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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du mercredi 19 septembre 2007

2ème séance
Séance de 15 heures
4ème séance de la session
Présidence de M. Jean-Marie Le Guen, Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Arnaud Montebourg – Rappel au Règlement ! Alors que je m’interrogeais ce matin sur l’application de la précédente loi sur l’immigration, le ministre m’a répondu que tous les textes prévus avaient été publiés, sauf un. Or, selon l’état d’application de la loi publié sur le site du Sénat, qui ne passe pas pour être un organe hostile au Gouvernement actuel, dix-huit mesures réglementaires manquent encore à l’appel.

Des décrets en conseil d’État seraient ainsi en attente de publication s’agissant des conditions d’application du contrat d’accueil et d’intégration, de la rémunération des étudiants étrangers exerçant un emploi en relation avec leur formation, de l’appréciation de l’intégration républicaine de l’étranger dans la société française, des dérogations accordées à l’étudiant étranger admis à suivre une formation en vue de l’obtention d’un diplôme au moins équivalent au master, ou encore de la carte de séjour « compétences et talents ».

Vous nous avez fait la leçon, Monsieur le ministre, mais vous ne pouvez pas dire que nous sommes mal informés. Il faudrait croire que c’est le Sénat, où le Président de la République aime à se produire, qui perd la tête… Veuillez donc nous éclairer sur ces dix-huit mesures en attente de publication, dont je remets la liste à la commission. Il est inacceptable que la représentation nationale soit réunie pour voter un texte alors que les mesures d’application de la loi précédente n’ont toujours pas été prises !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement – Vous vous interrogez légitimement sur la publication des décrets, et je ne vous en fais pas le reproche ; la Haute Assemblée sera également flattée que vous vous appuyiez sur ses travaux, mais je dois vous indiquer que la plupart des textes que vous citez ont bien été publiés.

Le décret sur le contrat d’accueil et d’intégration l’a ainsi été en décembre 2006 et celui sur la carte « compétences et talents » en mars 2007. Sans revenir sur la liste complète, j’ajoute que les textes relatifs à la commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour et à l’assistance au transit dans le cadre des mesures d’éloignement par voie aérienne ont eux aussi été publiés. Je tiens à votre disposition toutes les informations que je vous ai indiquées ce matin. Elles sont aisément vérifiables. Peut-être y a-t-il eu un léger retard au Sénat...

M. Roland Muzeau – Rappel au Règlement ! Les déclarations publiques se sont multipliées dans les médias au cours des dernières heures. Alors que le débat parlementaire vient de commencer, M. Fillon semble avoir déjà tranché la question des tests ADN introduits par un amendement de la majorité présidentielle…

Permettez-moi de relayer dans cet hémicycle deux appels solennels : le premier a été lancé par des chercheurs, professeurs, médecins, anciens parlementaires et membres du Comité national d'éthique, qui ont contribué à l'élaboration des lois sur la bioéthique.

Ces lois, faut-il le rappeler, n’admettent la conduite de tests génétiques qu’en vue d’identifier une personne ou d’établir sa filiation sur saisine judiciaire. Les signataires de l’appel nous demandent de ne pas persévérer dans une voie indigne de notre pays : lier filiation et regroupement familial serait une « régression radicale », nous mettent en garde Axel Kahn et Didier Sicard. Cela reviendrait en effet à réduire le lien de filiation à sa seule dimension biologique. Ne réintroduisons pas dans notre droit un délit de bâtardise ! Comment pourrait-on accepter que des principes moraux soient jugés tantôt essentiels, tantôt subalternes, selon qu’il s’agit d’une famille française ou étrangère ?

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois – Ce n’est pas un rappel au Règlement !

M. Roland Muzeau – Mais si ! Les signataires de l’appel nous exhortent à ne pas établir de distinction entre les droits fondamentaux des enfants légitimes et illégitimes. Ecoutez plutôt Claude Huriet : « Ce texte balaie des considérations éthiques au nom de la lutte contre la fraude à l'immigration ; demain ce sera pour protéger l'ordre public ». Jusqu’où ira-t-on ? Ne renonçons pas à nos valeurs : il faut, sans discrimination, garantir le respect des droits les plus élémentaires de l'Homme.

Les immigrés soient-ils sans papiers ne sont pas des criminels. Et ceux qui les soutiennent, membres d’associations, enseignants, simples citoyens ou élus de la République, ne sont pas coupables d’un délit de solidarité.

Tel est le sens du second appel, lancé par huit maires de gauche du département des Hauts-de-Seine. Ils s’indignent, Monsieur le ministre, des mises en garde et des menaces à peine voilées de poursuites judiciaires qui leur ont été adressées par le préfet. Sachez qu’ils sont aussi déterminés que nous à résister à vos méthodes inhumaines et à s’opposer au projet de société xénophobe qui est en train de dessiner.

MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION (SUITE)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

ART. 4 (SUITE)

Mme George Pau-Langevin – Nous maintenons notre position : les conjoints de Français ayant le droit de rejoindre leur époux ou leur épouse, vous ne pouvez pas leur imposer une condition supplémentaire. Par l’amendement 180, nous demandons que la formation envisagée reste facultative.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois - Pour la bonne organisation de nos débats, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 15 heures 10, est reprise à 15 heures 20.

L'amendement 180, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – Notre amendement 193 est défendu.

L'amendement 193, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 31 prévoit une évaluation du niveau de langue atteint à l’issue de la formation.

L'amendement 31, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko – L’amendement 179 précise que, pour les conjoints de Français, cette formation ne peut être que facultative et gratuite.

M. le Rapporteur – Avis défavorable : nous préférons qu’elle soit obligatoire et non payante (Sourires).

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 179, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 185 tend à mieux faire respecter le droit à vivre en famille, surtout lorsqu’il s’agit de conjoints de Français. Ce sont nos propres concitoyens que ce délire sécuritaire pénalise ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 185, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – L’amendement 191 vise à préciser les délais nécessaires pour accomplir les nombreuses formalités imposées dans les pays d’origine.

M. le Rapporteur – Avis défavorable : votre souci est satisfait par l’amendement suivant.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 191, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 32 rectifié confie au pouvoir règlementaire le soin de préciser le délai maximum de la formation.

L'amendement 32 rectifié accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Étienne Pinte – L’amendement 7 est lié à l’adoption de l’amendement 6 rectifié, qui viendra tout à l’heure ; je les défends donc ensemble.

Les demandes de visa font parfois l’objet de délais de traitement « anormalement longs », provoquant de douloureuses séparations familiales. Or, pour les conjoints de Français, la seule mention de l’obtention du visa « dans les meilleurs délais » est insuffisante, d’autant qu’il faut y ajouter les quatre semaines parfois nécessaires à l’obtention d’un rendez-vous dans certains consulats, ainsi que la durée de la formation civique et linguistique. Une délégation de couples mixtes m’a récemment confié le cas d’une personne dont le conjoint marocain attend depuis dix-huit mois la réponse du consulat de Fès pour la rejoindre en France : c’est insupportable ! Les délais de traitement des demandes doivent être mieux encadrés, afin que les conjoints puissent se retrouver le plus rapidement possible.

Mme Françoise Hostalier – L’amendement 109 est identique, bien qu’il soit motivé par des raisons différentes. Vous annoncez un décret qui précisera le délai dans lequel naît la décision implicite de rejet de la demande.

Contrairement à l’usage, qui veut que le silence de l’administration vaille acceptation de la demande au bout de deux mois, le défaut de réponse vaudrait ici refus de cette demande. Une méthode aussi peu respectueuse des personnes n’est pas digne d’une administration qui se veut exemplaire aux yeux du monde. L’amendement 109 vise donc à supprimer la fin de la phrase, afin d’obliger l’administration à répondre dans tous les cas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

M. le Rapporteur – La commission est défavorable à ces deux amendements. Celui de Mme Hostalier est satisfait par l’article 211-2, alinéa 2, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui dispose que « les visas pour conjoints de Français sont obligatoirement motivés. ».

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Et les délais ?

M. le Rapporteur - En ce qui concerne votre amendement, Monsieur Pinte, un délai de deux mois me semble tout à fait insuffisant pour réaliser le parcours d’évaluation et de formation.

M. le Ministre – Un délai de deux mois serait en effet trop court. Si la proposition de M. Pinte était adoptée, l’administration ne serait pas capable de la mettre en pratique. Donnez-moi un peu de temps pour l’examiner plus en détail. Je le répète, il serait irréaliste de ma part de prendre aujourd’hui cet engagement devant vous.

M. Manuel Valls – Nous soutenons ces deux amendements. M. Pinte vient de le rappeler, les conjoints de Français sont confrontés à d’invraisemblables difficultés. Le Gouvernement et le rapporteur prétendent vouloir accélérer les procédures par des procédés contraires à nos valeurs – je parle du test ADN – et là, ils viennent nous expliquer que l’administration ne pourra mettre en œuvre un amendement de simple bon sens ! Ce texte semble comporter un certain nombre de dispositions d’ordre réglementaire plus que législatif. Dans le cas présent, il faut saisir l’occasion de préciser les choses.

M. Jean-Pierre Brard – Nous avons déjà eu l’occasion de saluer nos collègues de droite qui font passer leurs convictions, leur éthique et leur morale avant le reste.

M. François Goulard – Parce que ce n’est pas le cas à gauche ?

M. Jean-Pierre Brard – Je vous avais d’ailleurs cité, Monsieur Goulard, bien que vous ne soyez pas là : vous avez eu le courage de prendre position contre un texte immoral et indigne, qui fait honte à notre pays. Il faut parfois savoir surmonter les clivages et faire passer le courage avant l’esprit de caserne.

Il paraît, Monsieur le ministre, que le Président de la République entend agir vite – par exemple pour les régimes spéciaux de retraite. Et pour une chose aussi simple, deux mois ne suffiraient pas ? Dès lors qu’il y a une volonté politique, le rôle de l’administration est de la servir ! Mais comme il s’agit des libertés fondamentales, on met en avant le prétexte de la bureaucratie… Cela ne concerne malheureusement pas que les visas. Du temps de la défunte URSS (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous avons été un certain nombre à combattre les « déchéances de nationalité ». Mais savez-vous que cela se pratique aujourd’hui en France ? Dans ma ville de Montreuil, des Français se voient refuser leur certificat de nationalité depuis 2001, ce qui les empêche d’obtenir leur carte nationale d’identité. N’est-ce pas une négation des droits fondamentaux ? Quand il y a doute, il doit pourtant bénéficier au demandeur – une circulaire l’avait d’ailleurs rappelé du temps où Mme Guigou était garde des sceaux. Plutôt que l’esprit de discipline, écoutez donc la voix de vos consciences – en l’occurrence celle de Mme Hostalier et de M. Pinte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Noël Mamère – Nous mettons ici le doigt sur la réalité de votre projet. Je me réjouis que deux députés appartenant à votre famille politique vous demandent de faire un geste. Depuis le début de cette discussion, vous n’avez de cesse de nous faire croire que vous êtes prêts à nous écouter, tout en verrouillant au maximum. Vous n’avez cédé sur rien ! Les seuls auxquels vous cédez, ce sont les ultras de votre majorité ! Nous verrons bien tout à l’heure si vous êtes capables de jeter aux orties cet amendement crapuleux sur l’ADN ! Les amendements de nos collègues vous permettraient de sortir de l’hypocrisie et de montrer enfin que vous voulez favoriser le « vivre ensemble » dans notre pays. Au lieu de cela, vous nous proposez encore et toujours des barrières qui sont autant de formes d’apartheid et de ségrégation ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. le Ministre – J’ai répondu à Étienne Pinte que je ne pouvais prendre l’engagement que le délai de deux mois serait tenu.

M. Jean-Pierre Brard – Nicolas a dit : « Des résultats ! »

M. le Ministre – Je ne m’en efforce pas moins d’écouter les demandes qui me sont faites. Je vous propose donc de sous-amender l’amendement 6 rectifié de M. Pinte – qui viendra ultérieurement en discussion – pour prévoir un délai de quatre mois au lieu de deux. Cela me semble un engagement raisonnable.

M. Étienne Pinte – Je me réjouis que nous ayons été en partie entendus. Le Gouvernement doit cependant être conscient que les Français qui souhaitent épouser un étranger ou une étrangère sont confrontés à un véritable parcours du combattant : obtention de l’agrément pour pouvoir se marier – avec un délai de plusieurs mois ; puis transcription – attendue depuis dix-huit mois dans l’exemple que j’ai évoqué tout à l’heure. Si nous ajoutons ces quatre mois et les délais de rendez-vous dans les consulats, nous arrivons vite à des mois, voire des années. Cela étant, je suis favorable à la contre-proposition du Gouvernement.

Mme Françoise Hostalier – Même avis. Je retire mon amendement, sous réserve que nous soyons associés – comme vous me l’avez promis ce matin, Monsieur le ministre – à la rédaction du décret d’application.

M. Jean-Pierre Brard – Il ne s’est pas engagé !

Mme George Pau-Langevin – Je m’étonne que l’on nous dise qu’il faudrait quatre mois pour savoir si l’on peut ou non accorder un visa au conjoint d’un Français alors qu’on demande aux tribunaux administratifs de statuer en trois mois lorsqu’il s’agit de faire partir quelqu’un du territoire… Nous sommes sur la bonne voie, mais il me semble que vous pourriez faire encore un effort, Monsieur le ministre, en fixant le délai à trois mois. Au bout de ce délai, l’obtention du visa serait de droit.

M. Jean-Pierre Brard – Lors du débat sur le précédent projet relatif à l’immigration, M. Estrosi, répondant à ma demande, avait accepté que, pour éviter des files d’attente interminables et humiliantes devant les préfectures, dans la nuit et le froid, les documents nécessaires soient remis en mairie. Or cet engagement, bien qu’il figure au Journal officiel, ne s’est toujours pas traduit dans les faits. Parole de ministre n’est donc manifestement pas parole d’Évangile, et elle a encore moins de chance de l’être si elle est prononcée mezza voce. Il serait en tout cas préférable, même si cela ne garantit rien, que votre assentiment, Monsieur le ministre, soit dit haut et clair.

M. Étienne Pinte – Je retire l’amendement 7 au bénéfice de l’amendement 6 rectifié, que nous examinerons plus tard et qui sera sous-amendé dans le sens dit par le ministre.

Les amendements 7 et 109 sont retirés.

Mme George Pau-Langevin – Ni le manque d’assiduité à la formation ni son résultat ne peuvent justifier le rejet d’une demande de visa pour un conjoint de Français dans le cadre du regroupement familial, droit reconnu. C’est certainement implicite, puisque la formation est dite être faite « au bénéfice » du conjoint demandeur et n’avoir rien d’une sanction, mais il serait préférable d’expliciter l’implicite.

M. le Rapporteur – La formation est dispensée gratuitement et ne sera pas sanctionnée par un examen, mais l’on exigera assiduité et suivi. Avis, donc, défavorable.

M. le Ministre - Avis également défavorable à une proposition qui s’apparente à un amendement de suppression.

L'amendement 192, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – Par l’amendement 97, nous cherchons à éviter les rejets arbitraires. Bien souvent, les demandeurs de regroupement familial sont originaires de pays au régime autoritaire, pour ne pas dire davantage, et il leur sera très difficile de se rendre dans les rares consulats ou bureaux de l’Alliance française. Puisque le Gouvernement ne permet pas à la représentation nationale de se prononcer sur les motifs légitimes de dispense, au moins convient-il de s’assurer que le champ d’exemption envisagé est assez large pour couvrir toutes les situations dans lesquelles le suivi de la formation n’est pas envisageable. Il faut aussi lier cet amendement à ce que nous avions souligné ici même lorsque la majorité avait fixé la liste des pays dits « sûrs » : on sait bien que certains ne le sont pas. Ainsi de l’Algérie, où certains candidats au regroupement familial courent le risque patent de se retrouver retenus contre leur gré s’ils s’avisent d’y retourner pour préparer leur dossier – et ce là n’est qu’un pays parmi d’autres.

M. Serge Blisko – L’amendement 186 a le même objet. Il faut notamment tenir compte de la distance géographique, de la situation politique du pays et de la situation économique, familiale et personnelle de chaque demandeur. Demandera-t-on aux conjoints d’Assyro-chaldéens, dont une forte communauté est présente en Ile-de-France, de se rendre à Bagdad pour passer un test de langue ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Telle qu’elle est rédigée, la disposition est inopérante et elle doit être très nettement précisée.

M. le Rapporteur – S’agissant de l’exemple de Bagdad, auquel vous semblez particulièrement attaché, je vous rappelle qu’il s’agirait dans ce cas de droit d’asile et que les réfugiés politiques sont exemptés de formation. Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis. Il ne me semble pas utile de reprendre à l’identique le débat que nous avons eu sur l’article premier. Les motifs légitimes de dispense seront précisés par décret, et non dans le texte.

M. Noël Mamère – Notre collègue Blisko a raison. Il a choisi l’exemple de l’Irak, mais il en existe d’autres. Nous recevons dans nos permanences des gens poursuivis et menacés dans leur pays d’origine en raison de leur religion mais que l’OFPRA ne reconnaît pas comme réfugiés politiques. Ainsi des Baha’i, des Kurdes de Syrie, des juifs syriens ou iraniens… L’amendement doit être adopté pour protéger des personnes qui risquent la prison, ou pire, si elles doivent repartir pour demander, depuis leur pays d’origine, un visa de long séjour.

Les amendements 97 et 186, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 33 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 33 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 34 est le pendant de l’amendement 22 à l’article premier, que l’Assemblée a adopté.

L'amendement 34, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère – Le contrat d’accueil et d’intégration signé par les conjoints de Français lorsqu’ils obtiennent un titre de séjour en France prévoit que l’évaluation du niveau de langue et la formation linguistique sont prises en charge par l’État. Il serait difficilement compréhensible que vous refusiez, comme nous le proposons dans l’amendement 34, d’adopter un système similaire lorsque ces mesures sont mises en œuvre dans le pays d’origine pour préparer le regroupement familial. Mais il est vrai que vous n’attendez même pas qu’un premier bilan ait été fait du dispositif institué en 2006 (Protestations sur les bancs du groupe UMP) pour l’étendre quelques mois plus tard au regroupement familial, pour des raisons purement idéologiques.

M. le Rapporteur – Le bilan du contrat d’accueil et d’intégration a déjà commencé, et j’en fais état en page 63 de mon rapport.

S’agissant de l’amendement 98, j’y suis défavorable. La formation et l’examen ne sont pas payants par eux-mêmes. On ne peut pour autant dire qu’ils sont gratuits, car les frais de visa s’élèvent à 99 euros.

M. Jean-Pierre Brard – C’est donc bel et bien payant !

M. le Ministre – Nous avons déjà évoqué cette question ce matin. Ni les contribuables français ni d’ailleurs les contribuables étrangers installés sur le territoire national n’auront à supporter ces frais qui feront l’objet d’une mutualisation.

L'amendement 98, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Françoise Hostalier – L’amendement 110 est symétrique du 105 que j’avais déposé à l’article premier. Le ministre allant, j’en suis sûre, m’apporter les mêmes garanties que ce matin, je le retire.

M. Jean-Pierre Brard – Je le reprends.

M. le Rapporteur – Les garanties sont en effet les mêmes.

M. le Ministre – Je confirme ce qui a été dit ce matin.

M. Jean-Pierre Brard – Le ministre, se contentant de dire qu’il confirme ce qui a été dit auparavant, réussit l’exploit que son engagement réel ne figure nulle part au Journal officiel. En réalité, il n’y a là que promesses de Gascon !

M. Noël Mamère – Je proteste ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard – Il est important que l’Assemblée se prononce sur cet excellent amendement. Nombre de collègues sur vos bancs, Madame Hostalier, déposent des amendements pour se donner bonne conscience puis les retirent, n’ayant pas le courage d’assumer leurs opinions. Reprenant votre amendement, je vous donne l’occasion de n’avoir pas de remords…

Mme George Pau-Langevin – Beaucoup de personnes en provenance de pays désorganisés où sévissent d’importants troubles seront dans l’impossibilité de suivre ces formations, car nos ambassades ne pourront pas les y organiser. Selon le rapporteur, ces personnes-là n’auront qu’à demander l’asile politique. Mais d’une part, certaines n’obtiendront pas l’asile, d’autre part, certaines, qui ont encore de la famille dans leur pays d’origine et souhaitent pouvoir y retourner, ne voudront pas le demander.

Que je sache, le présent texte n’annule pas les précédents, et donc les dispositions existantes. Je ne comprends donc pas votre refus que le conjoint puisse suivre la formation en France s’il n’a pu le faire dans son pays d’origine, notamment pour des raisons d’ordre public.

Mme Françoise Hostalier – Monsieur Brard, je vous remercie de la considération que vous me portez. Mais j’ai la faiblesse de croire en la parole du ministre. Pour le reste, soyez assuré qu’en cas de manquement, je saurai me défendre moi-même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 110, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 240 précise que, lorsque la demande de visa émane d’un étranger dont le mariage a été célébré à l’étranger et dont le conjoint français a dû retourner en France, l’évaluation de son degré de connaissance de langue et des valeurs de la république n’est pas requise. Le Gouvernement devrait y être favorable dans la mesure où il permettrait de faire des économies.

Je ne donnerai que deux exemples, mais pourrais en donner bien d’autres, puisque je viens de recevoir des représentants de la CIMADE – que M. Mariani n’est pas seul à rencontrer ! En mars 2004, Mme S., ressortissante malienne, épouse à Bamako M. S., ressortissant français. Mme S. dépose immédiatement une demande de visa en tant que conjointe de Français pour rejoindre son mari en France. Un an plus tard, elle n’a toujours pas obtenu son visa, les autorités consulaires justifiant la longueur du délai par toutes les vérifications ayant dû être effectuées lors de la transcription de l’acte de mariage. Aujourd’hui encore, Mme S. est retenue au Mali, situation d’autant plus douloureuse qu’elle a donné naissance en novembre 2004 à un enfant, privé donc de son père depuis bientôt trois ans. Tout cela est contraire à la fois à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Autre exemple : en août 2005, M. B. épouse à Istanbul Mlle D., de nationalité française, mariage transcrit au printemps 2006 par le consulat de France, après toutes les enquêtes nécessaires. En juin 2006, M. B. dépose sa demande de visa. En octobre, le consulat l’informe que son dossier a été transmis à la sous-direction de la circulation des étrangers au ministère des affaires étrangères, alors même que toutes les vérifications nécessaires ont été effectuées préalablement à la transcription du mariage. À ce jour, les deux époux sont toujours séparés.

M. le Rapporteur – Vous soulevez un réel problème…

M. Jean-Pierre Brard – Merci de le reconnaître !

M. le Rapporteur – …mais je ne puis donner un avis favorable à cet amendement, qui n’a pas été examiné par la commission. Tel qu’actuellement rédigé, il recouvrirait quasiment tous les cas. La question pourrait sans doute être réglée dans le cadre d’un décret.

M. le Ministre – Avis défavorable. Vous proposez de créer une nouvelle catégorie d’exceptions, alors que nous souhaitons, nous, établir un régime général.

M. Étienne Pinte – Est-il normal d’imposer trois enquêtes à un étranger souhaitant épouser un Français : tout d’abord, pour lui donner l’autorisation de se marier, ensuite pour transcrire l’acte de mariage, enfin pour lui délivrer un visa ? Non ! C’est intolérable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Jean-Pierre Brard – C’est le bon sens même !

L'amendement 240, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Nous pouvons considérer que la discussion a déjà eu lieu sur l’amendement 6 rectifié. Le sous-amendement 272 du Gouvernement porte de deux à quatre mois le délai maximal de traitement de la demande.

Mme George Pau-Langevin – Nous avions demandé que le ministre nous dise ce qui adviendrait en cas de non-réponse dans le délai prévu.

M. le Ministre – Je suis surpris de cette question. La règle habituelle prévaut : l’absence de réponse vaut refus.

Mme George Pau-Langevin – Non : quand l’administration ne répond pas, elle est au contraire réputée avoir accepté.

Le sous-amendement 272, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 6 rectifié, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko – L’alinéa 5, que l’amendement 189 vise à supprimer, constitue une régression par rapport à la loi de 2006 ! Le rapporteur de l’époque – M. Mariani – nous avait donné acte qu’il n’était pas nécessaire de demander à un étranger marié à un Français de retourner dans son pays d’origine pour y demander un visa de long séjour.

Cette nouvelle disposition séparera les familles et mettra en difficulté ceux qui ont fait la « sottise » de se marier à un étranger. À moins que vous ne portiez des œillères ou que vous ayez un cœur de pierre (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), pouvez-vous rester insensible, par exemple, à la situation d’un étranger qui sera dans l’impossibilité de revenir en France s’occuper de son conjoint malade ? Ce sont des conditions insupportables et cruelles que vous voulez imposer à ces personnes ! Nous sommes témoins chaque jour de cas où des conjoints se retrouvent « coincés » dans leur pays d’origine parce que leur consulat, par exemple, est débordé. Je vous adjure de revenir à l’esprit de la loi de 2006 !

M. Patrick Braouezec – En un an, M. Mariani a bien mal vieilli ! On nous présente l’aller-retour comme une simple formalité, sans turpitudes, mais on sait bien que ce n’est pas le cas et que cette disposition cassera des familles. Pourquoi tant de suspicion à l’égard des conjoints de Français, pourquoi leur demander de passer des tests de langue et de connaissance des valeurs de la République dans leur pays d’origine ? À quoi tout cela sert-il ?

M. le Rapporteur – L’article 4 concerne les personnes qui se marient en France. Ce peut être le résultat d’un coup de foudre…

M. Patrick Braouezec – Cela existe, et j’espère que vous l’avez connu, Monsieur le rapporteur !

M. le Rapporteur - Ces personnes sont venues sur le territoire avec un visa de tourisme de moins de trois mois, ou sans visa si, par exemple, elles sont américaines. Le texte du Gouvernement dispose que ces personnes, après être reparties dans leur pays d’origine puis revenues en France munies d’un visa de long séjour, doivent se présenter à la préfecture. Estimant que cela constitue une étape de trop, je propose, par l’amendement 205, de considérer le visa de long séjour comme un titre de séjour d’une durée d’un an.

M. Patrick Braouezec – Quelle garantie la personne aura-t-elle d’être reçue au consulat ?

M. le Rapporteur – Cet amendement permet d’éviter une démarche supplémentaire et va dans le sens de la simplification administrative.

M. le Ministre – Certes, le Parlement avait souhaité, en 2006, faciliter la vie des conjoints de Français en décidant, à titre exceptionnel, qu’ils pourraient obtenir le visa de long séjour en France. Mais dans la réalité, cette disposition s’avère « impraticable ». Une circulaire d’une quinzaine de pages a été envoyée mais a abouti à des imbroglios et à des allers-retours incessants entre préfectures et consulats.

M. Patrick Braouezec – Mieux vaut des allers-retours de papiers que de personnes !

M. Manuel Valls – Qui donc était ministre de l’intérieur quand le texte a été voté ?

M. le Ministre – Vous me donnez l’occasion de souligner sa grande générosité ! Nous proposons donc de revenir à la règle de droit commun. Le visa de long séjour ne pourra être demandé et obtenu qu’à l’étranger, comme c’est le cas pour de nombreux pays. Je suis favorable aux expérimentations, mais quand elles ne sont pas parfaites, il convient de revenir en arrière. Avis favorable, donc, à l’amendement 205.

Mme Delphine Batho – Le débat avance, puisque M. Mariani constate que l’obligation faite aux conjoints étrangers de revenir dans leur pays d’origine pose problème ! Concrètement, les couples se retrouveront séparés pour au moins quatre mois. Et si l’amendement 205 simplifie les démarches en France, l’article 4 continue de poser problème. Pourquoi demande-t-on au Parlement de défaire ce qu’il a fait en 2006 ? La circulaire ne date que de mars 2007 ! Si le Gouvernement dispose d’une évaluation montrant que cette disposition est inapplicable, ou comme M. le ministre vient de le dire, « impraticable », nous aimerions qu’elle nous soit communiquée. En revenant sur le vote du Sénat, qui était de bon sens, vous placez les conjoints de Français, non expulsables, dans des situations juridiques inextricables et vous fabriquez des catégories d’étrangers sans-papiers !

M. Noël Mamère – L’amendement 243 propose, comme l’amendement 189, de supprimer l’alinéa 5 de l’article 4. La CIMADE nous a fait part du cas de cette personne algérienne mariée à un Français qui a mis bien plus de quatre mois à obtenir son visa de long séjour, en butte à un consulat qui se refusait à accueillir les candidats au regroupement familial. Vous avez une vision idéaliste, mais faussée. D’ailleurs, M. le ministre a expliqué ce matin qu’il était impossible d’accroître le nombre de fonctionnaires dans les consulats.

M. Hortefeux nous a dit combien le dispositif de la loi de 2006 était généreux. Et voici que vous voulez restreindre cette disposition, pourtant respectueuse de la Convention européenne des droits de l’homme et du droit fondamental de vivre en famille …

M. Richard Mallié – Mais qu’est-ce pour vous que la famille, Monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère – …sous prétexte qu’elle constituerait une usine à gaz. Nous pensons, comme les sénateurs, que cette disposition de 2006 doit être maintenue. Les aménagements que vous proposez ne sont que des sparadraps sur des jambes de bois !

M. Éric Ciotti – Je ne comprends pas l’argument de l’opposition. Il me semble que si l’on veut venir en France pour s’y marier, on ne se munit pas d’un visa de tourisme mais d’un visa de long séjour. Cela me paraît être une évidence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

Mme George Pau-Langevin – Faut-il, à nouveau, tout vous expliquer ?

Les amendements 189 et 243, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme George Pau-Langevin – Nous ne sommes pas d’accord avec la procédure. Mais l’amendement va quelque peu dans le bon sens, et nous nous abstiendrons (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 205, mis aux voix, est adopté.

L’amendement 96 tombe.

M. le Rapporteur - La disposition abrogée permet aux conjoints de Français entrés régulièrement sur le territoire de demander un visa de long séjour à la préfecture, dès lors qu’ils séjournent en France depuis plus de six mois avec leur conjoint. L’amendement 206 introduit un dispositif transitoire pour que ceux qui satisfont aux conditions ou sont sur le point d’y parvenir ne se voient pas opposer un refus qui n’aurait pu être anticipé.

M. le Ministre – Dans les faits, cela aboutira à une mesure transitoire de trois mois. Le Gouvernement y est favorable.

Mme Delphine Batho – Je m’interroge sur la cohérence entre le délai de quatre mois prévu entre le dépôt d’une demande au consulat et la réponse, et ce délai de trois mois.

M. Noël Mamère – Revenir à ce qui figurait dans la loi de juillet 2006 éviterait ce bricolage d’une solution transitoire.

M. le Rapporteur – Comme votre amendement 96, tombé pour des raisons rédactionnelles, avait le même objet, nous sommes deux à bricoler (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 206, mis aux voix, est adopté.

L'article 4, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 4

M. Étienne Pinte – En cas de doute sérieux sur la validité d’un mariage célébré à l’étranger, l’autorité diplomatique chargée de transcrire l’acte doit saisir le procureur de la République dans les délais les plus rapides possibles. Actuellement, cela peut prendre plusieurs mois, ce qui allonge la période de séparation du couple. Mon amendement 8 rectifié prévoit un délai d’un mois maximum après le dépôt de la demande de transcription. Il convient également d’informer les intéressés de la saisine et de ses motifs. Les maires ont déjà obligation de saisir le procureur dans les plus brefs délais en cas de doute.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Motiver la décision est justifié, mais introduire une nouvelle motivation en amont est source de contentieux supplémentaire.

M. le Ministre – Même avis. Une telle disposition concernerait plutôt la Chancellerie.

Mme George Pau-Langevin – Puisqu’il s’agit d’introduire une garantie dans le sens que nous souhaitons, nous sommes favorables à cet amendement.

L'amendement 8 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – Mon amendement 259 supprime tous ces bricolages pour revenir simplement à la loi de juillet 2006 qui attribuait de façon automatique un visa de long séjour à une personne vivant depuis plus de six mois avec son conjoint sur le territoire français.

M. le Rapporteur – Nous avons eu ce débat à l’article 4. Rejet.

M. le Ministre - C’est effectivement l’inverse de ce qui vient d’être voté à l’article 4. Défavorable.

L'amendement 259, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 35 prévoit que les étrangers qui auront suivi la procédure d’évaluation du niveau de français se verront délivrer, à l’étranger, l’attestation ministérielle de dispense de la formation linguistique, qui est actuellement délivrée préalablement à la signature du contrat d’accueil et d’intégration. Dès lors, il ne sera pas nécessaire d’évaluer une nouvelle fois leur niveau car on saura quel nombre d’heures il leur reste à faire en France.

M. le Ministre – Avis favorable. Il s’agit d’articuler la nouvelle procédure et le contrat d’accueil et d’intégration.

L'amendement 35, mis aux voix, est adopté.

ART. 2 (PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉ)

Mme Françoise Hostalier – Cet article m’inquiète. Il est discriminatoire et risque d’être jugé anticonstitutionnel. Le Sénat a déjà, à deux reprises, refusé les dispositions adoptées par l’Assemblée qui établissaient une discrimination entre familles étrangères et familles françaises : si l’on considère que ces dernières peuvent vivre dans des conditions acceptables avec un revenu égal au SMIC, il en est de même pour les autres. Rappelons que, malheureusement, plus de 17 % des familles françaises vivent avec moins que le SMIC.

Par ailleurs, la mise en œuvre serait complexe. Quel montant de SMIC retiendra-t-on s’il évolue en cours de procédure ? Qui va instruire les dossiers, les vérifiera ? Si cela revient encore aux services consulaires, cela posera de gros problèmes. Quels justificatifs accepter ? Les seuls bulletins de paye, des attestations de ressources, des déclarations sur l’honneur ? Il sera difficile d’appliquer la mesure de façon transparente et équitable, et les catégories qui ont le plus besoin du regroupement familial seront exclues par ce revenu plancher (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Noël Mamère – Mes arguments sont les mêmes que ceux de Mme Hostalier, qui appartient pourtant au groupe UMP. Depuis la loi de 2003, le regroupement familial nécessite un revenu égal au SMIC. Vous voulez faire varier le revenu en fonction de la taille de la famille. Mais le Sénat, à majorité de droite, a fait valoir en 2003 que si l’on considère que le SMIC mensuel assure un niveau de vie suffisant pour les Français, il semble raisonnable de considérer que cela vaut pour les étrangers. Il s’est opposé à une nouvelle tentative en 2006, à l’unanimité cette fois. Cet argument du Sénat servira également à propos du test d’ADN : actuellement on ne peut l’exiger d’une famille française, sauf pour des raisons judiciaires ou médicales. Il vaut pour toutes les populations vulnérables. D’ailleurs, la HALDE a estimé en décembre 2006 qu’appliquer une condition de ressources aux personnes handicapées bénéficiant de l’allocation adulte handicapé constituait une discrimination indirecte. La CIMADE donne des exemples de situations catastrophiques. Ainsi M. S., Sénégalais, en France depuis 1997, s’est vu reconnaître un taux de handicap de 80 % par la Cotorep. En 2002, on lui a refusé une demande de regroupement familial au motif que ses ressources s’élevaient seulement à 817,82 euros – soit trois euros de moins que le SMIC. Il n’a donc pas pu faire venir sa famille auprès de lui, alors que son invalidité rendait indispensable la présence de ses proches.

La préfecture ayant rejeté un recours gracieux, il a fallu attendre la décision du tribunal administratif, qui a annulé, au terme de cinq années de procédure, la décision du préfet parce qu’elle portait une atteinte disproportionnée au droit de vivre en famille. Hospitalisé pendant de longs mois, faute d’avoir autour de lui des proches pour l’aider dans sa vie quotidienne, M. S. est malheureusement décédé quelques jours avant la décision du tribunal.

Voilà donc votre vision de la société… Nous vous demandons au contraire de permettre à des étrangers, qui ont tant travaillé pour notre pays, de faire venir leurs proches lorsqu’ils sont en difficulté.

Mme George Pau-Langevin – Faut-il le répéter ? Cette loi va rendre la vie dure aux pauvres et aux immigrés dont vous ne voulez pas. En effet, ils n’auront plus le droit de vivre avec leur famille que s’ils gagnent suffisamment d’argent.

Il pourrait certes paraître raisonnable qu’on exige des candidats au regroupement familial des revenus égaux au SMIC, mais ce serait oublier que nombre d’entre eux ne travaillent pas à temps complet, quel que soit leur domaine d’activité, ou bien qu’ils ne sont pas déclarés. Ils ne touchent donc pas le SMIC !

Et quand bien même, cela ne suffirait pas, puisque vous allez exiger que les familles étrangères soient plus confortablement installées que les familles françaises… À moins d’obtenir que le patronat accorde des primes en fonction de la taille des familles, il est inacceptable d’exiger un revenu égal à 1,2 ou 1,3 SMIC !

Je partage également l’indignation de M. Mamère s’agissant des personnes handicapées ou invalides : il est inadmissible de leur interdire de vivre en famille, alors qu’elles ont le plus grand besoin de leurs proches. Les associations qui s’occupent du sida sont notamment très inquiètes.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Pourquoi certaines familles percevant le SMIC auraient-elles le droit de vivre ensemble, et d’autres non, au prétexte que leurs origines seraient différentes ? Je peine à comprendre une telle discrimination, d’ailleurs rejetée au Sénat à l’occasion d’un précédent texte.

En outre, je le répète : bien des travailleurs étrangers ne toucheront jamais le SMIC, une fois admis à la retraite. Ils n’auront donc pas droit au regroupement familial, pas plus que les victimes d’un accident de la vie, car le montant des allocations accordées par les COTOREP est inférieur au SMIC. Cet article 2 est un scandale !

M. Jean-Pierre Soisson – Je m’interroge sur les marges de manœuvre qui nous sont laissées par le Conseil constitutionnel. Compte tenu des décisions du 13 août 1993, du 15 décembre 2005 et du 20 juillet 2006, je ne suis pas certain que nous puissions porter les conditions de ressources à 1,5 SMIC, comme le demandent plusieurs amendements.

Pour aller plus loin dans les restrictions au regroupement familial et opérer un basculement en faveur de l’immigration économique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), il faudra sans doute réviser la Constitution. Cette loi est bonne, mais elle n’est qu’une première étape.

M. Patrick Braouezec – Au moins c’est clair ! Merci de cet aveu.

M. Serge Blisko – Il faut remercier Jean-Pierre Soisson pour sa franchise. Nous voici prévenus : nous en sommes seulement au hors d’œuvre, et le plat principal va bientôt arriver !

Mais ce qui me choque le plus, c’est que l’on considère le conseil constitutionnel comme un obstacle, et non comme un gardien de la loi, comme s’il fallait supprimer ce gêneur en révisant la constitution... Pour ma part, je ne crois pas un seul instant que le conseil constitutionnel, qui a su protéger mais aussi délimiter le domaine de la loi, soit un risque pour le législateur.

Si ce garde-fou vous embarrasse, c’est que votre projet de loi est anticonstitutionnel, et c’est une raison de plus pour rejeter l’article 2.

M. Patrick Braouezec – J’aimerais vous proposer un quiz, que nous pourrions d’ailleurs soumettre à tous ceux qui souhaitent s’établir en France : quel est le thème retenu par l’Union européenne pour l’année 2007, Monsieur le rapporteur ?

M. le Rapporteur – Vous allez nous l’apprendre !

M. Patrick Braouezec – C’est l’année européenne de l’égalité des chances et de la lutte contre les discriminations, qu’elles soient liées à l’origine, aux croyances, au genre, à l’âge, au handicap ou encore à l’orientation sexuelle.

Je veux encore comprendre – tout en la condamnant – la logique des articles premier et 4, qui tendent à écarter certains étrangers au nom de votre conception idéologique de l’identité nationale. Mais l’article 2 frappera les plus démunis. Pourquoi, faisant fi de tous les traités européens, pourriez-vous exiger plus d’un ressortissant étranger que d’un citoyen français ? Ne chipotez pas, Monsieur Soisson : un homme vaut un homme, ni plus ni moins. Puisque les Français peuvent vivre avec le SMIC que vous refusez d’augmenter, les étrangers le peuvent aussi. Prouvez-moi le contraire et je voterai l’article !

Mme Françoise Hostalier – L’amendement 106 est défendu.

M. le Ministre – Permettez-moi d’apporter quelques précisions quant au revenu minimum. L’objet de ce texte est d’offrir aux familles qui s’installent en France la plus grande autonomie possible, en matière de langue comme de revenu. Le SMIC équivalait au 1er juillet à 1 005 euros nets. Nous proposons de retenir le seuil le plus raisonnable de 1,2 SMIC, c'est-à-dire 1 206 euros ; songez que le salaire médian d’un ouvrier qualifié est de 1 320 euros ! En effet, les étrangers faisant venir leur famille, souvent nombreuse, doivent en financer l’installation.

M. Patrick Braouezec – Pas plus que les Français !

M. le Ministre – La directive européenne sur le regroupement familial, Monsieur Braouezec, autorise les États à fixer des plafonds de ressources en tenant compte de la taille de la famille. Comment imaginer qu’un étranger puisse accueillir sa femme et ses quatre enfants s’il ne perçoit que le SMIC ?

Plusieurs députés SRCDG – Et qu’en est-il des Français ?

M. le Ministre – Ils auraient hélas à subir des conditions de vie inhumaines et deviendraient une proie d’autant plus facile pour les marchands de sommeil contre lesquels nous luttons. Quant à la comparaison que vous faites avec les Français, elle ne tient pas debout : les familles françaises peuvent faire appel à d’importants réseaux de solidarité familiale, pour la garde des enfants notamment.

Plusieurs députés SRCDG – Les étrangers aussi !

Mme Christiane Taubira – Vous encouragez le communautarisme !

M. le Ministre – Restons mesurés : le seuil de 1,2 SMIC est un maximum. Aller au-delà, comme le proposent le rapporteur et certains de nos collègues, reviendrait à ignorer les dispositions constitutionnelles qui protègent le regroupement familial.

Mme Françoise Hostalier – Mon amendement 106 de suppression de l’article est défendu.

M. Patrick Braouezec – Notre amendement 146 a le même objet. Écoutez donc ce cas concret : M. L., citoyen marocain arrivé en France en 1963, a travaillé quarante-quatre ans jusqu’à sa retraite prise en janvier 2001, date à laquelle il a fini par demander à faire venir sa femme qu’il n’avait vu que lors d’allers-retours réguliers tout au long de ces années. On lui oppose un refus en février 2007, car ses ressources sont inférieures au SMIC – et pour cause, il touche une retraite de 865 euros qui n’a aucune chance d’augmenter. Voilà donc comment cet homme qui a donné une vie de travail à notre pays est remercié !

Quant aux réseaux de solidarité familiale, les étrangers en disposent tout autant que les Français, n’en déplaise à la droite qui fait l’éloge des uns tout en considérant les autres comme une menace communautariste. Ils permettent pourtant à de nombreux étrangers qui vivent en France de ne pas se retrouver à la rue ! Les arguments du ministre ne reposent donc sur rien. Il s’agit en fait d’un article discriminatoire. Si un Français peut faire vivre sa femme en gagnant moins que le SMIC, un étranger le peut tout aussi astucieusement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Dominique Tian – De quelles astuces parlez-vous ?

Mme Sandrine Mazetier – Nous venons d’assister à plusieurs aveux surprenants. De la part de M. Soisson d’abord, qui assume parfaitement les intentions de ce texte, premier pas vers une vraie limitation du regroupement familial, contrairement à ce que prétend M. le rapporteur. De la part de M. le ministre de l’identité nationale ensuite – un titre qui laisse songeur… Il vient en effet de renvoyer les familles françaises en difficulté à la solidarité familiale, et non nationale ! Certes, la remise en cause de notre contrat social est à la mode. Hier, le Président de la République confiait la prise en charge de la dépendance aux familles, et aujourd’hui, M. le ministre encourage ces mêmes familles à recourir à la solidarité familiale pour survivre ! Notre amendement 171 tend lui aussi à supprimer l’article.

M. Philippe Vitel – Démago XXL !

M. le Rapporteur – La législation actuelle exige que l’étranger qui désire être rejoint par sa famille dispose d’un revenu au moins égal au SMIC, sans tenir compte de la taille de sa famille. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République selon lequel un candidat au regroupement familial doit pouvoir faire vivre sa famille sans recourir aux prestations sociales, l’article 2 modifie ce dispositif. Si un revenu équivalent au SMIC permet à un couple avec un enfant de mener une vie familiale dans des conditions acceptables, ce n’est pas le cas pour une famille nombreuse. Qu’on le veuille ou non, la taille de la famille a une incidence directe sur son niveau de vie. Certains considèrent qu’il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre les familles françaises et les familles étrangères. Il s’agit en réalité d’une distinction entre les familles déjà présentes sur le territoire – qu’elles soient françaises ou étrangères – et celles qui aspirent à s’y installer.

M. Patrick Braouezec – Non, non, non !

M. le Rapporteur – Il existe déjà dans notre législation une condition de logement qui varie selon la taille de la famille. L’exigence d’un niveau de ressources égal au SMIC est une condition supplémentaire imposée aux familles qui veulent venir en France – par rapport à celles qui sont déjà présentes sur le territoire. Cet article est donc pleinement justifié : la commission est défavorable à ces amendements.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement  Avis défavorable.

Les amendements 106, 146 et 171, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Étienne Mourrut – L’amendement 2 vise à préciser qu’il ne s’agit que d’une fourchette de revenu minimum à atteindre, ainsi qu’à encourager la mobilité des populations immigrées dans un objectif de mixité sociale.

L'amendement 2, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 229 vise à maintenir la règle actuelle – à savoir l’exigence d’un revenu minimum égal au SMIC, indépendamment de la taille de la famille. Les arguments avancés par le ministre nous paraissent en effet vagues. Nous doutons aussi de sa volonté de solidarité, puisqu’il s’agit en substance de laisser les gens se débrouiller – un peu ce qu’a fait hier le Président de la République en faisant appel aux assurances privées. Vous dites que les familles françaises peuvent s’entraider, fort bien. Mais quand il s’agit de familles étrangères, vous les accusez immédiatement de communautarisme !

C’est parce que vous voulez limiter le regroupement familial que vous nous proposez d’aménager les conditions de revenu minimum. Vous voulez empêcher les plus pauvres d’accéder au regroupement familial. En vérité, vous ne voulez pas de pauvres dans notre pays !

L'amendement 229, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Quel est le niveau des ressources exigibles en fonction de la taille de la famille ? Le Gouvernement a estimé qu’il pouvait aller jusqu’à 1,2 SMIC. La commission a estimé pour sa part que la baisse de niveau de vie induite par une famille nombreuse dépassait largement 20 %, comme le montrent les exemples des pays qui pratiquent une telle modulation – en Allemagne, les ressources exigées augmentent de 208 euros par enfant, et même 278 euros pour les enfants de plus de 14 ans. Nous proposons, avec l’amendement 23, une solution qui nous paraît raisonnable : pour une famille de moins de six personnes, on ne pourra exiger plus de 1,2 fois le SMIC. À partir de six personnes, il sera possible d’exiger jusqu’à 1,33 fois le SMIC.

M. Philippe Vitel – Ce n’est pas assez !

M. Richard Mallié – L’amendement 67 propose que l’on puisse exiger des ressources au moins égales à deux fois le SMIC (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). En ce vingt-et-unième siècle qui met Dakar à quatre heures d’avion de Paris et Tunis à deux heures de Malte, l’Europe et notre système social font trop souvent figure d’eldorado.

M. Claude Bodin – Mon amendement 63 était proche de celui de M. Mallié. Je le retire néanmoins, car je conviens que ce n’est pas la peine de faire monter les enchères.

L'amendement 63 est retiré.

M. Patrick Braouezec – C’est raisonnable !

M. le Ministre – Pour les raisons que j’ai déjà exposées, le Gouvernement est défavorable à l’amendement de M. Mallié – même s’il comprend sa démarche. Sur celui du rapporteur, il s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. Serge Letchimy – Sur le plan du droit, je comprends que l’éventualité d’une censure du Conseil constitutionnel ait pu être évoquée. Le risque est en effet de créer une République à deux vitesses, et d’établir une discrimination – pas seulement entre Français et étrangers, mais aussi entre les Français qui demandent un regroupement familial et les autres. Si l’on y ajoute la situation du logement, on va cumuler les handicaps puisque ces familles se retrouveront dans de véritables ghettos urbains. Il faut donc revenir à un SMIC. Le parcours du combattant se poursuit sur le sol français !

M. Patrick Braouezec – Très bien !

Mme Chantal Brunel – Autant j’approuve l’amendement du rapporteur sur les tests ADN, autant je voterai contre ces amendements-là. Exiger qu’une famille étrangère qui s’installe sur le territoire français dispose d’un niveau de revenu égal au SMIC, c’est déjà beaucoup. Une fois installée, elle bénéficiera des prestations familiales. On ne peut tout de même pas lui demander beaucoup plus qu’à une famille française ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Éric Ciotti – L’amendement de notre rapporteur me paraît très pertinent. Comment nier la sagesse d’une proposition tendant à exiger qu’une famille comptant six enfants… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Patrick Braouezec – Mais non ! De six personnes, donc quatre enfants !

M. Éric Ciotti – …dispose de ressources au moins égales à 1,33 SMIC ? Comment vivre avec moins quand on a six enfants ? (Interruptions sur les mêmes bancs)

M. Patrick Braouezec – Encore ? Mais vous n’avez pas lu le texte ! Vous êtes recalé au test de compréhension…

M. Éric Ciotti – C’est une mesure de bon sens. D’ailleurs, la modulation des seuils de revenus n’est pas une nouveauté. Elle existe déjà pour l’accès aux logements HLM…

M. le Rapporteur - Très juste.

M. Éric Ciotti – …et les postulants doivent apporter la preuve de ressources au minimum égales à un SMIC pour une personne, 1,33 SMIC pour deux personnes… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Patrick Braouezec – Cette litanie est inutile ! Nous avons tous des HLM dans nos circonscriptions et nous connaissons cette table par cœur.

M. Éric Ciotti – L’amendement permettra que les familles de six personnes puissent vivre décemment et non dans la précarité qui a été à l’origine de tant de drames (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

L’amendement 67 tombe.

La séance, suspendue à 17 heures 35, est reprise à 17 heures 45.

Mme Françoise Hostalier – L’amendement 107, sans mettre en péril l’équilibre migratoire en France, répondrait à l’exigence de solidarité due aux plus fragiles. En effet, les personnes handicapées et, d’une manière plus générale, les personnes particulièrement vulnérables – retraités, malades, invalides… –, dont les ressources sont inférieures au SMIC, ne sauraient être exclues de ce fait du droit au regroupement familial, d’autant qu’elles ont encore plus besoin que d’autres d’être entourées de leurs proches. La HALDE, dans une délibération de décembre 2006, a d’ailleurs estimé que la condition de ressources appliquée à des personnes handicapées constituait non seulement une atteinte à leur droit de mener une vie familiale normale mais encore une discrimination indirecte. « Si la règle posée par l’article L. 411-5 répond à un objectif légitime », écrit la Haute autorité, « elle est injustifiable dans le cas des travailleurs handicapés bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé ».

Je propose donc dans cet amendement que la condition de ressources ne soit « pas opposable au demandeur retraité ou qui, en raison de troubles de santé invalidants ou d’un handicap, rencontre des restrictions dans l’accès à une activité professionnelle rémunérée. »

M. Nicolas Perruchot – L’amendement 135, à la défense duquel j’associe mon collègue Yvan Lachaud, s’inscrit dans la même logique. La condition de ressources ne doit pas être opposée aux personnes handicapées.

M. Étienne Pinte – J’indique d’emblée que je suis favorable au sous-amendement 270 de M. Goulard à mon amendement 5 rectifié. Ce dernier dispose que les conditions de ressources ne s’appliquent pas « lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l’allocation adulte handicapé ou d’une pension d’invalidité d’un taux supérieur à un minimum fixé par décret. » En effet, l’AAH est inférieure au SMIC. L’immense majorité de ses bénéficiaires, qui n’ont que cette allocation pour vivre, se voit ainsi privée du droit au regroupement familial, sauf à ce que le préfet fasse usage de son pouvoir d’appréciation. La HALDE s’est d’ailleurs émue de cette situation et estimé dans un avis de décembre 2006 que la condition de ressources était discriminatoire, lorsqu’elle s’appliquait à des personnes handicapées titulaires de l’AAH.

M. Noël Mamère – Après bien des discussions et des divisions entre vous, vous avez institué ces conditions de ressources. La discrimination ainsi opérée entre familles françaises et familles étrangères, proprement intolérable dans un pays démocratique comme le nôtre, est d’ailleurs contraire à notre Constitution. Elle est bien entendu encore plus choquante lorsqu’elle s’applique à des personnes particulièrement vulnérables comme les handicapés ou les retraités. Plusieurs de nos collègues ont rappelé l’avis rendu en décembre 2006 par la HALDE sur cette disposition introduite dans la loi de 2006. Mais de cet avis, vous n’avez que faire, non plus que des amendements allant dans le même sens, pourtant adoptés à l’unanimité au Sénat, et vous revenez à la charge.

« Tout ça pour ça » , serais-je tenté de dire. Dix mille familles tout au plus sont concernées…

M. le Rapporteur – Ce n’est pas rien !

M. Noël Mamère – Encore de l’affichage ! Vous ne reculez devant aucun amalgame pour rassurer le « bon peuple de France » qui, inquiet de la crise et de l’avenir, s’invente des boucs émissaires. Vous lui faites croire que cette loi résoudra le problème de l’immigration clandestine alors qu’elle traite du regroupement familial, c’est-à-dire d’immigration légale. Aux discriminations entre Français et étrangers, vous ajoutez une discrimination entre Français, selon que leur conjoint est ou non français. Il est inacceptable de faire en sorte que les Français issus de l’immigration se sentent comme des étrangers de l’intérieur, alors qu’ils sont français comme vous et moi. Leur sentiment d’humiliation, qui s’est exprimé violemment en novembre 2005, risque de s’exprimer à nouveau.

Au nom même des valeurs républicaines que vous prétendez défendre et que vous voulez inculquer aux candidats au regroupement familial, nous vous demandons d’accepter notre amendement 94 rectifié qui va dans le sens des précédents.

Mme George Pau-Langevin – La conception de la société que sous-tendent ces dispositions du Gouvernement est inacceptable. Je profite de la défense de notre amendement 172, qui va lui aussi dans le sens des précédents, pour dire combien est choquant le traitement réservé aux étrangers retraités, invalides ou handicapés. En effet, vous leur refusez d’un côté le droit au regroupement familial en France si leurs ressources sont insuffisantes, mais aussi d’un autre côté le bénéfice du Fonds de solidarité s’ils choisissent de retourner dans leur pays, plutôt que de vivre à jamais seuls dans des foyers qui deviennent des maisons de retraite. Où est la cohérence ?

M. le Rapporteur – Avis défavorable aux amendements 94 rectifié et 172, beaucoup trop vagues. Sur le fond, avis favorable aux autres, mais je vous invite à retenir le 5 rectifié sous-amendé comme proposé, car il est, de tous, le mieux rédigé.

M. le Ministre – Tous ces amendements sont inspirés par un souci d’humanité que le Gouvernement partage. S’appuyant sur l’avis de la HALDE, il est favorable à l’amendement 5 rectifié sous-amendé, et défavorable à tous les autres.

Mme Françoise Hostalier – Je suis bien entendu favorable à l’amendement de notre collègue Pinte. Mais j’aimerais savoir ce qu’il en sera exactement des retraités, dont les pensions sont bien souvent inférieures au SMIC. Seront-ils totalement exclus du droit au regroupement familial ?

M. le Ministre – La loi Borloo de mars 2007 a institué un dispositif spécifique pour les vieux travailleurs migrants.

M. Serge Blisko – Aux discriminations par l’argent, s’ajoutent des discriminations par l’âge. La HALDE va devoir sérieusement examiner la situation.

Le montant des retraites des catégories les plus modestes, même avec une carrière complète, est très souvent inférieur au SMIC. Vous allez donc empêcher les retraités de faire venir leur conjoint, au motif qu’ils ne disposent pas de revenus suffisants. C’est d’une cruauté extraordinaire ! Vous exposez la France à une condamnation pour discrimination par la Cour européenne des droits de l’homme. Je vous demande de vous ressaisir et de considérer la situation des retraités, des handicapés et des invalides !

M. Serge Letchimy – Il y a deux ans, nous avons institué le régime social des indépendants pour que des personnes qui ont travaillé des années sans pouvoir cotiser puissent racheter des années de cotisation et bénéficier au moins du minimum vieillesse. Celui-ci, toutefois, n’égalera pas le SMIC et ces personnes ne pourront donc pas prétendre au regroupement familial. Entendez-vous réserver cette procédure aux personnes âgées de moins de 65 ans ?

Mme Hostalier a raison de présenter un tel amendement et je veux saluer ici son attitude courageuse.

Mme Christiane Taubira – En effet !

M. Noël Mamère – J’abonde dans le sens de mes deux collègues. Vous appliquez au regroupement familial les mêmes principes qu’à l’assurance maladie, avec les franchises médicales. Seules les personnes bénéficiant d’un certain revenu auront le droit de vivre en famille ! La CIMADE nous a présenté le cas d’une personne handicapée dont les revenus, inférieurs de trois euros au seuil, ne lui ont pas permis de faire venir son épouse. Trois euros, quand vous donnez 14 milliards aux plus riches ! Quelle sorte de monde nous proposez-vous donc ?

Mme Françoise Hostalier – Je maintiens l’amendement 107.

L'amendement 107, mis aux voix, est adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe UMP).

M. le Président – L’adoption de l’amendement 107 fait tomber les trois autres.

M. le Rapporteur – L’amendement 5 rectifié de M. Pinte concernait les personnes handicapées alors que l’amendement 107 ne vise que les personnes retraitées, handicapées ou non…

M. le Président – Peut-être avez-vous raison sur le fond, Monsieur le rapporteur, mais du strict point de vue de la discussion parlementaire, l’adoption de l’amendement 107 fait tomber les autres. S’il faut y revenir, la navette en fournira l’occasion !

M. le Rapporteur – La loi du 24 juillet 2006 a ajouté une troisième condition au regroupement familial : le demandeur doit désormais se conformer aux « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Cette rédaction a entraîné une réserve du Conseil constitutionnel, qui a précisé qu’elle devait être comprise au regard des travaux parlementaires, indiquant que le législateur avait entendu se référer aux « principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d’accueil ». Aussi, l’amendement 24 propose de retenir cette formule. Pour obtenir le regroupement familial, le demandeur doit respecter la monogamie, l’égalité des sexes, les droits de l’enfant et l’obligation d’assiduité scolaire.

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Patrick Braouezec – On n’est pas à une contradiction près !

M. Noël Mamère – M. Mariani vient de se faire prendre le doigt dans le pot de confiture, suspectant les étrangers d’être des polygames ou, que sais-je, d’égorger des moutons dans leur baignoire, ou d’être des terroristes en puissance… Tout cela sent mauvais ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 24, mis aux voix, est adopté.

M. Serge Blisko – L’amendement 173 rompt avec le régime de rigueur auquel nous soumet ce projet de loi ! Il prévoit que la disposition n’est pas applicable dans des cas de vulnérabilité extrême, où le regroupement familial s’impose de lui-même. Un peu d’humanité permettrait de traiter un certain nombre de cas douloureux, dans le respect des personnes, et d’éviter des situations de crise telles que nous pouvons en connaître aujourd’hui.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’amendement n’est pas nécessaire puisque le préfet peut déjà accorder le regroupement familial dans une telle hypothèse.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 173, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ART.2 (AMENDEMENTS PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉS)

M. le Rapporteur – La carte de résident longue durée a été créée par la loi du 24 juillet 2006 afin de transposer la directive du 25 novembre 2003, relative au statut des ressortissants de pays tiers. Ceux-ci acquièrent pour eux-mêmes et leur famille un droit au séjour prolongé dès lors qu’ils ont résidé plus de cinq ans dans un État membre. Ils sont autorisés à faire venir en France leur conjoint et leurs enfants, sous réserve de disposer de ressources stables et suffisantes, identiques à celles exigées dans le cadre du regroupement familial.

Dans la mesure où l’article 2 modifie la condition de revenus exigée des demandeurs du regroupement familial, l’amendement 25, de coordination, vise à appliquer la même modulation aux titulaires d’une carte de résident longue durée qui souhaitent faire venir leur famille en France.

Mme Françoise Hostalier – Le sous-amendement 108 est motivé par les mêmes raisons que l’amendement 107, puisqu’il n’y a pas lieu d’introduire une discrimination entre les ressortissants des pays tiers de l’Union européenne et ceux des autres pays.

M. Étienne Pinte – Le sous-amendement 82 rectifié est également le pendant de l’amendement 5, lequel me semblait plus précis sur le plan juridique que l’amendement 107.

M. le Rapporteur – Avis défavorable aux deux sous-amendements.

M. le Ministre – La HALDE n’a dénoncé qu’une seule situation, celle des bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé. Mais le projet ne change en rien la situation des retraités. Pour les vieux migrants qui vivent souvent en foyer-logement et n’ont pas de pension contributive, la loi Borloo a institué un dispositif qui fera l’objet d’un décret dans les prochaines semaines. Je suis donc défavorable aux deux sous-amendements, mais favorable à l’amendement.

M. Étienne Pinte – Il y a une différence entre les deux sous-amendements. Celui de Mme Hostalier est beaucoup plus large que le mien et ne répond pas aux observations de la HALDE. Comme celui qui vient d’être adopté, il me semble inapplicable…

Un député UMP – Mais vous avez voté cet amendement 107 !

M. Étienne Pinte – On peut se tromper !

Le sous-amendement 108, mis aux voix, n'est pas adopté.

Le sous-amendement 82 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 25, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – Certains membres de la majorité seront sans doute sensibles à notre amendement 241 : nous demandons en effet que les conjoints étrangers venus dans le cadre du regroupement familial et qui, victimes de violences conjugales, quittent le domicile du couple, obtiennent le renouvellement de leur titre de séjour.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Une obligation ne me semble pas souhaitable. Que fait-on si, par ailleurs, il y a une menace à l’ordre public ?

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 241, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Chantal Brunel – Actuellement, les conjoints qui viennent d’entrer sur le territoire français mais ne disposent pas encore de titre de séjour ne sont pas protégés en cas de violences conjugales. L’amendement 77 complète le texte pour combler cette lacune. J’ai eu à connaître d’un cas dramatique de ce genre.

M. Étienne Pinte – Mon amendement 130 est identique.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre - Comme je l’ai indiqué, je suis ouvert à des améliorations lorsqu’il y a un vide juridique. C’est le cas, donc avis favorable.

Les amendements identiques 77 et 130, mis aux voix, sont adoptés.

M. Noël Mamère – L’amendement 95 donne une plus grande latitude au préfet pour accepter le regroupement familial, même si toutes les conditions ne sont pas remplies, dans le cas de personnes vulnérables comme les retraités et les handicapés. Cela servirait l’objectif d’intégration qui figure dans l’exposé des motifs, mais non dans le texte même du projet !

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Ce serait accepter que les ressources puissent être inférieures au SMICet donc revenir à la situation antérieure à la loi de 2006.

M. le Ministre – En pratique, cela supprimerait toute condition de ressources, c’est-à-dire l’inverse de ce que nous voulons faire. Rejet.

M. Noël Mamère – Non, car il est bien indiqué dans l’amendement qu’il concerne les personnes vulnérables, qui ne sont pas titulaires du SMIC mais par exemple du minimum vieillesse.

M. le Rapporteur – Ce n’est pas indiqué dans l’amendement, mais seulement dans l’exposé des motifs !

L'amendement 95, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Chantal Brunel – Les victimes de violences conjugales peuvent obtenir le renouvellement de leur titre de séjour si elles ont mis fin elles-mêmes à la communauté de vie. L’amendement 76 étend cette possibilité aux conjoints battus répudiés par le conjoint violent.

M. Étienne Pinte – Mon amendement 129 est identique.

M. le Rapporteur – Favorable.

M. le Ministre – Même avis. Sans doute ces amendements peuvent-ils faire l’unanimité.

Les amendements identiques 76 et 129, mis aux voix, sont adoptés.

ART. 3 (PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉ)

M. Jean-Claude Bouchet – Dans le prolongement des lois de 2003 et 2006, et conformément à l’engagement présidentiel, avec ce texte, nous terminons de rénover notre politique d’immigration dans ses différents aspects, en nous inspirant des principes de justice et d’humanité, de réalisme et de fermeté.

En légiférant par étapes, de la maîtrise des flux à l’intégration, nous avons, de façon pragmatique, réajusté avec le recul nécessaire certaines dispositions.

L’instauration du contrat d’accueil et d’intégration pour la famille, à l’article 3, est une étape essentielle. Elle n’a rien d’idéologique mais résulte de l’observation de la réalité. Dans le Vaucluse par exemple, élus locaux, acteurs sociaux, responsables éducatifs, savent combien il est difficile d’intégrer les familles et les dangers qui en résultent. Réussir l’intégration, c’est relever le défi de la cohésion sociale, contre la ghettoïsation, contre le développement de zones de non-droit dans lesquelles les repères familiaux, les codes sociaux, les principes de mixité, d’égalité des chances et de parité n’ont pas cours. Les premières victimes de l’échec en ce domaine sont les familles qui s’emploient à éduquer leurs enfants dans le respect des lois afin qu’ils s’élèvent par le travail et les études. Nous rencontrons tous des mères enfermées dans les schémas communautaires, des parents dépassés, qui s’en remettent parfois à leurs enfants pour certaines démarches, ce qui met en cause leur autorité.

Nous ne pouvons donc nous permettre de laisser se constituer une nouvelle génération de sacrifiés de l’intégration. Obliger à une certaine connaissance de la langue, des valeurs républicaines, des droits et des devoirs des parents est la condition préalable à l’intégration. Il ne s‘agit pas pour la famille de renoncer à sa culture d’origine, mais de s’ouvrir sur son pays d’accueil. Même si, grâce à tous les efforts consentis depuis des années, les choses se sont améliorées, le succès reste aléatoire. Il faut donc mobiliser toutes les énergies, face à des situations qu’il est parfois difficile de corriger. En effet, les dispositifs actuels jouent après l’installation sur notre territoire et relèvent de l’adhésion volontaire des familles.

Grâce à l’article 3, nous allons enfin nous donner les moyens de réussir l’intégration et de sanctionner la méconnaissance du contrat d’accueil et d’intégration. Il nous semble tout à fait justifié que l’on puisse mettre sous tutelle les allocations familiales, et je me réjouis que la commission ait adopté les amendements de M. Mariani, qui renforceront encore l’efficacité de ce dispositif.

Attendues par nos concitoyens et nécessaires pour compléter notre législation, toutes ces mesures contribueront à parachever notre politique d’immigration, qui doit tendre au bien-être de tous ceux qui souhaitent rejoindre notre pays, mais aussi de ceux qui y résident déjà. Voilà pourquoi je voterai l’article 3.

M. Noël Mamère – Cet article ne fait que renforcer la suspicion, puisque les parents d’enfants ayant bénéficié d’une mesure de regroupement familial devront respecter un nouveau contrat d’accueil et d’information, de nature familiale, qui comporte une formation sur les droits et les devoirs des parents en France.

Vous n’avez pas cessé, depuis 2003, de faire de l’étranger une figure indésirable. Vous franchissez aujourd’hui un nouveau palier en postulant que les étrangers seraient de mauvais parents (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP). Vous leur demandez en effet de remplir des conditions qui ne s’imposent pas aux parents français.

Les sanctions prévues révèlent en outre la nature répressive, inquisitoriale et discriminatoire de ce projet de loi. La suspension des allocations familiales sera vécue comme une punition, au risque de renforcer l’exclusion économique et sociale des familles concernées. Traditionnellement limitées aux seuls cas d’absentéisme, de trouble au bon fonctionnement des établissements scolaires ou de toute difficulté liée à une carence de l’autorité parentale, les différentes mesures qui peuvent être adoptées à l’encontre des familles pourront désormais être décidées dans le cas où le contrat d’accueil et d’intégration « familial » ne serait pas respecté. Un tel dispositif viole incontestablement l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui prohibe les discriminations, mais aussi son article 8, relatif au respect dû à la vie privée et familiale. Il s’agit d’une véritable intrusion de l’État dans la vie privée !

Vous bafouez également le principe d’égalité tel qu’il a été reconnu, le 22 janvier 1990, par le Conseil constitutionnel, puis appliqué par la Cour de cassation, qui a notamment condamné le fait d’exclure du bénéfice des allocations familiales les enfants entrés en France en dehors d’une procédure de regroupement familial, mesure qui a été qualifiée de discrimination par la HALDE et par la défenseure des enfants.

Ces deux autorités administratives indépendantes ont en outre demandé l’application de la recommandation adressée à la France, en juin 2004, par le comité de suivi des droits des enfants des Nations Unies, qui avait souligné la nécessité d’accorder de plein droit les prestations familiales lorsque les parents séjournent régulièrement en France.

Votre projet viole enfin l’article 3.1 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant…

M. le Rapporteur – C’est faux !

M. Noël Mamère – Les prestations familiales sont en effet versées pour l’enfant, afin de contribuer à son éducation et à son développement. Il est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant de prévoir la suspension de ces prestations, au seul motif que les parents ne respecteraient le contrat d’accueil et d’intégration. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’article 3.

M. le Président – Peut-on considérer, Monsieur Mamère, que vos propos valent défense de l’amendement 147, de suppression ? (Assentiment)

L'amendement 147, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 26 est rédactionnel.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère – L’amendement 235 est défendu.

L'amendement 235, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 60 est retiré.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 238 tend à remplacer la référence à l’« intégration républicaine de la famille dans la société française », expression dépourvue de sens, par l’organisation d’un accueil par les mairies, en relation avec les citoyens.

Avant de réformer une nouvelle fois le regroupement familial, il aurait mieux valu s’assurer que la procédure se déroule dans des conditions normales et respectueuses de la dignité de chacun. Il est inacceptable que le traitement des demandes prenne un an et demi, alors que le délai légal est de six mois. Difficiles à supporter pour les familles, de telles conditions sont dangereuses pour les conjoints de réfugiés.

Il n’est pas non plus acceptable que les consulats français mettent si souvent en doute l’authenticité des actes d’état civil de certains pays, et qu’ils refusent de délivrer des visas malgré l’accord donné au regroupement familial par les autres administrations françaises.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis. L’intégration républicaine ne correspondrait à rien ? C’est un grand point de désaccord entre nous…

L'amendement 238, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Lecoq – Les amendements 231 et 232 sont défendus.

Les amendements 231 et 232, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – Le président du conseil général pouvant demander la conclusion d’un contrat de responsabilité parentale si les stipulations du contrat d’accueil et d’intégration ne sont pas respectées, l’amendement 27 tend à ce qu’il soit informé de l’existence de ce dernier type de contrat.

M. le Ministre – Avis favorable. Nous aurons l’occasion de revenir plus tard sur ce sujet.

M. Noël Mamère – Je comprends mal à quoi sert cet amendement. Nous savons bien que la conception de l’intégration républicaine est à géométrie variable et il ne faut pas oublier que nous avons institué, avant les élections présidentielles, des conseils en charge de ces dossiers et que ce serait maintenant aux maires de désigner les familles qui s’intègrent mal. Décidément, vous tenez à laisser la main libre à des responsables locaux sans instaurer la moindre garantie ! En informant les présidents de conseils généraux de la conclusion des contrats, vous allez renforcer la politisation d’un dossier qui s’en passerait bien !

L’amendement 27, mis au voix, est adopté.

M. Serge Blisko – Le non-respect de l’une des clauses du contrat d’accueil et d’intégration ne justifie pas à lui seul la suspension des prestations familiales par le président du conseil général. Une telle mesure frapperait une fois de plus les plus fragiles ! Si, pour telle ou telle raison, le contrat échoue, il vaudrait mieux faire suivre la famille concernée par les services sociaux plutôt que de toujours brandir votre bâton ! La suspension des prestations familiales est une mesure exceptionnelle qui suppose une carence importante de l’autorité parentale, ce que n’est pas le non-respect du contrat d’accueil. D’où l’amendement 174.

M. Jean-Paul Lecoq – En effet, le non-respect du contrat d’accueil et d’intégration est sans rapport avec un manquement aux devoirs de l’autorité parentale, qui seul peut justifier la suspension des prestations familiales. C’est pourquoi nous défendons l’amendement 234, identique au 174.

M. le Rapporteur – Avis défavorable : toute obligation doit être accompagnée d’une sanction en cas de manquement.

M. le Ministre – Même avis. Si le contrat d’accueil et d’intégration reste lettre morte dans vos esprits, il est bien vivant dans les nôtres et, comme tout contrat, il comporte des droits et des devoirs.

M. Bruno Le Roux – Voici une initiative dangereuse qui aboutira, en matière d’allocations familiales, à l’apparition d’un régime spécial « immigrés ». Si l’obligation scolaire est valable pour les Français comme pour les étrangers, le motif de suspension des prestations que vous créez ne vaut que pour ces derniers. Ils courront donc le risque de perdre le bénéfice de leurs prestations, quand bien même le non-respect de leur contrat d’accueil n’aurait aucune conséquence sur la scolarité de leur enfant ! Vous mettez là le doigt dans un engrenage dangereux…

Mme Marylise Lebranchu – Qui plus est, comment pourrez-vous qualifier juridiquement ce non-respect du contrat d’accueil et d’intégration ? Les règles qui régissent l’autorité parentale sont très complexes, et il y a fort à parier que même les familles françaises ne les connaissent pas toutes parfaitement. Si le contenu du contrat d’accueil était connu, nous pourrions éventuellement en discuter, mais, en l’état, comment définirez-vous la faute ? J’ajoute que l’on peut faire appel d’une suspension des allocations. Ce ne sera pas le cas ici : comment, en effet, fonder un appel d’une suspension elle-même infondée ? Juridiquement, cette mesure est irrecevable.

Les amendements identiques 174 et 234, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Claude Bodin – L’amendement 66 vise à conforter l’obligation de respecter le contrat d’accueil. Afin que les sanctions en cas de non-respect soient rapides et efficaces, l’intervention du préfet auprès du président du conseil général est nécessaire.

M. le Rapporteur – L’amendement 210 est retiré.

M. Charles de la Verpillière – En cas de non-respect du contrat d’accueil, le préfet saisira le président du conseil général qui signera avec la famille un nouveau contrat, le contrat de responsabilité parentale, et, en cas de nouvel échec, saisira à son tour le procureur de la République pour demander la suspension des prestations. C’est un dispositif inefficace qui fait se succéder deux contrats avant la prise de mesures curatives et confie au président d’une autorité décentralisée un rôle dans un processus où l’État devrait être présent du début à la fin.

C’est pourquoi je propose par l’amendement 57 rectifié de confier au seul préfet la tâche de demander la suspension des prestations familiales et de saisir le procureur en cas d’infraction pénale. Il pourra cependant informer le président du conseil général de son action, afin de garantir la bonne coordination des services départementaux.

M. le Rapporteur – La commission avait d’abord repoussé ces deux amendements mais, compte tenu des explications convaincantes de M. de la Verpillière, je suis tenté de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

M. le Ministre – M. Bodin souhaite impliquer davantage le président du conseil général alors que M. de la Verpillière souhaite l’écarter. Consultée, l’association des départements français n’a émis aucune réserve quant au dispositif en l’état. Néanmoins, je comprends le souci de M. de la Verpillière : c’est la responsabilité de l’État qui est engagée. Comme le rapporteur, je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée sur son amendement.

M. Serge Blisko – Le préfet doit-il vraiment court-circuiter le président du conseil général ? J’en profite pour remarquer que, de nouveau, vous enfermez les familles dans un monde très dur. M. Bodin semble même être atteint d’une pathologie de la sanction… Cette surenchère répressive ne fera qu’accabler les services administratifs de tâches qu’ils n’ont pas vocation à accomplir. Soyons raisonnables, et ne sanctionnons que ce qui peut l’être – l’absentéisme scolaire, par exemple. Le non-respect d’un contrat d’accueil, en revanche, peut être dû à une maladie dans la famille, ou à un problème d’emploi du temps, ou encore à l’isolement géographique. Ne serait-il pas souhaitable d’enquêter sur la situation des familles avant de demander au procureur de couper les prestations ?

Mme Marylise Lebranchu – Je n’ai pas bien compris la position du ministre. Je ne pense pas que le préfet puisse prendre une telle décision sans en référer au président du conseil général, en dehors des cas où une procédure judiciaire est en cours. Il faut être plus précis si on veut que ce texte soit applicable !

Il arrive en outre – et ces cas seront nombreux – que des gens ne se rendent pas au bon endroit, ou aient tellement peur de prendre des risques qu’ils ne répondent pas aux convocations. Est-ce un motif suffisant pour supprimer les allocations familiales et mettre les enfants en difficulté ?

M. le Ministre – Il n’est pas question que le préfet décide unilatéralement : il saisit simplement un magistrat qui constate que le contrat n’est pas respecté.

M. Hervé Féron – Nous sommes là sur le délicat problème de l’accompagnement à la fonction parentale. En proposant aux familles un contrat dont le non-respect peut entraîner des sanctions, on stigmatise les parents concernés en les désignant comme de mauvais parents potentiels. Mais qui peut affirmer qu’il ne rencontrera jamais de problèmes avec son enfant ? Il est si difficile d’exercer cette fonction parentale… Au lieu de stigmatiser ces parents, donnons donc des moyens à l’éducation nationale et aux services sociaux, créons des espaces où les parents en difficulté peuvent se faire aider.

L'amendement 66, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 57 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 233 est défendu.

L'amendement 233, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 28 rectifié est défendu.

L'amendement 28 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L’ARTICLE 3 (AMENDEMENTS PRÉCÉDEMMENT RÉSERVÉS)

M. le Ministre – Nous croyons à l’intégration par le travail. Aussi l’amendement 255 propose-t-il de rendre obligatoire le bilan de compétences professionnelles prévu dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration. Vous savez que le taux de chômage des immigrés est presque trois fois supérieur à celui de l’ensemble de la communauté nationale. Il est donc urgent de prendre cette initiative.

M. le Rapporteur – Favorable.

Mme George Pau-Langevin – Un étranger qui vit en France régulièrement a les mêmes droits qu’un Français. Dès lors, pourquoi prévoir une disposition spécifique pour les étrangers ? Je n’en vois pas l’intérêt, même si je n’y suis pas opposée.

Vous semblez d’autre part insinuer que si les étrangers sont au chômage, c’est de leur faute, en oubliant que grande est la diversité des situations. Il y a des ouvriers âgés qui sont au chômage parce qu’ils ne sont plus aptes à travailler ou qu’ils ont été licenciés ; il y a des jeunes diplômés à qui l’on refuse de confier les emplois auxquels ils peuvent prétendre. Si l’on veut vraiment lutter contre le chômage des immigrés, bien d’autres mesures que celle-ci peuvent être prises. Cela étant, nous voterons cet amendement – mais le problème est plus complexe que vous ne le dites.

M. Éric Ciotti – Votre conclusion me rassure, chère collègue ! Le groupe UMP se félicite de cet amendement qui illustre parfaitement la philosophie du texte : favoriser l’intégration des étrangers et leur offrir les conditions d’un épanouissement personnel.

L'amendement 255, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 29 demande que le préfet prenne en compte le non-respect manifeste du contrat d’accueil et d’intégration au moment du renouvellement de la carte de séjour. Il pourra néanmoins renouveler celle-ci s’il l’estime opportun.

Mme George Pau-Langevin – Le sous-amendement 187 propose d’insérer le mot « notamment » après les mots « tient compte », afin de ne pas enserrer l’administration dans un carcan.

M. le Rapporteur – Défavorable. Honnêtement, je ne vois pas de quoi d’autre on peut tenir compte pour le renouvellement de la carte.

Mme George Pau-Langevin – Si vous saviez, Monsieur Mariani… (Sourires)

M. le Ministre – Avis favorable à l’amendement 29 et défavorable au sous-amendement 187.

Le sous-amendement 187, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 29, mis aux voix, est adopté.

ARTICLE 5

M. Noël Mamère – Cet article 5 a trait à ce que vous appelez les « valeurs de la République ». Il s’agit de préciser les modalités d’évaluation de l’insertion de l’étranger dans la société française, condition exigée par la loi du 24 juillet 2006 pour pouvoir revendiquer son appartenance à cette catégorie juridique aux contours assez vagues.

Cette loi de juillet 2006 dispose qu'une carte de séjour temporaire est délivrée aux personnes étrangères qui justifient de liens personnels et familiaux, au regard de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ces liens, de leurs conditions de vie et de leur insertion sur le territoire français. Le projet qui nous est soumis ajoute que cette insertion serait évaluée en tenant compte de leur connaissance « des valeurs de la République ». Les précédentes lois sur l'immigration prenaient déjà les choses à rebours en subordonnant la délivrance d’une carte de résident à l’intégration dans la société française au lieu de considérer que l'accès à la carte de résident permet précisément cette intégration. Le paradoxe fait tache d’huile, puisqu’il faudra désormais commencer par apprendre « les valeurs de la République » pour pouvoir être régularisé !

Par ailleurs, que recouvre la notion de « valeurs de la République », qui remplace opportunément celle de « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » contenue dans la dernière loi sur l'immigration sur laquelle le Conseil constitutionnel avait émis une réserve d'interprétation dans sa décision du 20 juillet 2006 ? Cette notion floue, totalement subjective, renforcera l'inégalité de traitement et le risque d'arbitraire. Des demandes de régularisations pourront être aisément rejetées pour « défaut d'insertion » laissant les intéressés dans la clandestinité et anéantissant du même coup leurs possibilités d'intégration.

Cet article doit être retiré.

M. Hervé Féron – Du contrôle des connaissances aux tests ADN, ce projet suscite un profond malaise. Il succède, sans d’autres raisons que de flatter les extrêmes, à d’autres lois discriminantes, et la mise au point d’un parcours du combattant – du combattu ? – pour des enfants qui ne demandent qu’à faire valoir leur droit de retrouver leur famille constitue en réalité l’organisation méthodique d’une sélection économique. Usons donc de cette langue française que vous, les Français de souche, plus blancs que blancs (Exclamations et protestations sur les bancs du groupe UMP), les sommez d’apprendre, pour leur expliquer ce que vous voulez exactement ! S’il s’agit de leur enseigner ce qu’est la France, enseignez-leur les valeurs républicaines qui ne sont pas toujours mises en pratique, la culture d’un pays qui les accueillera à bras ouverts… s’ils ont réussi à surmonter les obstacles que vous multipliez ! Enseignez-leur Albert Einstein, pour qui « le nationalisme est une maladie infantile, la rougeole de l’humanité » ! Enseignez-leur Malraux, pour lequel l’humanisme est de dire « Nous avons refusé ce que voulait en nous la bête » ! Enseignez-leur Jaurès disant « Quel que soit l’être de chair et de sang qui vient à la vie, s’il a figure d’homme, il porte en lui le droit humain » ! Du droit humain, parlons-en, quand cet article additionnel bafoue la Convention internationale de droits de l’enfant et piétine les droits de la famille !

J’aime mon pays, et j’aime la langue française quand elle est celle de la Déclaration des droits de l’homme, lorsqu’elle parle de dignité et d’humanisme. Sur aucun banc on ne devrait pouvoir voter cet article nauséabond ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez beau nier l’évidence, Monsieur le ministre, le test ADN servira à ficher,… (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. le Rapporteur – C’est faux !

M. Hervé Féron – …sinon pourquoi l’instituer ? Il humiliera en violant l’intimité génétique par le biais d’un dispositif compliqué et onéreux. Il sera discriminant, puisqu’en France la paternité se déclare et se reconnaît, mais ne se prouve pas. Les candidats au regroupement familial seront triés, comptés comme on compte les bêtes (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). D’autres pays européens appliqueraient déjà de telles pratiques ? Et alors ? Qu’y a-t-il de honteux à être plus humanistes que d’autres ? Notre assemblée se grandirait aux yeux du monde si elle refusait aujourd’hui une idée aussi terrible que celle que vous nous soumettez (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine).

Mme George Pau-Langevin – Cet article permet, mieux que d’autres peut-être, de comprendre votre conception de l’étranger au sein de la société française. Il montre aussi qu’en réalité vous doutez de la capacité de rayonnement de la France, de l’adhésion qu’emportent les valeurs authentiquement républicaines. Si des étrangers veulent s’installer durablement en France, n’est-ce pas qu’ils ont de notre pays une idée positive ? Or vous réduisez cette adhésion à une démarche vénale, vous les suspectez d’emblée de motifs vils – venir soutirer quelque argent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – Je n’ai jamais dit cela !

Mme George Pau-Langevin – Comment peut-on être aussi frileux, et comment peut-on prétendre ignorer ceux qui sont venus, en si grand nombre et de tous lieux, défendre la République ? Rappelez-vous toutes les petites Africaines baptisées Madelon au lendemain de la première guerre mondiale ! Cessez de ne vous représenter les étrangers que comme des profiteurs ! Ce n’est pas par des examens que vous emporterez l’adhésion aux valeurs de la République mais en montrant que la République est respectueuse des droits de la personne. Supprimez cet article qui n’a pas de sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)

M. Serge Blisko – Je suis très tourmenté (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) par cet article dont Mme Pau-Langevin a montré ce qu’il a de choquant, ce avec un sens de la mesure que l’on ne retrouve pas toujours sur d’autres bancs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Auriez-vous exigé des étrangers venus combattre pour la France qu’ils sachent le français ? À ce jour encore, certains légionnaires très âgés sont difficilement compréhensibles ! A-t-on fait passer un test aux dizaines de milliers d’étrangers qui se sont enrôlés dans l’armée française lors de l’invasion allemande, avant de les verser dans une unité combattante en 1939 ? S’est-on soucié des connaissances linguistiques des indigènes qui, en 1942 et 1943 ont répondu à l’appel gaullien ? (« Ils étaient Français ! » bancs du groupe UMP) Non, Messieurs, ils n’étaient pas Français, puisque vos prédécesseurs avaient refusé aux musulmans d’Algérie le bénéfice du projet de statut Blum-Violette, et il a fallu la toute récente décision de M. Chirac pour que la décristallisation des pensions leur soit acquise ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Un député du groupe UMP – Ce que Mitterrand avait oublié de faire !

M. Serge Blisko – Tous ces étrangers dont nous honorons la mémoire le 8 mai, ces Républicains espagnols parmi les premiers libérateurs de Paris, le 25 août 1944, les FTP-MOI, tous ceux-là avaient-ils réussi des tests de français ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous pouvez ricaner, je ne suis pas certains que vous soyez bien respectueux de leur mémoire (Protestations sur les mêmes bancs) et, en guise de remerciement pour le sang versé, vous faites preuve d’une sidérante étroitesse d’esprit. Combien de Français d’origine étrangère ont rejoint le général de Gaulle alors que de prétendues élites se contentaient de collaborer ou se cantonnaient dans l’attentisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) Ce sont ceux-là que vous insultez !

Monsieur Ciotti, êtes-vous sûr que ceux qui ont débarqué en Provence le 15 août 1944 étaient de la bonne couleur ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Je ne fais que rappeler des faits et vos cris n’y changeront rien (Mêmes mouvements).

En stigmatisant les étrangers, en leur imposant tous ces tests – je ne parle pas des harkis, nombreux dans votre circonscription, Monsieur Ciotti : combien sont morts après 1962 parce qu’ils avaient défendu la France ? Comment les avez-vous traités dans les camps ?

M. Dominique Tian – Demandez son avis sur le sujet à M. Frêche.

M. Serge Blisko – La vérité est que la liberté de notre pays a été payée du sang d’étrangers aussi bien que de Français. Cela, vous ne pouvez pas l’oublier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Jean-Pierre Soisson – Monsieur Blisko, j’ai commandé en Algérie une harka. Nombreux sont les membres de celle-ci qui ont payé de leur sang le droit d’être Français. Vos propos sur les indigènes sont inacceptables. Ils sont proprement déshonorants dans cette Assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Être Français, comme l’a dit le ministre, ce n’est pas être blanc ou noir, chrétien ou musulman, c’est défendre les valeurs de la République. Et nous sommes ici quelques-uns prêts à nous battre farouchement pour défendre ces valeurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. Serge Blisko – Ayant été mis en cause personnellement, je demande la parole.

M. le Président – Vous l’aurez tout à l’heure.

Je vous informe que je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public sur le vote de l’article 5. Nous en venons aux amendements déposés sur cet article.

M. Noël Mamère – Chers collègues de droite, ce qu’a dit Serge Blisko sur les indigènes est tout à fait juste. Une grande partie de ceux que notre pays avait colonisés ont en effet été tenus pour des sous-citoyens, et il ne faut pas s’étonner qu’aujourd’hui dans notre pays, certains Français se considèrent toujours comme des étrangers, des indigènes de la République, vu la considération qu’on leur porte.

Nous demandons par notre amendement 149 la suppression de cet article 5. Nous estimons en effet que vous jouez aux apprentis sorciers en amalgamant la question des valeurs de la République à celles de l’immigration et de l’identité nationale. Comme l’a fort excellemment rappelé Serge Blisko, combien d’hommes et de femmes ont versé leur sang pour notre pays, alors même qu’ils n’étaient pas Français, mais simplement parce qu’ils croyaient à la liberté et aux idéaux de 1789 ! (« Caricature ! » sur les bancs du groupe UMP) Nous n’avons pas le droit de traiter les étrangers comme des indésirables ou des citoyens de seconde zone. Un pays qui se referme sur lui-même se meurt, un pays qui tient les étrangers pour autant de menaces est voué à péricliter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche). Nous refusons la spirale dans laquelle vous engagez notre pays et qui conduira à la destruction de notre pacte social (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche).

M. le Rapporteur – Afin de mieux préciser les critères d’attribution de la carte de séjour « vie privée et familiale », le projet de loi complète le premier paragraphe de l’article 311-7 du code de séjour des étrangers. L’intégration dans la société française sera évaluée en tenant compte de la connaissance par le demandeur des valeurs de la République, comme il est logique. La référence aux « valeurs de la République » n’est d’ailleurs pas nouvelle dans ce code, l’article 311-9 les précisant : égalité entre les sexes, laïcité, interdiction des discriminations sous toutes leurs formes… Nous pouvons légitimement estimer qu’une personne ignorant ces valeurs n’a pas fait la preuve d’une intégration satisfaisante dans notre société.

Pour le reste, M. Blisko a parlé tout à l’heure de la Légion étrangère. Qu’il me permette de lui rappeler que Mme Guigou, lorsqu’elle était ministre de la justice, avait refusé que la nationalité française soit accordée aux légionnaires blessés au combat, comme la droite le lui proposait alors – c’était à l’occasion du premier rapport que j’ai présenté dans cette Assemblée. Voilà qui redonne leur juste valeur à vos grands discours d’aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Enfin, pour avoir un régiment de la Légion étrangère dans ma circonscription, je sais que l’on commence par envoyer tous les jeunes engagés à Castelnaudary où on leur apprend en premier lieu le français, car pour commander des troupes, il faut une connaissance minimale de notre langue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre – Nous voulons, nous, que les étrangers puissent apprendre et partager les valeurs de la République quand vous ne proposez, vous, que dispenses et dérogations. Le Gouvernement est donc naturellement défavorable à cet amendement.

M. Serge Blisko – Un mot sur la Légion étrangère, Monsieur Mariani (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Les étrangers qui, dès le 1er septembre 1939, étaient volontaires pour défendre la France face à l’Allemagne, ont été versés dans les régiments dits de marche des volontaires étrangers, sans qu’on leur demande s’ils savaient le français ni qu’on le leur apprenne. Cet engagement valait automatiquement naturalisation, possibilité supprimée en 1940 par le gouvernement de Vichy – je sais de quoi je parle puisque mon père, engagé au 23ème régiment de marche des volontaires étrangers, a été naturalisé en 1939 puis « dénaturalisé » en 1940. La France n’a donc pas toujours traité les volontaires étrangers avec les égards dont vous parlez (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Pourquoi vous exclamez-vous ? Ce sont des faits, mais vous refusez de regarder l’histoire de notre pays en face.

Pour le reste, car il n’y a pas que les guerres, lorsqu’on a fait venir des Polonais pour travailler dans les mines ou des Italiens dans la sidérurgie, ou d’autres encore pour les travaux agricoles, on ne leur a pas demandé s’ils parlaient français, s’ils connaissaient les valeurs de la République et on ne leur a pas imposé de tests génétiques. À force d’oublier notre histoire, vous vous engagez sur la pente fatale du refus de l’étranger et du repli sur soi.

L'amendement 149, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Paul Lecoq – L’amendement 244, de repli, tend à rédiger comme suit l’alinéa 2 : « L’accueil de l’étranger dans la société française se fera par une présentation des éléments fondant la démocratie de la République. » Le Gouvernement devrait, s’il est cohérent, y être favorable.

M. le Rapporteur – Cette proposition me laisse perplexe car j’en perçois mal le sens. Cela fait déjà partie de la formation civique prévue dans le contrat d’accueil et d’intégration. Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 244, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme George Pau-Langevin – Il est bien difficile de définir les « valeurs de la République ». À évoquer certains épisodes de notre histoire, on suscite, comme on vient de le voir, de très vives réactions, comme si certains souhaitaient oublier notre histoire commune. Lorsque M. Blisko a parlé du film Indigènes, il n’a traité personne « d’indigène ». Il a seulement évoqué un film si marquant que le Président de la République de l’époque lui-même s’en est ému et a mis un terme à d’intolérables injustices. Ce qui est choquant n’est pas le terme d’indigène, mais que dans un pays dont la devise est « Liberté, égalité, fraternité », on ait créé plusieurs catégories de citoyens et effectivement traité les indigènes comme des sous-citoyens.

Il est à la mode de dire qu’il n’y a pas lieu de faire repentance. Mais ne réécrivons pas pour autant l’histoire, en rebaptisant les catégories juridiques passées. Une instance officielle doit effectivement définir le corpus des valeurs de la République ; un décret en conseil d’État me semble offrir les garanties suffisantes pour que cela ne soit pas laissé à l’arbitraire de tel ou tel. Tel est le sens de l’amendement 190.

J’ajoute que je suis étonnée que l’on exige des étrangers de connaître ces valeurs, lorsque nos enfants les apprennent si peu dans les écoles françaises (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Il est paradoxal de vouloir définir dans un décret des valeurs qui figurent dans la Constitution. La création, aux articles premier et 4, d’une commission chargée de définir le corpus des questions devrait vous donner satisfaction.

M. le Ministre – Même avis.

Mme George Pau-Langevin – Si vous faites du préambule de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme la matière du test, je suis d’accord. Mais alors, pourquoi aurions-nous besoin d’une commission qui définirait les textes que tout le monde connaît, ou peut connaître ?

L'amendement 190, mis aux voix, n'est pas adopté.

À la majorité de 101 voix contre 31 sur 132 votants et 132 suffrages exprimés, l’article 5 est adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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