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08/09/2007 – Discours introductif prononcé à Berlin à l’occasion de la 6ème réunion des Présidents d’assemblée des pays membres du G8

Protection du climat et plus grande efficience énergétique :

contribution des parlements 

Madame la Présidente,

Messieurs les Présidents,

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Monsieur le Président, je tiens tout d’abord à vous remercier pour votre invitation à Berlin et l’excellent programme que vous avez arrêté pour ces trois journées de travail. Je voudrais également vous féliciter pour la qualité des thèmes que vous avez choisis pour nos travaux et remercier mon collègue canadien, M. Peter Milliken, pour son utile contribution sur le thème, ô combien essentiel, qui va nous occuper cet après-midi.

« La maison brûle et nous regardons ailleurs. » avait dit Jacques Chirac à Johannesburg en 2002. Cinq ans plus tard, la maison brûle toujours, et toujours plus vite. Le constat est unanime, les scientifiques du monde entier s’accordent sur la gravité et l’urgence de la situation. La terre est malade, gravement malade, et de notre fait. L’évolution récente des émissions de gaz à effet de serre est préoccupante, les énergies fossiles et les ressources naturelles s’épuisent, et déjà on évalue le nombre de réfugiés climatiques entre 150 millions et un milliard.

Mais nous ne regardons plus ailleurs, et nous ne pourrons pas dire, demain, qu’aujourd’hui nous ne savions pas. Nous connaissons la gravité de la situation, nous savons ce qui se passera si nous ne faisons rien, ou pas assez, ou trop tard.

Car si la situation est alarmante, elle n’est pas désespérée. Et si nous mesurons le prix de nos erreurs ou de nos paresses, nous mesurons mieux aussi comment agir pour nous corriger.

Le Groupe international d’experts du changement climatique (GIEC) a ainsi récemment considéré qu’un investissement de l’ordre de 0,3% à 3% du PIB mondial suffirait à prévenir de tels changements. Le rapport remis par Nicholas Stern au gouvernement britannique conclut, lui aussi, en ce sens : seulement 1% du PIB mondial suffirait à fortement atténuer les effets du changement climatique.

Nous pouvons agir : c’est dire, au regard de l’enjeu, que nous le devons.

Le défi à relever est considérable.

Il commande un engagement de toutes les nations.

D’abord des pays développés qui, s’ils sont les premiers responsables, par l’histoire, la puissance et la consommation, sont aussi les premiers, par leurs capacités technologiques et financières à pouvoir réagir.

Et c’est en ce sens que l’Union européenne a fixé, lors du Conseil européen de mars 2007, un objectif de 20 à 30 % de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2020, et un objectif de 20 % d’accroissement de la part des énergies renouvelables.

Mais les pays émergents, eux aussi, auront à prendre part à l’effort collectif : la Chine, vous le savez, devrait dépasser dès cette année les Etats-Unis comme premier émetteur de gaz à effet de serre. La concertation entre l’ensemble de ces pays apparaît ainsi d’autant plus nécessaire, et c’est notamment dans cet esprit que le Président de la République française, Nicolas Sarkozy, a évoqué l’idée d’une transformation progressive du G 8 en G 13.

Les outils développés au titre de la convention de Rio et plus encore du Protocole de Kyoto – ce dernier s’inspirant d’ailleurs de l’expérience américaine en matière de droits d’émission - représentent une contribution essentielle à la promotion de solutions énergétiques nouvelles, plus sobres en carbone. L’accord international qui devra être trouvé pour la période de l’après Kyoto, soit à compter de 2012, devra poursuivre ces avancées et renforcer les engagements de chacun.

Je tiens à saluer l’action entreprise aux Etats-Unis par la Chambre des représentants en matière de politique énergétique. Les Etats-Unis ont une importance capitale dans la nouvelle gouvernance mondiale qu’appelle la lutte contre le réchauffement climatique. Le Président Nicolas Sarkozy l’a rappelé : les Etats-Unis doivent prendre la tête de ce défi mondial et nous aider à ouvrir la voie.

Je me réjouis également de la convergence des points de vue américains et européens qui ont marqué les dernières discussions au sein de la conférence des parties de la « convention - cadre des Nations unies sur le changement climatique », et du consensus qui s’y est dégagé quant à l’absolue nécessité d’une action résolue dans ce domaine.

Nous devons travailler, dans la perspective de la conférence qui doit se tenir à Bali en décembre prochain sur l’après Kyoto, à approfondir nos convergences. Ce fut le cas en juin dernier, au sommet des chefs d’Etat et de gouvernements du G8 à Heiligendamm, où d’importantes avancées ont pu être obtenues. Mais nous devons aller plus loin encore.

L’ampleur et l’urgence du défi dépassent la seule responsabilité des gouvernements, ce sont les Etats dans leur ensemble, à tous les niveaux de responsabilité, par l’ensemble des moyens dont ils disposent, qui doivent agir.

Et c’est un rôle éminent qui incombe dans ce combat aux parlements nationaux, non seulement par leur rôle dans le processus législatif national et la ratification des traités internationaux, mais aussi comme force de proposition, d’évaluation et de sensibilisation.

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En France, l’Assemblée nationale s’est résolument engagée dans le sens d’une politique énergétique responsable.

La loi de programme de juillet 2005 a érigé la lutte contre le changement climatique en priorité de notre politique énergétique. Cette même loi a permis d’introduire l’objectif de « facteur 4 », c’est-à-dire la réduction de 75 % des émissions de gaz à effet de serre, et elle a fixé les priorités françaises en matière d’énergie : maîtrise de la demande d’énergie, diversification des énergies, développement de la recherche. En matière de recherche, l’objectif est d’accroître l’efficacité énergétique, notamment par la voie du nucléaire, énergie sobre en carbone, je le rappelle, et qui constitue un atout important pour notre politique de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre.

En dehors de lois particulières relatives aux questions environnementales et énergétiques, le Parlement, et en particulier l’Assemblée que j’ai l’honneur de présider, s’attache à soutenir la lutte contre le réchauffement climatique à l’occasion, chaque année, du vote de la loi de finances. Et il agit dans le même sens lorsqu’il exerce son pouvoir de contrôle de l’application des lois. Les enjeux environnementaux et climatiques sont pour nous une préoccupation essentielle, à l’aune de laquelle nous mesurons toutes les dispositions qui nous sont soumises et qui la concerne.

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Dans ce combat contre le réchauffement climatique, le Parlement dispose d’autres moyens encore que son pouvoir législatif. Il peut être, et il doit être, une force d’évaluation et de contrôle et donc de proposition. C’est précisément, et je m’en félicite, une des priorités fixées par le Président Nicolas Sarkozy à la réforme institutionnelle qu’il a engagée.

Ce domaine de l’énergie et du changement climatique suscite ainsi un grand nombre de propositions parlementaires, qui pour nombre d’entre elles, trouvent leur source dans les travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Composé de députés et de sénateurs, celui-ci a pour mission, depuis sa création en 1983, « d’informer le Parlement des choix de caractère scientifique ou technologique afin d’éclairer ses décisions ».

C’est ainsi que cet Office a adopté en 2002 un rapport sénatorial sur « l’évaluation de l’ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact prévisible ». Ce rapport soulignait déjà la gravité du phénomène, et il était accompagné d’un ensemble de propositions.

C’est dans le même esprit que l’Assemblée nationale a créé en 2005 une mission d’information parlementaire sur l’effet de serre. Cette mission d’information a conclu son travail considérable par un rapport très important, intitulé « Effet de serre, le défi majeur », et présenté en avril 2006 par Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, aujourd’hui secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie. Les conclusions de ce rapport sont à l’origine des mesures adoptées par le Gouvernement français en juin 2006 dans le cadre de la révision du « Plan climat ».

Je veux aussi dire un mot d’un aspect important, et auquel je suis très attaché, de la réforme institutionnelle en cours de discussion en France : la prochaine création, à l’Assemblée nationale, d’une commission permanente dédiée au développement durable. Cette commission sera dotée d’attributions législatives et pourra mener des missions d’évaluation. Le changement climatique, à l’évidence, a vocation à être au premier rang des préoccupations de cette commission.

C’est dire combien la lutte contre le réchauffement va être plus que jamais au cœur de la réflexion, des propositions et du travail de l’Assemblée nationale française.

*

Les travaux d’évaluation menés par le Parlement, ses propositions en matière de protection du climat, permettent aussi d’informer et de sensibiliser l’opinion.

Ainsi, l’approbation à l’unanimité des conclusions de la mission parlementaire d’information sur l’effet de serre, que j’ai déjà évoquée, a contribué au large écho de ce rapport et à l’appropriation des problèmes climatiques par les Français.

Par delà leurs compétences habituelles, les parlements peuvent prendre d’autres initiatives, plus singulières sans doute mais non moins intéressantes. Ainsi, l’année dernière, l’Assemblée nationale a-t-elle reçu l’ancien vice-président des Etats-Unis, M. Al Gore, et visionné son film. Cet événement a fortement impressionné les responsables de tout bord qui y assistaient et a été très bien relayé par les médias auprès de l’opinion publique française.

Le Parlement a un rôle essentiel dans la lutte pour le climat : celui d’être, dans son ensemble comme par l’intermédiaire de chaque député, une interface entre les citoyens et les pouvoirs publics ; d’être à la fois à l’écoute des préoccupations de l’opinion et vecteur d’information et de débat dans l’ensemble du pays.

Cette prise de conscience semble à présent forte en France. On l’a vu notamment lors de la récente campagne électorale, à travers les engagements qu’avaient pris dans ce domaine la quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle.

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On ne pourra lutter efficacement contre le changement climatique que si l’ensemble des pays industrialisés adoptent une approche commune, seule susceptible de convaincre les pays émergents de s’engager concrètement dans un processus de réduction contrôlée des émissions de gaz à effet de serre.

Et cette approche commune, cette coopération ne doit pas s’arrêter aux seuls gouvernements : nos parlements seront d’autant plus efficaces dans la protection du climat qu’ils sauront travailler ensemble, de façon suivie et concertée.

Je veux saluer, à cet égard, le « processus de Gleneagles », engagé lors du sommet du G8 en juillet 2005, qui vise à développer un dialogue pérenne entre parlementaires membres des pays du G8 et des pays émergents. Les réunions tenues dans ce cadre, à Washington en février et à Berlin en juin, ont marqué des étapes très utiles. L’Assemblée nationale française soutient ardemment ce processus. Continuons à avancer ensemble dans ce sens.

Je veux vous dire enfin, personnellement, combien ces préoccupations me tiennent à cœur. C'est ainsi qu'en tant qu'élu des Alpes, j'ai obtenu des mesures, certes modestes, mais pour moi importantes: telles que le développement de la production électrique par méthanisation ou bien encore l'instauration d'une fiscalité environnementale pour les automobiles.

Mes chers collègues,

Nous avons une responsabilité historique, vis-à-vis des générations futures, pour leur léguer une planète vivable. Le temps nous est compté. A l’issue des échanges d’aujourd’hui, dont je remercie le Président Norbert Lammert, je suis sûr que nous irons ensemble beaucoup plus loin, au sein de nos Parlements, pour la protection du climat et l'efficience énergétique.

Il y va de notre avenir, et de celui de nos enfants.

Je vous remercie.