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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 1er août 2007

2ème séance
Séance de 21 heures 30
31ème séance de la session
Présidence de M. Marc Le Fur

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC DANS LES TRANSPORTS (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

ART. 4 (suite)

Mme Catherine Coutelle – Rappel au Règlement. N’ayant pas obtenu une réponse complète de Mme la ministre de l’économie, je profite de la présence de M. le ministre du travail pour l’interroger sur la situation des salariés de SFR…

M. Denis Jacquat – Allons, ce n’est pas un rappel au Règlement !

Mme Catherine Coutelle – Le 23 mai dernier, ceux-ci ont reçu un courriel les informant qu’ils étaient vendus à un sous-traitant, la décision prenant effet à partir d’aujourd’hui, 1er août. Cette situation suscite une forte émotion dans trois sites français : Poitiers, Toulouse et Lyon. À Poitiers, du fait des méthodes utilisées, une salariée a même tenté de se suicider sur son lieu de travail (Murmures sur les bancs du groupe UMP).

Après avoir bénéficié de la convention collective des télécoms, plutôt favorable, ces salariés sont désormais couverts par la convention relative aux prestations de services, qui ne leur garantit qu’une rémunération au niveau du SMIC et sans mutuelle, alors que s’annoncent les franchises médicales ! Monsieur le ministre du travail, que dites-vous à ces salariés ? Que sont-ils en droit d’attendre alors que leurs conditions de travail se dégradent cependant que les entreprises qui les emploient font des bénéfices ?

M. Denis Jacquat – Nous ne sommes pas dans les questions au Gouvernement !

M. le Président – Chacun a constaté que ce n’était pas un rappel au Règlement. Nous en venons à l’amendement 32 (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Hervé Mariton, président de la commission spéciale – L’amendement 32 demande que les plans de transport adapté et les plans d’information des usagers élaborés par l’entreprise soient rendus publics. Il s’agit de rendre le dispositif le plus transparent possible.

M. Roland Muzeau – Tiens donc !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Favorable.

L'amendement 32, mis aux voix, est adopté.

M. Jacques Kossowski, rapporteur de la commission spéciale – Proposé par M. Paternotte, l’amendement 27, 2ème rectification, a rencontré un très large écho en commission. Il tend à ce que les élus locaux, proches du terrain, soient informés de manière directe et préalable des plans de desserte et des horaires maintenus. Cet amendement est tout à fait conforme à l’esprit du projet de loi de veiller à la bonne information de toutes les parties prenantes.

M. le Ministre – Favorable.

M. Yanick Paternotte – Comme nous l’avons déjà dit à l’occasion d’autres amendements, l’information préalable devra être gratuite (Murmures sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Jean Mallot – Nous ne sommes pas forcément opposés à l’amendement, mais sa rédaction nous semble imprécise : il se réfère en effet aux « représentants des collectivités territoriales ». De qui parle-t-on ? Dans mon département de l’Allier, les maires des 320 communes et les 5 000 conseillers municipaux sont tous des représentants des collectivités. Faut-il comprendre qu’il faudra les informer tous, sans délai et gratuitement ? Cela pose un problème d’application pratique auquel nous nous devions de vous rendre attentifs.

M. Yanick Paternotte – Comme nous l’avons dit en commission, le bon sens commande que l’on alerte en priorité les maires – par exemple par télécopie –, comme on le fait en cas d’alerte météo.

M. Jean Mallot – Et les conseillers municipaux ?

L'amendement 27, 2ème rectification, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Destot – L’amendement 118 est important et j’espère qu’il donnera au ministre l’occasion de faire un premier geste ! (Sourires) Il vise à supprimer l’alinéa 14, pour lever l’obligation faite à l’AOT de tenir le préfet informé de la définition des dessertes prioritaires et des niveaux de service attendus, ainsi que des plans de transport adapté et d’information des usagers. Cette obligation revient en effet à instaurer un contrôle de légalité a priori, contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Je rappelle qu’une fois définies, les dessertes prioritaires doivent être intégrées au périmètre de la convention, afin de s’imposer à l’exploitant. En d’autres termes, elles ne sont pas fixées au coup par coup mais en amont, ce qui n’interdit pas de les faire évoluer par voie d’avenant. Ce faisant, elles n’ont en aucun cas à être transmises au préfet, pas plus, du reste, que les plans de transports ou d’information.

Si la rédaction actuelle est maintenue, que va faire le préfet de ces données ? Va-t-il donner un avis ?

M. le Ministre – Non !

M. Michel Destot – Va-t-il fixer lui-même le contenu des plans et les exécuter ?

M. le Ministre – Non !

M. Michel Destot – Il faut s’attacher au strict respect de la Constitution : le suivi de ces obligations nouvelles doit se faire selon la voie ordinaire du contrôle de légalité a posteriori. C’est tout ce que nous demandons.

M. Alain Néri – Et c’est vraiment très raisonnable !

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine). Elle a en effet estimé que l’article 4 prévoyait bien l’hypothèse de la carence de l’AOT qui ne définirait pas les dessertes prioritaires et n’approuverait pas les plans. Selon une jurisprudence constante, la notion de carence entraînant l’intervention du représentant de l’État doit être entendue largement. Elle implique la notion d’absence, mais aussi celle d’insuffisance manifeste. Enfin, la commission a fait sienne la rédaction du Sénat qui demande que le représentant de l’État soit tenu informé tout au long du processus défini dans l’article 4.

Avis défavorable à tous les amendements de suppression des alinéas 14 et 15, dont le 118. Il ne s’agit en aucun cas d’instituer un contrôle de légalité a priori.

M. le Ministre – Monsieur Destot, il ne s’agit que d’informer le préfet au fur et à mesure de l’évolution de la situation : il ne lui sera demandé ni de rendre un avis ni d’exercer un contrôle de légalité a priori. Avis défavorable.

L'amendement 118, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Destot – L’amendement 119 vise à supprimer l’alinéa 15 et il n’y a plus là, Monsieur le ministre, aucune ambiguïté, puisqu’il est demandé au préfet d’intervenir en opportunité pour interpréter par carence. Tous les juristes que nous avons consultés sont formels : carence signifie que le préfet peut interpréter, et donc se substituer à l’AOT. Depuis le début de la discussion de ce texte, nous avons le sentiment que vous n’avez de cesse de grignoter l’autorité des collectivités territoriales.

Mme Catherine Coutelle – Absolument !

M. Michel Destot – Cette mise en coupe réglée, sans précédent, des autorités organisatrices de transport est particulièrement fâcheuse au moment où s’élabore au niveau européen le règlement communautaire d’organisation des services publics de transport. Il serait important au contraire de réaffirmer à cet instant l’autorité des collectivités territoriales, fondée sur le principe de leur libre administration. Affaiblir les collectivités et les autorités organisatrices dans ce contexte extrêmement délicat leur porte un fort mauvais coup. J’attends un geste de votre part, Monsieur le ministre. Vous l’avez promis : c’est le moment de passer aux actes.

M. le Rapporteur – Comme il ne vous surprendra pas, la commission a repoussé cet amendement.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Comme d’habitude !

M. le Rapporteur – Cet amendement supprimerait la possibilité d’une intervention du préfet en cas de carence de l’autorité organisatrice des transports.

Pour être quasiment tous maires, conseillers généraux ou conseillers régionaux, vous savez pertinemment que le préfet n’intervient dans la gestion des collectivités qu’en cas de difficultés graves. De manière analogue, le texte prévoit ici qu’en cas de carence de l’autorité organisatrice, le préfet puisse intervenir après mise en demeure.

Depuis le début de ce débat, vous ne faites que ressasser que vous ne voulez pas de ce texte. Mais mes collègues et moi-même avons des comptes à rendre aux électeurs qui nous ont élus ou réélus. J’ai eu la chance d’être réélu dès le premier tour, sur la base du programme du Président de la République, lequel comportait expressément l’instauration d’un service minimum dans les transports (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. François Brottes – Ne méprisez pas nos électeurs !

M. le Rapporteur – Le Président de la République a été élu avec les voix d’électeurs bien au-delà des rangs de l’UMP (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons eu le courage d’engager cette réforme, alors que vous ne l’aviez pas osé. Voilà ce qui vous gêne.

M. Alain Néri – Rappel au Règlement (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Ils ne savent dire que cela !

M. Alain Néri – Nous souhaitons que notre débat se déroule dans la sérénité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je ne comprends pas votre emportement, Monsieur le rapporteur, vous qui avez été jusque là particulièrement calme. Vous ne pouvez remettre en cause la légitimité de quelque député que ce soit. Nous sommes tous ici des élus du suffrage universel et il n’est pas tolérable que vous tentiez d’opérer des discriminations selon que nous aurions été élus au premier ou au second tour. Soyez prudent, vous ne savez pas ce que l’avenir vous réserve. Nombreux sur nos bancs sont ceux qui avaient été élus au premier tour en 1981 et qui par la suite, ont connu des sorts plus incertains (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – J’ai seulement voulu dire que je devais la vérité à mes électeurs (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Nous leur devions cette loi, nous l’avons faite. Oui, M. Sarkozy souhaitait initialement une plage de desserte de trois heures le matin et trois heures le soir, mais il s’est aperçu que dans certains cas, cela n’était pas possible. Son intelligence est précisément de savoir s’adapter.

M. le Président – Je suis saisi par le groupe socialiste, radical et citoyen d’une demande de scrutin public sur l’amendement 119.

M. le Ministre – Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. La rédaction actuelle du texte ne méconnaît en rien le principe de libre administration des collectivités territoriales, le préfet n’ayant vocation à intervenir qu’en cas de carence et après mise en demeure. Son intervention ne sera ni automatique ni systématique.

M. François Brottes – Le ministre ne m’a pas répondu en fin d’après-midi quand je lui ai demandé ce qui se passerait si au 1er janvier 2008, certaines conventions, n’ayant pas été actualisées, n’étaient pas conformes à la nouvelle loi. Nous savons maintenant ce qu’il en sera : le préfet, après mise en demeure, constatera la carence et prendra un arrêté définissant les priorités de desserte. Nous considérons que cela, à soi seul, porte atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel tranchera. Mais dans son arrêté, le préfet ira-t-il jusqu’à réquisitionner les personnels nécessaires pour que les dessertes retenues comme prioritaires soient assurées, faute de quoi l’autorité de l’État en prendrait un rude coup ?

M. Jean-Claude Viollet – Qu’est-ce exactement que la « carence » ? Quel est le pouvoir réel du préfet ? Arrêter les priorités de desserte en lieu et place de l’autorité organisatrice, soit, mais quid du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers, qui sont, eux, du ressort de l’entreprise de transport ? Le préfet se substituera-t-il à l’entreprise et aux partenaires sociaux ? Prônez-vous la nationalisation des transports terrestres de voyageurs ? Ou bien croyez-vous au dialogue social et faites-vous confiance aux collectivités territoriales ?

À la majorité de 96 voix contre 34 sur 130 votants et 130 suffrages exprimés, l’amendement 119 n’est pas adopté.

M. Michel Destot – Monsieur le ministre, l’alinéa 15 de cet article est en totale contradiction avec ce que vous avez dit tout à l’heure, à savoir que le préfet ne donnerait d’avis ni sur le plan de transport adapté ni sur le plan d’information des usagers. En effet, cet alinéa dispose qu’il pourra intervenir en cas de « carence », laquelle relève d’une appréciation d’opportunité. Nous refusons ce flou. C’est pourquoi nous proposons, par notre amendement 120, de substituer aux mots « carence de l’autorité organisatrice » les mots « absence de définition par l’autorité organisatrice des dessertes prioritaires, du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers ». Si vous êtes cohérent avec votre réponse précédente, vous devriez donner un avis favorable à cet amendement.

M. Michel Piron – Querelle sur le sexe des anges ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. La notion large de carence inclut non seulement l’absence de réaction de l’autorité organisatrice, mais aussi l’insuffisance manifeste de son action.

M. le Ministre – Le rôle du préfet n’est pas de mettre en place le plan de transport mais de définir les priorités de desserte, au cas où elles ne l’auraient pas été par l’autorité organisatrice. Mais je suis certain qu’il n’aura pas à le faire et que les autorités organisatrices le feront, puisque les usagers l’attendent. Le Gouvernement est bien sûr défavorable à l’amendement.

L'amendement 120, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Frédéric Poisson – Compte tenu des réponses apportées par le rapporteur et le ministre, je retire l’amendement 91.

L'amendement 91 est retiré.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 5

M. Jean-Paul Lecoq – L’article 5 dispose que les entreprises de transport négocient avec les organisations syndicales représentatives des accords de prévisibilité du service applicables en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève. Dans les entreprises exploitant un service public de transport, la loi oblige déjà au dépôt d’un préavis de grève par un syndicat représentatif cinq jours avant le mouvement prévu. Aux termes de l’article L. 521-2 et suivants du code du travail, ce délai doit être mis à profit pour rechercher une solution et éviter ainsi « une désorganisation de la vie sociale ». Pourquoi rajouter ce dispositif reposant sur le recensement des moyens matériels et humains correspondant au service dans le plan de transport adapté ?

En temps normal, les organisations syndicales ne sont pas gestionnaires ; pourquoi devraient-elles co-décider et approuver ce recensement ? Il est totalement irréaliste de les associer à la révision de l’organisation du travail en vue de la réaffectation des personnels non grévistes : les syndicats n’ont pas pour fonction de combattre tout ou partie des travailleurs !

En outre, le paragraphe 2 de l’article 5, qui oblige le salarié à informer le chef d’entreprise de son intention de faire grève au plus tard 48 heures avant le début de celle-ci, sous menace de sanction disciplinaire, constitue une atteinte au droit de grève, qui est un droit individuel, et non un droit du syndicat, même s’il est exercé collectivement et de manière concertée. La cour d’appel de Grenoble a pris à ce sujet une position claire en 2002, considérant que la direction de la société Rhodia Chimie, qui avait interrogé chaque salarié individuellement sur ses intentions de faire grève, avait « contribué à écarter chaque salarié du mouvement collectif pour le replacer dans un rapport individuel de subordination ».

Le libre consentement du salarié doit être scrupuleusement respecté jusqu’au déclenchement du conflit. Or si un salarié qui aura fait savoir son intention de faire grève a le droit de changer d’avis et de se présenter à son poste, il n’en va pas de même pour celui qui décidera de faire grève dans les heures qui précèdent le mouvement. Vous ignorez ainsi ce que toutes les études montrent, y compris dans le domaine électoral : nombre de nos concitoyens ne se déterminent qu’au moment du vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. François Brottes – L’article 5 indique que les personnels disponibles sont réaffectés. Il précise que ces personnels « disponibles » sont les personnels non grévistes : contrairement à ce qu’a déclaré M. Bussereau en commission, il n’est pas question que des sous-traitants ou des prestataires se substituent aux grévistes. Mais cette contradiction est tout de même ennuyeuse.

Par ailleurs, l’article 5 précise que si le salarié gréviste n’a pas informé son employeur de son intention de faire grève au plus tard 48 heures avant le début du mouvement, il sera passible d’une sanction disciplinaire : or M. Bussereau a déclaré ce matin sur RMC que ce texte ne visait pas à punir. J’imagine qu’en toute logique, le Gouvernement acceptera de supprimer l’alinéa 6 de cet article ou qu’il démentira les propos du secrétaire d’État chargé des transports. Il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles !

Par ailleurs, l’accord collectif de prévisibilité du service recense les effectifs et les moyens matériels indispensables au niveau de service prévu dans le plan de transport adapté. Mais si le nombre d’agents présents est insuffisant, le service ne pourra être mis en œuvre pour des raisons de sécurité évidentes. C’est donc bien du nombre de non-grévistes que dépendra la mise en œuvre du plan prévu à l’article 4 : passez-moi l’expression, mais on a mis la charrue avant les bœufs !

L’article 5 constitue une atteinte au droit de grève, avec l’impossibilité – extravagante – pour tout salarié de changer d’avis dans les 48 heures, et la menace d’une sanction, dont on ignore d’ailleurs la nature …

M. le Ministre – Voyez le code du travail !

M. François Brottes – …Vous devez, en tant que ministre du travail, le connaître mieux que moi et j’espère que vous nous éclairerez sur ce point.

M. Jean Mallot – Cet article 5 pourrait s’intituler « Usine à gaz, phase III » ou encore « dispositif Maginot, suite » (Sourires) !

Passons sur le premier paragraphe inutile, la date butoir du 1er janvier 2008 rendant inopérant le dispositif. Le plan de transport adapté variera selon le nombre de grévistes et la nature des emplois qu’ils occupent, il faudra donc prévoir des centaines de cas de figure. En outre, M. Bussereau a indiqué que si la grève s’étendait, il pourrait être fait appel à des personnels extérieurs à l’entreprise, tandis que le rapport de la commission précise que l’on ne pourrait redéployer que des personnels internes : pourriez-vous nous éclairer sur ce point, Monsieur le ministre ? Par ailleurs, je serais curieux de savoir ce qu’il advient si l’entreprise ne définit pas de plan de prévisibilité.

S’agissant du délai de 48 heures et de la nature des sanctions, je ne développerai pas davantage les arguments de mes collègues, mais je tiens à souligner l’effet pervers de ce système qui conduira l’ensemble des personnels, par mesure de précaution, à se déclarer gréviste, quitte à changer d’avis par la suite. Le service « minimal » sera alors réduit par rapport aux possibilités réelles et votre dispositif Maginot, contourné !

M. Marc Dolez – Cet article 5 contient l’une des dispositions scélérates du projet de loi ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La déclaration de l’intention de faire grève 48 heures au moins avant le début du mouvement porte gravement atteinte à l’exercice du droit de grève, droit individuel garanti par la Constitution…

M. Guy Geoffroy – Comme celui d’aller et venir !

M. Marc Dolez – …qui peut être exercé jusqu’au dernier moment, sans risque d’être sanctionné. La rédaction proposée est contraire à la jurisprudence de l’arrêt Air France et de l’arrêt Rhodia de 2002, dans lequel la cour d’appel de Grenoble indique qu’en interrogeant chaque salarié individuellement sur ses motivations, la direction de la société Rhodia a contribué à écarter chaque salarié du mouvement collectif pour le replacer dans un rapport individuel de subordination. Monsieur le ministre, vous avez répondu à l’un de nos collègues sénateurs que ces arrêts justifiaient l’article 5.

M. le Ministre – L’arrêt Air France seulement.

M. Marc Dolez – Il appartiendra au Conseil constitutionnel d’apprécier si le législateur, dans la conciliation qu’il doit opérer entre l’exercice du droit de grève et la continuité du service public, peut replacer le salarié dans un rapport individuel de subordination. Je ne le crois pas.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué dans un entretien récent que le Gouvernement serait vigilant à l’égard des entreprises qui utiliseraient ce préavis afin de faire pression sur les salariés. C’est bien reconnaître qu’il existe un risque !

Nous devons la vérité aux Français, comme le demandait tout à l’heure le rapporteur. Il faut leur dire que, contrairement à ce que prétend la propagande gouvernementale (Protestations sur les bancs du groupe UMP), le service minimal ne sera pas assuré à la rentrée. C’est une tromperie.

M. Roland Muzeau – Une escroquerie !

M. Marc Dolez – Il est en effet impossible de garantir un service minimum.

Plusieurs députés UMP – D’autres pays le font pourtant !

M. Marc Dolez – Le seul résultat, ce sera de porter une atteinte frontale à l’exercice du droit de grève (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Yves Cochet – Permettez-moi de vous rappeler ce que promettait Nicolas Sarkozy pendant la campagne (« Ah » sur les bancs du groupe UMP) : les Français bénéficieront de trois heures de transport en commun le matin, et trois heures le soir, car ils ne doivent plus être « pris en otage » par les grèves (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Non seulement cet engagement ne sera pas tenu, mais vous semblez en être heureux… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Le service minimum, ajoutait-il plus tard, une fois élu, cela fait vingt ans qu’on en parle sans le faire ; lui, s’engageait à y parvenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Décidément, plus vous êtes bernés, mais vous semblez contents !

M. Guy Geoffroy – Encore une citation, on ne s’en lasse pas !

M. Yves Cochet – Mais il y a plus grave : en menaçant de sanction les salariés, vous portez atteinte au droit individuel de faire grève, tout en accroissant les tensions au sein des entreprises. La direction devra en effet vérifier la liste des grévistes, ce qui ouvre la voie à bien des pressions…

Autre effet pervers, le nombre des grévistes risque d’augmenter : afin d’éviter les sanctions, certains salariés indiqueront en effet qu’ils ont l’intention de faire grève avant même d’avoir pris leur décision. Ce n’est donc pas la prévisibilité que vous augmenterez, mais l’incertitude. Voilà pourquoi nous devons rejeter cet article 5 (Approbation sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Patrick Gille – Cet article révèle la véritable logique de votre projet de loi : sous prétexte d’encadrer le dialogue social, vous allez le rendre inefficace, et vous limiterez l’exercice du droit de grève en faisant planer un risque de sanctions financières ou disciplinaires sur les salariés.

M. le Ministre – Les sanctions ne pourront être que disciplinaires...

M. Jean-Patrick Gille – La recherche d’accords collectifs de prévisibilité en cas de perturbation du trafic est une bonne chose, mais encore faudrait-il laisser du temps à la négociation. Le délai de quelques semaines prévu dans ce texte ne suffira pas pour obtenir un résultat. Ce sont donc les entreprises qui devront se prononcer de façon unilatérale.

Avec cette conception très singulière du dialogue social, vous allez non seulement mettre en péril la prévisibilité dont vous vous réclamez, car chacun sait qu’elle dépend étroitement de la qualité des relations à l’intérieur de l’entreprise, mais vous fragiliserez également les bonnes pratiques qui sont appliquées dans certaines entreprises. Le titre I de cet article va donc susciter plus de problèmes qu’il n’en résout.

Pis encore, imposer une déclaration préalable équivaut à instaurer un préavis individuel, qui s’ajoutera au préavis collectif. La concertation en pâtira, car nul n’ignore que les dernières heures du préavis de grève sont les plus propices à un accord. Vous ne faites confiance ni au dialogue social, ni aux salariés ! Afin d’éviter toute sanction, ceux-ci risquent de se déclarer grévistes par précaution, sans être sûrs de participer à la grève. Le nombre de grévistes potentiels augmentera donc, ce qui fera peser une contrainte inutile sur le plan de transport.

Nul n’ignore ces risques, et pourtant vous persistez. Alors que ces mesures n’auront aucun impact sur 95 % des dysfonctionnements dans les transports (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du bancs du groupe UMP), vous persistez. La seule raison, c’est que vous souhaitez dissuader les grévistes : votre objectif n’est pas d’instaurer un service garanti, ni de favoriser le dialogue social, mais de briser la capacité de résistance des salariés, comme le fit autrefois Mme Thatcher (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Sans doute pensez-vous déjà à l’impopularité inévitable des mesures que vous comptez imposer – le contrat unique ou encore le non remplacement des départs à la retraite dans la fonction publique... Sous couvert de satisfaire la demande des usagers, vous ne ferez que réduire les droits des salariés et augmenter la conflictualité dans les entreprises. Au lieu de traiter les dysfonctionnements qui affectent le secteur des transports et de lutter contre le réchauffement climatique, que ce soit en investissant dans le rail ou en rétablissant les subventions au transport en commun en lignes propres,…

M. le Président – Je vous prie de conclure…

M. Jean-Patrick Gille – …le Gouvernement instrumentalise les aspirations légitimes des Français pour dissuader les salariés d’exercer leur droit de grève, ce qui est contraire à la Constitution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Alain Néri – En contraignant les salariés à une déclaration préalable, l’article 5 remet en cause le droit individuel de faire grève (« Déjà dit ! » sur les bancs du groupe UMP). Ce droit est pourtant reconnu par le préambule de la constitution de 1946, lui-même issu des travaux du Conseil national de la Résistance. Comment osez-vous imposer un tel retour en arrière ?

Au lieu d’imposer une véritable négociation pendant la durée du préavis collectif, comme le prévoit la loi, vous allez priver le dialogue social des deux dernières journées – décisives – qui précèdent la grève, et ainsi ramener en pratique la durée du préavis de cinq à trois jours.

Autre faux-pas : vous prétendez que la période du préavis de grève – signe certain que l’idylle est rompue entre le patron et les salariés – se déroulera sans aucune intimidation. Illusion ! Le patronat utilisera ce moment de tension pour faire pression sur les salariés et affaiblir leur détermination. Vous leur imposez ainsi une contrainte intolérable, assortie de sanctions encore indéfinies.

M. le Ministre – Elles seront disciplinaires.

M. Alain Néri – Au fond, vous voulez mettre en cause le droit de grève (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). Le Conseil constitutionnel vous donnera certainement tort. Est-ce ainsi que vous envisagez d’engager un dialogue social dans la sérénité ? Allons, soyez raisonnable : supprimez l’article 5, car il est liberticide et scélérat !

M. Christian Eckert – C’est un large fossé qui vous sépare du peuple français, et la discorde atteint même les rangs de votre majorité. Trois amendements ont ainsi été retirés alors qu’ils étaient fondamentaux. Comprenant que, s’agissant du service minimum, vos engagements de campagne étaient intenables, vous avez fini par reculer. Pour autant, vous persistez à utiliser l’expression de service minimum, bien que ce n’en soit pas un.

M. Yves Cochet – Absolument !

M. Christian Eckert – C’est en fait un plan de transport adapté. Cessez donc de vendre du vent, et dites la vérité aux Français !

Autre chose : le rapporteur a lui-même reconnu que l’on ne pourrait pas prévoir le nombre de grévistes, et donc le niveau de service. En effet, les salariés auront tendance à se déclarer grévistes par prudence.

Enfin, le grand absent de ce débat, M. Bussereau (« Où est-il ? » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) l’a lui-même évoqué : avec ce texte, les entreprises devront recourir aux personnels disponibles pour assurer un niveau de service minimum. Iront-ils les chercher dans d’autres régions ? Sur quelle base légale, avec quelles garanties ? Voilà pourquoi l’article 5 doit être supprimé.

Mme Marylise Lebranchu – Voici un article qui posera autant de problèmes aux entrepreneurs qu’aux syndicats. M. le ministre juge que l’accord de la RATP est exemplaire, et que c’est même à le reproduire ailleurs que doit servir cette loi. Les syndicats, pourtant, considèrent que ce texte remet en cause le droit de grève individuel.

Jusqu’ici, libre de tout chantage, le salarié pouvait attendre la fin d’une négociation avant de se déclarer gréviste. Désormais, il devra se déclarer quarante-huit heures à l’avance et partant, cette période de négociation est rendue caduque. On se prive ainsi de deux journées essentielles pour éviter la grève, qui n’est pas une fin en soi (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). En outre, le salarié ne se conformant pas à cette règle sera passible de sanctions. La dégradation du climat social est assurée, et le durcissement des grèves encouragé !

Peut-être aviez-vous envie de bien faire ? Hélas, c’est tout le contraire qui se produira : vous incitez l’ensemble des salariés à déposer un préavis de grève. Si la négociation progresse, certains ne feront pas grève mais aucun plan de transport adapté n’aura pu être établi. Aujourd’hui, les chefs d’entreprise connaissent l’origine et la raison d’un préavis de grève et peuvent en mesurer les effets. Avec votre loi, ils ne le pourront plus.

Un ancien parlementaire, désormais président de l’UMP, m’expliquait autrefois que de nombreux textes de loi font reculer le dialogue social entre des syndicats, qu’il souhaitait plus forts, et des employeurs désireux de mettre fin aux crises au plus vite. Aujourd’hui, vous privez les partenaires sociaux de l’occasion d’arriver à un accord dans les deux derniers jours et, ce faisant, d’éviter la grève (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Yanick Paternotte – M. Néri nous dit qu’en 1946, le droit de grève a été inscrit soudainement dans le préambule de la Constitution.

M. Alain Néri – Pas soudainement ! Il y a eu le Front populaire avant.

M. Yanick Paternotte – L’histoire présente, Monsieur Néri, n’est jamais que la somme des histoires passées, disait Michelet, et en 1864 il y avait eu déjà la dépénalisation du fait de grève.

D’autre part, votre exposé illustre une vision caricaturale de la société et du monde économique.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est le monde du travail.

M. Yanick Paternotte – Le patron est forcément de droite, méchant, antisocial, et le salarié, qui dans une entreprise moderne est souvent l’actionnaire, donc le patron, serait une victime et un otage. Monsieur Néri, cela ne fonctionne plus ainsi dans une société moderne, apaisée et démocratique (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. le Ministre – L’article est important, et je reviens sur certains points. D’abord la Cour de cassation dans « l’arrêt Air France » du 23 juin 2006 a jugé qu’il ne pouvait être imposé à un salarié d’indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci. Mais dans ce même arrêt, elle rappelle que le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. La position de la Cour s’explique par l’absence de loi prévoyant une déclaration. Le présent article la prévoit (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Encore faut-il que cette déclaration soit justifiée et proportionnée pour répondre aux exigences constitutionnelles. Or elle est justifiée par des exigences de service et d’information des usagers, et elle est proportionnée car elle n’affecte pas l’exercice du droit de grève.

Chacun a reconnu la qualité du travail de la commission Mandelkern. Or dans son rapport, page 82, elle dit ceci : « La seule contrainte que recèle la déclaration est d’imposer aux salariés d’effectuer leur choix deux jours avant la grève. S’il s’agit bien d’une restriction au regard de la situation actuelle, elle ne remet en cause en aucune façon le droit de grève, ni d’ailleurs aucun autre droit fondamental. Elle se borne à édicter une condition préalable à l’exercice de ce droit. Or, on sait que toute mesure de réglementation du droit de grève est juridiquement possible dans la mesure où elle est justifiée par les exigences de la continuité du service et qu’elle respecte les principes dégagés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel : proportionnalité de la mesure, efficacité et rationalité. La déclaration individuelle répond, en droit, à ces exigences. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

D’autre part, vous m’avez interrogé sur les sanctions. Je l’ai dit, elles sont disciplinaires (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jérôme Lambert – Lesquelles ? Jusqu’au licenciement ?

M. le Ministre – Le code du travail ne prévoit pas de sanction prédéterminée, à la différence du statut de la fonction publique. Il mentionne simplement que dans certains cas il y a faute disciplinaire. S’agissant de la déclaration prévue par le projet, c’est à l’employeur, sous le contrôle du juge, d’apprécier s’il y a matière à engager une procédure disciplinaire. La sanction applicable est fonction des dispositions du règlement intérieur de l’entreprise.

Dans ce texte, si de lourdes sanctions sont prévues, ce sont celles qui s’appliqueraient à tout entrepreneur qui utiliserait la déclaration à d’autres fins que l’organisation du service.

La déclaration individuelle préalable est précédée d’une obligation de négociation préalable. Mais la déclaration et l’exercice du droit de grève sont juridiquement distincts. La déclaration répond à deux objets : organiser le service et informer l’usager. Sa méconnaissance, la déclaration inexacte, la déclaration tardive peuvent constituer une faute disciplinaire dans le cadre du droit commun, faute à laquelle est applicable le pouvoir du chef d’entreprise. L’éventuelle sanction ne concerne donc pas le droit de grève mais la seule déclaration. Elle est en revanche sans incidence sur l’exercice du droit de grève. Avec ce texte, chacun pourra faire grève demain, comme aujourd’hui.

Si vous reconnaissez qu’il est important d’informer les usagers, de leur dire par exemple si le train de 7 h 02 partira, il faut savoir 48 heures avant si le conducteur de ce train sera au travail ou non, et s’il s’est déclaré gréviste, il faut voir si un non gréviste peut conduire ce train. J’ai parlé d’aspect juridique, mais ce que je veux surtout vous faire comprendre, avec cet exemple, c’est que la mesure n’a rien d’idéologique : elle est avant tout pratique. Oui, nous avons besoin de cette déclaration pour organiser le service et informer les usagers (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

M. Roland Muzeau – Notre amendement 68 est de suppression. L’approche juridique est intéressante, mais le vécu des usagers plus encore. L’obligation de déclaration préalable est une atteinte caractérisée au droit individuel de grève, et dénoncée comme telle par tous les syndicats. Pour la justifier, le Gouvernement prétend qu’elle est absolument nécessaire pour prévoir le trafic, ce qui serait une attente majeure des usagers – ou dans ses termes des clients.

Nous refusons ce marché de dupes qui réduit la continuité du service public à une limitation du droit de grève. Quelles sont en réalité les vraies préoccupations des usagers, au fil du désengagement de l’État ? Le service maximum, la qualité, la fiabilité du service public.

Selon la présidente du comité des usagers de la ligne 13 qui dessert Gennevilliers et Asnières et sur laquelle, ce week-end, un incident grave a fait plusieurs blessés, l’usager est « l’otage de la pénurie, du manque de personnel, de la vétusté du matériel, de l’entretien confié au moins disant. » Le service minimum va-t-il diminuer ces perturbations récurrentes ? Non. Le service minimum, c’est déjà le quotidien pour les 20 000 usagers aux heures de pointe sur la ligne 13 qui détient le triste record du taux de surcharge avec quatre personnes au m². Toujours selon le comité d’usagers, l’ensemble des kilomètres perdus à cause de tous ces dysfonctionnements correspond à la fermeture de la ligne 13 pendant 93 jours. C’est, on le voit, sans comparaison avec les mouvements sociaux. Dans ces conditions, je préférerais que le directeur général de la RATP s’occupe de faire rouler la ligne 13 à 100 % chaque jour, plutôt que de négocier un plan de prévention des conflits, un plan adapté des transports ou toute autre mesure visant à réduire le droit de grève.

Mme Marylise Lebranchu – Notre amendement 107 est également de suppression et se justifie d’autant plus après ce que vous venez de dire sur les sanctions. Selon la jurisprudence actuelle, dès lors que l’attention des salariés n’a pas été appelée sur l’obligation de préavis, ils n’ont pu enfreindre sciemment les dispositions en vigueur et aucune faute lourde ne peut leur être imputée. Votre projet, quand il sera loi, appellera leur attention. Dès lors, s’ils ne font pas de déclaration préalable, ils peuvent être accusés de faute lourde. Il faut être bien conscient de ce que cela implique.

La majeure partie des salariés souhaite l’accord, qui est un progrès, pas la grève. Une telle disposition est lourde de conséquences, elle va dégrader le climat, et il ne faudrait pas faire comme s’il n’en était rien ! Les partenaires sociaux ne seront plus jamais dans les mêmes dispositions. Dans mon secteur, lorsqu’il y a eu des grèves au cours des cinq dernières années, j’ai toujours été prévenue la veille des horaires de départ des trains. Avec une telle épée de Damoclès, je ne suis pas sûre que je serai encore prévenue dans les mêmes conditions.

M. le Ministre – Est-ce que vous le reconnaîtrez, si c’est le cas ?

M. le Président de la commission spéciale – S’il y a un article qui fait que demain les choses seront différentes, c’est bien l’article 5, sans lequel le projet de loi perdrait beaucoup de son efficacité. L’instauration d’une déclaration de participation à la grève est essentielle. Le rapport Mandelkern estime, du reste, que cette disposition ne se heurte, sur le principe, à aucun obstacle juridique.

M. Marc Dolez – Cela n’a aucune valeur. C’est le Conseil constitutionnel qui en décidera.

M. le Président de la commission spéciale – L’intérêt de l’audition par la commission spéciale du secrétaire d’État aux transports, M. Bussereau, a été souligné. Je comprends de ce qu’il a dit que la notion de personnel disponible renvoie aux salariés non grévistes, sans se limiter à ceux visés par l’alinéa 2.

M. François Brottes – Ha ! C’est important : des salariés extérieurs à l’entreprise pourront intervenir.

M. le Président de la commission spéciale – En ce qui concerne l’alinéa 6, sur les sanctions que peut prononcer l’employeur à l’encontre d’un salarié qui ne l’aurait pas informé de son intention de participer à la grève, certains partenaires sociaux nous ont donné le sentiment qu’ils ne comprenaient pas ou feignaient de ne pas comprendre. Le texte de l’alinéa est extrêmement clair : des sanctions disciplinaires pourront être prononcées. Il ne faut pas qu’il y ait la moindre ambiguïté là-dessus.

Les dispositions de l’article 5 sont essentielles pour que les mesures relatives à la prévisibilité, à la définition des priorités et à la préparation du service votées précédemment acquièrent pleine efficacité. Je suis donc défavorable à tout amendement de suppression.

M. François Brottes – Monsieur le Président, merci d’avoir laissé Mme Lebranchu s’exprimer. Je remercie également le ministre et le président de la commission pour être intervenus de manière globale sur l’article. Toutefois, ni l’avis de M. Mandelkern, ni celui du président de la commission, ne revêtent aux yeux du législateur une importance aussi cruciale que l’explication par le Gouvernement de son interprétation du texte. Nous avons compris que, pour MM. Mariton et Bussereau, il ne fallait pas s’en tenir aux salariés non grévistes de l’entreprise : cela va au-delà de l’alinéa 2, a dit le président de la commission. M. Bertrand doit donc répondre : ou bien cette interprétation est correcte, auquel cas il nous semble que le texte doit être modifié, car tel qu’il se lit, ce n’est pas ce qu’il dit, ou bien elle ne l’est pas, et il faut nous le faire savoir maintenant. Si le ministre répondait, nous gagnerions du temps lors de la discussion des amendements.

M. Roland Muzeau – Monsieur le ministre, vous venez d’expliquer que, pour savoir ce que serait la nature de ces sanctions, il faudrait consulter le règlement intérieur des entreprises. C’est la première fois que j’entends une telle réponse. Un règlement intérieur ne peut en aucun cas déroger au code du travail, ou au statut des entreprises considérées, dans le secteur public. Et si la loi ne définit pas l’échelle des sanctions encourues, le règlement intérieur n’a pas à se substituer à elle.

En outre, un salarié doit pouvoir déterminer ses choix librement, et il ne me paraît pas du tout sain de chercher à enserrer ces choix dans des délais. Il y a là, du reste, une rupture de l’égalité entre salariés. J’ajoute que, M. Bussereau ayant affirmé qu’il n’y aurait aucune sanction, il faudrait vous mettre d’accord et, en tout cas, clarifier la situation pour le législateur.

Vous abusez du rapport Mandelkern, qui n’est qu’un rapport de plus, parmi les nombreux autres textes d’obédience patronale qui, depuis vingt ans, demandent d’en finir avec les grévistes. Or, quand on voit retirer à la dernière minute des amendements de la majorité réclamant l’interdiction de la grève dans les secteurs maritime et aérien…

M. le Ministre – Interdiction de la grève ? C’est votre interprétation !

M. Roland Muzeau – …on comprend que l’ambition de cette majorité est de ne pas s’en tenir aux transports terrestres, même si le Gouvernement préfère ne pas brusquer les choses. En tout état de cause, n’abusez pas du rapport Mandelkern de la même façon que vous avez abusé de la position commune, dont j’ai eu l’occasion de dire ce qu’en pensaient ses signataires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Dans son intervention, le président de la commission spéciale a énoncé un certain nombre de principes sur lesquels nous souhaitons que le ministre se prononce. De l’avis de M. Mariton, il semble que l’alinéa 4 puisse être éclairé par le précédent, mais nous voulons que le ministre le confirme. Le cadre légal sera ainsi clairement tracé.

Je souhaite aussi revenir sur la notion de sanction disciplinaire : à plusieurs reprises, à la radio et ici-même, M. le ministre a déclaré que l’on s’en tiendrait à des sanctions disciplinaires…

M. le Ministre – Et alors ? Ça vous va, ça !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Monsieur le ministre, je vais vous expliquer ce qu’est une sanction disciplinaire, puisque vous semblez l’ignorer (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Ou si vous le savez, vous faites de la dissimulation volontaire et cela nous inquiète plus encore ! Je vous fais donc crédit de ne pas mesurer exactement l’étendue d’une sanction disciplinaire. Je rappelle qu’une telle sanction n’existe que par le règlement intérieur, lequel n’est obligatoire que dans les entreprises de plus de vingt salariés. Or, Monsieur le ministre du travail, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale le nombre d’entreprises de moins de vingt salariés qui ont un règlement intérieur ?

M. François Brottes – Surtout dans le transport !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Lorsqu’il n’y a pas de règlement intérieur, l’employeur applique, sous le contrôle du juge, la sanction qui lui est propre, laquelle peut aller d’un simple avertissement au licenciement pour faute lourde, comme l’a rappelé Mme Lebranchu…

M. le Ministre – N’oubliez pas le principe de proportionnalité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Quoi qu’il en soit, il y a quand même licenciement, et même si l’on considère par la suite qu’il était abusif, le salarié, lui, est licencié. Le résultat est le même.

Qu’est-ce qu’un règlement intérieur ? C’est un document, élaboré à l’initiative de l’employeur, qui fixe un certain nombre de règles internes à l’entreprise. Il précise notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur. Hors les violations des règles légales décrites dans le code du travail, il revient donc à celui-ci de définir la nature et l’échelle des sanctions ! Ce règlement intérieur ne fait pas l’objet d’une concertation ; il est simplement soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Enfin, s’il est notifié à l’inspection du travail, celle-ci ne peut annuler une clause que si elle porte atteinte aux principes légaux figurant dans le code du travail.

Là où il n’y a pas de règlement intérieur, j’affirme que la sanction encourue pourra aller jusqu’ la rupture du contrat à la charge du salarié. De même, une telle disposition pourra être prise dans le règlement intérieur…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Et les prud’hommes, ça sert à quoi ?

M. Jérôme Lambert – Vous savez bien qu’ils jugent en droit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Pour prolonger ce qu’a dit Mme Lebranchu, je tenais à mettre en évidence le fait que la sanction pourra aller jusqu’à la rupture du contrat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. le Ministre – Je ne sais plus ce qu’il faut faire pour jouer le jeu du débat parlementaire et du dialogue…

M. Jérôme Lambert – Ne noyez pas le poisson !

M. le Ministre – Je me suis exprimé tout à l’heure sur l’ensemble de l’article. Là, nous sommes dans des explications de vote et on me demande déjà mon avis sur un amendement qui ne viendra en discussion que plus tard… M. le Bouillonnec s’exprime sur ce fameux amendement à venir tout en revenant sur des amendements précédents ! Je suis ouvert, mais il faut une vraie réciprocité.

En tout cas, je puis d’ores et déjà vous indiquer que, sur l’amendement 138, le Gouvernement émettra un avis favorable.

Les amendements 68 et 107, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes – L’amendement 130 est défendu.

L'amendement 130, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 33 est de précision.

M. le Ministre – Favorable.

M. Jean-Frédéric Poisson – Le sous-amendement 188 précise que les règles de sécurité à prendre en compte dans l’accord de prévisibilité du service sont celles qui sont applicables à l’entreprise.

M. François Brottes – N’y a-t-il pas un risque que cette précision restreigne la portée de l’obligation, dans la mesure où, s’agissant du transport, les règles de sécurité ne relèvent pas de la réglementation interne de l’entreprise, mais de bien d’autres sources ?

M. le Rapporteur – Non, aux termes de l’amendement sous-amendé, c’est l’ensemble des règles applicables « à » l’entreprise – et non « dans » l’entreprise – qui sont visées. Le champ est donc suffisamment large.

M. François Brottes – Merci de cette précision. Je suis rassuré.

Le sous-amendement 188, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 33 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme Marylise Lebranchu – Les amendements 131 et 132 sont défendus.

Les amendements 131 et 132, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. François Brottes – L’amendement 133 vise à garantir que les personnels non grévistes réaffectés n’exercent les fonctions des salariés grévistes que s’ils détiennent un niveau de qualification équivalent.

M. le Ministre – Bien sûr ! Sécurité, sécurité !

M. François Brottes – Mais cette possibilité de réaffectation doit figurer dans leur contrat de travail car elle introduit une modification…

M. le Ministre – Qui n’est pas substantielle.

Mme Marylise Lebranchu et M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est vous qui le dites !

M. le Rapporteur – Défavorable. Le respect des droits à tirer du contrat de travail s’impose. Votre amendement est trop restrictif et pourrait se révéler contre-productif par rapport à vos objectifs.

M. le Ministre – Le contrat de travail ne se trouve pas modifié. Avis défavorable.

L'amendement 133, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Je vais retirer l’amendement 135, puisque le ministre a indiqué que l’on n’utiliserait pas les compétences de personnels en récupération.

M. le Ministre – Bien sûr ! J’ai dit que la sécurité devait primer sur toute autre considération.

L'amendement 135 est retiré, de même que l’amendement 136.

M. François Brottes – L’amendement 137 est défendu.

L'amendement 137, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – M. le ministre a indiqué qu’il acceptait l’amendement 138, ce qui tend à signifier que M. Mariton s’y oppose… Si M. Mariton ne s’y opposait pas, il faudrait lire l’article en articulant les alinéas 3 et 4, ce qui revient à dire qu’en cas de grève, les personnels disponibles sont les salariés de l’entreprise non grévistes. M. Mariton le contestera ou pas : nous verrons bien. S’il ne le conteste pas,…

M. Michel Piron – Allons, M. Mariton n’est pas un contestataire ! (Sourires)

M. François Brottes – … notre inquiétude grandira, car l’alinéa 4 dispose qu’« à défaut d’accord », tout ce qui a été dit auparavant tombe ! Dans ce cas, l’employeur va chercher qui il veut à l’extérieur de l’entreprise. Dès lors, c’est bien M. Mariton qui aurait tenu une parole de vérité tout à l’heure et M. Bussereau était fondé à indiquer qu’en sus des non-grévistes, des personnels extérieurs pourraient venir remplacer les grévistes. Il est donc impératif de préciser l’articulation entre les alinéas 3 et 4. Tel est l’objet de l’amendement 138.

Nous observerons avec intérêt le vote de M. Mariton.

M. le Président de la commission spéciale – Je ne voudrais pas conduire nos collègues socialistes à voter contre leur propre amendement ! Si la commission y a été favorable, c’est qu’il s’inscrit dans la logique des déclarations du secrétaire d’État aux transports devant la commission, à savoir que les personnels d’un autre atelier ou d’un autre établissement de l’entreprise qui ne seraient pas en grève, pour autant qu’ils répondent à toutes les conditions requises, de qualification notamment, pourront contribuer au service. En clair, dans le cadre d’une optimisation des moyens, pourront être mobilisés les personnels non grévistes du site sur lequel une grève a lieu, mais aussi les personnels d’un autre site de l’entreprise qui ne serait pas en grève.

M. Roland Muzeau – Vous êtes en train de légaliser le prêt de main-d’œuvre à l’intérieur d’une entreprise. Un grand groupe pourra-t-il recourir aux salariés de l’une de ses filiales pour briser la grève organisée dans telle autre ? Je voterai contre cet amendement dangereux.

L'amendement 138, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – M. Mongin, président de la RATP, a fait part à la commission des difficultés pratiques auxquelles son entreprise serait confrontée pour assurer les dessertes définies comme prioritaires, soulignant notamment que les salariés étaient difficilement interchangeables. Cet aspect, que vous avez négligé, contrariera votre ambition de garantir un service minimum, lequel n’en doit pas moins répondre aux exigences de qualité et de sécurité.

L’accord de prévisibilité de service devra recenser de façon exhaustive les moyens matériels et humains indispensables à l’exécution du plan de transport dans le respect des règles de sécurité, et fixer les conditions dans lesquelles l’organisation du travail sera modifiée. Mais il n’est pas prévu que cet accord soit soumis au comité d’entreprise ni au CHSCT, ce qui est fort dommage dans la mesure où il aura une incidence directe sur les conditions de travail des salariés susceptibles d’être réaffectés à d’autres postes ou sur d’autres lieux de travail. Que se passera-t-il si un salarié « disponible » – ou bien plutôt ayant cédé à la pression – refuse, pour des motifs personnels ou professionnels, la réaffectation qui lui est proposée ? Il ne pourra pas faire jouer son droit de retrait. Pourra-t-il être sanctionné au motif par exemple d’abandon de poste ?

Pour protéger les salariés placés dans une telle situation, notre amendement 71 précise que « le refus de la réaffectation proposée par l’employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Le problème soulevé par le refus d’une réaffectation relève du droit commun et n’appelle pas de dispositions spécifiques dans le cadre du présent projet de loi. L’article L. 521-1 du code du travail dispose que seule une faute lourde peut légitimer le licenciement d’un salarié gréviste (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 71, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – Monsieur le ministre, pourriez-vous faire l’effort de répondre à nos questions ? Quant à vous, Monsieur le rapporteur, vous m’avez répondu pour le cas d’un salarié gréviste alors que je vous interrogeais sur le cas d’un salarié non gréviste réaffecté sur un autre poste, et qui refuse cette réaffectation. Cette question mérite vraiment une réponse.

M. le Ministre – J’ai dit que je partageais l’avis du rapporteur.

M. le Rapporteur – Il n’y aura pas de sanction. Rien ne change par rapport à aujourd’hui.

L’amendement 34 est de précision.

L'amendement 34, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 35 est également de précision.

M. le Ministre – Avis favorable.

Mme Marylise Lebranchu – Il était normal que notre collègue Roland Muzeau pose la question de savoir ce qui se passerait en cas de refus par un salarié de la réaffectation qui lui est proposée. Vous ne pouvez pas, Monsieur le rapporteur, prétendre que rien ne change par rapport au droit du travail actuel puisque précisément ce texte le modifie, en instituant notamment ces accords de prévisibilité du service, qui constituent une innovation.

L’alinéa 4, surtout amendé comme il est proposé en substituant au mot « entreprise » le mot « employeur », permettra qu’à défaut d’accord, l’employeur élabore en toute liberté un plan de prévisibilité. C’est dire que vous lui ouvrez la possibilité de bâtir ce plan avec qui il veut – personnels de l’entreprise ou personnels extérieurs, notamment intérimaires.

M. le Rapporteur – Sur un strict plan juridique, ce n’est pas l’entreprise qui peut élaborer un plan, mais l’employeur. C’est pourquoi l’amendement propose de retenir « employeur ».

Mme Marylise Lebranchu – Ce que j’ai dit n’est-il pas vrai ?

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes – Je demande une suspension de séance de cinq minutes.

La séance, suspendue à 23 heures 45, est reprise à 23 heures 50.

M. le Rapporteur – L’amendement 36 précise qu’au cas où un accord collectif de prévisibilité du service interviendrait après la date du 1er janvier 2008, ses dispositions s’appliqueraient en lieu et place du plan de prévisibilité défini par l’employeur. Priorité est ainsi donnée au dialogue social.

Par ailleurs, je confirme à Mme Lebranchu que le contenu de l’accord d’entreprise vaut aussi pour le plan défini par l’employeur.

L'amendement 36, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Cochet – L’amendement 11 vise à supprimer les alinéas 5 et 6, qui constituent paradoxalement, je vais vous le démontrer, une incitation à la grève.

Les sociologues ont été nombreux à se pencher sur ce phénomène social qui date du XIXe siècle. Ils ont ainsi démontré que si, dans une entreprise de cent salariés confrontée à un conflit, dix se déclarent prêts à faire grève, le onzième salarié n’en fera autant que s’il considère que l’avenir du mouvement dépend de son attitude. Quant au douzième salarié, il ne sera gréviste que si les onze premiers le sont, et ainsi de suite jusqu’au centième, qui ne se déterminera en faveur de la grève que si 99 % des salariés sont grévistes. Dans ce cas, le seuil de « grévitude »…

M. Guy Geoffroy – C’est royal !

M. Jean-Charles Taugourdeau – Cela nous rappelle une période très agréable ! (Sourires)

M. Yves Cochet – …du onzième salarié sera de onze. Mais avec cette loi, ce même salarié, craignant la sanction, se déclarera automatiquement gréviste, faisant passer son seuil de « grévitude » de onze à dix, et entraînant dans son sillage les 89 autres ! C’est ainsi que vous aurez 100 % de grévistes, au lieu d’en avoir 10 % !

M. Roland Muzeau – Les dispositions que vise à supprimer l’amendement 69 sont inadmissibles et vous aurez grand mal à nous convaincre, Monsieur le ministre, qu’elles ne constituent pas une atteinte grave à la liberté individuelle des salariés.

Seuls les salariés considérés comme indispensables à l’exécution du plan transport seraient concernés, ce qui ne manque pas de nous interroger sur les inégalités de traitement ainsi introduites à l’intérieur de l’entreprise.

Il est prévu que ces informations seront couvertes par le secret professionnel et ne devront pas être détournées de leur objectif premier, mais cela ne suffira pas : la loi reste muette sur la durée de conservation des données, ce qui expose les salariés à un risque de fichage, donc à des intimidations et des mesures de rétorsion en tout genre. Vous en êtes d’ailleurs conscient, Monsieur le ministre, puisque vous avez indiqué que le Gouvernement ferait preuve de vigilance sur ce sujet ! Vous savez que ce texte ouvre la porte à tous les abus…

Pis encore, vous faites fi de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. En application de l’article L. 521-3 du code du travail, celle-ci considère que le droit de grève est certes individuel, mais que son exercice revêt un caractère collectif. Comme l’a rappelé l’arrêt « Air France », rendu le 26 juin 2006, l’obligation de déposer un préavis ne s’impose qu’aux syndicats : on ne peut imposer à un salarié d’indiquer son intention de participer, ou non, à un mouvement social.

Alors que le droit de grève était jusqu’à présent insusceptible de renonciation, certains salariés seront désormais privés de la possibilité de se joindre à un mouvement de grève en cours. C’est une atteinte manifeste au droit de grève, sans rapport avec une hypothétique amélioration de la prévisibilité du service.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même position.

M. Roland Muzeau – J’aurais aimé une réponse précise du ministre.

M. le Ministre – Je me suis déjà expliqué !

M. Roland Muzeau – Pas du tout ! Vous n’avez pas dit un mot de ce qu’encourra un salarié qui se ralliera à une grève en cours. S’exposera-t-il à des sanctions pour avoir changé d’avis ?

M. le Ministre – Respectons la chronologie : nous y reviendrons à l’occasion de l’amendement 129 rectifié du rapporteur.

Les amendements 11 et 69, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 139 tend également à supprimer l’alinéa 5, qui transforme la nature du droit de grève sans respecter la Constitution. Il a toujours été clair qu’on ne peut imposer aux salariés de déclarer au préalable leur intention. Les préavis sont de nature syndicale.

Contraire aux principes généraux du droit et à la Constitution, l’alinéa 5 risque en outre d’être contreproductif, les salariés se déclarant préventivement grévistes afin d’éviter toute sanction, quelle que soit leur décision ultime.

L'amendement 139, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Mallot – L’amendement 140 est défendu, de même que l’amendement 141.

Les amendements 140 et 141, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 129 rectifié a pour objet de préciser à quel moment les salariés indispensables à l’exécution des plans de transport doivent informer leur employeur.

Dans la rédaction adoptée au Sénat, tout salarié qui n’aura pas indiqué son intention de participer au mouvement social 48 heures avant le moment prévu par le préavis ne pourra plus décider de se joindre à la grève si le conflit se poursuit.

Afin de mieux respecter le droit de grève, il nous semble préférable que la déclaration individuelle intervienne au plus tard 48 heures avant la participation de chaque salarié à la grève.

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Roland Muzeau – C’est invraisemblable ! Il faudrait que les salariés attendent 48 heures pour participer à un mouvement social en cours ? On dirait que vous ne savez pas comment on fait grève ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP) Vous riez, mais vous allez apprendre des choses…

Les salariés n’ont qu’un objectif, c’est d’obtenir un accord au plus vite, car cela coûte cher de faire grève – beaucoup plus cher qu’aux employeurs… Imaginez-vous un seul instant qu’un salarié annonce à ses camarades qu’il attendra 48 heures pour se joindre à eux ? C’est grotesque !

M. François Brottes – Il semble que le rapporteur souhaite limiter les atteintes portées au droit de grève…

M. le Rapporteur – Tout à fait !

M. François Brottes – Mais si cet amendement est adopté, les plans de prévisibilité devront être modifiés tous les jours, à mesure que de nouveaux salariés se mêlent au mouvement social. Comment pourra-t-on gérer la situation ? Les articles précédents partaient du principe que la déclaration préalable de participer, ou non, à la grève valait une fois pour toutes. Il faudra donc tout revoir !

M. le Président de la commission spéciale – Merci, Monsieur Muzeau, de nous instruire des choses de la vie…

M. Roland Muzeau – J’imagine que c’est un choc pour vous ! (Sourires)

M. le Président de la commission spéciale – Grâce à votre intervention, nous savons désormais que, loin d’être d’un seul tenant, toute grève a sa propre vie. Le bon sens veut que nous permettions à chaque salarié de s’agréger à un mouvement social en cours de route.

Les entreprises, quant à elles, connaîtront 48 heures à l’avance les personnels dont elles pourront disposer chaque jour, en fonction de quoi elles actualiseront leur plan de transport. Un ajustement quotidien leur permettra d’optimiser leurs moyens tout en garantissant la transparence de l’information aux usagers.

M. Alain Néri – Vous avez une vision bien théorique de la grève !

L'amendement 129 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes – On ne peut contraindre une entreprise à garantir un service si elle ne dispose pas des agents nécessaires. L’amendement 142 précise donc que seuls les cas où l’organisation du service est possible sont concernés.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Également.

L'amendement 142, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – La formulation de l’amendement précédent était peut-être trop vague. L’amendement 143 précise que le service ne pourra être organisé que « compte tenu du nombre de grévistes ». Comment, en effet, organiser un service sans agents ?

M. le Rapporteur – Avis défavorable : c’est un amendement inutile. D’ailleurs, il vaudrait bien mieux prendre en compte le nombre de personnes susceptibles de travailler.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 143, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Le texte précise que les informations contenues dans les déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour le service organisé pendant la grève et qu’elles sont couvertes par le secret professionnel. Quel est le sens de cette notion dans la relation entre employeur et salarié ?

L’amendement 144 précise que ces informations sont détruites dès le lendemain de la grève.

M. François Brottes – C’est l’amendement Clearstream !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En effet : il vaut mieux ne pas laisser de traces. C’est ainsi que l’on garantira l’entière confidentialité de ces informations et que l’on évitera leur utilisation dans d’autres contextes, comme un recrutement ou un reclassement ultérieurs, par exemple.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le texte comporte déjà de nombreuses garanties : utilisation pendant la seule période de grève, secret professionnel, sanction en cas d’utilisation abusive. Le cas échéant, les tribunaux jugeront.

M. le Ministre – Même avis. Une direction commerciale n’a pas plus à connaître l’identité des grévistes qu’une organisation syndicale. Le droit de grève, je le rappelle, est individuel.

M. François Brottes – On constituera pourtant des fichiers !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Qu’est-ce donc, en l’espèce, que le secret professionnel ? Sauf pour les avocats, il n’est jamais absolu (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP) et peut être levé. En tout état de cause, il n’existe dans la relation entre employeur et salarié que lorsque celui-ci détient des informations confidentielles appartenant à l’entreprise.

J’essaye ici de faire en sorte que cette usine à gaz ne devienne pas source de conflits. Ne nous dites donc pas qu’une direction commerciale ne saura pas qui sont les grévistes, d’autant plus qu’elle organise leur suppléance ! Il n’y a aucune garantie. Or, vous l’avez dit : le droit de grève est individuel. Comment protégerez-vous le salarié qui l’exerce ?

M. Alain Néri – Les grévistes devant déclarer leur intention en avance, il en sera forcément dressé une liste.

M. le Ministre – N’est-ce pas déjà le cas aujourd’hui ?

M. Alain Néri – Qu’adviendra-t-il de ce fichier ?

M. Yves Censi – La loi prévoit justement qu’on ne l’utilise pas n’importe comment !

M. Alain Néri – D’ailleurs, sur la fiche de paie d’un salarié, l’employeur ne mentionne jamais la grève lorsqu’il retient le salaire des journées non travaillées, car un banquier ou un propriétaire pourrait ensuite utiliser l’information. C’est une question de liberté dont devrait se saisir la CNIL.

M. Yves Cochet – J’ajoute que si le nombre de grévistes dépasse mille, le fichier devra obligatoirement être transmis à la CNIL. Où est le secret professionnel ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Ce n’est pas un fichier !

M. le Ministre – Les informations contenues dans la déclaration ne peuvent être utilisées pour autre chose que l’organisation du service. Toute autre utilisation est interdite et sanctionnée. Je comprends que vous souhaitiez des garanties : ce principe en est la meilleure !

M. Alain Néri – Non : mieux vaudrait détruire le fichier dès le lendemain de la grève.

L'amendement 144, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Grall – L’amendement 87 est de cohérence.

L'amendement 87, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Roland Muzeau – Notre amendement 70 supprime l’alinéa 6. Utilisant l’arrêt Air France, j’ai montré les intentions malveillantes du Gouvernement et son acharnement à légaliser une procédure, la déclaration préalable individuelle, qui est illégale et sanctionnée par les tribunaux comme constituant une pression inadmissible et une atteinte à la liberté individuelle des salariés.

L’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 29 avril 2002, par ses attendus, permet aussi de dire que, en écartant chaque salarié du mouvement collectif pour le replacer dans un rapport individuel de subordination, l’article 5 est dangereux.

La jurisprudence exige une faute lourde pour pouvoir prendre une sanction disciplinaire à l’encontre d’un gréviste. Comme l’a souligné la Semaine sociale du Lamy, avec votre texte, qui prévoit une sanction disciplinaire pour non-déclaration préalable, le pouvoir hiérarchique de l’employeur s’introduit dans le droit de grève qui normalement y échappe. Chacun doit donc mesurer la portée de ce dispositif, ainsi que les sources de contentieux qu’il contient.

Les salariés sont déjà victimes de la répression, en particulier les salariés protégés, que des employeurs n’hésitent pas à mettre à pied pour fait de grève illicite alors qu’un appel national a été lancé par une organisation syndicale. Supprimons donc cette référence à une nouvelle sanction disciplinaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre amendement 145 est également de suppression de l’alinéa 6. J’ai rappelé les modalités des articles L. 122-33 et suivants du code du travail concernant le règlement intérieur. Celui-ci n’existe pas dans les entreprises de moins de vingt salariés, dont beaucoup d’entreprises de transport. D’autre part, le règlement intérieur est fait par l’employeur et la nature et l’échelle des sanctions sont décidées par lui. La sanction disciplinaire pour faute lourde peut aller jusqu’au licenciement. Mais il existe un principe selon lequel le fait de faire grève ne peut pas participer de la constitution d’une faute lourde. Pour nous, il ne fallait pas choisir cette solution d’inscrire une sanction directement dans la loi. Il y avait une alternative raisonnable : si l’employeur considère que le défaut de déclaration préalable est susceptible d’emporter un manquement aux obligations du salarié, il engage la procédure normale pour comportement fautif du salarié, et c’est alors le juge qui tranchera s’il y a faute ou si le salarié n’a fait qu’exercer son droit. L’inscrire dans la loi va conduire les salariés à faire une déclaration par précaution, même si finalement ils ne font pas grève.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces amendements.

M. le Ministre – Même avis.

Les amendements identiques 70 et 145, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

L'article 5, amendé, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Jean-Paul Lecoq – Cet article a cristallisé les critiques des syndicats. Et pour cause ! Il s’attaque en effet à l’exercice collectif du droit de grève. Il prévoit qu’au bout de huit jours, une consultation est organisée sur la poursuite – ou plutôt la cessation – du conflit. Cette consultation est ouverte « aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis ». Qui sont-ils ? Les grévistes, tous les salariés de l’entreprise, ceux qui sont venus à la consultation ? Comment les syndicats qui n’ont pas appelé à la grève interviendront-ils ? Qui décidera de tout cela ? Les risques de manipulation sont évidents. L’entreprise pourra définir l’électorat et ainsi peser sur le climat social en usant de la division des salariés. Cette consultation, comme la déclaration préalable, vise en fait à écarter chaque salarié du mouvement collectif.

M. Yves Censi – C’est la fin du collectivisme !

M. Jean-Paul Lecoq – Le résultat de la consultation n’affecte pas le droit de grève, dites-vous. Mais s’il ne reste que quelques grévistes, ils seront contraints de se retirer du mouvement. C’est donc aussi l’exercice individuel du droit de grève qui sera entravé.

D’autre part, l’inspecteur du travail sera simplement informé. Dès lors, aura-t-il une autre fonction que de servir de caution ?

Enfin, laisser à toute organisation syndicale la possibilité de demander l’organisation d’une telle consultation, c’est encore jouer la division. Vous ne cherchez qu’à affaiblir les syndicats.

Pour vous donner les apparences de la concertation, vous reprenez la proposition, mineure, de recours à un médiateur en cas d’enlisement du conflit. Mais en dehors de cela aucune proposition des organisations syndicales n’a été reprise dans le texte.

M. le Ministre – Si, les accords de branche.

M. Jean-Paul Lecoq – Non, puisque vous avez dit que les accords d’entreprise avaient une force supérieure. Vos services n’ont même pas répondu à une organisation syndicale sur ses propositions, comme ils s’y étaient engagés.

Enfin, cet article est contraire à l’esprit de la convention 507 de l’OIT qui dispose qu’exiger l’approbation de 50 % des travailleurs pour déclarer une grève est une exigence trop élevée, surtout dans les grandes entreprises. Le processus que vous instituez limitera de même la possibilité de faire grève.

M. Jean Mallot – Cet article 6 pourrait s’intituler « Usine à gaz, phase 4 » ou « dispositif Placebo » puisqu’il précise que les résultats de la consultation n’affectent pas l’exercice du droit de grève. Tant mieux.

En étudiant ce texte il y a quelques jours, je me suis rendu compte que cette consultation avait surtout pour but de stigmatiser les grévistes, et l’on sait par ailleurs que la grève est un motif marginal de dysfonctionnement dans les transports terrestres. Aussi ai-je, inévitablement pensé au Malade imaginaire. Et dans le train qui m’amenait de l’Allier, j’ai écrit un petit pastiche de la scène 10 de l’acte III, faisant dialoguer Toinette, en costume de médecin, avec un Argan contemporain qui prend les transports terrestres et se plaint des désagréments qu’il subit, perturbations diverses, retards, pannes ralentissements sur les voies, accidents de personnes.. Et Toinette de réagir : « – Tout cela n’est que balivernes ! Tous vos médecins sont des ignorants. C’est du gréviste que vous êtes malade. – Du gréviste ? – Du gréviste, bien sûr ! Que se passe-t-il donc ? – Eh bien, quand je prends mon train, la machine s’arrête en pleine voie. – Le gréviste ! – Le train ralentit sur quelques kilomètres, toujours au même endroit. – Le gréviste ! – Parfois, un véhicule reste arrêté sur un passage à niveau, parfois une vache divague sur la voie. – Le gréviste, vous dis-je ! – L’autre jour, un gros orage. Les caténaires ont rompu. – Le gréviste, bien sûr ! Et que vous ordonnent donc vos médecins ? – Ils me suggèrent de changer les machines de plus de trente ans. – Les ignorants ! – Ils me suggèrent de rénover les voies vétustes… – Ignorants ! – De supprimer les passages à niveau… – Ignorants ! Il faut demander aux orages de s’annoncer 48 heures à l’avance, interdire aux grévistes de faire grève, demander aux meneurs de pousser les machines dans les côtes, voyons ! »

Je reviens au texte originel. Argan demande à Toinette où elle va. « – Je vais auprès d’un malade qui est mort hier soir. – Mort ? – Oui, pour aviser de ce qu’il aurait fallu faire pour le guérir. »

Monsieur le ministre, prenez garde ! Avec vos médecines, vous risquez, dans quelques années, d’avoir à visiter un service public, sinon mort, du moins très mal en point ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Yves Censi – C’était l’histoire du parti socialiste !

M. Alain Néri – Après le lyrisme de mon collègue, je ne sais à quelle source puiser pour parvenir à capter votre attention, Monsieur le ministre !

M. Roland Muzeau – La Femme du boulanger !

M. Yves Censi – Jouez Tartuffe !

M. Alain Néri – L’article 6 représente une véritable attaque contre le droit de grève ; chacun sait que tel est le véritable objectif du projet de loi. Si ce n’était pas le cas, ce serait votre collègue M. Bussereau qui défendrait ce texte. Or, ce dernier n’a fait qu’une apparition éclair dans l’hémicycle ; c’était une véritable étoile filante, qui n’a eu le temps de dire ni bêtises, ni rien d’intéressant.

M. Marc Dolez – Il les a dites en commission, les bêtises !

M. Alain Néri – Dans cette consultation, nous ne savons pas qui va être consulté. Est-ce l’ensemble du personnel ou les seuls grévistes ? Parmi ces derniers, ceux qui ont quitté la grève, ceux qui l’auront rejointe seront-ils consultés ? Comme il faudra que des listes électorales soient établies, je souhaite bien du plaisir à ceux qui se coltineront cet exercice, qui ne manquera pas d’entraîner de nombreuses contestations.

À travers cette consultation, vous ne renforcez pas le dialogue social. Au contraire, vous allez dresser les organisations syndicales et les salariés les uns contre les autres. Si nous sommes tous pour la paix sociale, pour que les conflits sociaux soient résolus au plus vite, pour que les entreprises travaillent dans les meilleures conditions, dans un climat apaisé, vous faites fausse route ! La nuit porte conseil, Monsieur le ministre. Profitez-en pour faire marcher votre réflexion, et retirez cette mesure injuste. Le vote sera organisé par les chefs d’entreprise ; or, on sait que, quand on demande à quelqu’un d’organiser un scrutin, il s’arrange en général pour que le résultat lui soit favorable ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrice Martin-Lalande – Quel aveu !

M. Alain Néri – Supprimez cet article, les relations sociales s’en porteront mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Christian Eckert – Le fil rouge de ce texte est son caractère inapplicable et démagogique. Il n’y aura pas de service minimum, tout au plus un service adapté. Ici, vous prenez le prétexte facile de la démocratie : qui peut être contre ? Pour définir le périmètre de la consultation, votre texte parle des salariés « concernés par les motifs mentionnés dans le préavis ». Une telle définition est inadaptée au cas des grèves interprofessionnelles et peut créer des blocages si l’on s’en tient à la consultation de catégories de personnel par trop sectorielles. Vous écrivez ensuite que le résultat de la consultation « n’affecte pas l’exercice du droit de grève » ; c’est donc qu’elle est inutile.

J’appelle votre attention sur les amendements 84 et 100, qui seront, ceux-là comme les autres, retirés sur l’ordre de quelque surveillant général (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais qui n’en manifestent pas moins les véritables intentions de certains de nos collègues de la majorité. N’ayant pas le courage de leurs intentions, ils entretiennent le flou artistique sur un texte qui promettait monts et merveilles et ne créera pas le moindre service minimum.

Mme Marylise Lebranchu – Comme nous avons parlé du secret professionnel, j’ai rouvert mon code pénal, qui n’évoque nulle part de secret professionnel concernant les directions des ressources humaines, les chefs d’entreprise, les directeurs de service. Donc, ce qu’il faut retenir, c’est l’interprétation du ministre, selon laquelle il ne convient pas de communiquer la liste des grévistes aux syndicats.

En ce qui concerne la consultation au bout de huit jours, j’observe que vous avez voté un amendement permettant aux salariés de rejoindre tous les jours la grève, à condition de prévenir l’employeur 48 heures à l’avance. Donc, les huit jours n’existent plus, car si certains sont en grève depuis ce nombre de jours, ce ne sera pas le cas de tous les grévistes.

Le dispositif n’étant donc pas applicable, il ne peut s’agir que d’une tentative de déstabilisation des organisations syndicales, comme elles en sont d’ailleurs toutes persuadées. Il arrive déjà que celles-ci procèdent, en assemblée générale, à des consultations sur la poursuite de la grève…

M. le Ministre – Comment y vote-t-on ?

Mme Marylise Lebranchu – En ouvrant ce droit à l’employeur et au médiateur, vous ne les rassurez pas.

Le mieux, compte tenu du fait que les huit jours ne peuvent plus s’appliquer, est de renoncer à cette disposition, qui risque en outre de conduire à ce que personne ne souhaite, à savoir des grèves sectorielles, ou catégorielles. Si les partenaires sociaux sont parvenus à des résultats extrêmement intéressants à la SNCF et à la RATP, c’est parce qu’ils ont su globaliser les questions, évitant des grèves catégorielles. Cela a été un travail énorme. Vous remettez le doigt dans l’engrenage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Ministre – Tout d’abord, ce sont les organisations syndicales qui, en posant le préavis, définissent le corps électoral. Ensuite, je rappelle que les référendums prévus par la loi Aubry 2 sont organisés par les employeurs ; je ne sais pas si cela vous avait choqué à l’époque ; en tout cas, ce n’est pas une nouveauté.

Deux précisions sur la consultation des salariés : elle est indicative, et elle n’affecte en rien l’exercice du droit de grève, qui reste un droit individuel. D’autre part, elle doit présenter toutes les garanties préservant la régularité de l’expression des salariés, d’où l’importance du secret du vote. Mme Lebranchu a évoqué les votes qui surviennent dans les assemblées générales de salariés : pour ma part, j’ai toujours considéré qu’à bulletin secret, c’est mieux qu’à main levée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Dolez – L’amendement 108 vise à supprimer l’article 6, essentiellement parce que la consultation qu’il prévoit témoigne du véritable objet du texte : remettre gravement en cause l’exercice du droit de grève. On voit en effet que la consultation qui va être organisée sera sans portée juridique. Au reste, comment pourrait-il en être autrement puisque le droit de grève est un droit individuel ? Et c’est heureux, puisque le droit doit protéger les minorités…

M. Yves Censi – Allons donc, le droit ne connaît pas la notion de minorité !

M. Marc Dolez – Je ne suis pas sûr que la communication du Gouvernement sur cet article ne soit pas erronée, pour ne pas dire mensongère (Murmures sur les bancs du groupe UMP). La grève, même minoritaire, est toujours légitime, dès lors qu’elle s’exerce dans le cadre de la loi. Faire croire à l’opinion qu’une consultation peut porter atteinte à la légitimité d’un mouvement, fût-il minoritaire, c’est communiquer sur des bases erronées. Le spectre de la consultation a pour seul objectif de faire pression sur les grévistes. Cela contrevient au principe selon lequel le droit de grève est un droit individuel, dont la seule limite est qu’il doit être précédé d’un préavis, déposé par une organisation syndicale représentative.

Je rappelle que deux arrêts de la cour de cassation, en 1985 et 1987, ont expressément confirmé que le doit de grève constitue un droit personnel, que chacun peut exercer sans être lié par la loi de la majorité. Votre but, c’est d’intimider, de diviser et de casser la dynamique revendicative en tablant sur le découragement des uns et la soumission des autres. Nous sommes convaincus du caractère éminemment dangereux de cette consultation. Elle ne peut qu’entraîner une dégradation du climat social et diffuser une culture du soupçon généralisé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Rapporteur – Je suis bien sûr défavorable à cet amendement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). La procédure de médiation constitue une avancée et participe à l’évidence du développement du dialogue social. Quant à la possibilité d’organiser une consultation sur la poursuite de la grève, je m’étonne que l’on demande sa suppression, car je crois que la rédaction qui nous est soumise est équilibrée. Elle préserve notamment le caractère purement consultatif du vote, lequel ne peut avoir d’effet sur la poursuite de la grève. Le caractère individuel de ce droit est donc préservé.

Selon un récent sondage, 82 % des Français sont favorables à cette mesure. Et je ne résiste pas à la tentation de vous citer un extrait de l’ouvrage qu’a consacré l’historien Stéphane Sirot au droit de grève : « De fait, le vote à main levée peut permettre aux délégués d’influencer très fortement leur base, voire de la rendre à leurs volontés (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe UMP). Cette pratique rend possible la variation d’une opinion dans le sens voulu par les militants, dont l’expérience dans le domaine de la parole et de l’action leur permet d’exercer un ascendant déterminant sur la masse des grévistes ».

La semaine dernière, un représentant de la FGAAC a du reste reconnu devant notre commission spéciale que la consultation à bulletin secret au bout de huit jours peut être une bonne chose, dans la mesure, dit-il, où « il est vrai que des pressions peuvent s’exercer lors des assemblées générales ».

Enfin, espérons que n’assistent pas à nos travaux des entrepreneurs intéressés à venir s’installer en France : à vous entendre, vous vous faites une idée vraiment désastreuse de l’employeur français ! Vous n’avez aucun respect pour les entrepreneurs qui font travailler nos concitoyens ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Un peu de considération pour ceux qui animent notre tissu industriel et commercial (Même mouvement ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Vous n’avez vraiment pas une belle image de l’entreprise française ! Vous mettez en doute l’honnêteté des employeurs, et cela n’est pas acceptable.

L'amendement 108, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – Les amendements 146 et 147 sont défendus.

Les amendements 146 et 147, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Roland Muzeau – Notre amendement 72 vise exclusivement à supprimer les dispositions permettant au chef d'entreprise d'organiser une consultation sur la poursuite de la grève, système justement dénoncé en raison des limites qu'il pose à l'exercice du droit de grève. Nous ne touchons donc pas à l'autre volet de l'article, qui, à la demande de certaines organisations syndicales, rend possible le recours à un médiateur. Introduite par nos collègues du Sénat, la procédure de médiation n'appelle pas d'objection de fond. Sans délai, les parties au conflit pourront prendre l'initiative de recourir à un médiateur, en vue d’éviter le durcissement des positions et l'enlisement de la grève.

Il reste que cette disposition secondaire prend place dans un texte dont l'économie générale est contraire au développement du dialogue social et peut même constituer une nouvelle source de conflictualité.

S’agissant de la consultation au bout de huit jours, vous n’inventez rien, puisque j’ai en mémoire les pratiques retorses des patrons de Peugeot-Talbot-Citroën dans les années 1970 et 1980 : outre le maniement des manches de pioche, ce type de manœuvre d’intimidation des grévistes était monnaie courante.

Je passe rapidement sur la question de savoir à qui la consultation sera ouverte. Il semble bien que l’employeur appréciera quels sont les salariés concernés : les grévistes, toute la collectivité de travail, ceux directement visés par les motifs du préavis… Par contre, j'insiste sur le fait qu’à l’instar de l'obligation de se déclarer gréviste, la consultation des salariés sur la poursuite de la grève vise à écarter chaque salarié du mouvement collectif. Elle restreint l'exercice individuel du droit de grève. C’est un moyen redoutable de peser sur le climat social de l'entreprise, en divisant les salariés et leurs organisations syndicales au seul bénéfice d’un employeur qui refuse de négocier.

En outre, bien que le texte précise que le résultat de la consultation n'a qu'une valeur indicative, dépourvue d’effet juridique sur la poursuite de la grève, il est plus que probable que l'objet de la consultation sera la cessation du conflit plutôt que la poursuite de la grève. En ce domaine, les intentions du Président de la République sont claires. N'a-t-il pas déclaré qu'il fallait « en finir avec la dictature des minorités » ? Et d'aucuns, ici même, n'ambitionnent-ils pas d'interdire les grèves minoritaires ? Notre collègue Paternotte avait même envisagé de sanctionner pénalement le fait d'empêcher la reprise du travail, si une majorité qualifiée des deux tiers de travailleurs concernés l'a votée. Cet amendement a été retiré, les restrictions des garanties entourant la protection de la liberté du travail étant trop importantes.

Permettre aujourd'hui que figure dans notre corpus législatif le principe d'une consultation sur la continuation de la grève, c'est franchir une première étape dangereuse, annonciatrice de restrictions bien plus frontales encore du droit de grève (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

L'amendement 72, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Nous en venons aux amendements identiques 12 et 149.

M. Yves Cochet – L’amendement 12 est défendu. Il tend à supprimer l’alinéa 2 de l’article.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec –Je profite de la défense de notre amendement 149 pour dire à notre rapporteur que s’il a raison de refuser qu’on mette en doute l’honnêteté des employeurs – et nous ne le faisons pas –, il n’est pas davantage justifié de contester la volonté des salariés de travailler, comme la majorité le fait à l’envi en laissant entendre que les gens font grève de gaieté de cœur ! Il ne faut pas s’abaisser à de telles caricatures.

À quoi sert-il de prévoir dans la loi un référendum dont personne ne sait dire à quelle fin il est organisé ? Tout le monde affirme ne pas vouloir toucher au droit de grève et ne pas contester le fait qu’il s’agit d’un droit individuel. Mais, en réalité, votre objectif est d’entamer la possibilité de faire grève et vous le faites en adoptant la stratégie qui consiste à prendre à témoin ceux qui sont extérieurs au conflit. Il est facile mais dangereux de faire juger sévèrement les grévistes par ceux qui ne se sentent pas concernés par le conflit, mais supportent la gêne qu’il occasionne. Vous prenez un grand risque en jouant sur l’égoïsme spontané des usagers. Chacun peut en effet être amené un jour à dénoncer ses conditions de travail et ceux qui aujourd’hui en veulent aux grévistes regretteront peut-être alors que l’on ait entamé le droit de grève.

À quoi servira la consultation prévue sinon à faire constater publiquement qu’il n’y a pas une majorité de salariés favorable à la poursuite de la grève ?

Plusieurs députés UMP – Et alors ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Pourquoi après huit jours ? Pourquoi pas sept ou neuf ? C’est arbitraire et n’a d’autre sens que de poser les jalons d’une stratégie visant à prendre à témoin le reste de la population. Un conflit salarial entre un employeur et ses salariés a tout intérêt à demeurer traité dans le cadre de l’entreprise, éventuellement avec l’intervention d’un médiateur.

En réalité, cet alinéa trahit que votre intention est bien d’entamer le droit de grève, ce que vous ne pouvez faire directement car vous encourriez la censure du juge constitutionnel, mais faites de manière pernicieuse. À monter ainsi contre des personnes qui défendent leurs intérêts d’autres personnes qui, demain, ne disposeront plus des mêmes armes pour mener le même combat, vous risquez d’engager notre pays sur la voie de la régression sociale et de porter atteinte à notre cohésion sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

Les amendements 12 et 149, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 37 précise que si la consultation des salariés peut également être demandée par les organisations syndicales et le médiateur, la responsabilité de la décider et de l’organiser après huit jours de grève est réservée à l’employeur, comme le prévoit le code du travail pour l’ensemble des consultations et élections dans l’entreprise, que celles-ci répondent à des obligations légales ou soient facultatives.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre sous-amendement 184, en prévoyant que la consultation est organisée « conjointement par l’employeur et les organisations syndicales représentatives », permettrait un règlement négocié du conflit dans de meilleures conditions que par une consultation à l’évidence destinée à diviser le personnel. Si vous acceptiez ce sous-amendement, vous apporteriez la preuve que vous cherchez vraiment à trouver des solutions négociées aux conflits et non à aggraver les confrontations.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ce sous-amendement.

M. le Ministre – Avis défavorable au sous-amendement et favorable à l’amendement.

Le sous-amendement 184, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 150 et 148 tombent.

M. le Rapporteur – L’amendement 38 est de précision.

L'amendement 38, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yanick Paternotte – Je retire l’amendement 100 (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

L'amendement 100 est retiré.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Jean-Paul Lecoq – Depuis le début du débat, vous renchérissez sur la question de l’information des usagers en reprenant le sempiternel exemple du train de 7 h 04 qui n’arrivera jamais en gare… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Affichage purement démagogique !

Depuis plusieurs années, le désengagement de l’État en matière de transports est flagrant. Vos accointances avec le patronat et les cadeaux fiscaux en tous genres que vous lui accordez vous contraignent de réduire sans cesse les moyens dont dispose l’État. Dernier exemple en date, éloquent : votre texte sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat va engloutir quinze à seize milliards d’euros, dont six milliards pour la défiscalisation des heures supplémentaires. Autant de moyens en moins pour les politiques publiques !

Les conséquences en sont très concrètes pour les usagers des transports. Allons cette fois du côté de la Bourgogne. Dans le secteur de Dijon, 486 trains ont été supprimés de janvier à mai 2007 pour des motifs internes à l’entreprise : défaillances ou manque de matériel, déraillements, incidents sur les voies, ouvrages d’art défectueux, parfois effondrés, pannes de signalisation, erreurs d’aiguillage, retards dans les travaux. Sur les 486 trains annulés, 55 seulement ont été remplacés. Les statistiques révèlent que l’irrégularité des TER en Bourgogne est due dans 34 % des cas au matériel, 27 % aux infrastructures, 27 % au service voyageurs et seulement 12 % des cas à des motifs externes à l’entreprise. On compte en Bourgogne plus de 179 kilomètres de voies ferrées sur lesquels les trains sont obligés de ralentir.

Un député UMP – Mais que fait le conseil régional ?

M. Jean-Paul Lecoq – La sécurité pâtit elle aussi de ce manque d’investissements et de ces choix politiques désastreux. Le transfert des autorisations de départ des trains des agents des gares aux agents du service commercial sur plusieurs lignes n’est pas sans dangers.

Les fermetures de lignes et d’infrastructures ne sont pas moins préoccupantes. Ainsi l’agence commerciale de Dijon a fermé en 2005, avec vingt-deux suppressions d’emplois à la clé. Neuf boutiques voyages ont également fermé depuis la même date. Des gares et des guichets ferment aussi sporadiquement faute de personnels, comme à Genlis, Lure ou Dijon-Ville, sans parler des réductions d'amplitude des horaires d’ouverture dans de nombreuses gares. Tout cela nuit à la proximité du service pour tous les usagers qui n'utilisent pas Internet, alors même que la proximité est essentielle à la qualité du service public. De 2002 à 2006, la région Bourgogne aura perdu 692 cheminots, soit environ un dixième des effectifs (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre – Nous ne sommes pas en train de discuter le projet de loi de finances !

M. Jean-Paul Lecoq – Voilà le triste résultat de vos choix politiques ! C'est l'aboutissement d'un désengagement de l'État voulu pour favoriser la mise en concurrence d'un secteur où quelques créneaux juteux feront le bonheur d'investisseurs soucieux de rentabilité, avec en toile de fond l'idée que les entreprises privées seraient plus efficaces que les entreprises publiques.

Après que vous avez ainsi mis à mal le service public, laissé à l'abandon certaines lignes, supprimé sans cesse du personnel, rendant la tâche de ceux qui restent toujours plus difficile, il est vrai que les entreprises publiques ont du mal à assurer un service de qualité, non que leurs personnels soient incompétents ou leurs modes de gestion inefficaces. C’est là le fruit d’une politique de casse concertée.

Vous avez cherché, tout au long de ce débat, à opposer les intérêts des usagers à ceux des salariés et des syndicalistes. Comme si les grèves étaient déclenchées pour nuire aux usagers ! Comme si les syndicats ne se souciaient pas de la qualité du service public ! Bien au contraire, étant au cœur de l'appareil de production, syndicats et salariés savent mieux que quiconque ce que représentent les transports en commun pour la population et l'économie. Et s'ils se battent au premier chef pour leurs conditions de travail, n'oubliez jamais que la défense du service public, de la qualité et de la sécurité des prestations fournies aux usagers sont indissociables des conditions de travail, de sécurité et de vie des personnels, du respect des droits collectifs, des droits syndicaux et de la négociation dans les entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Rémi Delatte – Je salue la volonté du Gouvernement d’affirmer dans cet article le droit des usagers du service public des transports terrestres à une bonne information vingt-quatre heures avant le début d’une perturbation. Ce droit nouveau à l’information constitue une innovation, marquant le respect dû à nos concitoyens et donnant une image renouvelée et plus valorisante du service public. Chaque usager a le droit de savoir la veille d’une grève s’il pourra utiliser les transports en commun le lendemain. Encore convient-il qu’il sache non pas que 50 % des trains rouleront mais que le fameux train de 7 h 04 qu’il emprunte habituellement sera bien en service ! S’il doit savoir à quelle heure il pourra partir à son travail, il doit également savoir à quelle heure il pourra regagner son domicile.

Ces dispositions ne sauraient être perçues comme une atteinte au droit de grève. Je souhaite ici dire aux agents des entreprises de transport qui assurent avec conscience et efficacité leur travail tout au long de l’année combien ils contribuent à l’image du service public dans notre pays et qu’ils peuvent en être fiers.

L’action que nous engageons actuellement, celle que le Président de la République a proposée au Français et que ceux-ci ont choisie en mai et juin derniers, vise à instaurer un droit à l’information, une véritable culture de l’information. Ce droit doit bien entendu être également respecté en cas de perturbations du service liées à des difficultés techniques. Nous devons satisfaire ce souci d’information pour préserver la qualité de notre service public. Ce n’est pas une question de politique, mais de bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le président de la commission spéciale – L’amendement 39 précise que l’information est délivrée gratuitement.

M. François Brottes – Cet amendement, auquel ne s’applique pas l’article 40, constitue pourtant une nouvelle charge. La gratuité a un coût ; qui la financera ?

M. le président de la commission spéciale – Cette information sera délivrée par l’entreprise. L’amendement 39 mettra fin à des situations inégales, avec des numéros gratuits sur un territoire, des numéros payants sur un autre.

L'amendement 39, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le président de la commission spéciale – Avec l’amendement 40, il s’agit de faire en sorte que l’information aille au-delà des besoins essentiels de la population en étant la plus large possible.

L'amendement 40, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 41 est rédactionnel.

L'amendement 41, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

ART.7 BIS

M. le Rapporteur – Les auditions l’ont montré : ce projet de loi doit être accompagné d’importants efforts d’investissement dans les entreprises de transport. Anne-Marie Idrac a ainsi souligné que le montant des investissements était de 2 milliards par an à la SNCF. Le Sénat ayant prévu que l’entreprise de transport établit et communique à l’autorité organisatrice un bilan détaillé annuel de l’exécution du plan de transport adapté et du plan d’information des usagers, l’amendement 42 précise que ce bilan contient la liste des investissements requis pour la mise en œuvre de ces plans. La commission juge important que cette préoccupation figure dans la présente loi.

L'amendement 42, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le président de la commission spéciale – L’amendement 43 précise que ce bilan est rendu public.

L'amendement 43, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 7 bis, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART. 7 BIS

M. François Brottes – L’amendement 121 est défendu.

L'amendement 121, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART.8

M. Jean-Paul Lecoq – L’article 8 prévoit un remboursement total ou partiel des titres de transport en cas de non-exécution du plan de transport adapté ou du plan d’information des usagers. Cette disposition n’est rien d’autre que de la poudre aux yeux : vous prétendez vouloir satisfaire l’usager, alors que vous contribuez depuis des années à la détérioration du service public !

Les transferts de compétences aux collectivités territoriales n’ont pas été financés et les collectivités sont contraintes de dépasser les dotations prévues par l’État. La loi SRU, qui prévoyait la décentralisation des transports régionaux, n’impliquait pas pour autant que l’État délaisse son devoir de soutien à la politique des transports. Or l’État se désengage : j’en veux pour preuve les financements par les collectivités locales, à hauteur de 2,88 milliards, que vous avez introduits dans la loi de finances pour 2007 et la régression constante de la dotation aux infrastructures ferroviaires. Dans ce contexte, les péages de RFF ont augmenté et engloutissent les efforts d’investissement à la SNCF.

L’égalité de traitement des passagers est menacée par un mode de financement lié aux ressources des régions. Or l’égalité devant le service public constitue un principe juridique à valeur constitutionnelle, consacré par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 juillet 1979.

Cette disposition paraît bien dérisoire si l’on songe aux conséquences de votre politique libérale. Ainsi, l’augmentation des péages d’usage de l’infrastructure, en 2005, a été répercutée sur le prix des billets. Quant au manque d’investissements, l’exemple catastrophique de la Grande-Bretagne devrait nous faire réfléchir !

M. Jean Mallot – « Usine à gaz, Ve phase » (Sourires). Cette fois-ci, les tuyaux rétrécissent et cela devient de la chimie très fine, qui pourrait presque déterminer la couleur des billets… Je souhaiterais que soit précisé le rôle des AOT et celui des entreprises opératrices : qui, par exemple, remboursera l’usager ? La répartition des responsabilités entre la région, la SNCF et RFF n’est pas toujours clairement perçue – c’est un euphémisme – par l’usager. On voit bien où vous voulez en venir…

Plusieurs députés UMP – Nous, on ne voit pas !

M. Jean Mallot – …vous souhaiteriez que l’usager impute les dysfonctionnements du TER, par exemple, à la région. Si la région inflige des pénalités à la SNCF, celle-ci en répercutera le coût dans les conventions, et ce sera, à terme, l’usager qui paiera. Si la région veut améliorer le service, elle peut investir dans la régénération des voies, mais ce sera de nouveau le contribuable qui paiera.

En faisant porter la responsabilité du plan de transport adapté aux autorités organisatrices, sans leur accorder pour autant de moyens supplémentaires, ce texte risque de leur transférer la charge du service minimum.

Il est regrettable que vous cherchiez sans cesse à entretenir la confusion dans le seul but de mettre en péril le rôle des régions. M. Bussereau a pourtant salué leur rôle au cours d’une trop brève apparition.

M. François Brottes – Je retire l’amendement 109.

L'amendement 109 est retiré.

M. Christian Eckert – Tous les responsables que nous avons entendus nous ont indiqué que le remboursement des billets se heurtera à des difficultés techniques. Comme l’a suggéré Mme Idrac, les entreprises de transport auront par ailleurs tendance à fixer des objectifs modestes dans le plan de transport adapté, afin de limiter autant que possible les remboursements.

C’est pourquoi l’amendement 122 tend à renforcer la distinction entre les responsabilités des entreprises et celles des autorités organisatrices. Les usagers sauront plus aisément de quels remboursements ils pourront bénéficier.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. La rédaction adoptée par le Sénat est plus favorable aux usagers.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 122, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 123 est défendu.

L'amendement 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 124 est également défendu.

L'amendement 124, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le Président de la commission spéciale – L’amendement 44 tend à préciser que le remboursement n’est pas à la charge, directement ou indirectement, des autorités organisatrices de transport.

M. le Rapporteur – La commission a adopté cet amendement.

M. le Ministre – Avis favorable.

Mme Catherine Coutelle – L’amendement 125 a le même objet, lequel ne sera pas aisé à atteindre. Le représentant de l’Union des transports publics a reconnu, au cours des auditions, que même si le remboursement relève des entreprises, son impact sera forcément inclus dans les contrats. Il faudra d’ailleurs organiser des négociations pour éviter une trop grande disparité entre les différents réseaux.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même position.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 125 tombe.

M. François Brottes – L’amendement 126 précise également que le coût du remboursement ne doit pas être supporté par l’autorité organisatrice des transports. Pour éviter toute redondance, je retire cet amendement.

L'amendement 126 est retiré.

M. François Brottes – J’espère toutefois que le rapporteur veillera à toiletter l’ensemble de l’article. Il ne faudrait pas conserver à l’alinéa 4 l’ambiguïté que nous venons de lever à l’alinéa 1er.

M. le Président de la commission spéciale – Nous pourrons effectivement affiner la rédaction à l’occasion de la CMP, mais il ne me semble pas inutile de garder une référence aux autorités organisatrices. Dans certains cas, ce sont elles qui procèdent à la perception des titres de transport.

Mme Catherine Coutelle – C’est exact.

M. Jean Mallot – L’amendement 127 tend à supprimer toute porosité entre pénalités et remboursements, et donc entre les responsabilités des transporteurs et celles des autorités organisatrices.

L'amendement 127, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 128 est de repli.

L'amendement 128, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L’article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

La séance, suspendue le jeudi 2 août à 1 heure 55, est reprise à 2 heures 5.

ART. 9

M. Jean-Paul Lecoq – L’article 9, attaque symbolique et démagogique contre le droit de grève, rappelle que les jours de grève ne sont pas payés. À quoi bon ? C’est déjà la règle et les grévistes la connaissent bien, qui sacrifient une part de leurs maigres salaires pour défendre leurs droits ! Votre intention est plus sournoise : vous voulez faire croire que ce n’est justement pas la règle et discréditer les grévistes en les opposant aux usagers. Diviser pour régner : vous avez éprouvé cette recette dans bien des domaines.

Actuellement, seuls certains jours de grève peuvent être indemnisés à l’issue de conflits particulièrement durs. Ainsi, lors de la dernière grève des Courriers du Midi en 2002, les grévistes avaient obtenu le paiement de la moitié de leurs journées non travaillées. C’est normal : ils étaient en état de légitime défense. De plus, en faisant grève pour conserver un poste ici ou une agence là, les salariés ne défendent pas seulement leur service, mais aussi les usagers.

L’amendement sénatorial, qui enfonce le clou, est plus inique encore. Il ferme la porte à toute résolution du conflit dans les dernières heures de la négociation et illustre l’hostilité qui anime une large part de l’UMP à l’égard des grévistes. Faire grève, c’est ne pas travailler, c’est-à-dire ne pas être payé, nous dit le ministre. Il y a un siècle déjà, la droite accusait Jaurès, défendant les grévistes de Carmaux, d’être du côté des fraudeurs immoraux qui découragent le travail.

M. le Ministre – Pas la droite actuelle !

M. Jean-Paul Lecoq – En 1936, elle assimilait les congés payés à une prime à l’oisiveté et dénonçait l’égalitarisme du Front populaire. Aujourd’hui, hélas, vous n’avez pas changé ! (« Vous non plus ! » sur les bancs du groupe UMP) Par souci d’affichage, le ministre autorise l’étalement de la retenue sur salaire mais réitère sa ferme opposition au paiement des heures de grève. D’autres osent même affirmer qu’il s’agit là de défendre le syndicalisme : on aura tout entendu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Roland Muzeau – Les dirigeants de la Régie des transports de Marseille ont rappelé à notre commission spéciale la grève de 2005 qui dura quarante-six jours. Une campagne médiatique avait alors été orchestrée pour discréditer les grévistes, ces voyous archaïques qui tueraient Marseille.

M. Philippe Boënnec – C’est la liberté d’expression !

M. Roland Muzeau – Leurs revendications n’étaient pourtant pas salariales : ils s’opposaient à la privatisation en gestation de la RTM. 

Or, le 6 juillet dernier, le tribunal administratif les a rétablis dans leurs droits. Cette jurisprudence leur permettra d’intenter une action pour obtenir le paiement des quarante-six journées non travaillées – une perte qu’il fallut deux ans pour réparer.

M. le Président – Nous en venons aux amendements.

M. Roland Muzeau – S’agissant du non-paiement des jours de grève, le code du travail est très explicite. C’est un principe qui ne souffre aucune dérogation, sauf lorsque les salariés ont été contraints de cesser le travail à cause d’un manquement grave de l’employeur à ses obligations. Pourtant, le Gouvernement a jugé utile de le rappeler à l’article 9, que l’amendement 73 vise à supprimer. La version initiale de cet article a soulevé un tollé : vous vouliez faire croire que les salariés du public peuvent faire grève impunément tout en étant payés. Le Sénat a ensuite réaffirmé le principe du non-paiement des jours de grève en précisant qu’aucune compensation d’aucune sorte n’est possible.

Rappeler un principe déjà inscrit dans la loi était inutile. L’aggraver en réputant sans cause des accords de fin de conflit, c’est limiter l’intervention des partenaires sociaux et faire preuve de défiance envers eux. Comment prétendre développer le dialogue social et agir ainsi ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre amendement 110 est également de suppression. L’article L. 521-6 dispose déjà que les personnels des collectivités, organismes et entreprises assumant un service public ne sont pas rémunérés pour les jours de grève. Cependant lorsque le conflit a eu manifestement pour origine l’attitude de l’employeur, la jurisprudence reconnaît la possibilité de ne pas appliquer cette interdiction. L’alinéa que vous introduisez écarte définitivement cette possibilité, quelle que soit l’origine d’un conflit. Si celui-ci est légitime, l’employeur ayant commis une violation évidente du droit à laquelle les salariés ne pouvaient résister que par la grève, ils n’auront cependant pas de compensation. En décider ainsi, c’est envoyer comme message que, en définitive, toute grève est illégitime ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous ne parlons pas ici de légitimes conflits d’intérêt sur le salaire, mais de cas où l’employeur viole délibérément le droit des salariés, qui n’ont d’autre recours que la grève pour défendre un droit. Cela, c’est une injustice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. le Rapporteur – Rejet.

M. le Ministre – Avis défavorable.

M. Roland Muzeau – Puisque nos démonstrations argumentées ne sont pas entendues, je citerai encore deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation. Par celui du 20 février 1991, elle a rétabli dans leurs droits des salariés qui avaient fait grève pour défendre un de leurs collègues licencié injustement et ces salariés ont été rémunérés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est cela que vous prohibez désormais.

M. Roland Muzeau – De même, par un arrêt du 21 mai 1997, des salariés ayant fait grève, dans une entreprise de transport routier justement, contre le remplacement d’une prime par une autre jugée attentatoire à leurs droits…

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – On ne commente pas des arrêts de cette façon !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Où est le problème ? Si vous ne voulez pas écouter le débat, ne siégez pas ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Roland Muzeau – Les salariés ayant gagné, leurs salaires ont été payés. Avec cette disposition, qui n’a rien à voir avec le dialogue social, vous revenez sur toute une jurisprudence.

M. le Ministre – Une jurisprudence d’espèce !

Les amendements identiques 73 et 110, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Ministre – L’amendement 112 revient à la rédaction initiale du Gouvernement, qui est plus claire que celle adoptée au Sénat. Mais pour bien affirmer que le principe est le même, j’émets un avis favorable sur le sous-amendement 190.

M. le Président de la commission spéciale – La démocratie sociale, dont M. Lecoq a parlé, entraîne la responsabilité, ce qui signifie que le salarié n’est pas rémunéré pour les jours de grève. La rédaction du Gouvernement le rappelle. La commission spéciale avait souhaité avoir des précisions. Ce sera le cas avec le sous-amendement 190 rectifié, qui, après le mot « grève », ajoute :«, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects à l’exclusion des suppléments pour charges de famille ».

M. Roland Muzeau – Est-ce seulement le deuxième alinéa de l’article 9 qui disparaît ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il faut nous dire si la référence à l’article L. 521-6 disparaît dans une réécriture globale de l’article.

M. le Ministre – Il s’agit effectivement d’une nouvelle rédaction de tout l’article, ce qui supprime la référence explicite à l’article L. 521-6 même si les termes utilisés par le sous-amendement sont identiques.

M. le Président – L’adoption de l’amendement 112 ferait tomber les autres amendements à l’article.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement du Gouvernement supprime les termes « sont réputés sans cause ». Les juridictions ne seront pas obligées de trancher dans le sens injuste que je dénonçais précédemment. Mes observations étaient donc quand même pertinentes.

Reste une difficulté dans la mesure où l’article L. 521-6 dispose que les retenues sont opérées en fonction des durées d’absence définies à l’article 2 de la loi d’octobre 1982. Cet article continuera de s’appliquer. Êtes-vous sûr que votre rédaction, différente, ne risque pas de le contredire ?

Le sous-amendement 190 rectifié, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 112 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté et l’article 9 est ainsi rédigé.

ART. 10

M. Jean-Paul Lecoq – Cet article, qui propose un rapport d’évaluation sur l’application de la loi, dispose : « Au vu de ce bilan, le rapport examine l’opportunité d’étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport public de voyageurs ». Il s’agit donc de proposer ensuite une extension du dispositif à d’autres secteurs des transports ! Monsieur le ministre, si vous avez, en commission, refusé les amendements de vos ultras, vous drapant dans la modération, vos objectifs à long terme sont clairs. La majorité au Sénat a d’ailleurs affirmé son souhait de faire de cette loi un laboratoire de la réforme de l’ensemble des services publics. Il est scandaleux que vous prétendiez défendre le service public, au moment où vous réduisez drastiquement le nombre de fonctionnaires de l’Éducation nationale, où vous organisez la discontinuité du service public dans les zones rurales…

Un député UMP – C’est faux !

M. Jean-Paul Lecoq – …et où vous aggravez les conditions de travail des enseignants des zones défavorisées, avec des classes surchargées.

Grâce à la confusion entre continuité du service public et limitation du droit de grève, votre majorité, pourfendeuse de la « loi liberticide » quand il s’agit du droit du travail, ne craint cependant pas de recourir à l’instrument tant décrié. Quand la loi contraint les employeurs, vous protestez qu’elle brime ; quand elle contraint les salariés, vous découvrez ses vertus protectrices.

Ce qui guide votre action est la volonté d’étouffer la protestation sociale : « surveiller et punir », en quelque sorte. Votre libéralisme est le laisser-faire pour les puissants et la répression des faibles. Au lieu de vous attaquer aux grévistes, revenez plutôt sur vos cadeaux fiscaux, recrutez davantage d’enseignants et d’infirmières, souciez-vous réellement du service public !

M. François Brottes – Il est question, dans cet article, de dresser un bilan notamment « des accords-cadres et accords de branche signés avant le 1er janvier 2008 ». Cette préconisation me paraît un aveu qu’il n’y aura plus d’accords après cette date.

L’article 10 évoque en outre des « actions de substitution du représentant de l’État » : le préfet prendra donc effectivement des décisions. Cette rédaction, issue du Sénat, va dans un sens quelque peu différent de ce que vous nous avez expliqué ici, Monsieur le ministre.

M. le Ministre – Il n’y a pas de contradiction.

M. François Brottes – L’amendement 111 propose de supprimer l’article.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. M. Brottes voulait sans doute dire 1er octobre 2008. En tout état de cause, après le 1er janvier, il peut toujours y avoir des accords.

M. François Brottes – J’ai dû mal m’exprimer. Je parlais du bilan « des accords-cadres et de branche signés avant le 1er janvier 2008 », en concluant de cette rédaction que, tout ce qui se passera après cette date n’intéressant personne, il n’y aura plus d’accords.

L'amendement 111, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. François Brottes – L’amendement 101 est défendu.

L'amendement 101, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 74 vise à ce que le rapport d’évaluation intègre des éléments concernant la qualité du dialogue social, pour contraindre les directions d’entreprise. Alors que l’article L. 521-3 du code du travail dispose que, « pendant la durée du préavis de grève, les parties intéressées sont tenues de négocier », les autorités hiérarchiques refusent souvent d’engager la négociation. Les partisans de votre projet en prennent prétexte pour demander une procédure plus lourde, qui n’aurait cependant pas davantage de chances d’être respectée sans aggravation des sanctions.

De même, si les entreprises de transport sont contraintes par la loi de négocier chaque année sur les salaires, sur les contrats de travail et sur l’égalité professionnelle, 55 % d’entre elles ne respectent pas cette obligation. Il est vrai que l’organisation patronale du secteur s’évertue depuis 2004 à faire échouer toute négociation sur l’amélioration du dialogue social.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. De nombreux rapports ont déjà été réalisés.

L'amendement 74, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je suis saisi des deux amendements identiques 45 et 152.

M. le Rapporteur – L’amendement 45 vise à supprimer l’alinéa aux termes duquel le rapport d’évaluation « examine l’opportunité d’étendre le dispositif du projet aux autres modes de transport public de voyageurs ». Il est important de veiller à la clarté du débat : ce projet de loi traite des transports terrestres réguliers de voyageurs.

M. Jean Mallot – Le président de la commission spéciale a déclaré, anticipant sur les conclusions du rapport d’évaluation, que le service minimum avait « vocation à être étendu à d’autres moyens de transport, voire à d’autres services publics ». Le Premier ministre lui a emboîté le pas : « Le service minimum peut servir d’exemple, y compris dans l’Éducation nationale ». M. Bertrand a fait ensuite savoir, le 18 juillet, qu’« un service minimum dans l’Éducation nationale est indispensable ».

M. le Ministre – Lisez la suite de ce que j’ai dit !

M. Jean Mallot – Enfin, M. Raffarin considère que le service minimum a vocation à être étendu « par étapes ».

Ce projet de loi n’est donc qu’une première étape, l’alinéa 9 du présent article préparant les suivantes. L’amendement 152 vise à supprimer cet alinéa.

M. le Président de la commission spéciale – Un article additionnel viendra en discussion…

M. François Brottes – Qui dit la même chose autrement !

M. le Président de la commission spéciale – …pour demander au Gouvernement un rapport sur les progrès du dialogue social dans les autres secteurs de transport.

Les amendements 45 et 152, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 10 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Jean-Paul Lecoq – Issu d'un amendement de nos collègues communistes et républicains au Sénat, cet article dispose que « les autorités organisatrices des transports doivent incorporer dans les contrats qu'elles passent avec les opérateurs des critères de qualité de services – sociaux et environnementaux –, afin d'élever la fiabilité et la prévisibilité des services, et, par conséquent, de permettre une meilleure continuité du service public. ».

Cette disposition est particulièrement nécessaire parce que le secteur est gagné par la précarité, le temps partiel imposé et le travail en intérim. Au reste, son pouvoir d’attraction se dégrade tellement que les pouvoirs publics et la profession s'interrogent sur le renouvellement des flux importants de départs en retraite prévus dans les dix prochaines années. Les horaires décalés, l'accidentologie et les salaires peu élevés constituent autant d'éléments peu incitatifs.

La logique d'appel d'offres, en vigueur dans de nombreuses collectivités pour attribuer l'exploitation du service de transport intra-urbain, favorise malheureusement cette tendance. En effet, l’appel d'offres est trop souvent fondé sur une simple comparaison des coûts, aux dépens des conditions de travail et des niveaux de rémunération dans les entreprises candidates. De fait, elle pousse les chefs d'entreprise à soumettre leurs salariés à de fortes pressions et elle favorise le dumping social.

Si Keolis – entreprise exploitant plusieurs services de transport intra-urbain – est championne pour ce qui concerne les marges bénéficiaires, elle ne l'est pas pour les conditions de travail qu'elle propose à ses salariés ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP) Allez demander aux salariés des Courriers du Midi, société du groupe Keolis, ce qu'ils en pensent !

En outre, l'adoption du règlement communautaire OSP – obligations de service public – pour les transports de voyageurs par fer et par route, voté, à l'instar de divers paquets ferroviaires libéralisant le secteur des transports par vos collègues siégeant à Bruxelles et à Strasbourg, nous fait craindre un renforcement de cette incitation à la baisse des coûts. En effet, même s’il n'impose pas le système d'attribution de contrats par voie d’appels d'offres, il encourage les autorités organisatrices à passer des marchés.

En soumettant la passation de contrats avec les opérateurs à des critères sociaux et environnementaux, on pousse les AOT à se conformer à ces exigences. Comme nous l'avons déjà souligné au cours du débat, les mauvaises conditions de travail sont à l'origine d'une grande partie des conflits et des grèves dans ce secteur, de sorte que, si cette disposition de la loi est correctement appliquée, elle pourra contribuer à la baisse de la conflictualité.

Enfin, l'insertion de clauses sociales et environnementales est de nature à bénéficier aux usagers. La course à la baisse des coûts peut en effet favoriser des moyens de transport polluants. Dès lors, le respect des clauses environnementales se fera au bénéfice de l'environnement. La sécurité y gagnera aussi, car on sait bien que le niveau de qualification des conducteurs, leurs horaires et leurs conditions de travail influent sur la qualité du service rendu. L'âge des salariés joue aussi sur la qualité et la fiabilité des services de transport.

Je profite d’ailleurs de cette intervention pour réaffirmer notre opposition au projet de réforme des régimes spéciaux que Nicolas Sarkozy a inscrit dans son programme électoral.

M. le Rapporteur – Les amendements 46, 47 et 48 sont rédactionnels.

Les amendements 46, 47 et 48, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

L'article 11 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 11

M. le Président de la commission spéciale – À l’évidence, l’application du présent texte permettra d’améliorer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Notre majorité n’a jamais caché qu’elle souhaitait que cet objectif soit aussi atteint pour les autres modes de transports publics de voyageurs. Or, les travaux de la commission spéciale et nos débats ont bien montré que pour cela, il était essentiel de remplir une première condition : l’amélioration du dialogue social. C’est cette étape dont nous voulons accélérer le succès. C’est pour cela que notre amendement 92 rectifié demande au Gouvernement d’adresser au Parlement, avant le 1er juin 2008, un état des lieux de l’évolution du dialogue social dans les transports publics de voyageurs autres que les transports terrestres et de l’impact de celle-ci sur l’évolution de la continuité du service public. Le champ du rapport et son objectif sont tout à fait clairs. M. Verchère va présenter deux sous-amendements, l’un incitant à travailler plus vite et l’autre faisant écho aux demandes de nos collègues de Corse et du littoral.

M. Patrice Verchère – Le sous-amendement 185 vise à ce que le rapport sur l’état des lieux du dialogue social dans les transports publics terrestres soit adressé par le Gouvernement au Parlement, non pas avant le 1er juin 2008 mais avant le 1er mars prochain,…

M. François Brottes – Pourquoi pas en septembre ?

M. Patrice Verchère – … ce qui laisse six mois après l’adoption du présent texte.

Le sous-amendement 186 précise que ce rapport devra tenir compte de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale. En effet, nos collègues corses se sont légitimement exprimés à ce sujet, tant en commission qu’en séance. Leur volonté d’étendre le champ d’application de la loi au transport maritime au nom de la continuité territoriale se justifie pleinement. Cependant, comme l’a souligné hier notre rapporteur, une telle extension n’a donné lieu à aucune concertation. Très attachés, comme le Gouvernement, au dialogue social (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), les députés de la majorité sont bien conscients qu’une telle extension ne peut intervenir qu’après concertation avec les autorités organisatrices, les pouvoirs publics, les entreprises de transport et les salariés. Monsieur le ministre, votre sens de l’écoute (Même mouvement) et votre volonté de répondre à la spécificité insulaire nous ont permis de trouver un compromis acceptable. Ce sous-amendement est donc parfaitement conforme à l’esprit du présent texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – Avis favorable aux deux sous-amendements.

M. le Ministre – Le Gouvernement donne un avis favorable aux deux sous-amendements et à l’amendement ainsi modifié.

S’agissant de la Corse, suite au dépôt des amendements de MM. Gandolfi-Scheit et de Rocca Serra, nous avions pris l’engagement de donner un avis favorable aux deux sous-amendements et à l’amendement de M. Mariton. Je répète que le texte ne concerne que les transports terrestres de voyageurs, mais le dialogue social est le préalable de toute évolution, que ce soit en Corse ou pour les dessertes côtières, notamment sur les littoraux vendéen ou breton. Et nous disposerons désormais d’une base juridique pour engager ce dialogue.

Les sous-amendements 185 et 186, successivement mis aux voix, sont adoptés

L’amendement 92 rectifié ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

TITRE

M. François Brottes – Pour tenir compte de la réalité des objectifs qu’il sert, notre amendement 102 vise à intituler ainsi ce texte : « Projet de loi contre le dialogue social, contre la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs » et, pourrais-je sous-amender en séance si notre Règlement l’autorisait, « pour l’élargissement de la suppression du droit de grève à tous les secteurs de l’activité économique du pays ».

L'amendement 102, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Roland Muzeau – L’amendement 77 est défendu.

L'amendement 77, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des amendements. Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

M. le Ministre – J’ai attendu la fin des débats sur le texte pour répondre à l’interpellation de Mme Coutelle sur la situation des salariés de SFR. Comme vous l’imaginez, ce dossier est suivi de très près par les services de la direction départementale du travail et de l’emploi de Haute-Garonne. Un jugement est intervenu le 30 juillet pour rejeter l’action en référé formée par les syndicats. Le directeur départemental et l’inspectrice du travail sont en contact permanent avec la direction et avec les syndicats de l’entreprise. Nous serons particulièrement vigilants quant au respect des dispositions de l’article L. 122-12 du code du travail à l’occasion du transfert, ainsi qu’au respect des dispositions assurant la protection des représentants syndicaux et des délégués du personnel. Nous serons également très attentifs aux problèmes de santé que cette cession pourrait créer chez les salariés, d’autant qu’il y a déjà eu une tentative de suicide. La question du stress au travail et des suicides de salariés nous préoccupe au plus haut point. J’ai d’ailleurs décidé d’en faire l’un des thèmes de la conférence qui aura lieu avec les partenaires sociaux à la rentrée. Soyez en tout cas assurée que les services de mon ministère suivent avec la plus grande attention ce dossier SFR.

M. le Président de la commission spéciale – Nous nous apprêtons à voter une réforme importante, qui apportera un progrès concret à nos concitoyens dans leur vie quotidienne, et son vote honorera le Parlement. Ce n’est pas une réforme née de notre imagination, mais une réponse à une vraie demande. Le texte du Gouvernement, enrichi par le travail parlementaire, garantit le droit de grève, reconnu par la Constitution, et concilie son exercice avec d’autres libertés publiques essentielles. Y parvenir n’était pas chose aisée. Tous les travaux menés ces dernières années sur le sujet, comme l’excellent rapport Mandelkern, mais le travail aussi de gouvernements précédents, nous ont été précieux.

Pour mettre en œuvre ces nouvelles dispositions, une volonté sera maintenant nécessaire. Celle de nos concitoyens que cette loi aboutisse à des résultats concrets ; celle des autorités organisatrices de transport d’assumer leurs responsabilités ; celle des entreprises de transport de satisfaire leurs clients ; et plus largement, notre volonté politique de faire réussir cette réforme.

La question a été posée de savoir si cette loi instaurait un service minimum. Elle ne règle pas tout mais elle comporte les ingrédients pour y parvenir. Nous aurons fait œuvre utile au bénéfice de nos concitoyens. Notre commission spéciale peut s’en féliciter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. François Brottes – Une critique tout d’abord sur la méthode. Alors même que ce texte était très important, il a été examiné, après déclaration d’urgence, fin juillet et début août dans des conditions qui resteront dans les annales de la mauvaise façon de légiférer. Cela étant, d’autres textes nous ont été soumis dans les mêmes conditions au cours de cette session extraordinaire, dans l’objectif de faire vite pour essayer que nos concitoyens ne s’aperçoivent de rien…

Nous sommes pour la paix sociale. Mais celle-ci suppose un dialogue social de qualité. On en est loin avec ce texte de toutes les illusions et toutes les provocations. Contrairement à ce qui avait été promis, il ne garantit aucunement un service minimum. En revanche, il porte gravement atteinte au droit de grève. Vous avez laissé croire à nos concitoyens que les perturbations du trafic sont liées aux grèves alors que moins de 3 % d’entre elles leur sont imputables. Mais crier haro sur les grévistes vous évite de traiter les vrais problèmes comme le manque d’investissements dans les infrastructures et les matériels et dans la maintenance. Pénaliser jusqu’au licenciement le salarié qui aura oublié de prévenir son employeur 48 heures avant de faire grève témoigne bien de votre volonté de limiter cette liberté pourtant fondamentale qu’est celle de faire grève. Je ne parle même pas de l’institution d’un fichier des grévistes et autres manœuvres d’intimidation comme l’organisation d’un référendum après huit jours de grève.

En imposant la date du 1er janvier 2008 pour l’aboutissement des négociations, ce texte en réalité fera reculer le dialogue social. Plus jamais des accords comme ceux d’alarme sociale qui ont fait la preuve de leur efficacité à la RATP et à la SNCF ne pourront être signés. L’obligation de signer avant le 1er janvier 2008 les avenants nécessaires aux accords issus de la négociation est elle aussi contraire au dialogue social (Manifestations d’impatience sur les bancs du groupe UMP). Je regrette que mon propos vous lasse. Nous n’avons pas abusé de notre temps de parole (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le président, expliquez à nos nouveaux collègues que les explications de vote de chacun des groupes doivent être respectées !

Ce texte aboutira à de nouvelles crispations, à une multiplication des grèves sauvages et des mouvements catégoriels, y compris dans de petites entreprises de transport où il n’y avait jamais eu jusqu’à présent de conflits sociaux. Mais surtout vous allez trahir les engagements du candidat Sarkozy…

Un député UMP – Du Président de la République !

M. François Brottes – …qui s’engageait le 18 avril dernier à donner plus de place à la négociation qu’à la loi – vous faites l’inverse – et à reconnaître le principe de l’accord majoritaire – vous avez écarté notre amendement qui allait en ce sens.

Votre texte fragilisera la représentation syndicale. Mais sans doute le fallait-il avant que ne soit pris à la rentrée tout un train de mesures fort impopulaires comme les franchises médicales, une nouvelle réforme des retraites, la suppression de très nombreux postes de fonctionnaires… Mieux vaudra avoir neutralisé les syndicats auparavant !

Votre texte recèle aussi une basse manœuvre politicienne. Les autorités organisatrices de transport urbain sont placées en première ligne, le Gouvernement renvoyant la patate chaude aux régions et aux départements.

M. le Président – Veuillez conclure, je vous prie.

M. François Brottes – Vous souhaitez enfin étendre les nouvelles dispositions, pourtant inapplicables tant elles seront source de contentieux, à d’autres secteurs que les transports publics terrestres.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte illusoire et provocateur qui rompt le pacte républicain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Roland Muzeau – Vous n’avez cessé de prétendre vous préoccuper de la continuité du service public et des droits des usagers, mais les débats ont apporté la preuve qu’il n’en était rien. Le désengagement de l'État, profond et continu, qui sévit dans le secteur des transports, nuit fortement à la qualité du service rendu aux usagers, vous n’avez pu le nier. Ce désengagement est conforme à votre choix politique de poursuivre l'ouverture à la concurrence de ce secteur, assumé ici comme à Bruxelles. Toutes les lois de déréglementation que vous avez fait adopter ont aussi contribué à rendre plus difficiles les conditions de travail.

Votre refus d’adopter nos amendements concernant l'annulation de la dette de RFF, votre incapacité à répondre aux questions de fond sur les insuffisances chroniques du soutien de l'État au secteur des transports, votre mutisme face à nos propositions d'amélioration du service public, traduisent le peu de cas que vous faites de la continuité du service des transports au quotidien.

M. le Ministre – Vous ne pouvez pas dire cela.

M. Roland Muzeau – Nous avons démontré, au fil des articles, que les dispositions proposées seront inutiles, puisque de nombreux dispositifs existent déjà, dans la loi ou dans des accords-cadres. L'organisation que vous mettez en place sera inefficace, tout en affaiblissant gravement le service public. Votre texte risque fort, contrairement à l'objectif affiché, de détériorer profondément et durablement la qualité du dialogue social dans le secteur des transports. Si nous n'avons pas réussi à faire évoluer vos positions, c'est qu'au fond, le dialogue social, tout comme la continuité du service public, vous importe peu. À preuve le peu de cas que vous avez fait des propositions des organisations syndicales, pourtant unanimes, et de nos amendements destinés à améliorer la qualité du dialogue social.

Au travers de dispositions injustifiées et dangereuses, vous contestez l'exercice individuel et collectif du droit de grève, à défaut de pouvoir le remettre en cause ouvertement. Certaines des dispositions de votre texte, je pense notamment à la déclaration préalable de grève, sont particulièrement dangereuses. Quelle est en effet la réalité du monde du travail aujourd'hui ? Mise en concurrence des salariés à l'échelle internationale, répressions syndicales, course au moins-disant social et fiscal qui détériore les conditions de travail et la possibilité même du dialogue social.

Il est nécessaire de lutter contre votre projet politique, car vous avez en ligne de mire les régimes spéciaux de retraite, le CDI ou encore la protection sociale. Vous comptez aussi, s’agissant des transports, sur la poursuite de l’ouverture à la concurrence sur quelques créneaux juteux. Les salariés doivent pouvoir continuer de faire valoir les exigences de justice sociale, et de défendre le droit du travail et un service public de qualité, axé sur la sécurité, la modération tarifaire et l’aménagement du territoire. Ce texte, au fond, ne vise qu’à étouffer l’expression démocratique des salariés. C’est la raison pour laquelle le groupe de la gauche démocratique et républicaine votera contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Yanick Paternotte – Nous sommes nombreux, motivés et engagés sur nos bancs ce soir, et c’est avec conviction et plaisir que nous voterons pour ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Blanc – Attaché au service public, j’attendais depuis longtemps qu’un Gouvernement veuille bien présenter un tel projet. J’ai beaucoup entendu dire que ce texte constituait une atteinte au droit de grève : François Mitterrand n’en disait pas moins de l’introduction du préavis de grève, en 1963, et en 1992, l’alerte sociale, que j’avais créée alors que j’étais président de la RATP, était l’objet des mêmes critiques. Il faut remettre tout cela en perspective et vivre avec son temps.

Si j’ai démissionné de la présidence de la RATP, c’est que je n’ai pu parvenir, bien qu’ayant obtenu l’accord du Premier ministre socialiste de l’époque, à mettre en place – dans le cadre du règlement intérieur – le service minimum dans cette entreprise.

Ce qui fait la légitimité du service public, c’est sa continuité. Ce n’est pas un hasard si, en Europe, ce sont les forces de gauche qui ont instauré le service minimum, que ce soit par la loi ou par la convention. Il est temps d’être moderne ! Le jour où les usagers estimeront que ce n’est plus un enjeu, ce ne sera plus la peine de défendre le service public – plus personne n’en voudra.

Cette loi modifiera tout un pan de la jurisprudence. Les autorités organisatrices de transports seront au rendez-vous le 31 décembre, les syndicats seront prêts à négocier et la loi sera appliquée sans qu’il y ait atteinte au droit individuel de faire grève.

Enfin, je suis certain que ce projet de loi est conforme à la Constitution. Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau centre le soutiendra (Applaudissements sur les bancs du Nouveau Centre et du groupe UMP).

À la majorité de 96 voix contre 22 sur 118 votants et 118 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi est adopté.

M. le Ministre – Il est bien tard, mais je voudrais vous remercier les uns et les autres d’avoir animé ce débat important et attendu depuis des années. Vous avez été particulièrement nombreux ; j’y suis sensible et j’espère que nos concitoyens verront là la marque de votre engagement, tant la fonction parlementaire réclame présence et assiduité à des heures avancées de la nuit. Je voudrais remercier le président de la commission spéciale, Hervé Mariton, ainsi que le rapporteur, Jacques Kossowski, qui travaillent depuis longtemps sur ce dossier. Mes remerciements vont également au secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Avec ambition et pragmatisme, nous nous sommes donné les moyens d’améliorer la situation, en évitant la grève par la concertation, en organisant mieux le service en cas de grève, et en faisant émerger un droit à l’information.

Enfin, je regrette que sur des sujets tels que celui-ci, qui peuvent rassembler jusqu’à 80 % de nos concitoyens, des lignes de convergence n’aient pu être dégagées…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Oh oui, c’est bien dommage…

M. le Ministre – Je dis les choses telles que je les pense. Une page politique a été tournée, une page sociale est en train de se tourner. Il ne faudra plus hésiter à regarder les choses autrement : en ce qui nous concerne, la main est tendue aux uns et aux autres (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du Nouveau Centre).

Prochaine séance : cet après-midi à 17 heures 30.

La séance est levée à 3 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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