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22/06/2011 – Colloque « Georges Pompidou et l'influence de la France dans le monde »

Monsieur le Premier Ministre,

Messieurs les Ministres, qui avez servi Georges Pompidou et la France avec loyauté,

Mesdames et Messieurs les Députés, Chers Collègues,

Chers Alain POMPIDOU,

Mesdames, Messieurs,

Singulière destinée que celle d’un homme dont la grandeur a rencontré l’Histoire, mais également « les injustices de la postérité », comme vous le soulignez Monsieur le Premier Ministre.

Singulière destinée que celle d’un homme que les manuels d’histoire laissent trop souvent dans l’ombre du Général De Gaulle. « Pompidou aura tout réussi, hormis sa légende posthume ». Telle est votre conclusion, Monsieur le Premier Ministre, lorsque vous comparez l’action de Georges Pompidou avec celle d’autres figures politiques contemporaines à la notoriété flatteuse au regard de la réalité de leur bilan.

Quand d’autres savent d’instinct se draper de légende et sculpter l’image qu’ils laisseront à la postérité, Georges Pompidou a toujours privilégié l’action. L’action et l’intérêt de la France.

J’aime à penser que c’est là la vraie grandeur et la noblesse du politique : faire jaillir la grandeur avec humilité.

*

Mesdames, Messieurs,

C’est un honneur de vous recevoir à l’Assemblée nationale, et d’accueillir l’important colloque que vous organisez dans le cadre des célébrations nationales du centenaire de la naissance de Georges Pompidou. Un colloque prestigieux, un colloque d’importance, et ce, pour au moins deux raisons.

Il y a d’abord l’intérêt du sujet. Comme je viens de l’évoquer, il est pertinent de rappeler l’action de Georges Pompidou, trop souvent méconnue du grand public, parce qu’elle est une inépuisable source d’inspiration, à l’heure où la France est confrontée à des mutations profondes et décisives.

Je me félicite ensuite de la multiplicité et de la grande qualité des intervenants. Dans un colloque d’histoire, mais aussi colloque politique, aux côtés des plus éminents historiens se mêlent des hommes engagés dans l’action contemporaine, qu’elle soit politique ou culturelle. Je veux dès à présent saluer les prestigieux intervenants que vous recevez : Alain JUPPE, Abdou DIOUF et Jean-Bernard RAIMOND.

Je veux également rendre hommage au remarquable travail scientifique et intellectuel édifié par l’association Georges Pompidou que vous présidez, Monsieur le Premier Ministre : au fil des colloques et des publications, que vous abordiez « Georges Pompidou et la modernité », ou bien « Georges Pompidou et Mai 1968 », l’Histoire éclaire le politique.

Monsieur le Premier Ministre,

Avec ce colloque consacré à « Georges Pompidou et l’influence de la France dans le monde », vous avez choisi de traiter la question dans sa globalité : l’influence politique, économique et culturelle. Vous saurez nous révéler l’esprit d’une époque où la place de la France dans le monde, son rang, furent portés à la hauteur de ses ambitions.

Pompidou, l’intime de Léopold Sédar Senghor, l’homme pétri de littérature classique et d’art contemporain, façonné par ce terroir qui lui était si cher ; Pompidou symbolisait une France diverse, une France rassemblée, une France forte, respectée, et écoutée.

Cette France forte et ambitieuse, les manuels d’histoire l’associent au Général De Gaulle. Si nous devons beaucoup au Général De Gaulle, il n’est pas rare de confondre son héritage avec l’action de son successeur. Pompidou fut pourtant, incontestablement, l’un des deux ou trois hommes d’Etat qui ont le plus marqué la France au siècle dernier.

Cette confusion peut sembler naturelle, tant l’action des deux hommes resta liée pendant de nombreuses années. Après avoir été le fidèle collaborateur du Général pendant tant d’années, son Premier ministre pendant plus de six ans, Georges Pompidou a pérennisé le renouveau initié par le Général De Gaulle. Il est celui qui a préservé les institutions de la Ve République.

Rares sont les générations qui ont eu la chance d’être portées par deux hommes d’Etat de cette envergure.

En à peine trente-cinq ans, deux hommes partageant le même dessein pour la France sont entrés dans l’histoire. Peut-être faudrait-il remonter à Richelieu et Mazarin pour trouver pareille situation heureuse pour la France.

Au fil du temps, l’action de Georges Pompidou semble pourtant s’être glissée dans l’ombre de celle du Général De Gaulle. Rendre hommage à l’action de Georges Pompidou, c’est méditer la modernité son message et tenter de réparer l’injustice de l’Histoire.

*

L’actualité du message de Georges Pompidou, c’est d’abord son ambition pour la France ; cette « France qui ne peut être la France sans la grandeur » pour paraphraser le Général De Gaulle, elle est aussi la France de Pompidou.

Pour ce qui concerne la politique étrangère et de défense, Georges Pompidou aura été le fidèle continuateur de son illustre prédécesseur. Pourtant, Pompidou a su néanmoins nourrir sa propre vision du monde et de l’économie, grâce à une formidable capacité d’analyse des grands mouvements de la société, grâce aussi à un volontarisme sans faille qui n’excluait pas le pragmatisme dans son action.

Pompidou fut le véritable inspirateur d’une modernisation économique et sociale de notre pays, dès les premières années de la Ve République.

Pour soutenir le rayonnement de la France dans le monde, Georges Pompidou ne pouvait se résoudre à séparer l’économie dynamique qu’il souhaitait du modèle social français. Pour intensifier le rayonnement de la France, pour faire de la France ce grand pays industrialisé et ouvert au monde, il n’a cessé de lutter pour moderniser notre pays, renforcer son poids dans l’économie européenne, intégrer la France aux grands flux économiques mondiaux.

Si l’on me demandait ce que Pompidou peut avoir de commun avec Colbert, Vergennes ou Napoléon III, je répondrais qu’ils ont partagé la même volonté d’asseoir l’influence de la France dans les affaires du monde sur un véritable dynamisme économique, industriel et commercial.

Et comme l’a rappelé Bernard ESAMBERT, qui fut son conseiller, cela ne va pas sans le souci constant de la modernisation de notre pays. Le titre même de son livre présente Georges Pompidou comme un grand capitaine d’industrie qui « avait la conviction que la France ne pourrait tenir son rang que si elle se modernisait et développait son outil industriel. »

Pompidou est l’homme qui a toujours privilégié l’ouverture au monde, plutôt que le repli autarcique ; le mouvement et la compétition internationale, plutôt que la retraite derrière les murailles trompeuses et émollientes du protectionnisme.

Nul doute qu’il savait faire preuve d’un réalisme dont nous avons beaucoup à apprendre : si Pompidou fut un grand défenseur du Progrès, il savait que tout progrès, toute élévation du niveau de vie, ne peuvent reposer que sur la création, la production de richesses, plutôt que sur des traites en blanc grevant les générations futures.

Dans un monde passé en quelques décennies de la guerre classique à la « guerre économique », Pompidou est l’homme qui a ancré la France dans la compétition internationale, la préparant ainsi à affronter la mondialisation.

*

Toute l’actualité, toute la force du message de Pompidou me semble résider dans cette recherche constante de la compétitivité.

La France dispose aujourd’hui des capacités, du dynamisme, du savoir et du savoir-faire pour jouer un rôle majeur dans la mondialisation, à condition de savoir rester compétitive.

A l’aube du 21e siècle, la compétitivité qui est placée au cœur de toutes les réformes entreprises depuis 2007, est et doit demeurer notre priorité absolue. Affirmer que la recherche de la compétitivité est primordiale suppose deux phases : l’analyse et l’action, une action ambitieuse.

L’analyse d’abord, qui nous permet d’anticiper le monde nouveau qui émerge, qu’elle soit économique, politique, géopolitique. Si les défis auxquels nous sommes confrontés ne sont évidemment pas de même nature que ceux des années 1960, l’esprit qui préside à notre action procède du même souffle : celui des grands projets du « Patron de l’entreprise France » que fut Pompidou, selon vos termes, Eric Roussel. Parmi ces grands projets : le TGV, Airbus ou le thermonucléaire, sont toujours déterminants pour la France.

Aujourd’hui, avec le grand programme d’investissements d’avenir, la France, sous l’impulsion du Président de la République, a su renouer avec cet esprit d’innovation, avec ce dynamisme, avec cette ambition qui auront marqué l’action de Georges Pompidou.

Georges Pompidou, qui avait le sens de l’Histoire, n’aura pas laissé de testament, mais un héritage considérable, une France dont le rang fut porté à la hauteur de ses ambitions ; un héritage dont vos interventions éclaireront, sans nul doute, la modernité et l’influence.

Je vous remercie.