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06/12/2007 – Discours prononcé lors du déjeuner du Syndicat de la presse économique, juridique et politique

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les présidents,

Chers collègues parlementaires,

Chers amis,

Permettez-moi en premier lieu de vous dire le plaisir qui est le mien d’intervenir devant vous. Les chiffres que vous avez avancés en prélude à votre intervention, Monsieur le Président – 250 revues assurant une diffusion annuelle globale de quelque 115 millions d’exemplaires –, démontrent assez l’importance et la représentativité de votre syndicat dans le panorama de la presse française spécialisée. Je souhaite surtout vous témoigner, par ma présence, mon attachement à un certain type de presse que vous incarnez tout particulièrement : une presse libre et responsable. Libre parce qu’indépendante des effets de mode aussi bien que des intérêts publics ou privés. Responsable parce que rigoureuse et professionnelle dans sa manière de traiter les sujets.

Ce n’est pas à un public averti comme le vôtre que j’apprendrai que l’économie, la finance, la gestion, le droit et même la politique, qui constituent l’essentiel de vos publications, ne se satisfont guère d’erreurs ou d’approximations. En choisissant ici de m’exprimer devant des journalistes, des auteurs et des éditeurs réputés pour leur compétence et leur sérieux, je tiens à saluer la part que chacun d’entre vous prend assurément dans la vitalité démocratique de notre pays.

Il n’est pas d’exemple, dans le monde ni dans le temps, de démocratie véritable sans une presse puissante.

C’est toute l’histoire de l’avènement de la démocratie parlementaire dans notre pays, au XIXème siècle, qui s’est faite concomitamment avec le développement de la presse. C’est, en 1789, l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui proclame que « tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement… ». C’est la Troisième République qui, en 1881, établit et garantit, comme nul autre pays au monde, la liberté de la presse. C’est l’age d’or de la « Chambre » et des grands journaux, quand les parlementaires qui comptent – de Jaurès (fondateur de l’Humanité en 1904) à Clemenceau – ont une expérience de journaliste ou s’efforcent d’avoir leur propre journal.

Il n’en a pas été autrement au XXème siècle qui a vu les nouveaux médias, radio et télévision, s’affranchirent eux aussi, progressivement, de toute tutelle et s’affirmer, toujours plus avant, dans leur liberté.

Toujours la presse a été un facteur de démocratie, toujours les démocrates ont œuvré en faveur de la liberté de la presse et de son indépendance. La libéralisation de la presse, son émancipation, est un mouvement aussi irrépressible que l’avènement de la démocratie.

Les problèmes auxquels sont confrontés les médias sont aujourd’hui moins politiques qu’économiques. Internet, journaux gratuits, mondialisation de l’information, accélération des échanges…. Les techniques, l’évolution du monde et des pratiques obligent brutalement les médias à repenser leur stratégie et leur organisation. En même temps qu’on parle de crise, on parle de sur-médiatisation. Et de fait, les deux sont vraies. Souvenons-nous d’une chose, c’est que le surcroît d’information, loin de lasser le public, suscite une curiosité croissante.

Sans doute faut-il trouver les formes d’organisation et de financement les plus adéquates, mais ce qui fera la pérennité de la presse de demain, c’est sa qualité.

C’est d’abord en maintenant son niveau d’excellence – que les hommes politiques que nous sommes connaissent bien pour en être parfois les victimes… – que la Presse française demeurera compétitive et indépendante. Tocqueville, déjà, distinguant l’esprit des journalistes français de ceux d’Amérique, écrivait :

C’était bien vu et cela reste vrai. Voilà pourquoi je ne doute pas que vous trouverez les moyens de surmonter les difficultés que vous rencontrez aujourd’hui. C’est de l’intérêt de notre démocratie, aucun homme politique ne saurait en douter….au moins plus de quelques secondes, sous le coup de l’amertume d’un article un peu dur…

Cette vitalité démocratique, à laquelle vous participez, implique que la représentation nationale soit pleinement avertie, au-delà des enjeux en matière d’indépendance et de liberté que je viens de souligner, des sujets majeurs qui préoccupent aujourd’hui la presse spécialisée. C’est parce que je sais, étant moi-même un lecteur assidu de certaines de vos publications, combien vous portez haut l’exigence de professionnalisme et d’exhaustivité dans une société assurément de plus en plus complexe, que je relaierai bien volontiers les propos qui ont été tenus par votre Président tout à l’heure et les interrogations dont vous voudrez bien vous ouvrir devant moi au cours de notre déjeuner.

Les questions que vous avez évoquées, Monsieur le Président, - les droits d’auteurs dans l’édition « multi-supports », la fiscalité de l’édition en ligne ou la distribution par voie postale…-, sont suffisamment complexes, sensibles et importants pour que s’engage à leur sujet une réflexion d’ensemble.

Soyez-en donc certain : le Parlement prendra toute sa part dans ce débat. Soyez assurés de trouver à l’Assemblée nationale des oreilles attentives, en particulier au sein de la future commission permanente de l’éducation, de la culture et de la communication qui, je l’espère, devrait voir le jour dans un avenir proche.

Cela me conduit naturellement à vous entretenir un instant de l’ambitieuse réforme institutionnelle qui s’annonce.

Le moment est historique. Cinquante ans après l’adoption de la Veme République – certainement notre meilleure Constitution –, c’est la première réforme institutionnelle d’ensemble qui nous est proposée.

Ce que nous offre l’initiative du Président de la République, relayée par la réflexion des responsables politiques de tout bord et des plus éminents juristes, c’est l’opportunité de moderniser nos institutions, de renforcer leur caractère démocratique, sans pour autant en modifier les lignes de force ni les grands équilibres.

L’enjeu est considérable, en particulier pour le Parlement. C’est lui, en effet, qui devrait être le grand gagnant de ce rééquilibrage des pouvoirs.

Sa revalorisation, si longtemps attendue, est enfin à notre portée.

Au gré des quarante-deux recommandations du rapport Balladur qui lui sont spécifiquement consacrées, que le Chef de l’Etat propose de suivre “globalement”, cette revalorisation est très ambitieuse. A cet égard, je ne peux que me réjouir qu’aient été retenues plusieurs propositions approuvées par le groupe de travail sur les institutions réuni à mon initiative à l’Assemblée nationale.

Sans doute le débat reste-t-il ouvert sur l’opportunité de telle ou telle modalité de la réforme. Pour autant cette révision de nos institutions constitue dans son ensemble un avancée majeure de la démocratie parlementaire. Il ne s’agit rien de moins que de passer du parlementarisme rationalisé de la Ve République à un véritable parlementarisme responsabilisé.

Le parlementarisme responsabilisé qui nous est proposé, c’est d’abord un Parlement qui reprend l’initiative de son propre travail en fixant lui-même une partie de son ordre du jour.

Le parlementarisme responsabilisé, c’est aussi un Parlement qui légifère mieux, de manière plus approfondie et mieux organisée. Cela, grâce à une meilleure implication des commissions parlementaires, à des études d’impact préalables mesurant l’opportunité d’adopter une nouvelle loi, grâce à l’encadrement de la procédure d’urgence et de plus longs délais d’examen des textes, enrichis par les navettes parlementaires respectives.

Le parlementarisme responsabilisé, c’est encore un Parlement qui exerce davantage ses missions de contrôle et d’évaluation des politiques publiques.

Le parlementarisme responsabilisé, c’est enfin un Parlement qui n’est plus tenu en lisière du « domaine réservé », mais qui débat pleinement de la politique étrangère, européenne et de défense de notre pays.

Mais nul doute que vous serez parmi les premiers à analyser, à commenter la réforme à venir, dans sa lettre comme dans sa pratique : si j’ai quelque hâte à l’adoption de la réforme, c’est aussi…pour mieux vous lire…