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26/01/2010 - Remise du rapport de la mission d’information sur le port du voile intégral

Monsieur le Président André Gerin, Monsieur le rapporteur Eric Raoult, Mesdames, Messieurs les membres de la mission, Mesdames, Messieurs,

Je veux d'abord vous remercier de votre présence nombreuse qui montre combien le travail de cette mission d'information est important. Le fait que la remise de ce rapport se fasse de manière aussi solennelle – ce qui est rare – en témoigne.

Je veux rappeler que c'est la conférence des présidents de l’Assemblée nationale qui a créé le 23 juin dernier, à ma demande, cette mission d’information sur la pratique du port du voile intégral.

Que ce soit la conférence des présidents de notre assemblée qui l'ait décidée montre bien l'importance de cette question.

C’est une initiative d’André Gerin, député du groupe GDR, qui a conduit à cette démarche. On peut dire qu'il ne s'est pas trompé comme ne se sont pas trompés les dizaines de députés – de tous bords – qui l'ont vite rejoint.

Tous les groupes parlementaires se sont d'ailleurs ensuite associés à cette démarche. C’est suffisamment rare pour être souligné.

Cela montre bien qu’il s’agit là d’un sujet qui transcende les clivages politiques. C’est toute la société française qui est saisie par cette pratique qui heurte nos concitoyens, attachés aux valeurs de la République, Liberté, Égalité, Fraternité.

Le travail que les 32 membres de la mission, de tous les groupes, ont accompli pendant six mois est considérable. Il est unanimement reconnu.

Il a été rapporté, à l’automne, dans l’éditorial d’un grand quotidien qu’il y avait en France un lieu où l'on débattait sérieusement et sereinement de questions délicates ; il s'agissait bien de cette mission de l’Assemblée nationale qu'André Gerin et Éric Raoult ont animée avec leurs collègues.

Plus de 200 personnes ont été auditionnées : des intellectuels les plus reconnus aux agents anonymes qui, tous les jours, sont au contact du public en passant par les représentants du culte musulman, sans oublier, bien sûr, une femme portant le voile intégral.

Je veux souligner aussi que, lors de ces auditions, la mission n’a éludé aucun sujet, aussi difficile soit-il. Mes chers collègues, vous avez entendu tous les points de vue avec un sens de l’écoute remarquable sans jamais renoncer à vos convictions. Je crois que c’est ainsi que le Parlement fait son travail au mieux.

Vous êtes allés sur le terrain à Lille, Lyon, Marseille et même à Bruxelles pour mieux comprendre ce phénomène auprès de ceux qui y sont confrontés quotidiennement.

La mission a aussi mis à contribution nos ambassades pour recueillir des informations au-delà de nos frontières.

Et ce travail approfondi a créé un grand débat dans notre pays et même au-delà. Il n'est qu'à voir aujourd'hui ici le nombre de médias étrangers présents.

Je ne citerai qu’un seul chiffre : la mise en ligne des auditions sur le site Internet de l’Assemblée a suscité plus de 100 000 connexions. Et je remercie la presse qui s’est emparée quotidiennement de ce sujet et a rendu compte régulièrement des travaux de la mission dans des conditions exceptionnelles.

En tant que président de l’Assemblée nationale, c’est pour moi une grande satisfaction de voir que votre travail a suscité l’intérêt de nos concitoyens. A un moment où l’on évoque parfois une crise de la démocratie représentative, il y a là une raison d’espérer : quand une réflexion doit être conduite sur des sujets graves, le Parlement en est bien le lieu naturel.

Je remercie vivement le président André Gerin et le rapporteur Eric Raoult ainsi que chacun des 30 autres membres de la mission d’information pour la qualité de leur travail. Et ce n’est là ni une figure de style ni une formule convenue.

Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, j’ai suivi avec une attention constante votre travail considérable.

Pour moi, cette mission touche quelque chose de profond, de grave.

Le voile intégral en France est contraire à nos principes républicains. Votre rapport le démontre largement. Ce voile intégral représente de manière tout à fait extraordinaire tout ce que la France rejette spontanément. C'est le symbole de l'asservissement des femmes et l'étendard – comme vous l'écrivez – de l'intégrisme extrémiste. Cette démarche sectaire est à la fois la négation de l’égalité entre les hommes et les femmes, et le rejet du « vouloir vivre ensemble », sans lesquels notre République n’est rien. Dès lors, comme le Président de la République l'a dit devant le Congrès du Parlement le 22 juin dernier, nous devons affirmer que la burqa n'est pas la bienvenue en France.

Tout au long des 600 pages de votre rapport, sur un sujet aussi délicat, vous avez aussi su faire preuve de nuances, de pédagogie, d’intelligence, de tolérance et de sensibilité en évitant toujours le piège de la stigmatisation. Vous avez tenté de comprendre le parcours de ces femmes, souvent jeunes, qui choisissent ou subissent ce voile intégral.

C'est pour moi un cercle vertueux de procéder ainsi : une mission d'information qui se documente, auditionne et ouvre un débat ; des formations politiques ou leurs groupes qui apportent leurs contributions ; des parlementaires qui font des choix éclairés face à nos concitoyens qui ont pu eux-mêmes suivre les travaux de la mission grâce aux médias, et au site Internet de l’Assemblée nationale.

En tant que Président de l'Assemblée nationale, j'aurais évidemment préféré qu'un large accord, au-delà des clivages habituels, puisse être trouvé.

En effet, certains membres de la mission n’ont pas pris part au vote final, bien qu’ils aient participé assidûment aux travaux. Pour la plupart, les raisons qui les ont conduits à ce choix ne tiennent pas au contenu du rapport. Il ne s’agit pas d’une remise en cause du travail que vous avez accompli, ensemble, pendant six mois. D’autre part, trois des dix huit points du rapport n’ont pas non plus été partagés.

Mais il ne faut pas se décourager et cet accord républicain est encore à portée de main comme vous l'écrivez si bien dans la conclusion du rapport. Il suffit pour cela de faire preuve de bonne volonté. Il faudra que chacun accepte cette idée dont je reparlerai, celle d’une concorde républicaine.

Ce rapport est, avant tout, celui d'une mission d'information qui a pour but d'éclairer les 577 députés de tous les groupes. L’objectif est bien que cesse cette pratique sur le territoire de la République. Ainsi les Parlementaires pourront voter en connaissance de cause une résolution, une loi : l’une ou l’autre, l’une et l’autre, nous verrons bien.

Le mieux serait à mon avis, vous l’avez compris, que l’Assemblée propose un texte d’initiative partagée à moins que le Gouvernement prenne une initiative. Je suis convaincu que quelle que soit la solution, la recherche d’un consensus devra prévaloir. C’est alors que pourra être choisie la voie de l’interdiction générale ou de dispositions plus ciblées. Votre rapport, respectueux de la diversité des opinions au sein de la mission, laisse ces perspectives ouvertes.

Pour ma part, j’estime que la proposition de résolution que vous présentez dans votre rapport, et votée par la mission ce matin, dégage la voie pour le plus large accord possible au sein de l’Assemblée nationale.

Je considère que cette proposition de résolution – qui serait la première depuis 1958 (c’est dire son importance !) – doit être la première étape d’un processus dont nous verrons s’il débouche sur des dispositions législatives et réglementaires. Je souhaite que cette proposition de résolution soit déposée dans les meilleurs délais et qu’elle puisse être examinée par l’Assemblée, après de larges échanges de vues avec le Gouvernement compte tenu de l’importance du sujet.

Sur un sujet de société aussi sensible, je souhaite que nous soyons juridiquement et si j’ose dire pratiquement irréprochables. Une loi inapplicable, des dispositions réglementaires impossibles à rédiger serait un échec. Le consensus que nous devons rechercher intègre bien entendu une très large concertation avec le Gouvernement qui aura en charge l’exécution des mesures. Je souhaite que cette étape s’ouvre dès l’adoption de la résolution.

André Gerin et Eric Raoult vont vous présenter maintenant l’esprit et le contenu de ce rapport très dense. Puis nous répondrons à vos questions.

Avant de leur céder la parole, je voudrais simplement redire à quel point je considère que c’est un travail de très grande qualité. C’est un rapport qui sera lu avec une grande attention, en France mais également au-delà de nos frontières ; la vaste question, en effet, du voile intégral va bien au-delà du débat franco-français.

Comme le souligne votre rapport, le débat commence aujourd’hui, je souhaite vivement qu’il puisse se dérouler sur la base de ce travail, dans la concorde républicaine. J'attache beaucoup de prix à cette idée de concorde qui n'est ni le consensus, ni l'affrontement mais la capacité sur des sujets d'intérêt majeur à trouver des voies de passage qui réunissent le plus grand nombre.

L’enjeu est de préserver les droits et les libertés de tous, dans un respect réciproque.

La République, pour cela, doit trouver les mots, puis les mesures, aussi solides que partagés.

Cette concorde que j'appelle de mes voeux est la condition pour que les mesures qui seront prises soient acceptées, qu’elles soient efficaces et reconnues comme légitimes par tous nos concitoyens, quelles que soient leurs opinions, pour le bien de la République.