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16/02/2010 - Présentation en avant-première du documentaire « Simone Veil, une loi au nom des femmes »

Il y a tout juste cent ans, pour les élections législatives de 1910, douze femmes décidaient de présenter leur candidature. Elles n’étaient pas électrices, elles n’étaient pas éligibles, mais elles avaient la ferme volonté de faire reconnaître leurs droits. Leur leader, la comédienne Marguerite Durand, le disait dans son programme : « Voter pour une femme signifiera que les idées de justice sont les vôtres et que vous voulez les Français des deux sexes égaux devant la loi… »

Un siècle plus tard, les statistiques ont de quoi laisser songeur. Sur plus de quinze mille députés élus depuis la Révolution, dont 4 300 depuis 1945, seulement 329 femmes ont siégé au Palais-Bourbon : en d’autres termes, un tiers de toutes les Françaises élues députées à travers l’Histoire siègent actuellement dans l’hémicycle. Pourtant, les effets et la portée de leur action sont sans commune mesure avec leur faiblesse numérique.

Chère Simone Veil, vous l’aviez déclaré en cette séance déjà historique du 26 novembre 1974 : « Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme », tout en vous excusant de le faire devant une Assemblée « presque exclusivement composée d’hommes ». Madame, cette conviction, vous l’avez incarnée, brillamment, courageusement.

Reprenant les termes mêmes du Président de la République Valéry Giscard d’Estaing, vous vouliez « mettre fin à une situation de désordre et d’injustice », « apporter une solution mesurée et humaine à un des problèmes les plus difficiles de notre temps».

Vous l’aviez dit d’emblée, « aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement ». Et vous ajoutiez : « C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »

Mais vous aviez la conviction que, justement, faire de la politique ne signifie nullement ignorer les drames, ni s’accommoder des malheurs et des injustices. Pour vous, toute la grandeur de l’engagement public, toute la noblesse de l’acte législatif, consiste précisément à faire face aux difficultés et à leur trouver des solutions.

En tant que Président de l’Assemblée nationale, je suis heureux que France 2 diffuse, le 4 mars prochain, le très beau documentaire de Valérie Manns et de Richard Puech, « Simone Veil, une loi au nom des femmes ». Très heureux aussi que nous puissions le découvrir ensemble, ici, en avant-première. Produit par Capa, ce film n’est pas seulement un juste hommage aux législateurs de 1974 : c’est aussi, de manière plus large, une belle présentation de ce qu’est le travail parlementaire et, à ce titre, un outil pédagogique dont la dimension civique n’échappera à personne. Oui, il est civique de montrer aux jeunes générations comment les droits, les libertés qui font aujourd’hui partie de notre quotidien, ont été conquis au terme d’un long et difficile combat, au sein même de la République. Oui, il est civique de montrer au public le plus large comment est votée la loi, et comment une loi peut changer la société. Pour tous et pour toutes, ce sont les grandes réformes votées dans l’hémicycle qui ont fait avancer notre pays et qui continueront de le faire, sur la voie de l’égalité professionnelle ou de la parité par exemple. Il est civique, nécessaire, salutaire, de le dire.

Les auteurs du film ont utilisé très largement les archives sonores conservées par l’Assemblée nationale, qui ont été mises à leur disposition. Ces documents nous rappellent à quel point le débat de 1974 a marqué la vie parlementaire française. Cette discussion, intense, profonde, passionnée jusqu’à l’excès mais aussi argumentée, précise – portée par une langue impeccable –, prouve assez que la Cinquième République, trop souvent décriée, caricaturée, est une grande démocratie humaniste. Une démocratie où priment les convictions, les idées, l’exigence, en un mot tout ce qui fait la force de la délibération parlementaire.

Chaque année, l’Assemblée nationale célèbre la Journée internationale des femmes. En 2010, cet événement aura lieu pendant l’interruption des travaux parlementaires due à la campagne des élections régionales. Mais, en France et dans le monde, la cause des femmes est trop importante pour être enfermée dans une célébration à date fixe : je me réjouis donc que ce documentaire nous donne l’occasion de redire, dès aujourd’hui, notre attachement à ce combat.

Un combat, comme l’écrivait Stendhal, dont l’aboutissement « serait la marque la plus sûre de la civilisation », car l’égalité entre les hommes et les femmes, disait-il avec raison, « doublerait les forces intellectuelles du genre humain et ses probabilités de bonheur ». Qui pourrait encore en douter aujourd’hui ?