vérification de l'utilisation des fonds spéciaux réalisent un travail important. Chaque année par ailleurs, lors du débat budgétaire, les rapporteurs s’y intéressent, peut-être même plus que dans beaucoup de parlements en Europe. L'ancienneté des dispositifs étrangers, toute relative, ne signifie pas non plus que leurs résultats sont à la hauteur des espérances.

Les instances de contrôle parlementaire existant en Europe ont quelques traits communs, tels qu’un effectif très réduit, la représentation de l'opposition et le secret des travaux et des délibérations, traits que le projet reprend tous. Pour autant, ce texte est adapté aux particularités nationales et il résulte de débats anciens et récurrents. Deux propositions de loi ont en effet été déposées sur le sujet en 1999, l'une au Sénat par Nicolas About, l'autre à l'Assemblée par Paul Quilès, à laquelle s'était associé Guy Teissier. Les réflexions qui ont été alors conduites ont fait évoluer les esprits et, lors de la discussion du projet de loi sur le terrorisme, en novembre 2005, si les trois amendements sur le contrôle des services de renseignement ont été refusés, le gouvernement s'est engagé à déposer rapidement un texte aussi consensuel que possible. Cela fut fait dès le 8 mars 2006 et le nouveau Gouvernement a tenu à soumettre la question au Parlement aussi vite que possible.

Le principe retenu est celui d'une délégation parlementaire commune aux deux chambres, pour des raisons tant pratiques que liées à la nécessité de limiter le nombre de personnes participant aux travaux. De ce dernier point de vue, le projet initial était particulièrement prudent puisque la délégation ne devait compter que six membres, dont quatre de droit. À juste titre, le Sénat a porté l'effectif à huit, ce qui permettra de mieux représenter les différentes sensibilités politiques tout en conservant un format réduit. En revanche, je regrette que le champ de compétences de la délégation n’inclue pas certains services tels que la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières ou la cellule TRACFIN. Les activités de renseignement menées par les services des ministères du budget et de l'économie doivent également pouvoir être abordées. C'est l'objet de deux amendements identiques déposés par les commissions des lois et de la défense.

Au Sénat, en première lecture, trois questions principales ont été abordées. La première est celle des rapports entre la délégation et la commission de vérification de l'utilisation des fonds spéciaux. Les commissions des lois et des affaires étrangères du Sénat avaient d’abord souhaité que le rapport annuel non public de cette dernière puisse être remis à la délégation, mais leurs amendements ont été retirés en séance publique car ils aboutissaient à inclure le financement des activités opérationnelles dans le champ de compétence de la délégation. Compte tenu du caractère extrêmement sensible de ces activités, il paraît nécessaire de maintenir une séparation claire entre les deux organes et d'attendre les enseignements de l'expérience avant d'envisager une éventuelle coordination de leurs activités.

Sur la deuxième question, relative aux auditions, le texte initial était particulièrement restrictif puisque la délégation ne pouvait entendre que les ministres, les directeurs des service de renseignement et le secrétaire général de la défense nationale. Le Sénat y a ajouté le Premier ministre et a précisé que, pour les agents exerçant ou ayant exercé des fonctions au sein des services de renseignement, seuls les directeurs de service pouvaient être entendus. Cette rédaction paraît perfectible et les commissions des lois et de la défense en proposent chacune une nouvelle.

Enfin, sur la question de la publicité des travaux de la délégation, le Sénat a préféré à un rapport annuel non public remis au Président de la République, au Premier ministre et au président de chaque assemblée un rapport d’activité public, qui lui permettra d'acquérir une existence aux yeux de l'opinion mais dans lequel la délégation ne pourra bien sûr plus faire état des constatations, conclusions et propositions qui sont soumises au secret de la défense nationale. La commission de la défense a donc souhaité qu’elle puisse adresser ces observations et propositions aux quatre destinataires initialement prévus, pour jouer ainsi un rôle plus constructif.

La création de cette délégation constitue un progrès important pour le Parlement, mais aussi pour l'exécutif, qui disposera d'un regard extérieur propre à l'orienter vers d'éventuelles réformes, et pour les services de renseignement eux-mêmes, qui sortiront ainsi de leur isolement. Il faut rendre hommage aux hommes et aux femmes qui travaillent dans ces services. Il faut souligner leur courage et l'importance de leurs missions dans un environnement où l’évaluation des menaces est devenue un art difficile. La création de cette délégation constitue une reconnaissance de leur rôle au service de la Nation. Elle est aussi un acte de confiance réciproque entre le Parlement et les services de renseignement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel – Je me réjouis que ce projet de loi voie enfin le jour : l'idée est ancienne, mais aucun gouvernement n'avait accepté de donner au Parlement ce rôle qui doit pourtant lui revenir. Pourtant, la plupart des démocraties ont compris l’importance de cette mission et se sont déjà dotées d’une structure parlementaire ad hoc, pour certaines depuis fort longtemps : les États-Unis en 1977, l’Australie dès 1979, la Belgique en 1991, le Royaume-Uni en 1994 et l’Allemagne en 1999. D’autres pays proches comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal et les Pays-Bas ont aussi déjà franchi le pas.

En France, deux propositions de loi ont été déposées en 1999 : l’une au Sénat par Nicolas About, « portant création d'une délégation parlementaire du renseignement », composée de quatre sénateurs et de quatre députés, et chargée d'évaluer « la politique nationale du renseignement » ; l'autre à l'Assemblée nationale, par Paul Quilès « tendant à la création d'une délégation parlementaire pour les affaires de renseignement », qui aurait suivi les activités des services de renseignement. Cette dernière, pourtant examinée par la commission de la défense en novembre 1999, n’a jamais été inscrite à l'ordre du jour, en raison de l'hostilité de nombreux professionnels du renseignement. En outre, des amendements au projet de loi de finances pour 2005 ont été défendus sans succès par MM. Lellouche et Marsaud, ainsi que par des collègues du groupe socialiste.

Les motivations d’alors n’ont pas changé : évolution des menaces terroristes, profonde transformation de nos services de renseignements, retard du Parlement français par rapport à ses homologues étrangers. Et si de nouvelles formes de contrôle, confiées à des autorités administratives indépendantes telles que la commission consultative du secret de la défense nationale ou la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, sont apparues, le contrôle parlementaire demeure inexistant. Il est donc heureux que le Gouvernement remédie à cette situation, même si certaines timidités du texte sont regrettables.

Dans le projet initial, la délégation parlementaire commune aux deux chambres, comportait trois députés et trois sénateurs, les présidents des commissions de la défense et des lois en étant membres de droit. Dans l’esprit d’ouverture qui caractérise l'action du Président de la République, nos collègues du Sénat ont proposé d'augmenter le nombre de commissaires, même si l’arbitrage entre ouverture politique et confidentialité est difficile. Par ailleurs, cette délégation aura vocation à entendre les directeurs du renseignement, ce qui permettra de mieux comprendre les contraintes propres à chacun des services.

J’approuve la volonté de mettre en place des mécanismes de coordination stratégique, tel le futur Conseil national de sécurité qui siégera auprès du Président de la République, au plus près des besoins politiques. La difficile conception d’un plan national de renseignement a montré combien manquait cette instance décisionnelle de haut niveau.

En revanche, je regrette que les missions de la délégation parlementaire se limitent à un simple suivi des services de renseignement et non à un contrôle. Pourquoi une telle frilosité ? D'autre part la communauté du renseignement est définie de façon un peu limitative : elle comprendrait la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement militaire, la direction de la protection et de la sécurité de la défense, la direction de la surveillance du territoire et la direction centrale des renseignements généraux, ainsi que l'unité de coordination de lutte anti-terroriste – qui dépend du ministère de l'intérieur – et la direction des affaires stratégiques – qui dépend du ministère de la défense. Or cette dernière n’est pas un service de renseignement.

Il me semblerait en revanche légitime d’ajouter à cette liste, comme le proposent Bernard Carayon et Yves Fromion, la Direction nationale de la recherche et des enquêtes douanières et la cellule de traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, qui dépendent toutes deux du ministère de l'économie, participent au Comité interministériel du renseignement du SGDN, ont des pouvoirs dérogatoires du droit commun et disposent de fonds spéciaux.

Par ailleurs, il est regrettable que le contrôle des programmes d'équipements des services de renseignement soit exclu du champ du texte, alors que les dispositifs sont souvent de grande ampleur et requièrent un budget conséquent. Aux États-Unis, le contrôle par le Congrès des programmes a mis en lumière de nombreux dérapages budgétaires et une faible interopérabilité des moyens.

Enfin, le texte exclut le contrôle parlementaire sur les opérations menées par les services de renseignement. Si la délégation n’a pas, en effet, à connaître des opérations en cours, en va-t-il de même des opérations achevées ? Cela permettrait sans doute que des révélations journalistiques – comme ce fut le cas de l’affaire « Greenpeace » – déconsidèrent la délégation dès le premier incident.

Pour autant, je soutiens ce projet de loi qui, pour la première fois, autorise le Parlement à jouer son rôle de contrôle sur les activités de renseignement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Lambert – Notre pays fait figure de dernier de la classe en ce qui concerne les relations entre les services de renseignement et les élus du peuple. En vertu d’une tradition peu démocratique, le Parlement est privé du droit de s'informer des questions relatives aux services de renseignement, lesquels ne relèvent que du pouvoir exécutif. Nous étions nombreux à souhaiter, depuis quelques années, une évolution significative. Pour autant, ce projet de loi ne répond pas à nos attentes.

Les questions relatives au Renseignement sont hautement sensibles, mais pourquoi un responsable investi d'une mission gouvernementale pourrait-il en connaître et ne le pourrait plus dès lors qu’il deviendrait parlementaire ? Son engagement et sa responsabilité au regard du pays resteraient pourtant les mêmes ! Que les parlementaires, investis de la mission de contrôle de l’exécutif, ne puissent l’exercer que partiellement, est une anomalie.

Le Groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche souhaite donc amender ce projet afin que les élus puissent mieux appréhender les problèmes liés au fonctionnement des services.

Bien entendu, le caractère secret des travaux doit être garanti. Cependant, la mission doit débattre avec les autorités responsables. En effet, si la circulation d'informations secrètes risque de mettre en péril les intérêts de notre pays, une délégation sourde et muette ne pourrait pas non plus remplir sa mission de contrôle.

Nous devons donc rechercher un équilibre subtil entre la préservation du secret et un contrôle parlementaire responsable. Le projet actuel, en toute sincérité, n’y parvient pas. Par nos amendements, nous montrerons qu’il est possible de construire une relation nouvelle entre services de l'exécutif et contrôle du législatif, sans une once de suspicion. Sans quoi ce projet ne servira à rien, ni aux services, ni au Parlement, et nous passerons à côté d'une évolution nécessaire de nos institutions.

Permettez-moi aussi d'évoquer la place de l'opposition dans ce nouveau dispositif. Puisqu'il s'agit d'une délégation assurant le suivi de l'activité générale et des moyens des services de renseignement, la représentation de l’opposition et de la majorité devrait être paritaire. Cette mission d'intérêt général serait ainsi remplie au mieux, et toute manœuvre politicienne de circonstance serait déjouée, ce qui rassurerait certains milieux, hermétiques aux jeux politiciens.

J’espère que ce débat nous permettra de tourner une page de notre histoire, où le renseignement jouissait d’une mauvaise réputation. À nous d'en faire l’instrument plus moderne de nos institutions républicaines et démocratiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Jacques Candelier – Ce texte nous donne l’occasion de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement sur des activités qui relevaient, jusqu'à présent, de la seule compétence de l'exécutif.

La création d'une délégation parlementaire pour le renseignement constitue une avancée puisque la France était l’un des rares pays d’Europe à en être dépourvue. L'enjeu est de taille : les activités liées au renseignement comptent parmi les moins connues de nos concitoyens et – pour des raisons qui ne sont pas toujours louables – sont très opaques.

Créer une délégation parlementaire sur le renseignement, c'est tourner le dos aux pratiques qui faisaient de ces services des officines du pouvoir, parfois instrumentalisées à des fins peu avouables.

Nous ne nous faisons cependant guère d'illusions. Ce contrôle, s’il constitue un progrès démocratique, ne sera pas la panacée. La délégation recevra certes des informations sur le budget, l'activité générale et l'organisation des services de renseignement ; elle pourra entendre le Premier ministre, les ministres de l'intérieur et de la défense, les directeurs des services, mais ses attributions s'arrêteront là. Or, si nous pouvons comprendre certaines restrictions, en vue de préserver la sécurité des opérations, il ne nous paraît pas opportun d'exclure les informations relatives aux personnes, aux modes opératoires d'acquisition du renseignement ou aux opérations passées, qui devraient entrer dans la compétence de la délégation, d'autant que les travaux de celle-ci seront couverts par le secret de la défense nationale.

Malgré ces critiques, nous reconnaissons l'utilité de la démarche. Les acteurs du renseignement eux-mêmes admettent que notre dispositif de sécurité nationale est obsolète, n’ayant guère évolué depuis sa création dans les années 1950. Les objectifs de ces services, leurs structures, leurs modes d'intervention, semblent aujourd'hui inadaptés face aux menaces opaques et multiformes qui pèsent sur notre sécurité, notamment parce que la distinction entre les dimensions intérieures et extérieures de la sécurité nationale apparaissent désormais beaucoup plus floues.

Cet effort de modernisation appelle non seulement une réorganisation des structures, mais aussi des moyens. La création d'une instance parlementaire ayant compétence sur les moyens humains et techniques des services de renseignement apparaît indispensable. L'existence d'une délégation ad hoc parachèvera le mouvement engagé depuis 2002 avec la création de la commission, composée de parlementaires et de magistrats de la Cour des comptes, chargée de vérifier, a posteriori, l'utilisation des fonds spéciaux.

La question de la création d’une délégation parlementaire sur le renseignement avait déjà été soulevée en 1999, en 2002, en 2005, enfin, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. En accordant de nouveaux moyens à ces services, notamment la possibilité de consulter les fichiers de cartes grises ou de passeports sans réquisition par la justice, la loi soulevait de graves questions de libertés publiques. L'idée d’un contrôle parlementaire s’était alors fait jour, quand bien même le pouvoir exécutif exerce traditionnellement une autorité sans partage dans ce domaine. L’idée doit faire son chemin, et la création d’une délégation parlementaire représente une étape sans doute décisive. Comme le souligne le directeur de la DST, M. Pierre de Bousquet : « Dans toute démocratie moderne, la confiance accordée aux services dépend de la capacité des autorités politiques à contrôler leur activité ».

Certaines questions demeurent cependant en suspens, en premier lieu celle concernant la composition de la délégation : nous aurions aimé que le pluralisme soit davantage respecté. S’agissant, ensuite, de sa compétence, si nous nous félicitons qu’elle ait été étendue, en commission, aux services du ministère des finances, nous aurions souhaité qu’elle le soit également aux programmes, aux opérations terminées et aux moyens opératoires.

Ces insuffisances, ainsi que la faiblesse des moyens dont disposeront les parlementaires pour mener à bien ces nouvelles missions, incitent notre groupe à s'abstenir sur ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Francis Hillmeyer – Cela fait longtemps que la création d'une instance parlementaire spécialisée dans le renseignement était évoquée dans chacune des deux assemblées, rencontrant un large consensus. Durant la Xle législature, une proposition de loi de M. Paul Quilès, adoptée en commission, n'avait pas été examinée. Ainsi, la création d'un organe ad hoc a tardé à voir le jour. La loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme a relancé le débat, et le nouveau Gouvernement a donné l'impulsion nécessaire pour concrétiser, aujourd'hui, ce projet.

Il était important que le Parlement français soit associé à un domaine aussi vital que la sécurité de la nation. La création d'une instance parlementaire spécialisée dans le renseignement, outre qu'elle répond à une exigence démocratique, confortera l'action des services de renseignement, essentiels à notre politique de sécurité. Ce texte met fin à une singularité française, puisque la France est le seul pays, à l’exception du Portugal, qui ne se soit pas doté d'un tel organe.

La délégation recevra des informations sur le budget, l'activité générale, l'organisation des services, et pourra entendre le Premier ministre, les ministres de l'intérieur et de la défense, les directeurs des services de renseignement. Si les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale, ses membres pourront tout de même sensibiliser leurs collègues parlementaires sur les chapitres budgétaires des ministères concernés et leurs priorités.

Il ne faut pas cependant qu’une transparence renforcée perturbe le fonctionnement des services. C'est pourquoi vous avez cherché, Monsieur le ministre, à concilier l’information du Parlement et l'efficacité des actions de renseignement, en posant certaines limites à l'étendue des informations placées sous le sceau du secret défense.

S'il a été reproché à ce projet d'être frileux, le Nouveau centre estime qu’il va dans la bonne direction. Il s'agit d'un premier pas utile, qui nous permettra de mieux relever les défis de demain. Il sera toujours temps, par la suite, de procéder à d'éventuels ajustements, tout en soutenant la démarche du Président de la République, qui met tout en œuvre pour une efficacité sans faille du renseignement français. Un rapprochement du type GIR pourrait, par exemple, servir de modèle à une collaboration entre les différentes entités du renseignement.

Je tiens à saluer les modifications apportées au Sénat et en commission, propres à faciliter le fonctionnement de la délégation. Le Sénat a décidé d’en porter les effectifs à huit parlementaires, ce qui va dans le sens du pluralisme, cher à mon groupe.

Ce texte ne sera pas bénéfique seulement pour le Parlement ; le monde du renseignement en retirera lui aussi des avantages, car les services ont besoin de reconnaissance et d'interlocuteurs connaissant leur métier. Pour ces raisons, le Nouveau centre soutiendra ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Soisson – La création d’une délégation parlementaire au renseignement présente un double intérêt. D’une part, les deux assemblées parlementaires seront mieux associées à l’effort de défense du pays ; en novembre 2005, M. Sarkozy avait pris un engagement, que nous tenons aujourd’hui. D’autre part, cette initiative permettra d’établir un rapport de confiance entre le Parlement et les services de renseignement. Le suivi parlementaire de l’activité de ces derniers ne doit pas entraver leur action mais, au contraire, contribuer à la légitimer. Le renseignement étant plus que jamais un instrument majeur de la politique de sécurité, ses services doivent disposer des moyens techniques et juridiques nécessaires. Nous devons mieux les connaître pour mieux les soutenir.

La difficulté consiste à concilier le contrôle parlementaire avec la nature même des tâches du renseignement, ce que M. Carayon a résumé, dans son rapport, par la formule : « droits de l’État contre état de droit ».

À cet égard, je crois que la présence des présidents des commissions compétentes est nécessaire, normale, évidente. Quant au nombre des membres de la délégation – quatre députés et quatre sénateurs –, il me paraît justifié. La composition doit en être pluraliste, car il ne devrait pas y avoir, en matière de défense nationale, de majorité et d’opposition, mais une seule représentation nationale, un soutien de la nation unanime.

M. Guy Geoffroy – Très bien !

M. Jean-Pierre Soisson – Concernant les compétences de la délégation, je considère que la direction générale des enquêtes douanières ou encore le service de lutte contre les circuits financiers clandestins, doivent en relever.

Le Sénat a souhaité que le rapport des travaux de la délégation soit public. Est-ce conciliable avec la nature de ses délibérations ? M. Fromion a trouvé la solution à ce problème, en proposant que la délégation puisse adresser des observations, voire des recommandations, au Président de la République et au Premier ministre. J’ai indiqué en commission que j’étais, personnellement, opposé à ce que ces observations soient transmises aux présidents des deux assemblées.

Sous réserve de ces observations, je considère que ce texte représente un progrès pour la fonction de contrôle parlementaire, sans porter atteinte à l’action des services de renseignement.

C’est la première fois que je m’exprime à la tribune en tant que membre de la commission de la défense et je suis fier de l’honneur que vous m’avez fait (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Julien Dray – Permettez-moi d’abord de rendre hommage à deux collègues qui ne siègent plus sur nos bancs, mais qui méritent d’être associés à ce débat. Je pense à Jacques Floch, qui avait mené la bataille dans l’hémicycle avec moi, il y a quelques années, sur ce sujet. Je pense aussi à Alain Marsaud, victime du dégât collatéral de la TVA sociale (Sourires), qui y avait lui aussi travaillé avec pertinence.

Permettez-moi maintenant une note d’humour. Notre débat porte notamment sur la confidentialité et la suspicion des services de renseignement à l’égard des parlementaires qui pourraient ne pas respecter cette confidentialité. Au vu de l’actualité récente, et de ceux qui sont désormais considérés, semble-t-il, comme d’éminents représentants des services de renseignement, je pense que nous n’avons pas de leçons à recevoir ! Vous voyez ce que je veux dire…

Mme Claude Greff – Non, nous ne voyons pas.

M. Julien Dray – Demandez à quelques généraux en titre !

Mme Claude Greff – Cela ne veut rien dire !

M. Julien Dray – Vous avez très bien compris : ne vous faites pas plus bête que vous n’êtes ! Si vous voulez m’interrompre, prenez donc la parole, Madame : je vous répondrai !

Mme Claude Greff – Ne me montrez pas du doigt ! Je ne m’appelle pas Ségolène Royal ! Parlez-moi correctement !

M. le Président – Reprenons le cours normal de la discussion générale, je vous prie.

M. Julien Dray – Il y a en effet une correction à apporter à notre système. C’est ce que fait ce texte qui pose un des fondements de l’État de droit, le contrôle, qui est d’ailleurs protecteur pour nos services de renseignement, l’existence d’une telle structure garantissant le sérieux de leur travail et mettant fin aux suspicions réciproques.

Il y a donc là une avancée démocratique. Mais celle-ci reste timide. Une remarque annexe, tout d’abord : il serait plus judicieux et sans doute plus efficace que ce soit un parlementaire autre qu’un président de commission qui préside cette délégation.

Plus importants sont le champ de compétence de cet office et les personnes qu’il pourra entendre. Soit il ne s’agit que de s’entendre présenter quelques vues générales, et le contrôle exercé restera factice ; soit nous voulons un véritable suivi des stratégies et de l’action de terrain des services, et il faut que nous puissions entendre leurs différents membres. M. Marsaud avait constaté que 80 % du renseignement relevait aujourd’hui d’officines privées. Il est indispensable de savoir comment l’action de celles-ci s’articule avec celle de nos services. Il faudrait en outre que notre délégation puisse aussi contrôler ces officines privées.

Les amendements que nous avons déposés visent donc à élargir les compétences de la délégation, afin qu’elle ne soit pas simplement une garantie concédée, mais une véritable conquête démocratique.

M. Philippe Folliot – Je me félicite de ce texte qui instaure un suivi parlementaire des services de renseignement. Jusqu'à présent – et contrairement à ce qui se passe dans nombre de démocraties – notre Parlement est en effet resté à l'écart de ces questions pourtant essentielles pour la sécurité, la défense et la souveraineté nationale. Autocensure au nom du domaine réservé du chef de l'État, « secret défense » : tout un pan de l'action gouvernementale lui échappe. Nous sommes, il est vrai, confrontés à des exigences contradictoires : celle du secret, inhérente à l’action même des services secrets et de renseignement, et celle de la transparence, liée au contrôle parlementaire.

Ce texte est donc un premier pas en faveur d'une association plus étroite du Parlement aux questions de renseignement. Il poursuit aussi une ambition plus large : la revalorisation du rôle du Parlement dans nos institutions. Il ouvrira, je l’espère, la voie à la création d'autres organes de suivi ou de contrôle. Le Nouveau centre tient à saluer cet effort, lui qui souhaite que notre Parlement redevienne le lieu d'une démocratie vivante et moderne. Il faut donc que l’opposition soit représentée dans cette délégation : il en va de sa légitimité.

Le contrôle exercé par le Parlement sur les services de renseignement s’est jusqu’ici limité à un contrôle financier à l’occasion du vote du budget. Nous votons un peu à l’aveugle les moyens destinés à cette partie de l'action gouvernementale, sans savoir s’ils sont suffisants, adaptés aux missions accomplies et utilisés à bon escient. Jamais la représentation nationale ne s'est exprimée sur les priorités à donner aux services ou l'utilisation qui devait être faite des informations collectées. Bref, nous n'avons pas considéré le renseignement comme faisant partie de notre processus de décision. Ce manque de transparence et les caricatures véhiculées par les livres et le cinéma ont entretenu la suspicion de l'opinion publique à l'égard du renseignement. Notre culture, dans ce domaine, n'est pas celle des pays anglo-saxons. En réalité, l’opinion publique connaît mal le rôle que jouent ces services au sein d’une politique de sécurité confrontée à des défis croissants – terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, activités criminelles transnationales. Il faut donc rendre hommage au sens du devoir et à la compétence de nos agents.

Cette délégation sera l'occasion de donner au renseignement la place qui lui revient dans notre politique de sécurité. Elle fera naître une relation de confiance entre la représentation nationale et les services de renseignement. Elle donnera à ces derniers une nouvelle légitimité, tout en favorisant l'émergence d'une culture du renseignement dans notre pays.

Ce texte est un premier pas. Il faudrait qu’il soit évalué à la fin de la législature pour pouvoir éventuellement aller plus loin par la suite. Notre groupe est donc très favorable à ce projet qui constitue une importante innovation démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Bernard Cazeneuve – Dès lors que l’on parlait de questions touchant au renseignement – donc aux prérogatives régaliennes de l’État – il a toujours paru difficile d’octroyer au Parlement des pouvoirs lui permettant d’exercer des missions de suivi et de contrôle sur des services relevant de la compétence de l’État. Il a donc fallu attendre 1998 pour que, dans le cadre d’un contrôle a posteriori de l’action de l’exécutif dans le domaine de la politique étrangère et de la défense – la mission d’information sur le Rwanda – nous décidions de doter le Parlement de moyens lui permettant d’aller jusqu’au bout de ce contrôle. Et il a fallu une longue maturation, sur tous les bancs de cette Assemblée, pour que ce texte vienne enfin en discussion.

Nous faisions figure d’exception en Europe. L’Allemagne a par exemple mis en place dès 1978 un dispositif de contrôle, qui a été amélioré en 1999. Les parlementaires allemands ont ainsi depuis longtemps la possibilité de contrôler sur place et sur pièces l’activité des services de renseignement. Ils peuvent faire appel à es experts, et les très importantes prérogatives qui sont les leurs n’ont nullement mis en cause leur sens des responsabilités.

Le présent projet représente, c’est vrai, un progrès, mais ce progrès serait plus marqué encore si les amendements déposés par le groupe SRC étaient adoptés. J’en doute à peine, vous ayant, monsieur le ministre, entendu dire que vous étiez prêt à aller le plus loin possible dans le sens du consensus, et même si nous n’avons pas été suivis par la commission... Par ces amendements, nous souhaitons en premier lieu garantir l’équilibre nécessaire au sein de la délégation, où tous les groupes politiques devraient être représentés. Or, elle ne comptera que huit membres et le Parlement, Assemblée et Sénat confondus, compte beaucoup plus de huit groupes. Pour faire entrer l’édredon dans la valise, il faudra donc assurer la parité, en nombre, entre majorité et opposition, ou l’instituer dans les fonctions de président et de rapporteur. Il faudra d’autre part veiller à ce que la délégation ne compte pas un nombre excessif de membres de droit, qui sont par nature des gens très occupés… (Sourires) Enfin, la délégation doit pouvoir entendre tous les services qui relèvent de la défense nationale, ainsi que la cellule de renseignement financier dite Tracfin. De même, une articulation est nécessaire avec la commission de vérification des fonds spéciaux, dont le rapport devrait lui être transmis. Telle est, en résumé, la teneur de nos amendements.

M. le Président – La discussion générale est close. J’appelle l’article unique du projet de loi, dans la rédaction du Sénat.

ARTICLE UNIQUE

Mme Delphine Batho – Je m’associe à l’hommage rendu par le ministre aux femmes et aux hommes des services de renseignement, qui sont en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. Si l’exigence de contrôle parlementaire sur les activités de ces services s’est accrue, c’est qu’après les attentats commis aux États-Unis le 11 septembre 2001 et ceux qui ont suivi dans d’autres pays, leurs pouvoirs ont été renforcés ; plus exactement, certaines pratiques ont été régularisées, mais pas toutes. Tout État de droit doit assumer de donner des pouvoirs à ses services de renseignement, mais il se doit aussi de porter un regard démocratique sur leurs activités. Du reste, les femmes et les hommes de ces services sont très demandeurs d’un contrôle parlementaire, qui les préserverait de toute suspicion. Or, au motif que le contrôle parlementaire ne devrait pas être intrusif, l’article unique en propose une conception très restrictive. Au vrai, la rédaction de l’article traduit une méfiance envers le Parlement. Elle consacre aussi un recul par rapport aux engagements pris par l’actuel Président de la République qui, alors ministre de l’intérieur, précisait, le 24 novembre 2005, être favorable au contrôle démocratique sur les services de renseignement, et y croire tellement qu’il ne voulait pas voir la notion caricaturée. La seule restriction qu’il y apportait était que les relations entre nos services et leurs homologues étrangers ne devraient pas s’en trouver affectées. La rédaction retenue, qui restreint par trop le champ de compétences de la délégation, justifie nos amendements. Nous souhaitons voir installée une délégation crédible et capable de travailler sérieusement et dans un climat de confiance, comme c’est le cas pour ses homologues étrangères, auxquelles le gouvernement peut refuser la communication de certaines informations s’il l’estime nécessaire. Nous préférons ce système au verrouillage qui nous est proposé.

M. Gilbert Le Bris – Le texte est opportun. Les services de renseignement constituent la première ligne de défense de la nation, et il est normal que le Parlement s’interroge sur les moyens qui sont mis à leur disposition. On comprend pourquoi ces activités sont entourées d’un voile pudique mais le secret alimente les phantasmes et la représentation nationale a toute légitimité pour être informée de l’usage fait des deniers publics. D’ailleurs, de telles délégations existent depuis de longues années déjà dans certains pays voisins. Malheureusement, le texte, en sa rédaction actuelle, est insuffisant, et il aurait été judicieux de s’inspirer des exemples étrangers, qu’il s’agisse du nombre de membres qui composent la délégation – neuf en Allemagne, par exemple – ou de la présidence – assignée à l’opposition en Italie, tournante en Allemagne –. Peu enthousiastes à l’idée d’une délégation unique, nous avons pris acte de cette configuration. En bref, le texte permet un premier pas, c’est vrai, mais bien timide, au point que l’on peut se demander si le Parlement sera à même d’exercer un meilleur contrôle que les media, souvent très bien informés… L’outil est ainsi conçu qu’il tient davantage de l’alibi que d’un instrument permettant un contrôle réellement efficace. C’est une occasion manquée, car il fallait aller plus loin. C’est à quoi tendent les amendements que vous examinerez et, peut-être, voterez…

M. Jacques Myard – Les services de renseignement ont existé de tout temps mais la République a feint de les ignorer, sinon de les mépriser, alors qu’il n’est pas de démocratie possible si l’État ignore les menaces qui pèsent sur la nation. Le texte qui nous est soumis revalorise le Parlement, qui sera désormais autorisé à se pencher, avec toutes les précautions nécessaires et toute la déontologie requise, sur les activités de ces services. Il revalorise aussi le rôle des femmes et des hommes de l’ombre. J’avais moi-même proposé la création d’un tel organe et je considère que ceux qui jugent le texte insuffisant font du juridisme. Ce dont il doit s’agir, c’est d’établir des relations de confiance entre la représentation nationale et les services de renseignement et, pour cela, les textes sont inutiles : il faut se parler, dialoguer pour renforcer la sécurité de la nation. Ce texte marquera d’une pierre blanche l’histoire des relations entre le Parlement et le renseignement. Je l’approuverai (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jérôme Lambert – L’amendement 11 réécrit l’article unique dans un souci de précision et d’efficacité. Tel que nous le réécrivons par cet amendement, l’article reprend l’ensemble des préoccupations de notre groupe ; s’il devait ne pas être adopté, nos amendements suivants les reprendraient une par une.

L’amendement 11 supprime la qualité de membre de droit donnée à certains présidents de commission. Bien entendu, rien n’interdira à ces présidents de commission, dont la qualité est reconnue par tous, de se faire désigner au sein de la délégation. Mais il ne faut pas empêcher un président à l’emploi du temps forcément surchargé de laisser une place à un collègue moins débordé.

Notre groupe souhaite également que la création de la délégation soit l’occasion d’une démarche exemplaire en matière de respect des droits de l’opposition. En effet, les questions de renseignement ne doivent pas être le champ de considérations partisanes, et il n’est pas de parlementaires moins soucieux que d’autres des intérêts vitaux de la nation. Évitons par conséquent de répéter le schéma habituel de l’écrasement de l’opposition par la majorité. À ce titre, il est hautement souhaitable que la composition de la délégation assure une parité entre la majorité et l’opposition. L’amendement propose donc de garantir cette parité à l’intérieur du binôme formé par le président et le rapporteur.

L’amendement souscrit au principe d’un nombre restreint de membres. Par contre, il ne peut admettre les limitations envisagées quant à l’objet de la mission et aux méthodes de travail. Il supprime par conséquent les restrictions posées au septième alinéa du texte voté au Sénat.

Pour avoir du crédit, la délégation doit pouvoir poser toutes les questions qu’elle juge utiles : au Gouvernement de prendre ses responsabilités en acceptant ou non d’y répondre. Mais la limitation a priori n’est pas acceptable. C’est aussi la raison pour laquelle il convient de ne pas limiter exagérément le nombre d’interlocuteurs potentiels de l’organe. Par exemple, les membres du Gouvernement doivent pouvoir être auditionnés, puisque plusieurs d’entre eux sont destinataires des travaux des services. Quant aux directeurs des services, ils doivent pouvoir se faire assister lorsqu’ils s’expriment devant la délégation. Enfin, les membres de la mission doivent pouvoir entendre qui bon leur semble.

Un juste équilibre serait ainsi atteint entre sécurité et efficacité. Notre proposition garantit le respect de la confidentialité, veille au pluralisme de la délégation et lui donne les moyens d’agir avec efficacité.

M. le Rapporteur – Au fond, cet amendement présente une vision du contrôle parlementaire sur les activités de renseignement qui relève plutôt du modèle américain, assez pointilleux, permanent et presque bureaucratique. Cette organisation n’a du reste pas empêché la démocratie américaine d’être confrontée aux problèmes que l’on sait, notamment pour ce qui concerne la coordination des services. Aucune des réformes engagées par le président Bush au lendemain des attentats du 11 septembre n’avait été imaginée par les parlementaires membres de la commission du renseignement ! C’est dire que ce modèle, pour excessif qu’il soit, ne constitue pas une panacée…

M. Jérôme Lambert – Mais ce n’est pas notre référence ! Nous pensons plutôt au Royaume-Uni ou à l’Allemagne.

M. le Rapporteur – Nous l’avons dit en commission : nous préférons nous inspirer des modèles britannique ou allemand, en tentant de les améliorer sensiblement. Au reste, le schéma britannique n’a rien d’idéal : les membres sont nommés par le premier ministre…

M. Jérôme Lambert – À l’issue d’une concertation avec l’opposition.

M. le Rapporteur – Certes, mais enfin, ils sont nommés. Quoiqu’il en soit, vous voulez instaurer un véritable contrôle parlementaire sur le modèle américain ; nous, nous prônons un suivi de l’activité des services strictement conforme aux exigences démocratiques. Avis défavorable à l’amendement.

M. le Secrétaire d'État – Même avis. Je ne vais pas tout reprendre puisque l’amendement réécrit tout le texte. Dans la discussion générale, j’ai entendu beaucoup de choses, à droite comme à gauche, certains députés de gauche étant du reste plus restrictifs que ceux de la majorité sur la manière dont tout cela doit fonctionner.

Sincèrement, le mieux, Julien Dray, est parfois l’ennemi du bien…

M. Julien Dray – Ça, c’est une formule !

M. Jacques Myard – Mais elle a fait ses preuves !

M. le Secrétaire d'État – Il vous est aujourd’hui proposé de valider une première étape. Philippe Folliot a préconisé un bilan d’application au bout d’un certain temps. Ce sera au Parlement d’en décider. Pour l’heure, le Gouvernement tient un engagement fort. Il est proposé de retenir une délégation de huit membres, qui va créer un lien inédit en devenant le lieu où pourront échanger des parlementaires et des responsables du renseignement. J’entends que cela serait trop timide, que tel ou tel point est trop restrictif… C’est en tout cas un progrès indéniable. Et, dans un pays où cela ne s’est jamais fait, c’est déjà une révolution !

Mme Claude Greff – Bravo !

M. le Secrétaire d'État – Le temps des améliorations viendra, mais il faut d’abord créer ce lieu, qui réalisera le « subtil équilibre » dont ont parlé nombre d’entre-vous entre, d’une part, le respect du secret défense et de la sécurité des personnels, et, d’autre part, la circulation de l’information pour la bonne information du Parlement. Nous invitons par conséquent l’ensemble des parlementaires à valider la démarche. À l’usage, nul doute que vous saurez faire les propositions utiles pour en améliorer l’efficacité. Mais il ne faut pas tout vouloir d’un coup. Puisse le Parlement, dans sa sagesse, nous accompagner dans cette initiative (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Delphine Batho – Monsieur le rapporteur, ce n’est pas de notre côté qu’il faut chercher une fascination pour le modèle américain en matière de lutte contre le terrorisme. J’ai suivi avec attention vos débats de novembre 2005 : qui proposait une fuite en avant dans le tout technologique pour lutter contre le terrorisme ?

M. Jacques Myard – Pas nous ! La France a toujours misé sur l’excellence du renseignement humain.

Mme Delphine Batho – Les États-Unis ne sont pas notre modèle, et je ne vois pas en quoi l’amendement que nous défendons témoigne de la volonté de s’aligner sur le modèle américain, lorsque nous alertons sur le fait que les présidents de commission sont déjà très occupés ou quand nous supprimons l’alinéa 7, voté au Sénat pour dresser une longue liste de sujets que la délégation n’aurait pas le droit d’aborder !

Ensuite, Monsieur le ministre, personne n’a dit que ce texte ne constituait pas une première avancée démocratique. Quant à tirer argument de l’idée que « le mieux est l’ennemi du bien »… Je vous réponds que tout texte est perfectible et que nous attendons de vous des propositions concrètes. À moins que le Gouvernement n’ait peur de la réforme que nous sommes en train d’accomplir… (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. le Secrétaire d'État – N’oubliez pas que c’est nous qui l’avons initiée !

Mme Delphine Batho – En tout cas, nous attendons de vous un peu plus d’ouverture d’esprit sur nos amendements. Cela pourrait permettre au texte de faire consensus. Si vous préférez caricaturer nos positions, nous ne pourrons pas avancer sereinement.

L'amendement 11, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Lambert – L’amendement 12 demande que majorité et opposition soient représentées à parité parmi les huit membres de la délégation.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les notions de majorité et d’opposition n’existent pas en droit parlementaire français, comme l’a confirmé la décision du Conseil constitutionnel du 22 juin 2006 faisant suite à la modification du Règlement de notre Assemblée. Le texte introduit par contre la notion de pluralité dans la composition de l’instance et nous considérons qu’il s’agit d’un progrès tangible.

M. le Secrétaire d'État – Même avis. Le texte initial prévoyait 3 + 3 membres, ce qui compromettait la représentation de l’opposition avec deux membres de droit de chaque côté ; en passant à 4 + 4 membres, la représentation de l’opposition est naturellement acquise. C’est une première avancée notable. Restons-en là pour l’instant.

L'amendement 12, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Lambert – Les amendements 14 et 13 sont défendus.

Les amendements 14 et 13, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 4 est rédactionnel.

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 5 tend à introduire de la souplesse dans le choix du président de la délégation, en laissant la possibilité à un membre qui n’est pas de droit d’assumer cette fonction. Compte tenu de la charge de travail induite, de la complexité des thèmes traités et de la nécessité de nouer des relations de confiance avec les interlocuteurs, il est souhaitable d’envisager cette possibilité, d’autant que l’expérience d’autres organes parlementaires – comme la délégation à l’Union européenne ou l’OPECST – montre qu’un fonctionnement très efficace est possible avec un président qui ne soit pas un président de commission.

M. le Rapporteur pour avis – J’ai la faiblesse de trouver l’argumentation du Sénat de bonne qualité (Sourires). Confier la présidence de la délégation à un président de commission permettrait d’en asseoir l’autorité et d’en conforter la crédibilité, vis-à-vis des services de renseignement comme de ses deux autres interlocuteurs que seront le Président de la République et le Premier ministre.

M. le Secrétaire d'État – Je penche aussi pour la version du Sénat, qui donnera plus de poids à cette délégation naissante. Pourtant, j’entends déjà M. Myard nous expliquer que tous les députés sont égaux, et il a raison : n’importe quel élu de la nation saurait présider la délégation avec dynamisme. Ainsi, tel Salomon, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jérôme Lambert – L’amendement de M. le rapporteur apporte de l’eau à notre moulin. Pourquoi imposer la présidence de cette délégation à un président de commission, compte tenu de sa charge de travail déjà considérable ? Il faudrait même préciser que sa place dans la délégation n’est pas de droit. M. le secrétaire d’État l’a rappelé avec raison : tout représentant de la nation quel qu’il soit, président de commission ou pas, saurait assumer sa tâche comme il se doit.

M. Jean-Pierre Soisson – Au contraire, un président de commission apportera sa force, son autorité et ses relations.

M. Jacques Myard – Fayot !

M. Jean-Pierre Soisson – « Ta gueule ! » aurait dit le sous-lieutenant en Algérie que j’étais jadis, puisque vous parliez de langage des casernes (Rires). Bref, sans un président de commission à la tête de la délégation, vous ne ferez rien. Une présidence tournante sans véritable autorité ? Tintin !

M. Jacques Myard – Pour donner un poids véritable à cette délégation, c’est dans notre Assemblée qu’il faudrait en choisir le président : nous sommes élus au suffrage universel direct, contrairement au Sénat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

L'amendement 5, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Lambert – L’amendement 15, qui élargit aux services à naître la compétence de la délégation, est défendu.

L'amendement 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 6 vise à élargir cette compétence à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, ainsi qu’à la cellule de renseignement financier TRACFIN, qui concourent à l’action de renseignement et, à ce titre, concernent la sécurité de l’État.

M. Julien Dray – À mesure que les compétences des services de renseignement sont étendues, on assiste à une explosion de services privés, notamment dans le domaine du renseignement économique où des officines privées sous-traitent parfois l’activité du service public. Le sous-amendement 18 vise à les inclure dans le champ de compétence de la délégation. Le Parlement ne peut se permettre l’à-peu-près : il doit viser l’excellence démocratique, et nous ne pouvons nous satisfaire de l’argument selon lequel « c’est un premier pas ». Pour que cette délégation ait un sens, elle doit pouvoir auditionner l’ensemble du secteur, y compris les services privés ; sinon, elle ne sera que façade.

M. le Rapporteur pour avis – L’amendement 1 rectifié est identique à l’amendement 6.

M. le Rapporteur – Pour que cette délégation ait un sens, Monsieur Dray, il faut précisément qu’elle exclue les agences privées, car de deux choses l’une : soit elles travaillent sur de l’information ouverte, et leur audition n’a alors aucun sens, soit elles opèrent de manière illégale, et relèvent dès lors du droit pénal. J’ajoute qu’aucune instance de contrôle à l’étranger n’auditionne de tels services, sauf dans le modèle américain que vous défendez une fois de plus.

M. le Secrétaire d'État – Même avis sur le sous-amendement : pour que la délégation soit efficace, il faut que ses auditions soient ciblées. S’agissant des amendements des rapporteurs, le Sénat avait tranché et j’étais d’abord de son avis, mais je reconnais que les travaux de la délégation gagneraient en cohérence si l’on étendait sa compétence aux services que vous citez. Le Gouvernement donne donc un avis de sagesse positive (Sourires).

Mme Delphine Batho – Votre opposition au sous-amendement 18 est étonnante. Une grande partie des missions de nos services de renseignement concerne désormais l’intelligence économique. Les grandes entreprises privées ont leurs propres services en la matière. La délégation ne pourra disposer d’une vue d’ensemble du secteur si l’on ne clarifie pas les choses.

Le sous-amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

Les amendements identiques 6 et 1 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L’amendement 7 est rédactionnel.

L'amendement 7, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis - L’amendement 2 vise à clarifier la rédaction issue du Sénat concernant les auditions auxquelles la délégation peut procéder. Il mentionne le Premier ministre, les ministres et le secrétaire général de la défense nationale, qui est au cœur de la synthèse du renseignement et qui a notamment la main sur le comité interministériel du renseignement. En revanche, s’agissant des agents exerçant ou ayant exercé au sein des services de renseignement, il ne prévoit l’audition que des seuls directeurs en fonction. Il s’agit d’éviter que la délégation, s’intéressant à des événements passés, ne se transforme en commission d’enquête, sortant ainsi du cadre du suivi voulu par la loi.

M. le Rapporteur – Je ne serai favorable à cet amendement que sous réserve de l’adoption du sous-amendement 19. Contrairement aux apparences, ce sous-amendement n’a pas pour but d’empêcher la délégation d’entendre le secrétaire général de la défense nationale, mais seulement de veiller scrupuleusement au respect de la séparation entre le domaine de la loi et celui du règlement. L’organisation des services du Premier ministre est, incontestablement, une compétence exclusivement réglementaire. Le SGDN a été créé par un décret et peut être supprimé, ou son appellation modifiée, par la même voie. Il n’est d’ailleurs cité dans aucun texte de loi. La commission des lois ne souhaite pas que l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées soit ainsi polluée par des dispositions de nature réglementaire. Ce sujet a été évoqué à maintes reprises par son ancien président Pierre Mazeaud, devenu ensuite président du Conseil constitutionnel. Il est temps de mettre un terme à cette dérive consistant pour nos assemblées à faire le travail de l’autorité exécutive.

M. Jacques Myard – Très bien !

M. Gilbert Le Bris – L’amendement 16 est en discussion commune. Tout le monde parle de la revalorisation du législatif par rapport à l’exécutif. Cela doit être vrai aussi dans le domaine de la défense nationale, certes réservé à l’exécutif depuis le début de la Ve République, mais les choses évoluent. L’on souhaite de plus en plus que la représentation nationale soit associée d’abord, en amont, aux choix de la défense nationale, qu’il s’agisse de l’élaboration du livre blanc ou de la loi de programmation militaire ou de la définition des matériels et des formats à retenir, mais aussi, en aval, à la vérification de l’utilisation des fonds votés en loi de finances et des actions menées. La défense change beaucoup, y compris avec l’intervention d’officines privées, qui ne relèvent pas toutes du pénal. Nous avons à définir la place du législatif dans ce domaine et il serait dommage que la délégation au renseignement soit immédiatement bridée, que l’on s’autocensure, que l’on se refuse le droit d’entendre certains interlocuteurs. Après tout, l’exécutif pourra toujours refuser de répondre s’il estime que la question ne relève que de lui seul ! Cet amendement vise donc à redonner une certaine liberté à la délégation dans les thèmes abordés et les personnes auxquelles elle peut s’adresser.

M. le Rapporteur – C’est précisément le sens du sous-amendement 19 que de donner plus de souplesse à la délégation pour entendre les responsables administratifs qu’elle souhaite. Elle pourra ainsi par exemple, ce qui n’était pas possible dans le texte en l’état, entendre le directeur général de la police nationale, c’est-à-dire la personne qui a autorité sur le patron de la DST et celui de la direction centrale des renseignements généraux et qui sera en charge de leur prochaine fusion. Ce sous-amendement suffit à assurer la souplesse nécessaire et un meilleur respect des prérogatives parlementaires. Avis défavorable.

M. le Secrétaire d'État – Le Gouvernement ne peut être que défavorable à l’amendement 16, pour les raisons que j’ai exposées dans le débat sur les officines privées. Pour le reste, je comprends bien le débat sur la séparation entre les articles 34 et 37 de la Constitution, mais le sous-amendement 19 soulève deux problèmes. D’abord, chacun de ceux qui se sont intéressés aux activités de renseignement savent le rôle clef, moteur, coordonnateur du secrétaire général de la défense nationale. Il serait donc quelque peu gênant de retirer cette référence du texte, qui pourrait même en être fragilisé. Ensuite, nous ne sommes pas favorables à ce que les autorités citées puissent envoyer « toute personne relevant de leur autorité et déléguée par eux ». Ce sont le Premier ministre, les ministres, le secrétaire général de la défense nationale ou les directeurs qui doivent être auditionnés ! J’émets donc un avis défavorable au sous-amendement 19 et un avis favorable pour l’amendement 2 de M. Fromion.

Mme Delphine Batho – J’aurais été plutôt séduite par le sous-amendement 19, mais il faudrait aussi supprimer cette phrase prévoyant que seuls les directeurs de service en fonction peuvent être entendus. Cela veut dire concrètement que la délégation parlementaire ne pourra pas entendre, par exemple, le patron de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste, une instance dont nous voulons par ailleurs renforcer le rôle. Cette rédaction extrêmement limitative exclut en fait toute une série de hauts responsables de la police nationale qui jouent un rôle de coordination majeur.

M. Philippe Vitel – Je suis tout à fait d’accord avec le ministre. Bernard Carayon a beau vouloir de la souplesse, son sous-amendement aboutira plutôt à alourdir le système, puisqu’il faudra repasser par le Premier ministre pour obtenir l’audition du secrétaire général de la défense nationale. Il faut adopter l’amendement 2, pas le sous-amendement.

M. le Rapporteur – L’administration française fonctionne selon un principe hiérarchique et je ne vois rien de scandaleux à ce que l’audition du secrétaire général de la défense nationale soit autorisée par le Premier ministre. Par ailleurs, le SGDN est d’autant plus loin d’être en charge de la coordination du renseignement en France, et le comité interministériel du renseignement plus loin de constituer lui aussi une instance de coordination, qu’il n’en existe pas du tout ! Nous ne sommes pas les seuls à connaître ce problème, qui sera sans doute résolu un jour, mais je vous assure que cette thèse ferait beaucoup rire le patron de la DGSE et ses collègues. Enfin, Madame Batho, la délégation pourra entendre la patron de l’UCLAT comme elle pourra entendre toute autre personne, le président de la CNIL par exemple. Ce sont les seules autorités relevant du pouvoir exécutif qui sont citées dans le texte. Les légions de spécialistes ou d’universitaires qui pourraient avoir envie de donner leur avis n’ont pas à être mentionnés, pas plus que le texte sur la délégation pour l’Union européenne ne doit citer les commissaires et sous-chefs de bureau européens qu’elle pourrait auditionner ! J’en appelle à votre sagesse : le sous-amendement 19 assure de la souplesse au dispositif tout en assurant le respect du droit parlementaire qui a été si souvent violé depuis 1958.

Le sous-amendement 19, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L’amendement 16 tombe de ce fait.

M. le Rapporteur – L’amendement 9 rectifié précise que le rapport de la délégation ne doit pas faire état des informations sensibles, ce qui découle de son caractère public, souhaité par le Sénat. Ce rapport permettra à la délégation de ne pas tomber dans l’oubli et de participer au débat national sur les questions liées au Renseignement.

L'amendement 9 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur pour avis – Le rapport public ne pourra que retracer les activités de la délégation, et non aborder les questions sur le fond. L’amendement 3 rectifié propose donc que la délégation adresse aux plus hautes autorités de l’État des recommandations et des observations, afin d’améliorer le fonctionnement des services de renseignement.

M. le Ministre – Cette proposition va dans le bon sens : cette délégation étant appelée à jouer un rôle, il importe qu’elle puisse faire des recommandations aux deux têtes de l’exécutif.

L'amendement 3 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 10 est rédactionnel.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article unique modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ARTICLE UNIQUE

M. Bernard Cazeneuve – La délégation doit disposer d’informations globales pour aller au bout de ses investigations. Nous considérons qu’il serait normal qu’elle ait connaissance du rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux. M. le rapporteur a objecté l’inconstitutionnalité de notre demande, arguant que la délégation, ainsi informée, se trouverait en situation d’orienter par ses avis l’activité des services. Nous estimons pour notre part que l’analyse du rapport de la commission de vérification des fonds spéciaux ne signifierait nullement que le Parlement se substitue à l’exécutif. Tel est le sens de l’amendement 17.

M. le Rapporteur – Vous assimilez la nature administrative de la commission de vérification des fonds spéciaux, chargée d’un contrôle comptable, à la nature parlementaire de la délégation, chargée d’une mission prestigieuse.

M. le Ministre – Même avis.

M. Bernard Cazeneuve – Il n’y a aucune confusion de notre part. Nous avons bien compris que la nature juridique de la commission des fonds spéciaux était différente de celle de la délégation. Mais nous estimons que cette délégation peut avoir connaissance des fonds spéciaux engagés au bénéfice des services de renseignement et des conditions dans lesquelles l’autorité administrative a effectué ses contrôles. Étendre le champ des investigations de la délégation est de nature à renforcer le rôle du Parlement, ce que vous souhaitez bien sûr.

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jérôme Lambert – Déçu par l’évolution du débat et désireux de se concerter sur la suite qu’il entend y donner, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 heures 25, est reprise à 18 heures 30.

EXPLICATIONS DE VOTE

M. Philippe Vitel – Une démocratie moderne, une république irréprochable, telle est l’une des missions confiées à cette législature. Nous pouvons être fiers du travail accompli aujourd’hui. Après de longues années d’errance, nous avons pu aborder ce problème de la façon la plus consensuelle possible. Notre débat démontrera à ceux qui en doutent parfois la qualité des travaux parlementaires. Le texte initial, enrichi par les sénateurs, a encore été amélioré : il est désormais plus pragmatique et plus réaliste. Le groupe UMP se fera une joie de l’adopter ce soir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Julien Dray – Je crois me faire l’écho, par-delà même mon propre groupe, d’un certain nombre de parlementaires, qui, depuis plusieurs années, travaillent à la réalisation d’un progrès démocratique nécessaire, et qui ont participé aux travaux des commissions et aux débats dans l’hémicycle dans le même état d’esprit, avec la volonté, par l’instauration d’un suivi parlementaire des activités des services du renseignement, de créer une relation nouvelle du pouvoir législatif avec ces services et d’améliorer la reconnaissance de la nation pour le travail difficile mené par ces hommes et ces femmes.

Or, la discussion a – pour reprendre les termes de M. Soisson – tourné au traquenard ! Une contre-offensive s’est produite, qui vient de trouver son débouché dans cet hémicycle. Ce qui va être mis en place n’est qu’une caricature ! Il s’agira d’un office où viendront les ministres et les directeurs de services, sous la présidence des présidents de commission, où tout le monde s’entendra bien et d’où rien ne sortira. Ce que nous avons fait, au fond, a plus d’utilité que ce que vous allez faire, car nous avons établi des liens, au-delà des contingences politiques, avec des directeurs, liens qui nous ont permis de mieux comprendre les enjeux présents. Dorénavant, ces mêmes directeurs nous diront que ces liens ne sont plus nécessaires, puisqu’il existe cet office, lequel, pourtant, sera dominé par les ministres, au détriment d’un véritable contrôle démocratique.

C’est pourquoi je suis triste, car nous étions prêts à faire ce pas. Je constate que l’ouverture, c’est bon le 14 juillet, et qu’aujourd’hui, dans ce débat, c’est la fermeture ! Nous voterons contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Philippe Folliot – Quand le Parlement retrouve des prérogatives de contrôle, on ne peut que se féliciter, et je crois que ce texte représente à cet égard une avancée. Il s’agit d’un premier pas, qui méritera, dans quelques années, d’être évalué, pour que soient éventuellement prévues de nouvelles évolutions. Monsieur Dray, vous avez qualifié ce texte de caricatural ; ce sont vos propos qui le sont !

Le projet a été enrichi au cours du débat. Le rapporteur de la commission de la défense, M. Fromion, a présenté des amendements très positifs…

Mme Delphine Batho – Ce n’est pas le cas de l’autre rapporteur !

M. Philippe Folliot – …que l’Assemblée a, dans sa grande sagesse, adoptés. Prenant acte de ce premier pas, le Nouveau centre soutiendra ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau centre et du groupe UMP).

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance lundi 30 juillet à 15 heures.

La séance est levée à 18 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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