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No 2075

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
le passage à la deuxième phase de l’accord de stabilisation et d’association entre l'Union européenne et l’ancienne République yougoslave de Macédoine
(document E 4842)
,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Odile SAUGUES,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

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Pages

I. CE PROCESSUS A CONNU UN ELAN SIGNIFICATIF JUSQU’EN 2005, UN RALENTISSEMENT ENSUITE 5

II. L’ARYM VA FRANCHIR TROIS ÉTAPES IMPORTANTES LA RAPPROCHANT DE L'UNION EUROPÉENNE : ASA, VISAS, RECOMMANDATION D’OUVERTURE DES NÉGOCIATIONS. 9

III. IL RESTE ENCORE BEAUCOUP D’OBSTACLES À SURMONTER, DE RÉFORMES À ACCOMPLIR ET DE QUESTIONS À CLARIFIER 13

TRAVAUX DE LA COMMISSION 19

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 21

Mesdames, Messieurs,

L’examen de la proposition sur le passage à la deuxième phase de l’association entre l'Union européenne et l’ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM)(2), soumise au Parlement en application de l’article 88-4 de la Constitution, est l’occasion de faire un point plus général sur le processus de réforme et d’adhésion à l'Union européenne de l’ARYM.

I. CE PROCESSUS A CONNU UN ELAN SIGNIFICATIF JUSQU’EN 2005, UN RALENTISSEMENT ENSUITE

Lors des sommets de Zagreb, le 24 novembre 2000, et de Thessalonique, le 21 juin 2003, l'Union européenne a offert une prospective d’adhésion aux pays des Balkans occidentaux, fondée sur les mérites de chacun et le respect des critères de Copenhague et de critères spécifiques au processus de stabilisation des Balkans après les conflits de l’ex-Yougoslavie.

Le long processus de réformes devant conduire à l’adhésion comprend deux étapes principales – la conclusion d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) et les négociations d’adhésion – et est ponctué d’autres étapes intermédiaires comme le dépôt de candidature, la reconnaissance du statut de pays candidat et l’ouverture des négociations d’adhésion. Les pays candidats potentiels, puis les pays candidats une fois que le Conseil leur a reconnu à l’unanimité le statut de pays candidat, accomplissent progressivement leurs réformes d’alignement sur les normes communautaires, autour de priorités et d’un échéancier définis dans des partenariats pour l’adhésion, et avec les aides financières de l’instrument de préadhésion (IPA) et les prêts de la Banque européenne d’investissement.

L’ARYM s’est placée rapidement en bonne position dans le processus de rapprochement vers l'Union européenne des différents pays des Balkans occidentaux puisque son ASA, signé en 2001, est entré en vigueur le 1er avril 2004, et que le Conseil lui a reconnu le statut de pays candidat en décembre 2005. Elle figurait ainsi au deuxième rang derrière la Croatie avec laquelle les négociations d’adhésion s’ouvrirent officiellement le 3 octobre 2005, le même jour qu’avec la Turquie.

L’ARYM doit cette bonne position notamment au fait que la Communauté internationale et l'Union européenne en particulier reconnurent son rôle stabilisateur au moment du conflit du Kosovo en 1999, lorsqu’elle accueillit 500.000 réfugiés représentant le quart de sa population, ainsi que sa capacité à surmonter ses divisions internes.

Ce pays de 2,045 millions d’habitants (en 2008) sur un territoire de 25.713 km² réussit tout d’abord à être le seul Etat de l’ex-Yougoslavie à n’avoir participé à aucun des conflits qui l’ont ravagée dans la décennie quatre-vingt-dix. Il réussit ensuite à éviter une guerre civile entre sa majorité slavophone et orthodoxe et sa minorité albanophone et musulmane, représentant respectivement deux tiers et un tiers de la population, en signant les accords d’Ohrid en août 2001. Cet accord a garanti les droits de la minorité albanophone à une représentation équitable, à la décentralisation et à l’utilisation de sa langue et il a permis l’édification d’une société multiethnique et démocratique pouvant servir d’exemple dans une région où les divisions ethniques perdurent.

Toutefois, le processus de rapprochement avec l'Union européenne a connu ensuite une certaine stagnation pour trois raisons.

D’abord, le contentieux bilatéral entre l’ARYM et la Grèce sur son nom a retardé l’examen d’une ouverture des négociations.

Ensuite, le rejet du Traité constitutionnel lors des référendums français et néerlandais a conduit l'Union européenne à privilégier le règlement du débat institutionnel et à se montrer plus exigeante sur la mise en œuvre effective des réformes par les pays candidats.

Enfin, les violences et irrégularités lors des élections législatives de juin 2008 en ARYM ont révélé des dysfonctionnements institutionnels qui ont affecté un temps l’élan des réformes et ont démontré que ce pays candidat n’était pas encore prêt à respecter les critères politiques, essentiels pour l’ouverture des négociations d’adhésion. La Commission européenne a été amenée à poser un nouveau critère de progrès – la réforme de la loi électorale – et à reporter à l’automne 2009 l’examen de l’ouverture des négociations.

L’ARYM a tenu compte de cet avertissement, comme l’ont montré la bonne tenue des élections présidentielles et municipales des 22 mars et 5 avril 2009 ainsi qu’un nouveau progrès dans les réformes.

Désormais, cinq ans après la reconnaissance du statut de candidat, les conditions sont aujourd’hui réunies pour que l’ARYM franchisse de nouvelles étapes la rapprochant de l'Union européenne, même s’il reste encore beaucoup d’obstacles à surmonter et de réformes à accomplir.

II. L’ARYM VA FRANCHIR TROIS ÉTAPES IMPORTANTES LA RAPPROCHANT DE L'UNION EUROPÉENNE : ASA, VISAS, RECOMMANDATION D’OUVERTURE DES NÉGOCIATIONS.

Le passage à la deuxième phase de l’association entre l'Union européenne et l’ARYM témoigne du progrès des réformes réalisées par l’ARYM dans le cadre de l’ASA.

Cet accord prévoit en effet que l’association sera réalisée à l’issue d’une période de transition d’une durée maximale de dix ans, divisée en deux phases successives, et que, quatre ans après son entrée en vigueur, le conseil de stabilisation et d’association, composé des deux parties, évalue les progrès accomplis et décide du passage à la seconde phase et de sa durée, ainsi que d’éventuelles modifications de son contenu.

La Commission européenne propose au Conseil de l'Union européenne de décider, au Conseil de stabilisation et d’association, de passer à la deuxième phase de l’ASA, notamment parce que l’ARYM a honoré tous les engagements qui étaient prévus dans le cadre de la première phase en matière de circulation des travailleurs, droit d’établissement, prestations de services, circulation des capitaux, domaines régis par des dispositions particulières pour la deuxième phase.

La Commission européenne rappelle également les obligations qui découleront du passage à la deuxième phase dans quatre domaines.

Concernant le droit d’établissement, l’ARYM a déjà libéralisé son marché de l’immobilier pour permettre à une société communautaire de posséder des biens nécessaires à l’exercice de son activité, mais le droit de posséder des terrains constructibles nécessite une autorisation préalable et les restrictions sur l’acquisition de terres agricoles demeurent.

Par ailleurs, les dérogations à l’établissement de sociétés communautaires pour protéger des industries nouvelles ou en restructuration ou perdant leur part de marché, auxquelles l’ARYM n’a jamais eu recours, ne pourront s’appliquer au-delà de deux ans suivant la fin de la première phase.

Concernant la prestation de services, les parties devront permettre de l’exercer à leurs sociétés ou leurs ressortissants, même non établis dans le pays destinataire, et devront autoriser également la circulation temporaire des personnes physiques pour négocier la vente de services pour le compte d’un prestataire, sous réserve que ces représentants ne se livrent pas à des ventes directes au grand public ou ne fournissent pas eux-mêmes de services.

Concernant les paiements courants et la circulation des capitaux, les restrictions sur l’ouverture de comptes bancaires à l’étranger, dissuadant les résidents de l’ARYM d’effectuer des investissements de portefeuille dans l'Union européenne, devront être levées.

Concernant le rapprochement progressif des législations, il s’est déjà étendu à tous les domaines alors qu’il ne concernait, dans la première phase, que le marché intérieur et les autres domaines liés au commerce, mais cet effort anticipé doit se poursuivre avec la même intensité.

La suppression des visas de courte durée pour voyager dans l'Union européenne, le 1er janvier 2010, répond à une très forte attente de l’ARYM et représentera une date historique dans les relations de l'Union européenne avec les pays des Balkans occidentaux. La Commission européenne a en effet proposé, le 15 juillet dernier, de supprimer les visas pour l’ARYM, la Serbie et le Monténégro parce qu’ils avaient rempli les conditions relatives à l’établissement de passeports biométriques, au renforcement des contrôles aux frontières, à la lutte contre la corruption et le crime organisé et au respect des droits fondamentaux. Le rapport de progrès 2009 sur l’ARYM note en particulier que ce pays a procédé à l’arrestation de hauts personnages pour lutter contre la corruption.

En revanche, la Commission européenne a renvoyé à 2010 l’examen de la suppression des visas pour l’Albanie et la Bosnie-et-Herzégovine parce que ces pays n’avaient pas encore engagé une politique systématique de passeport biométrique, ainsi que pour le Kosovo pour des problèmes de sécurité.

La suppression de visas permettra aux Macédoniens de revivre la situation d’avant 1991 quand les Yougoslaves pouvaient voyager sans visa vers l’Europe de l’est et de l’Ouest et les sortira de l’enfermement dans lequel les ont plongés les conflits de l’ex-Yougoslavie.

La recommandation de la Commission européenne d’ouvrir les négociations d’adhésion avec l’ARYM constitue la troisième bonne nouvelle pour ce pays reconnu candidat depuis quatre ans.

Dans sa communication du 14 octobre 2009 sur la stratégie d’élargissement et les principaux défis pour 2009-2011, la Commission européenne conclut que l’ARYM a réalisé des progrès considérables pour satisfaire aux priorités clés du partenariat pour l’adhésion et que, compte tenu des avancées globales en matière de réformes, l’ARYM satisfait suffisamment aux critères politiques de Copenhague et du processus de stabilisation pour ouvrir les négociations d’adhésion.

Elle note en particulier que les élections présidentielles et locales de mars et avril 2009 se sont déroulées dans le respect de la plupart des normes internationales, et que des progrès ont eu lieu conformément aux exigences posées par la Commission européenne en 2008 : le fonctionnement des procédures parlementaires a été amélioré ; la loi sur la police est entrée en vigueur et la réforme s’est poursuivie avec l’adoption de la loi sur la sécurité intérieure ; la réforme législative du pouvoir judiciaire est achevée ; la lutte contre la corruption s’est développée grâce à la modification de la loi sur le financement des partis politiques et à l’amélioration des capacités des organismes de lutte contre la corruption ; la loi sur la fonction publique est une étape vers un système de promotion au mérite.

Par ailleurs, si le pays a été touché par la crise économique, la stabilité du secteur bancaire et le maintien de la consommation privée ont permis de limiter le ralentissement de la croissance. Des progrès ont également été observés dans la lutte contre le chômage structurel et la réduction des entraves à l’emploi. Cependant, le chômage se maintient à un niveau très élevé, notamment parmi les jeunes et les moins qualifiés, et reste préoccupant.

Enfin, la Commission européenne souligne la nécessité de maintenir de bonnes relations de voisinage et de trouver, sous l’égide des Nations Unies, une solution négociée et acceptée mutuellement au problème de la dénomination du pays.

Sur le premier point, il est remarquable que l’ARYM vienne de conclure un accord de délimitation de sa frontière avec le Kosovo. L’ARYM participe également à un maillage d’accords ou de dispositifs de nature à favoriser la coopération régionale grâce à des progrès concrets. Tels sont l’accord de libre échange centre-européen (ALECE), le Conseil de coopération régionale, l’école régionale d’administration publique, la communauté de l’énergie pour encourager la réforme d’un secteur où l’ARYM souffre de sa grande dépendance au gaz russe, la communauté des transports terrestres, maritimes et par voies navigables en cours de négociation avec l’Union européenne, enfin l’accord sur l’espace aérien européen commun. Cette coopération régionale pourrait toutefois être menacée si persistaient les désaccords sur la participation du Kosovo.

Sur le deuxième point, la Commission européenne met en exergue un contentieux bilatéral qui a, jusqu’à présent, bloqué l’ouverture des négociations et sur lequel l’Union européenne a peu d’influence. Elle n’a d’ailleurs pas préconisé de date pour l’ouverture des négociations.

III. IL RESTE ENCORE BEAUCOUP D’OBSTACLES À SURMONTER, DE RÉFORMES À ACCOMPLIR ET DE QUESTIONS À CLARIFIER

Le nom de la Macédoine est depuis 1991 l’objet d’un différend entre Skopje et Athènes qui bloque sa reconnaissance internationale sous le nom de « République de Macédoine », au motif que ce nom fait partie du patrimoine historique de la Grèce et qu’il pourrait impliquer une visée territoriale de ce pays sur la province qui porte le même nom au nord de la Grèce. La Macédoine a été admise à l’ONU en 1993 sous le nom provisoire d’« ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM ou FYROM en anglais). La Macédoine se dit prête à adopter un nom composé comme « Nouvelle Macédoine » ou « Haute Macédoine » pour ses relations avec la Grèce, tout en conservant le nom de « République de Macédoine » pour les relations internationales.

Le blocage des négociations menées sous l’égide des Nations Unies depuis dix-sept ans a conduit la Grèce à bloquer l’adhésion de l’ARYM à l’OTAN au Sommet de Bucarest en avril 2008 et l’ARYM à saisir la Cour internationale de justice à La Haye, le 17 novembre 2008. Un accord intérimaire conclu en 1995 comporterait un engagement de la Grèce de ne pas empêcher l’adhésion de l’ARYM à l’OTAN, mais la Grèce réplique que l’ARYM aurait elle-même violé cet accord dans le passé, en particulier sur le principe des relations de bon voisinage. Rebaptiser « Alexandre le Grand » l’aéroport de Skopje n’était sans doute pas de nature à apaiser la Grèce, de même que quelques autres gestes nationalistes peu propices au compromis.

L’avènement d’un nouveau gouvernement un peu plus ouvert en Grèce est une occasion à saisir par les deux parties pour s’entendre.

La présidence suédoise et les autres Etats membres sont partagés entre la volonté d’ouvrir les négociations et la solidarité communautaire à laquelle la France, notamment, est très attachée. Ils observent que le règlement de ce contentieux bilatéral n’est pas une pré-condition mais que le Conseil ne pourra pas envisager une date, plus ou moins proche, pour l’ouverture des négociations, sans une volonté de compromis des deux parties. La Grèce, premier investisseur en ARYM, a intérêt à un arrimage rapide de ce pays à l'Union européenne de manière à consolider définitivement l’équilibre démocratique et multiethnique auquel il est parvenu et à éviter le risque d’une nouvelle instabilité régionale. L’enjeu est encore plus grand pour l’ARYM, qui n’a pas d’autre choix pour sa stabilité et sa prospérité que la perspective européenne.

Par ailleurs, si la Commission européenne a jugé suffisant le respect des critères politiques pour l’ouverture des négociations, elle n’en souligne pas moins qu’il reste beaucoup de réformes à accomplir et que la phase des négociations sera encore plus exigeante non seulement sur leur adoption mais sur leur mise en œuvre effective.

La Commission européenne appelle à des efforts supplémentaires, notamment dans les domaines suivants :

l  concernant les critères politiques, il faudra :

- mieux assurer la transparence, le professionnalisme et l’indépendance de l’administration publique ;

- garantir l’indépendance et l’impartialité du secteur judiciaire, notamment pour les nominations et les promotions ;

- poursuivre la mise en œuvre du cadre juridique de la lutte contre la corruption, car elle reste endémique et constitue toujours un sérieux problème dans de nombreux secteurs ;

- créer un mécanisme externe indépendant pour contrôler les cas de mauvais traitements par la police, après la dissolution déjà réalisée des unités de police spéciales ;

- protéger les médias des ingérences politiques ;

- développer des capacités administratives dans le domaine de l’égalité des sexes, notamment pour appliquer la stratégie contre la violence domestique ;

- encourager l’intégration des minorités ethniques du pays, en particulier dans le système éducatif, même si, en septembre 2009, 26 % des fonctionnaires à l’échelon central en sont issus ;

- s’agissant de la Cour pénale internationale, dénoncer l’accord bilatéral d’immunité conclu avec les Etats-Unis qui n’est pas conforme à la position de l'Union européenne ;

l concernant les critères économiques, après avoir déjà achevé la privatisation, libéralisé les prix et les échanges et réduit la charge fiscale sur le travail, il faudra :

- renforcer l’administration publique et le système judiciaire afin d’améliorer la sécurité juridique et le climat des affaires ;

- renforcer l’indépendance et les capacités des instances de régulation ;

- réduire l’économie souterraine qui demeure un défi de taille ;

l concernant le critère d’aptitude à assumer les obligations découlant de l’adhésion, il faudra :

- répondre à l’exigence, toujours difficile pour un petit pays candidat, de renforcer les capacités administratives pour mettre en œuvre et contrôler l’application de la législation, en particulier dans les domaines des marchés publics, de la propriété intellectuelle, de la lutte contre les ententes, du marché des assurances, de la sécurité alimentaire et de la politique vétérinaire et phytosanitaire ;

- renforcer le budget de l’éducation pour mettre en application la stratégie nationale de réforme ;

- mettre en œuvre la législation environnementale qui demeure un défi considérable.

Enfin, trois questions mériteraient d’être clarifiées pour rassurer l’opinion européenne sur le processus d’élargissement aux Balkans occidentaux.

La première concerne l’effectivité des réformes en matière de justice et d’affaires intérieures.

Les Etats membres de l'Union européenne ont été heureux d’accueillir, le 1er janvier 2007, la Bulgarie et la Roumanie dans la famille européenne, mais ils ont eu ensuite le désagrément de découvrir que ces deux pays n’étaient pas tout à fait prêts dans le domaine précité, contrairement aux assurances données par la Commission européenne.

Cette expérience ne doit pas se reproduire, car les affaires de justice et de police et la lutte contre la corruption et le crime organisé fondent le rapport de confiance qui doit s’établir entre anciens et nouveaux Etats membres et est une condition indispensable de leur adhésion.

Cette exigence est particulièrement forte à l’égard des pays candidats des Balkans occidentaux, dans la mesure où les conflits de l’ex-Yougoslavie et les embargos les ont particulièrement exposés à ces risques. Y répondre est d’ailleurs dans l’intérêt des pays candidats s’ils veulent bénéficier des aides communautaires, des prêts de la BEI et des autres institutions financières internationales ainsi que des investissements directs étrangers.

De 2007 à 2012 inclus, l’ARYM aura reçu 507,3 millions d’euros d’aide bilatérale de l’instrument d’aide de préadhésion.

Or, dans un audit publié le 13 octobre 2009, la Cour des comptes de l'Union européenne a mis en cause l’efficacité des projets de la Commission européenne dans le domaine de la justice et des affaires intérieures dans les Balkans occidentaux. Ils concernent l’asile et l’immigration, la gestion intégrée des frontières, le système judiciaire et la police et poursuivent en priorité les objectifs de sécurité aux frontières, de consolidation de la règle de droit et de combat contre la corruption.

Tout en reconnaissant l’environnement difficile dans lequel agit la Commission européenne, la Cour doute de la durabilité et de l’appropriation de plus d’un tiers des résultats obtenus, en raison de la faiblesse politique et de l’absence d’engagement des bénéficiaires, dès lors que les initiatives de réforme n’émanent pas d’acteurs de la région, mais de la Commission ou d’autres intervenants extérieurs.

La Cour recommande à la Commission d’établir une correspondance plus étroite entre les projets d’investissement et ceux relatifs au renforcement des capacités institutionnelles, de beaucoup plus impliquer les bénéficiaires, de doter tous les projets d’un plan de suivi et d’utiliser la gestion intégrée des frontières pour encourager la coopération régionale.

La Commission européenne devra se montrer dans ce domaine d’une rigueur absolue, à la mesure des exigences des Etats membres et des craintes des opinions publiques.

La deuxième question concerne le risque de blocage d’un processus d’adhésions successives fondées sur les mérites de chaque pays candidat, en raison des contentieux bilatéraux multiples opposant les pays de l’ex-Yougoslavie. Le processus d’élargissement individuel fondé sur l’évaluation des mérites de chacun est légitime puisque le plus retardataire n’empêche pas ceux qui se réforment d’adhérer, contrairement au risque que pourrait représenter un élargissement en bloc.

Cependant, les Etats issus de l’ex-Yougoslavie ont fait exploser leur fédération parce qu’ils avaient tous des contentieux contre tous ou presque, et le risque est grand que le dernier candidat entré dans l'Union européenne excipe d’un contentieux bilatéral avec un candidat de la région pour bloquer son processus de négociation. Comme il est admis par tous que la perspective européenne offerte par l'Union européenne est le seul moyen de sortir les pays de la région de leur logique d’affrontement séculaire, peut-être conviendrait-il d’introduire dans les prochains traités d’adhésion une clause par laquelle le nouvel Etat membre s’engagerait à ne pas paralyser le processus d’élargissement des pays candidats de la région en raison d’un contentieux bilatéral sans lien avec ce processus.

Cette clause exceptionnelle ne s’appliquerait qu’aux pays candidats de la région et pourrait être justifiée par l’évènement exceptionnel qu’a constitué la fragmentation de l’ex-Yougoslavie en sept Etats : Slovénie déjà entrée dans l'Union européenne, Croatie, Bosnie-et-Herzégovine, Serbie, Monténégro, ancienne République yougoslave de Macédoine, Kosovo toutefois non reconnu par cinq Etats membres de l'Union européenne.

La troisième question concerne les conséquences de la fragmentation de l’ex-Yougoslavie en Etats moins peuplés sur le processus de décision de l'Union européenne après leur adhésion.

L’Union européenne est fondée sur l’égalité entre Etats membres quelle que soit leur taille, corrigée au Conseil et au Parlement européen par une pondération des voix et des sièges en fonction de la population.

Les nouvelles règles de majorité qualifiée prévues par le traité de Lisbonne préservent la pondération des voix au Conseil sous une autre forme.

En revanche, il serait très difficile d’attribuer des sièges au Parlement européen à l’ensemble des Etats de l’ex-Yougoslavie sans remettre en cause les critères définis par l’article 14 du traité sur l'Union européenne pour l’après 2014 (plafond global de 750 députés plus le président, seuil maximal de 96 et seuil minimal de six pour chaque Etat et proportionnalité dégressive). En particulier, le seuil minimal de six députés pour les Etats les moins peuplés aboutirait à un doublement de la représentation des sept Etats par rapport à ce qu’aurait été celle de l’ex-Yougoslavie, en considération d’une population d’environ 21 millions d’habitants.

Par ailleurs, une forme de pondération n’existe plus à la Commission depuis la disparition du deuxième commissaire pour les Etats fortement peuplés et la rotation égalitaire de deux tiers des Etats membres après 2014, même modifiée par le Conseil européen statuant à l’unanimité ou tempérée par le reflet de l’éventail démographique et géographique de l’ensemble des Etats membres, pourrait renforcer l’avantage de la fragmentation dans une institution décidant à la majorité simple.

Enfin, la pondération n’a jamais existé à la Cour de justice des Communautés européennes. Elle juge à la majorité simple avec une composition fondée sur le principe qu’un juge par Etat membre égale une voix.

La prime à la fragmentation des Etats dans le système décisionnel de l'Union européenne présente le risque de délégitimer les décisions des institutions et de provoquer un recul de l’intégration communautaire au profit d’un retour à la coopération intergouvernementale dans laquelle la puissance respective des membres serait mieux prise en compte.

Elle risque également de favoriser la revendication de certaines régions à compétence législative, beaucoup plus riches et peuplées, de devenir des Etats membres de plein exercice pour participer directement aux décisions de l'Union européenne et de la communauté internationale en tant que membres de l’ONU.

L’échéance de ces futures adhésions est encore lointaine mais la réflexion mériterait d’être engagée dès maintenant pour que la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés n’affaiblisse pas le système décisionnel de l'Union européenne après leur adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 17 novembre 2009, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’une discussion.

« Le Président Pierre Lequiller. Les deux derniers points méritent que soit menée une réflexion particulière. Il est vrai que le système institutionnel européen tel qu’il est conçu, incite à la séparation des Etats  dans la mesure où il y a une prime au commissaire, aux députés. Par ailleurs, certains pays utilisent la volonté d’adhésion d’autres pays pour exercer des pressions dans le cadre d’un contentieux bilatéral.

M .Thierry Mariani. Je souhaiterais savoir si le traité de Lisbonne fixe une date pour la désignation des deux sièges supplémentaires de députés européens pour la France.

Le Président Pierre Lequiller. Pour l’heure, rien n’est fixé. Il est vrai que le traité de Lisbonne fait passer le nombre de députés européens de 736 à 751, augmentant notamment de deux membres la représentation de la France, mais diminuant cependant de trois celle de l’Allemagne. Le Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008 s’était entendu pour éviter à notre voisin de devoir réduire en cours de mandat son effectif au Parlement européen, en relevant le plafond des eurodéputés à 754. Cela impose toutefois de modifier les dispositions des traités, puis de les ratifier dans chaque Etat membre, ce qui ne pourra se faire à brève échéance qu’à l’occasion du traité d’adhésion de la Croatie. Cette perspective n’est donc pas imminente, ce qui ne nous interdit en rien de réfléchir dès à présent aux modalités de désignation de nos deux nouveaux députés. »

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la position de la Communauté au sein du conseil de stabilisation et d'association sur le passage à la deuxième phase de l'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part, conformément à l'article 5 de l'accord de stabilisation et d'association (COM (2009) 280 final/E 4842),

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la stratégie d’élargissement et les principaux défis 2009-2010 (COM (2009) 533), en particulier sa recommandation d’ouvrir des négociations d’adhésion avec l’ancienne République yougoslave de Macédoine, et le rapport de progrès 2009 pour ce pays reconnu candidat en décembre 2005 (SEC (2009) 1335),

Vu le rapport spécial no 12/2009 de la Cour des comptes européenne sur l’efficacité des projets de la Commission dans le domaine de la justice et des affaires intérieures pour les Balkans occidentaux,

1. Approuve la proposition sur le passage à la deuxième phase de l’association entre l'Union européenne et l’ancienne République yougoslave de Macédoine dans la mesure où elle invite ce pays candidat à redoubler son effort de réforme pour se préparer à une future adhésion ;

2. Estime que la décision à venir du Conseil d’ouvrir des négociations d’adhésion, selon la recommandation de la Commission, devra appeler le pays candidat au respect intégral des critères d’adhésion généraux et spécifiques aux Balkans occidentaux à la date de son adhésion ;

3. Demande que la Commission se montre d’une rigueur absolue pour la mise en
œuvre effective des réformes en matière de justice et d’affaires intérieures et qu’en particulier, elle suive les recommandations de la Cour des comptes européenne ;

4. S’inquiète du risque de blocage d’un processus d’adhésions successives fondées sur les mérites de chaque pays candidat, en raison des contentieux bilatéraux opposant les pays issus de l’ex-Yougoslavie, et s’interroge sur la possibilité d’introduire dans les prochains traités d’adhésion une clause par laquelle le nouvel Etat membre s’engagerait à ne pas paralyser le processus d’élargissement des pays candidats de la région en raison d’un contentieux bilatéral sans lien avec ce processus ;

5. Souhaite qu’une réflexion soit engagée sur les garanties à prévoir pour que la fragmentation d’un Etat en Etats moins peuplés n’affaiblisse pas le système décisionnel de l'Union européenne après leur adhésion ni sa capacité d’intégration de nouveaux Etats membres.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la position de la Communauté au sein du conseil de stabilisation et d'association sur le passage à la deuxième phase de l'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part, conformément à l'article 5 de l'accord de stabilisation et d'association (COM (2009) 280 final/E 4842).