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23/06/2011 - Remise des diplômes à l’occasion de la Fête des mots

Monsieur le Ministre, Cher Frédéric MITTERRAND,

Mesdames et Messieurs les députés, mes chers collègues

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Pour la sixième année consécutive, le « camion des mots » a parcouru la France, véhiculant ainsi la passion de la langue française à travers cent vingt communes. Au terme de son périple, le voici dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, où je suis fier de vous accueillir pour cette « Fête des Mots » qui nous rassemble aujourd’hui. Que vous veniez du Cantal, de Moselle, des Deux-Sèvres, du Doubs, de Loire-Atlantique, ou, du Rhône, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à chacune et chacun d’entre vous à l’Hôtel de Lassay.

Le « Parlement », c’est le lieu où l’on parle. En ancien français, ce mot désignait l’action même de parler. C’est vous dire si les subtilités de la langue française sont ici à l’honneur. Et si de grands écrivains, comme Victor Hugo, Léopold Sédar Senghor ou Aimé Césaire ont voulu devenir députés, c’était justement pour porter au plus haut degré cette parole publique qui est au cœur de la démocratie.

On reproche parfois aux hommes politiques de se payer de mots : or, au Parlement, les mots sont aussi des actes. Les prises de parole des députés sont autant de prises de position. Et chaque fois que nous votons une loi, nous approuvons un texte, un ensemble de mots, qui aura des effets directs sur la réalité.

On nous parle souvent du pouvoir des mots. En démocratie, ce sont effectivement les mots qui ont le pouvoir : le pouvoir d’autoriser, d’encourager ou au contraire d’interdire, le pouvoir de faire, de défaire ou de contrôler les manières de faire. Les citoyens, les élus se servent des mots pour protester, pour proposer, pour formuler leurs doléances, pour proclamer les droits et les devoirs du citoyen. Seules les dictatures se complaisent dans le silence – et l’actualité la plus récente nous a montré à quel point elles redoutent l’éclat des mots, et comment la force des mots peut les faire voler en éclats.

C’est pourquoi je voudrais féliciter les nombreux partenaires de cette opération : L’Express et le magazine Lire, la Fondation pour l’éducation de la MAIF, France 3, l’association Lire et faire lire d’Alexandre JARDIN l’Association nationale pour l’amélioration de la vue, Renault Trucks, sans oublier le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Culture.

Je veux également remercier chaleureusement les instituteurs et les professeurs. Sans votre implication personnelle, sans votre engagement républicain au service de l’éducation et de la culture, de l’égalité des chances et de la solidarité, rien n’aurait été possible. Grâce à vous, les jeunes que vous accompagnez, les citoyens en devenir que je vois en eux, vivent une expérience civique, ludique et innovante, unique en son genre.

En soutenant l’opération du « Camion des mots », ils ne s’associent pas seulement à une opération pédagogique d’envergure : il font œuvre de civisme, en nous rappelant que les mots sont d’abord l’expression de la liberté humaine.

Or, cette langue qui nous libère a par ailleurs ses règles, ses contraintes, si bien que son apprentissage peut sembler parfois difficile. Si les députés savent apprécier les beautés de la langue française, ils savent pourtant qu’elle recèle bien des mystères, et aussi quelques pièges. Ils vous envient, soyez-en sûrs, ces outils modernes par lesquels de nombreuses classes ont prouvé que le vocabulaire et la grammaire pouvaient être révisés de manière agréable et conviviale, sous la forme d’un jeu.

Avant de donner la parole à Christophe BARBIER pour accompagner la remise des diplômes aux meilleures classes participantes, je veux enfin saluer l’esprit de grande ouverture dans lequel les organisateurs ont conçu l’opération du « Camion des mots ».

La langue française, malgré ses subtilités, n’est pas faite pour exclure, mais pour intégrer, c’est-à-dire pour donner au plus grand nombre les moyens de s’exprimer et d’être compris par tous. Cette langue que nous avons en partage est le premier de ces biens communs, de ces éléments de patrimoine collectif qui fondent la République. C’est pourquoi il s’agit d’une langue en constant mouvement, comme notre société elle-même ; il s’agit d’une langue créative et évolutive, comme le montre votre prix du « meilleur mot inventé », auquel je suis particulièrement sensible. Nombreux sont les néologismes qui ont été forgés au Palais-Bourbon, mais ils n’ont pas tous la même drôlerie que ceux des enfants. Et puisqu’il est permis d’inventer des mots, je conclurai en vous disant qu’après vous avoir vu mot-camionner pendant un an, je suis heureux de palais-bourbonner avec vous.