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le 1er août 2008


N° 1061

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2008.

DÉCLARATION

du Gouvernement sur le débat d’orientation
des
finances publiques pour 2009,

par M. Éric WOERTH,

ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Madame la Présidente,

Monsieur le président de la commission des finances,
de l’économie générale et du plan,

Monsieur le rapporteur général,

Monsieur le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Mesdames et Messieurs les députés,

Le débat d’orientation des finances publiques est toujours un moment important car il permet de débattre du fond des orientations, au-delà des détails techniques. Il recouvre une importance encore plus grande aujourd’hui, puisque que j’ai l’honneur de vous communiquer, pour la première fois dans l’histoire de nos finances publiques, les plafonds de dépenses par mission, qui nous ont été transmis ce matin, non pas uniquement pour l’année 2009, mais pour les trois prochaines années. C’est une avancée absolument majeure pour la clarté, la crédibilité et la gestion des finances de l’État – pas si simple d’ailleurs à réaliser.

Un an a passé depuis que j’ai eu pour la première fois l’occasion de vous présenter les orientations retenues par le Gouvernement pour nos finances publiques. Beaucoup a été accompli au cours de cette année, notamment la révision générale des politiques publiques, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre ; durant cette même année, je me suis efforcé de faire preuve de la plus grande transparence, vis-à-vis de l’Assemblée comme de l’ensemble des observateurs de nos finances publiques, y compris dans le cadre du processus de révision des politiques publiques.

Nous sommes désormais à un moment crucial pour nos finances publiques : nous ne pouvons plus nous réfugier derrière les solutions de facilité du passé, notamment celle de l’endettement à bas coût, et nous devons faire face à l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du baby boom, ce qui pèse évidemment sur les pensions que l’État devra verser.

L’ensemble des travaux que le Gouvernement a menés avec vous depuis un an seront les fondements du premier budget triennal et de la loi de programmation pluriannuelle de la loi de programmation des finances publiques. La contrainte financière est extrêmement forte, comme l’a souligné Gilles Carrez, le rapporteur général de votre commission des finances, avec la ténacité qui sied à ceux qui veulent réellement rééquilibrer nos finances publiques. Mais, grâce aux travaux engagés, nous nous sommes données les moyens de concilier cette contrainte financière avec le maintien d’un service public de qualité et d’un système social protecteur.

Je voudrais tout d’abord, comme c’est l’usage, faire un point sur l’exécution de l’année 2008. Où en sommes-nous ?

L’objectif de ramener le déficit public à 2,5 % du PIB pour 2008 demeure évidemment, ce qui exige la plus grande vigilance sur le niveau de la dépense : je l’ai dit en commission des finances, je le redis ici. Mais avant d’évoquer les dépenses, abordons d’abord les recettes.

Les recettes fiscales de l’État seraient en moins-values par rapport à la loi de finances initiale – nous en avons discuté en commission. Lorsque nous avons révisé en avril notre prévision de croissance annuelle du PIB, en retenant une fourchette de 1,7 % à 2 %, nous supposions implicitement que cette nouvelle prévision intégrait une moins-value de recettes fiscales de 3 milliards à 5 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Cette prévision tenait compte également des résultats de 2007 et les données supplémentaires disponibles à ce jour pour 2008 ne remettent pas en cause la fourchette de 3 à 5 milliards, compte tenu de la révision effectuée en avril dernier.

S’agissant des dépenses de l’État, l’élément essentiel qui pèse sur l’exécution, c’est la révision à la hausse de la charge de la dette, de 2 à 3 milliards par rapport à la loi de finances initiale, soit de 5 % à 7 %. Ce dérapage préoccupant provient essentiellement de l’augmentation des taux d’intérêt depuis la LFI et surtout de l’augmentation de l’inflation, laquelle pèse sur le provisionnement de la charge des obligations indexées. La mise en réserve de crédits réalisée en début d’année 2008 est typiquement destinée à faire face aux besoins non prévisibles apparaissant en cours d’exécution. À ce stade de l’année, il est difficile de déterminer avec précision quel peut être le rendement net d’une utilisation pertinente de cette réserve. Toutefois, je confirme qu’environ la moitié des crédits mis en réserve – soit un montant de l’ordre de 3 milliards – pourrait faire l’objet d’une annulation.

En dépit du poids croissant des charges d’intérêt, je conserve donc l’objectif de respecter l’enveloppe de la loi de finances initiale que vous avez votée.

En ce qui concerne la sécurité sociale, nous respectons le cadrage financier de la loi de financement. Tel que je peux aujourd’hui l’estimer, le déficit du régime général serait identique à ce qui était prévu, soit 8,9 milliards d’euros contre, je vous le rappelle, 9,5 milliards d’euros en 2007. On est donc en phase aujourd’hui avec les prévisions de la LFSS pour 2008, qui étaient de moins 8,8 milliards à moins 8,9 milliards ; nous sommes dans l’épaisseur du trait.

Ces résultats s’expliquent principalement par les mesures votées dans la LFSS pour 2008, mais également par la situation de l’emploi et par la bonne tenue des recettes. Les mesures votées à l’automne dernier nous ont permis, en particulier, d’afficher une maîtrise crédible des dépenses d’assurance maladie. Le comité d’alerte a prévu un dépassement de l’ONDAM entre 500 et 900 millions d’euros, alors que le seuil d’alerte se situe autour de 1,1 milliard d’euros. Le comité n’a donc pas déclenché d’alerte, contrairement à ce qui s’était passé en 2007. Toutefois, Roselyne Bachelot et moi-même restons bien sûr particulièrement vigilants car on ne peut se satisfaire de ce dépassement, même s’il est inférieur au seuil d’alerte : l’objectif à respecter, ce n’est pas l’ONDAM plus le seuil d’alerte, mais bien l’ONDAM en tant que tel. Et même si celui-ci est bien inférieur au dérapage que nous avons connu à la même époque l’année dernière – peut-être l’avez-vous oublié, mais nous discutions d’un dépassement de 3 milliards ! –, puisqu’il se situe pour l’heure entre 500 millions et 900 millions, nous devons impérativement mettre tout en œuvre pour tenter de diminuer le montant final du dérapage par rapport à l’ONDAM. Je suis persuadé que le président de la commission des affaires sociales et Yves Bur pensent de même.

Je voudrais aussi souligner que la conjoncture a beau être tendue, la situation de l’emploi s’améliore d’une façon très significative depuis maintenant plus d’un an et les recettes des organismes sociaux s’accroissent alors que certaines prestations ralentissent fortement, comme celles à la charge de l’assurance chômage.

Sans verser dans l’angélisme, je confirme dans ces conditions qu’un déficit de 2,5 points de PIB est toujours et résolument mon objectif pour l’année 2008.

Après ce bref point sur les perspectives pour 2008, je voudrais revenir sur notre stratégie de moyen terme, et expliquer comment elle se concrétise dans la préparation du budget triennal du PLF et du PLFSS.

Nous ne modifions pas notre stratégie pour le rétablissement de nos finances publiques, parce qu’elle est solide et saine. Appliquée avec constance depuis un an, elle consiste tout d’abord à favoriser le développement de la croissance potentielle de l’économie grâce aux réformes de structure – même si la crise mondiale rend l’exercice difficile. Vous avez eu l’occasion d’en débattre à plusieurs reprises avec Christine Lagarde au cours de l’année écoulée, par exemple lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie, ou avec Xavier Bertrand, à l’occasion des débats sur la loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail. Ce sont des exemples précis et récents, tirés des dernières semaines de session, de la transformation de l’économie française, destinée à favoriser le développement d’un potentiel de croissance supplémentaire.

Mais notre politique de finances publiques a aussi un autre versant : la maîtrise de la dépense publique. Tout en dépend. Il faut, je l’ai déjà dit et répété, diviser par deux le taux de croissance de la dépense en volume, autrement dit limiter la croissance de la dépense à un niveau de l’ordre de 1 % par an en euros constants. Gilles Carrez ne dit pas autre chose lorsqu’il explique, à la conférence nationale des finances publiques, qu’il faut limiter l’augmentation de la dépense publique en euros courants à 30 milliards d’euros par an alors qu’elle croît tendanciellement de 40 milliards d’euros en rythme annuel. C’est ainsi que nous retrouverons l’équilibre de nos finances publiques en 2012, et des comptes de la sécurité sociale dès 2011.

Je voudrais maintenant vous présenter très concrètement la préparation du premier budget triennal, et la situation à laquelle nous avons à faire face pour l’année qui vient, c’est-à-dire demain.

Pour 2009, nous avons un objectif ambitieux : réduire le déficit public de 0,5 point de PIB pour le ramener à 2 % du PIB. Cet effort permettra un retour à l’équilibre de nos finances publiques d’ici à 2012. Monsieur le président de la commission des finances, je vous affirme que c’est possible. Certes, pour avoir fait un peu d’arithmétique, je sais bien qu’une réduction de 0,5 % ne conduira pas à elle seule à zéro déficit en 2012 ; reste que tous les intrants ne sont pas pris en compte, notamment les effets d’une croissance future.

Recueillir les fruits de son travail n’empêche pas d’estimer que les choses peuvent encore mieux se passer.

Notre stratégie est donc fondée non seulement sur la maîtrise de la dépense, mais aussi sur la croissance par la réforme. Nous sommes là dans une totale cohérence.

Atteindre l’équilibre des finances publiques, c’est évidemment l’effort qu’attendent de nous tous nos partenaires européens ; c’est aussi ce qui nous permettra de restaurer la confiance de tous sur l’assainissement de nos finances publiques. Pour ces raisons – et certainement pour beaucoup d’autres encore –, la réduction de 0,5 % de PIB les déficits publics représente un effort majeur.

Mais cet assainissement ne se limite pas à nos finances publiques, bien au contraire : il renforcera l’ensemble des réformes qui sont en cours pour soutenir la croissance, car il ne peut pas y avoir de croissance durable sans finances publiques soutenables – pas plus qu’il ne peut y avoir de développement durable sans finances publiques durables. Les deux sont indissolublement liés.

Pour y parvenir, il faut principalement agir dans trois directions : premièrement, stabiliser chaque année la dépense de l’État, en euros constants, sur le périmètre élargi que nous avons défini pour le PLF 2008 ; deuxièmement, faire 4 milliards d’effort de redressement sur l’assurance maladie dès 2009 pour assurer le retour à l’équilibre du régime général au plus tard en 2011 ; troisièmement, poursuivre les réformes pour trouver nos propres ressorts de croissance dans un environnement mondial particulièrement difficile.

L’une des principales difficultés de l’environnement mondial, c’est la poussée inflationniste que nous connaissons. Nous prévoyons 2,9 % d’inflation pour cette année, et 2 % pour l’année prochaine. Or, contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire ici et là, l’inflation n’est pas favorable aux finances publiques. Tout d’abord, en effet, elle augmente les dépenses ; pour l’année en cours, l’effet se produit principalement via l’augmentation de la charge des obligations indexées : j’ai indiqué, pour 2008, une fourchette de 2 milliards à 3 milliards d’euros supplémentaires – imaginez le poids que cela représente par rapport à la LFI.

Cela joue sur l’année en cours, mais aussi sur la suivante – 2009 – en raison de l’indexation des prestations familiales et de retraite qui rattrapent les surprises de l’inflation. Une hausse inattendue de 1,3 % de l’inflation coûte près de trois milliards d’euros supplémentaires l’année suivante : il s’agit donc de charges tout à fait considérables.

L’inflation n’est pas non plus forcément bénéfique à l’autre versant du budget – les recettes –, contrairement à une croyance assez tenace. Certes, certains impôts et taxes, comme la TVA par exemple, sont assis sur des revenus ou des prix en euros courants, mais n’oublions pas que pour le montant de la recette, la quantité achetée est aussi déterminante que le prix.

Si l’inflation provient d’une surchauffe de l’économie, alors effectivement l’augmentation des volumes se conjugue à celle des prix pour favoriser les rentrées fiscales – nous avons connu cela dans le passé. En revanche, ce n’est pas du tout ce que nous connaissons actuellement : l’inflation provient principalement de la flambée des matières premières ; elle est importée ; elle pèse sur l’activité et donc sur les volumes produits.

Au total, l’effet de l’inflation sur les recettes est très ambigu, c’est le moins que l’on puisse dire. Il l’est d’autant plus que les produits dont les prix augmentent le plus sont justement ceux qui supportent une fiscalité importante, proportionnelle aux volumes consommés, telle que la TIPP sur les produits pétroliers.

Je voudrais revenir plus précisément sur la construction du budget de l’État. Je le répète : pour la première fois, nous mettons à votre dispositions les plafonds de dépense par missions, pour les trois prochaines années. C’est une avancée majeure pour la gestion de la dépense de l’État. Reste que la construction de ce budget triennal se fait dans un environnement plus contraint qu’il ne l’a jamais été, pour trois raisons.

D’abord, stabiliser les dépenses en euros constants, sur le périmètre de la norme élargie, représente un effort supérieur à tout ce qui a été fait par le passé. En moyenne, de 1999 à 2007, la croissance de l’État, sur le même périmètre élargi que nous utilisons aujourd’hui, aurait été de 1,1 % – or nous sommes à zéro.

Ensuite, et je précise qu’il s’agit là d’une forte conviction partagée au sein du Gouvernement même si c’est beaucoup plus difficile qu’au cours des années passées, je tiens à faire disparaître les sous-dotations qui ont pu exister, en particulier en ce qui concerne les relations entre l’État et la Sécurité sociale.

Dans ce contexte de contrainte, je le répète, nous allons bien au-delà de tout ce qui a été réalisé dans le passé, en France. D’abord, nous réduisons la dépense sur ce périmètre élargi. Ensuite, nous gommons les sous-dotations qui permettent d’afficher des objectifs très ambitieux, mais surtout pas de les réaliser. Enfin, les dépenses héritées du passé, c’est-à-dire inévitables au moins à moyen terme, sont bien plus dynamiques qu’auparavant.

L’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom accroît le montant des pensions. Ces dépenses progresseront de 2,5 milliards d’euros, en moyenne par an, entre 2009 et 2011. De même, la charge de la dette s’accroît brutalement.

Nous avons longtemps été anesthésiés face au fléau que représente l’excès de dette : pendant des années, nous avons en effet bénéficié de la baisse des taux pour son financement. Nous savions que nous étions arrivés à l’étiage et que le risque d’une remontée des taux d’intérêt était hautement probable. Cette remontée survient de manière beaucoup plus brutale que prévu, du fait de la poussée inflationniste dont je parlais il y a quelques instants. De 2003 à 2007, la charge de la dette est restée quasiment stable. Dans les années à venir, elle augmentera d’un peu plus de deux milliards chaque année en moyenne. À titre de comparaison – en connaisseurs des finances publiques, vous le savez – 2 milliards c’est quasiment le budget de la culture, ou à peu près la moitié du budget de l’agriculture ou du Quai d’Orsay. Il s’agit donc de montants extrêmement importants.

Au total, de 2003 à 2007, le cumul de la charge de la dette et des pensions représentait moins de 30 % de l’augmentation de la dépense de l’État. La marge de manœuvre pour financer des politiques publiques se situait donc à 70 %. À l’avenir, le rapport sera exactement inverse : l’augmentation de la charge de la dette et des pensions absorbera environ 70 % de la croissance des dépenses de l’État permise par le « zéro volume ». Il faut bien appréhender ce que cela veut dire. Il s’agit d’un renversement majeur de tendance : de 70 % de marge de manœuvre, on passe à 70 % de dépenses contraintes.

Il faut aussi tenir compte de l’évolution des prélèvements sur recette au profit de l’Union européenne et des collectivités territoriales. Si l’on ajoute la progression de ces prélèvements, ce n’est plus 70 % de la progression des dépenses qui est contrainte et finalement affectée, mais quasiment 100 % !

Au total, réaliser le « zéro volume » sur la norme élargie de dépenses, cela revient quasiment à stabiliser en euros courants les dépenses des ministères.

Il faut se rendre compte de ce que cela signifie très concrètement et en bon français : c’est d’abord « zéro valeur ».

C’est aussi « zéro valeur » sur les dépenses de personnel.

Nous y parvenons grâce à la révision générale des politiques publiques qui nous permet de ne pas remplacer 30 600 fonctionnaires de l’État partant en retraite – nous avons affiné nos chiffres.

En outre, les opérateurs seront aussi associés à l’effort de réduction des effectifs.

Vous aurez des éléments très précis sur ce point, au fil du temps. Dès 2009, nous atteignons donc quasiment notre objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Vous en trouverez le détail dans le document imprimé nuitamment et distribué.

Certains ministères font plus que la moyenne, d’autres moins. Cependant, même dans les quelques ministères dont les effectifs sont globalement stabilisés ou en léger accroissement – la justice, par exemple –, je vous assure que certaines de leurs missions sont soumises au même effort de productivité qu’ailleurs.

Il n’y a donc pas de vision comptable – au mauvais sens du terme – ou arithmétique de ce ratio. Nous faisons ce que les réformes retenues par la RGPP nous permettent. Il serait illusoire de faire l’inverse : fixer un ratio et espérer trouver comment l’atteindre. Autre versant des choses : ces non-remplacements s’accompagnent bien évidemment, comme annoncé par le Président de la République, d’un retour aux fonctionnaires de 50 % des économies induites par les gains de productivité qui leur sont demandés. Nous leur en redonnons 50 % sous forme de mesures catégorielles visant à améliorer les conditions de travail et les salaires de la fonction publique.

Dans ce contexte, « zéro volume » sur la norme élargie, c’est aussi « zéro valeur », c’est-à-dire une absence de progression des dépenses de l’État en euros courants et donc des budgets d’intervention et de fonctionnement des différents ministères. Évidemment, cela suppose des choix. J’ai rencontré tous les ministres, d’abord de manière bilatérale, puis avec le Premier ministre. Nous avons aussi disposé, depuis un an, de l’enceinte de discussion particulièrement performante qu’offraient les nombreuses réunions de la RGPP avec chaque ministre concerné. C’est ce qui nous a permis d’aller au fond des sujets, et ce pour trois ans.

Où est la RGPP dans le budget ? me demande-t-on souvent. Précisément, elle est partout ! Cette démarche est le creuset du budget triennal et elle permet de réaliser des économies sur la dépense à partir d’une vision et d’une analyse très concrètes des différentes missions et de leurs conditions d’exécution.

Enfin, parmi les dépenses, il y a naturellement des priorités, à tout le moins en termes de montants alloués. Première d’entre elles : l’enseignement supérieur et la recherche dont nous nous sommes engagés à augmenter les moyens de 1,8 milliard d’euros par an, comme le Président de la République l’avait clairement indiqué lors de ses différentes interventions sur le sujet.

Deuxième élément important : la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, engagement majeur du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Son déploiement concernera un très large éventail de projets portant sur le logement, les transports, la recherche en matière de développement durable, ou encore la transition de notre économie vers un nouveau modèle énergétique. La loi de finances pour 2009 sera la première traduction du Grenelle de l’environnement, dans son volet budgétaire mais aussi dans son volet fiscal.

Autre priorité : la Justice et tout particulièrement l’administration pénitentiaire. Nous construisons des prisons, par conséquent nous devons les « armer » en augmentant le personnel de l’administration pénitentiaire.

En outre, comme l’a d’ailleurs noté Hervé Morin, on peut dire que le budget d’équipement de la défense est devenu une quasi-priorité, contrairement à ce qu’affirment des observateurs probablement mal informés. C’est possible notamment grâce au recyclage de toutes les économies réalisées sur le fonctionnement, qui iront financer le surcroît d’équipement – répondant ainsi à la problématique des armées modernes.

C’est possible aussi grâce à l’affectation à la défense de ressources extrabudgétaires qui permettront de respecter les engagements encore hérités de la précédente loi de programmation militaire. Au total, le budget d’équipement militaire qui atteignait 15 milliards d’euros par an en moyenne sous la dernière loi de programmation militaire passera à 18 milliards d’euros en moyenne sur la prochaine. Nous réaliserons cet effort tout en respectant nos impératifs budgétaires.

Puisqu’il faut financer ces priorités et aussi les dépenses inévitables – les 70 % que j’évoquais tout à l’heure, plus les prélèvements de l’Union européenne et des collectivités – à enveloppe constante, il est évident que certains budgets doivent stagner voire diminuer.

Il n’y a aucun tabou dans nos discussions. Les débats budgétaires seront l’occasion de montrer que la diminution d’un budget n’est pas le signe d’un désengagement vis-à-vis d’une politique publique, mais témoigne au contraire du souci d’utiliser chaque euro de manière encore plus efficace. Une priorité politique peut se traduire par une diminution budgétaire. C’est sans doute une première dans ce pays, mais c’est la réalité : l’argent public engagé doit être productif au premier euro. Le redéploiement, la révision des politiques publiques peuvent donc passer par la baisse des montants en volume consacrés à certaines politiques prioritaires. Dans chaque ligne du budget que je vous présenterai à l’automne, s’inscrit une évaluation, une rationalisation, une performance de la dépense.

Vous avez entre les mains les résultats de nos travaux, mission par mission. Je ne les égrènerai pas mission par mission, mais ils traduisent tous l’ampleur des réformes mises en œuvre. Par exemple, dans la mission « Ville et logement », une large réorientation du 1 % logement sera opérée – on en parle depuis des années. La mission « Sécurité » traduit les orientations de la future loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure. Les conclusions de la RGPP sur la mission « Travail et emploi » conduisent à limiter la durée des contrats aidés, qui seront aussi recentrés sur les personnes les plus éloignées de l’emploi. À partir de 2010, la formation professionnelle sera également mieux orientée au profit de nos concitoyens à la recherche d’un emploi, de ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi et les moins formés.

Afin d’éviter toute ambiguïté, je signale d’ailleurs d’emblée que la stabilisation des dépenses en euros courants – autrement dit zéro en valeur – n’inclut pas à ce stade le RSA, le revenu de solidarité active, pour la simple et bonne raison que les modalités de ce dispositif, donc a fortiori son financement, ne sont pas encore arrêtés dans le détail. Ils le seront puisque, je le rappelle, le principe et les orientations ont été confirmés par le Président de la République et le Premier ministre.

Enfin, je tiens surtout à préciser que les efforts consentis pour tenir le principe du « zéro valeur » s’agissant des dépenses des ministères sont ceux de toute l’équipe gouvernementale, ainsi que de le détermination du Président de la République et du Premier ministre.

On considère généralement que ceux dont le budget augmente sont les gagnants et ceux pour qui il diminue les perdants. Mais il faut changer de lunettes, de grille de lecture, de culture. Bon nombre d’entre vous l’ont déjà fait, mais il faut que l’ensemble des commentateurs s’y mettent. Il n’y a ni gagnants ni perdants, seulement des priorités politiques clairement affichées, lesquelles peuvent se traduire par des augmentations de volume budgétaire mais aussi par des diminutions. La vraie question est de savoir comment profiler et rendre plus efficace une politique, et surtout comment hiérarchiser les priorités. Nos efforts doivent porter sur tous les domaines. Je le répète : cessons de juger un budget selon son volume. L’important est d’apprécier l’efficacité des politiques mises en œuvre.

Comme il est d’usage à cette période de l’année, monsieur le rapporteur général, j’ai surtout évoqué les dépenses. Peut-être faut-il d’ailleurs changer cette habitude et je m’en suis moi-même étonné : il faut dire que les débats d’orientation budgétaire sont une habitude encore récente. Je crois en tout état de cause qu’il faudrait parler davantage des recettes : nous verrons l’an prochain comment mieux équilibrer le débat. Il est bien évident que la réduction du déficit public d’un demi-point de PIB tient compte, comme cela a été dit en commission des finances, des mesures déjà prises au niveau des recettes, qu’il s’agisse de la loi TEPA ou de la loi de modernisation de l’économie, dont les effets économiques seront intégrés dans les prévisions de croissance, lesquelles relèvent de la responsabilité de Christine Lagarde, qui les présentera à la rentrée.

J’en viens à la sécurité sociale. Pour parvenir à l’équilibre du régime général en 2011, il faut impérativement que l’assurance maladie soit aussi à l’équilibre d’ici à cette date. Comme vous le savez, les caisses d’assurance maladie viennent de nous faire des propositions d’économies pour 2009. Je vais évidemment les étudier en détail avec Roselyne Bachelot, celle-ci s’occupant de l’aspect « santé » et moi-même de l’aspect « finances ».

Des propositions de l’UNCAM, je retiens un message fort : il existe des marges d’efficience très importantes dans notre système, qui rendent le retour à l’équilibre tout à fait possible.

Le sens de la politique que nous menons et mènerons de plus en plus – vous le verrez à la rentrée – est de traquer les abus, les gaspillages, les dépenses inutiles ou redondantes. Roselyne Bachelot et moi-même venons d’entamer un cycle de rencontres avec les représentants des mutuelles et des partenaires sociaux. Nous discutons bien sûr de propositions faites récemment par les caisses d’assurances maladie, et nous débattons aussi, sans tabou et dans un grand esprit de dialogue, de bien d’autres pistes pour rééquilibrer les comptes. Il va bien falloir s’y résoudre, et pas seulement via des recettes : le système doit trouver en lui-même une forme de régulation. Que l’on y revienne tous les trois ou quatre ans n’a rien de scandaleux en soi. Dès lors que l’on s’efforce de respecter notre pacte social, on peut imaginer un ajustement conjoncturel plus ou moins important pendant quelques années, avant un ajustement structurel. C’est bien dans ce dernier cadre que nous nous situons.

Après ces réunions de concertation, nous disposerons d’un éventail de propositions à partir duquel nous prendrons nos responsabilités. Des annonces sont envisageables avant la fin du mois de juillet.

Par ailleurs, la protection sociale a réalisé un important effort de couverture du risque chômage à l’époque où ce risque était élevé. La baisse du chômage, qui est une bonne nouvelle – tous les députés en conviendront –, doit en retour pouvoir être mise à profit pour baisser les cotisations et permettre ainsi, à taux de prélèvement constant, une hausse des cotisations retraite. À mon avis, ce mouvement doit être engagé dès 2009, car le temps presse.

Toutefois, l’amélioration de la branche vieillesse dépendra principalement de l’évolution de l’emploi des seniors, des âges de cessation d’activité et de liquidation des pensions. Pour l’emploi des seniors, le Gouvernement a pris ses responsabilités en annonçant la majoration de la surcote dès la première année et la libéralisation du cumul emploi-retraite pour ceux qui ont atteint le taux plein, en fermant progressivement les préretraites financées sur fonds publics – nous avions déjà commencé à le faire l’an dernier –, en taxant les préretraites d’entreprise et en interdisant le recours aux mises à la retraite d’office. Il faut aussi que les comportements changent effectivement et que les entreprises s’impliquent davantage dans une gestion active des âges : ce n’est que par une mobilisation collective que nous réussirons dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres.

Je veux aussi continuer à clarifier les relations entre l’État et la sécurité sociale. L’année dernière, j’avais apuré 5,1 milliards d’euros de dettes de l’État à l’égard du régime général ; cependant, compte tenu de la construction de la loi de finances, je n’ai pu éviter de recréer de la dette en 2007. Il faut désormais traiter le mal à la racine. Dans le cadre du budget pluriannuel, je tiens donc à une juste budgétisation des dépenses de l’État compensant les dispositifs gérés par la sécurité sociale.

Par ailleurs, la dette sociale, localisée pour l’heure à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, sera transférée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Nous utiliserons à cette fin une fraction des recettes de CSG actuellement attribuées au Fonds de solidarité vieillesse. C’est possible, car le FSV est désormais en excédent, et nous réaliserons ce transfert dans le respect de l’équilibre financier dudit fonds. Nous traiterons également la question lancinante du FFIPSA dans les PLF et PLFSS pour 2009, à la fois du point de vue de son déficit, mais aussi de sa dette. Cela aura évidemment un impact qu’il faudra assumer.

Je voudrais à présent revenir sur les collectivités locales. Comme vous le savez, une conférence nationale des exécutifs s’est tenue jeudi dernier sous la présidence du Premier ministre. Le message qu’il a transmis est simple. L’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales doit évoluer au même rythme que l’ensemble des dépenses de l’État, c’est-à-dire au rythme de l’inflation. Avec une prévision d’inflation de 2 % en 2009, l’ensemble des concours de l’État, soit 55 milliards d’euros hors dégrèvements, augmenteront donc de 1,1 milliard en 2009 par rapport à 2008.

Ce 1,1 milliard d’euros supplémentaire en 2009 représente 200 millions de plus que l’augmentation prévue en LFI 2008, qui était, je le rappelle, de 900 millions d’euros.

Cette augmentation porte sur le même périmètre. C’est le maximum de l’effort que l’État peut s’imposer sur ses propres dépenses au bénéfice des collectivités. Pour 2010 et 2011, l’ensemble des concours de l’État continuera à évoluer comme l’inflation, ce qui conduira à une augmentation de 1 milliard supplémentaire par an.

Quelle traduction donner à cette augmentation de 1,1 milliard en 2009 ? Le Premier ministre s’y est engagé lors de la conférence nationale des finances publiques : contrairement à ce que l’on a pu lire ici ou là, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ne sera pas réformé en 2009, afin de ne pas mettre en péril les plans de financement des collectivités qui ont déjà investi et qui comptent sur lui. Cela n’empêche pas de réfléchir à l’avenir de cette dotation qui consomme les marges de manœuvre dans l’enveloppe que nous venons d’évoquer. Plusieurs pistes s’offrent à nous pour travailler ensemble à une réforme du fonds, de sorte que celle-ci génère ses premiers effets avant la fin de la législature. Quel champ d’investissement retenir ? Quel rythme de progression pour le FCTVA ? Quelle articulation avec les autres dotations d’investissement ?

Une fois financée l’augmentation du FCTVA, 450 millions d’euros de crédits resteront disponibles. Il nous faut réfléchir conjointement à l’orientation que nous leur donnons et à l’évolution de la DGF, la dotation globale de fonctionnement : dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, il n’est pas possible que celle-ci continue à progresser sur son rythme actuel d’indexation.

Deux options sont possibles : faut-il financer le rattrapage d’inflation au titre de 2008, ou au contraire retenir pour 2009 le principe d’une indexation de la DGF à l’inflation ? La question reste ouverte, mais je remarque qu’en ce qui concerne les dépenses de l’État, c’est la seconde solution qui est retenue. Enfin, il nous faudra aussi réfléchir à la meilleure manière de concilier une évolution limitée de la DGF et une amélioration de son efficacité péréquatrice.

Rappelons que, quelle que soit l’échelle – ville, département ou État –, nous parlons toujours du même citoyen : efforçons-nous donc d’avoir une vision globale, dans le respect des compétences de chacun et des finances publiques.

Après cette présentation des enjeux et des orientations pour l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales, je voudrais pour terminer revenir sur deux importants sujets de gouvernance : la loi de programmation des finances publiques et la maîtrise des niches fiscales et sociales.

La révision de la Constitution a été l’occasion d’ouvrir un large débat sur l’opportunité d’inscrire dans la loi fondamentale une règle de finances publiques.

Le résultat auquel nous sommes pour l’instant parvenus me paraît satisfaisant : une loi de programmation des finances publiques s’inscrivant dans un objectif d’équilibre. Nous avons travaillé ensemble à la rédaction de cette disposition. En effet, il ne suffit pas de dire qu’il faut être à l’équilibre ; il faut également dire comment on y arrive. C’est d’ailleurs, de mon point de vue, la partie la plus difficile : je suppose que chacun en convient. Ainsi, les objectifs que je vous ai décrits seront déclinés à la rentrée dans une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Celle-ci permettra de définir une stratégie d’ensemble cohérente, dépassant la vision limitée qu’offrent aujourd’hui les débats annuels sur le PLF et le PLFSS.

J’ajoute que l’élaboration, puis le vote des lois de programmation des finances publiques permettront de pallier la situation actuelle, où les programmes de stabilité adressés chaque année à la Commission européenne ne sont pas soumis au Parlement et n’ont pas, dès lors, la portée politique suffisante pour encadrer l’action publique. C’est donc une excellente réponse apportée à ce problème.

Un autre sujet nous tient à cœur, celui des niches fiscales et sociales. Je tiens à saluer tout particulièrement les deux excellents rapports auxquels nombre de députés ici présents ont participé, rapports issus de missions présidées par Didier Migaud et Gérard Bapt, et dont Gilles Carrez et Yves Bur ont été les auteurs. Bien entendu, nos discussions se poursuivent, mais disons d’emblée que je suis très favorable à la plupart des propositions contenues dans ces rapports. Comme ceux-ci le constatent, le nombre de niches et leur montant sont devenus un véritable enjeu pour les finances publiques. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé, lors de la dernière conférence nationale des finances publiques, qu’elles seraient limitées dans le temps et soumises à une évaluation systématique. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai discuté, lors de mes rencontres bilatérales avec chacun des ministres, non seulement des dépenses budgétaires, comme c’est l’usage, mais aussi des dépenses fiscales et des exonérations de charges sociales.

Tout cela pèse en effet de la même manière sur le déficit public et produit les mêmes résultats. Il faut donc en discuter dans le même temps. C’est la même dépense, qui conduit au même solde. Surtout lorsque ces dépenses fiscales sont précisément conçues pour se substituer à la dépense budgétaire – même si nous n’obtenons pas le résultat que nous attendions. Il serait incohérent de durcir d’un côté la dépense budgétaire tout en facilitant de l’autre la dépense fiscale !

Il nous faut donc poursuivre dans la voie qui permet de limiter les niches fiscales. J’envisage donc, dans le projet de loi de finances pour 2009, plusieurs actions sur les dépenses fiscales et les exonérations diverses et variées de charges sociales, qui seront affinées dans le courant de l’été.

Nous allons améliorer la qualité de l’information du Parlement, en récapitulant de façon claire, dans le projet de loi de finances comme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, toutes les décisions prises au cours de l’année à ce sujet.

Nous allons par ailleurs instaurer – je trouve cela très intéressant – un objectif de dépenses fiscales dans les projets de loi de finances. Probablement utilisé dans un premier temps à titre indicatif, ses modalités restant à définir, nous allons travailler à son amélioration. Je fais étudier un dispositif analogue pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, concernant les exonérations sociales.

J’avoue avoir eu de la sympathie pour l’amendement adopté par le Sénat, qui visait à valider, en loi de finances initiale comme en loi de financement de la sécurité sociale, les niches votées dans des lois ordinaires. Votre commission des lois y voit une atteinte à certains principes, que je ne saurais contester. Mais je compatis à mon tour, monsieur Migaud, sur le fait que la position de la commission des finances n’a pas été entendue sur ce point.

Il nous faut ensemble lutter contre la prolifération de ces dispositions, que je juge excessive.

Je reste naturellement ouvert à la discussion sur ce sujet. C’est un pas important que nous allons franchir, en tout cas je le souhaite vivement, et nous utiliserons la puissance de conviction du ministère du budget pour réduire efficacement la dépense fiscale et sociale.

Nous sommes confrontés à une situation inédite pour nos finances publiques : l’évolution des charges d’intérêts et celle des pensions accentuent les contraintes qui pèsent sur les autres dépenses, qu’il s’agisse de la masse salariale ou des dépenses d’intervention.

Il est donc plus que jamais indispensable de réaffirmer la maîtrise de la dépense publique et d’améliorer son efficacité. Nous nous en donnons les moyens avec la RGPP, qui produira des effets au cours des prochaines années et que nous allons continuer à mener très activement. Nous en verrons les résultats dans les sphères sociale et fiscale. Le budget triennal en est la traduction pour l’État.

C’est cette alliance de réformes de structure et de règles de gouvernance efficaces qui nous permettra de réussir.


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