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10/01/2008 – Vœux à la presse

Madame la Présidente de l’association de la presse parlementaire,

Mesdames et Messieurs,

Au-delà des vœux que je fais pour vous, pour vos familles, je forme des vœux pour la presse parce que je sais que vous êtes confrontés, que la presse est confrontée, à un certain nombre de défis. Défis technologiques d’abord, personne n’y échappe. Des défis plus spécifiques à la presse française, ensuite son lectorat, ses recettes publicitaires. A ce titre ce qui vient d’être annoncé par le Président de la République est certainement intéressant, utile et je pense clarifiant au plan des différents domaines, des différents secteurs couverts par la presse et surtout du secteur privé et du secteur public. Il n’y a pas de bonne politique sans clarté et sans définition précise des secteurs.

Je veux vous dire aussi, qu’à chaque fois que je vous rencontre, je perçois à quel point nous avons une passion commune, c’est la passion de la politique. Elle est essentielle dans une démocratie. Je veux vous dire combien je ressens chaque jour combien sont indispensables nos échanges, nos relations parce que certes, si le Parlement, l’Assemblée constitue une source d’information vitale pour vous mais aussi pour la démocratie. Dans l’autre sens, nous-mêmes parlementaires, notre institution, avons besoin de vos relais. C’est notre seul moyen de faire connaître le travail que nous faisons ici et qui je crois, est essentiel.

L’année 2007 a été riche en évènements politiques et je n’y reviendrai pas, le deuxième semestre 2007 a été riche en évènements politiques, législatifs. Nul doute que 2008 aura l’élan et l’allure qui marquent la politique française depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République.

En six mois, la France a changé. Qui peut le nier ? La France d’avant les présidentielles, nous paraît déjà loin. Nous sommes entrés dans une nouvelle époque.

A l’évidence, c’est d’abord à la formidable impulsion du Président de la République que nous devons ce renouveau. C’est ensuite à chacun des rouages et des acteurs de notre démocratie, au premier rang desquels, bien sûr, l’Assemblée nationale, notre institution, que nous le devons.

Le travail ici a été considérable. Nous avons examiné depuis le début de cette législature plus d’une vingtaine de lois, plus de 60 textes ont été ratifiés (conventions internationales comprises) d’autres ont été promulgués, elle s’est vaillamment engagée cette législature dans le sens d’une réforme et de la modernisation de notre pays.

Si le Parlement a travaillé, il n’a pas toujours travaillé dans des conditions idéales.

Je le dis : le Parlement n’est pas assez respecté.

Le désir d’aller vite, bien légitime, bien compréhensible, a régulièrement conduit le gouvernement à recourir à la procédure d’urgence privant le Parlement des conditions et des délais d’examen nécessaires.

Notre pouvoir de légiférer dans la sérénité s’en est trouvé amoindri.

Il est vrai que cette attitude de l’exécutif à l’égard de la représentation nationale n’est pas nouvelle. Mais force est de reconnaître qu’au fil des législatures elle s’aggrave, renforçant le déséquilibre des pouvoirs.

Or une démocratie moderne, juste et efficace, est une démocratie qui avance grâce à l’action combinée d’un exécutif puissant et d’un Parlement qui ne l’est pas moins.

Plus que jamais, à l’heure où s’engagent de grandes réformes pour que la France puisse relever les défis d’aujourd’hui et de demain, nous avons besoin d’un Parlement plus présent, plus fort.

C’est tout l’avantage que nous devons absolument tirer de la volonté du Président de la République d’engager une réforme de nos institutions renforçant la place et le rôle du Parlement.

Je me réjouis que Nicolas Sarkozy ait rappelé mardi dernier devant vous, lors de ses vœux à la presse, l’importance qu’il attache à cette réforme.

J’attends moi-même beaucoup de cette réforme et de celle, indissociable, qui l’accompagnera : la réforme de notre règlement.

Le projet préparé par le gouvernement présente des avancées considérables.

Sans remettre en cause les lignes de forces ni les grands équilibres qui ont fait durant cinquante ans la Vème République – les meilleures des institutions que la France républicaine ait connu depuis ses origines – , le Gouvernement propose de rendre au Parlement la place qu’il a perdue au fur et à mesure que l’exécutif devenait plus puissant.

Dès juillet, j’ai réuni, ici même, un groupe de travail avec les quatre groupes parlementaires représentés à l’Assemblée. Nous avons, ensemble, identifier les réformes attendues, nécessaires, partagées tant des institutions que de notre règlement. J’ai retransmis fidèlement ce constat, ce constat partagé, lors de mon audition devant le comité Balladur. Il s’agit d’une meilleure maîtrise de notre ordre du jour, d’un encadrement de la procédure d’urgence, de l’obligation pour le parlement de disposer d’étude d’impact préalable à l’examen des textes, de délais incompressibles entre le dépôt des textes et leur examen en commission et dans l’hémicycle, de l’examen en commission du texte amendé, de l’examen dans l’hémicycle du texte amendé par la commission, de l’augmentation, de l’institutionnalisation de notre pouvoir d’évaluation et de contrôle. Il s’agit de travailler davantage en commission, de consacrer à l’hémicycle plus d’explications de vote, plus de scrutins publics et plus de scrutins solennels. Nous avons eu le plaisir de voir que le comité Balladur avait retenu l’essentiel de ce que nous avions présenté à son attention.

La réhabilitation du Parlement, si longtemps attendue, est donc enfin à notre portée.

La Constitution n’est d’aucun parti. La réforme ne doit servir aucun camp, aucun clan, elle ne doit servir que la République, que la France.

Ne nous y trompons pas, elle est une chance pour notre démocratie, une chance qu’il est de notre devoir de saisir.

L’opposition, mais aussi nous tous parlementaires réclamons depuis des années, et à juste titre, la revalorisation de notre Parlement. C’est pourquoi je suis sûr que, quels que soient nos désaccords politiques, nous nous retrouverons, ensemble, en hommes de bonne volonté, en républicains et en démocrates, en esprits libres, pour adopter, à Versailles, cette grande réforme constitutionnelle.

La réhabilitation du Parlement c’est aussi, je le disais, la réforme du règlement de l’Assemblée nationale qui permettra de préciser, de prolonger, de concrétiser la réforme institutionnelle.

Cette réforme du règlement est essentielle. Je m’attacherai à ce que le nouveau règlement poursuive et approfondisse le renouveau de l’Assemblée, engagé par la réforme constitutionnelle.

A cette occasion, je serai particulièrement soucieux de la garantie des droits de l’opposition. C’est mon rôle de Président de l’Assemblée, c’est aussi ma conviction personnelle : l’Assemblée ne retrouvera sa place de principal forum démocratique que lorsque l’opposition s’y verra assurer d’un rôle éminent, clairement supérieur à sa seule représentation proportionnelle.

La bonne santé de notre débat démocratique exige une opposition bien présente. C’est ce que je souhaite favoriser en aménageant le fonctionnement de notre Assemblée. Mais cela n’a de sens que si l’opposition accepte de jouer le jeu du débat.

Je serai soucieux que le débat parlementaire se déroule dans les meilleures conditions possibles, afin qu’il puisse être mieux compris des Français, que l’image de notre Assemblée s’en trouve restaurée et que nous légiférions mieux. C’est ainsi qu’ une règle ayant prévalu de 1935 à 1969, fixant un délai maximum aux débats, pourra être rétablie, le travail en commission renforcé, l’hémicycle mieux rempli avec un suivi de la présence des parlementaires lors des votes.

Il s’agit pour moi en redonnant son rôle à l’Assemblée nationale de restaurée son image et celle des parlementaires.

Il s’agira en outre d’organiser le renforcement des pouvoirs d’évaluation et de contrôle résultant de la réforme constitutionnelle elle-même.

J’ai proposé la création d’un comité d’audit, composé de députés, qui décidera des actions d’évaluation et de contrôle à conduire. Des moyens humains seront mis à sa disposition : fonctionnaires de l’Assemblée, fonctionnaires détachés des grands corps de contrôle de l’Etat mais aussi en tant que de besoin cabinets privés. Ce comité d’évaluation et de contrôle sera finalisé avec tous les groupes représentés et présents à l’Assemblée nationale prochainement.

Les résultats de ces évaluations seront bien entendu rendus publics mais ils nous donneront l’occasion également de débats contradictoires à l’issue de ces contrôles et dans le temps plus loin, trois mois, six mois, un an dans les années qui suivront avec les ministres concernés par les conclusions de ces travaux d’évaluation et de contrôle.

A ce sujet, je crois qu’il ne faut pas considérer que la notation des ministres, récemment annoncée, puisse se substituer au contrôle parlementaire des politiques publiques et de l’action du gouvernement. Comme la réforme de la Constitution devra d’ailleurs le consacrer, le contrôle du gouvernement et l’évaluation des politiques publiques est de la seule compétence du Parlement. C’est le fondement même de notre régime parlementaire.

Enfin, la réforme du règlement sera l’occasion d’encadrer le lobbying, d’organiser dans plus de transparence les pratiques légitimes et d’en interdire d’autres. C’est une réforme que je considère indispensable depuis bien des années. 2008 sera l’année de sa concrétisation.

*

L’ambition et le projet de moderniser la France et ses institutions, nous imposent de réfléchir à ce que doit être notre Parlement au XXIème siècle.

National par essence, il doit mieux intégrer la dimension européenne qui imprègne désormais les affaires de la France.

Il est en effet du rôle de la représentation nationale, à l’heure où la signature du traité de Lisbonne marque la relance de la dynamique européenne, de s’impliquer davantage dans la construction et les affaires européennes.

La volonté indéfectible du Président de la République donne à la France toute sa part dans cette relance. J’y attache une grande importance et suis heureux que nous, Français, soyons, début février, avant l’interruption de nos travaux, parmi les premiers à ratifier le traité.

A l’aube de la présidence française de l’Union européenne, je souhaite que l’Assemblée participe à cette dynamique européenne. C’est dans cette perspective que se tiendront ici, à l’Assemblée, plusieurs réunions de travail avec des parlementaires des 27 pays de l’Union.

En effet, je souhaite que l’Assemblée consacre ce renouveau européen par un certain nombre d’événements. Etre européen et construire l’Europe, c’est aussi réfléchir à ce destin et à ce sens en commun que nous cherchons à construire, par ce qui nous rapproche comme de ce qui nous distingue.

C’est aussi de la responsabilité de l’Assemblée d’être le lieu de tels débats qui seront placés sous le signe de l’harmonisation dans des domaines essentiels non seulement fiscaux et sociaux, mais aussi en matière d’immigration, de sauvegarde des intérêts économiques et sociaux face aux défis du moment : mondialisation, réchauffement climatique, défi énergétique, fondamentalismes et bien d’autres défis encore.

Oui, l’Assemblée est par nature un forum. Ou elle a vocation à le redevenir, tant elle est le lieu naturel du débat démocratique. Nul grand sujet ne doit lui être étranger.

A mesure que tout s’est complexifié, le droit - et donc la fonction législative – est devenu de plus en plus technique, de plus en détaillé. Les grands débats, les grandes questions, sont parfois écartés d’une procédure législative toujours plus urgente et plus technicienne. Dans un monde qui s’accélère, à un rythme de plus en plus effréné, nous produisons des normes de plus en plus précises, complexes et spécialisées.

C’est nécessaire. C’est la marque d’une l’époque : à la complexité du réel, les députés doivent savoir répondre en spécialistes.

C’est nécessaire mais ce n’est pas suffisant. Les députés ne doivent pas être seulement des techniciens, des spécialistes.

Parce que nous sommes les représentants de la nation, parce que nous sommes garants du lien entre le pouvoir politique et la réalité du pays, nous devons demeurer à même de réfléchir au fond, de prendre du recul, de la hauteur. C’est essentiel, c’est en pensant le présent que l’on prépare l’avenir.

A ce sujet, je voudrais vous dire mon inquiétude de la multiplication d’un certain nombre de textes que l’on appelle les lois mémorielles, comme je m’inquiète de certaines décisions du Conseil constitutionnel. Ces textes, ces décisions vont à l’encontre de la liberté, de la liberté de travailler, de réfléchir, de rechercher dans le domaine des sciences humaines. Comment la France, pays par essence de la libre expression, pays qui a cette image dans le monde, pourrait-elle continuer sur cette voie sans s’interroger ? J’invite à ce que, de façon consensuelle, de façon partagée et dans un esprit d’ouverture démocratique et d’ouverture vers le monde, nous ouvrions cette réflexion dès cette année. Il y aura ici sur ces questions de lois mémorielles, il y aura de grands débats avec des philosophes, des historiens, des sociologues. Nous ne pouvons pas, parce que ici aussi, à l’assemblée, il peut y avoir des conjonctures qui sont des conjonctures politiciennes, nous ne pouvons pas nous engager sur cette voie sans y réfléchir plus avant.

De la même façon, je m’interroge sur la multiplication des comités, des hautes autorités omni-compétentes, incontestables. Permettez-moi aujourd’hui, l’actualité m’en donne l’occasion, de me questionner sur la conjonction d’un certain nombre d’évènements qui peuvent être d’ailleurs des évènements postures ou contestataires avec d’authentiques réflexions scientifiques mais aussi avec les avancées des biotechnologies. Permettez-moi de m’interroger sur la solidité de certaines décisions concernant les organismes génétiquement modifiés, il s’agit là d’un débat qui touche au progrès, à la science, à l’avenir de l’humanité. Il ne peut se satisfaire, nous ne pouvons nous satisfaire, de tels verdicts d’un comité, nommé peut-être avec un peu de précipitation, qui serait l’autorité incontestable. Cette remise en cause perpétuelle de ce que nous décidons, de ce qui a été décidé, constitue pour moi le cœur même du débat dans un pays véritablement démocratique.

C’est donc pour redonner au Parlement sa place que les grands débats de notre époque, doivent être ici ouverts, organisés, ce sera l’occasion de réunions sur les questions engageant l’avenir. C’est ce que nous avons fait mardi dernier par la projection du documentaire sur l’environnement « La 11ème heure, le dernier virage ». C’est ce que nous ferons encore sur d’autres sujets, tels que l’avenir de nos régimes sociaux qui passe à mon sens par l’avenir de leur financement, les besoins de notre système de formation, l’analyse de ces spécificités, spécificités françaises : nos points forts, nos points faibles, et bien d’autres thèmes encore.

J’entends ainsi, ouvrir à l’Assemblée une large réflexion sur ce que sera la France en 2025, ce n’est que dans moins de 20 ans, en déclinant ce thème au cours d’une série de rencontres dès le mois d’avril prochain, réunissant économistes, philosophes, historiens, sociologues, démographes, urbanistes autour des parlementaires, réunions ouvertes au public et en particulier aux jeunes.

En somme, Mesdames, Messieurs, rupture, réforme, modernisation de l’Assemblée ? Peu importe le mot pourvu qu’on ait le résultat !

Et le résultat visé n’est rien moins qu’un rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement.

La place et le rôle de l’Assemblée nationale s’en trouveront renforcés, nos méthodes de travail plus efficaces, l’image de notre institution, celle des parlementaires et donc la place de la démocratie, ne pourront elles aussi qu’en être renforcées.

La France se modernise. Sans se renier, elle se renouvelle, retrouvant foi dans les grandes et singulières qualités qui sont les siennes au premier rang desquelles la qualité et la force du droit.

Je suis heureux et je souhaite que l’Assemblée nationale prenne toute sa part dans ce renouveau. C’est ainsi qu’elle participera, comme c’est son rôle, à la politique de civilisation qu’ambitionne le Président de la République.