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N° 2124

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la préparation de la conférence de Copenhague,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Bernard DEFLESSELLES et Jérôme LAMBERT,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : RÉPONDRE AU DÉFI DU CHANGEMENT CLIMATIQUE POUR LA PÉRIODE DÉCISIVE DE L’APRÈS 2012 9

I. LE MESSAGE DES SCIENTIFIQUES 9

A. UN RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE SANS ÉQUIVOQUE, S’EXPLIQUANT PAR L’AUGMENTATION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE 9

B. DES IMPACTS NÉGATIFS MULTIPLES QU’IL EST NÉCESSAIRE DE LIMITER EN RÉDUISANT FORTEMENT LES ÉMISSIONS 11

II. DE KYOTO À COPENHAGUE 15

A. LE PROTOCOLE DE KYOTO ET SON APPLICATION 15

1. Des objectifs individuels et contraignants pour les Etats développés, à l’exception des Etats-Unis qui ne l’ont pas ratifié 15

2. Une application insuffisante 16

B. LE PLAN D’ACTION DE BALI A LANCÉ UN NOUVEAU CYCLE DE NÉGOCIATIONS 18

DEUXIÈME PARTIE : LA POSITION DE L’UNION EUROPÉENNE FAIT D’ELLE LE LEADER DE LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE 21

I. LE PAQUET ÉNERGIE-CLIMAT FIXE UN CADRE SOLIDE 21

A. UNE LÉGISLATION AMBITIEUSE ET COMPLÈTE 21

1. Directive sur le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SCEQE) 22

2. Décision sur le partage des efforts 23

3. Directive sur les énergies renouvelables 23

4. Directive sur le captage et le stockage géologique du dioxyde de carbone 24

B. LES TRAVAUX D’APPLICATION EN COURS 24

II. UNE POSITION FORTE POUR COPENHAGUE 27

A. DES OBJECTIFS D’ATTÉNUATION AMBITIEUX 27

B. DES AVANCÉES SUR LE FINANCEMENT DES ACTIONS DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 28

C. UN CHAMP D’APPLICATION LARGE 29

1. La question des forêts 29

2. La prise en compte de l’agriculture 30

3. L’inclusion des secteurs du transport maritime et aérien 31

D. CERTAINS POINTS DEVRONT ÊTRE PRÉCISÉS 31

1. Le « partage du fardeau » entre Etats membres 31

2. Le sort des surplus de crédits d’émissions après 2012 31

3. La mise en oeuvre d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières en cas d’échec de Copenhague 32

TROISIÈME PARTIE : LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES : DES AVANCÉES TARDIVES MAIS UN NIVEAU D’AMBITION QUI RESTE INSUFFISANT 35

I. DE LONGUES NÉGOCIATIONS QUI ONT PRODUIT PEU DE RÉSULTATS 35

A. LES NÉGOCIATIONS SOUS L’ÉGIDE DES NATIONS UNIES 35

B. LE G8 ET LE FORUM DES ÉCONOMIES MAJEURES, ENCEINTES DE NÉGOCIATION PARALLÈLES 35

C. UN ACCORD TRÈS PARTIEL SUR LA VISION DE LONG TERME 36

D. UNE COMMUNAUTÉ DE VUES SUR L’ADAPTATION 36

II. LES OBJECTIFS DES PAYS DÉVELOPPÉS ENCORE INSUFFISANTS 39

A. LES ETATS-UNIS PRÊTS A PRENDRE UN ENGAGEMENT POLITIQUE A MINIMA 39

B. LA PLUPART DES AUTRES PAYS DÉVELOPPÉS ONT ANNONCÉ DES OBJECTIFS MOINS AMBITIEUX QUE L’UNION EUROPÉENNE 41

III. LES PAYS ÉMERGENTS ACCEPTERONT-ILS DES OBJECTIFS DE LIMITATION DE LA CROISSANCE DE LEURS ÉMISSIONS ? 43

A. LA CHINE FAVORABLE À UN OBJECTIF DOMESTIQUE DE RÉDUCTION DE SON INTENSITÉ CARBONE 44

B. L’INDE REFUSE TOUT OBJECTIF CONTRAIGNANT 46

1. Un impératif de développement économique et social 46

2. L’Inde pourrait annoncer un objectif d’atténuation non contraignant reposant sur ses actions nationales 47

C. D’AUTRES PAYS ÉMERGENTS SONT PRÊTS À S’ENGAGER 48

IV. QUELS SERONT LES MOYENS FINANCIERS ET TECHNOLOGIQUES POUR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ? 51

A. LA NÉCESSITÉ D’UN FINANCEMENT PLUS IMPORTANT 51

B. DES MÉCANISMES ET UNE GOUVERNANCE À DÉFINIR 51

1. L’avenir des mécanismes de marché 51

2. La possible création d’un « fonds vert »mondial 52

3. Quelle gouvernance pour le futur système ? 52

C. L’ENJEU DU TRANSFERT DE TECHNOLOGIES 53

QUATRIÈME PARTIE : LES CONDITIONS D’UN SUCCÈS DE COPENHAGUE 55

I. UN ACCORD CONTRAIGNANT, GLOBAL ET AMBITIEUX 55

A. LA FORME DE L’ACCORD 55

1. Faut-il conserver le protocole de Kyoto ou adopter un nouvel instrument global ? 55

2. Un accord « politiquement contraignant » qui sera traduit dans un traité en 2010 56

B. LES POINTS CLÉS D’UN ACCORD 56

1. Un objectif mondial de long terme 56

2. Un engagement ambitieux de réduction des émissions des pays développés à moyen terme 56

3. Des objectifs contraignants de limitation des émissions des pays émergents 57

4. Un financement renforcé pour les pays en développement 57

II. FAVORISER UN RAPPROCHEMENT AVEC LES PAYS LES PLUS VULNÈRABLES : LE PLAN « JUSTICE CLIMAT » PROPOSÉ PAR LA FRANCE 59

CONCLUSION 63

TRAVAUX DE LA COMMISSION 65

CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION 69

ANNEXES 73

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 75

ANNEXE 2 : ÉLÉMENTS COMPARATIFS SUR LA TAXATION DU CARBONE AU ROYAUME-UNI, EN ALLEMAGNE ET EN SUÈDE 79

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Dans quelques jours, les représentants de 192 Etats se réuniront à Copenhague dans le but de parvenir à un accord sur le régime qui succèdera au protocole de Kyoto à partir du 1er janvier 2013.

Les enjeux sont considérables : la lutte contre le changement climatique est l’un des principaux défis mondiaux. Si le réchauffement dépasse 2°C d’ici 2050, il sera très difficile de s’adapter à ses conséquences, qui affecteront l’environnement, l’agriculture, la santé et la sécurité.

L’Union européenne s’est fixé des objectifs ambitieux dans le cadre du paquet énergie-climat adopté sous présidence française en décembre 2008(2). Celui-ci met en œuvre la règle des « trois fois vingt » d’ici 2020 : réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre ; augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique et proportion de 20 % d’énergies renouvelables dans la production d’énergie. L’Union européenne s’est de surcroît engagée à porter son effort de réduction des émissions à 30 % si les autres Etats développés adoptaient des objectifs comparables et si les pays en développement fournissaient des efforts adaptés à leurs responsabilités et leurs capacités.

Cette position confère à l’Union européenne un rôle exemplaire et moteur dans les négociations pour Copenhague. La France est engagée dans cette démarche ambitieuse : la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement(3) prévoit une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 par rapport à 1990.

Le processus international de négociation lancé lors de la Conférence de Bali en décembre 2007 devait permettre de construire un accord fondé sur cinq grands thèmes : une vision de long terme de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ; une action renforcée d’atténuation des émissions ; l’adaptation aux conséquences du changement climatique ; la coopération technologique et le financement des actions d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement.

Malheureusement, les négociations internationales n’ont progressé que lentement et n’ont toujours pas permis d’accord sur les points essentiels que sont l’atténuation et le financement. Les acteurs des négociations considèrent maintenant que Copenhague débouchera sur un accord politique, la conclusion d’un traité étant renvoyée en 2010. Cet accord devra permettre des engagements ambitieux des pays industrialisés et des pays émergents. Dans cette perspective, l’annonce récente par les Etats-Unis et par la Chine d’objectifs de réduction de leurs émissions est un signe positif.

Le présent rapport s’attachera à décrire les enjeux de la Conférence de Copenhague, puis la position de l’Union européenne dans les négociations. Il fera ensuite le point sur les différentes incertitudes qui devront être levées et sur les conditions d’un succès de Copenhague.

PREMIÈRE PARTIE :
RÉPONDRE AU DÉFI DU CHANGEMENT CLIMATIQUE POUR LA PÉRIODE DÉCISIVE DE L’APRÈS 2012

I. LE MESSAGE DES SCIENTIFIQUES

Les rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) constituent la référence scientifique mondiale en matière de changement climatique. Le quatrième rapport d’évaluation date de 2007 et le cinquième rapport, actuellement en cours d’élaboration, sera publié en 2014.

A. Un réchauffement climatique sans équivoque, s’expliquant par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre

Comme l’affirme le quatrième rapport du GIEC : « Le réchauffement du système climatique est sans équivoque, car il ressort désormais des observations de l’augmentation des températures moyennes mondiales de l’atmosphère et de l’océan, de la fonte généralisée des neiges et des glaces, et de l’élévation du niveau moyen mondial de la mer ».

L’observation des températures depuis 1860 montre une tendance de hausse générale. En moyenne, les températures se sont élevées de 0,35°C de 1910 à 1940 et de 0,55°C depuis 1970, ce qui indique une accélération inquiétante du réchauffement. Entre 1995 et 2006, onze années sur douze figurent parmi les douze années les plus chaudes depuis 1850.

Source : GIEC, rapport 2007.

Les scientifiques du GIEC estiment que le réchauffement climatique constaté depuis le milieu du XXème siècle est « très probablement » dû à l’augmentation constatée des gaz à effet de serre liée aux activités humaines.

Les activités humaines sont à l’origine de l’émission des quatre principaux gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone, le méthane, l’oxyde nitreux et les halocarbures (groupe de gaz qui inclut les chlorofluorocarbures ou CFC).

Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 70 % entre 1970 et 2004, dont une hausse de 24 % entre 1990 et 2004. Les émissions de dioxyde de carbone, le plus important gaz à effet de serre, ont augmenté de 80 % pendant cette même période. Cette augmentation est due à l’utilisation des combustibles fossiles et aux changements d’affectation des terres.

Concentration des gaz a effet de serre de l’annee 0 a l’annee 2005

Source  GIEC, rapport 2007.

Selon les différents scénarios d’évolution des émissions élaborés par le GIEC(4), le réchauffement climatique en 2100 atteindra de 1,1°C à 6,4°C, par rapport à la fin du XXème siècle.

B. Des impacts négatifs multiples qu’il est nécessaire de limiter en réduisant fortement les émissions

Les impacts du changement climatique se traduiront par :

- des phénomènes climatiques aggravés, avec la multiplication d’événements extrêmes comme les tempêtes, les inondations et les sécheresses ;

un bouleversement des écosystèmes et une diminution de la biodiversité ;

une chute des rendements agricoles, ce qui provoquera des crises alimentaires ;

un risque de crises sanitaires ;

la disparition de zones côtières et de nombreuses îles, conduisant à des déplacements importants de population.

Ces impacts seront différents selon les zones régionales. Les régions les plus touchées devraient être l’Afrique, les petites îles, les grands deltas asiatiques et africains et l’Arctique.

Les prévisions du GIEC sur les impacts régionaux du changement climatique

Afrique D’ici 2020, 75 à 250 millions de personnes devraient souffrir d’un stress hydrique accentué par les changements climatiques. Dans certains pays, le rendement de l’agriculture pluviale pourrait chuter de 50 % d’ici 2020. On anticipe que la production agricole et l’accès à la nourriture seront durement touchés dans de nombreux pays, avec de lourdes conséquences en matière de sécurité alimentaire et de malnutrition. Vers la fin du XXIe siècle, l’élévation anticipée du niveau de la mer affectera les basses terres littorales fortement peuplées. Le coût de l’adaptation pourrait représenter 5 à 10 % du produit intérieur brut, voire plus. Selon plusieurs scénarios climatiques, la superficie des terres arides et semi-arides pourrait augmenter de 5 à 8 % d’ici à 2080.

Asie
Les quantités d’eau douce disponibles devraient diminuer d’ici les années 2050 dans le centre, le sud, l’est et le sud est de l’Asie, en particulier dans les grands bassins fluviaux. Les zones côtières, surtout les régions très peuplées des grands deltas de l’Asie du Sud, de l’Est et du Sud-Est, seront exposées à des risques accrus d’inondation marine et, dans certains grands deltas, d’inondation fluviale. Les changements climatiques devraient amplifier les pressions que l’urbanisation rapide, l’industrialisation et le développement économique exercent sur les ressources naturelles et l’environnement. Les modifications du cycle hydrologique devraient entraîner, dans l’est, le sud et le sud-est de l’Asie, une hausse de la morbidité et de la mortalité endémiques dues aux maladies diarrhéiques qui accompagnent les crues et la sécheresse.

Australie et Nouvelle-Zélande
Certains sites d’une grande richesse écologique, dont la Grande Barrière de corail et les « Wet Tropics » (tropiques humides) du Queensland, devraient subir une perte importante de biodiversité d’ici 2020. D’ici 2030, les problèmes d’approvisionnement en eau devraient s’intensifier dans l’est et le sud de l’Australie ainsi que dans le Northland et certaines régions orientales de la Nouvelle-Zélande. D’ici 2030, la production agricole et forestière devrait décroître dans une bonne partie du sud et de l’est de l’Australie ainsi que dans plusieurs régions orientales de la Nouvelle-Zélande, en raison de l’accentuation de la sécheresse et de la fréquence accrue des incendies. Au début toutefois, les changements climatiques devraient se révéler bénéfiques dans d’autres secteurs de la Nouvelle-Zélande. D’ici 2050, dans certaines régions de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, l’aménagement progressif du littoral et la croissance démographique devraient accroître les risques liés à l’élévation du niveau de la mer et à l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des tempêtes et des inondations côtières.

Europe
On s’attend à ce que les changements climatiques amplifient les disparités régionales en matière de ressources naturelles et de moyens économiques. Au nombre des incidences négatives figurent un risque croissant d’inondations éclair à l’intérieur des terres, une plus grande fréquence des inondations côtières et une érosion accrue (attribuable aux tempêtes et à l’élévation du niveau de la mer). Les régions montagneuses devront faire face au recul des glaciers, à la réduction de la couverture neigeuse et du tourisme hivernal ainsi qu’à la disparition de nombreuses espèces (jusqu’à 60 % d’ici 2080 dans certaines régions, selon les scénarios de fortes émissions). Dans le sud de l’Europe, région déjà vulnérable à la variabilité du climat, les changements climatiques devraient aggraver la situation (températures élevées et sécheresse) et nuire à l’approvisionnement en eau, au potentiel hydroélectrique, au tourisme estival et, en général, aux rendements agricoles. Les risques sanitaires liés aux vagues de chaleur et à la fréquence accrue des incendies devraient être amplifiés par les changements climatiques.

Amérique latine
D’ici le milieu du siècle, les forêts tropicales devraient être progressivement remplacées par la savane dans l’est de l’Amazonie sous l’effet de la hausse des températures et du desséchement des sols. La végétation de type semi-aride aura tendance à laisser place à une végétation de type aride. La disparition de certaines espèces risque d’appauvrir énormément la diversité biologique dans de nombreuses régions tropicales de l’Amérique latine. Le rendement de certaines cultures importantes et de l’élevage du bétail devrait diminuer, au détriment de la sécurité alimentaire. On anticipe en revanche une augmentation du rendement des cultures de soja dans les zones tempérées. D’un point de vue général, on anticipe une augmentation du nombre de personnes exposées à la famine. La modification des régimes de précipitations et la disparition des glaciers devraient réduire considérablement les ressources en eau disponibles pour la consommation humaine, l’agriculture et la production d’énergie.

Amérique du Nord
Selon les projections, le réchauffement du climat dans les régions montagneuses de l’ouest du continent diminuera l’enneigement, augmentera la fréquence des inondations hivernales et réduira les débits estivaux, avivant la concurrence pour des ressources en eau déjà surexploitées. L’évolution modérée du climat au cours des premières décennies du siècle devrait accroître de 5 à 20 % le rendement des cultures pluviales, mais avec de nets écarts d’une région à l’autre. De graves difficultés risquent de surgir dans le cas des cultures déjà exposées à des températures proches de la limite supérieure de leur plage de tolérance ou qui dépendent de ressources en eau déjà fortement utilisées. Au cours du siècle, les villes qui subissent actuellement des vagues de chaleur devraient faire face à une hausse du nombre, de l’intensité et de la durée de ces phénomènes, ce qui pourrait avoir des incidences défavorables pour la santé. Dans les régions côtières, les établissements humains et les habitats naturels subiront des pressions accrues découlant de l’interaction des effets du changement climatique avec le développement et la pollution.

Régions polaires
Les principales répercussions biophysiques attendues sont la réduction de l’épaisseur et de l’étendue des glaciers, des nappes glaciaires et des glaces de mer ainsi que la modification des écosystèmes naturels au détriment de nombreux organismes, dont les oiseaux migrateurs, les mammifères et les grands prédateurs. Pour les communautés de l’Arctique, les effets devraient être mitigés, notamment ceux qui résulteront de l’évolution de l’état de la neige et de la glace. Les éléments d’infrastructure et les modes de vie traditionnels des populations autochtones seront touchés. On estime que les écosystèmes et les habitats propres aux régions polaires de l’Arctique et de l’Antarctique seront fragilisés, du fait de l’atténuation des obstacles climatiques à l’invasion de nouvelles espèces.

Petites îles
Selon les prévisions, l’élévation du niveau de la mer devrait intensifier les inondations, les ondes de tempête, l’érosion et d’autres phénomènes côtiers dangereux, menaçant l’infrastructure, les établissements humains et les installations vitales pour les populations insulaires. La détérioration de l’état des zones côtières, par exemple l’érosion des plages et le blanchissement des coraux, devrait porter atteinte aux ressources locales. D’ici le milieu du siècle, les changements climatiques devraient réduire les ressources en eau dans de nombreuses petites îles, par exemple dans les Caraïbes et le Pacifique, à tel point que la demande ne pourra plus être satisfaite pendant les périodes de faible pluviosité. La hausse des températures devrait favoriser l’invasion d’espèces exotiques, notamment aux moyennes et hautes latitudes.

Source : GIEC, rapport de synthèse 2007.

Pour qu’il soit encore possible de s’adapter à ces impacts, les scientifiques recommandent de limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2050, ce qui suppose que les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent un pic en 2015 puis décroissent.

Le tableau suivant indique les réductions d’émissions nécessaires pour les différents scénarios de réchauffement élaborés par le GIEC. L’objectif de 2°C implique une baisse globale de 50 à 85 % des émissions en 2050. Les efforts qui seront fournis au cours des 20 à 30 prochaines années seront déterminants.

Réductions des émissions de GES nécessaires dans les différents scenarios d’évolution du climat

Catégorie

Concentration de CO2 au niveau de stabilisation

(2005 = 379 ppm)b

Concentration d’équivalent-CO2 au niveau de stabilisation,

y compris GES et aérosols

(2005 = 375 ppm)b

Année du pic

d’émissions de CO2

Variation des émissions mondiales de CO2, en 2050

(par rapport aux émissions

en 2000)a c

Écart entre la température moyenne du globe à l’équilibre et la température préindustrielle, selon la valeur la plus probable de la sensibilité du climat d e

Écart entre le niveau moyen de la mer à l’équilibre et le niveau préindustriel dû à la seule dilatation thermique f

Nombre de scénarios évalués

 

ppm

ppm

année

96

%

mètres

 

I

350-400

445-490

2000-2015

- 85 à – 50

2,0-2,4

0,4-1,4

6

II

400-440

490-535

2000-2020

- 60 à – 30

2,4-2,8

0,5-1,7

18

III

440-485

535-590

2010-2030

- 30 à + 5

2,8-3,2

0,6-1,9

21

IV

485-570

590-710

2020-2060

+ 10 à + 60

3,2-4,0

0,6-2,4

118

V

570-660

710-855

2050-2080

+ 25à + 85

4,0-4,9

0,8-2,9

9

VI

660-790

855-1 130

2060-2090

+ 90 à + 140

4,9-6,1

1,0-3,7

5

Source : GIEC, rapport 2007.

La stabilisation des concentrations de dioxyde de carbone à 450 ppm suppose une réduction de 25 à 40 % des émissions des pays développés et une déviation importante de celles des pays en développement par rapport à la tendance actuelle.

Le quatrième rapport du GIEC souligne l’existence d’un potentiel économique important d’atténuation des émissions. En 2006, le rapport Stern(5) a conclu que les coûts économiques du changement climatique en 2050 pourraient atteindre de 5 à 20 % du PIB mondial par an, tandis que le stabilisation des émissions de GES ne représenterait qu’un coût équivalent à 1 % du PIB mondial par an. L’inaction en matière climatique coûtera donc plus cher que l’action.

II. DE KYOTO À COPENHAGUE

Le sommet de la terre de Rio en 1992 marque le début de la prise de conscience internationale des risques liés au changement climatique et de la nécessité d’une action globale. Il a débouché sur la signature de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), entrée en vigueur en 1994, qui constitue toujours le cadre international de la lutte contre le changement climatique. La Convention a une dimension quasi universelle, puisque 192 Etats l’ont ratifiée.

La Convention prévoit différentes actions de la part des Etats : collecte et partage d’informations, stratégies nationales en matière de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique, soutien financier et technologique aux pays en développement, coopération internationale pour l’adaptation. La Conférence des parties (COP), organe suprême de la Convention, se réunit au moins une fois par an pour évaluer son application et prendre les décisions nécessaires à cette application.

La Convention ne fixe pas d’objectifs de réduction ou de limitation des émissions gaz à effet de serre mais encourage seulement les pays industrialisés à stabiliser leur niveau d’émissions. Dès 1995, les Etats parties décidèrent donc de lancer des négociations afin d’obtenir des engagements plus précis et juridiquement contraignants de la part des pays industrialisés. Elles débouchèrent sur le protocole de Kyoto, signé le 11 décembre 1997.

A. Le protocole de Kyoto et son application

1. Des objectifs individuels et contraignants pour les Etats développés, à l’exception des Etats-Unis qui ne l’ont pas ratifié

Le protocole de Kyoto est entré en vigueur en février 2005, après sa ratification par la Russie. Il est aujourd’hui ratifié par 190 Etats. Les Etats-Unis, qui l’avaient signé en 1998, ne l’ont jamais ratifié, en raison de l’opposition du Sénat puis du changement de politique intervenu après l’arrivée au pouvoir de George W. Bush.

Le protocole fixe des objectifs individuels et juridiquement contraignants de réduction ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre aux Etats visés à l’annexe I de la Convention-cadre, c’est-à-dire aux Etats développés, y compris les pays de l’Est en transition vers une économie de marché dans les années 1990. Le protocole couvre la période 2008-2012, pour laquelle il prévoit en moyenne pour 37 pays industrialisés une réduction des gaz à effet de serre de 5 % par rapport à 1990, l’année de référence.

Les objectifs varient selon les pays : - 8 % globalement pour l’Union européenne, - 6 % pour le Canada et le Japon, stabilisation pour la Russie et + 8 % pour l’Australie. Les Etats-Unis n’ayant pas ratifié le protocole, ils ne sont pas liés par l’objectif de - 7 % qui leur était assigné.

Pour faciliter la réalisation des objectifs de réduction et de limitation des gaz à effet de serre, le protocole de Kyoto prévoit, pour les pays de l’annexe I, la possibilité de recourir à des mécanismes « de flexibilité » en complément des politiques et mesures qu'ils devront mettre en œuvre au plan national. Ces mécanismes sont au nombre de trois :

le système international d’échange de permis d'émission : cette disposition permet la vente ou l’achat de droits à émettre entre pays industrialisés ;

la « mise en œuvre conjointe » (MOC) qui permet, entre pays liés par les objectifs du protocole de Kyoto, de procéder à des investissements sur des projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de bénéficier des crédits d'émission générés par les réductions ainsi obtenues. Les projets sont principalement menés en Europe de l’Est et en Russie ;

le « mécanisme de développement propre » (MDP), proche du dispositif précédent, à la différence que les investissements sont effectués dans les pays en développement.

2. Une application insuffisante

Les Etats de l’annexe I communiquent annuellement au secrétariat de la Convention la comptabilisation de leurs émissions. Les accords de Marrakech, conclus en 2001, fixent les règles et les procédures, complexes, de contrôle du respect des obligations du protocole.

Le tableau suivant montre que de nombreux Etats (en particulier l’Australie, le Canada et, dans une moindre mesure, le Japon) ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris en ratifiant le protocole. Les progrès réalisés par rapport à 1990 s’expliquent en grande partie par l’effondrement de l’ancien bloc soviétique.

Evolution des émissions des pays de l’annexe I par rapport aux objectifs du protocole de Kyoto

Pays

Objectif du protocole de Kyoto

(%)

Evolution des émissions 1990-2007 hors UTCATF*
(%)

Australie

+ 8

30,0

Canada

- 6

26,2

Croatie

- 5

3,2

Etats-Unis

- 7

16,8

Islande

+ 10

31,8

Japon

- 6

8,2

Liechtenstein

- 8

6,1

Luxembourg

- 8

- 1,6

Monaco

- 8

- 9,3

Norvège

+ 1

10,8

Nouvelle-Zélande

0

22,1

Russie

0

- 33,9

Suisse

- 8

- 2,7

UE-15

- 8

- 4,3

UE-12

 

- 25

UE 27

 

-9,3

Ukraine

0

- 52,9

(*) Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et foresterie.

Source : CCNUCC et Agence européenne de l’environnement.

Dans l’Union européenne, la décision du Conseil de 2002 approuvant le protocole(6) et une décision de la Commission européenne de 2006(7) pour les nouveaux Etats membres répartissent l’effort global de réduction des émissions entre les Etats membres en fonction de leur croissance économique, de leur bouquet énergétique et de la structure de leur industrie.

Le tableau suivant indique les objectifs par Etat membre et les résultats obtenus en 2007 par rapport à 1990.

Objectifs des Etats membres de l’Union européenne dans le cadre du protocole de Kyoto et évolution 1990-2007

Etat

Objectif de Kyoto (%)

Evolution des émissions 1990-2007 (%)

Allemagne

- 21

- 21

Autriche

- 13

+ 11

Belgique

- 7,5

- 8,3

Bulgarie

- 8

- 36

Chypre

pas d’objectif

+ 85

Danemark

- 21

- 3,5

Espagne

+ 15

+ 54

Estonie

- 8

- 47

Finlande

0

+ 11

France

0

- 5,6

Grèce

+ 25

+ 25

Hongrie

- 6

- 23

Irlande

+ 13

+ 25

Italie

- 6,5

+ 7,1

Lettonie

- 8

- 55

Lituanie

- 8

- 50

Luxembourg

- 28

- 1,6

Malte

pas d’objectif

+ 49

Pays-Bas

- 6

- 2,1

Pologne

- 6

- 13

Portugal

+ 27

+ 38

République tchèque

- 8

- 23

Roumanie

- 8

- 37

Royaume-Uni

- 12,5

- 17

Slovaquie

- 8

- 36

Slovénie

- 8

+ 12

Suède

+ 4

- 9,1

UE-15

- 8

- 4,3

UE-12

 

- 25

UE-27

 

- 9,3

Source : Agence européenne de l’environnement.

Selon le rapport publié le 12 novembre dernier par l’Agence européenne de l’environnement (AEE)(8), les émissions de l’Union européenne ont décliné en 2008 pour la quatrième année consécutive et ont atteint leur plus bas niveau depuis 1990. L’UE-15 a réduit ses émissions en 2008 de 6,2 % par rapport à 1990 et cinq Etats membres (France, Allemagne, Suède, Grèce et Royaume-Uni) ont déjà atteint des niveaux d’émission inférieurs à leur objectif de Kyoto. L’AEE estime que la tendance actuelle conduira à une réduction des émissions de l’UE-15 de 6,7 % en 2012, tandis que des mesures supplémentaires permettraient d’atteindre une réduction de 9 %. Enfin, les Etats d’Europe centrale et orientale atteindront les objectifs de Kyoto ou les dépasseront.

B. Le plan d’action de Bali a lancé un nouveau cycle de négociations

A Bali en décembre 2007, les Parties à la Convention-cadre ont adopté un plan d’action visant à aboutir à un accord lors de la Conférence de Copenhague sur le régime qui succédera au protocole de Kyoto après 2012.

Le plan d’action de Bali engage le processus de négociation, qu’il organise sur la base de cinq grands blocs :

1) Un objectif global de long terme de réduction des émissions, qui n’est pas fixé à ce stade ; aucune référence n’est faite à un objectif de moyen terme ;

2) L’atténuation : une action renforcée est jugée nécessaire. Celle-ci doit reposer sur des objectifs chiffrés de limitation et de réduction des émissions des pays développés, qui soient comparables, compte tenu des situations nationales différentes. Des mesures d’atténuation nationales appropriées doivent être prises dans les pays en développement, dans le cadre d’un développement durable et soutenues par des moyens financiers, technologiques et un renforcement des capacités. Ces actions devront être mesurables, notifiables et vérifiables ;

3) L’adaptation : le plan d’action insiste sur la coopération internationale pour soutenir les actions d’adaptation aux effets du changement climatique ;

4) La coopération technologique en faveur des pays en développement pour l’atténuation et l’adaptation ;

5) Le financement des actions d’adaptation et d’atténuation dans les pays en développement.

DEUXIÈME PARTIE :
LA POSITION DE L’UNION EUROPÉENNE FAIT D’ELLE LE LEADER DE LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

Avec le paquet énergie-climat, adopté sous présidence française en décembre 2008, l’Union européenne s’est dotée d’une législation ambitieuse et complète pour la période de l’après-2012. Ce cadre lui permet aujourd’hui de jouer un rôle moteur dans les négociations pour Copenhague, renforcé par le mandat délivré par le Conseil européen d’octobre 2009.

I. LE PAQUET ÉNERGIE-CLIMAT FIXE UN CADRE SOLIDE

Afin de respecter les objectifs du protocole de Kyoto, l’Union européenne a adopté en 2003 un système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE)(9). Ce système est mis en œuvre depuis 2005 et le sera jusqu’à 2012, fin de la période que couvre le protocole.

Le paquet énergie-climat, proposé par la Commission européenne en janvier 2008, puis adopté par le Parlement européen en décembre 2008 et formellement par le Conseil en avril 2009, anticipe la période post-Kyoto.

Le présent rapport ne reviendra pas en détail sur les dispositions du paquet énergie-climat, qui ont fait l’objet en novembre 2008 du rapport déjà cité de la Commission des affaires européennes. Il rappellera simplement les grandes lignes de cette nouvelle législation puis les enjeux et les échéances de sa mise en œuvre.

A. Une législation ambitieuse et complète

Le paquet énergie-climat repose sur des objectifs très ambitieux, résumés par la règle des « trois fois vingt » d’ici 2020 :

- réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ;

- augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique ;

- proportion de 20 % d’énergies renouvelables dans la production d’énergie.

Le paquet se compose de quatre textes :

- une directive révisant la directive n°2003/87/CE établissant un système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre afin d’étendre son champ d’application et de modifier les modalités d’allocation(10) ;

- une décision sur le partage des efforts entre Etats membres(11), visant les secteurs non couverts par le SCEQE ;

- une directive sur les énergies renouvelables(12) ;

- une directive sur le stockage géologique du dioxyde de carbone(13).

1. Directive sur le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SCEQE)

La directive établit deux régimes différents selon que les secteurs industriels sont exposés ou non au risque de fuite de carbone.

Pour les secteurs non exposés au risque, 20 % des quotas devront être mis aux enchères en 2013, puis 70 % en 2020 et la totalité en 2025.

En fonction des résultats des négociations internationales, les secteurs exposés au risque de fuite de carbone bénéficieront de 100 % de quotas gratuits à hauteur d’une valeur d’émission de référence fixée en fonction de la meilleure technologie disponible. Cette disposition repose sur la volonté d’éviter des délocalisations vers des pays non soumis à des restrictions d’émissions.

Les secteurs exposés au risque de fuite de carbone sont définis par la Commission européenne à partir de deux critères : les surcoûts liés à la mise en œuvre de la directive et l’exposition à la concurrence internationale. La liste des secteurs exposés au risque fera l’objet d’un réexamen par la Commission européenne tous les cinq ans.

La Commission européenne présentera au plus tard le 30 juin 2010 un rapport au Parlement et au Conseil dans lequel elle analysera, en fonction des résultats des négociations internationales, si certains secteurs sont exposés au risque de fuite de carbone. Elle proposera des mesures telles que :

- l’allocation gratuite de 100 % des quotas ;

- la conclusion d’accords sectoriels internationaux ;

- l’inclusion des importations des pays tiers dans le système européen d’échange de quotas d’émissions (mécanisme d’inclusion carbone aux frontières). Le présent rapport reviendra sur cette dernière possibilité, qui est soutenue par la France.

Concernant le secteur de l’électricité, la directive prévoit la mise aux enchères intégrale des quotas dès 2013.

Des dérogations bénéficieront aux Etats d’Europe centrale et orientale : 30 % seulement des quotas seront mis aux enchères en 2013 et cette proportion augmentera progressivement jusqu’à 100 % en 2020. En contrepartie, chacun de ces Etats devra soumettre à la Commission européenne un plan d’investissements pour la remise à niveau des infrastructures énergétiques, les énergies propres et la diversification du bouquet énergétique.

La quantité totale de quotas a été ventilée entre les Etats membres selon une clé de répartition complexe, fondée à 88 % sur le niveau d’émissions historiques de chaque Etat, et à 12% sur une base redistributive, définie à partir des niveaux relatifs de PIB et des efforts précoces réalisés pour la réduction des émissions.

2. Décision sur le partage des efforts

La décision sur le partage des efforts vise les secteurs non couverts par le SCEQE comme les transports (hors aviation, qui sera intégrée dans le SCEQE à partir de 2012)(14), les bâtiments, les services, l’agriculture et les déchets. L’objectif est une réduction de 10 % des émissions par rapport au niveau de 2005. Les efforts sont répartis entre les Etats membres en fonction des niveaux de PIB.

3. Directive sur les énergies renouvelables

La directive fixe un objectif de 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de l’Union européenne d’ici 2020. Les objectifs nationaux définis pour chaque Etat membre ont un caractère contraignant mais les trajectoires sont indicatives. Dans le secteur des transports, l’objectif est d’atteindre une part d’énergies renouvelables de 10 % d’ici 2020.

4. Directive sur le captage et le stockage géologique du dioxyde de carbone

La directive fixe un cadre juridique pour le développement de la technique de captage et de stockage du carbone (CSC).

Le règlement établissant un programme d’aide à la relance économique par l’octroi d’une assistance financière communautaire à des projets dans le domaine de l’énergie(15) a identifié treize projets de captage et stockage du carbone, qui bénéficieront d’un financement de 1,050 milliard d’euros.

Dans le cadre de la directive SCEQE, jusqu’à 300 millions de quotas seront disponibles jusqu’au 31 décembre 2015 afin de contribuer au lancement d’un maximum de douze projets de démonstration de captage et de stockage du carbone, ainsi que de projets de démonstration concernant des technologies innovantes liées aux énergies renouvelables.

B. Les travaux d’application en cours

La directive SCEQE prévoit que la liste des secteurs exposés au risque de fuite de carbone est fixée selon la procédure de comitologie avec contrôle (vote en comité et contrôle du Conseil et du Parlement européen), avec un examen par le Conseil européen.

Le comité du changement climatique a adopté en septembre dernier une liste de 164 secteurs(16), ce qui correspond à 75 % de la totalité des secteurs industriels. Le Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 a pris note de cette liste, tout en rappelant que la directive SCEQE prévoyait la possibilité de rajouter un secteur sur la base de nouvelles informations. La liste devra être définitivement adoptée avant la fin de l’année.

La Commission européenne devra présenter l’analyse des résultats des négociations internationales et faire des propositions pour les secteurs exposés au risque avant le 30 juin 2010.

Par ailleurs, la Commission européenne a organisé une consultation sur les modalités d’organisation des enchères qui s’est achevée en août dernier. La France est favorable à la mise en place d’une seule plateforme d’enchères, ce qui correspond aux recommandations de la commission présidée par M. Jean-Michel Charpin dans son rapport de juillet 2009(17). Le règlement sur l’organisation des enchères devra être adopté avant juin 2010.

Les montants des allocations soumis aux enchères seront fixés par la Commission européenne avant le 31 décembre 2010.

II. UNE POSITION FORTE POUR COPENHAGUE

Les engagements pris dès décembre 2008 par l’Union européenne dans le paquet énergie-climat constituent le socle de sa position dans les négociations internationales. Ils lui confèrent une forte crédibilité dans ces négociations et un rôle moteur au plan mondial.

La position de l’Union européenne en vue de Copenhague s’est précisée au cours de l’année 2009, sur la base de la communication de la Commission européenne du 28 janvier 2009 intitulée : « Vers un accord global en matière de changement climatique à Copenhague »(18). Le Conseil Environnement du 21 octobre 2009 a adopté des conclusions détaillées sur la position de l’Union européenne. Elles ont été confirmées par le Conseil européen des 29 et 30 octobre, qui a tranché certaines questions délicates. Ces conclusions permettent à l’Union européenne d’aborder la Conférence de Copenhague avec un mandat clair et une position forte.

Le Parlement européen a adopté le 25 novembre une résolution(19) soutenant la position de l’Union européenne pour Copenhague et demandant un accord ambitieux et juridiquement contraignant.

A. Des objectifs d’atténuation ambitieux

L’Union européenne souhaite que l’accord de Copenhague permette de limiter le réchauffement à 2°C d’ici 2050, conformément aux recommandations du GIEC, ce qui implique une réduction d’au moins 50 % des émissions mondiales par rapport à 1990, dont une réduction d’au moins 80 % des émissions des pays développés.

D’ici 2020, l’Union européenne demande une réduction de 25 à 40 % des émissions des pays développés. Elle-même s’est engagée à porter de 20 à 30 % la réduction de ses émissions d’ici 2020 « pour autant que d’autres pays développés s’engagent à atteindre des niveaux de réduction comparables et que les pays en développement apportent une contribution adaptée à leurs responsabilités et à leurs capacités respectives ».

Les critères que l’Union entend utiliser pour définir la comparabilité des engagements des pays développés sont les suivants :

- la capacité de financer des réductions d'émissions au niveau national et d'acquérir des unités de crédit d'émission auprès de pays en développement ;

- le potentiel de réduction des émissions ;

- les mesures précoces prises au niveau national ;

-  l'évolution démographique et le total des émissions.

Les conclusions du Conseil environnement appellent à une déviation de la croissance des émissions des pays en développement de 15 à 30 % par rapport à la tendance actuelle. Des mesures d’atténuation ambitieuses sont demandées aux pays en développement avancés, ainsi que des seuils et des objectifs sectoriels destinés à être intégrés à l’accord de Copenhague. Le Conseil souligne que « dans plusieurs pays en développement avancés, de telles mesures conjuguées pourraient conduire à réduire d’ici 2020 les émissions de 30 % au moins en deça du taux de croissance des émissions prévu actuellement ».

B. Des avancées sur le financement des actions dans les pays en développement

Le Conseil européen des 29 et 30 octobre a permis certaines avancées sur la difficile question du financement des actions d’adaptation et d’atténuation dans les pays en développement, un élément-clé des négociations internationales.

La Commission européenne, dans sa communication du 10 septembre 2009(20), estime que les coûts annuels de la lutte contre le changement climatique pour les pays en développement seront de l’ordre de 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 et qu’un financement public de 22 à 50 milliards d’euros par an sera nécessaire. La contribution de l’Union européenne est évaluée à 2 à 15 milliards d’euros par an. De plus, la Commission européenne préconise un financement à mise en œuvre rapide pendant la période 2010-2012 s’élevant à 5 à 7 milliards d’euros par an, avec une contribution de l’Union européenne se situant entre 500 millions et 2,1 milliards d’euros par an.

Alors que le Conseil « Economie et finances » en charge de la question du financement n’était pas parvenu à un accord lors de sa réunion du 20 octobre 2009, le Conseil européen a permis des progrès. Les estimations de la Commission européenne sur le coût mondial de l'aide aux pays en développement et sur la part d'aide publique ont été approuvées. En revanche, aucun chiffre n’a été arrêté à ce stade pour la contribution de l’Union européenne.

Le Conseil européen estime que les pays développés et les pays en développement les plus avancés devraient participer au financement, selon une clé de répartition mondiale fondée sur deux critères : les niveaux d’émission et le PIB.

Il prend acte de l'estimation de la Commission selon laquelle 5 à 7 milliards d'euros par an seront nécessaires dès 2010-2012 pour les pays en voie de développement mais subordonne la contribution européenne aux engagements des autres Etats et aux résultats de Copenhague. Les contributions des Etats membres à ce financement auraient un caractère volontaire.

Enfin, les conclusions du Conseil européen soulignent que le financement destiné à la lutte contre le changement climatique ne doit pas réduire l’aide au développement ni la réalisation des Objectifs du Millénaire. Comme le souhaitait la France, il est fait référence à des financements novateurs en faveur du développement durable. Ces financements pourraient prendre la forme d’une taxe sur les mouvements de capitaux(21).

C. Un champ d’application large

L’Union européenne s’est prononcée en faveur d’un champ d’application du futur accord plus large que celui du protocole de Kyoto.

1. La question des forêts

La déforestation est responsable de 15 à 20 % des émissions mondiales de GES. L’article 4 de la CCNUCC prévoit que les Etats protègent et renforcent leurs puits et réservoirs de gaz à effet de serre. Pourtant, le régime actuel de l’utilisation des terres, de leur changement d’affectation et de la foresterie (UTCATF) n’est pas satisfaisant. Le plan d’action de Bali prévoit que la réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation des forêts (REDD) devra être l’un des éléments du régime post-2012.

Plusieurs questions se posent.

Actuellement, le protocole de Kyoto prévoit que les pays développés doivent déclarer les émissions et absorptions résultant du déboisement, du boisement et du reboisement. Celles résultant d’autres activités, comme la gestion des forêts, peuvent être déclarées sur une base volontaire (mais le choix d’un Etat de les déclarer est définitif). En pratique, les Etats choisissent de déclarer d’autres activités si elles conduisent à des absorptions de carbone.

Les règles de comptabilisation retenues dans le cadre du protocole de Kyoto (méthode brut-net) pour les secteurs du boisement, du déboisement, du reboisement et de la gestion des forêts permettent aux Etats de l’annexe I de comptabiliser les flux nets sans les comparer à ceux d’une année de référence, comme c’est la règle pour les autres émissions. Bien que le volume des absorptions résultant de la gestion des forêts soit plafonné, leur prise en compte selon la méthode actuelle de comptabilisation a pour effet de réduire l’effort global de réduction des émissions des Etats concernés.

Les conclusions du Conseil environnement du 21 octobre 2009 affirment que les futures règles de comptabilisation de la gestion des forêts devront préserver l’intégrité environnementale de l’accord de Copenhague, tout en conservant une flexibilité. Elles soutiennent une évolution vers une comptabilisation à partir d’une période de référence (méthode net-net) mais laissent des marges de négociation importantes. Cette position de compromis s’explique par le fait que des divergences subsistent entre Etats membres, les Etats ayant des industries forestières souhaitant conserver un régime particulier. La France est favorable à une comptabilisation transparente qui incite véritablement à réduire les émissions.

Le soutien aux actions de REDD dans les pays en développement est un des points importants des négociations internationales. Plusieurs sujets sont débattus, notamment ceux de la mesure des émissions et des mécanismes de financement. L’Union européenne soutient un objectif de réduction de la déforestation tropicale brute d’au moins 50 % d’ici 2020 par rapport aux niveaux actuels et l’arrêt d’ici 2030 de la diminution du couvert forestier mondial. Elle est favorable à un système de mesure des réductions d’émissions par rapport à un niveau de référence national, évalué et vérifié de manière indépendante, et fixé sur la base de tendances historiques et de projections, ainsi qu’à l’intégration à moyen ou long terme des réductions au marché international du carbone.

2. La prise en compte de l’agriculture

L’augmentation des émissions liées à l’agriculture s’explique par une demande alimentaire mondiale de plus en plus importante, résultant de la croissance démographique (selon les projections, la population mondiale devrait dépasser 9 milliards de personnes en 2050). Cependant, des pratiques agricoles durables permettent la capture de carbone dans les sols. L’Union européenne demande que le futur accord prenne en compte l’agriculture et encourage l’agriculture durable, particulièrement dans les pays en développement.

3. L’inclusion des secteurs du transport maritime et aérien

L’Union européenne soutient l’adoption d’objectifs mondiaux fixés par la CCNUCC de - 10 % d’émissions pour le transport aérien et de - 20 % pour le secteur maritime. Elle demande une action dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et de l’Organisation maritime internationale (OMI), dans la perspective d’un accord qui serait approuvé d’ici 2011.

D. Certains points devront être précisés

1. Le « partage du fardeau » entre Etats membres

La question du « partage du fardeau » représenté par le financement des actions dans les pays en développement entre Etats membres de l’Union n'a pas été réglée lors du dernier Conseil européen. Les Etats d'Europe centrale et orientale, dépendants du charbon, souhaitent que le critère du PIB soit retenu et non celui des émissions. Un groupe de travail a été créé sur proposition de la France et de l’Allemagne.

2. Le sort des surplus de crédits d’émissions après 2012

Du fait de l’effondrement de l’ancien bloc soviétique, une grande quantité de crédits d’émissions alloués dans le cadre du protocole de Kyoto (« unités de quantité attribuée ») n’ont pas été utilisés par les Etats membres d’Europe centrale et orientale, et les Etats tiers comme la Russie et l’Ukraine. Leur report après 2012, et donc la possibilité de les vendre sur le marché international du carbone, pourrait considérablement affaiblir les engagements des Etats en matière de réduction et de limitation des émissions et réduire la portée du futur accord.

Les Etats membres d’Europe centrale et orientale détiennent 20 % du surplus total, tandis que la Russie et l’Ukraine ont les excédents les plus importants.

Au sein de l’Union européenne, les pays qui détiennent des surplus souhaitent pouvoir continuer à les vendre après 2012. Les conclusions du Conseil européen ne règlent pas cette question mais affirment que la gestion du surplus ne devra pas affecter l’intégrité environnementale du futur accord. La question devra être réglée selon un principe d’égalité entre pays européens et non européens, ce qui la renvoie aux négociations qui auront lieu à Copenhague.

3. La mise en oeuvre d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières en cas d’échec de Copenhague

Notre assemblée, dès avril 2006, à travers la mission d’information sur l’effet de serre (mise en place par la Conférence des Présidents du 4 octobre 2005), présidée par M. Jean-Yves Le Déaut et dont Mme Nathalie Kosciusko-Morizet était rapporteure, avait évoqué l’idée d’une « taxe carbone » aux frontières. La mission d’information avait, en effet, retenu parmi ses propositions, l’idée d’introduire, sur la base des travaux menés à ce sujet par l’université de Cambridge, une réflexion au niveau européen sur l’instauration éventuelle d’un mécanisme d’ajustements à la frontière (AFF) permettant de compenser la perte de compétitivité susceptible de découler de l’instauration d’une taxe carbone en Europe, tout en restant conforme aux dispositions de l’OMC.

Dans cet esprit, lors des débats ayant conduit à l’adoption du paquet énergie-climat en 2008, la France a défendu la nécessité de traiter le risque de fuite de carbone et l’inscription dans la directive SCEQE de la possibilité de recourir à un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières. Si un tel mécanisme était mis en œuvre, les importateurs des pays tiers n’ayant pas pris d’engagement international en matière d’émissions devraient acheter des quotas d’émission dans le cadre du SCEQE.

Le but d’un tel mécanisme est d’assurer des conditions de concurrence équitables. Il n’est pas souhaitable que l’industrie européenne soit pénalisée par rapport aux pays tiers si ceux-ci ne se fixent pas de contrainte en matière d’émissions de GES ou si leurs contraintes sont insuffisantes. Il viserait également à maintenir l’efficacité environnementale des engagements de l’Union européenne, en évitant un déplacement des émissions vers les pays ayant moins de contraintes.

Aux Etats-Unis, la proposition de loi des parlementaires Waxman et Markey (American Clean Energy and Security Act) votée par la Chambre des Représentants prévoit qu’en l’absence d’un accord international en 2018, un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières pourra être mis en œuvre par le Président après le vote d’une résolution par les deux chambres.

Dans une lettre adressée au Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-Moon, le 18 septembre 2009, la Chancelière Mme Angela Merkel et le Président de la République M. Nicolas Sarkozy ont souligné la nécessité de mettre en place des « mesures d’ajustement appropriées » visant les pays qui ne souscriraient pas au futur accord ou ne le respecteraient pas.

Cependant, une majorité d’Etats membres de l’Union européenne ne juge pas opportun un tel système, car ils y voient un instrument de protectionnisme. La Commission européenne est également réticente et privilégie les autres options prévues dans le paquet énergie-climat.

Les conclusions du Conseil européen des 29 et 30 octobre comportent un paragraphe consacré à la question des fuites de carbone : «  Le Conseil européen rappelle que le risque de fuite de carbone est analysé et pris en compte dans la nouvelle directive concernant le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (directive 2009/29/CE), de sorte que, pour préserver l'intégrité environnementale des politiques de l'UE, en fonction du résultat des négociations internationales et des réductions des émissions mondiales de gaz à effet de serre qui pourraient en découler, il est possible d'envisager des mesures adéquates, dans le respect des règles du commerce international. La conclusion d'un accord international ambitieux reste la meilleure façon de traiter cette question. » Il s’agit bien entendu d’une formule de compromis, mais celle-ci contient une référence implicite au mécanisme d’inclusion carbone défendu par la France.

La question de la compatibilité d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières avec les règles commerciales internationales est fréquemment évoquée par les adversaires d’un tel dispositif. Un rapport publié conjointement par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en juin dernier(22) indique qu’un mécanisme aux frontières dans un objectif de préservation du climat pourrait être compatible avec les règles de l’OMC. L’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) prévoit en effet la possibilité d’exemptions des règles du GATT si les mesures sont justifiées par la protection de l’environnement. En tout état de cause, l’appréciation de la compatibilité avec les règles de l’OMC relèverait de la jurisprudence. Le directeur général de l’OMC, M. Pascal Lamy, a d’ailleurs précisé après la publication du rapport dans une interview(23) que l’OMC n’avait pas approuvé un tel dispositif.

TROISIÈME PARTIE :
LES NÉGOCIATIONS INTERNATIONALES : DES AVANCÉES TARDIVES MAIS UN NIVEAU D’AMBITION QUI RESTE INSUFFISANT

I. DE LONGUES NÉGOCIATIONS QUI ONT PRODUIT PEU DE RÉSULTATS

A. Les négociations sous l’égide des Nations unies 

Le plan d’action de Bali a ouvert un cycle de négociations sous l’égide des Nations Unies, dans le but de parvenir à un accord lors de la conférence de Copenhague.

A mi-chemin entre la conférence de Bali et celle de Copenhague, la conférence de Poznan en décembre 2008 n’a permis que quelques avancées. Ainsi, les Parties ont trouvé un accord pour rendre opérationnel le fonds d’adaptation créé par le protocole de Kyoto en faveur des pays les plus vulnérables. Mais les fonds disponibles, de l’ordre de 300 à 600 millions de dollars d’ici 2012, provenant d’un prélèvement de 2 % sur les MDP, restent très limités.

De multiples sessions de négociation se sont tenues en 2008 et 2009, mais celles-ci n’ont pas permis de progresser suffisamment sur les enjeux principaux de Copenhague. Tous les acteurs des négociations ont souligné depuis plusieurs mois le manque d’impulsion politique et le risque d’un échec de la conférence de Copenhague.

B. Le G8 et le Forum des économies majeures, enceintes de négociation parallèles

Parallèlement aux négociations dans le cadre des Nations Unies, des discussions sont menées au sein de deux forums internationaux :

- le G8, qui regroupe les Etats-Unis, le Japon, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni, le Canada et la Russie ;

le Forum des économies majeures (FEM), qui réunit les membres du G8, ainsi que la Chine, la Corée du Sud, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Australie, l’Indonésie et le Danemark, pays hôte de la conférence de Copenhague. Le FEM a été créé à l’initiative des Etats-Unis comme enceinte de discussion sur le climat. Les pays participants représentent 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Le G20 est également amené à aborder la question du financement international de la lutte contre le changement climatique.

C. Un accord très partiel sur la vision de long terme

Les pays du G8, lors de leur réunion de l’Aquila du 8 au 10 juillet 2009, ont trouvé un accord sur deux points essentiels :

- la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle ;

- un engagement à réduire de moitié les émissions mondiales de gaz à effte de serre d’ici 2050 et d’au moins 80 % celles des pays développés, par rapport à 1990 ou « une année plus récente ».

Il s’agit d’avancées incontestables pour un futur accord à Copenhague mais leur portée reste cependant limitée, puisqu’aucun objectif intermédiaire à l’horizon 2020 n’a été fixé. Pour le pays développés, des réductions « robustes » et en ligne avec les objectifs de long terme ont été jugées nécessaires et pour les pays en développement une déviation significative par rapport au statu quo.

Le FEM réuni le 9 juillet n’a pu s’accorder que sur l’objectif des 2°C et non sur un objectif de réduction des émissions à long terme.

D. Une communauté de vues sur l’adaptation

Les négociations internationales ont permis de progresser sur la question de l’adaptation au changement climatique, qui devra être l’un des points essentiels du futur accord. Quel que soit le niveau d’ambition des actions d’atténuation, il faudra faire face aux conséquences du changement climatique. Les pays en développement, et particulièrement les pays les moins avancés, les petits Etats insulaires et les pays d’Afrique touchés par la sécheresse, la désertification et les inondations, sont les plus vulnérables.

Si la question des financements est l’un des points de blocage des négociations, un rapprochement des positions s’est opéré sur le cadre d’action global. Un rapport du Centre d’analyse stratégique sur les négociations climatiques(24) souligne les points de convergence : la mise en place de centres régionaux pour l’adaptation ; la publication périodique de stratégies nationales d’adaptation afin d’ajuster les financements ; le programme de travail de Nairobi sur les impacts, la vulnérabilité et l’adaptation au changement climatique. Ce programme, adopté en 2005 par la Conférence des Parties à la Convention-cadre, s’applique jusqu’en 2010.

Parallèlement, l’Union européenne mène une réflexion sur son propre cadre d’action. Le 1er avril 2009, la Commission européenne a publié un Livre blanc sur l’adaptation au changement climatique(25) qui décline des objectifs et des mesures pour renforcer ses capacités d’adaptation.

Les trois enjeux fondamentaux de Copenhague, l’engagement des pays développés, en particulier des Etats-Unis, celui des pays émergents et les moyens financiers et technologiques pour les pays en développement ne font toujours pas l’objet d’un accord.

II. LES OBJECTIFS ENCORE INSUFFISANTS DES PAYS DÉVELOPPÉS

A. Les Etats-Unis prêts a prendre un engagement politique a minima

Les rapporteurs se sont rendus à Washington en juin 2009, quelques jours avant le vote de la proposition de loi Waxman-Markey (American Clean Energy and Security Act) par la Chambre des représentants. Ils ont rencontré des parlementaires des deux chambres, ainsi que des représentants de l’administration.

La question de l’engagement des Etats-Unis en matière d’atténuation est absolument essentielle pour définir un futur régime qui permette de lutter efficacement contre le changement climatique. Les Etats-Unis sont en effet responsables de 20 % des émissions mondiales et leur niveau d’émissions par habitant, 20 tonnes d’équivalent CO2 par an, est l’un des plus élevés au monde.

La lutte contre le changement climatique était l’un des engagements de M. Barack Obama pendant sa campagne électorale et dès son élection, il a affirmé la volonté de la nouvelle administration de favoriser un réengagement des Etats-Unis dans les négociations internationales sur le climat.

Différentes initiatives témoignent de l’importance de ce sujet pour la nouvelle administration. Ainsi, le plan de relance prévoit 150 milliards de dollars d’investissement sur 10 ans en faveur des énergies alternatives. De nouvelles normes visant à une réduction importante de consommation pour les véhicules ont été fixées.

Cependant, le processus législatif visant à l’adoption d’objectifs de réduction des émissions de GES et à la mise en place d’un marché du carbone est plus long. Si la Chambre des représentants a d’ores et déjà voté un texte fixant des objectifs, la procédure au Sénat sur une proposition parallèle a pris du retard et le texte ne pourra pas être voté avant le printemps 2010. Les deux propositions devront ensuite converger vers un texte unique.

Or un engagement juridique des Etats-Unis à Copenhague est exclu sans accord préalable du Congrès. L’administration souhaite en effet éviter à tout prix la répétition de l’échec du protocole de Kyoto, qui avait été signé par l’exécutif mais auquel le Sénat s’était ensuite opposé. C’est pourquoi les Etats-Unis ont affirmé lors du sommet de l’APEC le 15 novembre dernier qu’il leur paraissait irréaliste de parvenir à un accord complet et juridiquement contraignant à Copenhague.

En revanche, la Maison Blanche a annoncé le 25 novembre que le Président Obama était prêt à proposer une réduction des émissions de l’ordre de 17 % d’ici 2020 par rapport à 2005, tout en précisant que l’objectif définitif devrait correspondre à la législation qui sera adoptée. Cet objectif ne représente que 4 % de réduction des émissions en 2020 par rapport à 1990, l’année de référence de Kyoto, les émissions des Etats-Unis ayant continué à augmenter entre 1990 et 2005. Il correspond à celui fixé par la proposition de loi Waxman-Markey (American Clean Energy and Security Act) adoptée par la Chambre des représentants le 26 juin 2009. Elle également fixe un objectif de réduction des émissions de 83 % en 2050 et une trajectoire passant par 30 % en 2025 et 42 % en 2030, chiffres repris dans l’annonce présidentielle.

La proposition prévoit la création d’un marché des émissions de carbone à partir de 2011 sur le modèle de celui créé par le Clean Air Act afin de lutter contre les pluies acides. 5 % des crédits devront être utilisés pour lutter contre la déforestation dans les pays en développement (ce qui pourrait permettre une réduction supplémentaire de dix points des émissions en 2020 par rapport à 2005). 80 % des quotas seraient dans un premier temps attribués gratuitement, la période de transition devant s’achever en 2025. Des crédits supplémentaires seraient disponibles pour les industries fortement consommatrices d’énergie exposées à la concurrence internationale. Enfin, les producteurs d’électricité devront assurer 20 % de la production d’électricité grâce aux énergies renouvelables et aux économies d’énergie d’ici 2020.

Le vote du 26 juin 2009 a été très serré : 219 voix pour et 212 contre, dont 44 représentants démocrates. Tous les interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs ont estimé que cela serait encore plus difficile au Sénat car 60 sénateurs sur 100 doivent soutenir le texte pour qu’il puisse être discuté. En outre, la Chambre des représentants obéit plus à une logique de parti que le Sénat, où les intérêts régionaux dominent. Enfin, la réforme du système de santé, également très difficile, est jugée prioritaire, tant par l’administration que par le Congrès.

La position du Sénat est déterminante pour l’administration car 67 voix sur 100 seront nécessaires pour obtenir la ratification d’un accord international sur le climat.

Au Sénat, la proposition de loi des sénateurs John Kerry et Barbara Boxer (Clean Energy jobs and american power Act), déposée le 30 septembre 2009, fixe des objectifs d’atténuation de moyen terme légèrement plus ambitieux que ceux adoptés par la Chambre des représentants : - 20 % en 2020 par rapport à 2005. Elle vise également à mettre en place un marché du carbone, dont les mécanismes sont proches de ceux prévus dans la proposition Waxman-Markey.

L’annonce pour la première fois par les Etats-Unis d’un objectif chiffré dans les négociations pour Copenhague est incontestablement un signe positif. Il signifie que, bien que le processus législatif ne soit pas achevé au Congrès, l’administration dispose d’un cadre politique lui permettant de s’engager dans les négociations. Cependant, l’objectif annoncé est très faible. Les Etats-Unis mettent l’accent sur la courbe de leur effort à partir de 2005, ce qui occulte le retard pris entre 1990 et 2005 par rapport à l’Union européenne.

B. La plupart des autres pays développés ont annoncé des objectifs moins ambitieux que l’Union européenne

En septembre 2009, le secrétariat de la CCNUCC estimait que les engagements de réduction des émissions d’ici 2020 annoncés par les pays de l’annexe I se situaient entre -15 et -21 % par rapport à 1990. Depuis, la Russie a fait savoir qu’elle était prête à proposer des objectifs plus ambitieux (- 20 à - 25 % au lieu de - 10 à - 15 %) et les Etats-Unis ont avancé leurs chiffres.

objectifs des pays développés d’ici 2020

Etat

% de réduction en 2020

Année de référence

Australie

- 5 % à - 25 %

2000

Biélorussie

- 5 % à - 10 %

1990

Canada

- 20 %

2006

Etats-Unis

- 17 %

2005

Islande

- 15 %

1990

Japon

- 25 %

1990

Nouvelle-Zélande

- 10 % à - 20 %

1990

Norvège

- 30 %

1990

Russie

- 20 % à - 25 %

1990

Suisse

- 20 % à - 30 %

1990

Ukraine

- 20 %

1990

UE à 27

- 20 % à - 30 %

1990

Ce tableau appelle quelques remarques.

Le niveau de réduction des émissions de la Russie, troisième émetteur mondial de GES, dépendra en grande partie du règlement de la question des unités de quantité attribuées, déjà évoquée par le présent rapport.

Les objectifs du Japon (- 25 % par rapport à 1990) sont ambitieux mais le bilan de l’application du protocole de Kyoto par ce pays peut amener à douter de sa capacité à les respecter.

Le Canada a fixé 2006 comme année de référence, alors que ses émissions ont continué à augmenter depuis. L’objectif annoncé ne correspond qu’à 3 % de réduction par rapport à 1990. Le Parlement canadien a récemment adopté une motion demandant un engagement de réduction de 25 % par rapport à 1990.

La fourchette annoncée par l’Australie (5 à 25 % de réduction d’émissions) est très large. De plus, l’adoption des propositions législatives internes relatives à la création d’un marché du carbone, sur lequel le gouvernement souhaite s’appuyer pour mettre en œuvre les réductions annoncées, se heurte à des difficultés : après avoir été rejetées par le Sénat en août, les propositions doivent faire l’objet d’un nouveau vote, pour lequel le gouvernement n’est pas assuré de disposer d’une majorité.

III. LES PAYS ÉMERGENTS ACCEPTERONT-ILS DES OBJECTIFS DE LIMITATION DE LA CROISSANCE DE LEURS ÉMISSIONS ?

Depuis les années 1990, époque à laquelle a été élaboré le protocole de Kyoto, la place des pays émergents (notamment Chine, Inde, Brésil, Corée du Sud, Indonésie) a évolué. En raison de leurs taux de croissance élevés et de l’importance de leurs populations, ces pays représentent une part de plus en plus importante des émissions mondiales.

Emissions mondiales de Co2 liées à la combustion d’énergie
(données de 2006)(
26)

En Mt CO2(*)

Part en %

Amérique du Nord

23,8

Canada

1,9

Etats-Unis

20,3

Mexique

1,5

Amérique latine

3,5

Europe et ex-URSS

24,2

UE à 27

14,2

dont : UE à 15

11,6

Autres pays hors UE à 27

9,9

dont : Russie

5,7

Afrique

3,1

Moyen-Orient

4,6

Extrême-Orient

35,9

dont : Chine

20,2

Corée du Sud

1,7

Inde

4,5

Japon

4,3

Océanie

1,5

dont : Australie

1,4

Soutes internationales maritimes et aériennes(*)

3,5

Monde

100,0

(*) Les émissions des soutes internationales maritimes et aériennes sont exclues des totaux nationaux.

Source : Ministère de l’écologie, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

En revanche, les niveaux d’émissions par habitant dans les pays développés restent supérieurs à ceux des pays émergents.

Emissions de Co2 liées à la combustion d’énergie par habitant dans le monde
(donnees de 2006, en tonnes de co2 par habitant)

Amérique du nord

15,2

Canada

16,5

Etats-Unis

19,0

Mexique

4,0

Amérique latine

2,1

Europe et ex-URSS

7,7

UE à 27

8,1

dont : UE à 15

8,3

hors UE à 27

7,3

dont : Russie

11,1

Afrique

0,9

Moyen-Orient

6,8

Extrême-Orient

2,8

dont : Chine

4,3

Corée du Sud

9,9

Inde

1,1

Japon

9,5

Océanie

17,3

dont : Australie

19,0

Monde

4,3

Source : Ministère de l’écologie, d’après l’AIE.

Il faut aujourd’hui que ces pays, qui ne sont pas liés par les objectifs de Kyoto, contribuent aux limitations et aux réductions d’émissions nécessaires pour limiter le réchauffement climatique.

A. La Chine favorable à un objectif domestique de réduction de son intensité carbone

En raison de sa croissance économique rapide, les émissions de la Chine ont augmenté de 151 % entre 1990 et 2006. Les émissions par habitant restent inférieures à celles des pays développés (4 tonnes par an, soit la moitié de la moyenne de l’Union européenne et cinq fois moins que les Etats-Unis) mais elles augmentent également à un rythme élevé. Le développement économique chinois s’appuie en effet sur les importantes réserves de charbon du pays. En 2008, la Chine a dépassé les Etats-Unis pour le total des émissions et elle est devenue le premier pays émetteur de GES au monde.

Le programme national sur le changement climatique adopté en 2007 et le 11ème plan quinquennal fixent plusieurs objectifs, déjà abordés dans le rapport d’information n°1260.

On peut rappeler trois de ces objectifs :

- réduire l’intensité énergétique de 20 % en 2010 par rapport à 2005 ;

- atteindre une proportion de 10 % d’énergies renouvelables dans la production d’énergie en 2010 et de 20 % en 2020 ;

- augmenter de 20 % la surface des forêts.

Par ailleurs, un programme spécifique lancé en 2006 impose aux 1000 entreprises les plus polluantes de substantielles réductions de leur intensité énergétique.

En 2008, la Chine a réduit son intensité énergétique de 4,6 % mais, comme l’indique le rapport du Centre d’analyse stratégique déjà cité, dans son chapitre consacré à la Chine : « il est cependant peu probable que l’engagement de réduire cet indicateur de -20 % par rapport à 2005 soit atteint en 2010, au vu du retard pris en 2006 et 2007 ».

Dans les négociations pour Copenhague, la Chine considère que les pays développés ont une responsabilité historique à l’égard des émissions et doivent les réduire massivement, mais aussi apporter un soutien financier et technologique aux pays en développement. Elle refuse l’idée d’objectifs juridiquement contraignants de limitation des émissions, tout en mettant l’accent sur ses efforts domestiques. Lors du sommet de l’ONU sur le climat du 22 septembre, le Président Hu Jintao avait annoncé un objectif chinois d’« inflexion » des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020, par rapport à 2005, sans préciser de chiffres. Après l’annonce d’objectifs par les Etats-Unis le 25 novembre, la Chine a réagi en faisant part d’un objectif de réduction de son intensité carbone (quantité d’émissions par point de PIB) de 40 à 45 % d’ici 2020 par rapport à 2005. Elle a précisé qu’il s’agissait d’une action volontaire.

Selon M. Fatih Birol, chef économiste de l’Agence internationale de l’énergie (AIE)(27), les efforts annoncés par la Chine pourraient représenter le quart de la réduction des émissions mondiales nécessaire pour limiter le réchauffement à 2°C d’ici 2050. L’objectif annoncé est donc très ambitieux. Sa présentation en termes d’intensité carbone témoigne de l’importance accordée par les autorités au développement économique. L’enjeu des négociations de Copenhague sera d’encourager l’acceptation par la Chine de véritables objectifs contraignants de réduction des émissions. Le rapport du Centre d’analyse stratégique souligne que cette avancée dépend de trois facteurs : le financement, les transferts technologiques et l’engagement des Etats-Unis mais conclut que, du fait des incertitudes sur sa trajectoire de croissance, il est peu probable que la Chine accepte des objectifs absolus de limitation de ses émissions.

B. L’Inde refuse tout objectif contraignant

Les rapporteurs se sont rendus en Inde au mois de septembre 2009. Ils ont rencontré le ministre de l’environnement M. Jairam Ramesh, l’envoyé spécial du Premier ministre pour le changement climatique, M. Shyam Saran, le président du GIEC, le Dr Rajendra K. Pachauri, ainsi que différents représentants des entreprises et des ONG.

Les émissions de gaz à effet de serre de l’Inde représentent 5 % des émissions mondiales et ont augmenté de 65 % depuis 5 ans. Le niveau d’émissions de CO2 par habitant, 1,2 tonne par an, est cependant l’un des plus faibles du monde.

L’Inde a bien conscience d’être directement menacée par le changement climatique, du fait de sa situation géographique : les inondations, les tempêtes, ainsi que la fonte des glaciers himalayens qui en résulteront auront de graves conséquences sanitaires, sociales et économiques pour le pays.

Dans la négociation internationale, l’Inde insiste sur la nécessité de son développement économique et social et refuse tout engagement international de déviation de la trajectoire de croissance de ses émissions de gaz à effet de serre. En revanche, elle souhaite mener au plan interne des actions volontaires de lutte contre le changement climatique, regroupées dans un plan national, qui n’est pas encore mis en œuvre.

Cette position officielle fait l’objet d’un large consensus exprimé par les différents interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs.

1. Un impératif de développement économique et social

La position de l’Inde sur le changement climatique est fondée sur l’impératif de développement social et économique. Actuellement, sur une population de 1,2 milliard de personnes, 800 millions vivent avec moins de 2 dollars par jour et 450 millions de personnes au moins n’ont pas accès à l’électricité.

M. Jairam Ramesh, ministre de l’environnement, a indiqué aux rapporteurs que les trois objectifs prioritaires du gouvernement étaient de maintenir une croissance économique de l’ordre de 8 % pendant les 25 prochaines années, de permettre l’accès de tous à l’électricité et de garantir la sécurité alimentaire.

Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement estime que, d’ici 2030, l’approvisionnement en énergie devra être multiplié par 3 à 4 et l’approvisionnement en électricité par 4 à 7. Il cherche à développer toutes les énergies disponibles car de fortes contraintes pèsent sur la sécurité énergétique du pays. Actuellement, les centrales thermiques assurent 65 % de la production électrique, le charbon représentant 55 % et le gaz 10 %. Les réserves de charbon sont estimées à 40 ans mais celui-ci est de mauvaise qualité. La dépendance extérieure pour le pétrole est de 70 %. L’Inde s’est fixé des objectifs de développement du nucléaire très ambitieux, puisqu’elle souhaite porter la capacité actuelle de 4GW à 20GW en 2020 et 63GW en 2032. Pour les énergies renouvelables, l’objectif est de 10 % d’ici 2012.

2. L’Inde pourrait annoncer un objectif d’atténuation non contraignant reposant sur ses actions nationales 

L’Inde estime que le changement climatique est principalement la conséquence des émissions passées des pays développés, et souligne que la plupart d’entre eux n’ont pas respecté les objectifs du protocole de Kyoto. Elle insiste sur le faible niveau de ses émissions par habitant ainsi que sur l’écart entre son niveau d’émissions (4 % des émissions mondiales) et celui de la Chine (16 %). Se fondant sur la notion d’équité, le Premier ministre M. Manmohan Singh a déclaré que les émissions de l’Inde par habitant ne dépasseront jamais la moyenne de celles des pays développés.

L’Inde demande que les pays développés s’engagent à des réductions d’émissions plus importantes que celles annoncées pour le moment. La position de l’Union européenne et le paquet énergie-climat sont cependant jugés positivement. Elle met l’accent sur ses besoins en matière de financement et de transfert de technologies et sur l’absence d’offre des pays développés dans la négociation. Elle a proposé la création d’un fonds mondial pour le transfert de technologies et une réforme du régime des droits de propriété intellectuelle.

L’Inde souligne également sa vulnérabilité au changement climatique et la nécessité de renforcer les moyens dévolus à l’adaptation, auxquels elle consacre déjà 1 % de son PIB.

Le 30 juin 2008, le Premier ministre M. Manmohan Singh a annoncé un plan d’action national sur le changement climatique créant 8 « missions nationales » dans les domaines suivants :

- l’énergie solaire : le gouvernement fixe un objectif de 20 000 mW d’énergie solaire d’ici 2020, soit 8 % de la capacité électrique ;

- l’efficacité énergétique : un objectif de 5 % de réduction de la consommation annuelle d’énergie est fixé. Le plan prévoit notamment un marché des certificats d’économies d’énergie pour les industries les plus consommatrices d’énergie ;

- l’habitat : ce volet inclut des actions sur l’efficacité énergétique des bâtiments, la gestion des déchets et l’urbanisme ;

- l’eau : des mesures d’économie, le recyclage des eaux usées et le développement de nouvelles technologies sont prévus;

- l’écosystème himalayen ;

- la forêt : un objectif de 6 millions d’hectares de reboisement est fixé ;

- l’agriculture : un effort d’adaptation au changement climatique est jugé nécessaire ;

- la recherche et développement : le plan vise à renforcer l’implication de la communauté scientifique et les mécanismes de financement.

Les deux missions prioritaires sont celles sur l’énergie solaire et sur l’efficacité énergétique. L’ensemble des documents détaillant les huit missions devrait être finalisé d’ici le mois de décembre 2009.

La position de l’Inde a évolué vers plus de flexibilité depuis le déplacement des rapporteurs, au cours duquel le ministre de l’environnement leur avait indiqué qu’il envisageait sans inquiétude un échec de Copenhague. Il a lui-même proposé récemment, dans une lettre au Premier ministre dont la presse a révélé des extraits, que l’Inde quitte le G77 et s’engage à limiter ses émissions mais la position officielle de l’Inde a été ensuite réaffirmée. En se fondant sur ses actions nationales, elle pourrait annoncer un objectif de limitation de ses émissions, à condition que celui-ci ne soit pas contraignant dans le cadre du futur traité. L’annonce d’un objectif par la Chine pourrait être un facteur déclencheur.

C. D’autres pays émergents sont prêts à s’engager

Le Brésil a annoncé qu’il prendrait l’engagement volontaire de réduire ses émissions d’ici 2020 de 36 à 39 % par rapport à la tendance actuelle. Il se fixe un objectif de réduction de 80 % de la déforestation, principal facteur d’émissions de GES et souhaite réduire le recours aux énergies fossiles.

Le 14 novembre dernier, la France et le Brésil ont adopté une position commune sur le changement climatique, témoignant de la possibilité d’un terrain d’entente entre pays développés et pays émergents. La déclaration conjointe affirme l’objectif de réduction des émissions mondiales de 50 % d’ici 2050 et la nécessité d’une déviation substantielle de l’augmentation des émissions des pays en développement par rapport au scénario courant. Les deux pays soulignent également que l’augmentation du financement public international est indispensable pour le succès de la Conférence de Copenhague.

Si l’on inclut les émissions provenant de l’utilisation des terres, la contribution de l’Indonésie aux émissions mondiales est très importante du fait de la déforestation. Le président indonésien a annoncé des objectifs de limitation des émissions de gaz à effet de serre de 26 % d’ici 2020 par rapport au scénario courant et de 41 % en cas de financement suffisant des pays développés.

La Corée du Sud s’est engagée à réduire ses émissions de 30 % d’ici 2020 par rapport à un scénario de référence.

IV. QUELS SERONT LES MOYENS FINANCIERS ET TECHNOLOGIQUES POUR LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT ?

A. La nécessité d’un financement plus important

Dans son rapport 2010 sur le développement(28), la Banque mondiale souligne que les pays en développement sont les plus vulnérables face au changement climatique et qu’ils devront assumer 75 à 80 % des coûts des dommages qu’il causera.

Or les niveaux de financement actuels sont insuffisants : à peine 10 milliards de dollars par an alors que la Banque mondiale estime les besoins par an d’ici 2030 à 75 milliards de dollars pour l’adaptation et 400 milliards de dollars pour l’atténuation.

Les négociations internationales, notamment dans le cadre du G20, n’ont pas permis d’avancer sur les sommes qui seront disponibles. Le contexte de crise économique n’est pas favorable à l’acceptation d’engagements ambitieux par les pays développés. L’Union européenne a pris position, en estimant les besoins de financement à 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 dont un financement public de 22 à 50 milliards d’euros.

B. Des mécanismes et une gouvernance à définir

1. L’avenir des mécanismes de marché

Le principal instrument de financement actuel de l’atténuation est le mécanisme de développement propre (MDP) créé par le protocole de Kyoto. D’après les estimations de la Banque mondiale, le MDP devrait avoir permis de dégager d’ici 2012 des financements de l’ordre de 18 milliards de dollars pour les pays en développement. A ce jour, il a permis la mise en œuvre de 4000 projets de réduction des émissions. Cependant, cet instrument est critiqué et il paraît nécessaire de renforcer son efficacité, son intégrité environnementale et sa gouvernance. En particulier, la détermination de l’additionnalité des projets devra être redéfinie : les projets MDP doivent financer des émissions de réduction supplémentaires par rapport à celles qui auraient été faites en leur absence et cette additionnalité est actuellement difficile à déterminer. De plus, les projets MDP ne sont pas répartis de façon équilibrée entre les pays en développement puisque, d’ici 2012, 75 % auront bénéficié à la Chine, à l’Inde et au Brésil.

L’Union européenne est favorable à une réforme du MDP et à des mécanismes de marché fondés sur des secteurs et non plus sur des projets. La Commission européenne a proposé de réserver aux PMA les mécanismes compensatoires, et de créer des mécanismes sectoriels à destination des pays émergents.

2. La possible création d’un « fonds vert »mondial

De nombreuses propositions sur le futur système de financement de la lutte contre le changement climatique ont été faites dans les négociations. Celles-ci sont détaillées dans une étude de la DGTPE de juin 2009(29). On peut en retenir deux principales :

- la proposition mexicaine de création d’un « fonds vert mondial » alimenté par l’ensemble des pays, à l’exception des PMA, selon une clé de répartition équitable (fondée sur les émissions, le PIB et la population) ;

- la proposition norvégienne d’affectation du produit des enchères sur les quotas des pays développés au financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.

Un accord se dessine en faveur de la proposition mexicaine de fonds mondial. Le G8 et le FEM de l’Aquila se sont prononcés pour une telle solution, qui est également soutenue par le G77. Cependant, les négociations ont peu avancé sur les mécanismes (critères de calcul des contributions des Etats, place des autres sources de financement).

3. Quelle gouvernance pour le futur système ?

Le tableau suivant recense les nombreux fonds existants de financement public de la lutte contre le changement climatique.

Fonds existants de financement public de la lutte contre le changement climatique

Atténuation

Adaptation

R et D et transfert de technologies

Fonds pour l’environnement mondial (FEM)

Fonds pour les technologies propres

Programme des Nations Unies pour la réduction des émissions liées à la déforestation (REDD)

Programme d’investissement pour la forêt

Forest Partnership Carbon facility (FCPF)

Fonds d’adaptation

FEM

Fonds pour les pays les moins avancés

Fonds stratégique pour le climat

Autres fonds bilatéraux et multilatéraux

FEM

Fonds pour la Terre (FEM et société financière internationale)

Fonds global pour l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables (UE)

Source : Banque mondiale, rapport sur le développement mondial 2010.

Le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) est l’instrument financier de la CCNUCC (mais aussi d’autres conventions internationales sur l’environnement). Sa cinquième reconstitution est prévue pour février 2010. Les activités du FEM concernent l’atténuation, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les forêts, les nouvelles technologies et l’adaptation. Les montants sont modestes : 250 millions de dollars par an mais ils devraient augmenter lors de la prochaine reconstitution. Le FEM administre également deux fonds pour l’adaptation : le Fonds pour les pays les moins avancés et le Fonds spécial pour les changements climatiques créés dans le cadre de la CCNUCC.

Le Fonds d’adaptation, opérationnel depuis décembre 2007, est financé par un prélèvement de 2 % sur le MDP. Il devrait aboutir à un financement de 300 à 600 millions de dollars sur la période 2008-2012.

La Banque Mondiale assure la gestion de deux fonds d’investissement climatique, le Fonds pour les technologies propres et le fonds stratégique pour le climat.

L’Union européenne souhaite que le futur système de financement s’appuie sur les institutions existantes car elle estime que la création de nouvelles structures compliquerait le système et serait une source de coûts administratifs supplémentaires. Elle demande par ailleurs que le financement repose sur un système de mesure, de notification et de vérification des actions des pays en développement au niveau international.

C. L’enjeu du transfert de technologies

La question du transfert de technologies est un sujet important dans la définition d’un accord international pour l’après 2012. Les actions d’atténuation et d’adaptation des pays en développement nécessiteront en effet le recours à des technologies vertes, faiblement émettrices de carbone. Il s’agit de favoriser la diffusion de technologies existantes, le développement de technologies qui sont encore à un stade de démonstration et d’encourager la recherche.

Au plan mondial, les budgets de recherche et développement alloués à l’énergie ont diminué de près de 50 % depuis le début des années 1980. Pour l’Union européenne, la Commission a récemment proposé un investissement supplémentaire de 50 milliards d’euros dans la R et D sur les technologies énergétiques à faible émission de carbone pour les dix prochaines années, soit presque un triplement des financements actuels(30).

La Convention-cadre et le protocole de Kyoto prévoient une coopération entre pays développés et pays en développement en matière de transfert de technologies respectueuses de l’environnement. La Conférence des parties de Marrakech en 2001 a décidé d’un cadre et d’un plan d’action pour le transfert technologique mis en œuvre avec des financements du Fonds mondial pour l’environnement.

Dans le cadre des négociations pour Copenhague, plusieurs pays en développement ont fait des propositions, comme la création d’un organisme chargé de ces questions dans le cadre de la CCNUCC ou celle d’un fonds multilatéral spécifique. Le FEM a lancé, lors de sa réunion de l’Aquila, l’idée d’un partenariat mondial pour encourager les technologies vertes mais celle-ci doit être précisée. Il a également fixé un objectif de doublement de l’effort de recherche d’ici 2015.

Dans ses conclusions du 21 octobre 2009, le Conseil environnement demande la définition d’objectifs technologiques mondiaux et de feuilles de route pour leur suivi, ainsi que la création d’un mécanisme dans le domaine des technologies regroupant les activités de soutien.

Les pays en développement lient la question du transfert de technologies à celle des droits de propriété intellectuelle (DPI). Cependant, les intérêts des pays en développement et ceux des pays émergents sont différents. Le rapport déjà cité du centre d’analyse stratégique souligne à cet égard une évolution de la position de la Chine, qui a abandonné ses demandes visant à amoindrir la protection des DPI, en raison de ses progrès technologiques et de son possible rôle de leader mondial dans l’avenir.

Les pays développés souhaitent maintenir un régime protecteur des DPI. Dans ses conclusions du 21 octobre 2009, le Conseil environnement insiste sur « la nécessité de protéger et de faire respecter les droits de propriété intellectuelle pour promouvoir l’innovation technologique et encourager les investissements du secteur privé ».

QUATRIÈME PARTIE :
LES CONDITIONS D’UN SUCCÈS DE COPENHAGUE

I. UN ACCORD CONTRAIGNANT, GLOBAL ET AMBITIEUX

A. La forme de l’accord

Comme l’affirment les conclusions du Conseil Environnement du 21 octobre 2009, la Conférence de Copenhague devrait permettre d’obtenir un accord juridiquement contraignant qui s’appliquerait à partir du 1er janvier 2013.

1. Faut-il conserver le protocole de Kyoto ou adopter un nouvel instrument global ?

La forme juridique que prendrait l’accord fait l’objet de débats. Depuis le début des négociations, deux groupes de travail ad hoc fonctionnent en parallèle : l’un dans le cadre de la Convention (Ad hoc working group on long term cooperative action under the convention ou AWG-LCA) et l’autre dans celui du protocole de Kyoto (Ad hoc working group on further commitments for annex I parties under the Kyoto Protocol ou AWG-KP). Les négociations pourraient déboucher sur deux textes différents. L’Union européenne est favorable à un instrument unique(31), qui incluerait l’ensemble des Etats. Elle souhaite que ce nouvel accord s’appuie sur les éléments essentiels du protocole de Kyoto.

Ce débat n’est pas purement juridique. Les pays en développement ont affirmé leur attachement au protocole de Kyoto, qui ne fixe d’objectifs contraignants qu’aux pays de l’annexe I. D’autre part, il serait politiquement plus difficile pour les Etats-Unis de signer un amendement au protocole de Kyoto, auquel le Sénat s’était opposé, qu’un nouvel instrument. Ils ont proposé pour cette raison un accord de mise en œuvre de la CCNUCC distinct du Protocole.

2. Un accord « politiquement contraignant » qui sera traduit dans un traité en 2010

Après les déclarations des Etats-Unis lors du sommet de l’APEC le 15 novembre, jugeant irréaliste l’obtention d’un accord juridique à Copenhague, le Danemark, qui préside la Conférence de Copenhague, a proposé que la Conférence aboutisse à un « accord politique contraignant et complet » couvrant les cinq thèmes de la feuille de route de Bali, ainsi qu’à la fixation d’une date butoir pour la conclusion d’un traité en 2010. Les Etats membres de l’Union européenne, qui se sont réunis dans le cadre d’un Conseil Environnement extraordinaire à Bruxelles le 23 novembre dernier, ont approuvé cette initiative.

La notion d’« accord politique contraignant » suggère que, même s’il ne s’agira que d’une étape dans la conclusion d’un traité, selon le principe de bonne foi, les engagements qui seront pris devront être respectés par les Etats.

Concernant le délai pour la conclusion d’un traité, la ministre de l’environnement danoise, Mme Connie Hedegaard, a fait référence à la COP de Mexico en novembre 2010, tandis que M. Yvo de Boer, secrétaire exécutif de la CCNUCC, a indiqué qu’il espérait la finalisation d’un accord d’ici juin 2010.

Les rapporteurs regrettent que la conférence de Copenhague ne puisse permettre la conclusion d’un accord juridiquement contraignant, alors qu’elle est un rendez-vous mondial essentiel, vers lequel tendent les vastes négociations qui se déroulent depuis deux ans. Il faut maintenant à tout prix éviter un report des décisions et parvenir à un calendrier précis pour la conclusion d’un traité en 2010.

B. Les points clés d’un accord

1. Un objectif mondial de long terme

Un accord sur l’objectif d’une réduction de 50 % des émissions d’ici 2050 est un préalable pour déterminer le régime post-2012. La Conférence de Copenhague doit en effet permettre de progresser par rapport aux conclusions du FEM de l’Aquila. Il est également nécessaire d’obtenir un accord sur l’année du pic des émissions, dont dépendent les objectifs d’atténuation des différents pays à moyen terme.

2. Un engagement ambitieux de réduction des émissions des pays développés à moyen terme

Globalement, les annonces faites par les pays industrialisés ne permettent pas d’atteindre 25 % de réduction des émissions d’ici 2020, le niveau minimum recommandé par le GIEC. Copenhague doit permettre un renforcement des objectifs. L’annonce d’objectifs par les Etats-Unis, malgré l’inachèvement de leur processus législatif, est un pas important mais ces objectifs sont peu ambitieux. Or ce pays joue un rôle clé pour le succès de Copenhague. L’Union européenne mais aussi dix autres Etats de l’annexe I ont annoncé qu’ils réévalueraient leurs objectifs en fonction des résultats de Copenhague.

Les négociations doivent aussi permettre de régler la question des unités de quantité attribuées excédentaires, car leur report après 2012 réduirait le niveau d’ambition du futur régime.

3. Des objectifs contraignants de limitation des émissions des pays émergents

Les pays en développement les plus avancés doivent accepter des objectifs contraignants de limitation de la croissance de leurs émissions d’ici 2020, de façon à obtenir une déviation importante de leurs émissions par rapport à la tendance actuelle. L’enjeu prinicpal est d’obtenir un engagement de la Chine. Son objectif de réduction d’intensité carbone est ambitieux mais elle n’entend pas pour l’instant lui donner un caractère contraignant.

4. Un financement renforcé pour les pays en développement

Le financement des actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, et particulièrement dans les plus vulnérables, est essentiel. La mise en œuvre d’actions efficaces d’adaptation et d’atténuation suppose des moyens financiers pérennes et prévisibles à long terme.

L’accord qui sera conclu à Copenhague doit permettre de déterminer les montants, qui doivent être considérablement accrus par rapport aux sommes actuelles, les mécanismes et la future gouvernance (en particulier un système de mesure, de notification et de vérification). En outre, un financement à mise en oeuvre rapide devrait être décidé pour la période 2010-2012 pour les pays les moins avancés, ce qui enverrait un signal positif aux pays en développement.

II. FAVORISER UN RAPPROCHEMENT AVEC LES PAYS LES PLUS VULNÈRABLES : LE PLAN « JUSTICE CLIMAT » PROPOSÉ PAR LA FRANCE 

Il faut distinguer différentes catégories parmi les pays en développement car tous ne doivent pas prendre les mêmes engagements pour l’après-2012. Or le G77, par lequel s’expriment 130 pays en développement dans les négociations sur le climat (des PMA aux pays émergents), demande le maintien de la distinction du protocole de Kyoto entre les pays de l’annexe I et l’ensemble des pays en développement.

Dans leur précédent rapport, les rapporteurs préconisaient déjà une alliance avec les pays en développement, et particulièrement avec les pays d’Afrique et les petits Etats insulaires et les autres pays les moins avancés. Ce rapprochement peut en effet permettre d’éviter un blocage des négociations entre pays en développement et pays développés et faire pression sur la Chine pour qu’elle accepte des engagements contraignants.

Le Conseil Environnement dans ses conclusions du 21 octobre 2009 affirme qu’il entend « renforcer ses alliances et ses partenariats avec les pays en développement, en particulier l’Afrique, les pays d’Amérique latine, les pays les moins avancés (PMA) et les petits Etats insulaires en développement (PIED) ».

Les initiatives de la France, à travers la position commune qu’elle a adoptée avec le Brésil, ainsi que le plan « Justice climat » élaboré par M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie et de l'énergie s’inscrivent dans cette stratégie.

La France a présenté le Plan « Justice Climat » lors de la réunion préparatoire à la Conférence de Copenhague qui s’est tenue les 16 et 17 novembre derniers. Le plan, intitulé « Copenhague : un projet pour le monde » distingue quatre catégories de pays.

La première regroupe les pays les plus pauvres et les plus vulnérables : les pays d’Afrique, les petits Etats insulaires vulnérables et les autres pays les moins avancés. Ces pays sont ceux qui subissent le plus sévèrement les conséquences du réchauffement climatique, alors qu’ils n’y contribuent pratiquement pas. Ils n’ont quasiment pas bénéficié des mécanismes du marché international du carbone et disposent d’un potentiel de développement considérable, notamment dans le domaine de l’énergie.

En Afrique, les actions porteraient sur :

- les énergies renouvelables et l’accès de 100 % des populations à l’énergie, avec des besoins en financement estimés à 250 milliards de dollars (environ 165 milliards d’euros) ;

- la reforestation et la préservation des forêts, qui bénéficieraient de 5 milliards de dollars de financement (environ 3,3 milliards d’euros) ;

- l’eau et la lutte contre l’érosion côtière, pour lesquelles les besoins sont évalués à 50 milliards de dollars (environ 33 milliards d’euros).

Dans les petits Etats insulaires vulnérables, les efforts concerneraient la lutte contre l’érosion des côtes et des fleuves, les inondations, la lutte contre la dégradation des coraux et les événements climatiques extrêmes. Les financements représenteraient 30 milliards de dollars (environ 20 milliards d’euros).

Dans les autres pays les moins avancés, des programmes visant les infrastructures et la gestion des catastrophes naturelles, le développement des énergies renouvelables et des équipements à faible intensité en carbone et la forêt seraient financés à hauteur de 75 milliards de dollars (environ 49,7 milliards d’euros).

Au total, les financements, regroupés dans un Fonds « Justice Climat » s’élèveraient à 410 milliards de dollars (environ 272 milliards d’euros) sur 20 ans. Ils pourraient provenir de financements innovants comme une taxe sur les transactions financières, sur les transactions de changes ou sur les transactions sur valeurs mobilières. Le plan cite à titre d’exemple une taxe sur les transactions sur valeurs mobilières à un taux de 0,01 % qui aurait un rendement estimé de 20 milliards de dollars par an.

A défaut, ils seraient obtenus par une contribution financière universelle de l’ensemble des Etats à l’exception des PMA, selon une clé de répartition fondée sur la part dans le PIB mondial en 2007 et la responsabilité à l’égard des émissions.

La proposition française distingue ensuite deux autres groupes de pays parmi les pays en développement :

- les pays dont les émissions annuelles par habitant dépassent 2 tonnes de dioxyde de carbone ou dont le PIB par habitant est supérieur à 1500 dollars ; ces Etats devraient s’engager à dissocier la croissance de leurs émissions et celle de leur PIB, grâce à une déviation de 15 à 30 % de la croissance de leurs émissions ;

- les pays dont les émissions par habitant sont inférieures à 2 tonnes et dont le PIB par habitant est inférieur à 1500 dollars devraient mettre en œuvre des plans nationaux d’action pour le climat et bénéficient d’un financement international public de 80 milliards de dollars.

Cette distinction signifie que l’Inde n’aurait pas à prendre d’engagement contraignant, en raison de son impératif de lutte contre la pauvreté.

Le plan demande que les pays industrialisés prennent des engagements de réduction de leurs émissions de 25 à 40 % d’ici 2020 par rapport à 1990 et de 80 % d’ici 2050. Un engagement minimal de réduction de 15 à 25 % d’ici 2020 est demandé.

L’initiative française met aussi l’accent sur la lutte contre la déforestation et son financement, et sur l’investissement dans la recherche. Elle demande l’adoption de règles communes de mesure, de communication et de vérification et la création d’une organisation mondiale de l’environnement dès 2010 pour assurer le contrôle des mesures prises par les Etats.

Enfin, la France demande la mise en place d’un financement de l’adaptation et du développement dans les pays les plus vulnérables de 5 à 7 milliards d’euros dès 2010.

Ce plan a été présenté à nos partenaires de l’Union européenne lors du Conseil environnement extraordinaire réuni par la présidence suédoise le 23 novembre dernier et il a reçu un accueil positif.

CONCLUSION

L’Union européenne dispose d’un mandat clair et d’une position forte pour la Conférence de Copenhague. Le Conseil européen qui se réunira les 10 et 11 décembre permettra une nouvelle concertation au plus haut niveau, pendant la Conférence. Les Etats membres aborderont probablement les questions essentielles du financement et du passage de l’effort d’atténuation de 20 à 30 %.

Il est essentiel que l’Union européenne parle d’une seule voix pour peser dans les négociations de Copenhague. Elle doit rester exigeante vis-à-vis de ses partenaires, en particulier des Etats-Unis et de la Chine. En conservant ce rôle moteur, elle peut favoriser l’obtention d’un accord à la hauteur de l’enjeu climatique mondial.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 1er décembre 2009, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. Je remercie vivement les deux rapporteurs pour la présentation de ce qui constitue un rapport d’étape. Je vous rappelle qu’un débat est organisé demain, mercredi 2 décembre, dans l’hémicycle. Et notre commission aura l’occasion d’aborder à nouveau ces sujets après la conférence de Copenhague.

M. Philippe Tourtelier. On sait depuis longtemps que les Etats-Unis ne seront pas en mesure d’accepter un accord contraignant. Il est important que la conférence de Copenhague aboutisse au moins à une « feuille de route » à réaliser dans les années qui viennent dans le cadre de l’ONU.

2020, c’est dans dix ans. Parvenir à une réduction des émissions de 20 % constituerait déjà un résultat appréciable. Il est important de réaffirmer que l’atténuation et l’adaptation sont aussi importantes l’une que l’autre. Il faut également faire le lien de manière très forte entre la lutte contre le réchauffement climatique et la lutte contre la pauvreté. Compte tenu de l’échec, à la fois, des « Objectifs du Millénaire » et du dispositif de Kyoto, il faut absolument réunir les deux démarches, dans le cadre des Nations unies, alors qu’apparaît le risque de l’émergence d’un « G 2 » Etats-Unis/Chine. Il faut par ailleurs souligner que la lutte contre les « paradis fiscaux » est un des moyens de la lutte pour le développement.

L’Union européenne était crédible grâce à son dispositif « énergie-climat », mais a perdu cette crédibilité en raison des tergiversations européennes sur la question du financement.

Je regrette que ma proposition qui consistait à opérer une compensation de la dette écologique par une aide au développement grâce aux fonds issus des enchères n’ait pas été retenue.

Une « taxe carbone » aux frontières, pour éviter le dumping écologique, sera très difficile à mettre en œuvre.

M. Philippe-Armand Martin. Nous avons tous compris que la conférence de Copenhague est une occasion à ne pas manquer.

J’approuve particulièrement le paragraphe 11 des propositions de conclusions, sur la nécessité d’engagements précis en matière de financement des actions dans les pays en développement, et d’un renforcement substantiel des moyens correspondants. C’est un point important.

M. Jacques Myard. Les deux rapporteurs proposent d’aller vers une organisation internationale dotée de pouvoirs contraignants ; ceci est parfaitement utopique, compte tenu de la présentation qui vient d’être faite. Une autre méthode internationale, celle de la « soft law » ou « droit mou », serait aussi efficace pour réaliser les objectifs, comme cela a été le cas avec les accords d’Helsinki.

Les rapporteurs préconisent-ils l’instauration d’une « taxe carbone » aux frontières de l’Europe ?

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Oui, dans le dernier paragraphe des propositions de conclusions.

M. Jacques Myard. Il faudrait préciser ce point de manière explicite.

M. Jacques Desallangre. Sur quels éléments se fonde votre espoir de voir un accord politique conclu à Copenhague être suivi, dans quelques mois, par un traité contraignant ?

Mme Anne Grommerch. Je souscris tout à fait au paragraphe 19 de vos propositions de conclusions, qui demande le maintien d’un niveau d’exigence élevé vis-à-vis des partenaires de l’Union européenne, en particulier des Etats-Unis et de la Chine. Quelle est votre vision des choses en ce qui concerne la Chine et l’Inde ?

M. Michel Herbillon. Je remercie également les rapporteurs, tout en exprimant une certaine amertume. Les Etats-Unis n’ont pas bouclé leur dispositif politique, l’Inde est guidée par ses préoccupations internes, la Chine ne veut pas se trouver contrainte par un accord international : dans ces conditions, selon quelle grille de lecture pourra-t-on apprécier si le résultat de la conférence de Copenhague est un vrai succès ou un semi-échec ?

M. Christophe Caresche. Malgré le sentiment que nous avons qu’il y a des blocages partout, tous ces pays ne pourront pas s’abstraire de leurs responsabilités au plan mondial, ce qui laisse donc la place pour un certain espoir, d’autant que les opinions publiques exercent une réelle pression.

La position de la France me pose problème, ainsi que son articulation avec la position commune européenne. Le paragraphe 17 des propositions de conclusions approuve le plan « Justice-Climat » qui est – sauf erreur – strictement français, mais le paragraphe 19 demande que l’Union européenne parle d’une seule voix. N’est-ce pas contradictoire, ou du moins, ambigu ?

M. Gérard Voisin. Pourriez-vous expliciter l’expression « fuites de carbone » ? D’autre part, toute cette énorme machinerie coûte très cher… Et si M. Claude Allègre avait raison ?

M. Yves Bur. La solidarité avec les pays en développement est-elle suffisante ? Et l’Union européenne ne risque-t-elle pas d’être le « dindon de la farce » ?

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Pour répondre à M. Philippe Tourtelier, je suis d’accord avec l’idée qu’il faut inscrire tout ce processus dans le cadre de l’ONU. En revanche, je ne pense pas que la crédibilité de l’Union européenne ait été remise en cause, car lors de nos déplacements, nos interlocuteurs dans les différents pays ont reconnu devant nous la réalité de l’action de l’Europe et son leadership.

S’agissant des moyens mis en œuvre à destination des pays en développement, évoqués par M. Philippe Armand Martin, il s’agit des orientations décidées en 2008 à Potsdam, concernant à la fois des transferts de technologies et des aides financières. Le problème est qu’ensuite il ne s’est rien passé pendant des mois, et qu’un fossé s’est ainsi creusé entre les pays développés et les pays en développement. Ce fossé a commencé à se réduire à partir du moment où l’Union européenne a mis des propositions sur la table.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. Les conditions d’un accord contraignant ne sont certes pas réunies aujourd’hui. Le succès sera là quand chacun aura pris des engagements, chiffrés, et contrôlables, et que des moyens seront donnés aux pays en développement pour se développer sans augmenter leurs émissions. Copenhague est une étape, pas un terme. Même si un traité est conclu ensuite dans quelques mois à Mexico, il faudra évaluer son application et prendre les décisions nécessaires à sa mise en œuvre, ce qui implique la poursuite d’un processus de concertation internationale.

M. Bernard Deflesselles, co-rapporteur. Un accord politique assez ferme pourrait intervenir d’abord, puis une définition concrète des responsabilités dans les dix mois qui vont suivre.

S’agissant des positions françaises et européennes, je ne crois pas qu’elles soient en décalage. La France a fait preuve d’allant. Le Conseil « Environnement » du 23 novembre a très bien accueilli le plan « Justice-Climat » proposé par la France. A l’occasion du récent sommet Etats-Unis-Chine, les autres pays ont craint que ces deux puissances ne s’entendent à l’exclusion de leurs partenaires. La démarche du président Nicolas Sarkozy et du ministre Jean-Louis Borloo vise à rallier le plus grand nombre d’Etats possible pour peser sur le résultat de Copenhague.

M. Jérôme Lambert, co-rapporteur. L’Union européenne ne sera pas le « dindon de la farce », l’Union européenne joue un rôle moteur, elle prend ses responsabilités vis-à-vis du monde. Nous devons aller de l’avant et convaincre.

A l’issue de ce débat, la commission a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTÉES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les conclusions du Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009,
Vu les conclusions du Conseil Environnement du 21 octobre 2009,
Vu la directive n°2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive n° 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre,

Vu la décision n° 406/2009/CE du 23 avril 2009 relative à l’effort à fournir par les Etats membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020,

Vu la communication de la Commission européenne du 28 janvier 2009 intitulée « Vers un accord global en matière de changement climatique à Copenhague » (COM [2009] 39),

Vu la communication de la Commission européenne du 10 septembre 2009 intitulée « Accroître le financement de la lutte contre le changement climatique : un projet européen pour l’accord de Copenhague » (COM [2009] 475),

1. Regrette vivement que, compte tenu de l’état d’avancement des négociations internationales, du fait notamment de la position des Etats-Unis et de l’état actuel de leur législation, la Conférence de Copenhague ne puisse permettre la conclusion d’un accord juridiquement contraignant en décembre 2009 ;

2. Demande que l’accord qui sera conclu à Copenhague comporte des engagements précis et chiffrés qui, selon le principe de bonne foi, devront être repris dans le cadre d’un traité et souligne qu’il est impératif que la Conférence de Copenhague fixe un calendrier précis pour l’adoption de ce texte juridiquement contraignant en 2010 ;

3. Estime que l’accord de Copenhague devra inclure des objectifs permettant de limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici 2050 ; à cette fin, les Etats parties devraient fixer l’année à partir de laquelle les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront décroître et s’accorder sur un objectif global de réduction d’au moins 50 % d’ici 2050 par rapport à 1990, les pays développés devant réduire leurs émissions d’au moins 80 % ;

4. Souhaite que les Etats développés réduisent collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 à 40 % d’ici 2020 par rapport à 1990 ;

5. Se félicite de l’objectif de l’Union européenne qui s’est engagée à réduire ses émissions de 20 % d’ici 2020 et de 30 % en cas d’accord international suffisamment ambitieux ;

6. S’inquiète du fait que la plupart des pays développés aient annoncé des objectifs insuffisants ; souligne en particulier que, si l’annonce d’objectifs par les Etats-Unis est un pas important dans les négociations, ceux-ci restent trop faibles par rapport aux efforts nécessaires ;

7. Insiste sur la nécessité d’éviter un report des crédits d’émissions excédentaires après 2012 car ce report diminuerait substantiellement le niveau d’ambition de l’accord ;

8. Demande que l’accord prévoie une limitation de la croissance des émissions des Etats en développement, de façon à obtenir une déviation de 15 à 30 % par rapport à leur tendance actuelle, et précise que ces efforts devront être différenciés en fonction du niveau de développement, seuls les Etats émergents devant prendre des engagements contraignants de limitation de leurs émissions ;

9. Juge positif le fait que la Chine ait annoncé un objectif domestique ambitieux de limitation de son intensité carbone et souhaite qu’elle s’engage davantage en acceptant un objectif contraignant de limitation de ses émissions ;

10. Souligne que l’accord de Copenhague devra comporter des engagements précis en matière de financement des actions d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement ; ces engagements devront permettre un renforcement substantiel des moyens, conformément à la demande de l’Union européenne qui estime les besoins à 100 milliards d’euros par an d’ici 2020, dont 22 à 50 milliards d’euros de financement public ;

11. Estime que l’accord doit permettre une réduction de la déforestation dans les pays en développement, en prévoyant des financements spécifiques ;

12. Approuve la proposition de la Commission européenne de lancement d’un financement s’élevant à 5 à 7 milliards d’euros pour la période 2010-2012 à destination des pays les plus vulnérables et souhaite que ce financement fasse l’objet d’un accord lors de la Conférence de Copenhague ;

13. Souhaite que soit explorée la possibilité de recourir à des financements novateurs, tels qu’une taxe sur les transactions sur les valeurs mobilières, pour le financement de la lutte contre le changement climatique ;

14. Souligne l’importance du transfert de technologies faiblement émettrices de carbone vers les pays en développement et la nécessité d’augmenter au plan mondial les budgets alloués à la recherche et au développement dans le domaine de l’énergie ;

15. Appelle l’attention sur l’enjeu de l’adaptation au changement climatique, particulièrement dans les pays en développement qui seront les plus touchés par les conséquences du réchauffement, et souhaite que l’accord de Copenhague permette de définir un cadre d’action global pour l’adaptation ;

16. Considère qu’un rapprochement avec les pays d’Afrique, les petits Etats insulaires vulnérables et les autres pays les moins avancés est souhaitable et approuve à ce titre le plan « Justice climat » proposé par la France ;

17. Soutient la proposition de la France tendant à la création d’une organisation mondiale de l’environnement, qui aurait notamment pour mission de contrôler les obligations des Etats dans le cadre du futur traité sur le changement climatique ;

18. Demande que l’Union européenne parle d’une seule voix dans les négociations et qu’elle maintienne un niveau d’exigence élevé vis-à-vis de ses partenaires, en particulier des Etats-Unis et de la Chine ;
19. Souligne la nécessité pour l’Union européenne de prendre en compte le risque de fuite de carbone et soutient la mise en
œuvre d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières en cas d’échec de la Conférence de Copenhague, conformément à l’option ouverte par la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiant la directive n° 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

I. A Paris :

- M. Jean-Louis Borloo, ministre d’Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

- M. Brice Lalonde, ambassadeur en charge des négociations internationales sur le changement climatique ;

- M. Paul Watkinson, chef de l’équipe de négociation internationale sur le climat, MEEDDM ;

- M. Ranjai Mathai, ambassadeur de l’Inde en France ;

- M. Jean Jouzel, directeur de l’Institut Pierre Simon Laplace, université de Versailles-Saint-Quentin, membre du GIEC ;

- M. Frédéric Maerkle, conseiller pour l’environnement et la science, ambassade des Etats-Unis ;

II. A Bruxelles :

- M. Paolo Caridi, chargé de mission, unité de la stratégie climatique et des négociations internationales, Direction générale de l’environnement ;

- M. Sandro Santamato, chef de l’unité de l’évaluation et du changement climatique, Direction générale de l’énergie et des transports ;

- M. Fabrice Dubreuil, conseiller à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne.

III. A New Delhi :

- M. Jairam Ramesh, secrétaire d’Etat en charge de l’environnement et des forêts ;

- M. Shyam Saran, envoyé spécial du Premier Ministre sur le changement climatique ;

- Dr Rajendra K. Pachauri, président du GIEC et directeur général de l’Institut de l’énergie et des ressources (TERI) ;

- M. Chandrashekhar Dasgupta, membre du TERI ;

- M. Vijai Sharma, secrétaire général du ministère de l’environnement et des forêts ;

- M. George C. Varughese, Président de l’ONG « Development alternatives » ;

- Mme Rita Choudhuri, directrice adjointe pour l’environnement et le changement climatique, Fédération indienne des chambres de commerce et d’industrie (FICCI) ;

- M. Suman Majumdar, conseiller, Confédération indienne de l’industrie (CII) ;

- M. Vijai Seghal, groupe ITC ;

- M. Bharat Wakhlu, directeur délégué du groupe TATA ;

- M. S.P. Sethi, ancien conseiller à la Commission de planification ;

- M. Jérôme Bonnafont, ambassadeur de France en Inde ;

- M. Yazid Bensaid, directeur adjoint de l’AFD en Inde ;

- M. Robert Angioletti, expert de l’ADEME détaché au Bureau de l’efficacité énergétique.

IV. Aux Etats-Unis :

1. A Washington

- Mme Monique Barbut, présidente du Fonds pour l’environnement mondial ;

- M. Christo Artusio, Bureau du changement global, département d’Etat ;

- M. Bob Etheridge, représentant de la Caroline du Nord ;

- M. Benjamin Cardin, sénateur du Maryland.

2. A New York

- M. Janos Pasztor, conseiller du secrétaire général de l’ONU sur le climat ;

- M. Tariq Banuri, directeur de la division du développement durable du secrétariat des Nations unies ;

- Mme Elisa Peter, directrice du service de liaison des Nations unies avec les ONG ;

- M. Warren Hoge, vice-président de l’institut international pour la paix (IPI) ;

- M. Jean-Maurice Ripert, représentant permanent de la France auprès des Nations unies.

V. A Stockholm :

- M. Staffan Tillander, ambassadeur pour le changement climatique ;

- Monsieur Lars Ekecrantz, directeur, direction pour la qualité environnementale, ministère de l’environnement ;

- Monsieur Loïc Viatte, correspondant européen, ministère de l’environnement ;

- M. Måns Lönnroth, ancien ministre de l’environnement ;

- Mme Susanne Eberstein, députée, vice-présidente de la commission pour les affaires européennes ;

- Mme Bodil Ceballos, députée ;

- Mme Carina Ohlsson, députée ;

- M. Jacob Johnson, député ;

- M. Lars Hjälmered, député ;

- M. Jan-Olof Larsson, député ;

- M. Aleksander Gabelic, député ;

- Mme Emma Lindberg, responsable, climat et énergie, association de protection de la nature ;

- Monsieur Joël de Zorzi, ambassadeur de France en Suède ;

- Monsieur Olivier Lacroix, premier conseiller à l’ambassade de France ;

- M. Guillaume Kasperski, attaché scientifique, ambassade de France ;

- M. Julien Grosjean, attaché pour l’environnement, l’énergie, les transports et l’agriculture, ambassade de France.

ANNEXE 2 :
ÉLÉMENTS COMPARATIFS SUR LA TAXATION DU CARBONE AU ROYAUME-UNI, EN ALLEMAGNE ET EN SUÈDE

I. LA TAXE SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE AU ROYAUME-UNI

Introduite en avril 2001, en application de la loi de finances du 28 juillet 2000, la taxe sur le changement climatique (« climate change levy ») est une taxe sur l’utilisation d’énergie dans l’industrie, l’agriculture, le commerce et le secteur public. Elle ne s’applique pas aux particuliers ni au secteur des transports. Elle vise à inciter les professionnels à améliorer l’efficacité énergétique et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La taxe porte sur les consommations de gaz naturel, d’électricité, de gaz de pétrole ou d’hydrocarbures liquéfié, de charbon, de lignite et de coke. Elle ne s’applique pas aux produits pétroliers, déjà soumis à des impôts indirects.

Sont exonérés de la taxe :

- l’électricité générée à partir d’énergies renouvelables ;

- les carburants utilisés dans des programmes de cogénération ayant obtenu un label de qualité ;

- les carburants utilisés comme matière première ;

- l’électricité utilisée dans des procédés d’électrolyse.

Les industries les plus consommatrices d’énergie peuvent signer des accords sur le changement climatique (« climate change agreements »), par lesquels elles s’engagent à respecter des objectifs de réduction des émissions. Elles bénéficient d’une réduction de 80 % de la taxe si ces objectifs sont respectés.

La taxe est compensée par une réduction de 0,3 % des cotisations sociales des employeurs et par des aides financières en faveur de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables. Globalement, elle n’augmente pas la fiscalité des entreprises et ne représente pas de recettes supplémentaires pour les finances publiques.

Actuellement, les taux sont les suivants :

Type d’énergie

Taux

Électricité

0,00456£ (0,5 centime d’euro) par kilowatt heure

Gaz

0,00159£ (0,17 centime d’euro) par kilowatt heure

Gaz liquéfié

0,01018£ (1,2 centime d’euro) par kilo

Autres

0,01242£ (1,3 centime d’euro) par kilo

II. LA TAXE ÉCOLOGIQUE EN ALLEMAGNE

Une réforme fiscale écologique (Ökosteuer) a été mise œuvre de 1999 à 2003 dans le double but de réduire la consommation d’énergie et d’alléger la fiscalité sur le travail par une réduction des cotisations d’assurance vieillesse. Elle a consisté à augmenter progressivement la fiscalité des carburants et des combustibles fossiles à compter du 1er avril 1999 et à créer une taxe sur l’électricité. Les niveaux de taxation sont les suivants :

Principaux produits

Taxation avant la mise en place de l’écotaxe

Ecotaxe au 01/04/1999 et phases ultérieures de 2000 à 2003

Niveau actuel global de taxation

Essence

50,11 centimes/litre

3,07 centimes/litre chaque année

65,45 centimes/litre

Gazole

31,70 centimes/litre

3,07 centimes/litre chaque année

47,04 centimes/litre

Fioul de chauffage

4,09 centimes/litre

2,05 centimes/litre

6,14 centimes/litre

Gaz naturel (chauffage)

0,184 centime/kwh

0,164 centime/kwh au 01/04/1999

+ 0,20 centime/kwh au 01/01/2003

0,55 centime/kwh

Electricité

-

1,02 centime/kwh au 01/04/1999

+ 0,26 centime/kwh chaque année du 01/01/02000 au 01/01/ 2003

2,05 centimes/kwh

Les taux de taxation sont restés stables depuis 2003. La refonte globale de la fiscalité de l’énergie intervenue en 2006 a élargi la taxation à d’autres produits, notamment au charbon qui n’était pas taxé et restait subventionné.

La taxe s’applique à l’utilisation d’énergie par les ménages et l’ensemble des secteurs économiques (industries, agriculture, services, transports). Cependant, afin de ne pas pénaliser la compétitivité et l’emploi, les entreprises du secteur productif bénéficient de taux réduits d’imposition pour l’électricité et les combustibles de chauffage qu’elles utilisent ; il s’agit des industries minières, de transformation, du bâtiment, de distribution de gaz ou d’électricité, d’eau ou de chaleur ainsi que des activités agricoles et forestières.

En outre, les entreprises utilisant des procédures de fabrication industrielle grandes consommatrices d’énergie sont exonérées de la taxe ; il s’agit notamment des industries: métallurgique, du verre, de la céramique, du ciment, de matériaux de construction et d’engrais.

Sont également exonérées de la taxe sur l’électricité les unités de production combinée de chaleur et d’énergie, les centrales de cogénération et l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables.

III. LA TAXE CARBONE EN SUÈDE

La Suède a un système complexe de taxation de l'énergie et des émissions de carbone, de soufre et d’azote. Dès le milieu des années 50, ce pays a introduit une taxe générale sur la consommation d’énergie, dont le secteur industriel était déjà exempté. Si, à l’origine, la taxation de l’énergie n’était considérée que comme une recette fiscale supplémentaire, elle est devenue au cours des deux dernières décennies un outil des politiques énergétique et environnementale.

La réforme du système fiscal de 1991 a organisé la création d’un ensemble de taxes sur les émissions de dioxyde de carbone, de soufre et d’azote et de taxes sur l’électricité et les carburants, en contrepartie d’une diminution de la fiscalité des salaires. Le taux des taxes peut varier en fonction de différents critères, tels que l’utilisation du carburant ( chauffage ou transport), l’utilisateur du carburant (à titre professionnel ou privé), ou encore la localisation géographique de l’utilisateur, la distinction étant alors entre le nord du pays et les autres régions.

En 2007, la taxation de l’énergie a généré un revenu fiscal de 66,4 milliards de couronnes suédoises (environ 6,5 milliards €), ce qui représente 8,4% des recettes fiscales. Parallèlement, les exemptions, déductions et réductions d’impôts liées à l’utilisation de carburants « verts » (tourbes et biocarburants) ou à l’aménagement d’installations professionnelles ou privées respectueuses de l’environnement s’élèvent à 42 milliards de couronnes suédoises (environ 4,1 milliards €).

La taxe sur les émissions de dioxyde de carbone est assise sur le contenu en dioxyde de carbone de l’ensemble des carburants à l’exception de la tourbe et des biocarburants. En 2009, elle est de 1,05 couronne suédoise (environ 0,1€) par kilogramme émis (0,22 euro par litre d’essence, 0,28 euro par litre de gazole, 123 euros pour 1000m3 de gaz naturel, 241 euros par tonne de charbon, 152 euros par tonne pour le GPL et 356 euros par tonne de carbone fossile contenu dans les déchets ménagers).

Les entreprises non couvertes par la directive ETS, ainsi que l’agriculture, l’horticulture et l’aquaculture bénéficient d’une réduction de 79 % de la taxe pour les combustibles utilisés pour le chauffage. Les industries particulièrement consommatrices en énergie(32) bénéficient d’une réduction de la taxe dès lors que son montant est supérieur à 0,8% du prix de vente des biens produits. Cette réduction va progressivement diminuer à partir de 2011 et disparaîtra en 2015. Les industries couvertes par la directive ETS ont droit à une réduction supplémentaire de 6 %. A partir de 2011, elles seront totalement exemptées de taxe carbone, à l’exception des centrales de cogénération.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Voir le rapport d’information n° 1260 de MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert du 18 novembre 2008.

3 () Article 2 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009.

4 () Le rapport spécial du GIEC sur les scénarios d’émissions, publié en 2000, élabore six scénarios d’évolution des émissions en fonction d’hypothèses différentes de croissance économique et démographique.

5 () Lord Nicholas Stern, « The economics of climate change », Cambridge university press, 2006.

6 () Décision du Conseil n° 2002/358/CE du 15 avril 2002.

7 () Décision de la Commission européenne n° 2006/944/CE du 14 décembre 2006.

8 () Agence européenne de l’environnement, « Tendances des émissions de gaz à effet de serre et projections en Europe », rapport 2009/9.

9 () Directive n°2002/87/CE du 13 octobre 2003.

10 () Directive 2009/29/CE du 23 avril 2009.

11 () Décision 406/2009/CE du 23 avril 2009.

12 () Directive 2009/28/CE du 23 avril 2009.

13 () Directive 2009/31/CE du 23 avril 2009.

14 () Règlement (CE) n°  748/2009 de la Commission du 5 août 2009.

15 () Règlement (CE) n° 663/2009 du 13 juillet 2009.

16 () Projet de décision de la Commission établissant, conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, la liste des secteurs et sous-secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuite de carbone, 13605/09, document E 4784.

17 () Rapport du groupe de travail sur les modalités de vente et de mise aux enchères des quotas de CO2 en France, éléments relatifs a la phase III, sous la présidence de Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, juillet 2009.

18 () COM (2009) 39.

19 () Résolution du Parlement européen du 25 novembre 2009 sur la stratégie de l’Union européenne dans la perspective de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique (COP 15), P7_TA-PROV (2009) 0089.

20 () « Accroître le financement de la lutte contre le changement climatique : un projet européen pour l’accord de Copenhague », document COM (2009) 475/3.

21 () Le Groupe pilote sur financements innovants pour le développement, qui regroupe 55 Etats, dont la France, des organisations internationales et des ONG, a confié à un groupe d’experts l’élaboration d’un rapport sur la faisabilité d’une taxe sur les transactions financières qui devra être présenté avant mai 2010.

22 () « Commerce et changement climatique », OMC et PNUE, juin 2009.

23 () Le Figaro, 14 septembre 2009.

24 () « Les négociations sur le changement climatique : vers une nouvelle donne internationale ? », Centre d’analyse stratégique, novembre 2009.

25 () Communication de la Commission européenne du 1er avril 2009, « Adaptation au changement climatique : vers un cadre d’action européen », COM (2009) 147.

26 () Ces données concernent les émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie et non les émissions totales de GES, qui ne sont comptabilisées par le secrétariat de la CCNUCC que pour les pays de l’annexe I.

27 () Déclaration à l’AFP du 26 novembre 2009.

28 () Rapport sur le développement dans le monde « Développement et changement climatique », octobre 2009, Banque mondiale.

29 () « Financer les actions d’atténuation du changement climatique dans les pays en développement », Pascale Scapecchi et Jean-Jacques Barberis, complément au rapport de Jean Tirole pour le Conseil d’analyse économique « Politique climatique : une nouvelle architecture internationale », juin 2009.

30 () Communication de la Commission européenne du 7 octobre 2009 « Investir dans le développement de technologies à bas carbone (plan SET), COM (2009) 519.

31 () Un nouveau protocole pourrait être adopté sur le fondement de l’article 17 de la Convention-cadre.

32 () Entreprises dont le montant global d’impôts sur les énergies (à l’exclusion de la taxe sur les émissions de soufre) est supérieur à 0,5% de la valeur ajoutée de la production.