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25/06/2008 - Remise du rapport de la Haute Autorité de Santé

Monsieur le Président du Collège de la Haute Autorité de Santé,

Madame et Messieurs les membres du Collège,

Monsieur le directeur,

Mesdames, messieurs,

Nous sommes ici pour nous dire la vérité et je crois vrai d’affirmer que la remise d’un rapport d’activité peut, dans certains cas, constituer un exercice un peu formel, ou purement rituel. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : au contraire, tous les acteurs du monde médical peuvent le constater, c’est un rapport très conséquent que vous nous soumettez, un document important pour les professionnels de santé et pour l’ensemble des Français.

Evaluation des pratiques professionnelles pour plus de vingt mille médecins, charte de la visite médicale, détection de l’innovation thérapeutique, prise en charge des affections de longue durée, éducation thérapeutique du patient, accréditation, certification des sites Internet dédiés à la santé, coopération entre les professionnels : le rapport que vous allez rendre public explore toutes les pistes d’optimisation, toutes les possibilités d’améliorer notre offre de soins.

Il reflète une activité que je sais intense, pluridisciplinaire, à la fois technique et administrative, qui ne néglige ni la dimension européenne et internationale des problématiques de santé, ni la nécessité de communiquer avec le public, les médias, les associations et même les citoyens internautes.

Je salue la richesse de ce rapport, d’autant plus remarquable que cette activité tous azimuts est celle d’un organisme encore très récent. Créée il y a moins de quatre ans par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, installée depuis janvier 2005, la Haute Autorité de Santé n’a pas tardé à prendre toute sa place dans notre dispositif de l’administration des soins, pourtant si complexe et si vaste.

Au cœur de votre action se trouve ce que j’appellerai le paradoxe de la qualité. Tout le monde, bien entendu, souhaite des « soins de qualité », la difficulté résidant comme toujours à définir ce qu’on entend par là. La qualité, a priori, pourrait sembler relever d’une appréciation à la fois individuelle et subjective, au contraire des critères quantitatifs qu’on est capable de mesurer de manière globale et collective. En même temps, nous sommes d’accord pour estimer que le quantitatif ne suffit pas à garantir une bonne médecine : ni la sur-médication, ni le suréquipement ne constitueraient une assurance pour les patients, encore moins un objectif sérieux de santé publique. La qualité des soins est nécessaire au point qu’elle doit, elle aussi, pouvoir se mesurer : votre tâche, votre apport – et votre réussite, je n’en doute pas – seront de démontrer que c’est possible, non par des grandeurs quantitatives, mais par des ratios, par des rapports entre ces grandeurs. Oui, il existe des « indicateurs de qualité » qui permettent de porter un jugement scientifique et impartial sur les soins prodigués dans notre pays. C’est important, car la sûreté et l’impartialité de ces jugements peuvent seuls nous amener à trouver un consensus sur les décisions à prendre, dans un domaine qui ne se prête que trop aux polémiques stériles. A cet égard, j’observe avec intérêt que les concepts de « service médical rendu », de « service rendu à la collectivité », sont déjà passés dans le langage courant : les médias les ont repris, nos concitoyens et leurs élus se les sont appropriés, tant il paraît aujourd’hui compréhensible à tous que la dépense publique et la dépense sociale doivent être jaugées en fonction de leurs résultats. La prise en compte de la dimension économique n’est plus un tabou dans le domaine de la santé, et c’est très bien ainsi. Il n’est jamais sain d’ignorer une réalité ; or, l’effort consenti par la collectivité, le coût d’un traitement, sont des réalités dont la prise en compte, il faut le dire, conditionne l’avenir et la pérennité de notre système de soins. Pour qu’il perdure, il doit être géré, finement et rationnellement.

Force est de constater que les logiques purement comptables ont échoué, parce que la santé est sans doute la préoccupation la plus intime, la plus essentielle de chacun et qu’il n’est pas pensable, en démocratie, de négliger l’humain au profit d’une vision technocratique de rationnement des soins.

Prendre en compte les réalités économiques sans perdre de vue l’humanité souffrante des malades : c’est pour atteindre ce difficile équilibre qu’a été créée la Haute Autorité de Santé – avec, je dois le dire, une forte adhésion des députés.

Autorité administrative indépendante, pilotée par un Collège de professionnels connus et reconnus, elle a tout à la fois les moyens de son action et la compétence que procure l’excellence. Ses avis, ses recommandations, ses multiples interventions en matière de bonnes pratiques et de certification, ne peuvent que fortifier tous ceux qui partagent la lourde responsabilité de préserver la santé des Français. Au plus haut niveau, votre Haute Autorité joue un rôle croissant dans l’aide à la prise de décision et je m’en réjouis, comme je me suis réjoui d’ailleurs de voir s’accroître, tout récemment, son domaine de compétences. Quand le Parlement, en décembre dernier, a voté la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008, il vous a confié une mission nouvelle : l’évaluation médico-économique, qui constitue une responsabilité de premier plan. La Haute Autorité de Santé, en somme, n’a guère qu’un défaut : sa dénomination, qui n’est peut-être pas à la hauteur du rôle qu’elle joue désormais. Une appellation plus explicite, un label plus évocateur pour le grand public ne devrait d’ailleurs pas vous déplaire, vous qui avez fait le choix du débat et de la transparence. A ce propos, permettez-moi de signaler au passage à quel point j’apprécie votre initiative concernant les évaluations des médicaments ayant obtenu leur autorisation de mise sur le marché : publiés en ligne sur votre site, les avis de votre commission de la Transparence sont accessibles par tout un chacun. C’est comme cela qu’on doit travailler, dans une démocratie responsable, au vingt-et-unième siècle.

Promouvoir une culture de la qualité tout en respectant l’autonomie des professionnels de santé ; concilier le souci du progrès thérapeutique avec le respect du principe de précaution ; garantir un accès équitable aux soins ; nourrir le débat public par une information solide et rigoureuse : telles sont les grandes missions que la loi vous a confiées. Bien sûr, la décision reste aux mains des politiques, issus du suffrage universel. Mais nous disposons grâce à vous d’outils conceptuels et de données sûres qui nous permettent de discerner plus clairement les bonnes orientations.

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les membres du Collège, Monsieur le directeur de la Haute Autorité de Santé, le rapport que vous publiez est, finalement, beaucoup plus qu’un rapport d’activité : il ne témoigne pas seulement de vos efforts durant l’année écoulée, il est riche de promesses pour l’avenir, dans un domaine capital. Au nom de la Représentation nationale, je veux saluer votre travail et vous encourager à le poursuivre, dans l’intérêt commun.