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08/01/2008 – Discours prononcé lors de la projection du documentaire « La 11ème heure – le Dernier Virage »

Monsieur le Ministre d’État, cher Jean-Louis Borloo,

Madame la Secrétaire d’État, chère Nathalie Kosciusko-Morizet

Mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de remercier Madame Iris Knobloch, présidente de la Warner, qui a bien voulu faciliter cette projection.

Merci aussi à Madame Michèle Pappalardo, qui vient d’être nommée Commissaire Général au développement durable, et grâce à qui nous devons le soutien de l’ADEME qu’elle présidait jusqu’alors.

Merci enfin à Nicolas Hulot, pour sa présence et son précieux soutien.

Il y a un peu plus d’un an, cher Nicolas Hulot, vous avez donné une impulsion forte à la cause environnementale en lançant le Pacte Écologique.

Vous avez ainsi éveillé la conscience de chacun d’entre nous, nous forçant à regarder l’état de la planète, nous forçant à nous interroger sur notre comportement et sur le monde.

Mesdames, Messieurs, Chers amis, je suis très heureux de vous accueillir ici ce soir à l’Hôtel de Lassay, avec les députés de l’Assemblée nationale, à l’occasion d’une projection qui ouvre, pour notre Assemblée, en ce début d’année 2008, un temps d’action fort sur les questions environnementales.

Un film de plus, diront certains. Certes, mais un film différent.

Un film qui, au-delà d’un simple état des lieux de la planète, nous fait réfléchir aux interactions profondes entre l’homme et son milieu naturel.

D’ « Une vérité qui dérange », nous sommes passés à l’ « urgence planétaire ».

Nous sommes arrivés au « Dernier virage », à « La 11ème heure », c’est-à-dire à ce moment précis où l’être humain est sur le point de rompre l’équilibre fragile qui lui a permis de naître, qui l’accueille, et le nourrit depuis des centaines de millions d’années.

L’histoire du climat est aussi ancienne que la planète. C’est celle du temps long comme l’a montré Emmanuel Le Roy Ladurie.

Mais, après la révolution industrielle, et singulièrement depuis les dernières décennies, elle s’est emballée de façon exponentielle.

Le constat n’est pas contestable, le diagnostic et l’alerte des scientifiques sont sans appel.

Notre climat se réchauffe sous l’effet d’une concentration excessive de GES dans l’atmosphère, et la combustion des énergies fossiles, c’est-à-dire les activités humaines, sont en cause.

Certaines conséquences sont d’ores et déjà perceptibles : augmentation des précipitations, des sécheresses, fonte des glaciers et de la banquise.

D’autres, de plus grande ampleur, sont à venir, elles se profilent déjà.

Elles toucheront d’abord, et comme en tout malheur, les populations les plus vulnérables. Elles provoqueront, à n’en pas douter, encore plusieurs centaines de millions de réfugiés climatiques, victimes de la montée des eaux, et de grandes catastrophes.

Nous mesurons tous les enjeux considérables que porte ce changement climatique.

Des enjeux qui ne sont plus seulement environnementaux, mais aussi humaines, économiques et stratégiques. Ils posent une véritable question politique aux gouvernements de tous les pays.

Prenons garde, comme le soulignait le Président de la République, à la tribune des Nations Unies, le 24 septembre dernier, de ne pas atteindre « le point de non retour », celui que nous franchirions si le réchauffement moyen de la planète augmentait de 2°, celui au-delà duquel nous ne pourrions plus revenir en arrière.

Le défi est immense. Il n’est pas hors de portée. Mais il faut agir maintenant.

Il faut l’accepter, accepter de changer nos comportements, de bouleverser nos modes de vie.

Il faut apprendre la patience, comprendre que l’on ne peut observer immédiatement l’efficacité des mesures appliquées : pour éviter aux générations futures les bouleversements, ceux qui surviendraient si nous ne faisions rien.

Il faut immédiatement et résolument nous engager dans la voie de l‘action.

Cette action doit, tout d’abord, être internationale.

Parce que le problème est mondial, la réponse évidemment doit l’être aussi.

En 2007, la question climatique a largement figuré en tête de l’agenda international.

La Conférence de Bali s’est soldée par un demi-succès, sans référence chiffrée à la nécessaire réduction mondiale des émissions de gaz à effet de serre, mais elle a permis d’arrêter une feuille de route, d’imposer le lancement de négociations, au plus tard en avril 2008, afin de décider des engagements pour l’après-Kyoto.

Notre action doit être ensuite européenne. La France le veut résolument.

L’Union européenne est ainsi aujourd’hui devenue le chef de file de la lutte contre l’effet de serre au niveau mondial.

Elle s’est engagée à faciliter la transition vers une économie sobre en carbone, maîtrisant ses ressources énergétiques, réduisant ses émissions et mettant en place des mesures concrètes et ambitieuses pour y parvenir.

Le climat sera d’ailleurs l’une des priorités de la Présidence française de l’union européenne dans 6 mois.

Notre action doit être enfin nationale.

La France n’est pas en retard face à ce grand défi, bien au contraire.

Ramenées à chacun des Français, nos émissions de gaz à effet de serre sont inférieures de 21% à la moyenne européenne.

Nous savons tous l’apport considérable de l’énergie nucléaire dans ce résultat, et il faut avoir le courage de le dire, même si nous sommes conscients qu’elle ne constitue ni l’unique ni l’ultime solution.

Mais la France veut aussi être en avance, et être exemplaire.

En 2007, un pas supplémentaire a été franchi.

La création d’un Ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables est une avancée majeure qui permet désormais une approche transversale des questions environnementales, une évaluation de l’action publique à l’aune des critères du développement durable.

Il n’a pas d’équivalent chez nos principaux partenaires européens.

Le récent Grenelle de l’environnement a également constitué, au cours de cette année, un exercice démocratique sans précédent, catalyseur d’une grande mobilisation.

Permettez-moi, Monsieur le Ministre d’État, Madame le Secrétaire d’État, de vous féliciter de cette réussite.

Bien des acteurs de notre pays se sont engagés, depuis longtemps, dans la voie de la protection de l’environnement.

Je pense aux élus locaux, aux maires, attentifs au cadre et à la qualité de vie de leurs administrés.

Modestement, l’élu de la Haute-Savoie que je suis, œuvre depuis longtemps en faveur de la méthanisation.

Je pense aux chefs d’entreprise, conscients de leurs responsabilités et qui ont, plus souvent qu’on ne le dit, devancé certaines normes environnementales.

Je pense enfin aux agriculteurs, si évidemment et profondément liés à la nature, passionné par la terre, soucieux de la préserver, impliqués désormais dans des pratiques agricoles raisonnées.

L’agriculture de demain, grâce à la recherche et aux progrès de la biotechnologie, pourra encore nourrir une humanité toujours croissante.

L’Assemblée nationale prendra toute sa part dans cette mobilisation pour l’environnement.

Mes chers Amis, je souhaite qu’en 2008, l’Assemblée nationale soit un acteur déterminé du développement durable, car une institution républicaine de premier plan ne saurait se contenter d’élaborer la norme sans être elle-même une partie prenante active de ce grand défi,

La projection à laquelle nous allons assister ouvre ici un temps d’action intense sur les questions environnementales.

Un temps d’action pour le travail législatif. Beaucoup a été fait sous la précédente législature et le début de celle-ci, mais nous aurons, d’ici quelques semaines, à traduire dans la loi les orientations et propositions issues du Grenelle.

C’est au débat démocratique et en définitive à la Représentation nationale que revient le dernier mot.

C’est elle ici qui engagera notre pays pour les prochaines décennies.

Dans un contexte de raréfaction des énergies fossiles, d’augmentation du prix des hydrocarbures, les sujets de débat ne manqueront pas : fiscalité environnementale, prix du carbone, réorientation de notre modèle économique, de nos modes de production et de consommation.

Je souhaite que nous agissions en élus responsables, pragmatiques et réalistes.

N’opposons pas protection de l’environnement et progrès scientifique.

Ne condamnons pas la science au profit de l’immobilisme en le confondant avec la nature, ce serait une absurdité coupable, contraire à l’histoire même de la science, c’est-à-dire du progrès.

N’opposons pas protection de l’environnement et progrès économique.

Une politique écologique responsable, ce n’est pas la décroissance, c’est une autre croissance.

Par ailleurs, j’entends que l’organisation du travail parlementaire permette de mieux prendre en compte les problématiques environnementales.

C’est ainsi que je souhaite la création ici, à l’Assemblée nationale, d’une commission permanente spécialement dédiée à ces questions.

J’ai largement défendu cette idée dans le cadre de la préparation de la réforme institutionnelle et, sans présager de l’avenir, j’ai bon espoir que cette commission voie le jour dès cette année.

A côté de ce travail législatif, il faut que notre institution elle-même ait de meilleures pratiques environnementales, dans ses choix énergétiques comme dans son mode de fonctionnement.

C’est ainsi que j’ai engagé un bilan carbone de l’Assemblée, car nous devons résolument participer à l’effort de maîtrise et de réduction des émissions de CO2.

Nous devons poursuivre notre réflexion en matière d’économies d’énergie, de recyclage et de tri sélectif, en matière de marchés publics ou de gestion du parc de véhicules automobiles et des déplacements.

Je suis déterminé à ce que l’Assemblée s’engage dans cette démarche vertueuse.

Enfin, je crois que l’Assemblée nationale est dans son rôle lorsqu’elle participe aux grandes réflexions de notre temps, lorsqu’elle informe, lorsqu’elle sensibilise l’opinion, les élus eux-mêmes, sur les grands enjeux de l’avenir.

C’est la raison même de cette projection.

Nous poursuivrons notre travail en commun avec Nicolas Hulot à travers un cycle de réflexion, de 3 conférences, échelonnées sur l’année 2008, qui permettront aux parlementaires d’échanger avec des chercheurs, des scientifiques, des sociologues, des économistes sur les grands enjeux du développement durable.

C’est aussi la raison pour laquelle nous avons souhaité ouvrir cette soirée aux nombreux étudiants que je salue chaleureusement.

En effet parler d’environnement, parler de développement durable, c’est avant tout parler de l’avenir.

C’est s’adresser à vous qui êtes aujourd’hui les témoins de notre action, qui en serez demain les juges.

Mais surtout c’est vous qui aurez demain à poursuivre cette action au cœur de la société.

Votre sensibilisation, votre implication sur ces questions est donc essentielle, elle est la raison et le sens même de notre message.

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

L’équilibre incroyablement fragile et précaire qui a permis à l’homme d’exister, cet équilibre miraculeux, nous sommes en train de le mettre en danger.

Ne nous y trompons pas.

Ce n’est pas la survie de la planète qui est en cause, c’est la nôtre.

Ce n’est pas l’homme qui est en cause, c’est sa manière de vivre.

Par bonheur, l’homme, dit-on, est la plus intelligente des espèces de la planète.

Gageons donc que nous saurons ne pas être assez bêtes pour courir vers l’abîme, ni surtout assez lâches pour y précipiter nos enfants.