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21/06/2008 - Discours de Lisbonne consacré aux défis et priorités de l’agenda européen

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Président de la Commission européenne,

Mesdames et Messieurs les Présidents, Chers collègues,

Mesdames et Messieurs,

Je souhaite avant tout remercier le Président Jaime Gama pour l’excellente organisation et les thèmes choisis pour nos travaux. Alors que l’Union européenne affronte un nouveau coup dur, traiter des « défis et des priorités de l’agenda européen » est essentiel.

Ce contexte inattendu et préoccupant aura contribué à l’importance de nos échanges.

Aujourd’hui, une fois encore, l’Europe se trouve confrontée au défi redoutable de son propre avenir.

Il ne s’agit pas de rechercher des responsabilités mais de trouver ensemble les solutions au problème de l’intégration de l’Europe, que Robert Schuman jugeait déjà il y a 50 ans comme « une œuvre immense et ardue ».

Ne nous y trompons pas. Nos opinions publiques sont dans le doute. Les 19 ratifications du Traité qui ont déjà eu lieu, par la voie parlementaire, dissimulent souvent des états d’âme pour des millions de nos concitoyens.

Les référendums sont devenus une épreuve redoutable, les électeurs répondant rarement, ou pas seulement, à la question posée. Le Général de Gaulle qui, en 1969, quitte le pouvoir après un échec référendaire, l’avait noté avec justesse. Le vote du 12 juin en Irlande, comme ceux de la France et des Pays-Bas en 2005, ne traduisent pas un rejet de l’Union européenne.

En effet, peut-on poser une question de 300 pages à laquelle il faut répondre par oui ou par non et s’étonner d’un refus ? Mes chers collègues, la ratification parlementaire trouve là sa légitimité.

Dans un récent sondage Eurobaromètre, les peuples européens conservent globalement un sentiment positif à l’égard de leur appartenance à l’Union européenne. Ils savent ce qu’ils doivent à la réconciliation franco-allemande qui a scellé l’Europe. Ils sont largement conscients, même si cela est moins vrai pour les jeunes générations, de ce que l’Union leur a apporté, combien elle compte pour la paix, la sécurité, le développement de nos économies, le niveau de vie et nos sociétés.

Pour autant, les critiques ou les signes de désintérêt à l’égard de l’Europe se sont multipliés ces dernières années : incompréhension face à certaines décisions, faible participation aux élections européennes, dans des Etats membres fondateurs comme dans certains qui venaient d’adhérer.

L’Europe, trop souvent, est considérée comme une contrainte. Depuis des années, elle peine à combler la distance qui s’est creusée avec les citoyens, qui, sans remettre en cause sa légitimité, la considèrent surtout comme une machine technocratique et bureaucratique.

Au fond, c’est la perception que nos concitoyens se font de l’Union européenne qu’il faut faire évoluer.

Ce que fait l’Europe, ses réalisations concrètes, ce qu’elle apporte aux citoyens de l’Union n’est pas en cause car, en réalité, le grand public en a souvent trop peu connaissance.

Et c’est là, j’en suis convaincu, que nous, parlements nationaux, avons un rôle à jouer : nous devons nous investir beaucoup plus dans le soutien au projet européen. Mais nous devons également trouver le moyen de peser davantage sur le contenu des décisions.

Nos assemblées sont bien souvent, à tort ou à raison, considérées comme de simples chambres d’enregistrement pour les normes européennes qui s’imposent à nos concitoyens. Mes chers collègues, est-ce réellement à tort ?

Oui, les parlements nationaux ont bien un rôle à jouer dans la construction européenne, dans la démocratisation de ses modes de décisions, en lien avec les institutions de l’Union, au premier rang desquelles le Parlement et la Commission.

Le Traité de Lisbonne vise précisément à répondre à ce besoin de démocratie et il serait donc paradoxal que sa procédure de ratification s’interrompe.

Non, le Traité de Lisbonne n’est pas mort, car il ne doit pas mourir. Cette nouvelle embûche n’est-elle pas, en partie au moins, le prix à payer pour avoir placé l’élargissement de 2004 avant la réforme institutionnelle ? C’est pourquoi son application ne peut être que retardée.

Un des apports importants de ce Traité est justement de donner de nouveaux pouvoirs à nos Parlements nationaux, en particulier pour mieux faire respecter les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas, abandonner ces nouveaux pouvoirs au prétexte que le Traité de Lisbonne n’entrera pas en vigueur au 1er janvier prochain.

Je crois, comme je l’ai évoqué hier, qu’il nous faut mettre en œuvre dès maintenant, et sans attendre, les dispositions concernant les parlements nationaux.

Ce serait notre contribution, notre réponse, celle des parlements nationaux, à cette attente de démocratie, cette attente de plus de proximité dans la décision, exprimée par les citoyens dont nous sommes les représentants les plus légitimes.

Déjà, depuis 2006, grâce à l’initiative du président de la Commission européenne, M. Barroso, nos parlements peuvent adopter des avis sur des propositions législatives européennes. Ces avis n’ont certes pas d’effet juridique contraignant. Mais ils ont une importance politique, celles de messages politiques clairs adressés aux institutions européennes et aux gouvernements des pays membres.

L’application anticipée de ces dispositions du Traité de Lisbonne relayerait avec force le message des citoyens ; les institutions européennes devront en tenir compte.

Appliquons, dès maintenant, ces dispositions, renforçant le rôle européen des parlements nationaux. Ce sera un signal fort donné aux citoyens pour la prise en compte de leurs préoccupations par l’Europe.

Etre entendus, c’est ce que les citoyens attendent. N’est-ce pas légitime en démocratie ?

C’est bien là le message des citoyens européens ; leur participation aux élections du Parlement européen l’exprime clairement : globalement, à peine 45 % des citoyens européens ont voté aux élections européennes de juin 2004. Dans 11 Etats membres, la participation a même été inférieure à 40 %.

Or le principe d’un mode de scrutin proportionnel a été retenu au niveau européen et il s’applique dans chacun des Etats-membres à différents échelons selon les pays.

Ce mode de scrutin proportionnel est-il satisfaisant ? Je ne le pense pas.

Il ne permet pas aux citoyens d’avoir, avec le député européen, un interlocuteur proche et identifié, pouvant expliquer les enjeux européens et relayer leurs interrogations au Parlement de Strasbourg ; il ne permet que de pouvoir le sanctionner personnellement.

Aussi, ne serait-il pas opportun d’imaginer un scrutin mixte, proportionnel au niveau national et majoritaire dans des circonscriptions territoriales déterminées ? C’est une réflexion qu’il faudra engager.

En attendant d’avancer sur ces points, le processus de ratification parlementaire du Traité de Lisbonne doit se poursuivre. Nous devons avoir une vision claire de la décision de chacun des 27 Etats membres sur le Traité de Lisbonne, puis faire le bilan.

La Présidence française de l’UE devra, d’emblée, s’attacher à résoudre le problème institutionnel, avec l’ensemble de ses partenaires. Les dernières discussions au Conseil européen ont ouvert des pistes de réflexion. Nous-mêmes, au niveau parlementaire, devons les poursuivre, comme nous l’avons commencé hier.

Finalement, nous ne devons pas craindre d’aller au fond du débat : quelle Europe voulons-nous préparer pour les générations à venir ?

Je crois que nous avons besoin d’une Europe plus politique, qui ne se réduise pas à un simple marché économique. Une Europe qui fasse de notre continent une puissance politique, diplomatique, capable de défendre nos intérêts communs, ceux de tous les citoyens européens, capable de défendre nos droits comme nos valeurs dont nous pouvons être fiers.

Une Europe qui permette de faire face aux redoutables défis d’aujourd’hui. Ils nous concernent tous. Nous devons les relever collectivement : la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, le désarmement, la défense des droits de l’Homme ou l’aide au développement. Sur ces enjeux, comme face aux crises récurrentes au Moyen-Orient, en Afrique et ailleurs dans le monde, l’Europe doit parler d’une seule voix.

Nous voulons une Europe qui nous permette de faire face à la globalisation et qui apporte des réponses à la vie quotidienne des citoyens en développant des projets concrets. En priorité, l’UE doit, devant les risques de délocalisation d’entreprises en dehors de notre continent, placer l’attractivité de l’Union au centre de ses préoccupations. La politique d’éducation et de formation, le renforcement de la compétitivité de nos entreprises, la politique des transports ou la politique de recherche constituent autant d’urgences pour répondre réellement aux attentes de nos concitoyens.

Les priorités de la Présidence française pour les six mois à venir vont dans ce sens :

La France veut, sans attendre, faire avancer notre travail commun sur ces enjeux essentiels. Elle a, avec l’Union pour la Méditerranée, la volonté de constituer un nouveau socle pour promouvoir la paix dans le monde et le développement dans ce vaste espace dont nous sommes les héritiers de l’histoire multi-millénaire.

Après la fin de la guerre froide, c’est l’Union européenne qui a réunifié l’Europe. Elle en a fait un espace de paix, de sécurité et de développement. L’Europe des 27 doit préserver ses équilibres institutionnels, politiques et budgétaires.

Si les négociations d’adhésion ne sont pas remises en cause, pour de nouveaux élargissements, l’Europe devra d’abord disposer d’un cadre institutionnel qui le permette.

Surtout, et c’est ce que les opinions publiques attendent : il faut que nous sachions créer, inventer une Europe qui protège mieux et davantage ses citoyens.

Le monde aujourd’hui est un monde fait à la fois d’opportunités, d’innovations, de progrès, de développement, mais également de risques, de menaces et de craintes.

Or l’Europe n’est sans doute pas assez comprise comme un rempart, une protection pour nos citoyens. Il ne s’agit pas de faire une Europe recroquevillée sur elle-même. Il s’agit de faire une Europe ouverte, protectrice de nos citoyens, attendant en retour l’ouverture des pays du monde.

Confrontés à la montée des prix de l’énergie, aux pressions inflationnistes sur les produits alimentaires, au défi énergétique et climatique, à la menace fondamentaliste, nos concitoyens ne comprendraient pas que nous restions inertes et que nous ne trouvions pas des solutions dans un cadre européen.

Devant ces défis immenses, le « groupe de réflexion » formé par le Conseil européen de décembre 2007 va réfléchir à l’Europe que nous devons inventer pour nos concitoyens à l’horizon 2020-2030.

En attendant, mes chers collègues, nous devons associer davantage les Parlements nationaux, dans un esprit de coopération avec le Parlement européen. Cela pourrait être, je le souhaite, notre contribution commune, celle de cette conférence ici à Lisbonne, dont je remercie encore pour l’avoir si bien organisée nos amis portugais.

L’Europe doit maîtriser son destin. Les Européens, au premier rang desquels les parlementaires, doivent s’engager vers une Europe plus démocratique, plus efficace, plus proche des citoyens, plus légitime, qui fasse émerger ce que les citoyens attendent : une Europe forte qui, dans un monde dangereux, sera protectrice de ses Etats membres, de leurs citoyens, soucieuse de leurs droits comme de leurs intérêts.

Nous le devons aux générations futures

Elles comptent sur nous.