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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 26 novembre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

1. Développement de la concurrence au service des consommateurs (nos 351, 412)

MM. Jean Gaubert, le président.

Article 1er

MM. Lionel Tardy, Jean Gaubert, André Chassaigne, Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

Amendement n° 72 : M. Antoine Herth. – Retrait.

Amendement n° 176 avec le sous-amendement n° 326 : MM. Antoine Herth, Michel Raison, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le secrétaire d’État, François Brottes. – Rejet du sous-amendement n° 326 ; adoption de l’amendement n° 176.

Amendement n° 299 : M. André Chassaigne. – Rejet.

Amendement n° 20. – Adoption.

Amendement n° 164 : MM. Lionel Tardy, le rapporteur, le secrétaire d’État, Jean Gaubert, Jean Dionis du Séjour, Jean-Paul Charié. – Rejet.

Amendement n° 126 : MM. Jean Gaubert, le rapporteur, le secrétaire d’État, François Brottes. – Rejet.

Amendement n° 298 : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le secrétaire d’État, Mme Corinne Erhel, M. Jean Dionis du Séjour. – Rejet.

Amendements nos 21 et 63 : MM. le rapporteur, Jean-Paul Charié, le secrétaire d’État, Jean Gaubert, Jean Dionis du Séjour. – Adoption de l’amendement n° 21 ; l’amendement n° 63 tombe.

Adoption de l’article 1er modifié.

MM. Jean Gaubert, Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques ; le secrétaire d’État.

Après l'article 1er

Amendement n° 129 : MM. Jean Gaubert, François Brottes. – Rejet.

Amendement n° 73 : MM. Antoine Herth, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.

Amendement n° 296 : M. André Chassaigne. – Rejet.

Amendement n° 297 : MM. André Chassaigne, le rapporteur, le secrétaire d’État, Jean Dionis du Séjour, Jean-Paul Charié. – Retrait.

Article 2

MM. Jean Dionis du Séjour, Jean Gaubert, Jean-Yves Le Déaut, André Chassaigne.

Amendement de suppression n° 128 : MM. François Brottes, le rapporteur, le secrétaire d’État, Lionel Tardy, Jean Gaubert. – Rejet.

Amendement n° 148 rectifié : MM. François Brottes, le rapporteur, le secrétaire d’État, Jean-Yves Le Déaut. – Rejet.

Amendement n° 216 : MM. Jean Dionis du Séjour, le rapporteur, le secrétaire d’État, Jean-Paul Charié, Jean Gaubert. – Rejet par scrutin.

Amendements identiques nos 23 et 157 : M. Lionel Tardy. – Retrait de l’amendement n° 157 ; adoption de l’amendement n° 23.

Amendements nos 24 et 153 : Retrait de l’amendement n° 153 ; adoption de l’amendement n° 24.

Amendement n° 133 : Jean Gaubert. – Rejet.

Amendements nos 66 et 214 : Jean-Paul Charié, Jean Dionis du Séjour, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retraits.

Amendement n° 163 : M. Lionel Tardy. – Retrait.

Amendement n° 25. – Adoption.

Amendements n° 26 rectifié et 67 : MM. le rapporteur, Jean-Paul Charié, le secrétaire d’État, Jean Gaubert. – Retrait de l’amendement n° 67 ; adoption de l’amendement n° 26 rectifié.

Amendement n° 158 : MM. Lionel Tardy, le rapporteur, le secrétaire d’État, Jean Gaubert, Jean-Paul Charié. – Retrait.

Amendement n° 27 : MM. Jean-Paul Charié, le rapporteur, le secrétaire d’État, le président de la commission, Jean Gaubert. – Retrait.

M. Jean Gaubert.

Suspension et reprise de la séance

MM. le secrétaire d’État, Jean-Paul Charié.

Amendement n° 134 : MM. Jean Gaubert, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Retrait.

Amendement n° 2 : MM. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis de la commission des lois ; le secrétaire d’État, Jean Gaubert, Jean Dionis du Séjour. – Rejet.

Adoption de l’article 2 modifié.

Après l'article 2

Amendements nos 269 et 267 : MM. Jean Gaubert, le rapporteur, le secrétaire d’État, Jean-Paul Charié. – Rejet de l’amendement n° 269.

MM. François Brottes, le rapporteur, le secrétaire d’État. – Rejet de l’amendement n° 267.

2. Ordre du jour des prochaines séances.

Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente-cinq.)

1

Développement de la concurrence
au service des consommateurs

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs (nos 351, 412).

Cet après-midi, l’Assemblée s’est arrêtée à l’article 1er.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je tiens à vous faire remarquer, monsieur le président, que nous n’avons disposé que d’une heure dix depuis la fin de la dernière séance. Il nous semble préférable de nous en tenir à une pause d’une heure et demie entre deux séances, comme il est d’usage. Mais si, à l’avenir, nous revenons à cette règle, nous ne vous tiendrons pas rigueur de cette erreur !

M. le président. Monsieur Gaubert, j’avais indiqué à un représentant de votre groupe – M. Le Déaut, pour ne pas le nommer – que nous reprendrions la séance à vingt et une heures trente-cinq.

M. Jean Gaubert. Il ne nous a pas prévenus !

M. le président. Si vous ne communiquez pas entre vous, je n’y suis pour rien ! (Sourires.)

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme, mes chers collègues, la réforme du seuil de revente à perte est un serpent de mer. Si certains veulent le réformer, d'autres veulent purement et simplement le supprimer.

Je pense pour ma part qu'il faut le conserver parce qu’il protège les fournisseurs et offre un cadre clair aux négociations commerciales. En outre, il faut distinguer les différentes situations au sein du monde de la distribution : le petit commerce ne connaît évidemment pas les mêmes problèmes que la grande distribution. Le petit commerçant n'a pas les mêmes pouvoirs de négociation, ni la même capacité à répercuter les baisses de prix consenties sur un produit d'appel, ses références étant bien moins nombreuses que celles de la grande distribution.

L'instauration du triple net est une bonne chose car il est plus lisible et plus aisé à mettre en œuvre. Il faut simplifier au maximum…

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Très juste !

M. Lionel Tardy. … et éviter des montages savants qui risqueraient de se révéler de véritables usines à gaz.

J'espère que cette loi marquera le point d'aboutissement de la réforme du seuil de revente à perte et que l’on en restera là pour un certain temps. Le monde des affaires a besoin de règles stables et claires, ce qui n'a guère été le cas ces derniers mois, voire ces dernières années.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Avec cet article, nous abordons enfin le projet de loi proprement dit, car jusqu’ici les amendements examinés concernaient un certain nombre de sujets que le Gouvernement ne souhaitait pas inclure dans ce texte.

Sur le seuil de revente à perte, je partage l’avis de mon collègue Tardy. Il est en effet indispensable de définir un seuil pour ne pas mettre en péril l’équilibre du commerce dans notre pays. Mais il faut se mettre d’accord sur cette définition. Car si l’on ne tient compte, comme vous le proposez, que du prix d’achat net d’avantages consentis, et auquel on ajoute les taxes et les frais de transport, c’est faire bien peu de cas des charges de structure. Quid des charges incompressibles du magasin, notamment des salaires du personnel, aussi mal payé soit-il – et jusqu’à présent, personne n’a encore proposé de ne pas le payer du tout ? Pourquoi ne tenez-vous pas compte de ces charges ?

Avec votre définition, nous sommes en dessous du seuil de revente à perte, et vous autorisez ainsi le dumping. Les grandes enseignes – multidisciplinaires – auront les moyens de tuer un magasin qui n’offre qu’un seul type de produit. Un hypermarché avec 120 000 références peut très bien faire disparaître un magasin d’articles de sport qui propose 5 000 références : il lui suffit d’appliquer le seuil de revente à perte pendant six mois sur ces 5 000 articles.

Il est donc important de faire porter le débat sur le niveau du seuil de revente à perte car, sur le principe, nous sommes d’accord. Or, pour le moment, vous ne proposez qu’un filet de protection qui ne garantit pas l’équilibre des relations commerciales.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’article 1er du projet de loi est catastrophique, à la fois pour le petit commerce, concurrent de la grande distribution, et pour les fournisseurs des distributeurs. Quand je parle de fournisseurs, je pense non seulement aux petites et moyennes entreprises, mais aussi aux producteurs agricoles.

La loi Galland de 1996 visait à protéger le petit commerce en empêchant les grandes surfaces de répercuter la totalité des ristournes et des rémunérations des prestations commerciales consenties par leurs fournisseurs sur le prix de vente au consommateur. Certes, la loi Galland n’a pas atteint tous ses objectifs, mais elle a été protectrice et a permis le maintien d’un tissu de l’artisanat et du commerce alimentaire de proximité.

M. Jean-Paul Charié. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Quelles peuvent être les conséquences du présent projet de loi ? Le Gouvernement, en proposant, sous l’influence de la grande distribution, de réintégrer la totalité des marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte, veut en réalité revenir à la pratique des prix d’appel prédateurs dénoncés avant 1996. Il ne fait ainsi que généraliser les dérives déjà contenues dans la loi sur les PME en 2005 en remettant en cause le seuil de 20 % que vous aviez vous-même fixé, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez rapporteur du projet.

Par cette disposition, le seuil de revente à perte diminuera de façon dramatique, entraînant une chute brutale des prix, qui aura des conséquences très graves sur les petites et moyennes entreprises, mais aussi sur les entreprises de distribution et l’emploi alors même que l’on envisage de supprimer les restrictions à l’implantation des grandes surfaces. La guerre des prix risque de conduire à la disparition du petit commerce de proximité qui, ne disposant pas de la manne des marges arrière, ne pourra faire face aux prix d’appel.

Je voudrais rappeler que l’artisanat et le commerce alimentaire de proximité représentent encore 25 % de parts du marché du secteur alimentaire, et emploient 428 000 personnes contre 636 000 pour la grande distribution.

Si la grande distribution n’a créé que 1 200 emplois nets en 2006, le plus souvent à temps partiel et sous-qualifiés, l’artisanat et le commerce alimentaire de proximité ont créé 3 600 emplois, selon les chiffres de la fédération des entreprises du commerce et de la distribution.

Rappelons aussi que le petit commerce contribue à favoriser l’aménagement du territoire et la sociabilité en zone rurale, mais aussi urbaine, alors que le développement des zones commerciales va de pair avec la rurbanisation de nos territoires.

Quelles seront les conséquences pour les consommateurs ? À terme, seule la grande distribution pourra augmenter ses prix de vente, d’autant plus facilement qu’il n’y aura plus aucune concurrence entre les distributeurs dans la zone de chalandise, où les grands réseaux de distribution, de plus en plus concentrés, disposeront d’un monopole de fait.

Mon collègue Daniel Paul m’a ainsi expliqué qu’au Havre, dont il est élu, la grande surface Carrefour avait été rachetée par Auchan, qui règne désormais en maître sur la ville.

Le consommateur ne profitera pas à terme des bénéfices qu’il aura pu obtenir dans un premier temps. D’une part, il paiera un prix identique, voire plus élevé ; d’autre part, il sera obligé d’utiliser sa voiture pour faire ses courses à plusieurs kilomètres de son domicile, avec pour conséquence une augmentation de ses dépenses en carburant et un accroissement de la pollution, en contradiction avec les engagements du Grenelle de l’environnement. Mais je pense aussi aux difficultés qu’éprouveront les personnes âgées pour s’approvisionner, loin de chez elles, dans des grandes surfaces labyrinthiques.

M. Jean-Paul Charié. Il n’y a pas grand-chose à retrancher de ce qui est dit là !

M. André Chassaigne. Par ailleurs, peut-on parler d’augmentation du pouvoir d’achat sans prévoir une augmentation de salaires et une relance de l’économie ? Je ne reviendrai pas sur les propos que j’ai déjà tenus…

M. Jean-Paul Charié. Ce n’est pas la peine, jusque là, ce n’était pas mal. (Sourires.)

M. André Chassaigne. Toujours est-il que votre vision de l’économie ne repose que sur le court terme. Le Gouvernement répond à une demande forte d’augmentation du pouvoir d’achat exprimée dans notre pays, non pas en agissant sur les salaires, mais en ayant recours à un artifice : à court terme, votre politique aboutira sans doute à une baisse, minime, des prix, mais, à moyen terme, elle aura des conséquences que vous ne mesurez même pas.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur, vous qui êtes agriculteur et militant syndical, ne pensez-vous que celles-ci seront terribles pour les producteurs de biens alimentaires ? Et je ne parle pas de l’impact sur les petites et moyennes entreprises, auxquelles nous sommes tous si attachés.

On comprend donc pourquoi ce projet de loi exige un examen attentif : s’il peut donner satisfaction dans l’immédiat, il risque à plus long terme d’avoir des effets catastrophiques pour les fournisseurs et pour les consommateurs.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Alors que nous abordons l’examen de l’article 1er, si important pour la réforme des relations entre l’industrie et le commerce, j’aimerais répondre aux différents orateurs pour les ramener à la réalité.

Je dois dire, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que j’ai du mal à vous comprendre. Vous affirmez qu’il faut améliorer le pouvoir d’achat des Français et vous vous opposez à la mesure qui permet de réduire les prix des produits de grande consommation, sans coûter un centime au budget de l’État.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. M. le ministre a raison !

M. André Chassaigne. C’est illusoire !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je rappellerai à M. Chassaigne qui qualifie la baisse prévue de « minime », que la première étape de la réforme de la loi Galland, adoptée par la majorité en 2005, a permis une baisse des prix des produits de grandes marques de 3,4 % et que nos services évaluent à 2,5 milliards d’euros par an les restitutions de pouvoir d’achat qui seront obtenues grâce à la deuxième étape de la réforme, et cela malgré d’éventuelles augmentations des matières premières évoquées ces dernières semaines.

Et j’ai d’autant plus de mal à vous suivre que le premier secrétaire du parti socialiste – que j’écoute avec beaucoup d’attention en ce moment car, chose rare, il fait des propositions –, …

M. Jean Dionis du Séjour. C’est nouveau !

Mme Laure de La Raudière. Il faut le féliciter !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …a demandé que soit répercutée, au bénéfice des consommateurs, la totalité des avantages commerciaux obtenus par les distributeurs, ce que nous prévoyons précisément dans ce projet de loi. Dès lors, je m’étonne qu’il ne soit pas ici pour adopter avec vous l’article 1er.

Par ailleurs, monsieur Gaubert, nous n’obligeons pas tous les distributeurs à vendre tous les produits au niveau du seuil de revente à perte.

M. Jean Gaubert. C’est la tout le problème !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Nous améliorons leurs possibilités de faire du commerce. Et je m’étonne que certains d’entre eux expriment encore des réclamations en ce sens car, depuis deux ans, grâce à la première étape de la réforme votée en 2005, l’écart des prix entre les différentes enseignes s’est à nouveau accentué et la concurrence s’est accrue, au bénéfice des consommateurs, la moyenne de 3,4 % que j’évoquais recouvrant des baisses de 2 % à 5 %. Et, comme ce texte l’indique très clairement, nous continuons à réintroduire de la concurrence.

Vous avez dit, monsieur Chassaigne, que l’avenir du petit commerce vous préoccupait. Vous avez raison, mais je me dois de vous donner des informations relatives aux parts de marché respectives de la grande distribution et du petit commerce de 1999 à 2006. Les petites surfaces alimentaires ont connu une relative stabilisation, leur part passant de 8,6 % à 8,7 %. La part des hypermarchés a régressé : 35,4 % en 1999 contre 32, 9 % en 2006. La part des petits commerces alimentaires – boulangeries, boucheries, etc. – a été marquée par une légère érosion : 21, 4 % puis 20,2 %. Enfin, la part des petits commerces non alimentaires comme les magasins d’habillement, les pharmacies ou les fleuristes est passée de 50,5 % à 52,8 %. S’il est important de veiller à la répartition entre les différentes formes de commerces, il faut prendre garde de ne pas crier inutilement au loup. Car force est de constater que, sur une période de sept ans, malgré les lois successives, l’équilibre a été préservé.

Enfin, monsieur Chassaigne, vous avez alerté la représentation nationale sur les conséquences néfastes que pourrait avoir la réforme du triple net sur les petites et moyennes entreprises. Permettez-moi d’appeler votre attention sur la position de l’Association nationale des industries alimentaires, structure qui regroupe sans doute le plus de petites entreprises en France : elle estime que cette réforme est fondamentale et complémentaire de la première étape engagée en 2005, et elle exprime sa satisfaction de voir le consensus trouvé par le Gouvernement matérialisé dans ce projet de loi.

Nous vous présentons un texte volontariste, qui permettra de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens, notamment grâce à l’article 1er. Et si vous voulez être en phase avec vos déclarations, mesdames, messieurs de l’opposition, vous devez le voter.

M. le président. Nous en venons à l’examen des amendements.

Je suis saisi d’un amendement n° 72, que je demanderai à M. Herth de présenter avec l’amendement n° 176.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, je commencerai par adresser un signal à l’opposition en retirant l’amendement n° 72. J’espère que cela pourra lui inspirer certaines idées pour le bon déroulement de la séance.

L’amendement n° 176 vise à compléter le régime des sanctions applicables en cas de fraude, en ouvrant la possibilité que soit ordonnée la cessation de l’annonce publicitaire. Il importe d’éviter la poursuite de la diffusion de messages publicitaires faisant miroiter aux consommateurs des prix non conformes aux obligations liées au seuil de revente à perte, que nous allons redéfinir.

M. le président. L’amendement n° 72 étant retiré, quel est l'avis de la commission sur l’amendement n° 176 ?

M. Michel Raison, rapporteur pour avis. Avis favorable, monsieur le président. Comme le souligne M. Herth, le seuil de revente à perte n’est pas supprimé mais redéfini, d’où l’utilité de cet amendement qui améliorerait les modalités de son application.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. L’amendement de M. Herth est certes intéressant, mais je m’étonne qu’il ne prévoie pas de sanction obligatoire. Si la faute est avérée, pourquoi laisser la latitude au juge de décider des sanctions applicables ? Au lieu de « peut être », il faudrait inscrire « doit être ».

M. le président. Qu’en pensez-vous, monsieur Herth ?

M. Antoine Herth. Monsieur Brottes, vous savez comme moi que les juges détestent les sanctions d’application automatique. C’est pourquoi j’ai prévu une possibilité et non pas une obligation.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. J’entends bien, monsieur Herth, mais la faute est ici avérée : les juges se sont déjà prononcés. Il s’agirait simplement d’indiquer que la sanction doit aussi comprendre la cessation de l’annonce publicitaire.

M. le président. Voulez-vous déposer un sous-amendement, monsieur Brottes ?

M. François Brottes. Oui, monsieur le président.

M. le président. Ce sous-amendement, auquel est attribué le n° 326, est ainsi rédigé :

« Dans l’alinéa 2 de l’amendement n° 176, substituer au mot :“peut”, le mot : “doit” ».

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Michel Raison, rapporteur. Avis défavorable. Je rejoins Antoine Herth : il ne s’agit pas d’obliger les juges à prendre une décision, cela serait contraire aux principes constitutionnels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 326.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 299.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. André Chassaigne. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 299.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 20, amendement rédactionnel de la commission, auquel le Gouvernement est favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 164.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour le défendre.

M. Lionel Tardy. Les modalités de calcul du seuil de revente à perte doivent tenir compte de la très grande différence de situations entre la grande distribution et le petit commerce. Autant le nombre élevé de références présentes dans les grandes surfaces permet à la grande distribution de baisser les prix de quelques produits d’appel en se rattrapant sur les autres références, autant cette pratique devient difficile quand la surface de vente est plus réduite, le nombre de références diminuant : le petit commerçant ne peut reporter sur d’autres produits ses charges d’exploitation.

Cet amendement propose donc de tenir compte des charges d’exploitation du lieu de vente pour déterminer le seuil de revente à perte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Avis défavorable. Cette proposition modifierait considérablement le texte du projet de loi, en le ramenant à la loi Dutreil, alors que son objet est de modifier le calcul du seuil de revente à perte en y intégrant les avantages financiers consentis par le fournisseur.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est logique !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je me permettrai de détailler ma réponse, qui vaudra également pour l’amendement n° 126 de M. Gaubert. Comme l’a très bien dit le rapporteur, ces amendements, s’ils étaient adoptés, n’auraient aucun impact sur la réforme des relations commerciales telle que nous l’avons engagée en 2005. En effet, les frais de fonctionnement des distributeurs se situent entre 12 % et 15 %, taux au-delà duquel ils ont actuellement la possibilité d’intégrer les marges arrière dans les prix. Par ailleurs, aucune obligation n’est faite aux distributeurs de vendre tous leurs produits au niveau du seuil de revente à perte. Nous leur donnons simplement la possibilité de faire commerce, avec davantage de concurrence entre les différentes enseignes.

Le Gouvernement souhaiterait donc que l’amendement n° 164 soit retiré, compte tenu du fait qu’il dénature sensiblement l’esprit du texte que nous vous proposons.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le secrétaire d’État, sous couvert d’un amendement qui semble anodin, vous préparez une modification considérable du paysage. En effet, vous ne proposez pas un vrai seuil de revente à perte mais un filet de protection dont vous définissez vous-même le niveau, sans tenir compte des charges, lesquelles pour une grande surface sont de 12 à 15 %.

M. François Brottes. Ce n’est pas un seuil, c’est tout un sous-sol !

M. Jean Gaubert. Dès lors, la grande surface mutiproduits pourra se permettre de « faire un coup » sur une partie des produits qui concernent son concurrent sur la même zone, le temps nécessaire pour l’éliminer. Et c’est cette grande surface multiproduits qui gagnera et non les consommateurs.

Si vous ne voulez pas donner l’impression d’accepter leur diktat, vous ne pouvez pas en rester à la définition que vous proposez du seuil de revente à perte. Sinon, ce serait céder à M. Leclerc et à ses amis.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais non !

M. Jean Gaubert. On leur aura permis de devenir les chefs de certaines zones et, au final, c’est le consommateur qui paiera plus cher.

Il est impossible de considérer qu’on peut vendre un produit sans intégrer les charges. Si vous le faites, vous légalisez le dumping.

Monsieur le secrétaire d’État, ce qui est extraordinaire c’est que vous vouliez garder des marges arrière. Or vous savez aussi bien que moi que ce système a permis de gonfler les prix tarif. Les producteurs que nous avons rencontrés nous ont dit : les distributeurs vont me demander des marges arrière, aussi j’augmente mon prix tarif. De leur côté, les distributeurs nous ont dit : les producteurs ont augmenté leur prix tarif, aussi je leur demande davantage de marges arrière. C’est l’augmentation du prix tarif due aux marges arrière qui pose problème aujourd’hui.

M. Michel Raison, rapporteur. C’est incohérent avec ce que vous avez défendu par ailleurs !

M. François Brottes. Pas du tout !

M. Jean Gaubert. Monsieur le rapporteur, je dis la même chose depuis 2004 et, pour vous en convaincre, je vous renvoie aux comptes rendus des débats sur ce sujet. De grâce, n’utilisez pas cet argument qui ne me déstabilisera pas, soyez-en sûr !

M. le président. Monsieur Gaubert, il faut conclure.

M. Jean Gaubert. Le système des marges arrière a conduit à gonfler les prix tarifs et ce sont les petits commerçants, qui n’utilisent pas ce système, qui sont victimes de cette situation. Tant que la satisfaction des grandes surfaces sera votre seul objectif, nous ne serons pas d’accord avec vous.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe Nouveau Centre est favorable à l’instauration du triple net. Les rapports Canivet et Attali nous supplient d’aller vers ce système.

Qu’entend-on par triple net ? Il s’agit de déduire du prix d’achat fournisseur les réductions immédiates, puis les réductions conditionnelles, enfin la coopération commerciale.

M. Gaubert estime qu’on ne devrait pas partir du prix d’achat fournisseur, mais du prix d’achat fournisseur majoré des frais que supporte le distributeur.

L’instauration du triple net a pour corollaire la suppression des marges arrière dont nous débattrons à l’article 2.

D’aucuns considèrent qu’il faudrait intégrer certains coûts du distributeur pour définir le seuil de revente à perte. Mais un tel système se heurte à de redoutables obstacles. Par exemple, M. Tian propose de tenir compte des charges d’exploitation du lieu de vente et M. Gaubert de l’ensemble des charges afférentes au fonctionnement de l’établissement. Et pourquoi pas l’amortissement ? Où s’arrêter ? Comment contrôler ?

M. François Brottes. Sous-amendez !

M. Jean Dionis du Séjour. Les propositions de nos collègues sont intéressantes mais inapplicables. Je souhaiterais donc que le triple net fasse d’objet d’un débat à part, que l’on prenne en compte les réductions immédiates, les réductions conditionnelles et la coopération commerciale.

Voilà pourquoi je voterai contre l’amendement n° 164.

M. le président. Sur l’amendement n° 164, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. En tant que porte-parole de l’UMP, je voterai la loi, par souci de cohérence. Mais je me dois d’exprimer une réserve.

Dans ce que dit le groupe socialiste, il n’y a pas, loin s’en faut, que des choses fausses. J’ai été rapporteur de la loi Galland et c’est moi qui ai convaincu l’ensemble du Parlement de l’urgence d’avoir une règle bien établie sur la revente à perte – et j’ose dire qu’Auchan, Carrefour et Système U étaient d’accord avec moi. Il y avait en effet des grandes surfaces qui vendaient la baguette de pain 25 centimes, la plaquette de beurre au-dessous du prix d’intervention et certains jouets de Noël moins chers que le prix départ usine.

Aujourd’hui, les grandes surfaces à dominante alimentaire ont 25 % de marge – c’est ce que disent Auchan, Intermarché et Leclerc –, 10 % de remise avant et 35 % de marges arrière, soit au total 70 %. Avec le système que vous mettez en place, demain une grande surface qui a 120 000 références pourra proposer sur certains produits des prix nettement inférieurs à leur prix de revient, au détriment du petit commerce.

Il faut en avoir conscience. Mais ce n’est pas parce qu’on en a conscience qu’il faut remettre en cause toute votre logique. Sachons bien qu’il ne faut pas, au prétexte de se battre légitimement pour le pouvoir d’achat des Français et pour une baisse des prix, se laisser enfermer dans l’illusion qu’on va donner du pouvoir d’achat en permettant de casser quelques prix alors que tous les autres produits seront vendus parfois plus cher que dans le petit commerce.

Si je soutiens votre cohérence, monsieur le secrétaire d’État, je pondère les propos selon lesquels ce système va faire baisser les prix. Non, grâce à ce triple net, on ne baissera que quelques prix, et on risque de déstabiliser le petit commerce.

M. le président. J’indique dès maintenant que, sur l’amendement n° 126, je suis saisi par le groupe socialiste, radical et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je souhaite répondre aux différents groupes qui se sont exprimés sur ce sujet.

Monsieur Gaubert, j’ai du mal à comprendre vos contradictions. Dans la discussion générale, vous avez indiqué vouloir supprimer les marges arrière. Or vous proposez une disposition qui les maintient artificiellement puisqu’elle nous empêche d’en réintégrer la totalité dans le prix au consommateur.

M. François Brottes. Votre démonstration n’est pas honnête !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Prenons un exemple très concret. Actuellement, la grande distribution vend le carburant avec une marge nulle. L’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de faire augmenter immédiatement le prix de l’essence de 12 à 15 %, c’est-à-dire l’équivalent des frais de fonctionnement d’un hypermarché.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est vrai !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Nous souhaitons que la concurrence sur les prix profite au consommateur. C’est l’esprit même de ce texte.

M. François Brottes. C’est un leurre !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Voilà pourquoi nous pensons que le triple net constitue l’étape finale de la loi qui a été adoptée en 2005 et qui avait permis un rebasculement progressif des marges arrière dans les prix.

Enfin, nous considérons que le distributeur doit rester libre du choix des produits sur lesquels il souhaite faire du commerce, faire des promotions, en faire des produits d’appel. C’est ce que cette loi permettra.

Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 164 et 126.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 164.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 164 est rejeté.

Je suis saisi d’un amendement n° 126.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le secrétaire d’État, si vous continuez, et je pèse mes mots, à répondre avec une mauvaise foi aussi évidente,...

M. François Brottes. C’est de la malhonnêteté !

M. Jean Gaubert. ...le débat risque de durer Vous le savez bien, cela fait longtemps que je me suis prononcé pour la suppression des marges arrière.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. La suppression, qu’est-ce à dire ?

M. Jean Gaubert. Je l’ai fait dès 2004, alors que vous avez été pour dans un premier temps, avant de vous déclarer contre. Je ne vous ai pas fait de reproches, on a le droit d’évoluer et de changer. En ce qui me concerne, et pour des raisons qui me sont propres, je n’ai pas changé.

Ensuite, vous venez vous-même d’apporter la plus brillante démonstration à ce que je vous ai dit. Les grandes surfaces ont procédé ainsi pour l’essence et c’est bien de cette façon qu’elles ont tué tous les distributeurs d’essence qu’il y avait autour d’elles. Est-ce bien ou mal ? Je ne sais pas, mais c’est un fait. Ce qui s’est passé pour l’essence se passera demain pour les articles de sport, après-demain pour les jouets et ainsi de suite. Comme l’a si bien dit Jean-Paul Charié tout à l’heure, seul celui qui a 120 000 références peut se permettre de perdre de l’argent sur 5 000 références parce qu’il le récupérera sur les autres. Ce n’est pas ça la baisse des prix au profit des consommateurs parce que, sur l’ensemble du magasin, les prix n’auront pas baissé. Ils auront baissé sur un seul produit dont on se sera servi pour attirer le chaland et pour tuer, non pas seulement un petit commerçant, mais aussi une grande surface spécialisée qui se trouve à proximité. Nous ne voulons pas d’un tel système.

Si vous continuez à prétendre, pour répondre à mon argument, que nous ne voulons pas donner de pouvoir d’achat aux consommateurs, le débat promet d’être long car nous passerons autant de temps qu’il le faudra pour vous démontrer que vous avez tort.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur le député, nous en arrivons à un moment crucial du débat et nous révélons tous des contradictions bien que nous soyons d’accord sur l’objectif. Nous avons tous envie que nos petits commerces souffrent le moins possible et que les fournisseurs ne soient pas massacrés par la grande distribution, mais qu’en même temps on lui laisse une certaine souplesse pour baisser certains de ses prix. C’est sur la méthode que nous divergeons. Sincèrement, en écoutant certains orateurs au cours de la discussion générale la semaine dernière, qui demandaient la suppression des marges arrière, en lisant certains des amendements destinés à mettre en place la négociabilité sans le déclarer ouvertement, je décèle des contradictions et elles sont à la source de nos désaccords.

Sincèrement, la définition du seuil de la revente à perte n’autorise pas la revente à perte. Il s’agit de permettre de vendre à prix coûtant, c’est-à-dire en dessous du prix de revient puisque le distributeur supporte des charges.

M. François Brottes. Autrement dit, en dessous du prix coûtant !

M. Michel Raison, rapporteur. Nous sommes tous d’accord sur cette analyse. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Là où nous sommes moins d’accord, c’est que nous pensons, quant à nous, que chaque distributeur ne pourra pas vendre à prix coûtant l’ensemble de ses produits pendant des mois. L’article 1er donnera la possibilité à certains distributeurs de baisser à certains moments les prix de certains produits de consommation de première nécessité. Cette mesure aura des effets positifs et nous avons simplement une approche différente quant à la façon de sauver les petits commerçants et les fournisseurs. La suite du débat le montrera. En tout cas, je suis confiant dans les dispositions du texte qui nous est proposé. Elles permettront de faire baisser un peu les prix sans déstabiliser le système de distribution, du fournisseur au petit commerçant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Même avis que le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Le rapporteur est plus mesuré dans ses propos qu’il ne l’a été tout à l’heure, en ne dénonçant pas des contradictions dans les propos de Jean Gaubert. Je préfère cette dernière version qui exprime un désaccord plutôt que celle qui consiste à dire que nous racontons n’importe quoi, même si la formulation n’est pas celle-là.

Vous venez de dire très clairement, monsieur le rapporteur, que votre proposition de changer la définition du seuil de revente à perte vise à vendre en dessous du prix coûtant.

M. Patrick Ollier, président de la commission des afffaires économiques. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Raison, rapporteur. Non ! À prix coûtant.

M. François Brottes. Mais si ! Vous avez dit vous-même qu’un certain nombre de charges n’étaient pas prises en compte ! Autrement dit, la vente se fera en dessous du prix coûtant. Cela signifie, et je le répète après Jean Gaubert, premièrement, qu’une grande surface avec des milliers de références se rattrapera sur les autres prix, donc que ce ne sera pas moins cher pour les consommateurs ; deuxièmement, que les autres commerçants alentour, ne pouvant pas suivre et s’aligner sur le prix coûtant, sont voués à la disparition ; troisièmement, qu’après ce tour de passe-passe, les prix dans leur ensemble recommenceront à augmenter dans la grande surface restée seule sur le terrain.

Vous avez raison : à court terme, votre proposition peut se révéler payante parce qu’elle fera baisser certains prix. Nous ne le contestons pas. Mais une stratégie payante à court terme pour les uns risque à long terme de coûter très cher aux autres.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 126.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 126 est rejeté.

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 298.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. André Chassaigne. Cet amendement, si je devais le qualifier, est un amendement « anti-racket ». En effet, on se gargarise du « triple net » qui recouvre, entre autres, la coopération commerciale. Que cache cette belle expression ? Elle correspond à ce que l’acheteur va exiger du fournisseur, aux conditions que le premier impose au second. Or chacun d’entre nous sait que la coopération commerciale donne lieu à de terribles abus, et qu’il faut recourir, pour la justifier, à des artifices tels que l’animation en magasin, l’emplacement du produit, voire la participation du fournisseur à la rénovation du magasin ou à la célébration de telle ou telle date anniversaire. La coopération commerciale est un grand mot qui abrite des pratiques pas toujours très claires. Mais les fournisseurs, eux, savent de quoi il retourne, tout comme les petites et moyennes entreprises ou encore les agriculteurs.

Mon amendement vise à introduire un peu de transparence en précisant que « les accords de coopération commerciale correspondant aux avantages financiers consentis par le vendeur sont mentionnés en pied de la facture d'achat », afin de savoir ce que ces accords recouvrent. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous qui parlez beaucoup de transparence, cet amendement vous donne l’occasion de la mettre en œuvre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Nous allons devoir nous habituer à discuter de nos propres contradictions !

Monsieur le député, c’est l’article 2 qui traite de la transparence par le biais de la convention unique. Assez paradoxalement, vous êtes plusieurs à vouloir supprimer la coopération commerciale, mais vous défendez des amendements qui reconnaissent qu’elle existe et qu’elle existera toujours !

M. André Chassaigne. Mais c’est vous qui la maintenez !

M. Michel Raison, rapporteur. Vous aussi ! Vous allez jusqu’à demander qu’elle soit mentionnée dans le pied de facture.

M. André Chassaigne. Précisément parce que vous la maintenez !

M. Michel Raison, rapporteur. Mais c’est ce que demandent les distributeurs ! Vous êtes en train d’introduire la négociabilité, et ce sont les distributeurs qui la réclament. Ils ne veulent plus s’embarrasser de factures, ni se préoccuper de savoir si le service est effectivement rendu. Je suis sûr que vous allez retirer votre amendement quand vous aurez compris mes explications, monsieur le député. Vous ouvrez la voie à la négociabilité alors que la transparence, nous l’apportons avec la convention unique prévue à l’article 2, laquelle devra obligatoirement retracer l’ensemble des avantages consentis par le fournisseur et le distributeur. Il faut certes de la transparence, mais vous allez à son encontre avec cet amendement qui instaure la négociabilité et allège les obligations juridiques des distributeurs.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le député, vous voulez de la transparence et vous avez raison. Mais la vraie transparence implique que chaque prestation de service fasse l’objet d’une facture distincte. Telle est la législation en France et en Europe, à l’encontre de laquelle s’inscrit votre amendement. C’est la raison pour laquelle nous n’y sommes pas favorables.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Dans le prolongement de ce qui vient d’être dit, je rappelle qu’en défendant la motion de renvoi en commission, j’avais mis en parallèle la loi de 2005 et le présent projet de loi. La loi de 2005 a autorisé la réintroduction partielle des marges arrière au-delà de 15 %, puis de 20 %, avec pour effet une baisse de prix sur les produits de marque de 3 % en moyenne. Comment pouvez-vous penser faire baisser considérablement les prix puisque la loi de 2005 n’a pas été efficace ? La baisse des prix aurait dû être bien supérieure à 3 %. J’aimerais bien une réponse sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce n’est pas souvent le cas, mais je vais voter l’amendement Chassaigne parce qu’il va dans le sens de la suppression des marges arrière et de la négociabilité.

M. Michel Raison, rapporteur. Il faut le retirer !

M. Jean Dionis du Séjour. Contrairement à ce qu’a déclaré le rapporteur, nous estimons avoir une position cohérente à long terme. Ramener la coopération commerciale en pied de facture nous convient, et nous aurons l’occasion de l’expliquer en long, en large et en travers lors de la discussion de l’article 2. Il y a sur ce point une convergence intéressante entre les libéraux et les communistes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela étant, je comprends la logique globale de la réponse du rapporteur qui considère que l’amendement n’est pas très cohérent avec l’article 2. Il faut ramener la coopération commerciale dans le « triple net » et supprimer carrément les marges arrière pour privilégier la négociabilité. Ce sera tout le débat de l’article 2.

M. le président. Je veux bien vous redonner la parole, monsieur Chassaigne, mais je vais être obligé d’appliquer le règlement qui consiste à laisser parler un orateur et un seul contre l’amendement. Sinon, nous n’en sortirons pas.

M. André Chassaigne. Je précise que cet amendement vient après un autre, dans lequel je proposais la suppression des marges arrière. L’amendement n° 298 est en fait un amendement de repli.

Dans la mesure où vous voulez maintenir les marges arrière, il faut faire preuve de transparence. Chacun sait que les marges arrière et les accords de coopération sont du racket. Il ne faut pas nous la faire ! On sait quels outils sont utilisés auprès des fournisseurs ! Vous pouvez faire de grands discours et de grandes démonstrations théoriques : en fait, vous désirez simplement maintenir l’opacité des marges arrière, et surtout qu’on ne les décrive pas pour ce qu’elles sont !

Je ne vois donc aucune contradiction entre cet amendement et le précédent, qui visait à les supprimer. Dès lors que voulez maintenir les marges arrière, je rentre dans votre système et vous demande de préciser en quoi elles consistent vraiment : comme le reconnaissent les fournisseurs eux-mêmes, et comme on peut le lire dans des ouvrages ou des études, il s’agit d’une sorte de racket dont sont victimes les petites et moyennes entreprises et les agriculteurs. Voilà la réalité ! Vous ne voulez pas la voir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 21 et 63, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 21.

M. Michel Raison, rapporteur. Cet amendement répond aux difficultés des petits commerces.

Dans le cadre de la loi Jacob-Dutreil, Luc Chatel, à l’époque député, Patrick Ollier et moi-même – je ne me souviens plus s’il y avait un quatrième député, peut-être Jean Dionis du Séjour – avions cosigné un amendement permettant d’abaisser de 10 % le seuil de revente à perte des produits vendus par les grossistes aux petits commerçants, afin que ceux-ci puissent tenir bon le jour où une grande surface voisine proposerait une promotion particulière sur tel ou tel produit. Cet amendement nécessaire, qui visait à protéger le petit commerce des baisses brutales de prix, avait été adopté.

Loin de changer la loi Jacob-Dutreil, l’amendement n° 21 vise à intégrer cette disposition dans le code de commerce.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur le rapporteur, vous qualifiez l’amendement n° 21 d’amendement « de codification » parce que son objet est d’inscrire une disposition légale dans le code de commerce, ce qui prouve la cohérence de votre démarche. Hélas, il n’est pas que cela.

Je tiens à rappeler au ministre, au président de la commission des affaires économiques, au rapporteur, ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues que ce n’est pas parce que je peux exprimer des positions légèrement, voire très différentes des leurs, que je réprouve l’ensemble du travail de la commission et du Gouvernement. Il est simplement bon, monsieur le ministre, de redire de temps à autre certaines vérités.

M. François Brottes. Libérez Charié !

M. Jean-Paul Charié. S’agissant des grossistes, ma position est diamétralement opposée à celle du rapporteur.

M. François Brottes. Voilà que Charié ôte ses menottes !

M. Jean-Paul Charié. S’il est souhaitable que le petit commerce puisse parfois vendre au-dessous de ses coûts de revient, voire de ses coûts d’achat, afin de s’aligner sur les prix affichés par les grandes surfaces – ce que permettaient les dispositions de la loi Galland sur le seuil de revente à perte –, en revanche, monsieur le rapporteur, maintenant que nous allons adopter le système du « triple net », si l’on permet de pratiquer un rabais supplémentaire de 10 %,…

M. François Brottes. Sur le prix coûtant !

M. Jean-Paul Charié. …j’affirme que seuls les grossistes qui disposent des références les plus nombreuses et des activités les plus larges seront en mesure de « casser » ainsi leurs prix.

M. Jean Gaubert. Le « métro » fonctionne, ce soir…

M. Jean-Paul Charié. Effectivement, il n’y en a qu’un : Metro. Quelle que soit votre bonne foi, monsieur le rapporteur, tous les autres, étant spécialisés, ne pourront le faire.

M. Jean-Yves Le Déaut. Il a raison !

M. Jean-Paul Charié. En effet, non seulement ils proposent toujours les meilleurs prix à leurs clients commerçants, mais ils leur vendent aussi un service. Les grossistes spécialisés dans un secteur d’activité donné – comme les fruits et légumes, les poissons, la boucherie, les jouets ou l’électroménager – livrent la marchandise, accordent des crédits, gèrent les stocks, contrairement au cash and carry où l’on doit se déplacer et payer comptant. Sans ces grossistes spécialisés, des milliers de petites entreprises commerciales ne pourraient survivre !

M. Jean-Yves Le Déaut. Qu’on demande un scrutin public sur ces amendements !

M. Jean-Paul Charié. Je souhaite que le groupe socialiste fasse preuve de correction : demander un scrutin public sur ces amendements ne fera pas avancer la discussion. Sur ce sujet, nous avons la chance que le ministre, le président de la commission, le rapporteur et l’ensemble des députés essaient, par-delà les clivages politiques,…

M. Jean-Yves Le Déaut. Oui, comme on l’a vu tout à l’heure !

M. Jean-Paul Charié. …d’engager un vrai débat sur le fond. Cela nous sera profitable dans les prochains mois, et c’est pourquoi je précise ma position. Quant à recourir à des artifices de procédure en réclamant sans cesse des scrutins publics, je ne crois pas que ce soit très utile !

Mais revenons-en au fond. Si nous permettons aux seuls grossistes généralistes de réaliser des opérations promotionnelles sur des produits d’appel, nous risquons de pénaliser les grossistes spécialisés et les commerçants qui les fréquentent. Je prédis même que ces prix totalement « cassés », aucun commerçant ne pourra les répercuter, tellement les écarts seront importants. D’ailleurs, les grossistes spécialisés sont tous, sauf un – Metro –, opposés à cette mesure.

M. Jean-Yves Le Déaut. Absolument !

M. Jean-Paul Charié. Je n’ai rien contre Metro. Depuis vingt ans que je mène ce combat, j’ai toujours dit qu’on ne peut être à la fois pour la libre concurrence et contre un certain type de commerce. Metro offre de réels avantages pour de très nombreux commerçants, mais il ne doit pas bénéficier d’une faveur qui disqualifierait tous les autres grossistes !

La Confédération générale de l’alimentation en détail – la CGAD, qui n’est pas n’importe qui ! – est contre l’amendement de la commission, de même que la Confédération du commerce interentreprises, l’Union nationale du commerce de gros de fruits et légumes, la Fédération nationale des boissons, Syndigel et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises. Monsieur le rapporteur, je le dis avec peut-être quelque passion, mais aussi avec une réelle connaissance du terrain : si votre amendement était adopté, quelles que soient votre loyauté et votre honnêteté – et Dieu sait comme l’une et l’autre sont grandes ! –, nous porterions un coup fatal…

M. Jean Dionis du Séjour. N’exagérons rien !

M. Jean-Paul Charié. Peut-être pas fatal, mais en tout cas nous disqualifierions les grossistes spécialisés et les petits commerçants qui y font appel. Car seuls quelques petits épiciers vont chez le grand distributeur grossiste qui vient d’être évoqué ; tous les autres utilisent des grossistes spécialisés, à Rungis ou ailleurs.

M. le président. Sur le vote des amendements n°s 21 et 63, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. C’est un sujet très important. Vous vous souvenez, mesdames, messieurs les députés, qu’en 2005, lorsque nous avions engagé le basculement progressif des marges arrière vers l’avant, et que nous voulions redonner la possibilité au distributeur de les réintégrer dans les prix, nous avions réfléchi à des mesures permettant d’atténuer les effets potentiellement négatifs de cette disposition pour les petits commerces, notamment ceux qui sont en concurrence directe avec les grandes surfaces alimentaires. Après avoir examiné plusieurs possibilités, nous avions proposé une mesure – qu’en tant que rapporteur, j’avais moi-même présentée – permettant aux petits commerces de proximité, qui s’approvisionnent auprès de grossistes, de bénéficier d’une dérogation dans le mode de calcul du seuil de revente à perte, afin d’atténuer l’écart de prix pouvant exister entre eux et les grandes surfaces alimentaires. Cet amendement avait, à l’époque, été adopté par le Parlement. Comme il n’a, deux ans après, provoqué aucun effet pervers, le Gouvernement vous propose de proroger ce dispositif.

M. Jean Dionis du Séjour. Il a bien raison !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Il permet en effet de traiter de manière spécifique les commerçants de proximité, dont il est beaucoup question depuis le début de ce débat. D’ailleurs, la Fédération nationale de l’épicerie lui est très favorable. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 21, qui prévoit la codification de cette disposition dans le code du commerce ; en revanche, il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 63 de M. Charié, qui défend la position contraire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Une précision concernant les grossistes spécialisés, en particulier ceux en produits frais. Le rapporteur a fait son travail : il a auditionné des personnalités, pris des contacts et collecté des renseignements – je précise à ce propos que Metro ne m’a pas rendu visite le jour où j’ai rédigé mon amendement… (Sourires.) Ce que j’ai constaté, c’est que les produits frais ne sont pas marketés, et que les grossistes spécialisés dans ce secteur ne sont pas soumis à la même concurrence.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Il n’y a pas de marges arrière !

M. Michel Raison, rapporteur. En effet ; en outre, ils ne sont pas soumis à la même pression sur les prix. Les grossistes qui vendent des produits frais, en particulier des fruits et légumes, des poissons – notamment les homards, dont on a parlé – ne sont pas concernés. Quant à l’électroménager, je n’ai pas relevé de différences de prix notables sur un téléviseur ou une machine à laver entre l’hypermarché Leclerc et un petit magasin de centre-ville : à ma connaissance, les prix sont à peu près fixes. Enfin, il y a d’autres grossistes multicartes que Metro ; ils pourront bénéficier eux aussi du dispositif et en faire profiter les épiciers, puisque tel est l’objectif.

Je suis du même avis que le ministre : cette mesure est toujours d’actualité. La Fédération des épiciers y est favorable, mais elle n’est pas la seule. Je maintiens par conséquent l’amendement n° 21 de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je ne me lancerai pas dans une grande démonstration. Jean-Paul Charié nous a appelés, sur tous les bancs, à partager son point de vue : or ce qu’il vient de démontrer à propos des grossistes spécialisés, je l’avais quant à moi développé à propos de la capacité que le projet de loi donnera à un grossiste ou à un hypermarché multiservices ou multiproduits, c'est-à-dire généraliste, de se débarrasser petit à petit – cela pourra prendre plusieurs années – des moyennes surfaces spécialisées. Il ne s’agit même plus en l’occurrence de l’avenir du petit commerce, mais tout simplement de celui des zones de chalandise. En raison du nouveau seuil de revente à perte – moins 10 % –, les généralistes pourront tuer les moyennes surfaces ou les grossistes spécialisés dès qu’ils l’auront décidé en pratiquant une baisse des prix sur un seul type de produits puisqu’ils pourront toujours se rattraper sur les autres produits, en profitant du fait que le petit commerçant qui vient se fournir chez eux n’achète pas qu’un seul produit. Telle est la conséquence inéluctable du projet que vous nous proposez : la disparition d’ici quelques années des moyennes surfaces et des grossistes spécialisés, mais peut-être est-ce le choix que vous avez fait ! Quoi qu’il en soit, vous ne pouvez pas défendre l’idée selon laquelle l’adoption de ce texte n’aurait aucune conséquence, en dehors de faire baisser quelques prix.

En effet, et c’est peut-être le pire , les prix moyens payés par les consommateurs ne baisseront pas puisque – chacun connaît la méthode – la baisse des prix pratiquée sur certains produits sera compensée par les prix élevés pratiqués sur d’autres produits, ce que seuls les grossistes généralistes peuvent se permettre de faire. Telle est la raison pour laquelle nous voterons contre l’amendement n° 21 présenté par M. le rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, laquelle, chacun le sait, n’est pas unanime à le soutenir.

Enfin, monsieur Charié, en ce qui concerne le scrutin public, nous avions décidé de le demander depuis longtemps, parce qu’il s’agit d’un sujet éminemment important : c’est un point dur du débat.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le Nouveau Centre soutiendra l’amendement n° 21 présenté par le rapporteur et soutenu par le Gouvernement. Lors de l’examen de la loi Dutreil, nous étions signataires de l’amendement visant à instaurer le coefficient de 0,9.

Ce qui nous importe, ce n’est pas la concurrence entre les grossistes cash and carry et les grossistes en magasin – les modèles économiques sont libres – mais l’écart de prix existant entre les petits commerces et la grande distribution sur des produits incontournables. Qu’on le veuille ou non, permettre aux petits commerçants d’acheter 10 % moins cher en termes de SRP – seuil de revente à perte – réduira cet écart pour des produits comme le Ricard ou le pack Coca-Cola !

Je me suis rendu chez les épiciers, hôteliers et restaurateurs d’Agen, une ville de 30 000 habitants : 450 d’entre eux vont s’approvisionner dans un magasin cash and carry. Il s’agit donc bien de leur modèle économique !

M. Jean-Paul Charié. Vous dites 450 ?

M. Jean Dionis du Séjour. Et vous voulez leur expliquer, chers collègues de l’opposition, que vous souhaitez supprimer cette réduction de 10 % sur le prix d’achat ! Je vous laisse y aller seuls !

M. le président. Je tiens à préciser que l’adoption de l’amendement n° 21 ferait tomber l’amendement n° 63, puisqu’ils sont en discussion commune. En revanche, si l’amendement n° 21 n’était pas adopté, je mettrais aux voix l’amendement n° 63.

La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Cela va de soi, monsieur le président.

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas d’un côté souligner qu’il y a de moins en moins d’épiciers et prétendre que la Fédération de l’épicerie est favorable à votre mesure ! Vous ne pouvez pas non plus avancer que la Fédération des épiciers y est favorable et rejeter d’un revers de main le fait que toutes les autres fédérations soient contre !

M. Jean Dionis du Séjour. Non !

M. Jean-Paul Charié. Elles le sont ! En effet, aucune fédération, en dehors de celle de l’épicerie, n’est favorable à votre amendement ! Toutes les autres, je le répète, y sont défavorables, qu’il s’agisse non seulement des fruits et légumes, de la poissonnerie et de la boucherie, mais encore des jouets, de l’électroménager ou du secteur de la boisson. Les grossistes qui livrent, reprennent les invendus, font des crédits de paiement et rendent de multiples services à l’ensemble du petit commerce de proximité sont défavorables à l’amendement n° 21. Vous ne pouvez pas prétendre les défendre et faire adopter une mesure à laquelle ils sont opposés !

Enfin, monsieur Dionis du Séjour, votre argument consistant à dire que si Métro peut baisser ses prix de 10 %, tous les autres grossistes peuvent en faire autant est purement théorique, car les autres grossistes, ceux qui permettent au petit commerce d’exister, ne pourront jamais suivre. Il ne s’agit pas de faire de l’idéologie mais de rappeler tout simplement la réalité. En raison notamment des coûts de livraison, les grossistes spécialisés ne peuvent pas casser leurs prix puisque par définition ils n’ont pas la possibilité, contrairement à Métro, de se rattraper sur d’autres types de produits.

Il est vrai toutefois que nous reviendrons sur ce sujet dans trois ou quatre mois.

M. Jean Dionis du Séjour. Notre vote de ce soir n’en est pas moins important.

M. Jean-Paul Charié. Évidemment ! La preuve, du reste, c'est que je mets dans ce débat toute ma force de conviction !

Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, il y a deux politiques : soit le « coûte que coûte moins cher », qui n’est pas forcément facteur d’augmentation du pouvoir d'achat, soit le maintien du commerce de proximité dans le cadre d’un développement de la concurrence. Si on choisit cette seconde politique, on votera contre l’amendement n° 21 de M. le rapporteur et pour l’amendement n° 63 que je soutiens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Je serai bref.

Monsieur Charié, toutes les fédérations ne sont pas défavorables à l’amendement de la commission. Au contraire, toutes celles qui sont concernées y sont favorables. En revanche, il est possible que celles qui ne sont pas concernées soient contre.

Par ailleurs, mes chers collègues, il n’y a pas que les grossistes qui approvisionnent les petits commerces, spécialisés ou non ou cash and carry : il ne faudrait pas oublier les centrales d’achat ! Faisons attention à ne pas les favoriser en nous focalisant sur les grossistes généralistes ! D’où l’importance de votre vote de ce soir ! Vous risquez malgré vous de renforcer les centrales d’achat en votant contre l’amendement n° 21.

M. René Dosière, M. Jean Gaubert et M. André Chassaigne. Argument spécieux !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 21.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 21 est adopté.

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 63 tombe.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Afin de préserver le bon état d’esprit qui préside à nos débats, je tiens à demander à M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur de ne pas travestir nos positions – ou alors, c’est que nous nous exprimons mal ! Notre attitude est constante et nous sommes autant que vous désireux de redonner du pouvoir d'achat à nos concitoyens. Mais nous avons le devoir de débusquer les fausses bonnes solutions que vous proposez, comme celle qui vient d’être adoptée, difficilement il est vrai. Le vote a eu lieu : nous attendons de voir ce que le Sénat en fera. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas certain que cette disposition serve l’équilibre du commerce et à long terme l’intérêt du consommateur.

Par ailleurs, nous attendons les réponses à nos questions. Corinne Erhel vous a ainsi interrogé, monsieur le secrétaire d'État, sur la baisse du pouvoir d'achat en 2005. Or elle n’a obtenu aucune réponse. Je demande donc une suspension de séance afin de permettre au Gouvernement de préparer sa réponse.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, je n’ignore pas que la suspension de séance est de droit, toutefois, je tiens à souligner que nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche s’engagent dans la mauvaise voie.

M. François Brottes. Non !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il ne sert à rien de chercher à retarder le débat de manière systématique.

M. René Dosière et M. Jean Gaubert. Ce n’est pas ce que nous cherchons !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Plusieurs séances ont été nécessaires pour examiner le seul article 1er et vous demandez une suspension de séance ! Ce n’est pas nous qui jugerons, ce sont les Françaises et les Français qui, du reste, vous ont déjà jugés aux dernières élections. Ils attendent avec impatience le vote de ce texte, monsieur Gaubert, car il est destiné à faire baisser les prix. Ce n’est pas par des manœuvres de retardement que vous interdirez au Gouvernement et à la majorité d’arriver à leurs fins.

M. François Brottes. Nous demandons une simple suspension de séance !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous pouvez bien sûr la demander, monsieur Brottes, puisque vous avez recours à cette pratique dans tous les débats !

M. François Brottes. Pas du tout ! Combien de suspensions de séance avons-nous demandé depuis l’ouverture de ce débat ? Aucune !

M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Brottes.

M. François Brottes. M. Ollier m’interpelle, monsieur le président, c’est insupportable.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous recourez à ce jeu en permanence ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Nous n’avons aucune leçon à recevoir de vous !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement ni la majorité non plus !

Monsieur Gaubert, c’est à vous que je m’adresse. Ce n’est pas parce que vous défendez une position que nous sommes obligés de l’accepter ! Je ne mets pas en doute vos convictions, mais il se trouve que ce ne sont pas les mêmes que les nôtres ! Je le répète, ce n’est pas parce que vous défendez avec conviction une position que cela en fait une vérité. Si nous considérons que vous avez tort, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions vous donner raison ! La majorité continuera de vous donner tort et de prendre des positions opposées aux vôtres. Telle est la loi de tout débat d’idées : c’est pourquoi nous désirons maintenant avancer dans l’examen du texte !

M. René Dosière. Hors sujet !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Gaubert, continuons d’affronter nos arguments et de nourrir le débat d’idées mais, de grâce, n’usez pas de ce type d’argument pour demander une suspension de séance qui n’a qu’un seul but : retarder l’examen du texte !

M. Jean-Yves Le Déaut. C’est vous qui le retardez actuellement !

M. le président. Monsieur Gaubert, vous m’avez demandé une suspension de séance pour laisser le temps au Gouvernement de préparer sa réponse. Or M. le secrétaire d’État me demande la parole. Je vais la lui donner : vous déciderez ensuite si vous maintenez ou non votre demande de suspension de séance.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Madame Erhel, j’avais prévu de vous répondre, mais l’intensité du débat sur les amendements précédents m’a écarté de votre question. J’en suis désolé, mais je pense avoir montré depuis le début de ce débat que je répondais à toutes les questions qui m’étaient posées.

M. François Brottes. C’est vrai !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Vous avez évoqué les conséquences du rebasculement de la seconde moitié des marges arrière – de 33 % en 2005, la loi a donné la possibilité de rebasculer les marges supérieures à 20 % au 1er janvier 2006 et à 15 % au 1er janvier 2007 – : cela a permis une baisse moyenne de 3,4 %. Mais je tiens à rappeler que 15 % de marges arrière, ce n’est pas 15 % de marges nettes ! Ce sont des avantages commerciaux obtenus en échange de contreparties, le rebasculement ayant permis de relancer un peu la concurrence.

C’est la raison pour laquelle les estimations de mes services me permettent de penser que le rebasculement de la deuxième moitié des marges arrière permettra une baisse des prix au moins équivalente. Voilà les chiffres sur lesquels nous avons travaillé. Encore une fois, il ne s’agit pas de la marge nette des distributeurs mais de contreparties d’avantages commerciaux.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Mon intervention a eu le mérite de provoquer le courroux du président de la commission,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Il ne s’agissait pas de courroux !

M. Jean Gaubert. …même si ce n’était pas ce que je cherchais, et par là de laisser le temps au secrétaire d’État de préparer sa réponse – ce que j’attendais.

Laissez-moi vous dire très amicalement, monsieur le président de la commission, que vous avez raison de souligner que nous défendons des positions différentes. C’est d’ailleurs pour cela que nous n’avons pas été élus du même côté.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et c’est pour cette raison que nous avons gagné les élections !

M. Jean Gaubert. C’est ce que vous prétendez, mais, vous savez, la vérité d’un jour n’est pas forcément celle du lendemain.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous verrons dans cinq ans !

M. Jean Gaubert. Faites-nous le crédit de la même sincérité que celle que nous vous attribuons et cessez donc de travestir nos positions ! En effet, quand vous nous expliquez que nos propos sont pleins de contradictions, allez jusqu’au bout et dites-nous lesquelles ! Il ne suffit pas de l’affirmer, encore faut-il le démontrer. Nous prendrons alors le temps qu’il faudra, si vous continuez dans ce sens, et vous demanderons de démontrer vos affirmations,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez raison !

M. Jean Gaubert. …quitte à demander des suspensions de séance.

Par ailleurs, puisque j’ai obtenu une réponse à ma question, je ne maintiens pas ma demande de suspension de séance. Reste que si, au mépris du bon déroulement du débat, vous persévérez dans vos affirmations sur nos positions, j’insiste, nous pourrions fort bien revenir sur cette décision.

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 129.

La parole reste à M. Gaubert, pour le soutenir.

M. Jean Gaubert. Tout compte fait, une suspension de séance m’aurait fait du bien…

Comme nous nous doutions que vous seriez plus nombreux que nous – fût-ce dans une si faible mesure –, nous avions prévu que vous feriez voter l’abaissement du seuil de revente à perte. Le présent amendement vise à doubler les amendes infligées à tous ceux qui vendraient en deçà de ce seuil. Nous persistons d’ailleurs à considérer son abaissement comme néfaste puisque, je l’ai dit, seuls certains produits seraient concernés. Que l’infraction soit donc fermement condamnée, afin de servir d’exemple.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Elle a en effet jugé une telle proposition disproportionnée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je souhaite demander une précision tout en en profitant pour remercier le président de la commission pour ses procès d’intention habituels et sur lesquels je ne reviendrai pas, la démonstration étant faite qu’il avait tort.

Monsieur le rapporteur, est-ce que, dans le cadre de la disposition de l’article L. 442-2 du code de commerce prévoyant que l’amende pour revente à perte peut être portée à la moitié des dépenses de publicité, l’abaissement de 10 % du seuil de revente à perte dont bénéficient les grossistes est pris en compte ? S’agit-il bien de la moitié des dépenses de publicité ?

M. Michel Raison, rapporteur. Assurément, il s’agit de la moitié des dépenses de publicité !

M. François Brottes. Je vous remercie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 73.

La parole est à M. Antoine Herth, pour le soutenir.

M. Antoine Herth. Cet amendement vise à compléter l’article L. 442-3 du code de commerce qui prévoit des sanctions en cas de non-respect du seuil de revente à perte pour les personnes morales, contrairement à l’article L. 442-2 qui ne concerne que les commerçants. On s’adresse donc bien ici à une catégorie spécifique de commerçants pourvus d’un statut de personne morale.

L’article L. 442-3 du code de commerce sanctionne déjà l’infraction prévue à l’article L. 442-2 pour revente à perte par une amende et par la cessation éventuelle de l’annonce publicitaire. Il s’agit ici de prévoir une nouvelle sanction et de donner au juge la possibilité d’interdire à la personne morale en question le recours à la publicité pendant un délai pouvant atteindre un mois.

Les opérateurs économiques devraient se montrer d’autant plus sensibles à ce genre de disposition que, depuis quelque temps, nous voyons fleurir des publicités qui n’ont de publicité que le nom et qui sont en fait autant de plaidoyers politiques tels ceux que l’on peut entendre au sein de cet hémicycle. Nous pourrions en effet très bien nous trouver dans une situation pour le moins ubuesque où un opérateur économique se verrait condamner pour non-respect du seuil de revente à perte tel que nous venons de le définir et qui, par ailleurs, se répandrait dans la presse ou par le biais d’autres supports publicitaires pour critiquer des positions de tel mouvement politique ou de tel membre du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 72 que M. Herth avait déposé. Je lui propose donc de retirer le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Même avis que la commission.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Herth ?

M. Antoine Herth. J’ai bien entendu l’avis du Gouvernement que j’aurais aimé un peu plus argumenté, mais, étant donné l’heure tardive, je ne vais pas insister.

M. Jean Gaubert. Nous avons le temps !

M. Antoine Herth. Je retire donc mon amendement, en espérant qu’il inspire nos collègues du Sénat.

M. le président. L’amendement n° 73 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 296.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le défendre.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 297.

La parole est à M. Chassaigne, pour le soutenir.

M. André Chassaigne. Cet amendement concerne le coefficient multiplicateur qui doit être appliqué entre le prix d’achat et le prix de vente des fruits et légumes durant les périodes de crise conjoncturelle. Certains doivent se souvenir qu’il a été supprimé en 1986 pour réapparaître dans la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

Différents décrets d’application ont fixé les modalités de la mise en œuvre de ce dispositif. Ainsi n’est-il appliqué que dans l’hypothèse où une production est véritablement touchée par une crise dont les critères sont précisés par les décrets. Il s’agit de garantir aux producteurs un prix de vente de leurs produits. En outre, en cas de crise avérée d’un produit, les décrets confient au ministre de l’agriculture la responsabilité de consulter pour avis les représentants de très nombreux organismes. Enfin, les textes prévoient la nécessité d’explorer toutes les possibilités d’accord à l’amiable sur les prix, entre les parties concernées, avant de mettre en œuvre le coefficient multiplicateur.

Or ce coefficient n’a jamais été appliqué, sa mise en œuvre se révélant très contraignante, au point de bloquer l’application de la loi. Le présent amendement a donc pour objet de garantir le prix payé au fournisseur sans aucune limite et sans aucune contrainte, le mécanisme s’appliquant de manière automatique et généralisée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Voilà un vrai bon sujet. C’est d’ailleurs pour cela que, dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux, on avait créé ce mécanisme, mais seulement pour les situations de crise.

Il semble en effet que le système ne soit pas appliqué pour le moment. Ce dispositif a pour objet d’amortir les fortes variations de cours auxquels les produits sont soumis, hélas, de manière cyclique. Jean Dionis du Séjour connaît bien ce dossier. En 2004, le rapport de la commission Canivet avait déjà émis de fortes réserves sur la conformité au droit communautaire d’une proposition de loi de Jean-Michel Ferrand qui prévoyait la création de ce type de coefficient : le droit communautaire interdit la fixation de prix minima.

Je crois donc que l’emploi du coefficient multiplicateur doit se limiter à l’objectif de lissage des crises conjoncturelles – si tant est qu’il puisse être appliqué – et demeurer limité dans le temps. La commission a donc donné – à regret – un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Le coefficient multiplicateur s’applique aux situations de crise conjoncturelle. Si votre amendement était adopté, monsieur Chassaigne, il accréditerait l’idée d’une crise permanente, nécessitant une adaptation continue.

En outre, au-delà des conclusions du rapport Canivet évoqué à l’instant par M. le rapporteur, il est vrai qu’une telle disposition se heurterait en l’espèce au droit communautaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’y est pas favorable.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je vais m’exprimer contre l’amendement. Notre collègue sénateur Daniel Soulage et moi-même nous sommes beaucoup investis sur cet important sujet.

M. Chassaigne a pour partie raison : le Gouvernement n’a jamais appliqué le coefficient multiplicateur ; ce que, personnellement, je regrette.

M. Jean-Paul Charié. C’est parce qu’il n’est pas applicable !

M. Jean Dionis du Séjour. En 2005 et 2006, il y a eu des crises conjoncturelles très graves ; je pense à celles qui ont affecté les secteurs de la nectarine, de la pêche, de la poire. Ces crises entraient tout à fait dans les limites prévues par la loi. Or le Gouvernement n’a pas utilisé le coefficient multiplicateur. Pourquoi ? J’ai mon idée sur la question : certains ne veulent pas qu’il soit appliqué et, dans les négociations entre le Gouvernement et la grande distribution, notamment, on a sans doute trouvé un statu quo. Je le regrette. En effet, le Gouvernement dispose, en la matière, de la dissuasion atomique, si l’on peut dire, et, pour qu’il soit craint, il faudrait qu’il se serve de ce dispositif de temps en temps.

Je vais néanmoins voter contre cet amendement parce que dans notre esprit, à MM. Ferrand, Chassaigne, Soulage et moi-même,…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est moi qui ai négocié avec M. Gaymard dans les couloirs !

M. Jean Dionis du Séjour. …auxquels on peut donc ajouter le président Ollier, il s’agissait bien de mettre en place un dispositif de crise, qu’on dénaturerait en le rendant permanent.

En revanche, le ministre peut-il nous indiquer si la volonté du Gouvernement est de se servir ou non de cette législation ? Le secteur des fruits et légumes est en effet encore structurellement fragile et le secteur des fruits en particulier risque bien, à l’été 2008, d’être pris dans la tourmente. Allez-vous donc, oui ou non, monsieur le ministre, appliquer ce dispositif ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur le ministre, si le Gouvernement n’a jamais appliqué cette disposition que le président de la commission a défendue à juste titre, c’est parce qu’elle ne peut être applicable dans l’intérêt des agriculteurs. En effet, ces derniers sont confrontés à deux problèmes. D’abord, quand les prix à la production sont passés de 100 à 60, les prix à la grande distribution, pour le consommateur, sont passés de 100 à 120. D’un côté ils ont baissé, et de l’autre ils ont augmenté. La différence – très importante – s’est creusée aux dépens des agriculteurs. L’autre problème, c’est que, parfois, les fruits et légumes sont vendus trop chers, d’où l’idée du coefficient multiplicateur. Malheureusement, il s’agit d’une fausse bonne idée, pour une raison évidente : nous nous trouvons dans un contexte de compétition européenne.

M. Jean Dionis du Séjour. C’est cohérent.

M. Jean-Paul Charié. Quand vous appliquez un coefficient multiplicateur, il vaut pour les agriculteurs français aussi bien qu’espagnols ou portugais. Aussi ceux qui vendent moins cher sont-ils favorisés. C’est le cas dans le secteur des fraises où le coût de la main-d’œuvre qui représente plus de 50 % de la production est beaucoup moins élevé dans certains pays.

Par conséquent, ce coefficient multiplicateur, dont l’objet est d’aider les producteurs français, malheureusement les dessert.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Non, dans l’absolu, il ne les dessert pas !

M. Jean-Paul Charié. Voilà pourquoi, hélas, le coefficient est une fausse bonne idée.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur Charié !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je dirai tout d’abord : objectif atteint. Je souhaitais que cet amendement soit l’occasion d’un échange sur le coefficient multiplicateur et sur les raisons pour lesquelles il n’est jamais appliqué, même quand sont réunies les conditions pour qu’il le soit.

S’il n’est pas appliqué, ce n’est pas parce que les agriculteurs y seraient perdants, monsieur Charié. Cette démonstration est curieuse. J’ai l’impression que vous êtes plus spécialiste des petites et moyennes entreprises que de l’agriculture.

Si le coefficient multiplicateur n’est pas appliqué, c’est tout simplement parce que s’exerce une pression extrêmement forte, en particulier de la part de la grande distribution.

M. Jean Dionis du Séjour. Eh oui !

M. André Chassaigne. Car s’il était appliqué, ce serait l’ensemble du réseau qui se le verrait appliquer, et cela permettrait de faire supporter par les différents intermédiaires – dont les distributeurs, mais également les autres – le coût minimum qui est nécessaire pour payer le travail, pour payer la production des agriculteurs.

Je voulais qu’il y ait un échange sur ce point. Ce qui est important, c’est que le compte rendu de cet échange soit bien communiqué au ministre de l’agriculture. Ce problème doit être pris au sérieux. Toutes les conditions étaient réunies, l’été dernier, pour que soit mis en œuvre, de façon limitée, le coefficient multiplicateur. Il n’est pas normal qu’il y ait eu des blocages.

Je retire mon amendement. L’objectif était qu’il y ait une discussion. Elle a eu lieu.

M. le président. L'amendement n° 297 est retiré.

Article 2

M. le président. Sur l’article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Le premier choix fondamental de ce projet de loi était de fixer le seuil de revente à perte au triple net, et nous avons dit notre accord sur ce point.

Avec cet article 2, nous sommes devant le deuxième choix fondamental de ce texte : maintenir en dehors de ce triple net la coopération commerciale.

Dans cette affaire, le groupe Nouveau Centre a un seul objectif : démonter radicalement le système des marges arrière. Si, après avoir adopté la disposition redéfinissant le SRP, l’on maintient les blocages qui existent, notamment celui qui porte sur la négociabilité des tarifs, à quoi va-t-on aboutir ?

Puisque les conditions générales de vente ne sont pas négociables, les tarifs sont bloqués. Mais la coopération commerciale, elle, ne l’est pas. Le commerce étant ce qu’il est, c’est donc sur elle que tout l’effort va se porter. Et en cette matière, mes amis, l’imagination est vraiment infinie.

La position du Nouveau Centre, qui a été constante depuis cinq ans, consiste à dire que le SRP, la négociabilité des tarifs et la réintégration de la coopération commerciale dans le prix de revient constituent un tout.

Nous souhaitons préciser certains points.

Premièrement, comme l’a dit notre collègue Jean-Paul Charié, ainsi que notre rapporteur et le secrétaire d’État, la coopération commerciale existera toujours.

Deuxièmement, en ce qui concerne la négociabilité des tarifs, quels arguments sont avancés pour justifier le découpage du calendrier parlementaire en deux temps ? Nous avons eu ce débat en commission. Le premier argument consiste à dire qu’il ne faut toucher à rien, qu’il est préférable de maintenir le statu quo même s’il n’est pas satisfaisant, que même si le système des marges arrière n’est pas très sain, le niveau de prix nous convient, et qu’un nouveau système déclencherait une véritable guerre des prix. À tous ceux qui tiennent ce discours – et si j’ai bien compris, c’est le cœur de l’argumentaire du rapporteur –, je réponds que, dans le cadre des travaux conduits par notre commission ou par la mission d’information, nous avons entendu un nombre impressionnant de responsables de PME qui sont venus nous dire à quel point ils avaient été broyés par les marges arrière. Ce n’est pas parce que certaines PME ont trouvé un équilibre dans ce système un peu glauque que les marges arrière doivent être pérennisées.

Le deuxième argument que l’on entend consiste à dire que de toute façon, quoi que l’on fasse, les acteurs de la grande distribution étant les plus forts, ils imposeront leur loi. Mes amis, cela est faux. Si l’on change les règles du jeu, le rapport de force changera et, surtout, on pourra s’orienter vers un système plus transparent.

Aujourd’hui, pour des raisons de perception, de sensibilité, on a voulu faire deux mi-temps. Ce choix n’est pas le bon. Je souhaite que l’on adopte une réforme d’ensemble. Je crains fort que cette réforme en deux temps n’ait les mêmes résultats que la loi Dutreil, laquelle avait prévu la possibilité de réintégrer les marges arrière, ce qui n’a pas empêché celles-ci de continuer à augmenter : 37 % avant l’entrée en vigueur de la loi Dutreil, 39 % après.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Mon collègue Jean Dionis du Séjour vient d’analyser l’article 2. Je ne dirai pas des choses très différentes de lui, parce que moi aussi, comme mon groupe, j’ai défendu depuis un certain temps une position constante sur ces marges arrière, ou ce que l’on appelle pompeusement la « coopération commerciale », en distinguant curieusement la vraie de la fausse.

Je trouve assez extraordinaire que l’on parle d’interdire la fausse. Parce que si elle est fausse, par définition, elle est déjà interdite. La législation française me paraît assez étendue, assez large pour qu’on puisse y trouver les moyens d’interdire ce qu’on appelle la fausse coopération commerciale, puisque c’est de la triche. C’est du vol, d’une certaine façon. Nous avons déjà tous les instruments juridiques nécessaires. Il est inutile que je les rappelle, vous les trouverez vous-mêmes.

Mais même la vraie doit être interdite. Car, en définitive, qu’est-ce que la vraie coopération commerciale ? Quelle PME aura l’aplomb de demander que soit vérifiée l’application de ce qui est prévu dans le contrat de coopération commerciale, et de vérifier si les centimètres carrés, les décimètres carrés, les mètres carrés de présence dans le catalogue de la grande surface valent bien le prix qui a été facturé ? Vous savez tous que, si une entreprise le demande, elle ne le demandera qu’une fois, parce que l’année suivante, elle sera déréférencée.

Tant qu’on voudra maintenir ce système, que la droite a mis en place, que la gauche a voulu moraliser,…

M. Michel Raison, rapporteur. La droite ne l’a pas mis en place !

M. Jean Gaubert. …que la droite a voulu à son tour moraliser – je parle des lois de 1996, de 1999, de 2004 et 2005 –, et que vous voulez à nouveau moraliser, on maintiendra un système qui, malgré vous, je dis bien malgré vous parce que je ne vous fais pas le procès d’être complices, sera opaque, glauque, mafieux. Beaucoup parlent de racket.

Pourquoi mafieux ? Parce que tout se passe dans le non-dit, et surtout dans le non-écrit. Et ce n’est pas parce que vous direz que les choses doivent être écrites que cela changera grand-chose. Comment allez-vous codifier ce qu’on appelle le référencement ? Comment allez-vous interdire l’obligation d’aller se faire référencer à Genève ? Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Quand on va se faire référencer à Genève – puisque vous considérez que c’est bien –, comment allez-vous faire pour être certains que l’on y parle du produit, alors qu’en réalité on n’y parle que du droit d’aller visiter la centrale nationale, et que l’on paie pour avoir ce droit ?

Au niveau de la centrale nationale, comment allez-vous vous poser les mêmes questions, alors que, là encore, le seul objet à présenter lorsqu’on s’y rend est le carnet de chèques ? Outre le carnet de chèques, il faut aussi s’armer de patience. Parce que vous pouvez être convoqué le matin et n’être reçu que le soir. On vous aura quand même dit qu’il ne faut pas aller déjeuner parce qu’on viendra peut-être.

Comment allez-vous régler le problème des délais de paiement ? Je constate qu’il est complètement absent de ce projet de loi alors que M. Leclerc lui-même dit que l’année dernière, si l’on avait ramené à trente jours tous les délais de paiement qui dépassent cette durée, cela aurait correspondu pour la profession à un transfert de 11 milliards d’euros ? Cela correspond donc aujourd’hui à une somme plus importante, parce que les taux d’intérêt ont augmenté. En supposant que le taux d’escompte est passé de 3 à 5 %, cette somme avoisinera peut-être cette année 20 milliards d’euros. Quelle réponse allez-vous apporter à ce problème ? Il n’y en a aucune dans ce texte.

M. Leclerc nous dit en substance : « Vous ne voudriez quand même pas que je redonne cet argent aux grands industriels ! » C’est toujours le même discours. Eh bien, nous voudrions bien, oui, qu’une partie de cet argent soit reversée aux PME, dont il nous dit qu’elles constituent environ les deux tiers des fournisseurs de la grande distribution, qu’une autre partie soit reversée aux consommateurs et une autre aux salariés de la grande distribution.

Dans ces conventions de coopération commerciale, comment traitez-vous le problème du retour des marchandises ? C’est quand même extraordinaire que les acteurs de la grande distribution nous disent : « Laissez-nous faire notre métier de commerçant ! ». Un commerçant, c’est quelqu’un qui achète, qui vend, et qui prend ses responsabilités avec ce qu’il n’a pas vendu. Dans la grande distribution, on ne prend ses responsabilités qu’avec ce qu’on n’a pas vendu. Dans certains cas, on prévoit de le renvoyer au fournisseur. Cette pratique n’existe que dans ce secteur.

Avec l’article 2, nous ne sommes donc pas en train de d’examiner une question technique. Nous allons valider – ou invalider, car nous en avons la possibilité – des pratiques qui sont condamnables, que nous aurions tort, que nous serions même criminels de ne pas condamner.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je serai très bref, monsieur le président. Je ne vais pas exagérer, puisque M. le président de la commission des affaires économiques a essayé tout à l’heure de tancer l’opposition.

J’ai lu avec attention les articles 1er, 2 et 3, qui traitent d’une question dont, malheureusement, nous avons déjà débattu dans cet hémicycle. J’étais le rapporteur de la loi relative aux nouvelles régulations économiques. Finalement, nous n’avons pas réussi, par la loi, à traiter cette question de la coopération commerciale, ou de la fausse coopération commerciale.

Nous avions des clauses noires, à l’époque. Nous disions : toute fausse coopération commerciale est interdite ; elle est punie ; il n’y a pas de coopération commerciale rétroactive. Et au bout du compte, même si vous avez dit que l’on avait réussi à faire passer une partie de cette coopération commerciale en marge avant, monsieur le secrétaire d’État, il reste qu’aujourd’hui la situation est pire que par le passé pour un certain nombre d’entreprises. Il est des PME et des PMI qui sont dans une situation de dépendance encore plus grande. Il y a une guerre sans merci entre les multinationales et les entreprises de la distribution. On les voit se répondre par pages de journaux interposées.

Et malheureusement, malgré les chiffres que vous avez cités en répondant aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, monsieur le secrétaire d’État, s’il y a eu augmentation de la part des PME dans les linéaires, c’est à cause des marques de distributeurs. Et la situation des entreprises dont les produits sont vendus sous une marque de distributeur n’est pas non plus florissante.

Il y a manifestement des abus de dépendance économique. Et malheureusement, loi après loi, on ne fait rien à ce sujet. Je n’ai pas l’impression que les articles 1er et 2 de ce projet de loi parviendront à régler cette question.

Que faut-il faire ? C’est simple. Vous dites que l’on va passer au triple net, mais commençons tout de suite, puisque nous savons combien coûte le service qui est appelé coopération commerciale, à limiter au pourcentage ce qui constitue une toute petite partie du service rendu. Car c’est un fait qu’une toute petite partie du service rendu est réelle. Le reste, c’est de la fausse coopération commerciale.

Par conséquent, limitons cette coopération commerciale. C’est ce que nous aurions dû faire. Et je regrette que nous ne l’ayons pas fait. J’ai cru, il y a une dizaine d’années, après avoir étudié cette question, que la loi suffirait. Elle ne suffit pas. Les rapports sont trop inégaux entre ceux qui ont la puissance de l’argent et ceux qui ne l’ont pas.

Depuis quinze ans, dans le secteur de la consommation comme dans tous les secteurs industriels, des gains de productivité ont été réalisés. Qui en a bénéficié ? Le consommateur ? Non. Ils ont profité à quelques grandes marques de distribution, qui ont d’ailleurs financé leur développement international grâce à cela, et donc grâce au consommateur. D’autres entreprises ont bénéficié, dans leur développement initial, de cadeaux qui étaient dus au règlement ou à la loi. Aujourd’hui, il faut faire cesser cela.

De nombreuses PME dans nos circonscriptions nous disent : « si vous avez un peu de pouvoir au Parlement, faites cesser ce racket de la distribution, qui nous empêche de nous développer ». M. Pancher est député de la Meuse : les producteurs de légumes pourraient lui expliquer quelle domination ils subissent aujourd’hui. Je n’ai pas le sentiment, monsieur le secrétaire d’État, que le texte réglera ce problème.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. L’article 2 me donne une impression de faux-semblant. Pour reprendre l’image que j’ai utilisée en défendant la question préalable, c’est une toile d’araignée qui laissera passer les grosses mouches et coincera les petites. Aujourd’hui se font face la grande distribution superpuissante – Carrefour avec 26 % de part de marché, Leclerc avec 17 %, Système U 8 %, Casino 13 %, Auchan 13 %, Intermarché 13 % – et les gros fournisseurs, en particulier Nestlé et Danone dans l’alimentation.

M. Jean-Yves Le Déaut. Et Unilever !

M. André Chassaigne. Mais compte tenu du nombre de produits que ces fournisseurs vendent à la grande distribution, croyez-vous vraiment que cette dernière aura beaucoup de moyens de pression pour faire baisser les prix ? Pourra-t-elle se passer des 140 marques de Nestlé ou de celles de Danone ? Au final, les grandes perdantes seront les petites et moyennes entreprises productrices de produits alimentaires, qui n’auront aucun moyen de négociation. Absolument aucun ! En croyant faire baisser les prix, vous aurez une satisfaction de court terme, mais très rapidement un monopole s’installera, qui aura des conséquences terribles pour l’agriculture, cher rapporteur, ainsi que pour les PME, cher Jean-Paul Charié. Les conventions et la coopération commerciale sont des artifices dont vous ne mesurez pas les conséquences catastrophiques.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi d'un amendement de suppression, n° 128, dont j’ai cru comprendre qu’il avait été défendu dans la discussion sur l’article.

M. François Brottes. Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaiterais le soutenir.

M. le président. J’ai entendu deux orateurs le défendre, mais si vous souhaitez le faire également, libre à vous.

M. François Brottes. Mes collègues sont intervenus sur l’ensemble de l’article, pas sur cet amendement en particulier.

M. Michel Raison, rapporteur. Par son objet même, il porte également sur l’ensemble de l’article ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Mais il a un côté subtil !

M. François Brottes. Après la réforme du seuil de revente à perte, qui porte sur les modalités de vente en dessous du prix coûtant, cet article, qui ne traite ni de la question du mode de référencement, ni de celle des délais de paiement, élément pourtant majeur des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs, pas plus que de celle de la reprise des invendus, nous semble totalement incongru.

Mais vous avez raison, monsieur le président, Jean Gaubert a largement développé ces arguments. Pour ma part, j’ai une question très précise à poser au rapporteur sur le 1° de l’article : les conditions de l’opération de vente des produits concernent-elles les relations du fournisseur au distributeur ou celles du distributeur au consommateur ? Les termes de « vente » et de « revente » étant indifféremment employés, cette précision me semble utile pour la suite du débat, plus d’ailleurs que la réponse du rapporteur s’agissant du sort – que je connais déjà – qu’il réserve à mon amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Pour ce qui est de votre question, monsieur Brottes, les conditions de l’opération de vente concernent les conditions générales de vente, donc celles que le fournisseur consent au distributeur, par exemple les ristournes, quantitatives ou autres, sur ses tarifs.

Quant à votre amendement, il tend à supprimer, par le biais de la suppression de l’article 2, les marges arrière dont on a parlé maintes fois depuis le début de l’examen de ce projet de loi. La coopération commerciale n’a pas été inventée par la droite et elle existe aussi dans d’autres pays, contrairement à ce qui est affirmé ici ou là.

M. Jean-Yves Le Déaut. Très peu !

M. Michel Raison, rapporteur. Nous n’avons guère eu le temps d’aller voir ce qui se passait ailleurs, mais nous avons des contacts, notamment auprès de fournisseurs qui travaillent avec l’étranger. Un journaliste anglais m’a appelé récemment, m’informant que l’Angleterre essaie d’introduire un peu de rigueur juridique dans certaines pratiques occultes.

Vous souriez en entendant parler de « vraie » et de « fausse » coopération commerciale. C’est que la fausse est interdite aujourd’hui. D’ailleurs, c’est à se demander si certains distributeurs n’ont pas, depuis deux ans, organisé la diabolisation des marges arrière pour mieux plaider leur suppression au profit de la négociabilité. Que se passerait-il alors ? Dans le cadre d’une négociabilité totale, sans marge arrière, il existera toujours de la coopération commerciale entre distributeur et fournisseur. Vous ne pourrez pas l’empêcher. Non seulement le distributeur jouera sur les éléments de la première négociation, notamment les ristournes quantitatives, mais il y a aura encore une deuxième négociation, et le fournisseur qui voudra être dans le catalogue ou en tête de gondole devra baisser ses prix de 20 ou 30 %. Sauf qu’il n’y aura plus la relation juridique qui existe aujourd’hui, celle-là même que nous sommes en train de renforcer avec l’article 2. En le supprimant, vous donnerez plus de souplesse aux distributeurs par rapport à leurs fournisseurs.

M. François Brottes. C’est une interprétation erronée !

M. Michel Raison, rapporteur. C’est pourquoi, suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je partage l’avis de M. Le Déaut : il est exact que grands industriels et grands distributeurs, conjuguant leurs intérêts, ont délibérément écarté le consommateur de la négociation commerciale pendant des années. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons le replacer au cœur de cette négociation. Nous pensons qu’il tirera bénéfice du basculement de la totalité des marges arrière vers l’avant.

Monsieur Chassaigne, vos préoccupations sont légitimes et la mission d’information parlementaire de 2005 s’était interrogée sur l’impact que de telles mesures pourraient avoir sur l’agriculture, le commerce de proximité ou les fournisseurs PME. À l’époque, nous craignions qu’elles ne produisent des dommages collatéraux. Or force est de constater que la première étape de la réforme n’en a pas engendré. Bien au contraire, après deux ans, la part des PME a augmenté dans les linéaires et il n’y a pas eu d’impact négatif sur la part du commerce de proximité. Cela nous a encouragés à aller plus loin.

Bien entendu, le Gouvernement ne peut être que défavorable à l’amendement de suppression de l’article 2. Nous pensons qu’il est important d’avoir un contrat unique, simplifié, qui résume le niveau de coopération commerciale entre le fournisseur et son client, en l’occurrence la grande distribution. Il est tout aussi important de négocier en même temps le prix et les conditions de la coopération commerciale, qui peut être un outil à la vente ou un service supplémentaire. D’ailleurs, cela fonctionne très bien dans d’autres secteurs de l’économie française sans donner lieu aux abus que l’on constate dans les relations entre grands industriels et grands distributeurs alimentaires.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’article 2 est important, car il instaure dans les relations entre fournisseurs et distributeurs une transparence qui est une condition sine qua non de la bonne application de la réforme du seuil de revente à perte. Le contrat unique permet d’y voir clair et de faciliter les contrôles. Encore faudra-t-il que le formalisme, qui est une protection pour la partie la plus faible, soit bien respecté. Le caractère écrit de la convention est une bonne garantie. Il est également important d’affirmer avec force la primauté des conditions générales de vente du fournisseur et de bien distinguer les services directement liés aux produits – qui peuvent donner lieu à une rémunération sous forme de baisse du prix – et les autres services, qui doivent impérativement être facturés et payés séparément. La négociabilité des conditions générales de vente mettrait complètement à bas l’édifice que nous sommes en train de construire. Sur ces points, les débats en commission ont débouché sur l’adoption d’un amendement me donnant satisfaction. Il n’y a donc pas lieu de supprimer cet article.

M. Jean-Paul Charié. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Doutant d’un accueil favorable de votre part à notre proposition de suppression de l’article, nous avons également prévu des moyens de l’enrichir. Comme nous, vous considérez que le système est opaque et mal contrôlé, et vous proposez de le moraliser en instituant un contrat de coopération commerciale. Mais peut-on moraliser le racket ou un système mafieux ? Notre réponse est non, et je suis persuadé qu’au fond de vous-mêmes vous pensez comme nous. Or vous cédez à la pression et tenez compte aussi du revirement soudain – sur l’origine duquel on peut s’interroger – d’un certain nombre de PME, à qui on a flanqué la frousse en leur faisant savoir que la disparition de la coopération commerciale entraînerait l’impossibilité de mettre leurs produits en valeur. Elles vous l’ont sans doute rapporté, comme à nous.

En réalité, les problèmes demeurent et vous ne les réglez pas du tout. Ainsi, monsieur le ministre, je n’ai pas entendu une seule réponse sur le référencement – qui est un vrai racket – et sur son financement. Par définition, le référencement ne correspond à aucune prestation.

M. François Brottes. Ce n’est pas dans le contrat !

M. Jean Gaubert. J’attends qu’on nous dise ce qu’il va devenir. Son coût varierait, selon les produits, de 2 % à 4 %. Que pensez-vous de cela ? J’attends que vous nous disiez que c’est illégal, à tout le moins que la pratique du paiement du référencement est illégale – nous déposerons d’ailleurs un amendement en ce sens – parce qu’il n’y a aucune prestation en face.

Il faut aussi poser la question du retour des marchandises, qui n’est apparemment pas prévue alors qu’une des particularités de la grande distribution est qu’elle s’assimile davantage à un dépôt-vente qu’à une vraie surface de vente.

Je suis désolé de toujours faire référence à lui, mais quand M. Leclerc – qui est celui qui parle le plus…

M. Jean-Paul Charié. S’il se contentait de parler !

M. Jean Gaubert. …et qu’on est donc obligé d’écouter – réclame qu’on le laisse faire son métier de commerçant, je lui réponds : chiche ! Qu’il achète et qu’il revende, mais qu’il ne se comporte pas comme s’il tenait un dépôt-vente, ce qui est le cas aujourd’hui pour certains produits. J’attends, là aussi, de voir comment ces pratiques seront réglementées, car je ne l’ai vu nulle part.

Nous sommes dans une situation d’abus de position dominante, monsieur le secrétaire d’État. Vous vous livrez tant bien que mal, malgré votre bonne foi, à du rafistolage, alors que vous savez au fond que le système est tellement mafieux qu’il va générer de nouvelles pratiques que nous n’avons pas encore imaginées. Ces gens-là trouveront le moyen de contourner cette loi comme ils ont contourné toutes les précédentes !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais cet article vous donne raison !

M. Jean Gaubert. Non, il codifie la coopération commerciale, et nous ne voulons pas qu’elle soit codifiée, car nous savons qu’elle ne peut pas l’être. J’en veux pour preuve le fait que vous avez oublié d’y mettre tous les éléments que je viens d’évoquer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 148 rectifié.

La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.

M. François Brottes. Cet amendement demande également, sous une autre forme de rédaction, la suppression de l’article 2.

Mais j’ai une question très simple, monsieur le rapporteur : le référencement et son financement font-ils ou non partie de la convention unique prévue à cet article ?

M. Jean-Paul Charié. Mais la loi interdit le référencement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Le référencement est en effet interdit, monsieur Brottes, et d’après les auditions auxquelles nous avons procédé, il a, dieu merci, largement diminué ; les patrons de PME que j’ai auditionnés en privé s’en trouvent d’ailleurs satisfaits.

Vous nous reprochiez tout à l’heure d’être dans l’illégalité avec la coopération commerciale – ce qui n’est nullement le cas, telle qu’elle est intégrée par le projet de loi dans une convention unique annuelle. Ne nous demandez donc pas à présent de légiférer sur des dispositions interdites ! Il faut simplement continuer à lutter pour mettre fin à ces pratiques.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. L’article L. 442-6 du code de commerce interdit en effet le référencement, et plusieurs condamnations ont déjà été prononcées.

Quant à votre amendement, qui prévoit l’abrogation de l’article L. 441-7, le Gouvernement n’y est pas favorable, parce qu’il est attaché à ce que la relation commerciale entre fournisseur et distributeur soit précisée, afin que la transparence soit maintenue sur les engagements réciproques des parties.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Le référencement est en effet interdit et sera condamné dans les cas où il pourra être prouvé. Soit. Mais, comme l’a rappelé Jean Gaubert dans la discussion générale, il existe ailleurs en Europe.

Que pensez-vous d’une grande entreprise de distribution française qui possède en Suisse deux centres de référencement, l’un près de l’aéroport de Zurich, l’autre à Genève, et qui exige de ses clients, pour qu’ils puissent vendre chez elle, qu’ils soient référencés au niveau européen ? Avez-vous connaissance de telles pratiques ?

M. Jean Gaubert. M. Bédier affirme que cela existe !

M. Jean-Yves Le Déaut. Dans ce cas, comment allons-nous faire pour obtenir l’interdiction du référencement en Europe ? Être obligé de passer par une case – que dis-je : un coffre – en Suisse pour pouvoir vendre ses produits est une forme de racket qui nous choque.

M. Michel Raison, rapporteur. Oui, c’est choquant.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Le Déaut, le Parlement français n’est pas là pour légiférer sur le droit suisse. Raison de plus pour préciser le mieux possible la relation entre industriels et distributeurs.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bon argument !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Raison de plus également pour définir dans le détail ce qu’est une prestation de coopération commerciale, de manière que les services de la DGCCRF puissent contrôler au mieux les pratiques.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J’appelle l’amendement n° 216.

Sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe Nouveau Centre d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement.

M. Jean Dionis du Séjour. L’article 2 prévoit une convention de coopération commerciale autonome par rapport à la négociation sur le produit.

L’instauration du SRP au triple net est une bonne chose, mais je crains fort qu’il ne soit pas utilisé. En effet, certains tarifs ne sont pas négociables, et plusieurs de nos collègues ont exprimé leur attachement à cette règle. Or, en marge de la négociation sur le produit existe une convention de coopération commerciale qui, elle, est négociable. Que croyez-vous qu’il va se passer dans ces conditions : on va négocier sur la convention de coopération commerciale ! Et, compte tenu de l’infinie capacité d’imagination des distributeurs et de nos penchants pour l’inflation en toute choses et pour la corruption, les marges arrière vont ressurgir de plus belle ! Cela a pourtant donné lieu en 2005 à des nuits entières de débats. Veut-on, oui ou non, en finir avec les marges arrière ? Retrocommissio delenda est ! (Sourires.)

Vous nous dites, monsieur le ministre, que le bilan de la loi Dutreil et bon. C’est vrai pour les prix mais pas pour les marges arrière, qui sont passées de 37 % avant la loi à 39 % après. Il est donc clair que, tant que le système ne sera pas verrouillé et que l’article 2 n’aura pas été modifié, les marges arrière continueront de prospérer.

La coopération commerciale existera toujours ; il ne faut pas faire preuve d’angélisme, et je donne, sur ce point, raison au rapporteur. Mais, quitte à s’opposer frontalement à la grande distribution, il faut exiger qu’elle soit transparente, détaillée et contrôlable. Nous le répétons : oui à la négociabilité des tarifs ; non à l’opacité. Enfin, la coopération commerciale doit être globale et recentrée sur le produit.

Ceux d’entre nous qui sont attachés à la non-négociabilité des tarifs contribuent au maintien d’un système inique, au prétexte que les PME redoutent une guerre des prix. Mais rappelons-nous le nombre de patrons de PME qui sont venus nous dire, des sanglots dans la voix, à quel point ils étaient broyés par le système des marges arrière. Ce n’est pas parce que certaines ont trouvé leur bonheur dans le statu quo qu’on ne doit pas faire exploser ce système mafieux.

L’argument de nos collègues socialistes est que les distributeurs sont, de toute façon, les plus forts et que, quoi que l’on fasse, ils sauront contourner la loi et faire apparaître les effets pervers du système. Pas si l’on instaure de la transparence et que l’on revient à la négociation sur le produit. Cela ne sera pas forcément le paradis, mais nous irons au moins dans la bonne direction.

Nous savons tous qu’il faut le faire. M. le secrétaire d’État a d’ailleurs courageusement dit qu’on irait vers la négociabilité. Pourquoi attendre, dans ce cas ? Partager la loi en deux en s’occupant d’abord du SRP, et ensuite seulement de la négociabilité, est à mon sens une mauvaise solution. Non seulement cela ne fera aucune différence sur le coût du caddie, mais en plus, cela ne règle pas le problème au fond.

Pourquoi donc ne pas faire dès ce soir la vraie réforme que propose mon amendement ? On m’oppose l’obligation d’en peser les termes, le temps nécessaire de la pédagogie, voire la proximité des élections municipales. Ce n’est pas sérieux ! Votons-la, qu’elle puisse passer au Sénat et être traduite en décrets par votre administration, sans quoi nous ferons du sur place, voire de la « marge » arrière… (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur Dionis du Séjour, puisque vous admettez que la coopération commerciale continuera d’exister, comment allez-vous m’expliquer que, lorsque les prix seront intégrés dans la négociation, les fournisseurs ne seront plus massacrés ?

Les relations commerciales sont une vieille question. D’après l’ouvrage d’un membre de la DGCCRF, Saint Louis avait demandé à Étienne Boileau, prévôt de Paris, d’écrire le livre des métiers, lequel consignait les usages loyaux du commerce – à l’époque, surtout des règles sanitaires.

M. Jean Dionis du Séjour. Osons être les héritiers de Saint Louis !

M. Michel Raison, rapporteur. Ce qui m’inquiète le plus dans votre amendement, c’est qu’il risque de rétablir la discrimination tarifaire pratiquée par les fournisseurs selon la taille des distributeurs.

M. Jean Dionis du Séjour. Vous préférez de la discrimination dans la négociation commerciale et les marges arrière ?

M. Michel Raison, rapporteur. Si j’avais la certitude qu’il équilibre les rapports de forces entre le fournisseur et le distributeur, j’y serais favorable, mais ce n’est pas le cas. Mieux vaut donc garder un dispositif qui a le mérite de sécuriser les relations commerciales du point de vue juridique. Le porte-parole du groupe UMP a d’ailleurs dit qu’il était prêt à réfléchir à un système se rapprochant du vôtre, mais capable de garantir les équilibres fondamentaux.

Votre amendement, monsieur le député, disloque au contraire l’ensemble du système, sans pour autant protéger le fournisseur, ce que tout le monde souhaite ici, car nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il existe des dysfonctionnements dans les relations entre fournisseurs et distributeurs. Il me semble donc extrêmement dangereux, et c’est pour cela que la commission a émis un avis défavorable.

Les conditions générales de vente font d’ailleurs l’objet d’une petite négociation et ne figent pas les prix, tout en garantissant la non-discrimination des tarifs, qui doit être maintenue.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Dionis du Séjour, vous dites oui à la négociabilité, non à l’opacité : le Gouvernement partage ce point de vue. C’est la raison pour laquelle il attire l’attention des députés sur le fait que l’adoption de votre amendement entraînerait la mise en œuvre immédiate de cette négociabilité, sans qu’en soit mesuré l’impact sur l’ensemble de l’économie. Nous pensons, au contraire, qu'il faut étudier cet impact sur les différents acteurs et qu’il est nécessaire de réfléchir, pour accompagner la réforme, à des mesures sur les délais de paiement, mais aussi à des dispositions spécifiques à destination des PME, à une révision du régime des sanctions et à un renforcement du contrôle de l’abus de position dominante, ainsi qu’à des mesures concernant l’équipement commercial.

Ces dispositions ne figurent pas dans votre amendement, et dans l’attente mesures d’impact précises, le Gouvernement n’est pas favorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, lorsque j’ai eu des divergences à exprimer, je l’ai fait en toute loyauté. Mais j’ai reconnu aussi, dès la discussion générale, qu’à la suite des déclarations très précises de Jérôme Bédier, président de la FCD, d’Arnaud Mulliez ou de Michel-Edouard Leclerc, un certain nombre de choses avaient changé, et que, grâce au courage et à la détermination du Président de la République, les lignes étaient en train de bouger.

Comme le Robinson-Patman Act aux États-Unis – pays ô combien libéral, mais qui a des règles du jeu parce qu’il ne peut pas y avoir de liberté sans un minimum d’encadrement –, tout le droit français repose, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, sur la non-discrimination tarifaire et, par voie de conséquence, sur la non-négociabilité des prix. Tout notre droit de la concurrence, en particulier, repose sur ce pilier.

Cependant, j’ai dit également qu’on pouvait tout remettre en cause. En effet, et vous en avez conscience sur tous les bancs de cette assemblée, il est urgent que, dans le monde de la grande distribution à dominante alimentaire, les rapports entre fournisseurs et distributeurs se passent aussi bien que dans les autres pays.

Monsieur Dionis du Séjour, on pourrait vous suivre si votre amendement ne se limitait pas à un seul aspect de la question. À titre personnel, je suis favorable à la négociabilité, mais seulement après discussion et si ce n’est pas le seul point qui est remis en cause. Eh oui, si vous avez une chaise à quatre pieds, vous ne pouvez pas supprimer un seul pied, il faut supprimer les quatre ! (Exclamations et sourires.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Si on supprime les quatre pieds, ce n’est plus une chaise !

M. Jean-Paul Charié. Si, le siège s’abaisse, et ce qu’on veut, c’est bien baisser les prix !

Si l’on raccourcit ou supprime un seul pied, il y a déséquilibre sans baisse des prix, alors que, si l’on supprime les quatre pieds, il y aura une baisse des prix, une amélioration du droit de la concurrence et, comme le demandent les grandes surfaces, des pratiques loyales.

Premier pied, la négociabilité.

Deuxième pied, la suppression totale de la facturation par les distributeurs d’un certain nombre de services aux fournisseurs, c’est-à-dire la suppression des marges arrière.

M. Jean Dionis du Séjour. Bien sûr !

M. Jean-Paul Charié. Ce n’est pas réalisé aujourd’hui. Dans l’analyse du Gouvernement, cela ne figure pas ; or le Gouvernement est cohérent.

Troisième pied, des engagements très clairs des acheteurs. Or aujourd’hui, malheureusement, et les socialistes l’ont dit, des acheteurs obtiennent des remises au nom de conditions qu’ils ne respectent pas, notamment les délais de paiement, les retours d’invendus.

M. Jean Gaubert. Eh oui !

M. Jean-Paul Charié. Quatrième pied, l’effectivité de la loi, qui passe, par exemple, certains en ont parlé tout à l’heure, par une instance unique du droit de la concurrence, la dépénalisation et les class actions.

Monsieur Dionis du Séjour, c’est prendre un risque énorme que de traiter de la seule négociabilité sans revoir en même temps les autres piliers.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert. Ensuite, nous passerons au vote.

M. Jean Gaubert. Le triptyque SRP, marges arrière et conditions générales de vente constitue le cœur du débat ; il est donc normal, monsieur le président, que nous y passions un peu de temps, pour que les uns et les autres puissent exprimer leurs inquiétudes. Les nôtres sont de deux ordres.

D’un point de vue général, elles portent d’abord sur les conséquences de la déstabilisation du système des conditions générales de vente. Jean-Paul Charié a évoqué un certain nombre de points qui ne sont pas traités dans cette loi, alors qu’ils méritent d’y figurer. Je pense aux retours d’invendus et aux délais de paiement, entre autres.

Deuxième inquiétude : depuis longtemps, il existe un déséquilibre entre une offre dispersée et des distributeurs très concentrés. S’il n’y a pas un minimum de garanties pour l’offre, pour les PME en particulier, les distributeurs auront encore beaucoup plus de poids qu’ils n’en ont aujourd’hui – et ils en ont déjà beaucoup ! Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit que la part des PME avait augmenté dans la grande distribution, mais c’est seulement à cause des MDD. Or, vous le savez, les marques des distributeurs sont en quelque sorte des menottes sur les poignets des chefs d’entreprise !

Je connais un certain nombre de chefs d’entreprise – même de PME, mais ils ne sont pas très nombreux – qui peuvent se permettre de refuser de faire des MDD parce qu’ils fabriquent des produits à forte image. Mais ce n’est pas le cas de tous ! La situation est complètement déséquilibrée, vous le savez.

Dans l’immédiat, et sans doute pour longtemps, il faudra veiller à éviter un déséquilibre encore plus fort. Car si tout est négociable, c’est le plus fort qui négociera, et jamais le moins fort !

Monsieur le secrétaire d’État, quelle évolution jugez-vous possible pour les conditions générales de vente. Nous avons cru comprendre que ce n’est pas pour tout de suite, mais peut-être à partir du printemps. Qu’est-ce qui aura changé au printemps dans le rapport de forces entre les grandes centrales d’achat et les petites PME de notre territoire ? Rien ! Dites-nous donc ce qui pourrait justifier un changement de position du Gouvernement d’ici au printemps.

Enfin, j’aurais aimé que mes collègues Le Fur et Forissier soient présents car leur amendement n° 54 présentait un grand intérêt et aurait mérité d’être porté au débat.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Gaubert, le Gouvernement ne changera pas d’avis d’ici au printemps. Simplement, comme l’a très bien indiqué Jean-Paul Charié, il considère que le sujet mis en avant par Jean Dionis du Séjour est un vrai sujet, mais qu’il doit être traité globalement en abordant les quatre questions dont j’ai parlé tout à l’heure : la remise à plat des procédures de contrôle et du rôle des autorités qui en sont chargées s’agissant de la concentration de la distribution et des abus de position dominante ; l’équipement commercial ; les relations entre les grands distributeurs et les PME ; les délais de paiement, enfin, en mesurant bien l’impact que pourrait avoir une réforme en ce domaine sur les grands groupes. Mme Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, nous rendra les conclusions de ses travaux sur ces sujets dans quelques semaines. Nous travaillerons sur cette base avec la commission des affaires économiques, pour revenir devant le Parlement dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie.

En même temps, le Gouvernement a considéré que passer au triple net n’était pas une mince affaire. Pour le pouvoir d’achat des Français, et compte tenu de la situation actuelle et des effets bénéfiques constatés de la première étape de la loi, cette mesure était importante et ne devait pas attendre. Les accords annuels entre la distribution et l’industrie doivent être signés avant le 15 février. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité vous présenter une réforme qui permette de basculer au triple net dans le cadre de ces accords, de manière que les avantages commerciaux qui en sont attendus puissent être répercutés aux consommateurs dès l’année 2008. Sinon, il aurait fallu attendre 2009.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'amendement n° 216.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L'amendement n° 216 n’est pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 23 et 157.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 157.

M. Lionel Tardy. L’écrit permet de protéger la partie la plus faible. C’est aussi un moyen pour l’administration d’opérer des contrôles sur une base incontestable. Cela étant dit, je retire mon amendement au profit de celui de la commission, qui est identique.

M. le président. L'amendement n° 157 est retiré.

Monsieur le rapporteur, voulez-vous vous exprimer sur l’amendement n° 23 ?

M. Michel Raison, rapporteur. Non, il est défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 24 et 153, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour défendre l’amendement n° 24.

M. Jean-Paul Charié. J’ai déjà défendu cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 24 qu’il considère plus précis que l’amendement n° 153.

M. le président. Monsieur Tardy, maintenez-vous l’amendement n° 153 ?

M. Lionel Tardy. Mon amendement vise également à affirmer la primauté des conditions générales de vente. Sa rédaction étant très proche de celle de l’amendement n° 24 de la commission, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 153 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 133.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le soutenir.

M. Jean Gaubert. Nous avons déjà beaucoup argumenté sur les méfaits des fameuses marges arrière et sur la coopération commerciale codifiée. Je redis simplement que ce système mafieux, qui s’apparente à du racket, ne peut pas être amendé et qu’il faut donc le supprimer.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 66.

La parole est à M. Jean-Paul Charié, pour le défendre.

M. Jean-Paul Charié. Je souhaiterais que vous précisiez, monsieur le secrétaire d’État ou monsieur le rapporteur, que tous les services rendus sont bien inclus dans la convention. Si tel est bien le cas, je pourrai retirer l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour soutenir l’amendement n° 214.

M. Jean Dionis du Séjour. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur Charié, vous soulevez le problème de la définition du concept de services distincts. Se fondant sur la même analyse, la commission a proposé une rédaction plus complète dans les amendements nos 25 et 26 rectifié. Ils règlent non seulement ce problème de définition, mais aussi la question de l’application de la convention unique pendant l’année, en prévoyant la possibilité de formaliser cette convention unique en un contrat annuel assorti de contrats d’application. Cela permettra une plus grande souplesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement est favorable au principe d’une définition plus précise du contrat de coopération commerciale et des services distincts. Mais, comme l’indiquait le rapporteur, la commission a adopté l’amendement n° 26 rectifié qui, à notre sens, est plus précis. C’est pourquoi, monsieur Charié, je sollicite le retrait de votre amendement.

M. Jean-Paul Charié. Je le retire.

M. Jean Dionis du Séjour. Je retire également le mien.

M. le président. Les amendements nos 66 et 214 sont retirés.

Je suis saisi d’un amendement n° 163.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.

M. Lionel Tardy. Il s’agit également de distinguer les services directement liés au produit et les autres. À mon tour, je me rallie à l’amendement n° 26 rectifié et retire le mien.

M. le président. L’amendement n° 163 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 25.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Raison, rapporteur. Cet amendement est évidemment défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 26 rectifié et 67, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 26 rectifié.

M. Michel Raison, rapporteur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Favorable.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Monsieur le rapporteur, va-t-il sans dire que les dispositions du contrat cadre annuel, mais surtout des contrats d’application qui peuvent se succéder et procurer de la souplesse, sont écrites avant la mise en revente des produits concernés et que ce ne sont pas des contrats de régularisation ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Ce ne sont pas des contrats de régularisation. Cette disposition concerne surtout les produits saisonniers, pour lesquels on ne peut pas tout régler dans le contrat en début d’année. Le contrat cadre prévoit alors la possibilité de contrats d’application adaptés.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement n° 67, monsieur Charié, ou, dans la même logique que précédemment, le retirez-vous ?

M. Jean-Paul Charié. Dans la même logique, je voudrais attirer l’attention du Gouvernement et celle du rapporteur sur différents points.

J’aurais d’abord préféré que l’on parle d’une convention signée et non conclue car, entre l’accord et la signature, il peut se passer bien des choses.

Cela étant, pourquoi cette échéance du 1er mars ? Une échéance de douze mois aurait, à mon avis, été préférable, car elle aurait pris en compte soit les nouveaux clients, soit les nouveaux produits.

Pourquoi lister les éléments de vérification, qui sont de plus en plus nombreux ? Il aurait été préférable que la loi se contente d’énoncer le principe pour « permettre de vérifier la bonne exécution de chaque prestation ».

Enfin, pourquoi est-il précisé « deux mois après la première commande », alors qu’un délai important peut s’écouler entre la commande et la livraison ?

Telles sont mes trois questions. Bien sûr, monsieur le secrétaire d’État, dans l’intérêt d’une bonne application et grâce à la qualité de vos réponses, je retirerai sans doute cet amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur, considérez-vous toujours que votre amendement est préférable ?

M. Michel Raison, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Je me réserve de donner plus tard à M. Charié toutes les réponses précises aux questions qu’il vient de me poser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. François Brottes. Elles nous intéressent aussi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Peut-être, monsieur le secrétaire d’État, mes questions n’étaient-elles pas assez claires avant ce débat. Il faudra que vous donniez vos réponses au Sénat.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Non, avant !

M. Jean-Paul Charié. Si elles figurent dans le compte rendu des débats au Journal officiel, cela permet une meilleure effectivité de la loi. Je retire mon amendement, car je fais totalement confiance au Gouvernement pour apporter des réponses claires à ces trois questions.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Nous allons vous répondre.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il me semble qu’on exagère, monsieur le secrétaire d’État. N’avez-vous pas commis un lapsus ? Considérez-vous vraiment que vous ne devez une réponse qu’au député qui a déposé l’amendement ? Non, vous la devez à toute l’Assemblée.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Je la dois en effet à toute l’Assemblée.

M. Jean Gaubert. Je préfère cela. Nous ne pourrions accepter que vous ne répondiez qu’au groupe de l’UMP, et en dehors de l’hémicycle.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Raison, rapporteur. Je puis apporter quelques éléments de réponse à M. Charié. La clôture des négociations en début d’année correspond et à la pratique des professionnels. Le texte parle déjà de convention signée. La notion de première livraison est trop vague, beaucoup moins facile à vérifier que celle de passation de la première commande : ce point est important.

Enfin, vous dites, dans l’exposé sommaire de votre amendement n° 67, qu’il ne faut pas « lister les éléments de vérification et faire des différences entre les prestations ». En la matière, il s’agit de trouver le bon équilibre. Il faut prévoir de manière précise ce qui doit figurer dans la convention, car c’est une garantie contre toutes les pratiques qui pourraient se dérouler en marge. Je crois en même temps qu’il faut le faire à travers des catégories assez larges pour embrasser tout ce qui pourrait être négocié par les parties dans le cadre de la relation commerciale. Dresser une liste exhaustive de tout ce qui doit figurer dans la convention, c’est donner le mode d’emploi pour créer des pratiques nouvelles qui n’auront pas à y figurer. En la matière, on peut avoir beaucoup d’imagination – ce n’est pas vous, mon cher collègue, qui me démentirez. Or c’est précisément ce que fait votre amendement, puisqu’il dresse, entre parenthèses, une liste de pratiques.

M. Jean-Paul Charié. Mais non, c’est le contraire !

M. Michel Raison, rapporteur. C’est pourquoi la commission avait émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Je vous demande pardon de ne pas avoir été assez clair, monsieur le président. J’ai dit à M. le secrétaire d’État que, compte tenu des réponses précises qu’il donnerait, soit d’ici à la fin de nos débats, soit au Sénat, pour qu’elles figurent bien au Journal officiel, je retirais l’amendement n° 67. Je fais confiance au Gouvernement pour apporter des réponses précises à mes trois questions, non pas seulement à moi – que M. Gaubert soit rassuré – mais à l’ensemble du Parlement.

M. le président. L’amendement n° 67 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 26 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 155, 1, 154, 68, 69 rectifié et 248 tombent.

Je suis saisi d’un amendement n° 158.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour le soutenir.

M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à interdire le versement d’acomptes pour le paiement de prestations de coopération commerciale par le fournisseur au distributeur tant que les produits ou services auxquels ces prestations se rapportent n’ont pas été réglés par le distributeur au fournisseur. Les délais de paiement des distributeurs sont déjà trop longs. Si, en plus, le fournisseur doit payer la coopération commerciale avant d’avoir été réglé pour ses produits, on fait exploser les trésoreries.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Monsieur le député, je comprends et partage vos préoccupations. Toutefois, lorsqu’on dit que, pour le calcul du SRP, la coopération commerciale est rapportée au prix unitaire net du produit, cela ne veut pas dire que cette relation mathématique correspond nécessairement à un lien concret, direct. Par exemple, il peut y avoir de la coopération commerciale globale pour un événement, comme l’anniversaire du magasin, qui n’est pas spécifiquement rattaché à un produit donné, ainsi que peuvent l’être la présentation en tête de gondole ou une l’inscription dans un catalogue.

M. François Brottes. C’est un chèque en blanc !

M. Michel Raison, rapporteur. Cette coopération commerciale est quand même intégrée dans le SRP, mais il me paraît difficile de dire qu’elle doit être payée après le paiement du produit auquel elle se rattache, puisqu’elle peut concerner plusieurs produits.

En outre, il est très important de ne pas entretenir de confusion et de bien distinguer ce qui relève de l’achat-vente, des conditions générales de vente et de la facturation par le fournisseur, de ce qui relève de la revente. Le versement des rémunérations de coopération commerciale ne doit pas être lié à l’exécution des obligations d’achat-vente, mais à la réalisation concrète de ces prestations de coopération commerciale.

Enfin, votre amendement ne peut pas être déconnecté de la discussion sur les délais de paiement. Nous savons tous qu’il y a un problème de délais de paiement, que ceux-ci sont probablement trop longs en France et qu’une réflexion doit être conduite sur cette question difficile. Nous en avons déjà débattu en commission et nous aurons forcément l’occasion d’y revenir. Interdire le versement d’acomptes sur les prestations de coopération commerciale avant que le distributeur n’ait payé les produits ou services auxquels la coopération est rattachée risquerait du reste de créer un problème de trésorerie pour les fournisseurs.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Votre amendement, monsieur Tardy, entraînerait la suppression des versements d’acomptes de paiement des prestations de services. Le versement de ces acomptes offre aujourd’hui aux fournisseurs la possibilité d’étaler dans le temps le règlement d’un certain nombre de prestations, et donc la charge financière qui pèse sur eux. Beaucoup y sont donc attachés.

En outre, l’absence de contrepartie réelle qui peut être évoquée est déjà sanctionnée par le dispositif civil de l’article L. 442-6.

Enfin, le dispositif que vous proposez pourrait inciter les distributeurs à remplacer la coopération commerciale par des services distincts, ce que nous avons tous dénoncé par ailleurs.

Pour toutes ces raisons, je sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, le Gouvernement y serait opposé.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je trouverais dommage que l’amendement soit retiré, car il précise certaines bonnes règles qui tombent sous le sens. Après tout, il n’est pas anormal que le fournisseur, qui attend toujours d’être payé, ne soit pas en outre obligé de payer lui-même pour des prestations que le distributeur n’a sans doute pas encore réglées à ses autres fournisseurs, par exemple l’imprimeur ou l’entreprise qui distribue les prospectus. La morale serait bafouée. Je soutiens donc l’amendement de M. Tardy.

D’autre part, je relève que M. le rapporteur, en évoquant les prestations de coopération commerciale, a été jusqu’à mentionner l’anniversaire du magasin : nous découvrons là certaines réalités.

M. François Brottes. Ils passent aux aveux !

M. Jean Gaubert. Voilà des jours et des jours que vous nous expliquez que la coopération commerciale doit être rattachée à un produit. Dans le cas de l’anniversaire du magasin, elle ne se rattacherait même pas à la présence en rayon, à ce moment-là, d’un produit donné, mais seulement à sa présence dans le magasin au cours de l’année. Elle ne se rattacherait pas, en tout cas, à la mise en valeur du produit lors de cette manifestation. Sommes-nous encore dans la moralisation des règles de coopération commerciale ? S’agit-il d’un autre lapsus ? Dans le cas contraire, cela justifie très largement toutes les questions que nous vous avons posées et auxquelles vous n’avez pas répondu. La codification de la coopération commerciale n’est qu’un leurre, et vous n’êtes même pas capable de l’entretenir jusqu’à la fin des débats.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. Pour les raisons que vous avez évoquées, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement ne peut être voté et M. Tardy devrait le retirer. Mais si nous avons l’occasion de reparler des rapports entre les fournisseurs et les distributeurs, il faudra bien évoquer le problème qu’il pose. Il n’est pas normal – et je souhaite que la grande distribution comme les fournisseurs entendent ce que je vais dire – qu’un distributeur paie à plus de 140 jours les produits qu’il achète tout en exigeant des acomptes, voire un paiement comptant de ce qu’il facture à son propre fournisseur. Il y a là un vrai déséquilibre : il faudra bien que ceux qui refusent de payer dans le délai de trente jours mais qui exigent que leurs propres factures soient payées au comptant le comprennent.

Sans doute est-il beaucoup trop tôt pour trouver une solution mais il faudra bien, à terme, poser le problème.

M. le président. Monsieur Tardy, vous maintenez votre amendement ?

M. Lionel Tardy. Monsieur le secrétaire d’État, je vais être gentil et je vais me ranger à vos arguments ainsi qu’à ceux de M. Charié.

M. Jean Gaubert. Il ne faut pas être gentil ici !

M. Lionel Tardy. Mais il était important de pointer, et je crois que le rapporteur l’a bien souligné, ce problème des délais de paiement.

M. François Brottes. Il l’a bien souligné, c’est sûr, il l’a même surligné.

M. Jean Gaubert. Avec un crayon qu’il ne fallait pas utiliser.

M. Lionel Tardy. La longueur de ces délais entraîne pour les fournisseurs des difficultés de trésorerie. Il faudra absolument qu’on y revienne ultérieurement – nous serons là pour vous le rappeler, soyez-en certain.

En attendant, je retire l’amendement n° 158.

M. Jean Gaubert. Quelle gentillesse !

M. François Brottes. C’est un cadeau d’anniversaire ? (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 158 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Michel Raison, rapporteur. Je laisse à M. Charié le soin de le défendre, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Charié, vous avez la parole.

M. Jean-Paul Charié. Nous savons tous que, quelle que soit sa qualité, une loi mal appliquée ne sera pas aussi utile que nous le voudrions, nous législateurs. Ainsi, l’amende de 75 000 euros prévue à l’article 2 peut mettre une petite entreprise en difficulté, alors qu’elle ne sera absolument pas dissuasive pour une entreprise qui ferait 200 000 euros de pratiques déloyales : ce sera même pour elle un encouragement parce qu’il lui restera toujours 125 000 euros de gain.

L’amendement n° 27 propose donc de remplacer cette amende de 75 000 euros par un pourcentage : 5 % du chiffre d’affaires. L’amendement précise bien qu’il s’agit du chiffre d’affaires entre le fournisseur et son distributeur et non du chiffre d’affaires total du fournisseur ou du distributeur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. M. Charié suggère de proportionner au chiffre d’affaires la sanction du non-respect du formalisme des contrats. Le Gouvernement est bien sûr sensible aux arguments qu’il a avancés, mais la rigueur qui s’appliquerait désormais aux fournisseurs comme aux distributeurs nous semble excessive dans la mesure où elle entraînerait le versement d’une amende de 5 % du chiffre d’affaires. D’autant que, dans la distribution, le chiffre d’affaires n’est pas lié à une production industrielle mais uniquement à de la vente et à de la redistribution de produits.

Le Gouvernement considère donc que cette proposition est disproportionnée et il n’est pas favorable à cet amendement adopté par la commission.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je m’interroge, monsieur Charié. Je comprends votre intention, elle est bonne, mais je crois que ce serait la première fois, en droit pénal, qu’une sanction serait fixée en proportion d’un chiffre d’affaires. Je ne sais pas ce qu’en pense la Chancellerie, je ne sais pas si elle a été consultée, mais je me demande, en tant que juriste, si nous pouvons nous engager dans cette voie-là au détour d’un amendement.

M. François Brottes. S’agissant d’un amendement adopté par la commission, il serait temps de s’en rendre compte !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez raison, il s’agit d’un amendement de la commission, mais j’ai le droit de m’interroger sur son implication au niveau pénal.

M. François Brottes. Il est quand même choquant que le président de la commission revienne sur un amendement de la commission.

M. Jean-Paul Charié. Parce que ce serait au pénal ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui. Et je vous rappelle qu’une commission a été créée par le Président de la République pour réfléchir à une dépénalisation du droit des affaires. Je me demande si l’adoption de cet amendement ne créerait pas un précédent risqué – je parle d’un strict point de vue juridique. Peut-être les débats en commission ont-ils été trop précipités – de votre fait, monsieur Brottes – et nous ont-ils empêchés de voir ce problème.

M. François Brottes. Mme Corinne Erhel avait raison de demander le renvoi en commission !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je regrette qu’on n’ait pas renvoyé le texte en commission, car Mme Erhel avait peut-être raison, en effet. (Sourires.)

En tout cas je m’interroge, monsieur Charié : je ne suis pas sûr qu’il faille maintenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Cette question mérite d’être débattue. Après un rapide calcul, je constate que 75 000 euros correspondent à 5 % de 1 500 000 euros, ce qui est déjà un très gros chiffre d’affaires pour beaucoup de PME. Je dirai même que la sanction de 75 000 euros peut paraître trop forte pour bon nombre de PME qui font entre 300 000 euros ou 400 000 euros de chiffre d’affaires.

M. Jean-Paul Charié. C’est ce que j’ai dit !

Mme Laure de La Raudière. C’est l’objet de l’amendement !

M. Jean Gaubert. Au cas où cela vous aurait échappé à cette heure tardive, madame de La Raudière, je ne suis pas contre l’amendement, je viens au contraire le soutenir, même si je partage les doutes du président de la commission et si je trouve que 5 % d’un très gros chiffre d’affaires de 4 ou 5 millions d’euros, ce n’est pas peut-être pas beaucoup. En tout état de cause, cette question de la proportionnalité mériterait d’être mieux étudiée.

M. le président. Monsieur Charié, maintenez-vous l’amendement n° 27 ?

M. Jean-Paul Charié. Pour une fois que la commission adoptait un de mes amendements, je vais sans doute le retirer, pour deux raisons.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis désolé, monsieur Charié.

M. Jean-Paul Charié. Vous n’avez aucune raison de l’être, j’apprécie que nous soyons capables, les uns et les autres, d’animer un vrai débat quand le sujet le mérite.

Monsieur le secrétaire d’État, la commission et de nombreux députés, de tous les groupes, estiment que 75 000 euros, cela signifie le dépôt de bilan pour une petite entreprise, mais un véritable encouragement aux pratiques déloyales pour une très grande entreprise. Quand je peux gagner 200 000 euros grâce à des pratiques déloyales, j’ai intérêt à payer l’amende de 75 000 euros.

Mais je ne m’étais pas rendu compte, je le reconnais, monsieur le président de la commission, que nous étions au pénal, j’avais simplement vu « amende ». Malgré tout, ce n’est pas parce que nous sommes au pénal que le législateur ne pourrait pas innover en instaurant une amende proportionnelle. Nous aurons sans doute l’occasion de reparler de ce problème avant le débat que nous aurons au printemps, mais j’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que pour le passage de ce texte au Sénat, vous puissiez apporter une réponse à cette préoccupation majeure et légitime, et qui avait été reconnue comme telle par la commission. Si vous me confirmez que telle et bien votre intention, je retirerai mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Comme je l’ai déjà indiqué, monsieur Charié, le Gouvernement partage votre préoccupation. Il trouve simplement disproportionnée la solution que vous proposez. Je vous donne un exemple. On sait que ce ne sont pas forcément les PME qui ne respectent pas le formalisme des contrats. On sait, nous en avons discuté ensemble, que cet amendement est plutôt destiné à corriger certains excès de certains grands distributeurs. Mais pour le groupe Carrefour, par exemple, qui réalise 41 milliards d’euros de chiffre d’affaires, une amende de 5 %…

M. Jean-Paul Charié. J’ai bien précisé, monsieur le secrétaire d’État, que l’amende ne porterait pas sur le chiffre d’affaires total, mais sur celui réalisé entre les deux partenaires.

M. François Brottes. En effet, vous l’avez bien dit.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Malgré tout, la sanction resterait disproportionnée. Mais je partage votre souci et je m’engage d’ici au débat devant le Sénat à avancer pour trouver une solution qui réponde à vos préoccupations.

M. Jean-Paul Charié. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Nous venons d’apprendre un certain nombre de choses.

D’abord, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais réagir à vos propos : 75 000 euros ne vous gênent pas pour une PME, mais 5 % pour le groupe Carrefour, si. Je crois que vous n’êtes pas allé au bout de vos idées – à cette heure, je peux le comprendre.

Ensuite, il reste deux points sur lesquels nous n’avons toujours pas obtenu de réponse.

J’attends depuis un moment déjà la réponse du rapporteur à la question que j’ai posée sur les anniversaires des magasins.

Par ailleurs, le président de la commission vient d’expliquer qu’il n’était pas nécessaire de parler de dépénalisation sous prétexte qu’une commission était en train de travailler sur le sujet. J’attends donc, monsieur le secrétaire d’État, que vous présentiez des amendements de suppression de l’article 4, qui dépénalise déjà. Vous ne feriez que suivre votre position constante selon laquelle vous répondez « on verra plus tard » quand une commission travaille. Il serait intéressant que, là aussi, on voie plus tard.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, je vous demande une suspension de séance, et je n’y renoncerai pas cette fois-ci. Cela donnera au Gouvernement le temps de préparer ses réponses.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mardi 27 novembre 2007 à zéro heure quarante, est reprise à zéro heure cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur Gaubert, vous avez interpellé le Gouvernement sur ses propositions en matière de dépénalisation. Nous avons fait le choix de dépénaliser la non-communication des conditions générales de vente. La sanction civile nous paraît en effet plus appropriée, notamment parce qu’elle permet l’action en référé. Sur les autres sujets, nous préférons attendre les propositions de sanctions alternatives nouvelles de la commission Coulon. Je pense notamment à la dépénalisation du non-respect du seuil de revente à perte car, en l’absence de victimes, l’action civile est inopérante.

La suspension de séance ayant été particulièrement fructueuse pour le Gouvernement (Sourires), je vais également répondre aux trois questions posées par M. Charié. Si nous retenons la date du 1er mars plutôt que la durée glissante de douze mois, c’est pour éviter que les distributeurs ne fassent traîner les négociations jusqu’à la fin de l’année. Si nous listons les éléments de vérification, c’est parce que cela sécurise l’ensemble des acteurs et protège les plus fragiles, en particulier les PME. Enfin, si nous retenons le délai de deux mois à partir de la commande et non de la livraison, c’est parce que la commande concrétise la volonté des acteurs de contracter, alors que la livraison n’est pas considérée comme un acte juridique bilatéral.

M. Jean-Paul Charié. Merci de ces réponses dont je prends acte.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 134.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le soutenir.

M. Jean Gaubert. Je remercie également M. le secrétaire d’État de ses réponses, mais j’attends toujours celle de M. le rapporteur sur l’organisation de l’anniversaire du magasin.

L’amendement n° 134 ne devrait pas poser de problème ; il pourrait même être le premier à être accepté par le rapporteur. En effet, il vise simplement à préciser que c’est le distributeur qui est en cause dans l’alinéa 8 de l’article 2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Je ne vois pas ce qui vous inquiète, monsieur Gaubert : l’anniversaire du magasin, c’est de la coopération commerciale. Mais cela ne peut pas toujours être facturé en même temps que le produit, puisqu’il peut y avoir plusieurs produits concernés, qui ne seront pas forcément livrés au même moment. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela. Cela n’est pas interdit par la loi, car il ne s’agit pas d’une prestation fictive.

J’aurais souhaité pouvoir donner un avis favorable à votre amendement, mais la disposition que vous proposez est disproportionnée : ce n’est pas au distributeur de subir la sanction si c’est par la faute du fournisseur que la convention ne peut être établie. Cela risque en outre de se retourner contre les fournisseurs, car les distributeurs voudront les obliger à accepter leurs conditions pour que les conventions soient conclues à temps. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Les arguments du rapporteur sur l’amendement sont convaincants. Je le retire.

M. le président. L’amendement n° 134 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 2.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à maintenir l’obligation pour les distributeurs de faire connaître à leurs fournisseurs, avant le 31 janvier, le montant total des services rendus l’année précédente. Il est en effet important de permettre à chaque fournisseur de vérifier que le contenu et le montant des services rendus par son distributeur ont été conformes à ce qui était convenu dans la convention unique qui les lie. Cette obligation prend tout son sens dans la perspective de la finalisation des négociations sur la coopération commerciale pour l’année à venir. Il semblerait que cette obligation soit difficilement respectée par les distributeurs. Pour ma part, je ne suis pas opposé à ce que la date butoir du 31 janvier soit reportée, si le Gouvernement le souhaite, à la fin du mois de février, c’est-à-dire un mois avant la conclusion des nouvelles conventions annuelles. Mais faire disparaître cette obligation serait envoyer un mauvais signal aux distributeurs les moins vertueux, les fournisseurs ne pouvant plus s’appuyer sur la loi pour obtenir, même avec retard, des informations essentielles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Raison, rapporteur. Défavorable.

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement est attaché à la transparence dans les obligations des cocontractants et à ce que les services rendus par les distributeurs soient parfaitement connus des fournisseurs. Toutefois, l’évaluation qui a été faite de la loi du 2 août 2005 a permis de constater que cette transparence était plus sûrement obtenue par un strict respect du formalisme des contrats qui permet aux industriels de connaître le contenu et le montant des services rendus. La sanction pénale nous apparaît par ailleurs disproportionnée, et nous avons souhaité supprimer cette disposition qui avait été prévue par la loi de 2005. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement qui vise à la réintroduire.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Cet amendement est intéressant, ne serait-ce que parce qu’il donne une date. Or, vous dites vous-même qu’il faut formaliser les choses. La commission des lois a déposé peu d’amendements, sans doute sont-ils bons. Cela ne veut pas dire que ceux qui en ont déposé beaucoup en aient fait des mauvais. (Sourires.) Nous en avons nous aussi de très bons, puisque le Gouvernement donne de très mauvaises réponses lorsque nous les présentons !

Je reviens à l’anniversaire du magasin. Est-il légitime d’y faire participer, par exemple, un fournisseur de jouets s’il n’a pas lieu à la période de Noël ? Est-il normal qu’il soit fêté plusieurs fois dans l’année ? Je connais des cas et j’ai les preuves. Bref, toutes les dérives sont possibles.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Moi aussi, je veux dire un mot des anniversaires ! Faut-il que nous soyons conditionnés par le système en place pour admettre qu’un distributeur demande à un fournisseur de contribuer à l’anniversaire du magasin, qui ne le concerne en rien. C’est un des rouages du système maffieux que nous avons décrit. Si le distributeur veut fêter l’anniversaire de son magasin, cela le regarde. Qu’il calcule ses marges et cale sa politique commerciale en fonction de cet événement ! Mais, en aucun cas, il n’a à racketter ses fournisseurs. On doit se débarrasser de ce système. Il est effrayant de voir à quel point nous en sommes imprégnés !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

M. François Brottes. Je remarque que le rapporteur pour avis ne vote pas l’amendement.

M. Bertrand Pancher, rapporteur pour avis. Je m’abstiens.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 269 et 267, portant articles additionnels après l’article 2.

Voulez-vous les soutenir en même temps, monsieur Gaubert ?

M. Jean Gaubert. Volontiers, monsieur le président.

Ces amendements visent à lutter contre d’autres abus tout aussi choquants.

Le premier, n° 269, tend à préciser que « les prestations de services apportées par le distributeur ne peuvent faire l’objet d’une facturation que lors de la première mise en rayon du produit ». Pour notre part, nous sommes favorables à la suppression des fameuses marges arrière. Mais on peut comprendre qu’aux termes d’un accord, la première mise en rayon et la mise en valeur du produit soient effectuées à l’initiative et par les soins du fournisseur. Il en va différemment du réapprovisionnement en rayon, qui ne doit pas lui incomber systématiquement. Michel-Édouard Leclerc a demandé qu’on lui laisse « faire son boulot de commerçant ». Mettre les produits en rayon, vider ceux-ci et les réalimenter, n’est-ce pas, précisément, son travail ?

Quant à l’amendement n° 267, il vise à préciser que « le référencement des produits par un distributeur ne peut faire l’objet d’aucune facturation au fournisseur ». On sait que ces pratiques abusives – comme celles qui ont cours pour l’anniversaire des magasins – s’apparentent à du racket, puisqu’elles n’apportent au fournisseur aucune prestation et aucun engagement : le distributeur l’autorise seulement à avancer jusqu’à la case suivante, comme dans un jeu de l’oie, mais où il faudrait verser de l’argent à chaque case.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 267, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Michel Raison, rapporteur. Avis défavorable. Je ne juge pas utile de répéter les raisons que j’ai déjà invoquées à propos de la suppression des marges arrière, puisque le problème est sensiblement identique.

M. François Brottes. Le cas du référencement est tout de même différent !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Sur l’amendement n° 269, je ne partage pas l’analyse de M. Gaubert. Je considère en effet que la coopération commerciale va au-delà de la première mise en rayon. Beaucoup de PME soucieuses d’appeler l’attention sur leurs produits sont contentes de travailler avec des distributeurs qui les placent en tête de gondole ou les référencent dans des catalogues, comme ils le font, par exemple, pour les jouets de Noël.

Considérant que la coopération commerciale peut être utile tout au long de la vie d’un produit, et non pas uniquement lors de la première mise en rayon, le Gouvernement émet un avis défavorable à l’amendement n° 269.

M. Jean Gaubert. Autant dire qu’on légalise les abus !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Charié.

M. Jean-Paul Charié. La DGCCRF a publié il y a environ deux ans un rapport sur les fausses coopérations commerciales. Il en ressort que certaines factures ne correspondent à aucun service ou font état de services contraires à des prestations déjà facturées. Mais, si l’on voulait établir dans la loi une liste noire, il faudrait recenser de manière exhaustive tous les libellés possibles permettant d’établir une fausse facture. Or Intermarché a révélé qu’il existe 350 manières de justifier une fausse coopération commerciale ! C’est pourquoi je suis opposé aux deux amendements pour des raisons non de fond, mais de forme, qui tiennent à l’impossibilité d’établir une liste noire.

En revanche, monsieur le secrétaire d’État, les déclarations de nos collègues méritent réflexion. D’abord, n’oublions pas que ceux qui facturent des services ne sont soumis à aucune condition générale de vente. Ensuite, le fournisseur peut-il négocier le montant facturé et celui-ci est-il le même pour tous ? Enfin, en vue d’un nouveau débat, peut-être faudra-t-il réfléchir de manière approfondie, avec l’ensemble des services juridiques et réglementaires français et européens, sur votre idée que certains services intéressant les PME ne peuvent pas donner lieu à une remise de la part de la PME ou du fournisseur au distributeur, mais doivent obligatoirement être facturés. Je ne suis pas sûr que nous ne puissions pas évoluer sur cette question. Pour ma part, je suis plus favorable, dans le cadre du contrat ou de la convention unique, à un système généralisé de remise, plutôt qu’au maintien d’une part de facturation. C’est en tout cas un débat que nous devrons trancher avant le printemps.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 269.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. J’en viens au scrutin sur le second amendement…

M. François Brottes. Monsieur le président, je ne suis pas sûr que cinq minutes se soient écoulées entre l’annonce du scrutin public et le scrutin lui-même.

M. le président. Si, monsieur Brottes. Souhaitez-vous reprendre la parole ?

M. François Brottes. Je souhaiterais, monsieur le président, que le rapporteur et le secrétaire d’État donnent leur avis sur l’amendement n° 267, que vous allez à présent mettre aux voix. Je rappelle qu’ils se sont prononcés sur l’amendement n° 269, mais pas sur celui-ci.

M. le président. Je leur ai demandé leur avis sur les deux amendements mais, pour plus de clarté, je peux, si vous le souhaitez, leur faire repréciser leur position sur l’amendement n° 267.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Michel Raison, rapporteur. Sur le fondement des dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce, la rémunération du référencement des produits est déjà interdite si elle ne correspond pas à un service spécifique. Ainsi, dans son arrêt du 20 février 2007, la chambre commerciale de la Cour de cassation distingue la rémunération de la gestion d’un rayon et la mise en rayon, la première correspondant à un service spécifique et non la seconde.

En outre, la lecture de l’amendement pourrait laisser supposer a contrario non seulement que le référencement des produits est autorisé, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, mais qu’il n’est pas soumis à l’obligation de facturation.

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement considère que l’amendement est satisfait par l’article L. 442-6 que vient d’évoquer le rapporteur. C’est pourquoi je propose à M. Gaubert de le retirer. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le groupe socialiste oblige l’Assemblée à voter à une heure du matin sur un amendement satisfait !

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. J’appelle votre attention sur ce qui se passe dans notre pays. Si la loi contient une telle interdiction, pourquoi n’y a-t-il jamais de descente de police dans les grandes centrales, qui ne font que du référencement ? Celui-ci, rappelons-le, n’est rien d’autre que l’autorisation d’aller présenter un produit ailleurs. Si cette pratique est réellement interdite, il faut croire que les contrevenants, qui ne sont jamais punis, jouissent dans notre pays d’une bien grande tolérance.

L’amendement est maintenu.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 267.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’amendement n° 267 est rejeté.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion de la proposition de loi, n° 370, de M. Jean Glavany et plusieurs de ses collègues visant à abroger l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales :

Rapport, n° 420, de M. Jean Glavany, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, n° 351, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs :

Rapport, n° 412, de M. Michel Raison, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire ;

Avis, n° 408, de M. Bertrand Pancher, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 27 novembre 2007, à une heure dix.)