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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du jeudi 2 août 2007

Séance unique
Séance de 17 heures 30
32ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

MISSION TEMPORAIRE D’UN DÉPUTÉ

M. le Président – J’ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m’informant de sa décision de charger M. Jean-Paul Anciaux, député de la Saône-et-Loire, d’une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et de Mme la ministre du logement et de la ville.

CONTINUITÉ DU SERVICE PUBLIC (CMP)

L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

M. Jacques Kossowski, rapporteur de la CMP – La commission mixte paritaire chargée d’examiner les dispositions du texte restant en discussion s’est réunie ce matin au Sénat. Les délais qui nous étaient impartis étaient très brefs : l'Assemblée nationale vient tout juste d'achever ses travaux, et la lecture au Sénat remonte à deux semaines. Néanmoins, cette réunion s'est déroulée dans la sérénité et dans le souci de continuer à enrichir le projet. L’Assemblée nationale avait d’ailleurs eu à cœur, dès la première lecture, de prolonger les débats du Sénat, afin que ce travail commun puisse répondre de manière pragmatique à une préoccupation concrète des Français – un service prévisible en matière de transports terrestres réguliers de voyageurs même lorsqu’il est réduit.

L'Assemblée nationale avait déjà amélioré le projet sur plusieurs points à l’initiative de la commission spéciale : harmonisation juridique, promotion du dialogue social, consultation des usagers, inclusion des plans de travaux dans la liste des perturbations prévisibles, prise en compte des besoins particuliers des personnes à mobilité réduite et des impératifs de sécurité dans les entreprises, gratuité de l'information donnée aux usagers en cas de perturbation du trafic, prise en charge du remboursement des titres de transport, investissements en matière de transports terrestres réguliers de voyageurs.

La commission mixte paritaire a précisé pour sa part à l'article 4 que la consultation des usagers suppose l'existence de structures représentatives. Elle a également souhaité que les collectivités territoriales soient informées de manière directe et préalable des plans de desserte et des horaires maintenus en cas de définition d’un plan de transport adapté.

À l'article 6, elle a décidé qu'au-delà de huit jours de grève, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur peut décider l'organisation de la consultation sur la poursuite de la grève.

À l'article 7, la commission a rappelé que l'information aux usagers est délivrée par l'entreprise de transport. A l'article 7 bis, elle a décidé que c'est après chaque perturbation que l'entreprise de transport communique à l’autorité organisatrice de transport un bilan d'exécution du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers, et à l'article 8, que la charge du remboursement des titres de transport aux usagers ne peut être supportée directement par l'AOT, mais que l’acte de remboursement est effectué par l'autorité organisatrice ou par l'entreprise de transport.

À l'article 10, la commission a précisé que le rapport d'évaluation sur l'application de la loi portera sur les accords-cadres et accords de branche signés même après le 1er janvier 2008, cette date n’étant pas une date butoir, mais un objectif. À l'article 12, elle a prévu que le rapport sur l'évolution du dialogue social dans les transports publics de voyageurs, que le Gouvernement adressera au Parlement avant le 1er mars 2008, proposera des mesures législatives pour mettre en œuvre un dispositif de continuité dans les transports publics autres que les transports terrestres réguliers de voyageurs. Il me paraît en effet important de prendre en compte la nécessité pour les habitants de nos îles de disposer eux aussi dans certains cas…

M. Jacques Myard – Dans tous les cas !

M. le Rapporteur - …de dessertes régulières et quotidiennes. Avec cet article 12, le Parlement a souhaité assumer pleinement ses responsabilités dans ce domaine.

Je vous invite naturellement à adopter le projet ainsi modifié qui, je l’ai dit à de nombreuses reprises, répond à une grande ambition : apporter par le dialogue une réponse concrète aux attentes des Français. En votant ce texte, nous concrétiserons aussi l'une des principales promesses du Président de la République.

La qualité de nos échanges et l'ardeur que nous avons tous mise à défendre nos points de vue sur cette question ont témoigné de son importance pour notre pays, mais aussi du respect que nous avons les uns pour les autres, dans l'intérêt de nos concitoyens.

Je remercie M. le ministre, qui a tenu à éclairer, par ses réponses précises, les députés présents. J'ai été très sensible à cette démarche de dialogue constructif. Je remercie également les administrateurs de notre Assemblée qui, même aux heures tardives, ont toujours fait preuve d'une grande capacité de travail et d'écoute. Enfin, merci à vous, chers collègues de la majorité, anciens ou nouveaux, d'être restés à nos côtés durant toutes ces longues séances pour que ce projet de loi si attendu des Français devienne enfin réalité.

Nous vivons un moment historique : ce sont vingt années d'efforts qui se concrétisent aujourd’hui. Vous pouvez en être fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre)

M. Hervé Mariton, vice-président de la CMP – Comme l’a fait tout à l’heure mon homologue Charles Revet, président de la commission spéciale du Sénat, et au moment où nous réfléchissons à la réforme du fonctionnement de notre Assemblée, je me félicite du choix qui a été fait d’examiner ce projet dans le cadre d’une commission spéciale. Cette procédure est en effet particulièrement intéressante lorsqu’un projet de loi implique différentes dimensions – juridique, économique, sociale – de la vie de nos concitoyens. On regrette parfois le nombre limité des commissions permanentes de notre Assemblée, et le champ très vaste de leurs missions. La formule de la commission spéciale permet de rassembler les énergies de tous les députés intéressés par un sujet. Au cours des deux semaines qui lui étaient imparties, cette commission spéciale a fourni un travail abondant. Ses travaux, les auditions qu’elle a menées montrent qu’une telle structure a tout à fait sa place dans nos procédures. C’est un outil que nous n’utilisons peut-être pas assez souvent.

Sur le fond, je pense que cette loi sera une réussite. S’agissant d’une question qui suscite de grandes attentes parmi les Français, le Gouvernement a déplacé le curseur de façon mesurée pour atteindre son objectif, sans faiblesse ni provocation. La volonté que nous avons de répondre à l’exigence de nos compatriotes ne nous donne d’autre choix que de réussir cette réforme, de son élaboration à son évaluation. Voici donc l’exemple d’une méthode de réforme dont j’espère qu’elle caractérisera le travail de l’Assemblée au cours de la législature qui s’engage.

Parmi les critiques qui s’expriment toujours, je citerai une dépêche selon laquelle cette loi serait injuste…

M. Roland Muzeau – Jusque là, nous sommes d’accord !

M. le Président de la commission spéciale - …hypocrite et dangereuse.

M. Roland Muzeau – Nous aurions pu l’écrire !

M. le Président de la commission spéciale – Au contraire, cette loi est juste et claire, et elle sera efficace.

M. Roland Muzeau – Elle est scélérate !

M. le Président de la commission spéciale - Elle est juste car elle repose sur la recherche systématique, prudente et soigneuse de la conciliation des différentes libertés essentielles à la vie de notre pays ; et aussi parce qu’elle répond à un juste besoin de nos concitoyens et qu’assurer une meilleure continuité du service public est une exigence de justice sociale.

Cette loi est claire. Ses objectifs sont déterminés, les règles d’organisation et d’expression de la grève sont établies – notamment, et c’est un point central, le fait que, faute de s’être déclaré 48 heures à l’avance, le salarié ne peut faire grève sans s’exposer à des sanctions. Le champ de la loi est lui aussi parfaitement circonscrit : les transports terrestres réguliers de voyageurs. Il est restreint, mais c’est sur ce terrain que nous étions attendus. Le débat a permis d’évoquer d’autres modes de transport, dans lesquels l’exigence de continuité doit être assurée de manière différente. C’est pourquoi les parlementaires ont demandé par amendement au Gouvernement de proposer dans son rapport des dispositifs adéquats. Nos concitoyens corses et îliens ont des exigences, et la reconnaissance de la spécificité de chaque mode de transport n’interdit pas d’y répondre de façon adaptée.

Enfin, cette loi sera efficace. Même en cas de grève ou de perturbation prévue, climatique ou pour travaux, elle assurera à nos concitoyens un certain niveau de service. La qualité globale du service public s’en trouvera améliorée, même si nous sommes conscients qu’elle réside aussi dans un effort quotidien pour les infrastructures, la qualité des matériels et l’entretien, qui font également partie de nos objectifs.

Beaucoup de choses ont été dites, au cours des travaux de la commission spéciale, dans l’hémicycle et lors de la commission mixte paritaire. Les échanges ont été vifs, complets, passionnés et passionnants. Nous avons fait notre travail. Nous avons cherché à satisfaire les besoins de nos concitoyens. C’est pourquoi ce projet de loi, largement soutenu dans l’Assemblée, le sera sans doute par l’ensemble des Français. C’est aussi pourquoi il parviendra à améliorer la qualité du service public. C’est tout, mais c’est important (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité – Pendant longtemps, on a pu penser que la France était une société bloquée par les tabous, que jamais un tel texte ne verrait le jour. Et pourtant, nous arrivons au terme de cette discussion et le service minimum va devenir une réalité le 1er janvier 2008 dans les transports terrestres de voyageurs (Dénégations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Cet examen aura donné lieu à des échanges importants, en quantité mais aussi en qualité. Je tiens à saluer une nouvelle fois le travail accompli par la commission spéciale, son président et son rapporteur. Elle a pu s'appuyer sur les travaux menés préalablement au sein de l’Assemblée, par tous deux et aussi par M. Lecou. Il faut aussi souligner le rôle joué par la commission des affaires économiques sous la présidence de M. Ollier, ainsi que l'action novatrice engagée en 1996 en matière d'alarme sociale par M. Christian Blanc dans ses fonctions de président de la RATP. Je salue également l'implication des groupes, car ce sont eux qui animent la vie parlementaire, et je me réjouis de l’intérêt qu’ont manifesté les députés, tant en commission que lors des débats. J’ai rarement vu autant de députés présents, surtout à des heures aussi avancées.

Nous avons pris le temps du débat, ce qui a permis d'améliorer le projet soumis par le Gouvernement. Quarante-huit amendements ont été adoptés, issus de tous les bancs, et nous pouvons nous réjouir d’être parvenus à un équilibre entre le droit de grève et les nécessités de continuité du service public et d'information des usagers. En ce qui concerne la prévention des conflits, la négociation de branche est devenue obligatoire à compter du 1er janvier 2008. Employeurs et salariés en bénéficieront dès cette date, ce qui permettra aussi de suppléer à l'échec ou à la carence de certaines négociations d'entreprise – cette disposition est particulièrement utile pour les petites entreprises. L’alarme sociale sera donc une réalité partout et pour tous à partir du 1er janvier 2008, d'une façon que le Parlement a voulu la plus pratique possible. Ces avancées s’intégreront notamment aux accords qui existent déjà à la RATP et à la SNCF sans qu'il soit besoin de les renégocier en intégralité.

Les amendements ont également confirmé la priorité donnée au dialogue social : ainsi, le décret en Conseil d'État qui s'appliquera dans les entreprises où aucun accord n'a été signé pourra être remplacé par tout accord conclu ultérieurement. De même, le plan de prévisibilité applicable à défaut d'accord aura vocation à s'effacer lorsqu’un accord sera trouvé au sein de l'entreprise. Le cadre de la prévention des conflits et de l'organisation du service minimum sera donc effectif au 1er janvier, pour respecter les engagements que nous avons pris devant les Français, mais nous tenons à faire primer la concertation sur les décrets et à faire en sorte que les accords négociés puissent toujours se substituer aux actes unilatéraux. Cette priorité au dialogue se retrouve aussi dans la faculté donnée aux partenaires sociaux de l'entreprise de désigner un médiateur dès le début du conflit. Nous voulons tout mettre en œuvre pour éviter au maximum le recours à la grève, pour qu’elle dure le moins longtemps possible et pour éviter une véritable paralysie.

En ce qui concerne l'organisation du service, vous avez confirmé le rôle des autorités organisatrices de transport dans la fixation des priorités de desserte, et celui des entreprises dans l'élaboration des plans de transport adapté et d'information des usagers. Pour assurer cette information, vous avez conforté l'exigence d’une déclaration d’intention 48 heures avant la grève. Enfin, vous avez souhaité l’organisation, après huit jours de grève, d’une consultation indicative du personnel concerné.

M. Guy Geoffroy – C’est essentiel !

M. le Ministre – S'agissant du volet relatif aux droits des usagers, qui crée un véritable droit à l'information en leur faveur, vos amendements ont permis de rendre plus opérationnel le remboursement des titres de transport en cas de défaut d'exécution des plans de prévisibilité ou d'information. Les modalités du remboursement seront précisées dans les conventions et non plus par décret. C’est l’entreprise qui aura à supporter ces frais, et non l’autorité organisatrice.

Enfin, une évaluation de l'application du texte est prévue pour le 1er octobre 2008, tandis que, dès le 1er mars, un rapport sera publié sur l'état du dialogue social dans les autres modes de transport. Il n’est pas dans mes habitudes de revenir sur les amendements adoptés par les parlementaires, car c’est à eux qu’il incombe de faire la loi. Mais je vous fais part de mon interrogation sur la portée de la formule qui prévoit des « mesures législatives ». Il appartiendra à chacun de donner la suite qu’il souhaite à ce rapport, les parlementaires par le biais de propositions de loi – Sauveur Gandolfi a déjà fait savoir qu’il en déposerait une si les choses n’allaient pas assez vite – et le Gouvernement, le cas échéant, mais pas forcément avec un projet de loi.

M. Roland Muzeau – Des menaces !

M. le Ministre – Nos débats nous ont permis de traiter l'ensemble des questions liées au dialogue social et au service minimum dans les transports, et de trouver des solutions concrètes. Les transports terrestres sont une question quotidienne et prioritaire pour nos concitoyens, notamment les plus démunis. Ce projet leur apporte des avancées concrètes. À la forte attente que les Français expriment sur ces questions depuis bien longtemps, nous répondons par un texte pragmatique et équilibré, qui est avant tout un texte de service public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

M. Jean Mallot – Nous savions déjà que ce texte n’avait pas pour objectif véritable de stimuler le dialogue social, ni d’assurer la continuité du service public dans les transports terrestres, laquelle est mise à mal non tant par les faits de grève – qui représentent moins de 3 % des causes de dysfonctionnements – que par la vétusté de certains matériels, l’état de délabrement d’une part importante du réseau et l’insuffisance des investissements de sécurité.

Nous savions également qu’il ne s’agissait pas d’instaurer un véritable service minimum, puisque cette promesse de M. Sarkozy ne peut pas être tenue ; ce n’est d’ailleurs pas la seule à ne pas l’être, et vous devrez vous en expliquer avec les électeurs.

Nous savons maintenant, à l’issue de nos travaux, que c’est un texte de combat, et d’abord de combat anti-social. La cible, c’est le gréviste, le travailleur salarié qui défend ses intérêts – bien souvent, l’intérêt général –, ses conditions de vie et de travail. Tous les alinéas de ce projet le stigmatisent et visent à dresser nos concitoyens les uns contre les autres – usagers contre grévistes, grévistes contre non-grévistes… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy – Mais non ! Cela, c’est votre film !

M. Jean Mallot – Dans tous les cas où la négociation n’aura pas abouti le 31 décembre 2007, le décret tombera comme un couperet ; les grévistes qui ne se seront pas déclarés quarante-huit heures à l’avance seront passibles de sanction disciplinaire ; pour mettre en œuvre les plans de prévisibilité, on pourra faire appel « en renfort », selon l’expression de M. Bussereau, à des personnels extérieurs à l’entreprise ; la consultation prévue au bout de huit jours aura pour principal objet de faire pression sur les salariés grévistes.

On voit bien que le Gouvernement prépare le terrain pour les mesures réactionnaires qui s’annoncent – contrat de travail unique, attaque contre les régimes spéciaux de retraite, réduction des moyens dans les services publics, avec 22 700 postes de fonctionnaires en moins en 2008 – en faisant en sorte d’entraver l’action des syndicats, et de les « coincer » entre l’opinion et les travailleurs.

En outre, la généralisation du dispositif se prépare. Sans revenir sur les déclarations successives de M. Mariton, de M. Fillon, de M. Bertrand et de M. Raffarin sur le sujet, je constate qu’à l’issue de la CMP, il est précisé que le rapport que le Gouvernement devra adresser au Parlement avant le 1er mars 2008 proposera « les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre d’un dispositif de continuité dans les autres modes de transports publics de voyageurs » : autant dire que ce rapport sera l’exposé des motifs du projet ou de la proposition de loi d’extension ! N’est-ce pas, Monsieur Mariton ? (M. le président de la commission spéciale hoche la tête)

Ce projet est également un texte de combat politique. Qui ne voit que la deuxième cible, ce sont les collectivités territoriales, autorités organisatrices de transports ? On renvoie la patate chaude aux régions, qui aux yeux de l’opinion publique porteront la responsabilité de votre politique et seront contraintes d’augmenter les impôts. Vous préparez les prochaines élections régionales ! Quant aux départements, vous leur imposez des dispositions inapplicables, je n’y reviens pas, en créant des problèmes là où il n’y en avait pas. Enfin, comment ne pas rapprocher la date retenue pour le rapport prévu à l’article 12 et les élections municipales ?

Bref, le projet de société du candidat Sarkozy continue de se concrétiser. Un paquet fiscal pour creuser les inégalités ; des lois autoritaires contre la récidive et pour la mise au pas des salariés dans les services publics. Treize milliards pour le paquet fiscal, 100 millions par an sur trois ans pour les voiries, 6 ou 7 milliards pour les riches, 25 millions pour les pauvres… Ce projet n’est pas le nôtre, et nous sommes convaincus que ce n’est pas ce que veulent nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Roland Muzeau – Monsieur le ministre, selon La Tribune, vous venez de recevoir votre lettre de mission, et elle est chargée : remise en cause du SMIC, du CDI, des régimes spéciaux de retraite et de la démocratie sociale.

M. le Ministre – C’est ce qui est écrit ?

M. Roland Muzeau – C’est en tout cas ce que l’on comprend. Eh oui : votre feuille de route, c’est la démolition de ce qu’on appelait le « modèle social à la française ».

Vous avez commencé en vous attaquant au droit de grève. La CMP a évidemment abouti ce matin : elle ne pouvait échouer, car le projet devait être adopté dès cet été. Non pas qu'il y ait effectivement urgence, mais il fallait montrer à l'opinion publique que ce Président de la République tenait ses promesses, fussent-elles illusoires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Confondant vitesse et précipitation, en utilisant une procédure d'urgence qui dépossède les partenaires sociaux et nous prive de nos prérogatives, le Gouvernement a mené à bien son entreprise de « criminalisation » de la grève. De nombreux gages ont été donnés aux « ultras », qui regrettaient ouvertement qu’on n'aille pas plus vite et plus loin dans l'interdiction des grèves ou dans la mise en place d'un service normal aux heures de pointe. Leurs tentatives de muscler le projet de loi n'auront pas été vaines : le dispositif sera bien étendu aux transports aériens et maritimes, l'article 12 est explicite.

Ces trois jours de débats ont eu au le mérite de révéler les vraies ambitions du Gouvernement et de confirmer qu’il s’agissait bien « de posture et d'imposture », selon la formule de FO, bel exemple d'hypocrisie et de démagogie comme l’a fait observer la CGT.

Il n'est nullement question ici de promouvoir le dialogue social, et encore moins d'assurer une meilleure continuité du service public. Ce n'est donc pas le service minimum qui devient réalité, mais bien la remise en cause du droit de grève pour les salariés du secteur public, avant d’autres coups portés aux droits de l'ensemble des salariés.

Les articles 5 et 6 sont particulièrement éclairants. Qu'il s'agisse de la déclaration individuelle d'intention de grève ou de la consultation sur la poursuite de la grève, tout est fait pour écarter chaque salarié du mouvement collectif. Ces dispositions individualisent l'exercice du droit de grève au seul bénéfice de l'employeur et exposent les salariés aux intimidations. Une nouvelle sanction disciplinaire pour fait de grève est même introduite dans le code du travail. Quant au préavis de grève, sa nature change : cette période normalement consacrée au dialogue sur les motifs de mécontentements sera désormais mise à profit pour intimider les grévistes et pour neutraliser autant que faire se peut les effets de la grève.

M. le rapporteur a un peu trop vite raillé les manifestations du 31 juillet ; l’hostilité à ce texte est forte, et la rentrée risque d’être marquée par un regain de tensions.

« Les démagogues font d’autant mieux leurs affaires qu’ils ont jeté leur pays dans la discorde », écrivait Ésope au VIe siècle avant Jésus-Christ… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Les députés de la gauche démocrate et républicaine ne veulent pas de cela.

M. le Ministre – Voici une bien surprenante remise en cause du communisme !

M. Roland Muzeau – Vous menacez le droit de grève. Au contraire, nous voulons un service public à son meilleur niveau. C’est pourquoi nous voterons contre le projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Christian Blanc – Avant tout, je tiens à féliciter le rapporteur et le président de la commission pour leur excellent travail préparatoire, ainsi que l’ensemble de nos collègues qui, sur tous les bancs, ont débattu avec ténacité, rigueur et parfois humour. Je remercie également le ministre pour la considération qu’il nous a manifestée et la précision de ses réponses.

Conquête du mouvement ouvrier, reconnu à la Libération et consacré dans la Constitution, le droit de grève est une liberté fondamentale. Nul ne saurait le contester, et ce projet de loi ne le remet absolument pas en cause (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

J’ai longtemps souhaité ce texte pour insuffler une nouvelle vie à notre droit de grève, plutôt que de le voir décrié à tout bout de champ au point de perdre sa légitimité.

M. Roland Muzeau – Dites-le donc au patronat !

M. Christian Blanc – Depuis vingt ans, les usagers sont devenus clients : ils attendent du service public une qualité et une variété comparables à ce qu’offrent les entreprises privées. La critique fuse au moindre incident, les grèves suscitent colère et frustration. Lassée, l’opinion publique souhaite à 75 % une réglementation du droit de grève dans les transports. Les propositions de loi à cet effet n’ont d’ailleurs pas manqué.

Premier mérite de ce texte : il permet d’éviter la grève en renforçant le dialogue social. Les procédures d’alarme sociale seront généralisées dans les transports, donnant ainsi une base légale aux accords-cadres de la RATP et de la SNCF. Dépôt d’un préavis quarante-huit heures à l’avance, vote secret des salariés après huit jours de mouvement, réaffirmation du principe de non-paiement des jours de grève et interdiction des préavis glissants : autant de mesures qui permettront de sortir d’une culture du conflit.

Ensuite, ce texte fournit un cadre législatif équilibré au droit de grève. Il concilie la défense des intérêts professionnels et celle de l’intérêt général car, dans les sociétés modernes, le droit de grève et le respect des obligations du service public sont liés.

Enfin, il renforce le service public autour de trois principes : mutabilité, égalité de traitement des usagers et continuité. Le service public français est bien plus qu’une simple idée ; c’est un garant de la cohésion sociale qui incarne les responsabilités de tous envers chacun et de chacun envers la nation. Aujourd’hui, sa continuité n’est plus entièrement assurée.

M. Jacques Myard – C’est vrai !

M. Christian Blanc – Pour la rétablir, le service garanti s’impose. Les entreprises qui y sont parvenues, comme la RATP, ont d’ailleurs renforcé leur capacité d’adaptation et de développement. L’intervention du législateur était nécessaire pour généraliser les progrès déjà accomplis en matière de prévention de conflit.

Chacun en profitera : les voyageurs demeureront attachés au service public, les personnels seront reconnus dans leur mission d’intérêt général, les dirigeants d’entreprises pourront développer leurs entreprises dans l’intérêt de tous et les syndicats parviendront mieux à prévenir certains débordements.

Ce texte répond à l’attente d’une majorité de Français. Il instaure un juste équilibre entre continuité du service public et droit de grève. Il améliore les procédures de dialogue social et préserve l’intérêt des usagers. Il accroît les compétences des régions et des agglomérations. Il incarne la volonté de notre pays d’entrer dans la modernité. Pour toutes ces raisons, le Nouveau centre le votera (Applaudissements sur les bancs des groupes Nouveau centre et UMP).

M. Yanick Paternotte – Ce texte, le quatrième et dernier de la session extraordinaire, est exemplaire à plus d’un titre. Il était attendu par près de trois Français sur quatre…

M. Marc Dolez – Ça recommence !

M. Roland Muzeau – Quatre Français sur quatre attendent des augmentations de salaire !

M. le Ministre – Citez vos sources, Monsieur Muzeau ! (Sourires)

M. Yanick Paternotte – Nos compatriotes savent possible la conciliation du droit de grève et du service minimum, approuvent une politique d’ouverture sans tabous et respectent le service public – pourvu que sa continuité soit garantie.

Ensuite, ce texte offre aux collectivités locales l’occasion de jouer pleinement leur rôle d’autorités organisatrices, par voie contractuelle et dans un délai raisonnable, en préservant la primauté des accords collectifs.

Enfin, chacun sait que la grève marque l’échec du dialogue social. Le projet permettra de substituer une culture de la négociation à une culture du blocage, voire du chantage. Le taux de syndicalisme est toujours plus fort là où le dialogue social est plus efficace.

M. Jacques Myard – Tout à fait !

M. Yanick Paternotte – Plus fort, c’est-à-dire plus représentatif et attaché à l’équilibre entre droit de grève et droit au travail.

En Suède, où le taux de syndicalisation est de 80 %, le droit de grève est encadré, et la grève est interdite par les conventions collectives lorsqu’elle est dommageable à la société. En Allemagne, où le taux de syndicalisation est de 30 %, les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève et, dans le secteur privé, les grèves doivent impérativement être précédées de négociations avec médiation.

M. Claude Bodin – Ils n’ont pas la CGT !

M. Yanick Paternotte – Notre ambition, c’est de favoriser le dialogue social, la voie contractuelle, qui sont une chance pour les syndicats, s'ils veulent retrouver crédibilité et représentativité.

Notre volonté, c'est de protéger les plus faibles, qui n'ont pas toujours une voiture mais qui ont droit au service minimum, un droit à l'information préalable et gratuite, un droit au travail, un droit à circuler librement, en résumé, droit au respect.

M. Guy Geoffroy – Très bien !

M. Roland Muzeau – Vous ne manquez pas d’air !

M. Yanick Paternotte – Durant ces débats, nous avons été choqués par certains propos. Non, les patrons ne sont pas tous de droite, méchants et antisociaux ! Oui, les chefs d'entreprise prennent des risques, sont souvent attachés à la participation des salariés. Non, nous ne remettons pas en cause le droit de grève, nous ne voulons pas faire de la casse sociale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Oui, la représentation nationale doit traduire les aspirations largement majoritaires du peuple de France.

Nous vous remercions très sincèrement, Monsieur le ministre, pour votre écoute, votre engagement, votre humeur égale à toute heure du jour et de la nuit (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. Roland Muzeau – Chercheriez-vous à obtenir une mission ?

M. Yanick Paternotte – Au nom du groupe UMP, je rends hommage, Messieurs les ministres, au travail que vous avez réalisé, avec l'ensemble de vos collaborateurs. C'est d'autant plus méritoire que les députés ne manquaient pas d'idées, à commencer par nos amis insulaires. Je félicite également M. Mariton et M. Kossowski pour leur engagement, leur écoute et leur imagination. Et je salue le travail de l'ensemble des personnels de l'Assemblée. À titre personnel, je remercie aussi Jean-François Copé et le groupe UMP pour leur confiance et leur soutien.

Ce texte nous convient. Bien sûr, nous rêvons d'un service ferroviaire garanti renforcé aux heures de pointe en zone urbaine dense, mais nous avons bon espoir que le dialogue, la concertation et surtout le bon sens finiront par l’emporter, y compris en Ile-de-France.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Très bien !

M. Yanick Paternotte – L'article 12 ouvre des perspectives pour les dessertes côtières, la continuité territoriale et les autres modes de transports publics de voyageurs. C'est une avancée que nous apprécions et nous serons vigilants quant au respect des engagements pris.

Je note que ce débat a passionné tous les députés. Bon nombre de nos amendements, y compris certains de la minorité, ont permis d’aboutir à un texte dont le dialogue social sort renforcé, où le droit de grève est respecté, le principe de non-paiement des jours de grève réaffirmé, la consultation démocratique des grévistes instaurée et le service minimum dans les transports enfin créé.

M. Roland Muzeau – Non !

M. Jean Mallot – Il ne figure pas dans le texte.

M. Yanick Paternotte – Le groupe UMP est fier de soutenir ce projet, et il le votera avec enthousiasme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe Nouveau centre).

M. Marc Dolez – Si le sujet n’était si grave, je parlerais de jeu de dupes. En effet, le service après-vente que vous vous apprêtez à assurer n’a pas de rapport avec le texte que vous allez voter. Il y a tromperie sur la marchandise (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il y a un an, le ministre des transports, nous expliquait qu’il n’était pas nécessaire de légiférer pour faire progresser le dialogue social. Voilà que depuis lundi, on nous explique que la présidentielle est passée par là, qu’il faut respecter un engagement que, de toute façon, 70 % à 80 % des Français plébiscitent (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe UMP).

Mais ces 70 % de Français qui souhaitent, c’est bien normal, un service de qualité toute l’année, savent-ils que ce texte ne vise que 2 à 3 % des perturbations ? Il ne permet pas d’organiser un service minimum dans les transports, car celui-ci est fonction du nombre de grévistes. Si la grève est très suivie, il ne peut pas y avoir de service du tout. Savent-ils que le texte se borne à demander aux autorités organisatrices de transport d’établir des priorités, sans aucune garantie de résultat ?

La garantie de service, Monsieur Blanc, existe dans notre législation et s’appuie sur une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui met en avant les besoins essentiels du pays, lorsque la santé et la sécurité des personnes sont en cause. Ainsi, il y a une législation spéciale pour les salariés des installations nucléaires, des établissements de santé ou du contrôle de la navigation aérienne. Dans les transports, ce ne serait possible qu’en révisant la Constitution, hypothèse avancée du reste par certains sénateurs.

Ne pouvant instaurer ce service minimum, vous faites tout pour dissuader les salariés d’utiliser le droit de grève. Tel est le sens de cette loi scélérate (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, protestations sur les bancs du groupe UMP). Scélérate en effet, puisqu’elle instaure à l’article 2 un préavis au préavis, et à l’article 5 un préavis individuel…

M. Jacques Myard – C’est très bien !

M. Marc Dolez – Or, selon la Constitution, le droit de grève est individuel, mais le préavis est collectif.

Enfin, l’article 6 instaure une consultation qui vise à discréditer un mouvement de grève.

M. Guy Geoffroy – C’est la responsabilité.

M. Marc Dolez – Or, un mouvement de grève minoritaire est aussi légitime qu’un autre, car le droit de grève est individuel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Toutes les organisations syndicales étaient prêtes à œuvrer au dialogue social ; les autorités de transport refusent ce texte, comme beaucoup d’entreprises notamment artisanales. Pourquoi vous être entêté à le présenter en urgence, en session extraordinaire ? Dans la discussion générale, je pressentais que c’était pour déblayer le terrain. La lettre que le Président de la République vous a adressée hier confirme que d’autres projets qui porteront atteinte au droit du travail et à la protection sociale vont nous arriver. Vous avez donc jugé bon de commencer par limiter le droit de grève dans les transports et d’autres services publics.

Enfin, après votre victoire électorale, il s’agit aussi d’un texte de revanche sociale (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Cela fait longtemps que vous aviez envie de mettre au pas les cheminots, depuis qu’en 1995 ils ont porté les protestations des salariés contre les ordonnances Juppé. Mais la mobilisation des organisations syndicales mardi dernier, et la combativité de la gauche, prouvent que, pour les projets à venir, vous nous trouverez sur votre chemin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Christian Eckert – Nous abordions ce texte avec inquiétude. Après nos travaux, nous l'observons avec effroi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) En effet, il en ressort aggravé.

On a demandé aux usagers s'ils souhaitaient plus et mieux de transports publics. On se demande encore comment 20 % d'entre eux ont pu dire non… On leur promettait un service minimum en cas de conflit, notamment aux heures de pointe du matin et du le soir, voire le mercredi midi, pour les transports scolaires, les jours d'examens. On leur promettait un remboursement, l'information à tout instant...

Oui, mais que dit le texte ?

Exit le service minimum. Ce sera un transport adapté en fonction de la situation constatée. Comme si la SNCF, la RATP et les autres transporteurs faisaient autre chose actuellement sous la responsabilité du grand absent de ce débat, M. Bussereau, qui a traversé commission et hémicycle à l'image du TGV Est, rapide et insuffisamment cadencé. En réalité, c’est la technique de la patate chaude que vous refilez aux AOT : à elles de se débrouiller avec cette usine à gaz !

Exit aussi le remboursement. Les usagers pensent qu'on leur remboursera un titre de transport si le service est annulé... Faux ! Seulement si l'entreprise n'a pas respecté le plan de service adapté. Elle minimisera, comme l'a indiqué Mme Idrac en commission, pour échapper à cette obligation dont la complexité technique a été unanimement soulignée... Ou alors, ce sera aux frais des contribuables régionaux.

Quant à l'information, soyons sérieux. Même les usagers comprennent qu'il y a des incidents climatiques prévisibles, des travaux programmés, des accidents matériels ou humains, des pannes dues à l'obsolescence des matériels – événements qui sont responsables de 97 % des dysfonctionnements. Ils réclament depuis des années une information rapide et efficace. M. Bussereau a-t-il besoin d'une loi pour ordonner aux entreprises publiques dont il a la responsabilité des bonnes pratiques que le simple bon sens commande et qui ne représentent pas des dépenses somptuaires ?

Telle est la vérité ! Mais tout cela ne serait rien si ces escroqueries intellectuelles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ne vous servaient pas de prétexte pour attenter au droit de grève et déstabiliser le dialogue social – qui n’a pourtant cessé de progresser. Votre stratégie consiste à monter les usagers contre les salariés de ces branches.

Cette loi est une tromperie, et lorsque ses travers apparaîtront au grand jour, il faudra que le Gouvernement et ceux qui le soutiennent assument leurs responsabilités…

M. Yves Censi – Comptez sur nous !

M. Christian Eckert – …plutôt que de se défausser une fois encore sur les collectivités organisatrices de transports. Des ultras, sur ces bancs et ailleurs, voulaient durcir le texte.

M. Jacques Myard – Ils avaient raison !

M. Christian Eckert – Si j’en crois Le Figaro de ce matin, vous avez, Monsieur le ministre, provisoirement résisté. Mais le dialogue social que vous invoquez pour faire passer votre loi se fera sous la menace d'un décret supplétif et même d’un nouveau texte de loi, suggéré dans le rapport commandé pour mars 2008. Tiens, pourquoi mars ? Voterait-on à cette date ? (Sourires) Chacun appréciera les propos que vous venez de tenir à ce sujet.

De tout cela, le Conseil constitutionnel aura à juger et notre hémicycle à débattre, dans des conditions matérielles et temporelles que j'espère meilleures que celles que nous venons de vivre.

M. le Président de la commission spéciale – Allons, nous avons débattu plus de 27 heures !

M. Christian Eckert – Délai de 48 heures contourné à titre préventif, consultation après huit jours sans autre but que de faire un coup médiatique, généralisation des atteintes au droit de grève à tout les secteurs publics : voilà ce que vous allez réussir à vendre à nos concitoyens au cœur de l’été.

Non seulement nous ne serons pas complices de cette tromperie, mais nous mettrons la dernière énergie à expliquer le caractère dangereux, inutile, pervers et anticonstitutionnel de votre démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

La discussion générale est close.

EXPLICATION DE VOTE

M. François Brottes – Nous voterons contre ce texte, car il tourne le dos au dialogue social et sonne comme une trahison de la parole donnée. Qui a dit : « Comme vous, je pense que le dialogue social fonctionne mal, qu'il est conflictuel et qu'il a besoin d'un nouveau souffle. Pour ce faire, il faut rendre les syndicats plus représentatifs, et que la loi ne prenne plus trop de place par rapport à la négociation sociale. » ? C'est, bien sûr, M. Nicolas Sarkozy, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) alors candidat à la présidentielle, s'adressant, le 18 avril dernier, au président de l'Observatoire de la démocratie sociale et des libertés syndicales.

Or, quelles sont les mesures que sa majorité va voter aujourd'hui ? J’en cite quelques unes : « Le rapport du Gouvernement proposera, avant le 1er mars 2008, les mesures législatives nécessaires à la mise en oeuvre d'un dispositif de continuité dans les autres modes de transports publics de voyageurs ». Mais où est l’engagement de faire passer le dialogue social avant d’envisager tout extension du champ d’application de ce texte ?

Autre exemple : « Un décret en Conseil d'État fixe les règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable dans les entreprises de transport à la date du 1er janvier 2008. » C’est demain ! Et où est l’engagement de faire passer le dialogue social avant de tout imposer par décret ?

Troisième illustration : « Les procédures de prévention des conflits prévues dans les accords déjà signés à la RATP et à la SNCF ne pourront finalement être valables que si elles sont mises en conformité avec ce texte, par voie d'avenant, avant le 1er janvier 2008. » Où est donc passé l’engagement de respecter ce qui a été obtenu grâce au dialogue social ?

En outre, ce même 18 avril, M. Sarkozy écrivait aussi : « Il est indispensable d'assurer une plus grande représentativité des partenaires sociaux. J'entends adopter le principe de l'accord majoritaire, qui prévoit qu'un accord collectif ne serait valable que s'il était signé par des syndicats majoritaires dans l'entreprise ou dans la branche concernée. » Qu’en est-il de cet autre engagement ? Au reste, tout cela est un peu étrange, puisque, lorsque le groupe socialiste a fait la même proposition, le Gouvernement s'y est farouchement opposé.

Nous voterons contre ce texte car il berne les usagers des transports publics. D'abord, il tend à accréditer l'idée que c'est à cause des grèves que les voyageurs subissent des perturbations répétées et insupportables dans les transports publics, alors même que les perturbations pour fait de grève ne représentent que 3 % de l'ensemble des perturbations, et que la proportion continue de baisser. Décidément, il est toujours plus facile d’entretenir la stigmatisation et la haine de l'autre que d’assumer ses propres responsabilités (M. le Président de la commission spéciale s’exclame). Il est plus commode de crier haro sur les grévistes que de s'attaquer aux problèmes de maintenance des réseaux, de remplacement des matériels ou d'augmentation des effectifs. Depuis 2003, vous n’assumez plus votre responsabilité en ce domaine.

Ensuite, ce texte crée l'illusion d'un service minimum garanti, avec des bus et des trains disponibles aux heures de pointe, quelle que soit la perturbation prévisible. En réalité, en cas de grève, c'est le nombre de personnels et de compétences disponibles dans l'entreprise de transport qui rendra, ou non, possible la mise en place d'une solution alternative. Finalement, rien ne change !

M. Roland Muzeau – Voilà la vérité !

M. François Brottes – Nous voterons contre ce projet car il porte atteinte à deux droits fondamentaux. D’abord, la liberté individuelle d'exprimer son mécontentement en faisant grève, lorsque toutes les autres voies de négociation et de dialogue ont échoué. Ce texte permettra de sanctionner les grévistes qui ne se seraient pas déclarés 48 heures avant le déclenchement du mouvement, avec la possibilité d'une sanction arbitraire pouvant aller jusqu'au licenciement, comme nous l'avons démontré dans le débat. Il organise le fichage des grévistes et favorise, avec l’article 6, toutes sortes de mesures d'intimidation à l'initiative de l'employeur.

Ensuite, il porte aussi atteinte à la libre administration des collectivités locales. Les autorités organisatrices de transport, qui sont l’émanation directe des collectivités, n'ont pas demandé que la loi organise, sous la contrainte, l'alerte sociale et ses conséquences. Elles ont exprimé leur préférence pour des accords négociés. Mais ce texte représente pour elles un empilement insupportable de contraintes financières et un imbroglio de responsabilités juridiques, qui les met en situation de devoir assumer seules les conséquences d'une loi brutale, qui pose des principes flous, donne des droits virtuels aux usagers, impose des contraintes insoutenables aux entreprises de transport – en particulier les plus petites. Le comble est atteint avec l’article qui donne à chaque préfet, dès le 1er janvier prochain, le soin d'orchestrer une sorte de réquisition des collectivité locales et de leurs AOT.

Bref, ce texte est à la fois une illusion et une provocation. En grande partie inapplicable, il éteint tout espoir d'un dialogue social constructif. Il fragilisera les entreprises de transport et pèsera sur les contribuables locaux, puisqu’il va placer les collectivités locales dans une situation impossible. Pour toutes ces raisons – et j'aurais pu en énoncer encore beaucoup d'autres, nous voterons contre le projet (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, mis aux voix, est adopté.

CLÔTURE DE LA SESSION EXTRAORDINAIRE

M. le Président - L'Assemblée a achevé l'examen des textes inscrits à son ordre du jour. J’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République, en date du 2 août 2007, portant clôture de la session extraordinaire. En conséquence, il est pris acte de la clôture de la session extraordinaire.

Bonnes vacances à tous.

La séance est levée à 18 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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