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N° 2133

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 décembre 2009.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Hervé GAYMARD et Jean-Claude FRUTEAU,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

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Pages

AVANT PROPOS DE M. HERVÉ GAYMARD 9

AVANT PROPOS DE M. JEAN-CLAUDE FRUTEAU 13

INTRODUCTION 19

PREMIÈRE PARTIE : QUARANTE ANS DE RELATIONS PRIVILÉGIÉES FACE AUX RÈGLES DE LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES 23

I. UN MODÈLE DE COOPÉRATION ENTRE LE NORD ET LE SUD 24

A. UN PARTENARIAT PRIVILÉGIÉ ET ÉVOLUTIF 24

1. Des relations paritaires et sécurisées 24

a) Un dialogue institutionnel toujours en vigueur 24

b) Des relations stables 25

2. Un modèle qui s’est adapté 25

3. Des situations hétérogènes 26

B. UN RÉGIME COMMERCIAL ASYMÉTRIQUE ASSOCIÉ À DES INSTRUMENTS INNOVANTS 28

1. Des préférences asymétriques pour une inégalité réparatrice 28

2. Des instruments innovants liant commerce et aide au développement 31

a) Des mécanismes de stabilisation des recettes d’exportation 31

b) Les protocoles produits, l’illustration d’une opposition Sud-Sud 33

II. LA REMISE EN CAUSE DU « MODÈLE DE LOMÉ » 39

A. UNE LÉGITIMITÉ ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE FRAGILISÉE 39

1. Une efficacité économique contestée 39

2. Une incompatibilité entre les préférences asymétriques et les règles de l’OMC 40

a) Les marges préférentielles se sont érodées 40

b) La Commission européenne est allée au devant des exigences de l’OMC 41

B. L’ACCORD DE COTONOU EN 2000 : UNE RUPTURE DANS LA NATURE DES RELATIONS ENTRE L’EUROPE ET LES ETATS ACP 43

1. Les accords de partenariat économique, une conversion au libre échange… 43

2. …tempérée par le soutien au développement et l’encouragement à l’intégration régionale 44

DEUXIÈME PARTIE : DEPUIS 2000, UNE DÉCENNIE DE NÉGOCIATIONS : SUR UN DÉSACCORD DE FOND, UN ÉCHEC INÉVITABLE 47

I. JUSQU’À LA FIN 2007, DES NÉGOCIATIONS VOUÉES A L’ÉCHEC 49

A. LA COMMISSION EUROPÉENNE A COMMIS DES ERREURS D’APPRÉCIATION INEXCUSABLES SUR LES ATTENTES DES PAYS ACP 49

1. Une intransigeance sur le calendrier et l’organisation des négociations 49

2. Une approche libérale sans concession 50

3. Un décalage entre le discours sur le développement et la réalité des engagements européens 52

a) Un processus administratif et décisionnel inadapté 52

b) Les craintes des pays ACP sur les engagements financiers de l’Union européenne 53

B. LES PAYS ACP ÉTAIENT MAL PRÉPARÉS À UNE NÉGOCIATION À RISQUES 53

1. Des partenaires et des enjeux inégaux 54

a) Une forte dépendance commerciale 54

b) Des tarifs douaniers inégalement protecteurs 55

2. Une configuration géographique et économique complexe 56

a) Des intégrations régionales non stabilisées 57

b) Des divergences d’intérêts accentués par la multiplicité des régimes commerciaux 60

3. Les risques des accords de partenariat économique 61

a) Le débat sur le bien fondé du libre échange 61

b) La mise en concurrence des secteurs industriel et agricole 63

c) Des pertes immédiates sur les ressources fiscales 64

d) Des craintes pour l’intégration régionale 66

II. LES NÉGOCIATIONS BLOQUENT SUR DES POINTS D’ACHOPPEMENT 67

A. LES ACCORDS INTÉRIMAIRES : RUSTINE NÉCESSAIRE OU PRIX À PAYER AU MAINTIEN DES FLUX COMMERCIAUX AVEC L’EUROPE ? 68

1. Des accords imposés en urgence par la Commission 68

2. Des sujets de préoccupation majeurs en matière de développement 69

a) Une portée et un rythme d’ouverture des marchés exigeants 70

b) Des clauses de sauvegarde inappropriées 70

c) Une absence d’engagements sur le volet développement 71

d) Une perte de crédibilité pour l’intégration régionale 71

B. LES ACCORDS DE PARTENARIAT COMPLETS : DES POINTS DE CONTENTIEUX, DES ÉCHÉANCES SANS CESSE REPOUSSÉES 73

1. Des positions toujours divergentes 74

a) Les modalités d’ouverture des marchés, pierre angulaire de la négociation 74

b) Les prélèvements communautaires de solidarité 75

c) La clause de traitement plus favorable 75

d) Les négociations sur le volet « développement » engagées tardivement 80

2. Des négociations inégalement avancées selon les zones régionales 85

a) La zone Caraïbes : les difficultés d’application du seul accord de partenariat complet 85

b) L’Afrique de l’Ouest : un accord toujours différé 86

c) L’Afrique centrale : des négociations en suspens 88

d) L’Afrique orientale : des négociations compliquées par l’enchevêtrement des régimes commerciaux et des organisations régionales. 89

e) L’Afrique australe : une intégration régionale menacée et l’hypothèque de l’Afrique du Sud 90

f) Le Pacifique : des négociations dormantes 91

TROISIÈME PARTIE : VERS DES ACCORDS DE PARTENARIAT DE DEVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL : UNE OCCASION DE REPENSER LA POLITIQUE EUROPÉENNE COMMERCIALE ET DE DÉVELOPPEMENT 93

I. UNE MEILLEURE ARTICULATION DES POLITIQUES COMMERCIALE ET DE DÉVELOPPEMENT 95

A. LA COHÉRENCE DES POLITIQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT 96

B. UNE AIDE AU DÉVELOPPEMENT CONFORME AUX ENGAGEMENTS 96

C. UNE POLITIQUE COMMERCIALE DIFFÉRENCIÉE 101

1. Respecter le rythme et les choix des sujets de négociations des pays ACP 101

a) Ne pas imposer un calendrier de négociation 101

b) Laisser les pays ACP décider du champ des négociations 102

2. Conserver la clause de traitement plus favorable et un traitement spécifique pour l’Afrique du Sud 102

II. UTILISER TOUTES LES FLEXIBILITÉS DANS LE CADRE DE L’OMC POUR ACCROÎTRE LE NIVEAU D’ASYMÉTRIE COMMERCIALE EN FAVEUR DES PAYS ACP 105

A. ASSURER DES NIVEAUX DE LIBÉRALISATION ET DES DURÉES DE TRANSITION FLEXIBLES 105

1. La position de la Commission européenne est trop dogmatique par rapport aux règles de l’OMC et la pratique des accords commerciaux 105

2. Une solution asymétrique permettrait de réduire les impacts négatifs de la libéralisation 106

B. TIRER LES CONSÉQUENCES DES ACCORDS INTÉRIMAIRES 108

C. AMÉLIORER LES CLAUSES DE SAUVEGARDE,D’INDUSTRIES NAISSANTES ET LES RÈGLES D’ORIGINE ET PRÉVOIR UNE CLAUSE DE RENDEZ-VOUS 109

1. Des clauses de sauvegarde plus souples 109

2. Des clauses d’industries naissantes adaptées 110

3. Des règles d’origine plus favorables au développement 110

4. Une clause de rendez-vous 111

III. RECENTRER LES APE SUR LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT AU DÉVELOPPEMENT ET SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 113

A. ENCOURAGER L’INTÉGRATION RÉGIONALE 113

1. Promouvoir une intégration régionale respectueuse des configurations économiques et géographiques 113

2. Préserver le financement des structures régionales en maintenant les prélèvements communautaires de solidarité en l’absence d’alternative viable 114

B. PRENDRE LES ENGAGEMENTS FINANCIERS À LONG TERME 115

C. ASSURER LA COHÉRENCE DES PROGRAMMES D’ACCOMPAGNEMENT 117

1. Coordonner les structures participant à l’identification des besoins et à la programmation des actions 117

2. Rendre plus lisibles les mesures d’adaptation à l’ouverture commerciale et à l’intégration régionale 118

a) Les mesures de transition fiscale 118

b) Les programmes de mise à niveau 118

D. AFFIRMER LA PRIORITÉ DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE 121

1. Prendre la mesure du défi alimentaire 121

2. Eviter une libéralisation non régulée de l’agriculture 123

3. Renforcer les capacités productives du secteur agricole 124

CONCLUSION 127

TRAVAUX DE LA COMMISSION 129

PROPOSITION DE RESOLUTION 131

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS ET REMERCIEMENTS 135

AVANT PROPOS DE M. HERVÉ GAYMARD

Un échec à féconder

pour des accords de partenariat de développement économique et commercial

Autant ne pas s’embarrasser de périphrases : la négociation des Accords de Partenariat Economique entre l’Union Européenne et les Pays d’Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique, qui devait aboutir le 31 décembre 2007, est un échec. Pas seulement parce que le calendrier, fixé à Cotonou en juin 2000, n’a pas été respecté. On sait en effet que, dans les négociations communautaires et internationales, il ne faut pas se laisser impressionner par la « tyrannie du calendrier », car la prolongation des échéances ne provoque jamais les catastrophes annoncées. Le véritable échec tient au malaise profond qui caractérise désormais les relations entre l’Union Européenne et les pays ACP. Et qu’il convient donc de refonder.

C’est d’autant plus indispensable, que depuis 1957 et les accords d’association, prolongés et amplifiés par les accords de Yaoundé (1963 et 1969), puis de Lomé (1975), l’Europe avait su construire un partenariat exemplaire avec les pays du Sud. Dans l’esprit de visionnaires de l’époque, la construction européenne était inséparable d’une politique active et originale d’aide au développement. La création du Fonds Européen de Développement s’était accompagnée d’un système asymétrique de préférences commerciales non réciproques, ainsi que d’accords par produits (sucre, banane, rhum) réservant un accès privilégié au marché européen à un prix bien supérieur au prix mondial –qui a toujours été prédateur à l’encontre des pays pauvres-, et d’innovations comme les mécanismes de stabilisation des recettes d’exportations ou minières. Ce « modèle de Lomé », combinaison originale de soutien budgétaire et commercial et d’aide au développement, s’est progressivement délité, contesté dans son efficacité économique, et surtout devenu incompatible avec les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce, à compter des Accords de Marrakech de 1994. Les préférences commerciales se sont progressivement érodées, et à aucun moment, l’Union Européenne, polarisée par l’élargissement à l’Est et le passage à l’Euro, n’a voulu proposer un modèle alternatif original de commerce asymétrique pour le développement, allant même au devant des exigences de l’OMC. L’accord de Cotonou de juin 2000 introduit une véritable rupture dans la nature des relations entre l’Europe et les pays ACP, car il transforme l’accord pour le développement que constituait le partenariat de Lomé en un cadre pour développer le libre échange, affirmant la primauté du commerce, même si l’objectif d’éradication de la pauvreté figure en bonne place, ainsi que le soutien à l’intégration régionale.

La lecture du mandat de négociation donné à la Commission par le Conseil le 17 juin 2002 pave le chemin de l’échec annoncé : il est limité aux questions commerciales et ne concerne pas le développement. Et depuis cette date, l’enchaînement logique des malentendus et de l’échec s’est déployé : deux années de négociations conflictuelles, suivies d’un blocage total dont le point d’orgue a été les déclaration du Président Wade à Lisbonne à quelques jours de la date butoir de décembre 2007. La reprise du dialogue avec une nouvelle commissaire européenne en 2008 n’aura pas suffi : seule la zone Caraïbe, avec le Cariforum, a signé un accord complet de partenariat régional. Dans les cinq autres zones régionales (Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale, Afrique de l’Est, Afrique Australe), on est encore loin du but, même si depuis six mois, on fait semblant de croire, pour l’Afrique de l’Ouest notamment, qu’on est à la veille de la signature.

Ce qu’il faut appeler un échec tient d’abord, outre l’attitude générale du négociateur européen, à des erreurs d’appréciation inexcusables sur les attentes des pays ACP : intransigeance sur le calendrier et l’organisation des négociations ; approche libérale sans concession ; décalage entre le discours sur le développement et la réalité des engagements européens. Les pays ACP n’étaient pas préparés à une négociation à risques : en ordre dispersé, sans capacité technique de négociation sur des sujets complexes, avec un niveau d’organisation régionale très variable et toujours insuffisant, des intérêts toujours divergents, sans aucune visibilité sur les effets de l’extension du libre-échange. Il ne faut donc pas s’étonner du blocage des négociations, qui traduit la simple préoccupation de ne pas vouloir sauter dans le vide.

A la fin 2007, il a donc fallu parer au plus pressé, car la fin de la dérogation accordée par l’OMC aurait fait basculer les pays ne figurant pas dans la catégorie des Pays les Moins Avancés (PMA) –qui bénéficient depuis 2001 du système dérogatoire d’accès en franchise de droits au marché européen « Tout Sauf les Armes »-, dans le système de droit commun de l’OMC, dit Système de Préférence Généralisées, moins favorable. C’est ainsi que plusieurs pays ont conclu des accords intérimaires, insatisfaisants, dont le seul intérêt pour les signataires est le maintien de l’accès au marché européen. Mais les blocages concernant les accords de partenariat complet sont loin d’être levés, car ils touchent à leur essence même. De ce point de vue, la situation à la fin de 2009, malgré un meilleur climat de négociation, est la même qu’en décembre 2007.

Que faire ?

Le contexte institutionnel est favorable à de nouvelles initiatives. De nouvelles institutions européennes, un nouveau Parlement, une nouvelle Commission : tous les éléments sont réunis, pour que l’Europe, fidèle à sa vocation, propose aux pays ACP des Accords de Partenariat de Développement Economique et Commercial (APDEC). Il faut donc prendre acte des réalités : abandonner les APE, morts nés, qu’il serait vain de vouloir réanimer. Et transfigurer cet échec en un nouveau projet fondateur.

Il faut d’abord ouvrir un nouveau style de négociations. De l’expérience APE, le seul élément à conserver est l’approche régionale, qui effectivement peut être féconde, à la condition qu’elle soit pragmatique, car le niveau d’intégration régionale est différent selon les zones : assez avancé dans la Caraïbe et en Afrique de l’Ouest, difficile à concrétiser dans le Pacifique du fait des micro-économies insulaires, hypothéqué par le poids de l’Afrique du Sud dans sa sphère de coprospérité en Afrique Australe, peu avancé en Afrique Centrale, marqué par une trop grande hétérogénéité des économies en Afrique de l’Est et Océan Indien.

Ce nouveau style de négociation doit mêler les problématiques commerciales, de développement, mais également de gouvernance publique, concernant particulièrement l’évolution des systèmes douaniers et fiscaux. On a beaucoup négligé ce dernier aspect, pourtant capital, car il convient d’aider nos partenaires à régler progressivement deux problèmes, que nous avons eu d’ailleurs à régler naguère en Europe, sur la très longue durée. Comment passer d’un système de prélèvement d’abord assis sur des recettes douanières ou « de porte », à un système assis sur des recettes fiscales ? S’agissant de la structure des recettes fiscales, comment élève t-on progressivement le poids des impôts directs pour éviter la taxation exclusive de la consommation ? Cette dimension du sujet est capitale car c’est faute d’avoir voulu poser ces questions, et encore moins d’avoir tenté d’y répondre, que la négociation APE a échoué.

Il convient donc de demander à nos partenaires ce qu’ils attendent de l’Europe de ce triple point de vue. Et c’est après avoir élaboré conjointement notre projet que nous devons l’imposer à l’OMC, car notre ligne directrice doit être le développement de nos partenaires ACP, et non la mise en conformité de nos relations par rapport aux règles de l’OMC, dont l’objectif n’est évidemment pas le développement.

Il est évidemment hâtif et hasardeux de décrire aujourd’hui le contenu de ces Accords de Partenariat de Développement Economique et Commercial, avant même que cette négociation que nous appelons de nos vœux n’ait eu lieu, à supposer que nous soyons entendus. Ils pourraient toutefois être articulés autour des volets suivants :

- concentrer l’aide du Fonds Européen de Développement, en synergie avec les politiques des Etats membres, sur 1. la production d’électricité, les infrastructures de distribution, et les interconnexions régionales, 2. les grands axes de communications routiers et ferroviaires, 3. le développement de l’agriculture (formation, vulgarisation, mécanisation, intrants, aide à la commercialisation) ;

- restaurer un système de préférences commerciales asymétriques, qui accepte des protections temporaires et dégressives pour permettre aux secteurs économiques de se développer sans subir la concurrence des produits importés, notamment dans le domaine alimentaire où la concurrence inégale sud-sud est au moins aussi importante que la concurrence nord-sud ;

- imaginer un nouveau système pour les produits de bases et spéculatifs, à l’image de ce que l’AFD a mis en place avec son fonds de lissage pour le coton ;

- mettre en œuvre un programme solide de coopération administrative et financière, afin de faire progresser l’intégration régionale, et moderniser les systèmes douaniers et fiscaux des Etats partenaires.

Ces dernières années, l’Europe a été distraite de son tropisme ancien pour le développement des pays ACP. Certes les volumes d’aides sont restés importants, certaines initiatives, comme « Tout sauf les armes » en 2001, ont été utiles. Mais le cœur n’y était plus, sollicité par les élargissements, la mise en place de l’Euro, laissant le champ libre à la logique strictement commerciale, donc désincarnée, de l’OMC. Nos partenaires l’ont bien compris. C’est pourquoi ils ont eu raison de bloquer cette négociation. Il ne faut donc pas s’entêter dans cette logique, mais écrire ensemble un nouvel horizon dans un monde qui doit se construire sur de nouvelles bases. Les pays ACP et Européens représentent près de la moitié des Etats représentés à l’ONU, et bien davantage encore à l’OMC. Ils ont les moyens d’imposer une nouvelle volonté.

Nos dirigeants auront-ils l’imagination et l’audace pour ce grand dessein, ou l’Europe est-elle désormais vouée à entrer dans les « faubourgs de l’histoire », pour reprendre une expression d’Octavio Paz ?

Hervé GAYMARD

AVANT PROPOS DE M. JEAN-CLAUDE FRUTEAU

« Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté doit commencer par leur garantir l’existence »

Léon BLUM, Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann, Gallimard, 1937

Dans un monde où les crises en tous genres – financière, économique, alimentaire, énergétique, climatique – nous frappent de plein fouet, l’heure est sans doute venue de bâtir un nouveau modèle pour la coopération entre les pays grâce notamment à l’élaboration de partenariats solides.

C’est vrai pour les pays en développement qui s’emploient à combler les écarts accumulés depuis des décennies. Mais cela l’est également pour l’Europe qui cherche encore sa place dans le cadre nouveau tracé par l’accélération du processus de globalisation. La tentation passionnelle du repli sur soi peut être forte mais elle ne constitue en aucun cas une solution viable et pérenne dans le monde qui nous entoure.

Chercher sa place invite donc à une réflexion sur soi mais aussi sur ses relations avec les autres tant le monde a radicalement changé et s’est complexifié. Les rapports de force Nord / Sud se sont transformés et plus que jamais sans doute, l’Europe a besoin de partenaires.

Ainsi, une réflexion sur les enjeux des Accords de Partenariat Economique (APE) avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ne peut se limiter à l’aspect commercial. En effet, si le commerce peut enclencher le cercle vertueux de la croissance et du développement économique et social, il ne constitue pas l’unique levier d’action pour permettre aux pays en « mal de développement » de combler leur retard.

S’enferrer dans le radicalisme prôné par la pensée « libre-échangiste » c’est, d’une part, nier les réalités et les besoins des peuples et, d’autre part, entretenir des asymétries qui, si elles s’aggravent encore, pourraient se transformer en sources de tensions majeures.

Cette mission d’information parlementaire, nous l’avions souhaitée ensemble, Hervé Gaymard et moi-même, alors que nous travaillions sur la mission d’information sur le Bilan de santé de la Politique Agricole Commune (PAC). Au fil de nos investigations, le sujet des APE nous était apparu essentiel. Le travail préparatoire que nous avons réalisé pour la rédaction de ce rapport n’a fait que confirmer, malheureusement, le constat initial.

L’exercice que nous avons entrepris n’était pas simple et nous avons, au fil de notre travail, pris toute la mesure du défi qui était devant nous. Nous avons fait le choix de ne pas limiter ce rapport à un simple constat de la situation ; au contraire, nous avons souhaité formuler des pistes de réflexion utiles pour la mise en oeuvre d’un modèle alternatif, où toutes les parties impliquées dans l’échange que prétendent instituer les APE trouveraient une place équilibrée.

L’agenda politique actuel peut laisser entrevoir quelques fenêtres d’opportunités pour un changement de cap de l’Union européenne en la matière, voire un déblocage des négociations à moyen terme. L’élection d’un nouveau Parlement européen et le renouvellement de la Commission constituent deux évènements propices à encourager une réflexion nouvelle qui entraînerait une évolution de la position de l’Union européenne à l’égard de ses partenaires ACP. La seule certitude au moment de la rédaction de ce rapport est que la conclusion des APE exigera un travail de fond et sera un accouchement dans la douleur qui marquera durablement les relations entre l’Union européenne et les pays ACP.

Historiquement, le partenariat Europe – ACP de Lomé était fondé sur le dialogue politique, la coopération au développement et le commerce. Les origines de ces relations avec les pays ACP, construites par les liens issus de la colonisation, avaient permis l’émergence d’une idée commune selon laquelle l’Europe avait une responsabilité particulière.

Ce régime s’appuyait donc sur un principe politique simple qui s’inscrivait dans l’esprit du « nouvel ordre économique international » et qui avait pour objectif d’établir un lien direct entre le niveau de développement et l’effort à accomplir. Le principe de la non réciprocité s’était alors imposé dans l’élaboration des engagements commerciaux.

Les pays ACP n’étaient pas tenus d’ouvrir leur marché puisque, dans l’élaboration du partenariat, la théorie de l’échange inégal – développée par de nombreux économistes marxistes – avait supplanté la vision des néoclassiques pour qui, en situation de concurrence pure et parfaite, l’échange est toujours égal et mutuellement avantageux conformément à la théorie des avantages comparatifs. Dans la réalité, il en va tout autrement : l’échange n’est ni égal, ni toujours avantageux pour toutes les parties. Dans le rapport de force qui structure les relations commerciales, l’avantage revient toujours à la partie qui se trouve, dès le départ, en position dominante.

Ainsi, force est de constater que malgré l’application du principe de non réciprocité, la part des pays ACP dans le commerce européen et mondial s’est érodée, notamment en raison de la concurrence d’autres pays en développement situés en Asie et en Amérique latine.

En 2000, l’Accord de Cotonou marque donc une rupture majeure avec la lettre et l’esprit qui avaient jusqu’alors guidé les relations commerciales entre l’Europe et les pays ACP. Le violent tour de vis libéral aura eu raison du principe de non réciprocité et du régime commercial unique.

La pression du fanatisme « libre échangiste » qui a largement dominé le début de ce nouveau siècle, a imposé l’idée que seul le commerce pourrait contribuer pleinement au développement économique des pays ACP (voir la théorie de la « main invisible du marché » développée par Adam SMITH). Ce n’est pas l’Accord lui-même qui attribue une place exclusive au commerce, c’est l’interprétation dure de la Commission européenne qui bouleverse radicalement les relations.

Le régime de Lomé devait rester en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 le temps de permettre aux négociations d’aboutir. Cependant, force est de constater que l’enlisement continu des négociations APE depuis 2000 atteste du profond désaccord entre les parties prenantes.

Les effets combinés, d’une part, de la dégradation continue des termes de l’échange et, d’autre part, de la course effrénée à la productivité ont mis à mal les fondamentaux qui structurent les économies des pays ACP.

Pour être encore compétitifs sur la scène mondiale, nombre de pays ACP ont choisi la voie de la spécialisation dans un nombre réduit de produits d’exportation – notamment dans les produits primaires non pétroliers pour lesquels la demande mondiale n’est pas très dynamique –.

Ce choix stratégique s’avère dramatique pour la survie des cultures vivrières traditionnelles parce qu’il consacre le développement de monocultures orientées principalement vers l’exportation.

Ce faisant, il provoque une dépendance encore plus grande de ces pays ainsi contraints à importer des produits de base nécessaires à l’alimentation de leurs propres populations. Il les expose également aux aléas de la volatilité des cours mondiaux.

Enfin, il met à mal les équilibres économiques et sociaux internes. Quand ces populations ne peuvent plus subvenir à leurs besoins dans les campagnes, elles migrent vers les zones urbaines dans l’espoir vain de trouver une activité pour survivre. L’exode rural lié à la disparition des cultures vivrières alimente chaque jour un peu plus la misère sociale et la détresse humaine des pays ACP.

Ainsi, dans cette configuration économique, la réduction des barrières douanières serait synonyme d’appauvrissement croissant. Les pays ACP n’ont jamais été et ne sont toujours pas en capacité de rivaliser avec des économies occidentales ou émergentes qui sont structurées et qui possèdent une force de frappe commerciale (coût de production, structuration des filières, etc...) sans commune mesure avec la leur.

L’exemple de la production de poulets au Sénégal, anéantie par les exportations brésiliennes, est un révélateur de cette inégalité des termes de l’échange. D’autres exemples pourraient, hélas, être mis en avant. Les réponses politiques qui devraient dès lors prédominer dans les négociations devraient permettre le développement et le décollage des économies ACP afin qu’elles puissent rivaliser dans le concert des nations au lieu de se pencher uniquement sur le niveau d’ouverture des marchés.

Ces dernières années, de nombreux rapports sur les APE ont été réalisés. Tous ont eu l’occasion de démontrer les écarts entre la volonté de la Commission européenne et les enjeux ainsi que les attentes des pays ACP en général et de l’Afrique en particulier. Les conclusions de ces différents rapports sont toutes convergentes et mettent en exergue la position très rigide de l’Union européenne et les conséquences économiques et sociales des APE pour les pays ACP.

Les personnalités très diverses auditionnées dans le cadre de la préparation de ce rapport ont quasiment toujours évoqué l’attitude fermée et directive de l’Union européenne.

La direction du Commerce extérieur de la Commission (la « DG Trade ») qui suit principalement les négociations et que l’on sait peu soucieuse des aspects développement a une responsabilité toute particulière dans l’enlisement des négociations qui nous conduit à la situation actuelle. En effet, même si elle a respecté le mandat qui lui avait été donné, elle a néanmoins, dès le départ, tenté d’imposer un passage en force inacceptable pour les pays ACP par crainte de la menace contentieuse de pays émergents à l’OMC. Pire, elle a essayé d’imposer, via les APE, des accords plus étendus en terme d’ouverture et de libéralisation que ce que les pays ACP avaient concédés au sein de l’OMC, dans le cadre du cycle de Doha.

Face aux multiples blocages et aux réactions hostiles des pays ACP, la direction du Commerce extérieur de la Commission aurait même conditionné l’aide au développement à la signature des APE, transformant ainsi, sans complexe, l’aide au développement en aide au commerce.

Je récuse pour ma part cette forme de chantage car si le commerce doit contribuer au développement, la pérennité et les capacités commerciales sont avant tout conditionnées par le développement.

Cette attitude de la Commission européenne n’est pas sans rappeler les pratiques de conditionnalité formalisées par les économistes de la Banque mondiale et dont on sait aujourd’hui qu’elles sont très contestées. En effet, l’idée selon laquelle l’aide ne serait efficace pour promouvoir la croissance que dans les pays ayant les bonnes institutions et qui suivent une bonne politique économique s’apparente à un chantage voire à de l’ingérence dont le but final est l’uniformisation et l’avènement du modèle libéral. La politique de la conditionnalité récompense les élèves zélés qui obéissent aux volontés de la partie la plus favorisée et laisse sur le bord de la route les pays dits « hostiles », qui refusent ou qui ont du mal à conduire le changement et dont pourtant la population aurait bien souvent le plus besoin de l’aide. Cette vision se heurte pour moi à une question simple : de quel droit pourrions-nous imposer de la sorte notre vision du fonctionnement institutionnel et économique aux pays ACP ?

Depuis trop longtemps maintenant, dans les négociations APE, l’Union européenne a voulu brûler les étapes. La croissance économique et sociale, mais aussi et surtout, le développement humain, ne reposent pas uniquement sur l’ouverture. Pour être durable et génératrice d’effets positifs, la croissance se construit par différentes étapes : transition, décollage, maturité et consommation. Ce cheminement économique prend un sens particulier lorsque l’on aborde le cas des pays ACP et soulève là encore une question très simple : dans leur évolution vers la croissance, les pays ACP sont-ils arrivés à l’étape propice au décollage et de fait, à l’ouverture souhaitée par les APE ?

Les APE sont formellement pacifistes. Pourtant, les négociations et leurs contenus sont plus que brutaux. L’entrée en vigueur de ces accords pourrait provoquer un tel électrochoc budgétaire, économique, politique et social qu’il pourrait certainement déséquilibrer le fonctionnement des Etats et rompre les pactes sociaux déjà souvent précaires.

L’approche par pôles régionaux pouvait constituer un point positif voulu par les APE. Cependant, là encore, la précipitation l’a emporté sur la raison. L’intégration régionale ne se décrète pas, elle se construit, elle demande du temps. L’exemple de notre propre histoire, celle de l’Europe et de la construction de la coopération économique européenne, démontre que le facteur temps est primordial. L’élaboration de bases pérennes de coopération entre les pays est le fruit d’une lente édification qui passe obligatoirement par des périodes de construction et de consolidation. Aussi, comment pouvons-nous penser qu’il en serait autrement pour les pays ACP ? Pourquoi devrions-nous exiger tout et tout de suite ?

La crise qui frappe durement l’ensemble de l’économie mondiale a également provoqué une méfiance accrue des pays ACP à l’égard des APE et de la pensée dérégulatrice orthodoxe qui les caractérisent. Les incertitudes qui pèsent sur l’avenir n’ont fait que refroidir davantage les négociations. Elles ont même ravivé les craintes des pays qui pourtant avaient franchi le pas en donnant un accord de principe pour la signature d’accords intérimaires.

Aujourd’hui, les APE ne doivent pas être des accords obtenus à l’usure. L’ensemble des pays européens en général, et la France en particulier, doivent oeuvrer au dépassement du seul volet commercial pour établir les bases incontournables d’un « développement partagé » et profitable à tous.

Egalité entre les parties, respect de l’autre et de sa souveraineté et concessions mutuelles : sans le retour aux valeurs essentielles qui fondent la notion même de partenariat, la présence et le rayonnement de l’Union européenne dans les pays ACP ne cessera de s’étioler. Si l’Union européenne n’est pas capable de proposer des APE avantageux pour le développement de ces régions, nul ne pourra ensuite s’étonner du déclin de la présence européenne face aux nouveaux pays émergents comme la Chine qui, sans complexe, noue de plus en plus de relations commerciales dont au final le bénéfice pour l’avenir et le développement des pays ACP peut être très discutable.

Faire entendre la différence européenne est une nécessité. Revendiquer et instaurer une nouvelle donne pour les APE est désormais l’unique solution pour sortir de l’ornière dans laquelle se trouvent les négociations.

La prochaine étape est donc cruciale et l’erreur n’est plus permise. La réussite dépend de la volonté des décideurs politiques à traduire dans les faits le changement tant souhaité par les pays ACP mais également par les citoyens de l’Union européenne qui ne se reconnaissent plus dans les pratiques de la politique extérieure de l’Europe. Ce divorce, qui s’est d’ores et déjà prononcé à de nombreuses reprises, exige un changement de cap.

Le courage impose de reconnaître ses erreurs. L’intelligence et le bon sens nous invitent à mettre à place une nouvelle orientation politique capable d’allier l’échange à la régulation. L’honneur nous commande de poser les bases d’un partenariat équitable et efficace, efficace parce qu’équitable.

Jean-Claude FRUTEAU

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Depuis l’accord d’association de 1957, un partenariat lie l’Union européenne et les Etats d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes dits « ACP ». A compter de la création en 1995 de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la montée en puissance des règles de libéralisation du commerce a progressivement mis fin au caractère privilégié de ce partenariat. L’OMC a en effet posé le principe de l’égalité de traitement selon lequel les mêmes règles doivent s’appliquer à tous les pays quelque soit leur niveau de développement. En 2000 était signé l’accord de Cotonou qui se donnait sept ans pour que l’Union européenne et les 78 pays ACP regroupés en six régions – Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, Afrique orientale, Afrique australe, Caraïbes et Pacifique- mettent fin au système asymétrique des préférences commerciales non réciproques. Ces pays devaient libéraliser, par le biais d’accords de partenariat économique (APE), l’essentiel de leurs échanges afin de se conformer aux règles de l’OMC.

S’il reposait sur le postulat du commerce et de la libéralisation des échanges comme moteur du développement, l’accord de Cotonou tempérait cette logique en l’articulant avec celle du développement, de l’intégration régionale et de l’aide financière.

Dès le début, les idéologies ont fortement pesé sur des négociations chaotiques, engagées tardivement et maladroitement du côté européen sur la base d’un mandat de négociation commercial donné par le Conseil à la Commission, le commissaire au commerce en étant le maître d’œuvre. Le discours libéral de M. Peter Mandelson a suscité d’emblée la méfiance des pays ACP. Celle-ci fut confirmée par trois circonstances aggravantes : la crainte des conséquences d’une ouverture excessive des économies du fait des APE, le décalage entre le discours européen sur la priorité du développement alors qu’en réalité, l’accent était mis sur la libéralisation et un agenda de négociations contraignant. D’où la charge menée contre les APE, lors du sommet de Lisbonne en décembre 2007, par le Président sénégalais Abdoulaye Wade demandant aux Africains de se « mobiliser pour barrer la route à cette menace pour les économies africaines ».

Il aura fallu ce coup de semonce pour que l’Union européenne prenne conscience que les pays ACP attendaient de l’Union européenne des relations plus profondes qu’un simple accord commercial. Avec l’arrivée, en 2008, d’un nouveau commissaire au commerce, Mme Catherine Ashton, les relations ont semblé quelque peu s’apaiser. Le Conseil a adopté, le 11 novembre 2008, sous présidence française, des conclusions plus équilibrées prenant davantage en compte les préoccupations des pays ACP. Y était affirmée la nécessité de conclure des APE complets, de conforter le processus d’intégration en cours et d’accompagner les APE à travers notamment une aide substantielle au commerce et la prise en compte de la sécurité alimentaire.

Aujourd’hui, les négociations se poursuivent sur la base de ces conclusions. Mais deux ans après la date butoir symbolique du 31 décembre 2007, un seul APE complet était signé avec les Caraïbes. Une solution temporaire a dû être trouvée en décembre 2007 afin de maintenir aux pays ACP ne faisant pas partie des pays les moins avancés (PMA), l’accès préférentiel au marché européen(2). Alors que la Commission européenne avait présenté ces accords intérimaires comme un tremplin vers des APE complets, les négociations piétinent, à l’image de celles engagées avec l’Afrique de l’Ouest. Ainsi il avait été annoncé aux rapporteurs en septembre dernier, lors du déplacement au Ghana et au Sénégal, qu’un accord APE était en bonne voie d’être conclu avec l’Afrique de l’Ouest en octobre : l’échéance a encore été repoussée et la signature en est actuellement prévue à la fin de 2009, voire au début 2010.

Les divergences sont encore très nombreuses : interprétation de l’article XXIV du GATT sur le degré et la période d’ouverture des marchés, application de la clause de la nation la plus favorisée, protection des industries naissantes, règles d’origine… . Ces points d’achoppement cristallisent en fait les contradictions dans la position des négociateurs européens et révèlent le faible degré d’élaboration de leur réponse aux demandes des pays ACP sur le volet développement

De plus, le contexte économique mondial a profondément changé depuis les années 90 où a été préparé l’accord de Cotonou. La crise économique, financière et alimentaire a mis à mal le dogme de la libéralisation généralisée qui sous-tendait le Consensus de Washington(3). Elle a par ailleurs accentué la vulnérabilité des économies des pays en développement. La Banque mondiale, dans son dernier rapport, a mis l’accent sur l’urgence absolue de l’aide aux pays en voie de développement pour faire face à la crise(4). La révision à mi-parcours de l’accord de Cotonou en 2010(5) pourrait être l’occasion pour l’Europe de rebattre les cartes et d’affirmer sa volonté politique de contribuer de manière originale à la problématique du développement comme elle l’a fait il y a 40 ans. Ce sera sans doute moins aisé à vingt -sept qu’à six mais, si l’Europe ne relève pas ce défi, mettant à profit sa proximité historique, économique, géographique et culturelle avec ces pays, elle y perdra sa légitimité, dans un contexte de plus en plus concurrentiel marqué par la montée en puissance des grands pays émergents. Par ailleurs, alors que les négociations du cycle de Doha semblent dans l’impasse, l’Union européenne et les pays ACP qui représentent un poids politique non négligeable au sein de l’OMC, pourraient – dans la mesure où les problématiques APE-cycle de Doha se télescopent – défendre une approche des règles de cette organisation qui ne soient pas soumises aux seules lois du marché. Cela permettrait de poser la question plus générale du traitement des pays en voie de développement dans le commerce mondial.

Le Parlement français sera amené à se prononcer sur les accords APE au moment de leur ratification. Aussi la Commission des Affaires européennes a suivi de près chaque étape des négociations. Ce présent rapport d’information a été précédé par celui de M. Yves Daugé en juillet 1999(6) et par celui de M. Jean-Claude Lefort en juillet 2006(7). Mme Christine Taubira avait pour sa part remis en juin 2008 un rapport au Président de la République(8).

Les rapporteurs ont tenu à procéder aux auditions les plus larges
–de représentants de la société civile africaine, d’experts, de la Commission européenne et des administrations françaises – ; auditions complétées par un déplacement en Afrique de l’Ouest – zone de négociation où le processus d’intégration est le plus avancé – : au Sénégal, pays emblématique de la lutte contre les APE et au Ghana qui a paraphé, sans le signer à ce jour, un accord intérimaire.

De ces différents travaux, les rapporteurs ont vu se dégager des lignes de force. Il est possible que les APE ne soient ni un simple accord de libre échange ni une variable d’ajustement aux règles de l’OMC ; ils offrent l’occasion d’un véritable partenariat, c’est-à-dire le support d’échanges et de respect mutuel. Il est possible d’aménager un cadre économique et commercial innovant et favorable au développement durable des économies ACP et de prévenir la brutalité des conséquences du libre échange.

PREMIÈRE PARTIE :
QUARANTE ANS DE RELATIONS PRIVILÉGIÉES FACE AUX RÈGLES DE LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES

L’association des pays et des territoires d’outre mer (PTOM) avec l’Europe et leur développement parallèle était une idée force de l’Europe naissante et plus particulièrement de la France. Elle a vu le jour dès la signature du Traité de Rome en 1957 qui créait un régime d’association avec ces pays reposant sur les principes de libre commerce et de développement. Le Fonds européen de développement (FED) était la traduction concrète et l’instrument de la mise en œuvre de l’accord d’association.

Dès l’origine, en instituant des préférences commerciales contraires aux règles de la compétitivité et des outils de stabilisation comme le Stabex et le Sysmin en opposition avec une vision libérale de fluctuation des marchés, ces accords portaient un message en contradiction aux règles posées par les institutions de Bretton Woods(9: Banque mondiale, Fonds monétaire international et GATT, qui deviendra l’OMC.

I. UN MODÈLE DE COOPÉRATION ENTRE LE NORD ET LE SUD

L’accession à l’indépendance des PTOM a conduit à la signature des conventions de Yaoundé en 1963 et 1969 avec dix huit états ; elles seront suivies par les différentes conventions de Lomé.

D’autres pays développés – le Canada(10) ou les Etats-Unis – accordent des préférences aux pays en développement soit de façon bilatérale soit de façon multilatérale en fonction de leurs intérêts. Mais les accords entre l’Union européenne et les pays ACP constituaient un modèle original de coopération internationale reposant sur deux piliers : un pilier commercial constitué par un système d’échanges commerciaux spécifique, basé sur le principe des préférences non réciproques, et un pilier relatif au développement.

Ces accords étaient par ailleurs appuyés par des mécanismes inventifs comme le Stabex ou le Sysmin qui témoignaient du souci de l’Union européenne d’aller au-delà d’un simple accord commercial.

Ces conventions n’ont certes pas donné tous les effets escomptés sur le développement de ces pays. Aussi, en 1995, date de la création de l’OMC par les accords de Marrakech, la Commission européenne, mettant en avant leurs résultats mitigés sur le développement économique des pays ACP, a lancé une réflexion sur un changement de stratégie en matière de coopération qui a abouti en 2000 à l’accord de Cotonou.

A. Un partenariat privilégié et évolutif

L’idée de partenariat a, depuis le début des conventions, conféré du prix à l’égalité entre les parties signataires, au respect de leur souveraineté et de leurs intérêts mutuels dans un souci d’écarter tout risque de rapport de dépendance entre les pays européens et leurs anciennes « colonies ».

1. Des relations paritaires et sécurisées

a) Un dialogue institutionnel toujours en vigueur

Ces principes d’égalité et de respect mutuel sont incarnés par des institutions paritaires toujours en vigueur. Un Conseil annuel des ministres de l’Union européenne arrête les grandes orientations et le comité des ambassadeurs en assure le suivi. L’institution la plus originale est dans doute l’Assemblée paritaire parlementaire (APP) au sein de laquelle des parlementaires des pays ACP et du Parlement européen se réunissent deux fois par an alternativement dans un pays membre de l’Union et dans un état ACP. Son rôle consultatif favorise le dialogue et, ce faisant, cette assemblée a contribué à la démocratisation de certains pays. La convention de Lomé IV a encouragé la représentation parlementaire au sein de l’APP. Ainsi, cette Assemblée paritaire a été très active lors de la négociation des accords de partenariat économique. Lors de sa réunion du 19 au 22 novembre 2007 à Kigali, les échanges entre parlementaires ont abouti à la publication d’une déclaration à travers laquelle l’APP demandait notamment que les pays ACP puissent disposer de plus de temps pour parvenir à un consensus sur les Accords de partenariat économique.

C’est également sur la base de ce partenariat qu’est conjointement élaboré entre la Commission européenne et chaque Etat ACP, le « programme indicatif national » de développement.

b) Des relations stables

Les conventions successives étaient signées pour cinq ans, ce qui a permis une programmation des ressources et l’organisation d’un dialogue sur les politiques macro-économiques et sectorielles. La sécurité de cette relation a été renforcée par la Convention de Lomé IV qui a prévu une durée d’application de dix ans, une souplesse étant prévue par la possibilité de révision à mi-parcours et le financement par deux protocoles financiers. Le financement par le Fonds européen de développement (FED) accompagne chaque convention pour la même durée.

2. Un modèle qui s’est adapté

Ces quatre décennies n’ont certes pas été un long fleuve tranquille. Après la décennie des années 70 relativement favorable aux pays en voie de développement qui ont revendiqué la création d’un nouvel ordre économique international, les années 80 ont vu apparaître les premiers signes d’une logique libérale implacable pour ces pays fortement endettés. Les grandes famines lors de Lomé III ont été de pair avec les processus d’ajustements structurels prônés par le Fonds monétaire international (FMI).

Sur le fond, les conventions ont évolué afin de tenir compte des bouleversements survenus à la fois sur la scène internationale et dans ces pays.

Un changement fondamental est intervenu en 1975 dans le régime commercial. A la différence des conventions de Yaoundé qui reposaient essentiellement sur un système de préférences réciproques, la première convention de Lomé adopte un système de concessions commerciales unilatérales.

Les Conventions de Lomé I (1975-80) et II (1980-85) ont donné la priorité au développement industriel et rural, en créant le Stabex (Fonds de stabilisation des recettes d’exportation sur les produits agricoles) et le Sysmin (Fonds de stabilisation des recettes d’exportation des produits minéraux) pour compenser les baisses de recettes d’exportation des produits primaires. Les Conventions de Lomé III et IV (1985-1990 et 1990-2000) ont, quant à elles, mis l’accent sur la sécurité alimentaire et l’environnement par le biais de la coopération agricole et ont complété le régime commercial et la coopération économique dans les trois secteurs primaire, secondaire et tertiaire . Elles ont défini des thèmes d’intervention centrés sur le développement durable.

La révision à mi-parcours de la convention de Lomé IV a marqué un tournant en privilégiant sur le plan politique, le respect des droits de l’homme, l’appui au processus de démocratisation et la consolidation de l’Etat de droit dans les pays ACP. Sur le plan commercial, l’amélioration de la compétitivité des économies des ACP a été mise en avant et les conditions des interventions de la Banque européenne d’investissement (BEI) ont été assouplies en même temps que son rôle dans la promotion du secteur privé s’est accru.

3. Des situations hétérogènes

Au fil des élargissements et notamment l’entrée de la Grande-Bretagne en 1973, qui était désireuse de maintenir des liens avec une vingtaine pays en développement du Commonwealth en Afrique, le champ de ces conventions a couvert de plus en plus de pays. La première convention de Lomé signée en 1975 a constitué le groupe des pays ACP, fort de 46 pays ; la convention de Lomé II en 1979 en regroupait 58. Le « modèle de Lomé » a sans aucun doute exercé un pouvoir d’attraction : il s’est ainsi étendu en 1998 à l’Afrique du Sud(11!

Aujourd’hui, ce partenariat Nord –Sud constitue un vaste ensemble géographique et économique représentant la moitié des états de la planète : 27 Etats européens et 77 pays du Sud (48 en Afrique Sub-saharienne qui représente un poids déterminant dans cet ensemble, 15 dans les Caraïbes et 14 dans le Pacifique). Cet élargissement constant a d’ailleurs été un facteur d’hétérogénéité et a rendu nécessaire des solutions de compromis entre pays aux intérêts divergents.

Cette hétérogénéité complique les négociations sur les APE dans la mesure où individuellement, chaque pays défend ses propres intérêts et joue donc sa propre carte. Par ailleurs, les enjeux diffèrent par groupe de pays, la distinction la plus pertinente étant celle des pays les moins avancés (PMA) et les pays non-PMA. Cette configuration complexe a rendu d’autant plus indispensable l’élaboration d’un volet développement fort car les pays appartenant au groupe des PMA bénéficient d’un régime commercial plus favorable – l’initiative « Tout sauf les armes » (TSA) de 2001(12) et n’ont pas d’intérêt à signer un accord de partenariat s’ils n’obtiennent pas de contrepartie et des assurances sur l’aspect « développement ».

Liste des Etats membres de l’OMC(13) et du groupe ACP

Afrique du Sud

Angola

Antigua-et-Barbuda

Barbade

Belize

Bénin

Botswana

Burkina Faso

Burundi

Cameroun

Rép. centrafricaine

Congo

RD du Congo

Côte d’Ivoire

Cuba

Djibouti

Rép. dominicaine

Dominique

Fidji

Gabon

Gambie

Ghana

Grenade

Guinée

Guinée Bissau

Guyana

Haïti

Jamaïque

Kenya

Lesotho

Madagascar

Malawi

Mali

Maurice

Mauritanie

Mozambique

Namibie

Niger

Nigeria

Ouganda

Papouasie-Nouvelle-Guinée

Rwanda

Sainte-Lucie

Saint-Kitts-et-Nevis

Saint-Vincent-et-les-Grenadines

Iles Salomon

Sénégal

Sierra Leone

Suriname

Swaziland

Tanzanie

Tchad

Togo

Tonga

Trinité-et-Tobago

Zambie

Zimbabwe

Observateurs : Bahamas, Cap Vert, Comores, Ethiopie, Guinée équatoriale, Liberia, Samoa, Sao Tomé et Principe, Seychelles, Soudan, Vanuatu.

Liste des pays les moins avancés membres (PMA)(14) du groupe des ACP

Angola

Bénin

Burkina Faso

Burundi

Cap Vert

Rép. centrafricaine

Comores

RD du Congo

Djibouti

Erythrée

Ethiopie

Gambie

Guinée

Guinée Bissau

Guinée équatoriale

Haïti

Kiribati

Lesotho

Liberia

Madagascar

Malawi

Mozambique

Namibie

Niger

Ouganda

Rwanda

Samoa

Sao Tomé et Principe

Sénégal

Sierra Leone

Iles Salomon

Somalie

Soudan

Timor Leste

Tchad

Togo

Tuvalu

Tanzanie

Vanuatu

Zambie

B. Un régime commercial asymétrique associé à des instruments innovants

1. Des préférences asymétriques pour une inégalité réparatrice

Les conventions de Yaoundé et de Lomé étaient fondées sur le principe d’une inégalité réparatrice dont l’objet est de rendre plus égaux les rapports commerciaux entre pays inégalement concurrentiels. Le système de préférences réciproques sur lequel reposaient les conventions de Yaoundé a fait place en 1975 à un système de concessions commerciales unilatérales.

Les préférences accordées au Etats ACP se situaient au sommet de la hiérarchie des préférences commerciales accordées par l’Union européenne.

Plusieurs régimes d’accès au marché communautaire coexistent.

Le traitement de base correspondant à la clause de la nation la plus favorisée (NPF) est en fait minoritaire. Y sont assujettis seulement neuf pays parmi les plus développés(15).

L’Union européenne a par ailleurs mis en œuvre des systèmes préférentiels qui couvrent une grande majorité de pays. Le schéma des préférences généralisées (SPG)(16) accordés depuis 1971 aux pays en voie de développement ne bénéficiant pas d’accords plus avantageux dont le tarif par rapport au tarif NPF comporte un abattement de 20 % pour les produits sensibles et 40 % pour les produits semi sensibles, les autres produits pénétrant en exemption de droits. Il existe par ailleurs un SPG plus, régime spécial d’encouragement au développement durable et à la bonne gouvernance(17). Enfin, des accords préférentiels réciproques (Union douanière, libre échange) lient l’Union européenne avec des pays ou des groupes de pays.

En 2001, l’Union européenne a libéralisé l’ensemble des importations des produits en provenance des pays les moins avancés( PMA) par l’initiative « Tout sauf les armes » (TSA) qui accorde le libre accès au marché communautaire en franchise de droits et de contingents à tous les produits. Le groupe des Etats ACP ont accueilli cette initiative favorablement même si elle portait atteinte aux relations privilégiées qu’ils entretenaient avec l’Union européenne et si certains ont exprimé des préoccupations sur trois produits
– bananes, sucre et riz – dont la libéralisation s’étendra sur plusieurs années. Cette initiative bénéficie à 48 PMA parmi les pays les plus pauvres de la planète et dont la marginalisation dans l’économie mondiale peut se mesurer par leur part très faible dans les exportations mondiales : 0,5 % alors qu’ils représentent 10 % de la population mondiale.

Les préférences accordées aux pays ACP visaient à donner un avantage aux produits ACP importés par l’Europe par rapport aux produits concurrents en provenance de pays non ACP. Cet avantage pouvait se mesurer par la « marge préférentielle » (voir tableau), qui est la différence entre les droits de douane, souvent nuls, acquittés par les pays ACP et les droits de douane versés par les autres exportateurs. Des préférences pouvaient également être non tarifaires quand elles portaient par exemple sur des quotas. Elles impliquaient que les bénéficiaires respectent les règles d’origine (85 % de la valeur des produits doit être produit par les pays ACP).

Marge préférentielle moyenne réelle, par pays et par secteur

Pays ACP

Secteur agricole

Secteur industriel

Lesotho

24.9

6.9

Gambie

15.9

2.5

Saint Vincent

10.2

5.1

Sainte Lucie

8.0

2.2

Guyana

7.6

1.5

Surinam

7.6

2.0

Iles Vierges

6.8

0.4

Mali

6.4

0.7

Burkina Faso

5.9

0.9

Bénin

5.3

1.1

Dominique

5.1

0.8

Malawi

4.9

3.0

Kiribati

4.8

1.7

Vanuatu

3.9

0.9

Belize

3.8

3.7

Soudan

3.3

0.6

Togo

2.7

0.9

Rép. Dominicaine

2.0

4.2

Erythrée

1.9

1.5

Zimbabwe

1.8

1.8

Botswana

1.7

0.9

Jamaïque

1.2

2.5

Source : « Is Erosion of Tariff Preferences a Serious Concern ? », Antoine Bouët, Lionel Fontagné et Sébastien Jean, Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), Working Paper n° 14, septembre 2005.

En application de ce régime, les produits industriels bénéficiaient d’une exonération de droits de douane et de l’exemption de certaines restrictions.

Les préférences étaient moins avantageuses pour les produits agricoles. Les produits tropicaux (café, cacao) n’étaient frappés d’aucun droit, les produits tempérés pouvant être exemptés de certaines restrictions de la politique agricole commune (droits d’importation, prélèvements, contingents, subventions à l’exportation). Ces restrictions touchaient environ un quart des exportations agricoles et donnaient un avantage aux pays ACP par rapport aux autres pays exportateurs vers l’Union européenne mais pas par rapport aux producteurs européens.

92 % des produits originaires des ACP bénéficiaient de ce régime et en incluant les produits agricoles soumis à un contingent, ce pourcentage passait à 96,5 %. Outre un avantage économique, ces préférences ont apporté, un avantage politique lié à la sécurité juridique des accords, les opérateurs économiques étant en quelque sorte protégés des risques inhérents aux investissements dans les activités axées sur les exportations.

Cependant, la diversification des régimes commerciaux en vigueur dans l’Union européenne est à l’origine de la disparition de ces relations privilégiées prises dans un mouvement d’érosions des préférences commerciales.

Par ailleurs, cette diversité des régimes n’a pas facilité les négociations relatives aux APE car les intérêts des différents pays ACP pouvaient diverger en fonction de leur appartenance ou non au groupe des PMA.

2. Des instruments innovants liant commerce et aide au développement

Les conventions de Lomé ont, conjointement au système de préférences commerciales, mis en place des instruments qui s’inscrivent dans le cadre de la réflexion sur le fonctionnement des marchés primaires. Afin de stabiliser les cours des produits de base, des accords par produits ont été institués en utilisant les stocks régulateurs et les quotas d’exportations. Par ailleurs, des mécanismes visant à compenser les pertes de recettes d’exportation ex post ont été créés.

a) Des mécanismes de stabilisation des recettes d’exportation

Le Stabex créé en 1975 était un mécanisme original de compensation des pertes de recettes d’exportation des produits agricoles en cas de fluctuations des prix sur les marchés mondiaux. Selon le texte de la convention de Lomé, il s’agissait d’« aider les Etats ACP à surmonter les principaux obstacles à la stabilité, à la rentabilité et la croissance continue de leurs économies pour soutenir leurs efforts de développement et leur permettre d’assurer ainsi le progrès économique et social de leurs populations en contribuant à la sauvegarde du pouvoir d’achat ».

Le mécanisme se déclenchait lorsque les recettes diminuaient d’au moins 5 % par rapport à la norme fixée à la moyenne des quatre années antérieures sur un produit représentant 5 % des exportations totales de l’Etat concerné vers l’Europe, ce seuil étant ramené à 1 % pour les pays les moins avancés. Le Stabex couvrait à l’origine une trentaine de produits de base mais la liste a évolué au cours des différentes conventions en fonction des chocs subis par tel ou tel marché. Dans la convention de Lomé IV, cinquante produits seront concernés.

Le système a connu des difficultés de fonctionnement. En effet, il reposait sur deux principes dont la conciliation s’est avérée difficile : remédier aux effets des baisses de recettes par un système de compensation automatique et rapide et traiter les causes de ces baisses par une action sectorielle.

Par ailleurs, 73 % des fonds ont été utilisés pour 10 pays (Cameroun, Côte d’Ivoire et Sénégal) et certains produits comme le café, le cacao et l’arachide ont absorbé la majorité des financements.

Les dispositions prises pour y remédier- déblocage anticipé des tranches annuelles, utilisation des intérêts produits par le Stabex, augmentation des ressources par le transfert des montants affectés au Sysmin – ont été insuffisantes : pour l’année 1990, les besoins financiers du système n’étaient couverts qu’à 39 %. Cette insuffisance des ressources a été aggravée par la compensation de certaines pertes d’exportation à destination de pays ne faisant pas partie de la Communauté européenne.

Le Sysmin était un mécanisme de soutien à la production et à l’exportation des produits miniers des pays ACP. Son fonctionnement diffère quelque peu du Stabex. Il concerne moins de dix produits d’origine minérale (cuivre, cobalt, phosphate, manganèse, bauxite, aluminium, étain, minerais de fer, uranium). Pour que le mécanisme se déclenche, des conditions alternatives devaient être réunies : soit le produit devait constituer au moins 15 % des exportations, soit l’ensemble des produits miniers devait représenter 20 % au moins des exportations. La compensation était déclenchée dès lors que la capacité de production ou d’exportation ou les cours chutaient d’au moins 10 % par rapport à la moyenne des deux années précédentes. Des subventions pouvaient être accordées et des prises de participation être réalisées afin de maintenir les capacités de production minière dans les pays confrontés à de graves difficultés.

L’accord de Cotonou a supprimé le Stabex et le Sysmin mais la nécessité de sécuriser les recettes d’exportations notamment agricoles demeure. Aussi, l’Union européenne a institué, dans une même logique, le mécanisme Flex en cas de perte de 10 % (2 % pour les PMA, les pays enclavés et insulaires) des recettes d’exportations. A la suite du sommet du G20 d’avril 2009, l’Union européenne a adopté une communication sur sa stratégie d’aide au développement et M. Louis Michel, commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire, a annoncé que ce mécanisme Flex sera doté de 500 millions d’euros à la fin 2009.

STABEX (stabilisation des recettes d’exportation des produits agricoles)

I. Mécanismes :

Créé en 1975, le système a évolué au fil des conventions, en fonction de la nécessité de concilier l’automaticité des transferts et la spécificité de leur utilisation.

Ø La dotation globale STABEX, au sein du Fonds européen de développement (FED), est répartie en cinq tranches annuelles.

Ø A la fin de chaque année civile sont déterminées les pertes d’exportation subies au titre de chacun des produits pour lesquels les recettes représentent au moins 5 % du total des recettes d’exportations(
18) ; comparées à un niveau de référence(19) et l’Etat a le droit à un transfert sous certaines conditions. De la simple information après coup prévue dans Lomé I, on est passé d’une demande d’information préalable (Lomé II) à la demande d’informations substantielles et d’une justification lorsque le pays entendait utiliser les transferts en dehors du secteur où la perte était intervenue (Lomé III). L’usage des fonds STABEX restait à la disposition des Etats dans les trois premières Conventions. Lomé IV marque une rupture en distinguant deux étapes : la première, automatique, consistant en un versement sur un compte en écus ouvert au nom de l’Etat ACP dans une banque de l’Union européenne et la seconde, conditionnelle, soumise à l’adoption d’un cadre d’obligations mutuelles (COM) prévoyant l’usage des fonds STABEX. Ce contrôle plus strict des fonds est allé de pair avec le versement des transferts sous formes de dons et non plus de prêts (Lomé IV).

II. Difficultés de fonctionnement


Ø Les délais de mise en
œuvre des fonds STABEX, difficilement compressibles, ont diminué l’effet stabilisateur du mécanisme. Initialement, les délais de décaissement ne dépassaient pas un an mais ont été accrus par la suite.

Ø La mauvaise utilisation des fonds qui, intégrés dans les budgets des Etats, ont davantage servi à soutenir les finances publiques que les filières.

Ø L’insuffisance des ressources(
20) par rapport à l’ampleur des demandes reflétant la chute des produits de base, essentiellement due à une progression constante de la production face à une demande en faible augmentation. Ainsi, la chute des prix du café et du cacao a été accentuée par la non reconduction des accords mondiaux entre pays producteurs et pays consommateurs. En 1991, le prix réels du café et du cacao ne représentaient respectivement que 38 % et 32 % de leur niveau de 1980.

b) Les protocoles produits, l’illustration d’une opposition Sud-Sud

Les protocoles produits ont également constitué un instrument de stabilisation des marchés. Ils ont été institués pour des produits agricoles concurrents de productions européennes et ont concerné les bananes, le sucre, la viande bovine et le rhum(21).

Ces protocoles définissent à la fois des contingents d’exportation vers le marché communautaire pour les exportations des produits ACP et une garantie de prix correspondant aux prix d’intervention offerts aux producteurs communautaires. Ce prix garanti est supérieur au cours sur le marché mondial et correspond donc à un transfert de ressources au profit des bénéficiaires. Plusieurs Etats ont tiré bénéfice de ces protocoles produits pour diversifier leurs économies et réduire leur vulnérabilité vis- à vis des fluctuations des marchés.

Aujourd’hui, ces différents protocoles sont en voie de disparition, le protocole Rhum ayant pris fin en 1996. Les différends qu’ils ont suscités auprès de l’Organe de règlement de l’OMC illustrent le caractère virulent qu’ont pris certains conflits d’intérêt entre les pays du Sud.

Le protocole sucre instituait un système de quotas et de prix garantis pour le sucre brut destiné à être raffiné dans l’Union européenne. Il garantissait à dix-neuf Etats ACP, un débouché pour leurs exportations à des prix garantis, à hauteur de quantités convenues par pays, dans la limite d’un plafond global annuel. Les quotas étaient transférables entre Etats et le prix garanti négocié annuellement à l’intérieur de la gamme de prix obtenus dans la Communauté était presque toujours égal au prix d’intervention communautaire (deux à trois fois supérieur à la cotation boursière du sucre). Ce protocole dont les quotas ont été remplis à 100 % a constitué un exemple réussi de coopération et de développement d’une filière et les pays ACP y étaient fortement attachés. L’Ile Maurice en était le principal fournisseur, bénéficiant de plus de 35 % du quota.

Dans le protocole initial, les parties signataires s’étaient engagées pour une durée illimitée. Mais depuis une vingtaine d’années, l’Union européenne est excédentaire dans sa production sucrière et les quantités de sucre importé des pays ACP sont réexportées dans leur quasi-totalité sur le marché mondial. Le Brésil, l’Australie et la Thaïlande ont donc porté plainte auprès de l’OMC pour violation de la clause de la nation la plus favorisée.

La convention de Cotonou a prévu en conséquence une adaptation du protocole sucre par rapport aux règles de l’OMC. En 2006, une baisse de 36 % du prix avait été effectuée. Depuis le 1er octobre 2009, le protocole sucre a pris fin, remplacé par un régime préférentiel. Les PMA bénéficient d’un accès illimité au marché de l’Union ; les pays ACP non-PMA qui font partie d’un APE bénéficient d’un mécanisme de sauvegarde transitoire visant à maintenir l’équilibre des marchés, l’accès libre étant suspendu dès lors que le total des importations de sucre ACP atteint 3,5 millions de tonnes et les importations, en provenance des ACP, 1,45 million de tonnes pour la campagne 2009/2010. L’accès au marché des pays ACP non-PMA se fait sous le régime du système des préférences généralisées (SPG).

Le différend relatif au secteur de la banane est plus qu’un autre emblématique de l’opposition entre les pays ACP et des pays du Sud non ACP à propos d’un accord produit.

En 1975, est institué le protocole banane qui disposait que « pour ses exportations de bananes vers les marchés de la Communauté, aucun Etat ACP ne sera placé dans une situation moins favorable que celle qu’il connaissait antérieurement ou qu’il connaît actuellement ».

Cette protection de la production des pays ACP par un régime d’importation communautaire favorable a subi de profonds changements en réponse à la création du marché unique européen en 1993 et surtout sous l’impact d’un différend commercial à l’OMC qui dure depuis 1994.

En 1993, ce protocole a été intégré dans l’Organisation commune de marché (OCM) bananes, qui avait été créée pour mettre fin au cloisonnement du marché des douze Etats membres.

L’OCM bananes de 1993 prévoyait l’attribution d’un volume (857 700 tonnes) à droit nul aux Etats ACP traditionnels,c’est-à-dire aux pays bénéficiant avant la mise en place de l’OCM d’un accès privilégié dans la Communauté européenne. Ces quantités de référence avaient été établies de façon à correspondre aux meilleurs volumes exportés par les pays ACP avant 1991 et afin de prendre en compte, dans certains pays, le potentiel d’accroissement des exportations en fonction des investissements réalisés. Au-delà de ce contingent, le régime prévu pour les bananes « dollar » s’appliquait. Un contingent tarifaire de 2,2 millions de tonnes (2,553 millions de tonnes après les élargissements) à droit réduit était accordé à ces bananes « dollar ».

Ce protocole contenait en outre des dispositifs de gestion de marché : éligibilité au Stabex, assistance financière et technique pour améliorer la compétitivité et pour soutenir des programmes de diversification et allocation dite « certificats ouragan » destinée à compenser les pertes de marché occasionnées par des catastrophes naturelles.

Depuis 1994, date de la première plainte auprès de l’OMC par la Colombie, le Costa Rica, le Nicaragua, le Venezuela et le Guatemala auxquels se joindront par la suite les Etats-Unis, ce régime n’a jamais été juridiquement stabilisé.

Les coûts de production des bananes « dollar » sont plus faibles (économies d’échelle, taux de change favorable) et les offres communautaires et des pays ACP sont moins élastiques du fait de la petite taille des exploitations et de la relative rareté des surfaces disponibles. Mais les pays d’Amérique latine ne se sont jamais satisfaits de ces avantages comparatifs, estimant que les mesures contingentaires et tarifaires devaient être démantelées.

Condamnée en 1997 pour l’attribution de contingents spécifiques aux fournisseurs ACP, pour le système d’allocation des licences à l’importation et pour l’attribution aux seuls producteurs européens et ACP des licences exceptionnelles en cas d’ouragan, l’Union européenne a modifié l’OCM bananes en 1999. Cette modification portait sur les principaux points suivants : le maintien de l’accès au marché communautaire par un système de contingentement, un régime unique de licences d’importation et une origine globalisée.

Ce régime a une nouvelle fois été condamné en 2001 à l’OMC. En 2006, l’Union européenne a établi un régime d’importation uniquement tarifaire avec un droit fixe de 176 euros par tonne pour les importations de bananes provenant de tous les pays, à l’exception d’un quota à droit nul de 775 000 tonnes ouvert exclusivement aux bananes exportées par les pays ACP. Les pays latino-américains jugent ce droit encore trop élevé.

Lors de la conférence ministérielle de l’OMC de juillet 2008, un compromis avait été établi, suivant lequel, si un accord était trouvé sur les modalités agricoles et industrielles du cycle de Doha, les droits de douane devaient passer de 176 euros tonne en 2006 à 148 euros en 2009 puis décroître régulièrement pour atteindre 114 euros par tonne au 1er janvier 2019 (à titre approximatif le prix de vente d’une tonne de bananes est estimé à environ 600 euros tonne). Les pays latino-américains, constatant que le cycle de Doha s’enlisait, ont demandé la mise en œuvre de ce compromis banane, en le déconnectant des négociations de Doha.

A l’heure actuelle, les termes du compromis sont les suivants : les droits de douane de 176 euros seraient abaissés à 148 euros en 2010 pour atterrir à 114 euros en 2017, la séquence de 132 euros en 2013 pouvant être gelée pendant deux ans et les baisses reprenant par la suite. Ce compromis devrait être présenté à l’OMC en décembre 2009 et être signé par les Etats concernés (pays latino-américains, Etats–Unis et Europe), mais, juridiquement, la signature des pays ACP n’est pas nécessaire. Cependant, la Commission européenne souhaiterait cette signature car la banane a été un des produits qui ont motivé la signature d’accords intérimaires avec les pays d’Afrique de l’Ouest (Cameroun, Côte d’Ivoire).

Cette baisse des droits dits NPF (clause de la nation la plus favorisée) aura des conséquences graves pour les producteurs des pays ACP qui risquent de subir les conséquences de l’entrée de la production de bananes « dollar » dans l’Union européenne. Les droits de douane de 176 euros tonne décidés en 2006 a déjà été très concessionnel et a permis aux exportations vers l’Europe des bananes latino américaines d’augmenter de 800 000 tonnes en trois ans, faisant ainsi passer leur part de marché de 69 à 73 %(22).

Les pays ACP sont conscients que le secteur bananier devra inévitablement s’adapter à une baisse des droits de douane et qu’il est difficile de s’opposer à l’accord de juillet 2008 portant sur une première baisse à 148 euros et sept ans après, à la fixation des droits à 148 euros. En revanche, il pourrait être envisagé une période de gel de trois ans à l’issue de la première baisse à 148 euros, qui leur permettrait de mettre en œuvre les actions nécessaires pour s’adapter, en mettant notamment à profit le programme d’appui de mesures d’accompagnement pour les pays ACP exportateurs de bananes (AMPS-bananes) selon lequel, dans le deuxième protocole relatif à la banane de l’accord de Cotonou révisé et dans la déclaration conjointe relative à la banane dans le cadre de l’APE-Cariforum, l’Union européenne s’engage à soutenir l’ajustement des producteurs de banane ACP à la réduction des droits .

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Les conventions successives qui constituaient le « modèle de Lomé » formaient un ensemble cohérent où les préférences commerciales allaient de pair avec l’appui au développement. Elles n’ont cependant pas empêché la marginalisation croissante des pays ACP lors du mouvement de mondialisation et d’emprise croissante des règles du GATT qui seront institutionnalisées dans l’Organisation mondiale du commerce en 1995.

Il n’est pas fortuit que les premières interrogations sur la légitimité des conventions de Lomé soient contemporaines de la création de l’OMC.

II. LA REMISE EN CAUSE DU « MODÈLE DE LOMÉ »

Au milieu des années 90, l’Europe a été obligée de s’adapter à une nouvelle configuration économique et géographique. Elle a dû relever plusieurs défis internes : avènement de l’euro et adaptation de son économie à la mondialisation. L’attention portée à sa politique extérieure a donc été détournée d’autant qu’elle intégrait de nouveaux membres comme l’Espagne plus tournée vers l’Amérique latine ou les pays scandinaves qui, s’ils ont une tradition solide d’aide au développement, n’ont pas les mêmes liens avec les pays ACP. Le développement d’une politique de voisinage avec les autres pays d’Europe centrale et orientale à la suite de l’éclatement du bloc de l’Est a accéléré ce processus. Symboliquement, le 8ème Fonds européen de développement (FED) n’a pu être adopté en 1995 que grâce à un effort supplémentaire de la France et en contrepartie d’engagements d’efforts financiers en direction d’autres régions du monde.

Les pays ACP sont restés, quant à eux, à l’écart du mouvement de mondialisation ; toutefois il a été exigé d’eux qu’ils respectent les règles édictées par l’OMC.

A. Une légitimité économique et juridique fragilisée

La Commission européenne a largement utilisé l’argument de la faiblesse des résultats économiques de la zone ACP et de l’érosion des préférences commerciales pour argumenter de la nécessité de remettre à plat et en cause le modèle de Lomé et de se conformer ainsi aux exigences de l’OMC.

1. Une efficacité économique contestée

Le partenariat entre l’Europe et les pays ACP visaient à une progression parallèle vers le développement. Mais cet objectif est loin d’être atteint. Malgré des situations et des réussites particulières, les pays ACP sont souvent apparus comme des laissés pour compte du processus de mondialisation. Globalement, la part des Etats ACP dans le commerce mondial est passée de 6,7 % en 1976 à 4 % en 2000 et ces pays sont restés à l’écart des flux d’investissements privés dont le monde en développement a, globalement, largement bénéficié.

Pendant la période d’application des conventions de Lomé, malgré l’aide apportée dans le cadre du FED, tous les facteurs de développement sont orientés dans le sens sinon du déclin, du moins de la stagnation économique : faibles gains de productivité dans le secteur manufacturier, insuffisance des investissements… Ces mauvaises performances se traduisent par un niveau de revenu peu élevé, une pauvreté généralisée et un taux de croissance modeste. De 1971 à 1991, les pays d’Afrique subsaharienne qui représentent une large partie des pays ACP, avaient des taux de croissance du produit national brut inférieurs au taux moyen de l’ensemble des PMA (3,4 % contre 5,2 %). Pour cette même zone, le revenu par habitant n’a progressé que de 0,4 % entre 1960 et 1992, contre 2,3 % pour l’ensemble des pays en développement, sous le double effet d’une croissance économique plus faible et d’un taux d’accroissement démographique plus élevés.

Au fil des conventions de Lomé, les pays ACP n’ont pas réussi à augmenter ni même à maintenir leur part de marché dans l’Union européenne. Alors que les pays ACP dépendent en moyenne pour plus de 40 % de l’Union européenne, leur part du marché communautaire est passé de 6 % en 1980 à 3 % au début des années 2000. De plus, la diversification de leur spécialisation par rapport aux produits traditionnels est restée très limitée : 6 % du total des exportations sont concentrés sur dix productions et deux tiers des exportations sont agricoles. Cette spécialisation sur certains produits agricoles s’est faite au détriment de l’agriculture vivrière des ACP et a ainsi particulièrement exposé ces pays au risque lié à la volatilité des cours mondiaux.

L’Union européenne a également mis en avant un taux insuffisant d’utilisation des préférences insuffisant : il était en moyenne de moins de 50 %, même s’il atteignait prés de 94 % pour l’Afrique Subsaharienne.

Pour autant, le système des préférences ne peut pas être mis seul en cause. Ces résultats s’expliquent par des facteurs variés : la baisse tendancielle des matières premières malgré les mécanismes d’ajustement mis en place par les conventions, les effets des plans d’ajustements structurels imposés par le Fonds monétaire international à partir des années 80, les difficultés techniques de l’utilisation des préférences communautaires (barrières non tarifaires comme les normes de commercialisation ou les règles d’origine). D’une façon générale, les préférences commerciales ne peuvent, à elles seules, enrayer le sous développement. La marge préférentielle n’est qu’un élément de la compétitivité d’une économie : d’autres facteurs comme la maîtrise des coûts ou la capacité d’innovation entrent en ligne de compte.

2. Une incompatibilité entre les préférences asymétriques et les règles de l’OMC

a) Les marges préférentielles se sont érodées

L’Union européenne n’a cessé d’abaisser ses barrières douanières à la fois dans le cadre du GATT et de l’Uruguay Round et dans un cadre bilatéral, en signant des accords préférentiels avec les pays tiers. Ce mouvement se poursuit comme le montrent les négociations en cours avec le Canada ou la Corée du Sud ou dans le cadre du processus de Barcelone qui vise à instaurer une zone de libre échange en 2010 avec les pays méditerranéens.

Cet abaissement général des barrières commerciales et la généralisation du système des préférences (SPG, TSA …) ont, de façon automatique, entraîné la réduction progressive des marges préférentielles relatives dont pouvaient bénéficier les pays ACP (moins de 3 % en 2000). Les importations dans la Communauté sont habituellement réparties en trois tiers à peu près équivalents entre celles soumises à la clause de la nation la plus favorisée, celles relevant du SPG et celles dépendant d’accords préférentiels.

Les protocoles d’accords de produits ont eux aussi perdu de leur portée. Ainsi le protocole Rhum a été réduit à néant par l’accord de 1996 entre l’Union européenne et les Etats–Unis sur les spiritueux ; le contentieux sur le protocole banane a pesé sur le secteur et les bénéficiaires des protocoles sur la viande bovine et sur le sucre ont perdu une partie de leurs avantages avec la diminution du prix d’intervention payé aux bénéficiaires.

b) La Commission européenne est allée au devant des exigences de l’OMC

Les pays membres de l’OMC se sont engagés à respecter ses principes dont le premier est celui de la clause de la nation la plus favorisée. Cette clause stipule qu’à l’exception d’un accord commercial régional, tout avantage concédé à un membre ou non membre doit être élargi à tous les membres de l’OMC, sans discrimination. Cette non-discrimination concerne tous les produits et s’applique à l’ensemble des services et à tous les membres. Or les préférences commerciales entre l’Union européenne et les pays ACP sont préférentielles et non réciproques.

Sous ce double aspect, elles sont dérogatoires à deux articles du GATT :

l’article 1er prévoit que toute préférence accordée à un membre doit être accordée à tous les autres ;

l’article XXIV définit une clause d’habilitation qui sert de base juridique au système généralisé de préférences et permet un traitement plus favorable pour les pays en développement. Mais ces accords discriminatoires doivent être réciproques s’ils visent à établir une zone de libre échange sous-tendant un projet d’accord politique ; ou s’ils ne sont pas réciproques, ils doivent être accordés par les pays développées à tous les pays en développement et aux PMA en totalité.

Est donc interdit toute discrimination entre pays en développement qui ne soit pas fondée sur des critères objectifs.

Dans le cadre de Lomé IV bis (1995-2000), l’Union européenne a obtenu une dérogation en échange de concessions supplémentaires aux autres membres. Cette dérogation, qui permettait le maintien des références asymétriques, expirait au 31 décembre 2007, l’Union européenne comptant à l’époque sur une fin des négociations sur le cycle de Doha à la fin 2005.

Il existait un risque crédible de contentieux à l’issue de cette période de dérogation, de la part notamment de pays développés ou en développement dont les exportations vers l’Union européenne sont en concurrence directe avec les exportations ACP. C’était le cas des producteurs de bananes d’Amérique latine, des exportateurs de viande bovine d’Argentine ou du Brésil ou des exportations de cacao d’Indonésie et de Malaisie. C’est pourquoi l’Union européenne a pris l’engagement contraignant de respecter les règles de l’OMC plutôt que d’en demander la modification, ce qui aurait été envisageable. Le groupe ACP avait en effet, en 2004, proposé de faire figurer la révision de l’article XXIV du GATT à l’ordre du jour des négociations du cycle de Doha pour introduire une clause de traitement spécial et différencié (TSD). Mais Peter Mandelson avait répondu à cette initiative que, si un traitement spécial et différencié était en effet nécessaire, « les négociations devaient viser à clarifier les flexibilités déjà prévues dans les règles existantes ». La Commission européenne aurait pu également choisir de prolonger le régime de Lomé pour une période indéterminée ou de manière permanente. Cela aurait pu se faire sans l’approbation des membres de l’OMC à l’image de l’AGOA (United States African Growth and Opportunity Act) par lequel les Etats-Unis accordent un accès préférentiel et discriminatoire à leur marché aux pays africains qui remplissent certaines conditions fixées unilatéralement par les Etats-Unis et pour lequel ils n’ont demandé aucune dérogation(23).

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Ce mouvement de mise en conformité avec les règles de l’OMC se situe dans le cadre plus général d’un mouvement de mondialisation et de libéralisation perceptible dans l’ensemble des politiques de l’Union européenne. La mondialisation suppose que les pays s’engagent à plus de libéralisation pour mettre en œuvre le marché unique qu’est le monde. Les pays ACP ont progressivement vu leur marge préférentielle diminuer en raison de la diminution tendancielle des tarifs douaniers après chaque cycle de négociations. Cette libéralisation est également perceptible dans la conduite des politiques internes de l’Union, par exemple en matière de politique agricole dont la ligne directrice est un alignement des prix intérieurs sur les prix mondiaux.

B. L’accord de Cotonou en 2000 : une rupture dans la nature des relations entre l’Europe et les Etats ACP

En 1995, la Commission européenne lance une réflexion qui aboutit à l’adoption en 1996 du « Livre vert sur les relations entre l’Union européenne et les pays ACP à l’aube du 21ème siècle »(24). Ce document conclut à la nécessité de maintenir la coopération entre l’Union européenne et les Etats ACP, mais dans un cadre « rénové et élargi ».

Les négociations qui ont mené à l’accord de Cotonou en juin 2000 ont été d’emblée difficiles et laissaient présager des difficultés ultérieures pour la conclusion des accords de partenariat économique.

Dans ses principes, cet accord introduit des évolutions significatives par rapport au modèle de Lomé. Dans le domaine commercial, il marque une rupture fondamentale dans la nature même de la relation de l’Union et ses partenaires : il transforme l’accord pour le développement que constituait le partenariat de Lomé en un cadre pour le libre échange

1. Les accords de partenariat économique, une conversion au libre échange…

Dans le cadre de Lomé, la coopération commerciale prenait essentiellement la forme de tarifs douaniers préférentiels pour l’accès des produits ACP au marché européen. Le volet commercial de Cotonou change profondément la donne. L’objectif affiché est de promouvoir l’intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale en leur permettant de renforcer leurs capacités de production et d’attirer les investissements privés tout en assurant la conformité du dispositif aux règles de l’OMC.

Le texte prévoit la conclusion d’accords de libre échange (ALE) entre l’Union européenne et des sous ensembles de pays constitués en six zones douanières. Les nouveaux accords devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2008, la libéralisation des échanges étant prévue à l’échéance de 2020.

L’accord de Cotonou affirme la primauté des règles du commerce. L’article 36 impose la compatibilité de tout accord avec les régulations voulues par l’OMC et l’article 67, le principe du respect des plans d’ajustement structurel prescrits par le Fonds monétaire international. Les APE doivent couvrir non seulement les questions tarifaires sur l’agriculture et l’industrie mais également les questions non tarifaires portant sur les services dont l’article 41 impose la libéralisation dans le cadre de l’accord général sur le commerce des services (AGCS) ainsi que les « sujets de Singapour » (investissement, concurrence, facilitation au commerce et marchés publics) alors même que ces derniers sujets avaient été exclus de la négociation du cycle de Doha.

2. …tempérée par le soutien au développement et l’encouragement à l’intégration régionale

L’objectif affiché de l’accord de Cotonou, dès son article 1er, est la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté ; l’approche retenue intègre le caractère multidimensionnel de la pauvreté. Un certain nombre d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs doivent permettre d’évaluer les résultats en de domaine.

Est posé par ailleurs le principe d’un dialogue politique régulier afin de favoriser la cohérence et la pertinence des stratégies de coopération entre l’Union et les Etats ACP. Le maintien de la coopération est conditionné au respect des droits de l’homme, des principes démocratiques et de l’Etat de droit. Il introduit la notion de « bonne gestion des affaires publiques » dont le non respect peut entraîner les mesures de suspension.

L’objectif d’intégration régionale est donné à la fois comme un préalable et comme un objectif. Les négociations devaient être menées dans le cadre d’organisations régionales instituées au début des négociations. Tirant les leçons de l’expérience de l’intégration européenne, la constitution de grands marchés régionaux doit faciliter l’intégration les pays ACP dans l’économie mondiale en créant des flux commerciaux et en permettant l’élaboration de politiques communes structurantes.

Ces accords sont assortis d’une aide financière destinée à compenser les surcoûts de l’ouverture commerciale et à aider à la restructuration économique impliquée par le libre échange. Est également prévue une rationalisation de la coopération financière qui constitue un des changements majeurs de l’accord de Cotonou. Afin de mettre fin à l’éparpillement des ressources du FED entre plusieurs instruments avec des programmations et des procédures différentes, la totalité des fonds disponibles sera dispensée par le biais de deux structures : le fonds de soutien au développement à long terme qui financera les opérations comme les projets sectoriels, l’allégement de la dette, l’aide humanitaire et la facilité d’investissement gérée par la Banque européenne d’investissement (BEI) qui marque l’engagement de l’Union européenne en direction du secteur privé, ce qui est également un tournant dans la stratégie de coopération de l’Europe dans la mesure où jusqu’en 2000, les concours européens en faveur de l’investissement privé représentaient moins de 1 % des subventions du FED.

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L’accord de Cotonou tendait donc à concilier l’objectifs de libéralisation du commerce et celui du développement. Mais dès le début des négociations, la donne a été biaisée en faveur du premier terme de l’enjeu : le mandat donné à la Commission par le Conseil le 17 juin 2002 était un mandat de négociation commerciale et n’impliquait pas de négociation commune sur le volet de développement. Dès lors, les négociations ne pouvaient que s’engager sur des bases conflictuelles.

DEUXIÈME PARTIE :
DEPUIS 2000, UNE DÉCENNIE DE NÉGOCIATIONS : SUR UN DÉSACCORD DE FOND, UN ÉCHEC INÉVITABLE

Les négociations sur la mise en application de la convention de Cotonou et sur son volet commercial se sont ouvertes formellement le 27 septembre 2002. Elles devaient aboutir à la signature d’accords de partenariat économique (APE) au 31 décembre 2007. Après une première phase de deux années de négociations conflictuelles, la seconde phase a connu une situation de blocage dont le point d’orgue a été la déclaration du Président sénégalais Abdoulaye Wade au sommet de Lisbonne en décembre 2007. Depuis, les échéances, à l’image de celles du cycle de Doha, sont sans cesse repoussées.

Alors que la date butoir est aujourd’hui largement dépassée, seul un accord de partenariat régional complet est applicable dans la zone Cariforum depuis décembre 2007. Par ailleurs, afin de préserver les flux commerciaux menacés par l’extinction du régime de Lomé, une solution a dû être trouvée pour les pays ne bénéficiant pas du régime TSA et qui auraient subi, de ce fait, un retrait de préférences en passant au régime de droit commun des préférences généralisées (SPG). Ainsi huit accords intérimaires portant sur le seul volet tarifaire concernent trois pays (Cameroun, Côte d’Ivoire et Ghana), cinq membres de la SADC (Southern african development community), les cinq pays de l’EAC (Eastern african community), cinq pays de l’ESA (Afrique orientale et australe) et deux pays de la zone Pacifique.

Les raisons de ce blocage tiennent à un désaccord de fond sur les enjeux et les modalités de la libéralisation. Toutes les discussions, si techniques soient-elles, ne sont en fait que le reflet de cette dissension fondamentale.

I. JUSQU’À LA FIN 2007, DES NÉGOCIATIONS VOUÉES A L’ÉCHEC

Au discours très libéral de la Commission européenne et à son attitude qui a d’emblée voulu imposer ses vues et son calendrier, les pays ACP ne pouvaient que répondre par une attitude de crainte et de défiance à l’égard d’un processus de libéralisation des échanges à marche forcée dont les conséquences pour des économies fragiles n’avaient pas été mesurées.

A. La Commission européenne a commis des erreurs d’appréciation inexcusables sur les attentes des pays ACP

Alors que les accords de partenariat auraient pu être le début d’un renouveau des relations entre les pays ACP et l’Europe, le credo libéral de la Commission qui se retranchait derrière les règles de l’OMC a marqué un processus de négociations chaotique.

1. Une intransigeance sur le calendrier et l’organisation des négociations

Dès l’ouverture des négociations en septembre 2002, la Commission a imposé la langue, le contenu et le rythme des négociations en dépit des protestations des pays ACP.

Sur le plan linguistique, les documents de négociations sont rédigés en anglais et, très souvent, les discussions ont lieu dans cette langue alors que les pays concernés d’Afrique qui représentent 94 % de la zone ACP, ont le français comme langue administrative et officielle.

Lors de la séance d’ouverture des négociations en septembre 2002, les parties s’étaient accordées sur le déroulement des négociations en deux phases. La première phase, concernant tous les pays ACP, devait aborder les questions horizontales et une seconde devait être conduite au niveau des pays et des régions pour la conclusion des APE. Or la Commission européenne s’est opposée au souhait des pays ACP d’élaborer un document cadre destiné à servir de référence commune pour la conclusion d’accords individuels, ce qui leur aurait permis d’instaurer une cohérence plus favorable à l’équilibre des négociations.

Par ailleurs, même si les pays ACP avaient commencé, pour certains depuis longtemps, leur intégration régionale, les négociations nécessitaient une organisation par zones dont la mise en place s’est étalée pour certaines jusqu’à la fin 2004. Ainsi les négociations n’ont pu être entamées que tardivement, fin 2003, avec la CEMAC et la CEDEAO et, en 2004, avec les autres zones. Compte tenu du retard lié à la mise en route initiale, il est apparu, dès 2005, que la date butoir du 31 décembre 2007 était irréaliste.

La première révision à cinq ans de l’accord de Cotonou, prévu par l’article 95, aurait alors pu être une occasion pour prendre en compte les craintes et les souhaits des Etats ACP. Elle ne fut qu’une occasion manquée qui ne s’est soldée que par quelques correctifs mineurs portant sur les procédures de financement et des aménagements du pilier « Dialogue politique ». En novembre 2006, l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE a dressé un bilan très négatif des négociations constatant que « les négociations dans la plupart des régions sur les accords de partenariat économique se trouvent pratiquement dans l’impasse, eu égard aux divergences sur ce que l’on entend par la dimension du développement, qui devrait être au cœur des discussions sur les APE »(25).

La Commission est restée campée sur ses positions, mettant en avant de manière récurrente l’argument de l’obligation de mise en conformité avec les règles de l’OMC. Très rapidement, l’échéance de 2007 est arrivée et les pays ACP n’ont eu d’autre alternative que de refuser les conditions imposées par la Commission européenne.

2. Une approche libérale sans concession

La Commission souscrit expressément à la conception libérale issue de la théorie de Ricardo selon laquelle tous les pays, même les moins compétitifs, trouvent un intérêt à rentrer dans le jeu du commerce international en se spécialisant dans la production où ils détiennent l’avantage relatif le plus important ou le désavantage relatif le moins lourd de conséquences(26).

Dans cette logique, l’ouverture des pays ACP au commerce sera un des moteurs du développement, les APE régionaux constituant une étape intermédiaire pour leur intégration dans le commerce mondial. Les bénéfices de cette intégration ont été ainsi formulés par l’Agence française de développement (AFD) : « Théoriquement, en formant une zone de libre échange entre chacune des six régions et l’Union européenne, les pays partenaires devraient optimiser la création d’échanges sur un plus grand marché. Grâce à des économies d’échelle et un accès à des intrants moins chers, les entreprises se spécialiseraient et fusionneraient. Les prix seraient tirés vers le bas au bénéfice des consommateurs et des entreprises consommatrices d’intrants. La concurrence accrue et les flux d’investissement, engendrés par la sécurisation d’un grand marché, entraîneraient un gain de bien être. Le renforcement régional permettrait également le renforcement des capacités de négociation »(27).

Trois autres arguments pouvaient plaider en faveur des APE. Ils peuvent être une incitation à réaliser une transition fiscale d’un système de fiscalité indirecte, presque exclusivement fondée sur des recettes douanières, vers un système plus efficace de fiscalité directe. L’ancrage des politiques communes avec un échéancier donnant une visibilité aux opérateurs et investisseurs au regard des droits de douane peut par ailleurs constituer un avantage par rapport aux politiques à court terme et à leur réversibilité fréquente. Enfin, la régionalisation permettrait d’avoir une coordination des politiques commerciales, par exemple, pour la définition commune de produits dits sensibles.

La Commission européenne s’est faite la porte parole de ces avantages attendus en tant que négociateur unique au nom des Etats membres dans la mesure où il s’agit d’une négociation commerciale, compétence exclusive de l’Union. Les négociations ont donc manqué cruellement d’un « chapeau » politique et les Etats ACP ont pu regretter que, collectivement, les Etats européens se soient désintéressés du dossier. Si, individuellement, certains Etats membres ont défendu une vision mettant en avant la nécessité de mesures d’accompagnement à la libéralisation, notamment les pays qui forment le groupe des amis des APE (Allemagne, Danemark, Irlande, Finlande, France, Pays-Bas, Suède et Royaume Uni), aucun chef d’Etat ne s’est déplacé dans les pays ACP. Seul le Parlement européen a exprimé une position officiellement favorable à la prise en compte des intérêts des pays ACP(28).

Cette primauté donnée à la libéralisation des échanges s’est illustrée dans la gestion du dossier, confiée exclusivement à la direction du commerce. Du fait de l’organisation en « tuyaux d’orgue » de la Commission et même si le commissaire au développement, M. Louis Michel, avait une sympathie naturelle pour les pays ACP, les négociations ont échappé à la direction du développement et à celle de la direction de l’agriculture et sont donc restées une affaire essentiellement commerciale. Les régions ACP ont ainsi regretté l’absence de tout représentant de la direction du développement aux négociations.

Tous les interlocuteurs rencontrés par les rapporteurs s’accordent pour dire que la vision très libérale du commissaire au commerce M. Peter Mandelson, son ton militant et la rugosité de ses propos n’ont pas contribué à la fluidité des négociations.

Sur le fond, la position de la Commission a longtemps été intransigeante allant au-delà de ce qu’exigeaient les règles de l’OMC. Alors qu’elle reconnaissait dès 2005 devant les instances de l’OMC, la difficulté de fixer un seuil chiffré pour le taux d’ouverture des marchés requis par l’article XXIV du GATT et appelait à une adaptation des accords avec les pays en développement(29), la Commission a longtemps cultivé dans les négociations une doctrine d’ouverture des marchés ACP de 80 %.

3. Un décalage entre le discours sur le développement et la réalité des engagements européens

L’accord de Cotonou comporte une dimension pro-développement qui sous-tend le discours politique de l’Union européenne. Or la Commission a longtemps estimé que le volet développement est une composante parallèle aux APE, alors que les Etats ACP ne voyaient pas de raisons de dissocier artificiellement les deux. Ce malentendu était inscrit dès le début des négociations dans la mesure où le mandat délivré par le Conseil européen à la Commission n’inclut pas la négociation de la coopération au développement.

Cette discordance s’est concrétisée à la fois dans la façon dont a été mené le processus administratif et décisionnel des négociations et dans les modalités d’accompagnement financier qui ont été mises sur la table.

a) Un processus administratif et décisionnel inadapté

Les négociateurs ACP ont eu le sentiment que les négociateurs de la Direction générale (DG) du commerce chargés à titre principal de gérer le dossier ne voulaient pas entendre parler de coûts d’ajustement et de mesures d’appui pendant les négociations. Ces problèmes pourtant essentiels ont été traités dans le cadre de « Task forces » régionales préparatoires qui se tiennent parallèlement aux négociations. Or qui dit « parallèlement » dit sans pouvoir contraignant sur les négociateurs. Les pays ACP ont eu du mal à retrouver les engagements pris par le Commissaire en charge du développement, M. Louis Michel, dans l’approche et le contenu des négociations menées par les fonctionnaires de la DG commerce.

b) Les craintes des pays ACP sur les engagements financiers de l’Union européenne

Alors que l’ambition affichée de l’accord de Cotonou, dans son article premier, d’éradiquer la pauvreté dans les pays bénéficiaires et d’assurer leur insertion dans l’économie mondiale, nécessitait d’évidence un accroissement significatif de l’effort consenti, la Commission n’a proposé aucun moyen financier additionnel.

Il est prévu d’assurer l’accompagnement financier des APE principalement par les enveloppes régionales du FED qui s’élèvent pour le 10ème FED à environ 22,7 milliards d’euros dont 70 à 80 % seront consacrés à l’appui aux APE(30) dans le cadre des programmes indicatifs régionaux (PIR), principalement consacrés à l’intégration régionale et à l’accompagnement des APE. En fait, le 10ème FED a été calculé de manière mathématique par rapport au précédent : ont seulement été pris en compte la croissance, les nouveaux Etats membres et l’inflation.

Par ailleurs, l’Union européenne s’est engagée à porter le montant de l’aide au commerce(31) à deux milliards d’euros en 2010, un milliard à la charge de l’Union et un milliard à la charge des Etats membres : 50 % de l’augmentation de cette aide au commerce devait être destinée aux pays ACP.

En considérant le FED comme moyen de financement principal des programmes de développement des APE, les pays ACP ont eu le sentiment, qui n’est pas sans fondement, que la Commission allait transférer des sommes destinées à financer d’autres programmes dans le cadre du FED et de l’aide bilatérale en en changeant seulement le label. Ils craignent de s’engager vers des concessions en attendant d’hypothétiques financements qui ne pourraient n’être qu’une coquille vide.

B. Les pays ACP étaient mal préparés à une négociation à risques

Face à un négociateur unique pour l’Union européenne, les pays ACP se sont présentés entre ordre dispersé, avec des intérêts souvent divergents et alors qu’aucune évaluation d’ensemble des conséquences de l’extension du libre échange n’avait été réalisée. Dans ces conditions, la grande majorité des Etats ACP n’ont pas voulu signer, dans la précipitation d’un calendrier imposé par l’Union européenne, des accords dont il était difficile de mesurer les conséquences.

1. Des partenaires et des enjeux inégaux

Les négociations sur les APE mettent face à face des partenaires profondément inégaux économiquement : les pays ACP sont 31 fois moins riches que les pays de l’Union européenne. Le rapport entre le produit national brut des pays ACP (425 milliards de dollars en 2005) et celui des pays de l’Union européenne (13 300 milliards de dollars) est en effet de 1 à 31.

Par ailleurs, l’enjeu commercial de ces négociations est crucial pour les pays ACP en raison, d’une part, de leur très forte dépendante vis-à-vis des flux commerciaux avec l’Union européenne et, d’autre part, des niveaux de protection tarifaires pratiqués par ces pays. L’enjeu n’est pas de même nature pour l’Union européenne.

a) Une forte dépendance commerciale

Les relations commerciales entre l’Union européenne et les pays ACP sont fortement déséquilibrées.

D’un côté de la balance, les exportations et les importations de l’Union européenne vers les ACP sont respectivement de 2,9 % et 3,1 % ; de plus les exportations sont diversifiées. De l’autre côté, 29 % des exportations moins diversifiés (portant essentiellement sur l’énergie(32) et les produits agricoles)(33) des pays ACP se font en direction de l’Union européenne et 24 % en proviennent. Cette dépendance est maximale dans le cas de l’Afrique centrale dont 51,7% des exportations sont à destination de l’Union européenne et 74,1 % des importations en proviennent.

Toute modification des règles commerciales affecteront inévitablement ces flux commerciaux et les conséquences en seront plus fortes pour les pays ACP.

Commerce des produits entre l’Union europeenne et les pays ACP

Commerce UE → ACP

 

Millions d’euros

Part des exportations de l’UE en direction des pays ACP dans les exportations totales de l’UE

Part des exportations de l’UE dans les importations totales de la zone ACP

Principaux partenaires commerciaux

Afrique de l’Ouest + Mauritanie

13 482

1,26 %

35,1 %

Union européenne

Afrique centre CEMAC + STP

3 420

0,32 %

74,1 %

Union européenne

Afrique orientale et autrale

5 334

0,50 %

27,9 %

Union européenne, Afrique du Sud

SADC + Afrique autrale

3 134

0,29 %

32,7 %

Union européenne

Caraïbes

4 681

0,44 %

18,3 %

Etats-Unis

Pacifique

568

0,05 %

20,8 %

Australie, Nouvelle-Zélande

TOTAL

30 619

2,86 %

24,4 %

 

Source : Commission européenne, 2006.

Commerce ACP → UE

 

Millions d’euros

Totales de l’UE

Part des importations ACP dans les importations totales UE

Part des exportations en direction de l’UE dans les exportations totales de la zone ACP

Principaux partenaires commerciaux

Afrique de l’Ouest + Mauritanie

13 764

1,2 %

33,2 %

Etats-Unis, Union européenne

Afrique centre CEMAC + STP

5 393

0,5 %

51,7 %

Etats-Unis, Union européenne

Afrique orientale et autrale

4 400

0,4 %

34,2 %

UE, Chine

SADC + Afrique autrale

7 455

0,6 %

69,1 %

Union européenne, Etats-Unis

Caraïbes

3 823

0,3 %

23,8 %

Etats-Unis

Pacifique

1 245

0,1 %

27,7 %

Australie, Nouvelle-Zélande

TOTAL

36 080

3,1 %

29,0 %

 

Source : Commission européenne, 2006.

b) Des tarifs douaniers inégalement protecteurs

En moyenne, les droits de douane de l’Union européenne s’élèvent à environ 4 %. Mais ils sont concentrés sur certains produits (céréales, produits agroalimentaires transformés) et si l’on n’en tient pas compte, ces droits sont de 0,5 %, s’appliquant surtout aux pays non-PMA ne bénéficiant pas du régime « Tout sauf les armes » (TSA).

Par contre, les pays ACP protégent leurs marchés à hauteur moyenne de 20 %, même si certains pays sont en deçà de ce que permettent les règles de protection de l’OMC pour des raisons essentiellement dues à une mauvaise maîtrise de la réglementation de l’OMC, une préférence donnée à l’alimentation des populations urbaines et aux politiques d’ajustements structurels. La République démocratique du Congo se trouve dans ce cas et devra augmenter ses tarifs douaniers.

Tarifs douaniers appliques aux echanges entre l’Afrique subsaharienne (ass) et l’Union européenne

 

Tarifs appliqués à l’ASS par l’UE

Tarifs appliqués à l’UE par l’ASS

Céréales

41,6

10,5

Légumes

14,5

17,1

Graines oléagineuses

0,0

9,6

Sucre

251,4

1,5

Coton

0,0

3,6

Autres cultures

3,1

16,1

Cheptel

36,6

11,7

Produits animaliers

6,3

9,9

Pêche

12,0

9,3

Energie

0,0

9,5

Autres ressources naturelles

0,0

13,1

Produits agroalimentaires transformés

39,4

23,9

Textiles

10,9

16,4

Vêtements

12,1

29,6

Industries à faible technicité

2,6

23,5

Industries à technicité moyenne

2,1

15,4

Industries lourdes

1,4

15,8

Source : Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, 2005. « Effets des accords de partenariat économique entre l’Union européenne et l’Afrique sur l’économie et le bien-être ».

Il apparaît clairement que les pays ACP seront soumis à une obligation d’ajustements sans commune mesure avec ceux qui seront nécessaires à l’Union européenne. C’est sur les pays les plus pauvres que portera l’effort principal de la libéralisation.

2. Une configuration géographique et économique complexe

Les négociations APE se font entre la Commission et six organisations régionales. Les organisations régionales comme la CEDEAO, n’ont pas elles-mêmes de mandat de négociation. Les résultats des négociations doivent donc être ratifiés par leurs Etats membres, ce qui complique le processus de négociations.

a) Des intégrations régionales non stabilisées

L’intégration régionale est un préalable aux APE pour des raisons à la fois politiques et techniques. Ainsi, pour présenter une offre régionale commune de libéralisation des échanges, un tarif extérieur commun (TEC) constituant la base du schéma de libéralisation est nécessaire et il ne peut que s’élaborer dans le cadre d’union douanière. Si l’accord de Cotonou a accéléré le processus d’intégration formelle, les six régions qui devront ouvrir leurs marchés sont loin d’être intégrées au point d’avoir toutes un TEC. Même l’Afrique de l’Ouest – région la plus structurée autour de la CEDEAO qui existe depuis 1975 – se heurte à de nombreux problèmes : la réforme de son TEC et de ses bandes tarifaires (une cinquième bande tarifaire à 35 % pour augmenter le degré de protection sur les produits sensibles a été introduite)(34), la disparité des nomenclatures utilisées par les pays qui rend difficile l’exercice d’agrégation régionale, la mise en œuvre effective de l’Union douanière et la suppression des obstacles aux échanges intra régionaux.

Les résistances à l’intégration régionale sont fortes et ont été largement sous-estimées. Elles tiennent à la fois à des considérations financières- les frontières génèrent des recettes fiscales- et au manque d’historique et de stratégie commune.

L’intégration régionale est par ailleurs compliquée par l’enchevêtrement des organisations régionales du fait des nombreuses adhésions croisées (voir graphique). En moyenne, 99 % des membres d’une communauté économique régionale donnée sont membres d’une autre communauté. Ainsi l’Afrique de l’Ouest dispose de trois institutions d’intégration : la CEDEAO, l’UMEOA (zone franc) et l’Union du fleuve Mano. A l’exception du Cap Vert et du Ghana, tous les pays de l’Afrique de l’Ouest sont membres de deux ou trois communautés. Ces accords à géométrie variable permettent aux Etats de chercher une intégration sur plusieurs fronts mais ne facilitent pas le déroulement des négociations APE qui sont souvent à la recherche du plus petit dénominateur commun.

Les adhesions croisees

Source : Rapport consolidé des réunions consultatives d’Accra et de Lusaka, 27-31 mars 2006.

Les sous-ensembles régionaux partenaires de l’Union européenne dans les négociations relatives aux accords de partenariat économique

L’Afrique de l’Ouest regroupe les Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ou CEDEAO (Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo) ainsi que la Mauritanie, qui a quitté la CEDEAO en 2002. Déjà dotée d’une zone de libre échange et d’une union douanière via l’UMEOA (Union économique et monétaire ouest africaine), son objectif est d’en obtenir l’élargissement aux sept autres pays du groupe régional. Cette région est caractérisée par une forte hétérogénéité et le poids important du Nigeria. La CEDEAO a engagé une réforme du TEC afin notamment d’atténuer les disparités des nomenclatures utilisées par les différents pays qui créent des difficultés dans l’exercice d’agrégation régionale pour les listes des produits sensibles.

L’Afrique centrale regroupe les Etats membres de la Communauté économique de l’Afrique centrale ou CEMAC (Cameroun, République centrafricaine, Tchad, Congo, Guinée équatoriale, Gabon) ainsi que Sao Tomé et Principe et la République démocratique du Congo qui a choisi en 2005 de quitter la configuration Afrique orientale et australe pour rejoindre la configuration Afrique centrale. Ces pays disposent de ressources minérales et pétrolières mais restent peu développés. La CEMAC est une union économique et monétaire qui dispose d’un tarif extérieur commun mais les entraves sont nombreuses : les règles d’origine et TEC ne sont pas appliquées correctement. De plus, les infrastructures notamment routières sont faibles pour permettre une véritable intégration régionale et le commerce intrarégional est donc faible (5 % du commerce).

L’Afrique orientale et australe (ESA-East african Community), effective depuis 2005, comprend le Burundi, les Comores, Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, le Malawi, Maurice, Madagascar, le Rwanda, les Seychelles, le Soudan, la Tanzanie, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe ; membre de l’ACP, la Somalie n’a pour sa part actuellement aucun statut dans les négociations. Cette région se caractérise par l’importance de la superposition des régimes commerciaux préférentiels et par l’enchevêtrement des organisations régionales. Les pays appartiennent à la COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa) devenue union douanière en 2008, à l’ESA ou à la SADC (Southern African Development Community), zone de libre échange en juillet 2008, Union douanière en 2010 et marché commun en 2015.

L’Afrique australe et la SADC comprend 7 pays de la SADC : Angola, Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Swaziland, Tanzanie. Les autres membres de la SADC ont opté pour l’Afrique de l’Est. Les adhésions croisées sont nombreuses : certains pays font partie de la COMESA, d’autres de l’ESA ou de la SADC ; L’Afrique du Sud, dont les échanges commerciaux avec l’Union européenne sont régis par l’accord sur le commerce, le développement et la coopération-ACDC) participe également aux négociations mais ne signera pas d’APE mais les membres de la SACU (South African Custom Union), le Botswana, le Lesotho, la Namibie, n’ayant pas de barrières aux échanges sont concernés par cet accord.

Les Caraïbes regroupent les Etats membres de la Communauté des Caraïbes structurés autour du CARICOM (Communauté et marché commun des Caraïbes), Antigua, Bahamas, Barbade, Belize, Dominique, Grenade, Guyana, Haïti, Jamaïque, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Saint Kitts-et-Nevis, Surinam, Trinité-et-Tobago ainsi que la République dominicaine. Le CARICOM a mis en place un TEC. Cette zone a signé un APE complet en 2007.

Le Pacifique est constitué d’îles éloignées Iles Cook, Micronésie, Fidji, Kiribati, Iles Marshall, Nauru, Niue, Palau, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, Iles Salomon, Tonga, Tuvalu, Vanuatu), Timor Leste, qui a rejoint le groupe ACP en 2003 n’a pas encore été intégré dans les négociations. Ses principaux partenaires sont l’Australie et la Nouvelle Zélande avec qui ils sont liés par un accord.

b) Des divergences d’intérêts accentués par la multiplicité des régimes commerciaux

Alors que l’Union européenne présente un front unique de négociations, beaucoup de pays ACP jouent, dans cette négociation, leur propre partition en fonction de leurs intérêts.

Ainsi en Afrique de l’Ouest, le Nigeria représente les deux tiers du PIB de la zone. Ce pays assure actuellement la présidence de l’UMEOA et a donc une vision plus intégrative mais, à moyen et long terme, il défendra avant tout ses intérêts commerciaux. Dans une moindre mesure, le Ghana est tenté par une approche personnelle en raison notamment de la perspective de revenus pétroliers.

En Afrique centrale, c’est pour défendre ses intérêts commerciaux que le Cameroun a signé un accord intérimaire avec l’Union européenne. S’il a hésité jusqu’en septembre 2009 à le notifier à l’OMC, c’est principalement pour des raisons d’affichage de solidarité avec les autres pays de la zone sans que cela ait créé pour autant une dynamique régionale.

D’un point de vue collectif, la moitié des Etats qui négocient bénéficient du régime TSA en tant que PMA. Or ces pays ne sont soumis à aucun engagement de réduction de leurs droits de douane et ils disposent à la fois de flexibilité et d’un espace politique appréciables pour mettre en place des politiques commerciales conformes à leurs besoins et préoccupations. Le régime TSA leur accorde en effet un accès sans droits ni quotas au marché européen sans les soumettre à l’obligation de réciprocité. Ceci est un avantage non négligeable auquel logiquement ils ne sont prêts à renoncer que pour bénéficier d’un régime commercial plus favorable portant par exemple sur les normes non tarifaires (normes SPS (mesures phytosanitaires) et OTC (obstacles techniques au commerce)) ou sur les règles d’origine. L’APE ne leur donnera pas plus d’accès au marché européen que ce qu’ils ont déjà. Au total, les PMA seront perdants s’ils n’ont pas la garantie de conclure un accord porteur de développement.

Cette superposition des régimes commerciaux – SPG, SPG plus, TSA – a encore été accentuée par la signature des accords de partenariat économique intérimaires en 2007 (voir infra).

3. Les risques des accords de partenariat économique

a) Le débat sur le bien fondé du libre échange

L’axiome de départ de la Commission européenne pose que la libéralisation du commerce serait automatiquement et systématiquement favorable à la croissance et au développement économique comme l’atteste le rappel aux approches théoriques favorables au libre échange(35). Or ce postulat n’apparaît pas d’évidence. Les théories économiques opposent en effet deux courants de pensée qui ont des interprétations divergentes sur le libre échange. Le débat est apparu dans les années 50-60 avec la première vague d’accords préférentiels. Depuis les années 80, une deuxième vague d’accords a entretenu le débat qui se poursuit aujourd’hui.

En 1950, Jacob Viner analysait les effets statiques du libre échange sur le commerce : il opposait la création de commerce qui constitue des gains de bien être au détournement de commerce responsable de pertes de bien être. Cette promotion du libre échange tire sa substance des hypothèses classiques de la concurrence pure et parfaite et constitue un point de vue largement partagé par les institutions internationales telles le FMI ou la Banque mondiale. Les arguments empiriques qui justifient le rôle positif du libre échange sur la croissance mondiale s’appuient sur certaines observations. Dans les années 70, le commerce international représentait 30% du PIB mondial. Depuis le milieu des années 90, il dépasse 50% et dans le même temps, le PIB a fortement augmenté.

Cependant, certains travaux issus de la « nouvelle théorie du commerce international »(36) montrent que l’accroissement de la concurrence devant résulter du libre échange n’aboutit pas forcément à une meilleure efficacité économique. L’exemple des nouveaux pays industrialisés d’Asie montre d’ailleurs l’importance du protectionnisme dans leur succès économique.

En tout état de cause, dans un rapport inégal entre un faible et un fort, il y a de fortes chances que ce soit le fort qui l’emporte : c’est l’idée défendue par Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, qui estime que pour les pays les plus pauvres, le coût d’ajustement à la libéralisation peut dépasser les bénéfices apportés et que, dès lors, des mesures d’accompagnement s’imposent(37).

Il est incompréhensible que la Commission européenne n’ait pas réalisé une étude d’ensemble sur les conséquences de l’extension du libre échange. Les pays ACP ont dû entreprendre eux-mêmes des études d’impact, en ordre dispersé et avec des moyens limités, pour analyser les effets prévisibles. Ils l’ont fait à partir des modèles statiques datant des années 60. La seule étude générale sur le sujet est celle réalisée en 2006 par la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (UNCEA), à partir du « Global Trade analysis project » (GTAP)(38) sur les conséquences des APE sur l’Afrique subsaharienne. Peu d’études alternatives issues de modèles d’équilibre général existent. Celles qui existent sont basées sur des modèles d’équilibre partiel ou des études empiriques.

Les conclusions de l’étude de l’UNCEA sont les suivantes :

- la conclusion d’un APE avec totale réciprocité (droits de douane africains alignés sur les droits de douane européens) permettrait une création de commerce entre les régions ACP et l’Union européenne , contrebalancé par des détournements de commerce. Ces résultats positifs s’expliquent en grande partie parce que l’Union européenne est un partenaire commercial important ;

Creation et detournement de commerce suite a un APE
(en millions de dollars)

 

Création

Détournement

Détournement intra régionale

Unité de commerce détourné
(par unité de commerce créée)

Afrique de l’Ouest + Mauritanie

1 504

- 361

- 31

0,24

Afrique centrale CEMAC + STP

608

- 88

- 2

0,14

Afrique orientale et australe

910

- 243

- 14

0,27

SADC + Afrique australe

272

- 78

- 1

0,29

TOTAL

3 294

- 770

- 48

0,23

Source : Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, 2005. Effets des accords de partenariat économique entre l’Union européenne et l’Afrique sur l’économie et le bien-être. Busse M et al., 2004.

- compte tenu de l’asymétrie initiale, les résultats pour l’Union européenne seraient négligeables alors que les variations de bien être pour l’Afrique seraient négatives (sauf en cas d’intégration régionale renforcée). Des ajustements importants seront donc nécessaires.

Impact sur l’Afrique subsaharienne des scenarios APE

 

Scénario de libre-échange

Scénario de renforcement de l’intégration régionale

Scénario de réciprocité

Bien-être en volume (%)

- 0,2 %

0 %

- 0,27 %

Bien-être (millions de dollars)

- 584

270

- 1 629

Terme de l’échange (%)

0,14 %

0,34 %

- 1,04 %

Balance commerciale (millions de dollars)

- 1 841

- 491

- 1373

 

Exportations de l’Union européenne vers l’Afrique
+ 17,6 milliards de dollars

Commerce intra régional =
2,4 millions de dollars

Exportations de l’Union européenne vers l’Afrique :
+ 14,6 milliards de dollars

 

Exportations de l’Afrique vers l’Union européenne
+ 5,5 milliards de dollars

 

Exportations de l’Afrique vers l’Union européenne
+ 2,4 milliards de dollars

Source : Commission des Nations unies pour l’Afrique, 2005. Effets des accords de partenariat économique entre l’Union européenne et l’Afrique sur l’économie et le bien-être. Busse M et al., 2004.

Très concrètement, les pays ACP s’inquiètent des effets de l’ouverture de leurs frontières sur les économies, sur leurs finances publiques et sur le processus d’intégration régionale.

Mise en œuvre d’un APE au Sénégal

La mise en œuvre d’un APE conduit à une discrimination tarifaire en faveur des importations en provenance de l’Union européenne avec une réduction des droits de douane sur les produits européens tandis que les produits du reste du monde resteraient soumis à tarification. Dans ces conditions, les importateurs sénégalais se fourniront auprès du marché européen dont le prix a baissé.

En conséquence, ce modèle théorique prédit que la signature d’un APE induit trois types d’effets :

- un effet consommation qui décrit l’augmentation de la demande d’importations résultant de la diminution des prix ;

- un effet détournement de commerce : contrairement au cas standard dans lequel cet effet consiste en une substitution des importations extra régionales ( hors UEMOA) plus compétitives par des importations régionales ( UEMOA) moins efficientes, le détournement de commerce appliqué au cas d’un APE traduit l’éviction des fournisseurs du reste du monde ( pays hors UEMOA et hors UE), au profit d’exportateurs européens moins efficients mais bénéficiant de la suppression des tarifs douaniers sur leurs produits.

- un effet de création de commerce : dans le cadre d’un accord de préférence commerciale, la création de commerce signifie généralement la substitution de produits locaux par des produits plus compétitifs importés de la zone de préférence ; pour le cas de l’APE avec l’UE, cet effet consiste en la substitution des produits originaires de l’UEMOA par des produits plus compétitifs en provenance de l’UE.

Source : Atelier de mise à niveau et de positionnement sur le tournant final des négociations UE/ACP sur les APE (mai 2009). Plateforme des acteurs non étatiques du Sénégal.

b) La mise en concurrence des secteurs industriel et agricole

Les pays ACP craignent que leurs économies fragiles ne soient pas en mesure d’affronter la concurrence avec les économies plus puissantes et mieux organisées des pays européens. Les produits finis fabriqués par les entreprises locales au niveau technologique faible pourront difficilement résister à la concurrence des pays européens. Certains secteurs industriels risquent d’être, au mieux, remplacés par l’économie formelle, ou de disparaître.

Les gouvernements se préoccupent particulièrement de l’avenir du secteur agricole, souvent le premier poste d’exportation et principal pourvoyeur de main d’œuvre. L’agriculture vivrière locale se trouverait en concurrence avec une agriculture européenne disposant de hauts rendements et subventionnée. Un effondrement des secteurs agricoles dans les pays ACP aurait des conséquences dramatiques en terme d’exode rural, d’augmentation du chômage et de la pauvreté.

c) Des pertes immédiates sur les ressources fiscales

Les recettes budgétaires des pays ACP sont très dépendantes des droits de douane. Ceux-ci représentent, selon la Banque mondiale, entre 7 à 10 % des recettes budgétaires de l’Afrique subsaharienne, et jusqu’à 17 % au Sénégal, cette part pouvant être beaucoup plus élevée dans les pays insulaires.

La commission économique des Nations unies a projeté des pertes de revenus pour l’ensemble de l’Afrique de l’ordre de 2,9 milliards de dollars, ces pertes variant selon les pays. Elles s’élèveront à 980 millions pour l’Afrique de l’Ouest ; des pertes de 20 % du revenu national pour le Cap Vert pourraient être enregistrées. Deux autres phénomènes viendront amplifier la perte directe de recettes douanières :

- le détournement de commerce, l’élimination des droits sur les importations des produits européens pourrait accroître ces importations par rapport à celles venant d’autres régions dont les produits restent soumis à des droits de douane ;

- la TVA sur les importations quand elle existe, basée sur la valeur des importations additionnée des tarifs douaniers, verra son assiette diminuée d’autant.

Lors du déplacement au Sénégal, le représentant du Fonds monétaire international, M. Alex Ségura, précisait aux rapporteurs que les importations venant de l’Union européenne ont produit des recettes douanières représentant 1,2 % du PIB en 2007, ces importations étant fortement concentrées sur quatre catégories de produits (Produits miniers et pétroliers, machines et appareils mécaniques, aliments cuisinés, véhicules et produits végétaux) sur lesquels reposent plus de 70 % des droits de douane.

Importance des droits de douanes dans la formation du revenu national

Pays

Dernière donnée disponible

%

Pays

Dernière donnée disponible

%

Pacifique

Est et Sud africain (ESA)

Fidji

1996

21

Soudan

1999

29

Vanuatu

1999

34

Ouganda

2002

19

Papouasie-Nouvelle-Guinée

2002

26

Zambie

1999

13

           

Caraïbes

Zimbabwe

1997

20

Rép. dominicaine

2002

32

Maurice

2003

20

Jamaïque

2003

9

Seychelles

2002

24

Barbade

2003

8

Burundi

1999

25

Belize

1997

28

Ethiopie

1999

25

Bahamas

2003

59

Kenya

2000

17

Ouest africain (ECOWAS)

Madagascar

2002

 

Côte d’Ivoire

2001

41

Sud africain (SADC)

Sénégal

 

33

Botswana

1996

12

Sierra Leone

 

28

Namibie

2002

25

Centre africain (CEMAC)

Swaziland

2000

50

Rép. dém. du Congo

2002

27

Lesotho

2003

39

Rép. du Congo

2002

6

     

Source : Hertel T.W. et Winters L.A., 2006, Pauvreté et OMC: impacts de l’agenda de Doha pour le développement.

Selon cette étude du FMI(39) sur le Sénégal, les pertes consécutives à la libéralisation des échanges varient entre 0,3 et 1,5 % du PIB selon la période envisagée et les produits protégés. Ainsi, une élimination immédiate des tarifs douaniers sur les importations européennes entraînerait des pertes maximales de 1,5 % du PIB, composées de la manière suivante : une perte de droits de douane de 1,2 %, une baisse des recettes de la TVA d’environ 0,15 % et l’effet des détournements des échanges à hauteur de 0,15 % du PIB.

Estimation des consequences budgétaires d’un APE pour le senegal

Etude

Perte de recettes
(% du PIB)

Perte de recettes
(% des recettes totales)

Scénarios de protection/rythme de libéralisation des échanges

Impact sur la TVA

Détournement des échanges (trade diversion)

MEF (2008)

0.8

4.5

Oui/début période

Non

1 %

Zouhon-Bi and Nielsen (2007)

2.0

10

Non

Non

6.8 %

Fontagne et al (2008)

0.3(1)

1.5

Oui/graduelle

Non

7.8 %

UNECA (2005)

1.1

6

Non/début période

Non

9 %

Busse et al (2004)

1.9

10.7

Non

Non

7 %

Calipel et al (2004)

0.6

3.5

Non/début période(2)

Oui

7 %

IMF (2008)(3)

0.3

10.5

Oui/graduelle

Oui

10 %

(1) En cas de libéralisation graduelle. Dans un scénario de début de période, le manque à gagner serait d’environ 0.6-0.8 % du PIB.

(2) Il est aussi nécessaire d’avancer prudemment et graduellement.

(3) Il s’agit de la présente étude.

Source : Etude d’une équipe FMI/Sénégal.

Ces droits de douane constituent en fait plus que des ressources : ils sont un élément de la souveraineté de ces pays grâce auxquels ils mènent leurs politiques publiques. Il sera alors nécessaire pour compenser la perte des recettes douanières d’effectuer une transition fiscale vers plus de fiscalité directe sur les entreprises et les particuliers. Compte tenu du poids de l’économie informelle – au Sénégal, la contribution au PIB du secteur informel est estimée à près de 50 %(40) – et des faiblesses structurelles des entreprises, cette transition sera difficile à mettre en œuvre et, en tout état de cause, elle ne pourra se faire que très progressivement.

d) Des craintes pour l’intégration régionale

L’Union européenne entend par les APE consolider et renforcer le processus d’intégration régionale des six régions. Les APE doivent contribuer à élargir et à mieux intégrer les marchés régionaux ainsi qu’à renforcer l’engagement et la crédibilité de l’agenda d’intégration. Cette approche volontariste peut toutefois constituer un défi au processus régional. En effet, le risque existe de faire dérailler l’intégration régionale en imposant un rythme trop rapide par rapport aux réalités politiques et socioéconomiques de certaines régions et en mettant leur capacités en « surrégime ».

De plus, ils risquent de créer des tensions dans les régions qui partagent en partie les mêmes membres (du fait des adhésions croisées) ou dont les membres concluent un APE en fonction d’intérêts divergents (voir supra B.2.b).

*

* *

Ces craintes des pays ACP ont trouvé leur expression la plus forte par la voix du Président Wade. La société civile africaine s’était approprié la problématique des APE : la marche contre les APE organisée à Bruxelles en janvier 2008 en témoigne. Les représentants de la société africaine entendus par les rapporteurs ont dit leurs inquiétudes pour leur tissu économique, tout particulièrement pour leur agriculture.

II. LES NÉGOCIATIONS BLOQUENT SUR DES POINTS D’ACHOPPEMENT

A la fin 2007, date à laquelle prenait officiellement fin la dérogation accordée par l’OMC, une solution temporaire a dû être trouvée à la hâte pour éviter que les pays non-PMA ne basculent dans le régime commercial de droit commun du système de préférences généralisées (SPG) moins favorable, ce qui aurait eu des conséquences graves sur le flux des échanges commerciaux de certains pays. Dès lors, les négociations ne sont plus motivées par une échéance contraignante : elles se poursuivent, caractérisées à la fois par un changement de fond et un changement de ton.

De nouvelles orientations politiques de l’Union européenne prennent mieux en considération les préoccupations des pays ACP. Lors du Conseil européen de mai 2008, ont été adoptées des conclusions reflétant les priorités mises en avant par la France et notamment la nécessité de conclure des APE complets à l’échelle régionale. La présidence française du Conseil a fait adopter, le 11 novembre 2008, des conclusions qui creusent encore ce sillon : nécessaire flexibilité dans la négociation en vue de favoriser la conclusion d’accords ayant une couverture régionale complète, prise en compte des intérêts des PMA et- traitement spécifique pour les produits vivriers.

Un changement de ton de la Commission européenne est également perceptible, lié au changement de commissaire au commerce. En octobre 2008, quelques jours après la signature de l’APE avec la zone Caraïbes, Mme Catherine Ashton a remplacé M. Peter Mandelson. Si elle a réaffirmé croire « fermement aux bénéfices des marchés ouverts et aux opportunités que cela peut fournir aux entreprises et aux individus », la nouvelle commissaire se montre à la fois plus conciliante sur le calendrier et plus soucieuse de prendre en compte les préoccupations des pays ACP(41). Un certain climat de confiance a, de ce fait, été rétabli. Au Conseil « Affaires générales - Relations extérieures » (CAGRE) du 19 mai 2009, Mme Catherine Ashton a été créditée de l’amélioration sensible du climat des négociations et deux commissaires ont été présentés comme compétents sur le dossier, dont M. Louis Michel, pour le volet développement. Il a en outre été fait le constat de l’intérêt des APE comme outil de réponse à la crise économique et principal levier d’encouragement à l’intégration régionale.

Cependant, à ce jour, un seul accord de partenariat économique complet a été signé avec le Cariforum (à l’exception de Haïti) et sept accords intérimaires centrés sur le volet tarifaire ont été paraphés. Au total, ces huit accords couvrent 35 pays ACP sur 78 et ont évité un retrait des préférences commerciales à 26 pays non-PMA. Les autres pays ont subi un impact réduit voire nul. En effet, 32 PMA sont couverts par le régime unilatéral TSA. Dix pays non-PMA (Nigeria, Gabon, Congo et 7 îles du Pacifique) sont passés au système des préférences généralisées (SPG) mais leur commerce vers l’Union européenne est peu affecté en raison des faibles flux ou des flux essentiellement pétroliers.

A. Les accords intérimaires : rustine nécessaire ou prix à payer au maintien des flux commerciaux avec l’Europe ?

Ces accords intérimaires, présentés par la Commission comme une nécessité et un tremplin vers des accords de partenariat économique complet, présentent des sujets de préoccupation en matière de développement et comportent des risques pour l’intégration régionale. Pour les pays ACP, ils ont été souvent le prix à payer du maintien de l’accès préférentiel au marché européen.

1. Des accords imposés en urgence par la Commission

A l’approche de la date butoir pour la clôture des négociations, la Commission européenne n’a pas pris en compte les suggestions d’alternatives et les appels à un délai supplémentaire pour la dérogation accordée aux préférences symétriques. A la suite de sa communication du 23 octobre 2007(42) dans laquelle elle faisait le constat de l’impossibilité de parvenir à la signature d’accords de partenariat complet, elle a proposé une approche en deux temps visant d’abord à conclure des accords intérimaires limités à l’accès aux marchés des biens avec les pays ou les groupes de pays qui le souhaitaient, tout en gardant l’objectif de conclure des APE régionaux complets ultérieurement(43).

Ces accords visaient à éviter toute rupture d’échanges au 1er janvier 2008, en permettant un accès en franchise de droits et une absence de contingents tarifaires pour tous les produits, sauf le sucre et le riz, et sous réserve de périodes et régimes transitoires pour certains produits sensibles. L’octroi de cet accès en franchise de droits concerne en premier lieu les produits agricoles, la majorité des restrictions tarifaires concernant ces produits. En contrepartie, les Etats concernés s’engageaient dans un mouvement de libéralisation de leurs échanges.

Faute d’accord intérimaire, les pays ACP se voyaient appliquer le régime commercial de droit commun : « Tout sauf les armes » (TSA) pour les PMA ou système de préférences généralisées (SPG ou SPG+ suivant les pays) pour les pays ACP non-PMA, c’est-à-dire un traitement aligné sur celui que l’Union européenne accorde à l’ensemble des pays en développement, notamment latino-américains.

35 pays sont concernés par un accord intérimaire :

- l’Afrique orientale et australe : les pays de l’ESA (Communauté de l’Afrique et de l’est) à l’exception de la Zambie et des Comores ont signé un accord intérimaire en août 2009 ;

- l’Afrique de l’Est : tous les pays de l’EAC ont paraphé un accord mais la signature a été reportée en raison de tensions internes ;

- l’Afrique de l’Ouest : la Côte d’Ivoire a signé un accord et le Ghana en a paraphé un, la signature ayant été toutefois repoussée après le changement de gouvernement ;

- l’Afrique centrale : seul le Cameroun a signé un accord intérimaire ;

- l’Afrique australe : la SADC (Accord sur le commerce, le développement et la coopération) a signé un accord intérimaire auquel la Namibie n’a pas encore adhéré ;

- le Pacifique : un accord intérimaire a été signé mais il manque la signature de Fidji.

Il apparaît que nombre de ces accords ne sont pas juridiquement stabilisés. Ainsi, par exemple, le Ghana a repoussé sa signature depuis le changement de gouvernement et le Cameroun pour des raisons d’affichage de solidarité avec ses partenaires de la zone a notifié tardivement cet accord à l’OMC (septembre 2009).

2. Des sujets de préoccupation majeurs en matière de développement

Les accords intérimaires comportent des clauses très similaires ; seules les listes de produits dits sensibles changent.

Alors que la Commission a qualifié ces accords de « soft » et flexibles, ils créent, en réalité, un certain nombre d’obligations contraignantes, ceci alors que les accords ont été conclus avant l’achèvement des évaluations des études d’impact.

a) Une portée et un rythme d’ouverture des marchés exigeants

La Commission a convenu, d’une façon générale, dans les négociations sur les APE, d’accepter toutes les offres de libéralisation tarifaires de 80 % portant sur une période de 25 ans. Or dans les accords intérimaires, l’élimination des droits prend effet dès l’entrée en vigueur de l’accord. Une part marginale du volume des échanges bénéficie de périodes de mise en œuvre plus longue.

Ainsi dans l’accord signé par l’EAC, 82 % en moyenne des échanges seront libéralisées dont 62 % après deux ans et 80 % après 15 ans. La Commission européenne, d’autre part, a demandé l’inclusion d’une clause conservatoire, non requise par les règles de l’OMC, gelant les droits tarifaires sur tous les échanges, que ces produits figurent ou non sur la liste d’exclusion. En conséquence, le droit tarifaire sur ce produit ne peut pas être rehaussé après l’entrée en vigueur de l’accord.

S’agissant des accords intérimaires avec la Côte d’Ivoire et le Ghana, ils prévoient tous deux de libéraliser 80 % des produits en provenance de l’Union européenne et la plupart des engagements de libéralisation sont prévues pour s’appliquer en début de période : pour le Ghana, plus de 70 % en dix ans et pour la Côte d’Ivoire, 60 % jusqu’en 2012.

La Commission a, par ailleurs, inclus en fin de négociation, une clause de la nation la plus favorisée. Cette clause exige que les pays ACP accordent d’une manière automatique à l’Union européenne des préférences commerciales analogues à celles qu’ils accorderaient à des pays tiers dans le cadre d’un accord bilatéral si les exportations de ce pays représentent plus de 1 % des exportations de marchandises à l’échelon mondial. Cette clause concerne en fait les échanges commerciaux avec des pays émergents. Même si elle est justifiée et si l’intérêt de l’Union européenne est évidemment offensif, cette question suscite des interrogations des pays ACP qui souhaiteraient diversifier leur commerce. Cette clause pose la question de la souveraineté des pays et de leur possibilité de prendre leurs propres décisions d’ouverture des marchés.

b) Des clauses de sauvegarde inappropriées

En l’absence de droits tarifaires, les possibilités de mettre en œuvre des clauses de sauvegarde sont le principal instrument de politique pouvant servir à protéger les industries naissantes ou l’agriculture. Dans leur structure actuelle, les clauses de sauvegarde ne diffèrent pas de manière significative de celles disponibles à l’OMC et ne contiennent pas les flexibilités nécessaires. Elles sont restreintes par des procédures qui entravent leur utilisation et sont d’une durée limitée.

c) Une absence d’engagements sur le volet développement

La conclusion d’accords intérimaires ne signifie pas qu’il y ait une convergence de points de vue entre les pays ACP et l’Union européenne sur les instruments à travers lesquels les APE assureront le développement. Les dispositions relatives à la coopération au développement ne sont en effet pas développées dans les accords intérimaires : il n’existe aucun lien contraignant entre la mise en œuvre des réformes commerciales et l’aide financière.

d) Une perte de crédibilité pour l’intégration régionale

Depuis presque deux ans, les solutions temporaires trouvées à la hâte en 2007 perdurent, plaçant les pays ACP dans un statu quo bloquant l’intégration régionale. Les effets néfastes se font ressentir par exemple en Afrique de l’Ouest où le Ghana et la Côte d’Ivoire n’ont bénéficié d’aucun soutien de leurs groupes régionaux au moment de la signature des accords intérimaires et en Afrique centrale au sein de la SADC où il a été reproché aux pays signataires de saper la solidarité régionale.

Les accords séparés avec l’Union européenne portent atteinte à l’unité entre des pays qui avaient auparavant réussi à former des unions douanières. La coexistence de trois régimes préférentiels (accords intérimaires, TSA et SPG) met à mal la libre circulation des marchandises entre les pays d’une même union douanière dans la mesure où les pays n’ayant pas signé d’accords intérimaires doivent imposer des contrôles aux frontières pour se « protéger » des l’entrée de marchandises de l’Union européenne provenant des pays voisins.

Ces accords intérimaires vont aussi contre la dynamique de la négociation pour passer d’un accord par pays à un accord régional. En effet, les pays ACP qui les ont signés ont présenté des listes en matière de libéralisation séparées et non convenues à l’échelon régional. Ils ont été contraints de prendre des engagements de libéralisation avec l’Union européenne avant d’avoir décidé d’engagements entre eux. L’exemple de l’Afrique de l’Ouest et de la CEDEAO est à cet égard très significatif. La plupart des points sur lesquels la Côte d’Ivoire et le Ghana avaient conclu sont actuellement soit renégociés soit rejetés par certains Etats membres. Etant donné ces divergences, il n’est pas certain que la Commission européenne soit prête à faire des concessions nouvelles et renégocier sur des domaines dans lesquels elle avait déjà conclu un « meilleur accord » et sur lequel elle se trouve de fait en position de force.

Ceci pose donc la question du statut provisoire ou non de ces accords. En principe ces accords peuvent être modifiés mais pour l’instant, les clauses de révision sont, soit inexistantes soit inadéquates.

Ces accords intérimaires comportent le risque de voir des pays qui ne les ont pas négocié être obligés de s’y soumettre, soit parce que ces accords sont appliqués de facto du fait des configurations géographiques et économiques, soit parce que pour éviter la fragmentation, c’est la seule option qui s’offre à ces pays pour éviter d’être exclus du processus de négociation. Cette solution n’est pas conforme à la prise en compte les intérêts de pays plus faibles par rapport à des voisins plus avancés.

Statuts commerciaux par zone de negociation
(septembre 2009)

Régions de négociations

Membres

Régime commercial

Taux de libéralisation des échanges

Signature

Notification à l’OMC

ESA

Comores

Djibouti

Erythrée

Ethiopie

Madagascar

Malawi

Maurice

Seychelles

Soudan

Zambie

Zimbabwe

APEI

TSA

TSA

TAS

APEI

APEI

APEI

APEI

TSA

APEI

APEI

81 %

96 %

98 %

80 %

80 %

29/08/09

29/08/09

29/08/09

29/08/09

29/08/09

 

EAC

Burundi

Kenya

Rwanda

Tanzanie

Ouganda

APEI

APEI

APEI

APEI

APEI

     

SADC

Afrique du Sud

Angola

Botswana

Lesotho

Mozambique

Namibie

Swaziland

TDCA

TSA

APEI

APEI

APEI

APEI

APEI

86 %

86 %

81 %

86 %

86 %

86 %

11/10/99

04/06/09

04/06/09

15/06/09

04/06/09

02/11/2000

CEMAC

Cameroun

Congo

Guinée équatoriale

Gabon

Rép. centrafricaine

Rép. dém. du Congo

Sao-Tomé-et-Principe

Tchad

APEI

Standard SGP

TSA

Standard SGP

TSA

TSA

TSA

TSA

80 %

15/01/09

24/09/2009

CEDEAO

Bénin

Burkina Faso

Cap Vert

Côte d’Ivoire

Gambie

Ghana

Guinée Bissau

Liberia

Mali

Mauritanie

Niger

Nigeria

Sénégal

Sierra Leone

Togo

TSA

TSA

TSA

APEI

TSA

APEI

TSA

TSA

TSA

TSA

TSA

Standard SGP

TSA

TSA

TSA

81 %

80 %

26/11/08

11/12/08

Pacifique

Iles Cook

Iles Marshall

Iles Salomon

Fidji

Kiribati

Micronésie

Nauru

Niue

Palau

Papouasie-Nouvelle-Guinée

Samoa

Tonga

Tuvalu

Vanuatu

Standard SGP

Standard SGP

TSA

APEI

TSA

Standard SGP

Standard SGP

Standard SGP

Standard SGP

APEI

TSA

Standard SGP

TSA

TSA

 

30/08/09

 

CARIFORUM Accord de partenariat économique

Antigua/Barbuda

Bahamas

Barbade

Belize

Dominique

Grenade

Guyana

Haïti

Jamaïque

Saint-Christophe-et-Nevis

Sainte Lucie

Saint Vincent/Iles Grenadines

Rép. dominicaine

Surinam

Trinidad/Tobago

APE

APE

APE

APE

APE

APE

APE

TSA

APE

APE

APE

APE

APE

APE

APE

APE

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

87 %

15/09/08

15/09/08

15/09/08

15/09/08

15/09/08

15/09/08

21/10/08

15/10/08

15/10/08

15/10/08

15/10/08

15/10/08

15/10/08

15/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

16/10/08

- APEI : Accord de partenariat économique intérimaire ;

- APE : « Accord de partenariat économiques » ;

- TSA : « Tout sauf les armes » ;

- TDCA : Trade development and cooperation agreement ;

- SGP: Système de préférences généralisées.

B. Les accords de partenariat complets : des points de contentieux, des échéances sans cesse repoussées

La plupart des pays ACP se sont engagés avec réticence dans la négociation. La période qui a suivi la signature des accords intérimaires a été suivie d’une période de relative léthargie dans les négociations. En effet, une fois que les flux des échanges étaient sécurisés par les accords intérimaires, la nécessité de maintenir la cohérence des systèmes régionaux de commerce avec l’Union européenne et d’obtenir des compensations en terme de développement est la principale incitation à conclure des APE. C’est tout particulièrement le cas de l’Afrique de l’Ouest. C’est sur ce mouvement que se poursuivent actuellement les négociations dont personne ne peut prédire quand elles aboutiront.

1. Des positions toujours divergentes

L’acuité des sujets est variable selon les régions mais les plus importants demeurent sans conteste les modalités d’ouverture des marchés ACP, la clause de la nation la plus favorisée et les prélèvements communautaires. Ils sont bien plus que des points techniques : ils cristallisent en fait les divergences fondamentales sur le bien fondé de la libéralisation des échanges.

a) Les modalités d’ouverture des marchés, pierre angulaire de la négociation

Il s’agit de l’un des points durs de la négociation. Cependant, depuis le début des négociations, une évolution est nettement perceptible dans le sens où l’on est passé d’un débat sur l’interprétation des clauses de l’OMC à une identification des possibles.

Selon l’article XXIV du Gatt (articles 8 b et 5 c), les accords APE peuvent constituer des zones de libre échange si les « droits de douane et les autres réglementations commerciales restrictives sont éliminés pour l’essentiel des échanges commerciaux portant sur les produits originaires des territoires constitutifs de la zone de libre échange dans un délai raisonnable ».

Un mémorandum de l’OMC a précisé en 1994 que le délai raisonnable ne devrait dépasser 10 ans que dans des cas exceptionnels et dans ce cas, les parties expliqueront en détail pourquoi un délai plus long est nécessaire. Ainsi, tant le degré que le calendrier d’ouverture des marchés exigés doivent être interprétés pour juger de la conformité à l’article du GATT.

L’accord est acquis sur le fait que l’ouverture peut être asymétrique, l’Union européenne offrant à un accès de 100 % et les pays ACP un accès moindre. L’Union européenne a fait une offre d’accès au marché sans droits de douane ni quotas ( DFQF) que les pays ACP estiment limitée en raison de l’absence d’amélioration significative du système des règles d’origine, du maintien de périodes de transition sur deux produits ( sucre et riz) et de clauses de sauvegarde.

Mais le désaccord le plus profond porte sur le degré de libéralisation que devraient atteindre les offres des régions ACP. La Commission européenne estime habituellement qu’il faudrait que 90 % du commerce soit libéralisé, ce qui se traduirait par une ouverture de 100 % des marchés de l’Union européenne et de 80 % des marchés ACP. Il est peut être utile de se fixer une limite, mais ce choix peut apparaître arbitraire, d’autant que les modalités de calcul importent beaucoup. Le degré d’ouverture peut être calculé par le nombre de lignes ou en fonction de la valeur des échanges libéralisés, ou sur une moyenne des deux. Par ailleurs, on pourrait aussi considérer qu’une ouverture moindre des pays ACP est nécessaire si la moyenne est pondérée par l’importance des flux (l’UE importe deux fois plus que les pays ACP et donc l’ouverture de l’UE compterait plus que celles des pays ACP). Enfin, si l’exigence d’ouverture est une moyenne pour un groupe ACP et non une exigence pour chaque pays, alors les petites économies plus fragiles pourraient être « protégées » par de plus grandes.

La Commission estime que l’essentiel de la libéralisation devrait se faire en dix ans ou quinze ans, sauf cas exceptionnels qui nécessiteraient une justification au cas par cas auprès de l’OMC.

Les pays ACP demandent plus de flexibilité, tant sur le rythme que sur le degré d’ouverture importante.

Cette question n’a toutefois pas la même importance pour tous les groupes ACP. Elle est essentielle surtout pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale où plus de la moitié des pays appliquent des droits de 20 % ou plus. Ainsi la dernière offre faite par l’Afrique de l’Ouest porte sur 60 % de libéralisation en vingt-cinq ans. Les négociations continuent encore sur le niveau de libéralisation et sur la liste des produits stratégiques qui en seront exclus.

b) Les prélèvements communautaires de solidarité

Les prélèvements communautaires de solidarité sur les importations ou droits de porte sont des droits de douane additionnels perçus par les Etats au profit des organisations régionales. Pour sécuriser le financement de ces organisations, cette solution a été le plus souvent préférée au financement direct par les Etats. L’Union européenne considère qu’il s’agit de droits de douane qu’il faut donc inclure dans le champ de la libéralisation. Les pays ACP font de leur maintien un des points durs de la négociation qui a été souligné à de nombreuses reprises aux rapporteurs, notamment lors de la mission en Afrique. Ces droits ont permis d’amorcer des politiques structurelles communes et en Afrique de l’Ouest : ils représentent 50 % des revenus de l’UEMOA et de la CEDEAO.

c) La clause de traitement plus favorable

En application de cette clause, tout avantage supplémentaire accordé par les ACP à un pays dont les exportations de ce pays représentent plus de 1 % des exportations de marchandises à l’échelon mondial doivent être accordés d’une manière automatique à l’Union européenne. Les pays ACP refusent cette clause qui limiterait leur souveraineté dans la conduite de leur politique commerciale. Sur ce point, l’Europe craint à juste titre la concurrence des grands émergents.

D’autres questions sont encore pendantes comme la clause de statu quo qui permettrait d’adapter les accords, les clauses de sauvegarde et de protection des industries naissantes. Les règles d’origine sont d’un intérêt majeur pour tous les pays, y compris les PMA qui seront concernés par l’amélioration du système. Ces règles fixent des conditions pour qu’un produit soit considéré comme venant d’une zone bénéficiant d’un accès préférentiel. L’Union européenne a historiquement élaboré un régime détaillé et complexe pour fixer les conditions dans lesquelles une origine est attribuée à un produit(44). Ces règles d’origine ont été modifiées en 2007 au bénéfice des seuls pays ayant signé un accord intérimaire. A notamment été introduite la possibilité de cumul des règles d’origine permettant aux pays parties à un tel accord de partager la production et de se conformer ainsi conjointement aux règles d’origine. Les pays ACP considèrent que la coexistence de deux systèmes aux règles d’origine est néfaste pour la libre circulation des marchandises au sein des zones régionales.

Par ailleurs, la Commission européenne n’insiste plus que mollement sur la question des sujets de Singapour(45) – investissement, politique de concurrence, transparence des marchés publics et facilitation des échanges – qui sont exclues du cycle de négociations de Doha et qu’elle avait voulu, dans un premier temps, faire figurer dans le cadre des négociations sur les APE. L’inclusion de telles clauses dans les négociations aurait fait des APE des accords « OMC plus » et s’est heurtée à une opposition vigoureuse des pays ACP.

Points sensibles du volet commercial en suspens dans les négociations APE

Objet

Position Commission

Position ACP

Commentaires

Clause la plus favorable déjà négociée

Proposition française

« essentiel des échanges » (art. XXIV GATT) - degré d’ouverture des marchés ACP

80 % minimum pour obtenir 90 % en moyenne avec l’ouverture à 100 % du marché communautaire

Offres inférieures à 80 % ; demandes de prise en compte du niveau de développement

Aucune interprétation officielle, ni jurisprudence de l’OMC sur un seuil minimum. Aucun contentieux alors que plusieurs ACP non-PMA(46) ont bénéficié de l’accès DFQF (Duty free quota free) au marché communautaire avant d’avoir signé leur APE intérimaire.

-

Ne plus se focaliser sur 80 % sans fixer de nouveau pourcentage plancher arbitraire, mais accepter des offres inférieures correctement argumentées.

« durée raisonnable » (art. XXIV GATT) - période de transition pour l’ouverture des marchés ACP

15 ans en moyenne, avec quelques exceptions jusqu’à 20 ans ou 25 ans pour des produits sensibles

Allonger les périodes de transition jusqu’à 25 ans en moyenne pour certaines régions

L’interprétation de l’OMC porte sur 10 ans en moyenne mais les accords régionaux existants portent sur des durées plus longues. Ceux de l’UE avec des pays tiers d’un niveau de développement supérieur aux ACP portent jusqu’à présent sur 12 ans en moyenne.

-

Allonger les périodes de transition à 20 ans en moyenne.

Prélèvement communautaire de solidarité (PCS) sur les importations servant au financement des organisations régionales

Elimination ; dès la mise en œuvre de l’accord au début des négociations ; dernier compromis : à la fin de la période de transition.

Maintien. Point sine qua non pour des zones comme l’Afrique de l’Ouest où le PCS représente 50 % des revenus de l’UEMOA et de la CEDEAO.

Les PCS s’apparentent à des taxes sur les importations. En théorie, ils devraient faire partie du schéma de libéralisation.

-

Soumettre leur maintien ou leur élimination à une clause de revue avant la fin de la période de transition pour vérifier l’existence de revenus alternatifs sur ressources propres viables.

Clause de traitement plus favorable

Tout avantage supplémentaire concédé par les ACP à une « major trading economy » dans un accord ultérieur doit être concédé à l’UE. « major trading economy » définie comme tout pays développé ou dont les échanges représentent plus de 1% des échanges mondiaux. La Commission pourrait envisager de relever le seuil à 1,5 %

Refus de la clause de traitement plus favorable. Argument d’incompatibilité avec la clause d’habilitation de l’OMC.

Clause non obligatoire pour la compatibilité OMC. L’APE étant un accord bilatéral, l’argument de contradiction avec la clause d’habilitation semble peu crédible. Dans les ALE, clause souvent présente pour les services seuls et pas pour les biens.

-

Clause indispensable en regard de la multiplication des accords bilatéraux, pour s’assurer d’un traitement équitable entre l’UE et d’autres pays développés ou de grands émergents. Relèvement à 1,5 % non acceptable car cela exclurait l’Inde, le Brésil….

Objet

Position Commission

Position ACP

Commentaires

Clause la plus favorable déjà négociée

Proposition française

Traitement de l’Afrique du Sud

Traitement différencié. Ne pas revenir sur le TDCA ( Trade and development cooperation agreement), sauf pour éviter une détérioration de l’intégration régionale.

Traitement identique aux autres membres de la SACU (Botswana, Lesotho, Namibie, Swaziland, Angola, Mozambique) alors que son niveau de développement est incomparable.

Cas particulier.

De fait, la Commission est déjà revenue sur le TDCA dans les négociations vers un APE régional.

Traitement différencié. Ne revenir en aucun cas sur le TDCA ou en contrepartie d’un accès moindre au marché communautaire pour l’Afrique du Sud.

Standstill (ou statu quo)

Plafond au niveau des droits réellement appliqués au jour de la mise en œuvre de l’APE.

Plafond au niveau des droits consolidés OMC.

Clause non obligatoire pour la compatibilité OMC. Niveau des droits actuels souvent très bas à cause de la hausse des prix alimentaires.

APE Cariforum, prévoit standstill que sur les produits soumis à libéralisation et exclut les produits sensibles.

Dans les autres négociations bilatérales, la clause de standstill s’applique au niveau des droits appliqués au jour du début des négociations. Cette modalité traditionnelle serait de nature à rassurer les ACP sur le traitement des produits alimentaires puisque les négociations APE ont commencé bien avant la crise alimentaire.

Taxes à l’export

Retrait à la fin des périodes de transition. Jugées contreproductives.

Maintien. Sources de revenus et outils de politique commerciale dans certains cas.

Non obligatoire pour la compatibilité OMC et pas de consensus à l’OMC sur le traitement à leur réserver. Sans le dire dans le cas des APE, l’UE s’inquiète aussi que de telles taxes limitent son accès à des matières premières dont certains ACP sont producteurs.

Compromis SADC : pas d’élimination mais interdiction de création ou de relèvement de taxe à l’export sauf pour des raisons spécifiques de revenus, de protection des industries naissantes, de sécurité alimentaire, après consultation de la CE (disposition qui ne s’applique pas à l’Afrique du Sud), ou pour le développement industriel après accord conjoint de la CE.

Compromis SADC intéressant. A étendre dans les autres textes.

Sauvegardes bilatérales

Clause et mécanisme de sauvegarde généraux suffisants.

Clauses de sauvegarde spécifiques permettant de protéger certains domaines/secteurs. Dispositions plus fermes et à déclenchement plus rapide, voire unilatéral.

 

Compromis SADC : possibilité de déclenchement pour des raisons de sécurité alimentaire.

Compromis SADC intéressant. A étendre dans les autres textes.

Objet

Position Commission

Position ACP

Commentaires

Clause la plus favorable déjà négociée

Proposition française

Protection des industries naissantes

Couvert par les clauses sur les sauvegardes ; ne nécessite pas de clause spécifique.

Clause spécifique permettant de revenir sur la libéralisation.

 

Compromis SADC : clause spécifique ; possibilité de stopper la libéralisation ou de réintroduire des droits jusqu’au droit NPF appliqué, avec consultation du Comité commerce et développement et révision annuelle. Ne concerne pas l’Afrique du Sud qui reste couverte par l’art. 25 du TDCA.

Compromis SADC intéressant. A étendre dans les autres textes.

Libre circulation intra-région ACP

Les marchandises européennes ne doivent être taxées qu’une seule fois à l’entrée dans une région APE : simplification pour les importateurs et favorable à l’intégration régionale.

Problèmes techniques parfois dus à l’insuffisance de l’intégration régionale.

 

Compromis SADC : engagement de ne faire payer les droits de douane qu’une fois pour tous les pays de la SADC avec aménagement technique entre les pays de la SACU et les pays non SACU.

Compromis SADC intéressant. A étendre dans les autres textes

Règles d’origine

« Cotonou+ » en attendant de renégocier les règles des APE en fonction des règles SPG sous 3 ans. « Cotonou+ » offre quelques simplifications par rapport aux règles de Cotonou (simple transformation du textile et règles simplifiées pour la pêche)

Règles plus simples encore que « Cotonou+ » et cumul possible.

La situation actuelle est la pire qui pouvait être imaginée. La coexistence de 2 types de règles d’origine (« Cotonou+ » pour les APE intérimaire et celles de SPG/TSA) ne permettent aucun cumul. La négociation dans 3 ans d’un nouveau set de règles place les opérateurs dans un climat instable défavorable aux échanges.

 

C’est la pire des situations contre laquelle la France a lutté. Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment d’autres solutions que celle proposées par la Commission, puisque « Cotonou+ » est déjà en vigueur dans les APE intérimaires.

Traitement national

Les produits importés doivent faire l’objet du même traitement que les produits nationaux, sauf dans le cas des marchés publics.

Refus d’une clause de traitement national.

 

Une liste d’exceptions au principe de traitement national est prévue dans l’APE ESA.

Clause ESA qui pourrait être étendue aux autres projets de textes.

d) Les négociations sur le volet « développement » engagées tardivement

La démarche de la Commission européenne repose sur le postulat que le commerce est un moteur du développement. Les pays ACP sont prêts à accepter cette approche mais l’ont actualisé sur la base des travaux d’organismes internationaux comme la CNUCED ou la BIRD qui montrent que l’ouverture commerciale n’est pas à elle seule moteur de développement et que pour les pays les plus pauvres, l’accès au marché mondial nécessite un renforcement préalable de leurs capacités productives, condition d’une offre compétitive.

Ceci a conduit les pays ACP à demander, depuis le début des négociations, que l’aide au commerce soit distincte de l’aide au développement et que le volet développement fasse partie intégrante des accords. Cette démarche a maintenant été actée par la Commission européenne à compter du 10ème Fonds européen de développement (FED) (2008-2013).

Les mesures d’accompagnement des APE seront financées d’une part par le FED, principalement par le biais des programmes indicatifs régionaux (PIR) et d’autre part, par l’aide au commerce. La programmation des PIR du 10ème FED avait été retardée au 15 novembre 2008 afin de tenir compte des besoins identifiés dans le cadre des négociations APE. Les ressources du 10ème FED se partageront entre deux secteurs, d’une part, l’approfondissement de l’intégration régionale et l’amélioration de la compétitivité et d’autre part, la consolidation de la bonne gouvernance et de la stabilité régionale (voir tableaux). Deux niveaux de programmation des enveloppes coexistent, les enveloppes nationales et les enveloppes régionales.

Par ailleurs, l’aide au commerce est un programme de l’Organisation mondiale du commerce décidé en décembre 2005 lors de la sixième conférence ministérielle de Hong-Kong. L’Union européenne est des principaux bailleurs de fonds de ce programme. La philosophie qui sous-tend ce programme est la suivante : pour exploiter pleinement les bénéfices tirés du commerce, les pays en développement doivent supprimer les contraintes d’offre et traiter leurs faiblesses structurelles. Cela inclut des politiques nationales liées au commerce, la facilitation du commerce, le renforcement des capacités douanières, la modernisation de leurs infrastructures, le renforcement de leurs capacités de production et la mise sur pied de marchés nationaux et régionaux. En 2005, l’Union européenne s’était engagée à un objectif de deux milliards d’ici 2010 dont 50 % consacrés aux besoins déclarés prioritaires par les Etats membres ; un million est à la charge des Etats membres et l’autre à la charge de l’Union. Dans une communication de 2007(47), la Commission recommande qu’une partie significative de cette aide soit attribuée aux pays ACP en soutien à l’intégration régionale dans le cadre des APE.

répartition des enveloppes du FED

 

Région champ couvert par le FED

Montants des programmes indicatifs régionaux (PIR) du 10ème FED

Région champ couvert par l’APE

Etat des négociations

Afrique de l’Ouest

Bénin, Burkina-Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire

477 M€

16 pays : Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire,

APE-I intérimaire (volet tarifaire) paraphé avec Ghana et

(CEDEAO/UEMOA)

Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau,

70 % intégration économique régionale

Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali

Côte d’Ivoire

 

Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal,

20 % consolidation bonne gouvernance et stabilité régionale

Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Léone, Togo

 

 

Sierra Leone, Togo

10 % secteurs hors concentration

 

Gabon attendu  

Afrique centrale

CEEAC = Burundi, RDC, Sao Tomé + CEMAC

150 M€

8 pays : Cameroun, Centrafrique, Gabon, Tchad

APE-I intérimaire (volet tarifaire) signé avec Cameroun

(CEMAC, CEEAC)

(Cameroun, Centrafrique, Gabon,

(discussions en cours avec les 2 ordonnateurs nationaux)

Guinée Equatoriale, Congo (Braz), RDC (République démocratique du Congo), Sao tomé

Confirmation de l’ancrage RDC au groupe

 

Guinée Equatoriale, Tchad, Congo)

+ 15 M€

  

 

 

  

bloqués pour la CEGLP (Communauté économique des pays des Grands Lacs)

  

 

SADC

Angola, Botswana, RDC, Lesotho,

116 M€

7 pays : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho,

APE-I intérimaire (volet tarifaire) paraphé avec Botswana,

 

Madagascar, Malawi, Maurice,

80% intégration économique régionale

Namibie, Mozambique, Swaziland

Lesotho, Namibie, Swaziland,

 

Mozambique, Namibie, Seychelles,

15% coopération politique régionale

  

Mozambique (libéralisation différenciée)

 

Swaziland, Afrique du Sud, Tanzanie,

5% secteurs hors concentration

 

 

Zambie, Zimbabwe

  

Angola attendu et Afrique du Sud

ESA-IO

regroupe les pays des 4 organisations régionales

645 M€

17 pays : Burundi, Comores, Djibouti, Erythrée,

APE-I intérimaire avec :  

 

(COMESA, EAC, IGAD, IOC)

85 % intégration économique régionale

Ethiopie, Kenya, Madagascar, Malawi, Maurice,

EAC : Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie

 

  

10 % coopération politique régionale

Rwanda, Seychelles, Somalie, Soudan, Tanzanie,

ESA : Zimbabwe, Comores, Madagascar, Maurice

 

  

5 % secteurs hors concentration

Ouganda, Zambie, Zimbabwe

et Seychelles 

 

Région champ couvert par le FED

Montants des programmes indicatifs régionaux (PIR) du 10ème FED

Région champ couvert par l’APE

Etat des négociations

Caraïbes

15 pays : Antigua & Bar, Bahamas, Barbades,

165 M€

15 pays : Antigua & Bar, Bahamas, Barbades,

APE complet paraphé avec le Cariforum

(Cariforum)

Bélize, Dominique, Rép Dom, Grenade, Guyana

(discussions en cours)

Bélize, Dominique, Rép Dom, Grenade, Guyana

signature de l’accord prévue initialement

 

Haïti, Jamaïque, St Kitts, St Lucie, St Vincent,

  

Haïti, Jamaïque, St Kitts, St Lucie, St Vincent,

le 23 juillet 08 repoussée après les

 

Suriname, Trinidad & Tobago

  

Suriname, Trinidad & Tobago

réunions OMC 

 

  

  

tous les sujets couverts (services, règles,

 

 

  

  

commerce des biens, accompagnement)

  

Pacifique

15 pays : Fidji, Iles Cook, Iles Marshall, Iles Salomon,

95 M€

14 pays : Fidji, Iles Cook, Iles Marshall, Iles Salomon,

APE-I intérimaire avec Fidji et Nouvelle-Guinée

 

Kiribati, Micronésie, Nauru, Niue, Palau, Papouasie,

(discussions en cours)

Kiribati, Micronésie, Nauru, Niue, Palau, Papouasie,

 

 

Samoa, Timor, Tonga, Tuvalu, Vanuatu

  

Samoa, Tonga, Tuvalu, Vanuatu

 

 

  

  

(Timor ne participe pas aux débats)

 

Source : Commission européenne, septembre 2009.

Etat d’affectation des ressources du 10ème FED
(Coopération nationale et régionale)

10ème FED
(situation au 15/15/2009 en millions d’euros)

Enveloppes initiales

Montants affectés officiellement

Réserves affectées

soldes non affectés

Coopération nationale et régionale

17766,0

     

Programmes nationaux indicatifs

       

A. Enveloppes

13500,0

11546,2

 

362,1

Fidji

   

37,8

 

Guinée

   

237,0

 

Guinée équatoriale

   

17,2

 

Mauritanie

   

156,0

 

Nigeria

   

677,0

 

Soudan

   

258,0

 

Zimbabwe

   

208,8

 

B. Enveloppes

1800,0

     

Affectations pays initiales

 

553,8

   

Fidji

   

1,4

 

Guinée équatoriale

   

0,3

 

Soudan

   

36,9

 

Zimbabwe

   

8,6

 

Abondement des fonds de crise

 

195,3

   

Abondement du mécanisme FLEX 2008

 

28,4

   

Ajustement B. Enveloppes

 

4,9

   

Mécanisme FLEX 2009-2013

   

480,0

 

V-FLEX

   

500,0

 

Programmes régionaux indicatifs

1783,0

1783,0

0,0

0,0

Réserves pour les affectations programmables PNI/PRI

683,0

   

680,5

Ajustement de l’enveloppe Seychelles

   

2,5

 

Source : Commission européenne, 2009.

L’articulation des négociations commerciales et des mesures d’accompagnement se fait difficilement. D’un côté, les demandes des pays ACP sont peu homogènes et, de l’autre, l’Union européenne n’apporte pas de réponse concertée et cohérente. Les instances de concertation (« Task force » de préparation régionale) sur les PAPED (Programmes de développement des APE) qui devraient se réunir régulièrement ont souvent été reportées. Pour l’heure, elles se sont plutôt révélées être un espace facilitant l’implication des Etats membres de l’Union européenne et leur information sur l’avancée des négociations, qu’une véritable mise en cohérence des appuis au développement.

2. Des négociations inégalement avancées selon les zones régionales

a) La zone Caraïbes : les difficultés d’application du seul accord de partenariat complet

Un seul accord complet a été signé dans la zone Caraïbes dans le cadre du Cariforum. La signature d’un tel accord a été favorisée par la configuration économique de la zone où tous les pays – sauf Haïti qui ne l’a pas signé – sont classés dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire.

L’APE élimine immédiatement tous les droits tarifaires et les quotas applicables aux exportations vers l’Union européenne. Les seules exceptions sont le sucre et le riz, qui seront libéralisés à court terme.

Côté caribéen, une ouverture progressive des marchés est prévue sur une période de vingt-cinq ans. L’accord permet d’exclure des produits et des industries sensibles du processus de libéralisation ou de mettre en œuvre la libéralisation de façon progressive sur une longue période. Les biens libéralisés par les pays du Cariforum en vertu de cet accord représentent 61 % des importations de l’Union européenne sur dix ans, 82 % sur 15 ans et 86 % sur vingt-cinq ans. Les principaux produits non concernés par les réductions tarifaires sont les produits agricoles, transformés ou non, certains produits chimiques, les meubles et d’autres produits industriels.

Les pays caribéens profiteront désormais de règles d’origine améliorées favorables au développement des industries qui importent des matières premières entrant dans la fabrication de produits destinés à l’exportation en Europe. Cet aspect est important notamment pour les industries des aliments transformés ou de la pêche qui pourraient importer des matières premières à partir de pays hors Caraïbes.

Outre les 165 millions d’euros prévus dans le cadre du programme régional du Fonds européen de développement en faveur des Caraïbes, l’Union est engagée, par une déclaration de coopération au développement incluse dans l’APE, à utiliser son aide au commerce pour soutenir les pays des Caraïbes dans la mise en œuvre de l’APE.

L’APE Caraïbes bénéficiera d’un soutien financier, au titre du FED et en particulier du PIR, d’un montant de 165 millions d’euros pour la période 2008-2013. Les fonds seront affectés à la mise en place de programmes de développement des entreprises et à l’appui de la réforme du système fiscal.

Des problèmes sont apparus dans les changements institutionnels inclus dans l’APE concernant l’omission du Parlement qui menace de saper le rôle et la responsabilité clairs de l’Assemblée parlementaire paritaire tel que garantis dans l’accord de Cotonou. Par ailleurs, aucune date n’a été fixée pour le premier conseil conjoint et la Commission poursuit ses efforts pour obtenir la signature d’Haïti.

b) L’Afrique de l’Ouest : un accord toujours différé

Lors du déplacement à Dakar, une signature avant la fin de l’année 2009, après des réunions techniques encourageantes en juillet et en août, était annoncée. Certains des interlocuteurs des rapporteurs étaient cependant sceptiques : ils avaient raison car cette échéance vient d’être repoussée à 2010.

Cette région illustre à elle seule l’ensemble des contradictions et des enjeux des négociations sur les APE : des zones complexes et hétérogènes, le poids du commerce avec l’Union européenne, la spécialisation des exportations, les effets négatifs des accords intérimaires sur l’intégration régionale, des offres de libéralisation jugées insuffisantes par la Commission européenne et un volet développement insuffisamment structuré.

Sur seize pays, douze pays sont des PMA. Les pays non-PMA sont ceux qui figurent parmi les principaux exportateurs vers l’Union européenne, assurant 82 % des exportations et 61 % des importations. Ces pays – Cap Vert, Côte d’Ivoire, Ghana et Nigeria – ont un intérêt à intégrer un APE de façon à garder l’accès le plus large possible au marché européen. En revanche, les PMA ne sont pas tenus d’intégrer un APE dans la mesure où ils sont éligibles à l’initiative TSA.

Dans cette région coexistent deux espaces d’intégration : l’UEMOA, qui rassemble les pays de la zone franc bénéficiant d’un taux de change fixe avec l’euro et la CEDEAO(48). Les 8 pays de l’UEMOA sont intégrés dans la CEDEAO.

L’Union européenne est le principal partenaire commercial de l’Afrique de l’Ouest avec 32 % des échanges. Au sein de l’espace APE, l’Afrique de l’Ouest représente 40 % des échanges ACP-UE.

Importance des produits agricoles dans le commerce total
CEDEAO-UE et évolution depuis 18 ans

Commerce UE-CEDEAO (en milliers d’euros)

Flux

Produits

1988-1990

1996-1998

2005-2007

Importations en provenance de l’Union européenne

Commerce total

6 818 286

9 146 542

15 843 815

 

Produits agro-alimentaires

1 164 825

1 460 796

2 214 706

 

Part

17,1 %

16,0 %

14,0 %

Exportations vers l’Union européenne

Commerce total

8 330 247

9 395 953

15 705 140

 

Produits agro-alimentaires

2 258 781

3 049 637

3 471 496

 

Part

27,1 %

32,5 %

22,1 %

Source : Comext-Eurostat, 2009.

Cette région se caractérise par une très forte concentration géographique des échanges – le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana fournissent 82 % des exportations – et une concentration sur un groupe réduit de produits (cacao pour 60 %, produits de la pêche pour 11 % et les fruits tropicaux pour 10 %).

Les négociations ont été compliquées par les deux accords intérimaires signé par la Côte d’Ivoire et paraphé par le Ghana. Ces accords sont incompatibles avec le programme d’union douanière de la région. Dans le cadre de son comité de l’accord de partenariat économique, le Comité ministériel de suivi d’Afrique de l’Ouest a d’ailleurs recommandé à la Côte d’Ivoire de reporter le début de la libéralisation d’au moins un an. Par ailleurs, le Ghana n’a pas signé l’accord intérimaire, suite au changement politique en 2009, le nouveau gouvernement dont les rapporteurs ont rencontré le ministre du commerce, Mme Hannah Tetteh, ayant souhaité revoir certaines clauses.

Cette région est par ailleurs très dépendante de l’attitude du poids lourd qu’est le Nigeria, pays très protectionniste et qui ne pousse pas à la conclusion d’un accord.

S’agissant des différents points de la négociation, l’Union européenne a très nettement revu ses ambitions sur le champ de la négociation en acceptant de conclure un accord régional ne portant que sur les biens. L’offre d’accès au marché formulée par l’Union européenne prévoit la libéralisation complète, sauf pour le riz et le sucre. Les négociateurs d’Afrique de l’Ouest ont présenté une nouvelle offre d’accès au marché qui prévoit une libéralisation de 63,12 % sur une période de vingt-cinq ans (2010-2034). Cette proposition comporte un degré de libéralisation et un calendrier assez différent des accords intérimaires qui prévoient une libéralisation supérieure à 80 % des échanges sur une période de quinze ans. Les négociateurs européens ont pris note en octobre 2009 de cette nouvelle proposition en indiquant que l’amélioration était marginale et ne favoriserait pas le développement économique de la région.

L’élaboration d’une liste régionale de produits agricoles sensibles s’est avérée difficile, cette région ayant une position très défensive sur leur agriculture. Sont en effet en jeu l’approvisionnement des consommateurs ouest africains et la capacité de l’agriculture à produire pour répondre à la croissance de la demande (290 millions d’habitants en 2008, plus de 400 millions en 2020). Les difficultés portent principalement sur le démantèlement des droits en fonction du degré de transformation des matières premières (cacao, café, fruits) et sur les obstacles techniques au commerce. Les règles d’origine sont aussi un frein aux négociations : en juillet 2009, les discussions ont ainsi buté sur le chapitre des poissons et crustacés qui a dû être retiré de l’ordre du jour du groupe d’experts afin de permettre aux négociations d’avancer.

Les négociations sur la clause de la nation la plus favorisée se poursuivent pour trouver une formulation satisfaisante afin de refléter les principes de réciprocité et qui sera appliquée au cas par cas.

Enfin, les deux parties ont reconnu l’importance des taxes régionales de porte pour le fonctionnement de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest africaine) et ont convenu de la nécessité de préserver ces ressources. Une étude juridique commune sera conduite sur la nature de ces taxes afin de formuler le texte de l’accord.

S’agissant du volet développement, la région s’est engagée dans la préparation d’un programme APE pour le développement (PAPED) qui s’est appuyé sur les travaux dans chacun des seize pays. Une « task force » de préparation a été mise en place pour assurer la cohérence au niveau régional. Des progrès ont ainsi été accomplis dans l’élaboration du PAPED par l’adoption en octobre 2008 d’un document de stratégie régionale et d’un programme indicatif régional (PIR). L’allocation au titre du PIR du FED a été fixée à 597 millions d’euros dont 70 % pour l’approfondissement de l’intégration régionale, l’amélioration de la compétitivité et les APE. Sur ce dernier point, il est prévu que le PIR appuie la mise en œuvre de l’APE dans les trois domaines suivants : mise en œuvre de l’accord, mise en conformité avec les normes OTC/SPS (obstacles techniques au commerce et mesures sanitaires et phytosanitaires) et coopération pour le développement du commerce ; la mise à niveau et l’amélioration de la compétitivité des secteurs concernés par l’APE ; l’appui à l’absorption de l’impact fiscal en complémentarité avec des réformes fiscales. Les négociateurs de l’Union européenne ont demandé aux experts de poursuivre les consultations afin d’aboutir à un consensus sur des propositions qui seront annexées à l’APE.

c) L’Afrique centrale : des négociations en suspens

Le Cameroun a signé un accord intérimaire et le Gabon est passé au système des préférences généralisées (SPG) au 1er janvier 2008. Mais alors que les négociations avaient avancé sur le volet du commerce des marchandises, la région est actuellement absente de la négociation pour des raisons de réorganisation interne de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale).

La région a été dotée, au titre du PIR du 10ème FED, de 165 millions d’euros et le document de stratégie régionale adopté en mai 2009 a prévu de consacrer 97 millions à l’intégration économique et commerciale et à l’accompagnement des APE.

d) L’Afrique orientale : des négociations compliquées par l’enchevêtrement des régimes commerciaux et des organisations régionales.

Dans cette zone, les négociations ont lieu entre l’Union européenne et l’ESA (East African community), mais certains pays appartiennent également à la COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa) ou à la SADC (Southern African Development Community).

Un accord intérimaire a été signé le 29 août 2009 par Madagascar, Maurice, les Seychelles et le Zimbabwe. Madagascar a signé cet accord pour maintenir les intérêts de son industrie textile. La Zambie qui avait joué un rôle moteur dans les négociations de cet accord ainsi que les Comores ont, au dernier moment, indiqué qu’elles signeraient ultérieurement ; les Comores ayant invoqué un changement de gouvernement et la Zambie, le souhait de consulter les autres PMA de la zone pour tenter de les convaincre de se joindre à l’APE. Les pays de la région n’ayant pas paraphé d’accord intermédiaire exportent depuis le 1er janvier 2008 sous le régime de l’initiative TSA (Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Malawi et le Soudan).

Cet accord intérimaire qui repose sur trois piliers – commerce, développement et pêche – permet aux pays ne souhaitant pas présenter d’offre d’accès au marché de bénéficier néanmoins des dispositions de l’accord relatives à la coopération en matière de développement et de pêche.

Le moteur de ces négociations est en fait Maurice. La signature d’un APE complet était prévue pour fin octobre 2009, des progrès ayant été fait sur les questions litigieuses : clause de statu quo, clause de protection des industries naissantes, clauses d’interdiction des restrictions quantitatives et clause de modifications des engagements tarifaires. Ces pays ont par ailleurs accepté le principe de l’octroi de mer, taxe française applicable à la plupart des produits importés et la spécificité des Régions ultrapériphériques (RUP) de l’Union européenne. Mais l’ESA s’étant rétractée récemment s’agissant du texte sur les taxes à l’exportation, la signature d’un APE régional a été différée.

e) L’Afrique australe : une intégration régionale menacée et l’hypothèque de l’Afrique du Sud

L’intégration régionale en Afrique australe est rendue difficile par la complexité des organisations ainsi que par le poids de l’Afrique du Sud et les clivages que ce pays suscite au sein de la zone.

Les négociations se font avec la SADC(49) (Accord sur le commerce, le développement et la coopération) dont les sept pays font aussi partie de la COMESA, de l’ESA ou de la SACU (South African Custom Union).

La signature d’un accord intérimaire par le Botswana, le Lesotho, le Swaziland et le Mozambique a fait l’objet de lourdes critiques de la part des autres membres de la SACU. La signature de l’APE intérimaire par trois des cinq Etats membres de cette organisation en menace le fonctionnement, voire l’existence. Dans la mesure où l’union douanière a un Tarif extérieur commun (TEC), elle n’autorise pas ses membres à négocier seuls un accord commercial au niveau bilatéral avec des tierces parties. Les trois pays de la SACU signataires devaient donc faire un choix radical : œuvrer en vue d’arriver à un consensus au sein de l’Union pour respecter ses règles internes et signer l’APE intérimaire en tant que bloc, ou accorder la priorité aux échanges avec l’UE et signer immédiatement l’accord en tant que pays individuels, ce qu’ils ont fait.

Les négociations avec ces pays se poursuivent en vue de la conclusion d’un APE complet couvrant le commerce, les services, les investissements et les questions liées au commerce. La principale inquiétude est en fait le maintien de la cohésion régionale menacée par l’Afrique du Sud.

En 2006, l’Afrique du Sud a demandé à participer au processus de négociation des APE. L’Union européenne avait accepté en pensant que cela aurait permis de régler la question de la Tanzanie. Mais on peut se demander si l’Afrique du Sud n’est pas rentrée pour torpiller l’organisation. Le nouveau ministre de l’agriculture sud africain a indiqué en septembre 2009 que la priorité de la SADC devait être l’Afrique, l’Inde et le Brésil et non l’Europe. Ce pays entend en fait préserver ses « chasses gardées » en Afrique : les exportations de l’Afrique du Sud dans la zone ont pu prospérer grâce au Tarif extérieur commun (TEC) de la COMESA. On peut ainsi craindre que l’Afrique du Sud ne torde le bras à certains pays pour qu’ils ne signent pas un accord complet ; ainsi, elle a des moyens de rétorsion sur le Lesotho, les taxes sur les produits sud-africains représentent 60 % des ressources de ce pays. Elle a d’ailleurs fait des propositions d’alternatives à un APE et une proposition d’APE séparé avec l’Angola et la Namibie.

f) Le Pacifique : des négociations dormantes

Dans cette région, l’intégration régionale n’a pas vraiment de sens du fait de la géographie. Le risque pour ces pays est de céder aux exigences de leurs grands voisins – Australie, Nouvelle-Zélande – avec qui est négociée une diminution des tarifs sur les importations de marchandises australiennes et néo-zélandaises. Au sein de l’accord existant PACER (Pacific Agreement on Closer Economic Relations – Accord sur des relations économiques plus étroites), les gouvernements de la région étaient en effet tenus d’engager des discussions en vue d’un accord avec Canberra et Auckland dès que la zone Pacifique commencerait des négociations avec une tierce partie. C’est ce qui s’est passé, les discussions sur l’APE ont déclenché un accord connu sous le nom de « PACER Plus ».

Seuls deux pays négocient vraiment avec l’Union européenne. La Papouasie-Nouvelle-Guinée a signé un accord intérimaire selon lequel ce pays éliminera les droits de douane sur 88 % de ses marchandises au cours des quinze prochaines années. Par ailleurs, Fidji n’a pas encore signé d’accord mais devrait être incité à le faire dans la mesure où ce pays est lié à l’Union européenne dans le cadre du protocole sucre.

*

* *

TROISIÈME PARTIE :
VERS DES ACCORDS DE PARTENARIAT DE DEVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL : UNE OCCASION DE REPENSER LA POLITIQUE EUROPÉENNE COMMERCIALE ET DE DÉVELOPPEMENT

Les négociations sur les accords de partenariat économique (APE) se déroulent dans un paysage complexe avec un enjeu qui n’est pas principalement commercial mais plutôt celui du développement de ces pays avec, en toile de fond et plus encore, l’élaboration d’une nouvelle architecture des rapports entre l’Europe et les pays ACP.

Tant les liens historiques que les réalités géographiques et stratégiques rendent nécessaires le maintien d’une relation forte entre l’Europe et l’Afrique. Même si elle représente aujourd’hui une faible part du commerce extérieur européen (3 %), l’Afrique est la région du monde dont la démographie est la plus dynamique (2,3 % par an et un milliard d’habitants en 2025) et qui connaît, même si la crise en a ralenti le mouvement et si les bénéfices en sont inégalement répartis entre la population et les secteurs d’activité, des taux de croissance encore positifs (plus de 5 % en moyenne en 2008). En outre, l’Afrique est un fournisseur important de matières premières énergétiques et minérales (en 2006, 25 % du pétrole, 35 % du gaz et 20 % de l’uranium importés par l’Union européenne venaient de cette région). Dans ce contexte, les négociations APE sont un enjeu majeur dans la mesure où l’Europe cherche à s’assurer des parts de marché face à ses grands concurrents.

En outre, la conclusion toujours différée d’un accord au sein de l’OMC sur le cycle de Doha redonne force aux autres champs de négociations bilatérales et régionales.

Pour que les négociations sur les APE avancent significativement, l’Union européenne doit, avant toute chose, ne pas perdre de vue que, qui dit accords suppose échange et respect mutuel des partenaires. L’Europe doit se garder de toute attitude qui pourrait s’apparenter à du néocolonialisme, comme le craignait le Président Wade en 2007. L’Europe n’a pas à donner de leçons mais doit au contraire écouter ce que veulent ces pays indépendants.

Si l’Europe doit respecter ses engagements vis-à-vis de l’OMC, il ne faut pas en faire une contrainte maximale qui serait contraire à la libre détermination de ces pays. L’Europe doit également poursuivre une réflexion sur les limites du libéralisme et sur ses conséquences sur le développement de ces pays. Au-delà des APE, se pose en fait toute la problématique du développement et la question de la contribution originale de l’Europe, en la matière, comme elle l’a fait dans les années 60.

Les APE peuvent être un instrument pour le développement. Cependant, il est établi qu’aucune région ACP n’a les moyens de rentrer dans une compétition équitable avec l’Union européenne. La seule manière d’atténuer les effets néfastes potentiels des APE est de prévoir des flexibilités appropriées, un espace politique large, un niveau de libéralisation convenable, un délai de libéralisation adapté aux besoins des ACP et des mesures de sauvegarde simples et faciles à mettre en œuvre. Par ailleurs, des mesures et des programmes d’accompagnement seront indispensables pour maximiser le potentiel de développement de l’accord en renforçant les bases productives des Etats, en diversifiant les productions et en levant les contraintes de l’offre pour tirer profit de l’ouverture du marché européen.

Ces conditions ne seront remplies qu’à la condition que l’Union européenne respecte la cohérence de ses politiques commerciale et développement.

I. UNE MEILLEURE ARTICULATION DES POLITIQUES COMMERCIALE ET DE DÉVELOPPEMENT

L’objectif de l’accord de Cotonou était de faire des APE des instruments à la croisée des politiques commerciale et de développement. Or ces accords suscitent, depuis presque dix ans, méfiance, incompréhensions et critiques. Pour une large part, cette situation est due au double langage de l’Europe qui, tout en affirmant son engagement pour le développement, suivait dans les négociations commerciales une approche pragmatique menée par la Direction générale du commerce. Celle-ci se concentrait sur une définition étroite du développement reposant essentiellement sur les gains découlant des échanges. Etait ainsi éludée la discussion de fond sur la dimension développement plus large des APE.

La négociation sur les APE est l’occasion de revoir la coordination entre politique commerciale et de développement de l’Union. Cette orientation pourrait se faire à la faveur des changements institutionnels prévus par le traité de Lisbonne avec la nomination d’un Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité qui sera à la fois vice-président de la Commission et président du conseil des relations extérieures et à qui cette responsabilité incomberait d’évidence.

Pour autant, une politique de développement est plus difficile à mettre en œuvre dans une Europe à vingt-sept dont les nouveaux membres sont plus tournés vers une politique de voisinage immédiate. La France, toujours premier contributeur au Fond européen de développement (FED) (même si sa part doit passer de 24 % à 19 %), a une responsabilité particulière à assumer. Elle pourra s’appuyer pour convaincre l’ensemble des Etats membres sur un certain nombre de pays. La Grande Bretagne, même si elle a une volonté évidente de libéralisation, a toujours été intéressée par la problématique de l’articulation entre l’aide financière et le développement. Les pays du Nord sont par principe impliqués dans l’aide au développement. Le groupe informel « Réunion des Etats membres de l’Union européenne amis des APE » rassemble la Suède, la Belgique, la Finlande, le Royaume uni, l’Irlande, les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et le Danemark. Au sein de ce groupe, les positions sont convergentes et ont largement contribué à inciter la Commission européenne à plus de flexibilité dans la négociation des points commerciaux et à activer les discussions pour la prise en compte d’un volet développement.

A. La cohérence des politiques pour le développement

L’Union européenne s’est, depuis 2005(50), fixé un cadre politique pour la cohérence des politiques pour le développement (CPD) qui repose sur l’article 178 du traité instituant la Communauté européenne et plus généralement sur l’article 3 du traité sur l’Union européenne relatif à la cohérence entre toutes les politiques de l’Union et ses activités extérieures(51). Le traité de Lisbonne reprend ces dispositions dans son article 208 qui retient notamment l’éradication de la pauvreté comme objectif de l’action extérieure de l’Union. L’existence d’un Haut représentant donnera sans doute plus de poids à cette politique de cohérence.

L’Union européenne a pris des engagements sur douze domaines politiques à mettre en cohérence dont le commerce et l’agriculture(52). Il s’agit maintenant de mettre en œuvre ces engagements qui devraient se traduire par une meilleure organisation administrative et une coordination entre les différentes directions générales.

B. Une aide au développement conforme aux engagements

La crise économique et financière a mis en évidence la particulière vulnérabilité économique des pays ACP restituant les APE dans un contexte plus difficile. Ces pays subissent une baisse de leurs ressources budgétaires du fait de la conjonction de plusieurs facteurs : les recettes issues des taxes sur les matières premières ont diminué, les émetteurs de dettes souveraines des pays en développement en sont écartés et les transferts des particuliers ont baissé. Cela se produit à un moment où une augmentation des recettes budgétaires serait encore plus indispensable pour mettre en œuvre des mesures d’encouragement et des filets de sécurité sociale tels que ceux qui ont été mis en œuvre par les pays industriels pour atténuer les effets de la crise économique. Le Président Jagdeo de Guyana avait d’ailleurs appelé, en février 2009, à suspendre l’application de l’APE Cariforum jusqu’à la résolution de la crise financière afin que la région puisse obtenir les fonds nécessaires.

Les conséquences de la crise sont particulièrement fortes sur les PMA. Le dernier rapport de la CNUCED(53) montre que si les économies les plus avancées sont en récession et les marchés émergents en ralentissement, les principales victimes de cette contagion sont les PMA dont la plupart souffrent des dommages collatéraux des crises énergétique et alimentaire. Ces derniers auront les plus grandes difficultés à supporter un autre choc majeur et juguler la crise sans une assistance supplémentaire dans le court terme et un soutien pour des stratégies de développement alternatives dans le moyen terme. Il faut en effet remettre les choses à leur juste place : la moitié des PMA dispose d’environ 18 centimes par jour en comparaison des 3 dollars pour les économies à revenus moyens et 38,4 dollars dans les pays à hauts revenus.

Les prévisions de la Banque mondiale pour le deuxième semestre 2009 et pour 2010 sont sombres. Selon ses projections, les pays en développement serait confrontés à un déficit de financement de 70 à 270 milliards de dollars et 90 millions de personnes de plus seront plongées dans la pauvreté en 2009(54).

Le FMI qui prévoit une croissance atone de 3,25 % en 2009 pour les pays en développement, contre 6,3 % en 2008 et 7,9 % en 2007, a lancé un appel à l’aide pour les pays en voie de développement qu’il considère comme une urgence absolue(55).

Un récent rapport européen sur le développement publié à l’initiative de la Commission européenne(56) met l’accent sur les défis auxquels sont confrontés les pays africains fragiles dans un contexte économique instable. Ce rapport avertit que, si les pays donateurs adoptent le même comportement que lors des précédentes récessions, les Etats en développement risquent de devoir faire face à une contraction des flux d’aide qui pourraient diminuer de 22 milliards d’euros en 2009.

L’Europe doit donc tendre à respecter ses engagements en termes quantitatifs afin de se rapprocher de l’objectif de 0,7 % du revenu national brut posé en 2000 par les Nations unies dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement (OMD). L’aide publique au développement (APD) européenne est certes la plus importante (59 % de l’APD totale), le taux de l’APD collective est de 0,40 % du RNB mais de nombreux Etats membres restent en deçà des objectifs nationaux pour 2010. Il manque encore vingt milliards pour atteindre l’objectif collectif de 0,56% en 2010.

Des mécanismes innovants de financement comme la taxe sur les billets d’avion finançant UNITAID ou la garantie d’emprunt IFFIM(57) devront être activés car ils présentent l’avantage d’être stables, prévisibles et complémentaires de l’aide publique au développement traditionnelle et de corriger les effets négatifs de la mondialisation. Un groupe pilote sur les financements innovants pour le développement rassemble à cet effet 59 Etats du Nord et du Sud.

Ces impératifs ont d’ailleurs été rappelés lors du Conseil européen des 29 et 30 octobre, à l’occasion du débat sur le financement des mesures relatives à la lutte contre le changement climatique : « Parallèlement à l’apport de fonds pour financer la lutte conte le changement climatique, l’ensemble des parties au niveau national devraient s’engager à ce que ce financement ne compromette pas la lutte contre la pauvreté ni l’accomplissement de nouveaux progrès dans la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Des modes de financement novateurs peuvent aider à assurer des flux de financement prévisibles en faveur du développement durable, en particulier au profit des pays les plus pauvres et les plus vulnérables. »

L’efficacité de l’aide devra être améliorée, notamment au regard des critères posés par la Déclaration de Paris de 2005(58). Cela implique de :

- redéfinir des priorités par programme, ce qui exige la concentration sur certaines actions comme dans le domaine des infrastructures par exemple ;

- améliorer le rythme des décaissements afin de mener une action contra cyclique. En effet, les ressources du FED ne sont que potentiellement disponibles à cause des procédures de décaissement. Une révision des procédures est nécessaire et cela pourrait se faire notamment dans le cadre de mécanismes comme le mécanisme Flex. Ce mécanisme a remplacé en 2000 le mécanisme Stabex. Il s’agit d’un fonds de compensation pour les fluctuations à court terme des revenus d’exportation déclenché à la fois par des pertes de revenus et pas la détérioration en conséquence du déficit public. Par ailleurs, en 2009, a été décidé l’adoption d’un système Flex ad hoc relatif à la vulnérabilité, basé sur des paramètres tels que les prévisions des pertes d’exploitation, la baisse des transferts et les flux financiers. Ce mécanisme est particulièrement destiné à soutenir des mécanismes de sauvegarde des dépenses sociales (filets de sécurité);

coordonner les aides. L’aide au développement est actuellement fragmentée. 225 agences bilatérales et 242 agences multilatérales financent les activités d’aide. Dans 108 pays, l’aide programmable par pays est octroyée par plus de 10 donateurs qui financent environ 60 000 projets avec une contribution annuelle moyenne de 400 000 à 800 000 euros par activité en 2007. Les résultats d’une étude européenne(59) montrent que le coût de l’inefficacité de l’aide serait de 5 à 7 milliards d’euros par an. Il s’agit donc de poursuivre sur la voie tracée par le Programme d’action d’Accra de 2008 qui a adopté des mesures visant à réduire la fragmentation de l’aide, comme l’initiative relative au « Code de bonne conduite sur la division du travail » , la consolidation des programmes et des projets ;

assurer une plus grande prévisibilité des engagements, par une augmentation de l’aide programmable par pays qui est actuellement de 2 milliards d’euros et qui pourrait être portée à 4 milliards d’euros.

Les principes fondateurs de la Déclaration de Paris, 2005

Constatant le manque d’impact des interventions menées durant trois décennies en matière d’aide publique au développement (APD), et ce malgré l’importance des financements mis en œuvre, une nouvelle vision sur la manière d’apporter et de mettre en œuvre l’APD a progressivement été définie. Cette évolution a abouti à l’adoption en 2005, à Paris et sous l’égide de l’OCDE, de nouveaux principes et mécanismes d’intervention en matière d’APD.

Désormais, les interventions doivent s’inscrire dans des stratégies nationales globales et sectorielles, déclinées sous forme de programmes, dont le pilotage est assuré par les institutions nationales : c’est le principe de l’appropriation. Pour identifier et mener les actions, ce sont les stratégies, les priorités et les procédures nationales en vigueur lorsqu’elles sont suffisantes et pleinement opérationnelles, qui doivent s’imposer à celles des partenaires techniques et financiers (PTF) : c’est le principe de l’alignement. Les PTF doivent veiller à se coordonner et se concerter pour améliorer l’efficience de leur action : c’est le principe d’harmonisation. Ces principes sont complétés par une approche de gestion axée sur les résultats et de responsabilité mutuelle des donateurs et des pays partenaires.
Concrètement, cette déclaration engage :

- les pays partenaires : à élaborer des priorités stratégiques claires, se rattachant à un cadre de dépenses à moyen terme ; à améliorer les systèmes de gestion des dépenses publiques et de passation des marchés.

- les pays donateurs : à améliorer la prévisibilité des financements et leur alignement sur les processus budgétaires nationaux ; à délier leur aide ; à utiliser les systèmes nationaux de gestion des finances publiques et de passation des marchés ; à éviter la mise en place de structures parallèles de conduite des projets ; à coordonner leurs apports techniques et financiers ; à diminuer le nombre de missions individuelles ; à harmoniser leurs procédures.

Aide publique au developpement

 

Aide publique au développement
(en % du revenu national brut)

Aide publique au développement
par habitant (en euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2002

2003

2004

2005

2006

Belgique

0,60

0,41

0,53

0,50

0,43

109,80

158,00

113,10

151,30

149,40

Bulgarie

:

:

:

0,00

0,06

:

:

:

:

:

Rép. tchèque

0,11

0,11

0,11

0,12

0,11

4,70

7,80

8,50

10,60

12,50

Danemark

0,84

0,85

0,81

0,80

0,81

323,00

286,20

302,20

312,20

326,80

Allemagne

0,28

0,28

0,36

0,36

0,37

68,30

72,70

73,40

98,30

100,10

Estonie

:

:

:

0,09

0,12

:

:

:

:

:

Irlande

0,39

0,39

0,42

0,54

0,54

108,40

111,30

122,10

144,50

187,30

Grèce

0,21

0,16

0,17

0,17

0,16

26,60

29,00

23,30

27,80

30,30

Espagne

0,23

0,24

0,27

0,32

0,41

44,00

40,60

45,40

56,10

67,90

France

0,40

0,41

0,47

0,47

0,39

97,60

107,30

109,90

132,70

131,30

Italie

0,17

0,15

0,29

0,20

0,19

43,10

37,30

34,00

69,80

49,60

Chypre

:

0,03

0,09

0,15

0,12

:

:

:

:

:

Lettonie

:

0,06

0,07

0,06

0,06

:

:

:

:

:

Lituanie

:

0,04

0,06

0,08

0,11

:

:

:

:

:

Luxembourg

0,81

0,83

0,86

0,89

0,90

352,70

380,80

420,90

458,00

503,90

Hongrie

0,03

0,07

0,11

0,13

0,07

:

1,90

5,60

8,00

11,80

Malte

:

0,18

0,18

0,15

0,15

:

:

:

:

:

Pays-Bas

0,80

0,73

0,82

0,81

0,81

218,70

261,10

207,50

251,60

265,40

Autriche

0,20

0,23

0,52

0,47

0,49

68,50

55,40

66,90

153,70

144,10

Pologne

0,01

0,05

0,07

0,09

0,09

0,40

0,60

2,50

4,30

6,20

Portugal

0,22

0,63

0,21

0,21

0,19

33,00

27,30

80,20

29,30

30,50

Roumanie

:

:

:

0,00

0,07

:

:

:

:

:

Slovénie

:

0,10

0,10

0,12

0,12

:

:

:

:

:

Slovaquie

0,05

0,07

0,12

0,10

0,09

1,30

2,50

4,20

8,40

8,10

Finlande

0,35

0,37

0,46

0,40

0,40

93,80

94,80

104,30

137,80

125,10

Suède

0,79

0,78

0,94

1,02

0,93

238,00

236,30

242,90

298,60

346,80

Royaume-Uni

0,34

0,36

0,47

0,51

0,36

88,30

93,80

105,60

144,20

166,80

Turquie

0,04

0,11

0,17

0,18

:

1,10

0,80

3,80

6,70

:

Islande

0,17

0,18

0,18

0,27

0,25

46,50

53,90

58,50

73,80

105,50

Norvège

0,92

0,87

0,94

0,89

0,95

394,20,

395,00

383,40

482,60

501,40

Suisse

0,39

0,41

0,44

0,39

0,37

135,60

156,90

168,80

190,60

174,90

Source : Eurostat, 2009.

Aide publique au developpement
(en % du RNB)

Source : Eurostat, 2009.

C. Une politique commerciale différenciée

La coopération commerciale entre l’Union européenne et les Etats ACP et, d’une façon générale , toute la politique commerciale doit être conduite comme l’un des éléments d’une stratégie globale de développement et non comme une fin en soi. Dans ce sens, le développement du commerce nécessite des règles qui, tout en étant efficaces, doivent être équitables. L’utilisation de toutes les flexibilités autorisées dans le cadre de l’OMC en respectant le rythme des pays partenaires irait dans ce sens. Par contre, ce traitement différencié doit être strictement réservé aux pays en développement et l’Europe doit préserver ses intérêts par rapport à des pays aux économies concurrentes. Dans le cadre des APE, il s’agira de conserver la clause de traitement plus favorable : l’Afrique du Sud n’a ainsi pas à bénéficier de mesures commerciales préférentielles.

1. Respecter le rythme et les choix des sujets de négociations des pays ACP

a) Ne pas imposer un calendrier de négociation

Au cours des négociations passées, les pays ACP ont regretté que des pressions aient été exercées. Le Conseil des ministres ACP de décembre 2007 « déplorait les pressions considérables exercées par la Commission européenne sur les Etats ACP pour les amener à parapher les arrangements commerciaux provisoires, contrairement à l’esprit du partenariat ACP/UE ». De même, le Comité ministériel de la CEDEAO du 17 décembre 2007 faisait état de « pressions de la Commission européenne ».

Bien que la Commission européenne démente une telle attitude pour obtenir la signature d’accords intérimaires et ait clairement spécifié que le financement du développement n’était pas subordonné à la signature d’un APE, plusieurs négociateurs et responsables des pays ACP ont indiqué que dans la pratique, de telles pressions avaient effectivement eu lieu.

Un préalable est d’éviter la tyrannie du calendrier comme on le fait trop souvent quand il s’agit de l’OMC où sont régulièrement annoncées des catastrophes si un accord n’est pas signé en temps et en heure.

S’il ne faut pas perdre de vue la dynamique des négociations, il n’a pas lieu de s’engager précipitamment dans un accord contenant des dispositions mal conçues. Il est fondamental de prévoir suffisamment de temps pour négocier les APE complets réellement favorables au développement et que toutes les parties impliquées soient en mesure de s’approprier. Il conviendrait de définir un calendrier clair et acceptable par les parties, ce qui pourrait éviter de repousser la prise en compte des questions litigieuses en fin de processus. C’est d’ailleurs la voie raisonnable dans laquelle s’est engagée Mme Ashton : les négociations en Afrique de l’Ouest qui étaient annoncées pour fin octobre 2009 ont été reportées sans drame à la fin de l’année voire en 2010.

b) Laisser les pays ACP décider du champ des négociations

La Commission européenne avait, dans un premier temps, exigé que les clauses dites « de Singapour » portant sur les services, l’investissement et propriété industrielle et intellectuelle fassent partie de la négociation APE alors même que cela n’était pas exigé par l’OMC. Les pays ACP ont alors fait le reproche aux APE d’être des accords « OMC plus ».

Il est vrai qu’il serait sans doute bénéfique que l’Union européenne aide ces pays à libéraliser les services dans le cadre d’un marché réglementé. Certaines régions en sont en fait convaincues – les négociations sur les services ont ainsi avancé dans le cadre de la SADC – mais c’est une question de rythme : il est possible de signer des APE complets tout en réservant des sujets pour lesquels la négociation pourrait prendre plus de temps.

2. Conserver la clause de traitement plus favorable et un traitement spécifique pour l’Afrique du Sud

La clause de traitement plus favorable consiste à accorder à l’Union européenne tout avantage supplémentaire concédé par les pays ACP à un pays dont les échanges représentent plus de 1 % des échanges mondiaux. Elle a été introduite à la demande de l’Union européenne dans le texte de l’accord intérimaire de la SADC et de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE).

Cette clause est considérée par les pays ACP comme remettant en cause leur souveraineté et la possibilité de décider de leur ouverture de marché. Cette clause leur impose en effet d’accorder le même traitement à l’Union européenne que celui qu’ils accordent à d’autres partenaires commerciaux majeurs comme les Etats-Unis, le Japon, le Brésil ou la Chine. Le Brésil a d’ailleurs demandé l’inscription de ce point à l’ordre du jour des négociations du cycle de Doha(60). Cela va concerner, par exemple, les pays ACP du Pacifique car la signature d’un APE doit réouvrir les négociations du PACER (accord du Pacifique sur les relations économiques avec l’Australie et la Nouvelle–Zélande).

L’intérêt est clair pour l’Europe et il n’y politiquement aucune raison qu’elle cède. Cette clause est indispensable au regard de la multiplication des accords bilatéraux pour s’assurer d’un traitement équitable entre l’Union européenne et d’autres pays développés ou de grands émergents. Les pays ACP ont proposé de relever le pourcentage de 1 % à 1,5 % mais cette solution est difficilement acceptable dans la mesure où en seraient exclus le Brésil et l’Inde(61). Sur ce point, il y a lieu de suivre la phrase du Commissaire au développement : « Nous sommes généreux mais pas naïfs »(62).

L’Afrique du Sud n’est pas un pays en développement et ne peut, à ce titre, pas légitimement bénéficier d’un traitement différencié. Or dans le cadre de l’accord intérimaire avec la SADC auquel elle est partie prenante, l’Afrique du Sud a obtenu certaines concessions. En contrepartie, l’Union européenne pourrait notamment demander l’amélioration de l’accès du marché sud-africain aux produits européens par rapport aux dispositions de l’accord bilatéral de coopération, de développement et de commerce (TDCA) qui lie l’Union européenne et ce pays.

II. UTILISER TOUTES LES FLEXIBILITÉS DANS LE CADRE DE L’OMC POUR ACCROÎTRE LE NIVEAU D’ASYMÉTRIE COMMERCIALE EN FAVEUR DES PAYS ACP

Les accords de partenariat économique, volet commercial de l’accord de Cotonou,visent à mettre fin au régime des préférences asymétriques accordé depuis la Convention de Lomé de 1975 aux pays ACP et à conformer leurs échanges commerciaux avec l’Union européenne aux articles 1er et XXIV du GATT. Les négociations butent de manière récurrente sur la portée et l’interprétation de ces dispositions alors qu’il existe dans ces textes des marges de manœuvre susceptibles d’atténuer les impacts négatifs des APE et que par ailleurs, les membres de l’OMC dans la déclaration de Hongkong de 2005 ont rappelé la nécessité et la possibilité juridique de prendre en compte les besoins des pays en développement(63). On ne peut en effet pas appliquer aux pays en développement et aux PMA une doctrine de libre échange conçue pour des économies développées.

A. Assurer des niveaux de libéralisation et des durées de transition flexibles

La Commission européenne est campée, depuis le début des négociations, sur une ligne d’une ouverture des marchés ACP d’au moins 80 % des flux d’importation sur une période de quinze ans. Cette exigence est motivée par la volonté de parvenir à une libéralisation moyenne de 90 % des échanges, l’Union européenne ouvrant son marché à 100 %, sous réserve de certains produits (sucre, riz). Il s’agit du point de crispation le plus fort avec les pays ACP qui y voient une demande de démantèlement tarifaire sans lien avec leur niveau de développement et leurs capacités internes d’ajustement à la libéralisation commerciale.

1. La position de la Commission européenne est trop dogmatique par rapport aux règles de l’OMC et la pratique des accords commerciaux

Si la Commission a reconnu dés 2005 la difficulté de fixer un seuil chiffré et devant l’OMC, a indiqué qu’elle était prête à envisager des seuils séparés et différenciés, c’est-à-dire inférieurs, pour les pays en voie de développement, la position de la Commission résulte de sa propre interprétation des règles du GATT et qui ne correspond pas à la pratique des accords de libre échange.

En effet, l’article XXIV dispose que les accords commerciaux régionaux doivent couvrir l’« essentiel des échanges » mais aucune interprétation officielle ni jurisprudence ne sont venues préciser cette notion. L’expérience montre toutefois que le niveau de libéralisation propre aux accords de libre échange mais aussi entre certains pays développés peut être inférieur à 90 %. Un accord de libre échange entre la Suisse et l’Egypte signé en 2007 prévoit ainsi une libéralisation moyenne de 75 % des échanges.

La fixation par la Commission d’une période de transition ne pouvant pas excéder quinze ans a également contribué à enrayer le processus de négociation avec les pays ACP qui souhaiteraient des périodes plus longues. De la même manière que pour le niveau de libéralisation commerciale, l’article XXIV du GATT prévoit une mise en œuvre de la libéralisation des échanges dans un « délai raisonnable ». Cependant, l’interprétation officielle qu’a fait l’OMC de cette notion de délai raisonnable de dix ans n’est qu’indicative. Nombre d’accords de libre échange prévoit des durées plus longues, y compris pour des accords entre pays développés : douze ans pour l’accord entre l’Union européenne et l’Afrique du Sud (TDCA-Trade Development Cooperation Agreement), dix-sept ans entre les Etats-Unis et l’Australie et vingt ans entre les Etats–Unis et les pays d’Amérique latine.

Ces arguments suffiraient à eux seuls pour ne pas pénaliser les pays ACP par des exigences plus strictes.

2. Une solution asymétrique permettrait de réduire les impacts négatifs de la libéralisation

Une libéralisation asymétrique sur une période de quinze à vingt ans aurait plusieurs avantages :

- les Etats ACP conserveraient plus de marge de manœuvre dans la mise en œuvre de leurs politiques économiques, dans la mesure où des produits agricoles et industriels pourraient figurer sur des listes d’exclusion ;

- l’impact sur les industries nationales et particulièrement les industries naissantes serait réduit car les producteurs disposeraient de plus de temps pour s’adapter à l’évolution de l’environnement concurrentiel ;

- les pertes de recettes douanières seraient étalées dans le temps, donnant à cette préoccupation moins d’acuité. Le FMI a ainsi calculé dans l’étude précitée sur le Sénégal qu’une libéralisation des échanges pour ce pays se traduirait par une perte de 0,2 % du PIB dans le cas d’une libéralisation des échanges sur une période de quinze à vingt ans et que dans ces conditions, le choc de la libéralisation pourrait être supportable pour l’économie sénégalaise. Un avantage se trouverait également du côté européen : l’Union européenne s’étant engagée à compenser les pertes de recettes, une telle compensation serait plus crédible dans une démarche graduelle ;

- l’intégration régionale serait facilitée, car une libéralisation rapide en début de période pourrait faire l’objet d’une résistance dans la mesure où elle serait plus rapide que l’intégration. Dés lors, il s’agirait de caler les phases de négociation sur les progrès de l’intégration régionale, permettant une augmentation des capacités d’offre, une diversification des exportations et la mise en place de politiques fiscales compensatrices.

Comment fixer les taux de libéralisation ?

Les négociateurs des ACP ne sont pas prêts à libéraliser les produits générateurs de recettes élevées. Si les négociateurs se concentrent sur l’exclusion des industries naissantes et sur les articles générateurs de recettes élevées, cela reviendrait, selon les estimations, à libérer 17 % des importations, ce qui, combiné aux articles sur la sécurité alimentaire, amènerait la liste d’exclusion à 32 %. Au vu de la fragilité des économies, ce taux semble possible par rapport aux règles de l’OMC. En tout état de cause, les schémas de libéralisation devront être élaborés en fonction des offres selon les produits faites par les organisations régionales.

L’utilisation des flexibilités possibles en matière de droits de douane par les pays ACP ne doit par ailleurs pas être restreinte par l’introduction d’une clause de gel, clause non exigée par l’OMC. La Commission européenne a insisté pour qu’une telle clause figure dans les accords intérimaires de la Communauté de l’Afrique de l’est (CAE) et de la SADC. Ainsi dans le texte de la SADC, tous les droits de douane sur les produits soumis à libéralisation seront figés, que cette libéralisation se fasse immédiatement ou dans vingt ans. Dans l’accord avec la CAE et l’ESA (East african community – Afrique orientale et australe), la clause est encore plus stricte, car elle gèle les droits de douane sur tout le commerce, que ces produits soient soumis à libéralisation ou pas. Ainsi, même si un produit fait partie d’une liste d’exclusion, les droits de douane ne peuvent être relevés après l’entrée en vigueur de l’accord. Dans les négociations bilatérales, il est habituellement convenu d’appliquer la clause de traité au jour du début des négociations. Cette modalité traditionnelle répondrait à l’inquiétude des pays ACP sur le traitement des produits alimentaires puisque les négociations ont commencé bien avant la crise alimentaire.

Par ailleurs, la Commission européenne demande la suppression des taxes à l’exportation qu’elle juge contreproductives. Ces taxes ont été utilisées pour augmenter les revenus des pays en développement dont elles peuvent constituer une part non négligeable (20 % au Burundi et en Guinée). Les pays ACP considèrent qu’elles peuvent, dans certains cas, être des outils de politique commerciale. Dans le texte de l’accord intérimaire avec la SADC, aucune nouvelle taxe à l’exportation ne peut être introduite et celles qui existent ne peuvent pas être augmentées, sauf après consultation de l’Union européenne. Cette solution pourrait être étendue aux APE régionaux.

B. Tirer les conséquences des accords intérimaires

Les accords distincts avec un Etat ou un groupe d’Etats portant uniquement sur les biens ont, de façon frappante, divisé les régions ACP et ont provoqué de fortes tensions entre voisins. Seule la Commission européenne a pu soutenir le contraire : devant le Comité du développement du Parlement européen, M. Peter Mandelson a affirmé « ne pas partager le point de vue de certains selon lesquels la décision prise par certains ACP de signer des accords individuels entravera l’intégration régionale ». La période qui a suivi la signature de ces accords intérimaires a montré, particulièrement en Afrique de l’Ouest ou en Afrique australe, combien cette intégration régionale avait été mise à mal.

Par ailleurs, ces accords ont de facto créé des précédents pour les prochaines négociations.

Le problème du statut provisoire ou non de ces accords se pose. S’ils peuvent servir de base pour le volet marchandises à des APE complets, ils doivent pouvoir être modifiés.

D’abord, parce que leurs clauses ne pourront pas être transposées telles quelles. Les listes de libéralisation par pays ne seront par exemple pas les mêmes que les listes régionales.

Ensuite, parce que la plupart des accords intérimaires ont été conclus à la hâte. Certains des textes ont été présentés par la Commission européenne juste quelques semaines (cas de l’AFOA (Afrique australe et orientale) et la CAE (Communauté de l’Afrique de l’Est)) et dans certains cas, comme pour le Cameroun, le Ghana ou la Côte d’Ivoire, quelques jours avant la date limite pour la négociation. Ces propositions ne reflétaient pas les négociations antérieures avec les groupes régionaux concernés. La Commission européenne faisait valoir à la fin 2007 que ces accords visaient essentiellement à préserver l’accès au marché de l’Union européenne. Plusieurs pays ont donc signé des accords sur ce principe en tenant compte de considérations politiques et économiques stratégiques sans avoir une évaluation précise de leurs conséquences. Si la possibilité de réexaminer ces dispositions n’existait pas, cela serait en contradiction avec le principe selon lequel les APE reposent sur des partenariats égalitaires.

Enfin, parce que certains négociateurs ACP ont été en mesure d’obtenir de meilleures concessions ou des accords plus favorables que d’autres. S’il n’est pas dans la logique des APE d’être parfaitement identiques dans la mesure où ils doivent refléter des intérêts nationaux et régionaux spécifiques, il serait approprié que toute région ACP qui le souhaite soit autorisée à transférer dans son propre APE, toute disposition convenue dans un autre APE et qu’elle estime favorable.

Dans la perspective des négociations sur des APE régionaux, il faudrait :

procéder à une évaluation des accords provisoires (et de l’accord complet avec le Cariforum) ;

- prévoir la possibilité dans le cadre d’un APE régional d’adopter des dispositions différentes ou semblables à celles octroyées dans un accord intermédiaire pour permettre l’harmonisation des APE par le haut. Il peut être proposé d’appliquer les clauses le plus favorables négociées jusqu’alors, notamment avec la SADC (South African Development Community) sur certains points comme les taxes à l’exportation, les clauses de sauvegarde ou les industries naissantes. Ainsi sur la question des taxes à l’exportation, le principe a été agréé avec la SADC de conserver les taxes existantes mais de ne pas en créer de nouvelles. Cette proposition se situe dans la logique des conclusions du Conseil « Affaires générales - Relations extérieures » (CAGRE) de novembre 2008 demandant d’appliquer les clauses les plus favorables de négociation.

C. Améliorer les clauses de sauvegarde,d’industries naissantes et les règles d’origine et prévoir une clause de rendez-vous

1. Des clauses de sauvegarde plus souples

En l’absence de droits de douane, des clauses de sauvegarde constituent le principal instrument pouvant être utilisé pour protéger le secteur agricole et les industries existantes en cas d’augmentations des importations.

Des clauses de sauvegarde existent dans le cadre de l’OMC. L’article XIX du GATT autorise la restriction des importations en cas de profondes atteintes à la viabilité d’un secteur et l’article XII permet cette restriction en cas de déséquilibre de la balance des paiements suite à la libéralisation. Mais ces clauses se révèlent peu adaptées et difficiles à mettre en œuvre. Elles sont limitées dans le temps et il est exigé de prouver un préjudice grave ou une perturbation du marché, ce qui susceptible d’aller au-delà de la capacité institutionnelle de nombreux pays. Une approche plus efficace serait de concevoir une sauvegarde facile à administrer, par exemple fondée sur le prix ou le volume et valable dans la durée et non sur une période limitée. Actuellement est actuellement en discussion dans le cadre des négociations de Doha, l’institution d’un mécanisme de sauvegarde spéciale (MSS) qui est une clause de sauvegarde automatique.

Les APE pourraient ainsi montrer la voie en incluant des clauses de sauvegarde automatique similaire au MSS.

L’introduction de telles règles seraient d’autant justifiées que dans l’offre européenne d’accès au marché sans droits de douane, ni quotas (DFQF), l’Union européenne a introduit(64) pour elle-même une clause dans laquelle le critère de perturbation sérieuse est remplacé par celui de seule perturbation et plusieurs dispositions de l’accord de Cotonou exigeant de la Commission qu’elle limite les dégâts pour les ACP ne sont plus présentes.

2. Des clauses d’industries naissantes adaptées

Les clauses sur les industries naissantes des accords intérimaires sont décevantes elles ne sont en fait que des clauses de sauvegarde ordinaires, sous un nom différent. Elles sont très restrictives et ne visent qu’à limiter les dommages dus aux augmentations des importations pour des secteurs existants. Leur durée initiale est de deux ans dans la plupart des textes (sauf sept ans pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée et douze ans pour les pays les moins avancés du Pacifique) et l’utilisation en est interdite après dix ans (CEA), douze ans au Botswana, quinze ans au Mozambique et vingt ans pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Etant donné la longueur du processus d’industrialisation, imposer de tels délais n’a pas vraiment de sens.

Il apparaît que la meilleure formulation possible serait de ne pas prévoir de définition de l’industrie naissante et de laisser les pays choisir leurs secteurs prioritaires parmi l’ensemble de leurs filières. Pourrait ainsi être reprise la formulation des conventions de Yaoundé qui autorisait un pays « à maintenir ou imposer un droit de douane qui correspond à ses besoins de développement ou à ses exigences d’industrialisation ou qui visent à contribuer à son budget ». En son temps, le traité instituant la CEE comportait une telle clause !

3. Des règles d’origine plus favorables au développement

Les gains commerciaux que pourraient retirer les pays ACP de l’offre européenne d’accès au marché sans droits de douane, ni quotas (DFQF) pourraient être limités en raison de l’absence d’amélioration significative du système des règles d’origine.

Les règles d’origine ont pour objet d’assurer que seuls les produits extraits ou fabriqués dans les pays exportateurs bénéficiaires des préférences sont admis au bénéfice d’un traitement tarifaire préférentiel. Les produits exportés peuvent être classés en deux catégories : soit le produit est « entièrement obtenu », c’est-à-dire élevé, cultivé ou récolté ; soit le produit est fabriqué, entièrement ou partiellement, à partir de composants importés. Dans ce dernier cas, le produit doit subir une transformation suffisante pour bénéficier des préférences. Les règles du cumul constituent un assouplissement à la règle de la transformation suffisante : elles permettent l’utilisation accrue dans un pays bénéficiaire de matières ou de composants importés d’autres pays en faisant échapper à l’obligation de la transformation suffisante. Dans le cumul bilatéral entre deux pays, seuls les produits originaires de l’Union européenne et du pays bénéficiaire échappent à l’obligation de la transformation suffisante. Dans le cumul total entre plusieurs pays, les produits originaires de l’Union européenne et de n’importe quel pays ACP, ne sont pas soumis à l’obligation de transformation suffisante.

L’Union européenne a fait en 2007 des modifications mineures de son système de règles d’origine ; ainsi dans le secteur du textile, une amélioration a été apportée en passant à la règle de la transformation unique mais les conditions pour les produits de la pêche restent pratiquement inchangées et freinent le développement des chaînes de production à travers les régions ACP. Aucun autre produit industriel que ceux du secteur textile n’a bénéficié de modifications.

De plus, contrairement à l’accord de Cotonou, les pays ACP qui bénéficient du cumul sont ceux ayant conclu un accord intérimaire. Aucun cumul n’est possible pour les exportations sous différents régimes préférentiels de l’Union européenne (SPG, TSA).

Il y a donc nécessité de revoir ces règles : il y est fait allusion dans l’accord intérimaire de la CAE. Cependant, concrètement, la Commission ne s’est engagée qu’à offrir des « règles d’origine plus favorables au développement » que dans le futur. Cette solution est difficilement acceptable pour les ACP. En effet, sans accord contraignant sur les règles d’origine, il leur est difficile d’évaluer la portée de l’accès au marché européen. De plus, si on ne les négocie qu’après les APE, les ACP auront moins de capacité pour influencer les changements.

L’Union européenne devrait donc mettre sur la table des négociations APE des éléments relatifs aux règles d’origine concrets.

4. Une clause de rendez-vous

La demande des pays ACP d’inclure dans les accords une clause de rendez-vous prévoyant l’évaluation des accords après 2020 est légitime compte tenu des incertitudes qui pèsent sur les conséquences du libre échange sur leurs économies.

III. RECENTRER LES APE SUR LES MESURES D’ACCOMPAGNEMENT AU DÉVELOPPEMENT ET SUR LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Mettre le développement au centre des accords de partenariat économique est essentiel pour trois raisons : d’abord parce que la crise mondiale fait de l’aide au développement une urgence absolue ; ensuite parce que les pays ACP sont convaincus que la libéralisation commerciale seule ne suffira pas à promouvoir leur développement ; enfin la troisième raison relève de la configuration même des régions elles–mêmes, plus de la moitié des Etats étant des PMA qui savent qu’un APE sans mesures d’appui au développement ne leur donnera pas plus d’accès au marché européen qu’ils n’en ont déjà.

A. Encourager l’intégration régionale

1. Promouvoir une intégration régionale respectueuse des configurations économiques et géographiques

Si les accords de partenariat économique n’ont pas été les initiateurs de l’intégration régionale des pays ACP, ils en ont été des facteurs d’incitation et d’accélération. La préparation et le lancement des négociations a eu un effet de dynamique sur les processus en cours en entraînant l’ouverture de plusieurs chantiers importants (accords sur les investissements) ou l’accélération de travaux sur d’autres (Union douanière). Mais cette intégration est encore très imparfaite alors qu’elle pourrait augmenter les effets bénéfiques des APE. D’après l’étude précitée de la Commission économique des Nations Unies, l’élimination des barrières au commerce intra-africain apporterait un gain de bien être alors que sans cette intégration régionale, il y a un fort risque de détournement de commerce. La Commission européenne a reconnu la nécessité de soutenir le processus d’intégration régionale dans une communication d’octobre 2008(65) dans laquelle elle propose cinq priorités pour soutenir l’intégration régionale : renforcer les institutions régionales ; créer des marchés régionaux intégrés ; soutenir le développement des entreprises ; connecter les réseaux d’infrastructures régionaux et développer les politiques régionales pour le développement durable.

Si les accords intérimaires ont de fait porté atteinte à ce processus, les négociations qui ont été menées jusqu’à présent ont eu cependant un effet positif en ce sens qu’ils ont obligé les pays à définir des objectifs et des priorités. L’intégration régionale est en effet difficilement réalisable si on n’a pas au préalable établi ce que pourraient être des politiques communes ou défini les modalités de soutien aux économies. La détermination de la liste des produits stratégiques devant être exclus de la libéralisation en est un exemple concret. Cependant, plus que jamais, le modèle européen est poursuivi de manière formelle : la tendance est d’aller vers l’institution d’une zone de libre échange, puis vers l’Union douanière et enfin vers l’intégration régionale. Dans la pratique, ce modèle fonctionne mal. Les zones de libre échange ne sont pas vraiment des zones de libre échange et il existe des trous dans l’application des unions douanières. La CEMAC est un exemple d’intégration régionale qui ne fonctionne pas. Mais même dans le cas de l’UEMOA où l’intégration régionale est la plus élaborée, s’il y a des bandes tarifaires uniques, la classification des produits n’est pas homogène entre les pays, ce qui enlève de la pertinence à l’unicité de ces bandes tarifaires. Par ailleurs, la réduction intra-régionale des droits de douane n’est pas suffisante pour créer une dynamique des flux régionaux. L’expérience de la mise en œuvre du tarif extérieur commun de l’UEMOA le montre. Depuis 1996, les produits agricoles circulent librement. Si la mise en place de l’UEMOA a dynamisé le commerce intra-régional, l’impact n’a pas été aussi positif qu’attendu : les échanges intrarégionaux restent limités, entre 16 et 25 % selon les pays. A titre de comparaison, le commerce au sein de l’Union européenne représente entre 65 et 70 % du commerce total.

Il faut sans doute mieux une intégration régionale moins ambitieuse mais plus efficace. Cela suppose d’agir sur les facteurs déterminants du commerce : les capacités de production, les obstacles techniques et administratifs comme le respect de normes ou les défaillances de marché liées par exemple à l’absence du marché du crédit ou des transports. L’aide apportée par l’Union européenne devrait donc porter sur ces différents points et une coopération sur le développement des infrastructures régionales – transports, réseaux électriques – serait pertinente.

2. Préserver le financement des structures régionales en maintenant les prélèvements communautaires de solidarité en l’absence d’alternative viable

Les organisations régionales sont financées par des prélèvements communautaires dont elles constituent les ressources propres. Ainsi, l’UEMOA créée en 1994 a institué ce prélèvement dès 1996. Ces prélèvements présentent l’avantage de sécuriser le financement de l’intégration régionale et ont appuyé les processus d’intégration régionale en favorisant le développement de politiques structurelles. La CEDEAO a ainsi mis en place en 2005 la politique agricole commune de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAP). Ces prélèvements consistent généralement en une taxe additionnelle calculée sur la valeur en douanes des marchandises importées sur les pays tiers par les membres de l’Union. Dans le cas de la CAE, il s’agit d’une contribution des Etats membres sur leurs budgets propres alimentés par une TVA.

La Commission européenne les considère juridiquement comme des droits de douane à inclure dans le schéma de libéralisation. Alors que l’Europe souhaite faire de l’intégration régionale un des objectifs phare des APE, couper les financements de ces organisations n’aurait pas de sens. Une étude juridique indépendante pourrait être menée pour déterminer le statut de ces taxes. La Commission propose de repousser la suppression de ces prélèvements à la fin d’une période de transition. Cependant cette proposition doit s’accompagner d’une clause de revue pour vérifier l’existence d’une alternative viable, ce qui nécessite au préalable une réforme fiscale complexe à mettre en œuvre. En l’absence d’alternatives en termes de fiscalité interne, il ne faut pas exclure, le moment venu, de maintenir ces prélèvements communautaires de solidarité afin de ne pas fragiliser les processus d’intégration régionale.

B. Prendre les engagements financiers à long terme

Les accords de partenariat économique sont conclus sans limitation de temps alors que les mesures d’accompagnement seront prises en charge dans le cadre de l’instrument financier qu’est le 10ème FED(66) pour un montant est de 22,7 milliards d’euros sur une durée de cinq ans ainsi que dans le cadre de la stratégie européenne pour l’aide au commerce.

Afin de répondre aux inquiétudes des pays ACP liées au risque de découplage entre les dispositions commerciales illimitées et le volet développement lié au cadre temporel de l’accord de Cotonou, il conviendrait de :

- signer un protocole en parallèle d’un accord de partenariat offrant la garantie d’un engagement de la commission et des Etats membres couvrant les périodes de transition et décrivant les instruments pouvant être mobilisés. La programmation du 11ème FED devra intégrer de manière prioritaire l’accompagnement des APE ;

- tenir les engagements en matière d’aide au commerce(67). L’Union européenne s’est engagée à contribuer pour 2 milliards d’euros pour l’aide au commerce, un milliard à la charge de la Communauté et un milliard à la charge des Etats membres(68). Pour l’heure, la contribution de l’Union n’a pas été concrétisée ; celle des Etats membres a atteint 960 millions d’euros en 2007(69). Cependant, dans les programmes nationaux d’aide au commerce figurent un ensemble de financements dont certains préexistaient et qui n’ont qu’un rapport indirect avec l’aide au commerce. Il convient donc de soutenir cette évolution quantitative mais aussi de mieux définir les actions pouvant entrer dans l’aide au commerce et de donner suite aux documents de stratégie régionaux récemment adoptés en constituant des paquets régionaux d’aide au commerce. On peut citer l’exemple de la conférence qui a rassemblé en avril 2009, les bailleurs de fonds et représentants de l’Afrique orientale et australe, la Communauté de l’Afrique de l’Est et la SADC (Communauté pour le développement de l’Afrique australe), pour inaugurer l’initiative du « couloir Nord-Sud », projet pilote portant sur les infrastructures et la facilitation du commerce ;

- mobiliser l’ensemble des outils de financement du développement, en plus de l’aide publique au développement traditionnelle. Il s’agit de prêts concessionnels ou non, de lignes de crédits mises en place dans les banques locales, de fonds d’investissement et garanties de prêts ou des fonds propres, de prêts souverains qui pourraient aider au renforcement de la compétitivité des entreprises. Les initiatives du type PROPARCO (Promotion et Participation pour la Coopération économique), institution financière de développement gérée par l’Agence française de développement (AFD) et des investisseurs privés dont la mission est de favoriser les investissements privés en faveur du développement mériteraient d’être suivie. La Banque européenne d’investissement (BEI) pourrait également apporter son appui aux banques régionales de développement (Banque ouest africaine de développement par exemple) en participant à leur capital ;

- améliorer la complémentarité entre les bailleurs de fonds. Si les bailleurs de fonds sont principalement l’Union européenne, d’autres pays ainsi que des institutions internationales interviennent (Nations unies, Banque mondiale, FAO, FMI, BAD …).Cette association des bailleurs pourrait se faire par le biais de l’aide au commerce et dés lors, il conviendrait de les associer aux discussions régionales des volets d’accompagnement aux APE.

C. Assurer la cohérence des programmes d’accompagnement

Les mesures et programmes d’accompagnement nécessaires doivent maximiser le potentiel de développement de l’accord en renforçant les bases productives des Etats, en diversifiant les productions et en levant les contraintes de l’offre pour tirer profit de l’ouverture du marché européen.

Jusqu’à présent, les demandes des pays ACP pour l’accompagnement ont eu un caractère embryonnaire, leurs attentes se résumant souvent à des engagements chiffrés d’aide publique au développement additionnelle. Or cette focalisation du débat sur le respect d’engagements chiffrés ne rend pas service aux pays ACP car cela incite les Etats membres à labelliser à posteriori certains projets non additionnels (notamment pour rentrer dans la liste des engagements de l’aide au commerce) et retarde la discussion sur les programmes concrets d’accompagnement comme par exemple sur les paquets d’aide régionaux d’aide au commerce.

C’est pourquoi il est impératif que les pays ACP établissent un cadastre de leurs priorités en matière d’accompagnement des APE.

1. Coordonner les structures participant à l’identification des besoins et à la programmation des actions

L’élaboration conjointe des mesures d’accompagnement doit se faire en concertation entre, d’une part, les organisations régionales des pays ACP, les pays ACP pris individuellement et, d’autre part, la Commission européenne et les Etats membres de l’Union européenne. Cette concertation permettra de confronter l’offre figurant dans les paquets régionaux aux demandes présentées par les Etats. Dans cette optique, des « Task force » de préparation régionale ont été constituées mais force est de constater que leur fonctionnement n’a pas été régulier. Il s’agit donc de réactiver ces structures pour qu’elles soient opérationnelles : réunions régulièrement programmées et préparées dans les groupes compétents et associations des bons interlocuteurs.

Ce processus devra impliquer à la fois les administrations des pays ACP et les opérateurs de l’aide, Europaid qui est l’agence de coopération européenne et une des directions générales de la Commission européenne ainsi que les agences des Etats membres (comme l’Agence française pour le développement). Il serait intéressant de prendre en considération la responsabilité particulière des pays chefs de file sur le terrain par rapport aux autres bailleurs comme l’a fait
l’initiative « Fast track »(
70) listant les pays qui se sont portés volontaires et les principaux acteurs de la mise en œuvre de la division du travail. Il conviendrait d’associer ces autres bailleurs bilatéraux et multilatéraux (Banque mondiale, banques régionales de développement, ONUDI - Organisation des Nations unies pour le développement industriel).

2. Rendre plus lisibles les mesures d’adaptation à l’ouverture commerciale et à l’intégration régionale

Si la compensation des conséquences de la libéralisation doit être prise en compte, elle doit être dépassée pour aller vers une logique d’adaptation des économies à l’ouverture commerciale et au processus d’intégration régionale.

a) Les mesures de transition fiscale

La perte des recettes douanières sur lesquelles repose une large part de leurs finances publiques est un des principaux points d’inquiétude des pays ACP. Les APE nécessitent qu’ils accomplissent une transition fiscale élargissant la base fiscale : plus de fiscalité directe ou taxe sur la valeur ajoutée. Compte tenu du poids de l’économie informelle, des difficultés économiques et des résistances administratives, le processus sera long. Il n’est qu’à voir le temps qu’il s’est écoulé en Europe entre la première directive relative à la TVA de 1967 – 10 ans après l’entrée en vigueur du traité de Rome – et la sixième directive de 1977 qui a été modifiée jusqu’en 2005 !

L’appui à cette transition fiscale doit être une des priorités et un programme européen dédié pourrait lui être consacré.

b) Les programmes de mise à niveau

D’une façon générale, ces programmes devront venir en appui aux entreprises et aux politiques publiques et reposer sur une vision intégrée de l’économie marchande et réduction des coûts des facteurs afin que les entreprises soient compétitives face aux entreprises étrangères.

Une aide structurelle sur certains secteurs où l’on concentre des efforts est préférable au saupoudrage afin de s’attaquer aux nombreux goulets d’étranglement, par exemple ceux liés à la disponibilité de l’énergie
– au Sénégal, les coupures d’électricité sont monnaie courante et ont des conséquences tant pour la population que pour les entreprises – ou aux lacunes dans les communications nationales et intra régionales.

Ces programmes doivent donc se faire en amont de l’exportation et appuyer :

– des programmes d’aménagement du territoire ;

– la construction d’infrastructures favorisant les échanges et la croissance économique (installations portuaires, projet de régulation électrique) et réduisant les coûts de production (énergie).

A titre d’illustration, la Commission européenne a « listé » l’ensemble des mesures qui pourraient être soutenues en Afrique centrale dans le cadre de l’accompagnement aux APE.

Gouvernance économique et climat des affaires

Concurrence : Appui à la mise en œuvre des engagements établis par l’APE, par exemple :

• audit de l’existant réglementaire

• diffusion et formation des juristes

• appui aux structures régionales et nationales

Propriété intellectuelle : appui à la mise en œuvre des engagements établis par l’APE, par exemple :

• coopération OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle)

• lutte contre la contrefaçon

Marchés publics : appui à la mise en œuvre des engagements établis par l’APE, par exemple :

• audit de l’existant réglementaire par rapport aux engagements APE

• structuration d’une démarche régionale

• soutien institutionnel régional et national

Environnement : appui à la mise en œuvre des engagements établis par l’APE, par exemple :

• application effective et sans dérogation des législations nationales de préservation de l’environnement

• mise en œuvre des conventions de Bâle et Bamako

• identification et promotion des échanges de marchandises durablement produites

Forêt : appui à la mise en œuvre des engagements établis par l’APE, par exemple :

• amélioration des systèmes de traçabilité du bois

• système de monitoring de la chaîne de traçabilité

• promotion des exportations de bois d’origine légale

Protection des consommateurs : appui aux associations de défense des consommateurs, et coordination régionale

Normes de travail : appui aux syndicats et coordination régionale

Tribunaux de Commerce : analyse d’opportunité et éventuelles interventions

Soutien à la réforme fiscale (élargissement de l’assiette, réforme des taxes à l’exportation, etc.)

OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) : appuis à l’application des actes de l’OHADA, sensibilisation République Démocratique du Congo et Sao Tomé et Principe.

Développement d’un programme de lutte contre la corruption

Droit d’établissement des entreprises : audit de la règlementation existante et analyse de compatibilité avec les engagements APE

Institutions APE : assurer le bon fonctionnement de l’APE

Marché unique régional

Marchandises : facilitation des échanges

• aspects réglementaires douanes (règle d’origine, valeur en douane, transit, libre pratique)

• formation des douaniers

• infrastructures et accompagnement de mise en œuvre (grille plombée, intermodalité, cautionnement)

SPS & TBT : programme régional de qualité

• schéma directeur régional,

• identification des produits prioritaires intra Afrique centrale et exportation UE

Services :

• audit et soutien aux capacités réglementaires pour les secteurs libéralisés

Intégration CEMAC – STP – RDC

• constitution ZLE (zone de libre échange)

• harmonisation tarifaire

Diversification et croissance

Cadre intégré d’appui aux entreprises

• volet A : appui « soft » : guichet unique de services aux entreprises (marketing, comptabilité, info marché, droit OHADA, conseil juridique)

• volet B : prêt « hard » : lien avec les fonds d’investissements existants (BEI, Proparco, BDEAC…) en appui aux entreprises et fonds de garantie pour prêts

Appuis soft et hard aux Centres de formation techniques avec appuis et/ou bourses de formation professionnelle (p.e. menuiserie, métallurgie, gestion administrative agricole, etc…).

Renforcement des capacités des intermédiaires financiers en Afrique Centrale

Promotion des indications géographiques

Source : Commission européenne, 2009.

D. Affirmer la priorité de la sécurité alimentaire

1. Prendre la mesure du défi alimentaire

Aujourd’hui, malgré une amélioration de la situation mondiale des disponibilités céréalières et un recul relatif des cours mondiaux des denrées alimentaires, les prix restent élevés dans les pays en développement. Trente deux pays sont encore victimes d’urgences alimentaires(71) et plus d’un milliard de personnes souffrent de la faim(72). Le rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation, M. Olivier de Schutter, a récemment déclaré que « toutes les conditions pour une nouvelle crise alimentaire sont réunies »(73).

La production céréalière mondiale de 2009 devrait être inférieure de 3 % par rapport à 2008 et les prix des céréales dans les pays en développement demeurent généralement très élevés – dans certains cas à des niveaux sans précédent. Une analyse des prix alimentaires sur les marchés intérieurs de 58 pays en développement montre que les prix sont plus élevés qu’il y a douze mois dans environ 80 % des cas, et qu’il y a trois mois, dans 40 % des cas. En outre, dans 17 % des cas, les derniers cours enregistrés sont les plus élevés jamais constatés. Ainsi au Ghana et au Niger, le prix du riz importé était en hausse respectivement de 23 et 35 % en juin 2009 par rapport à l’année précédente. Les plus touchés sont les citadins pauvres et les petits agriculteurs qui dépendent du marché pour l’accès à la nourriture. En outre, la récession mondiale prive les ménages vulnérables des envois de fonds de l’étranger, souvent déterminants pour maintenir les niveaux de consommation alimentaire.

A plus long terme, nourrir la planète à l’horizon 2050 est déjà d’actualité. La FAO(74) estime qu’il faudra augmenter de 70 % la production agricole pour répondre aux besoins de 2,3 milliards d’habitants supplémentaires. La demande alimentaire va en effet s’accroître du fait de la croissance démographique et de l’augmentation des revenus. Le plus fort de cette croissance démographique se produira dans les pays en développement et c’est en Afrique subsaharienne que le taux de croissance sera le plus fort. Environ 70 % de la population mondiale vivra dans les villes ou les régions urbaines, soit une augmentation de presque 50 % par rapport à aujourd’hui(75).

Dans ces conditions, la question du modèle d’échanges commerciaux se pose : doit on plaider pour une plus grande ouverture et privilégier la facilité des importations ou mettre en avant la souveraineté alimentaire et développer des cultures vivrières plutôt qu’exportatrices ?

La conclusion de la FAO est sans appel : il est urgent de faire des investissements importants de l’ordre de 83 milliards par an dans l’agriculture des pays en développement. Cette option rejoint la position prise par la Banque mondiale qui a en quelque sorte redécouvert l’agriculture comme moteur de développement(76) . En effet, pendant longtemps le secteur agricole a été le parent pauvre de l’aide au développement – en 1980, la part de cette aide était de 18 % et en 2007, elle n’était que de 5 % – et a fait les frais des politiques structurelles imposées par les institutions financières comme la Banque mondiale ou le FMI. Un exemple frappant a été donné à vos rapporteurs au Ghana où a été implantée une exploitation de bananes sur des terrains en friche depuis vingt ans sur lesquels avait été installée une rizière par la Banque mondiale. Après une année de récolte, le riz étant naturellement plus cher que le riz importé, le gouvernement avait institué des taxes à l’importation auxquelles le FMI s’était opposé. Il n’y eut pas de récolte suivante…

Dans les pays ACP, structurellement, les monocultures d’exportation, si elles ont fourni des ressources douanières et ont permis le développement de certains secteurs d’activité, ont figé certains pays ACP dans une spécialisation, ont nui aux perspectives d’autonomie alimentaire et les ont rendus très vulnérables à la volatilité des cours. Cette situation a aussi accentué leur dépendance vis-à-vis des importations – l’Europe est une source importante des importations agricoles, 30 % pour l’Afrique de l’Ouest – et de l’aide alimentaire internationale. La situation de ces pays est de cette façon très dépendante de l’évolution des cours mondiaux et toute crise sectorielle a un impact national fort. Les accords de partenariat économique peuvent être le cadre dans lequel l’Union européenne peut contribuer à aider ces pays à reconstituer une agriculture vivrière qui leur permettra de se soustraire à la dépendance alimentaire et à reconstruire une société rurale cohérente. L’Union européenne a d’ailleurs décidé d’accorder une place plus large à l’agriculture dans le 10ème FED dans le prolongement des engagements pris par le G8 en juillet 2009 d’affecter 12 milliards de dollars au développement de l’agriculture(77).

2. Eviter une libéralisation non régulée de l’agriculture

La crise agricole et alimentaire a mis en évidence les effets destructeurs du libre échange sur l’agriculture et la dépendance accrue des économies alimentaires régionales vis-à-vis des marchés mondiaux et a ouvert le débat sur la régulation des marchés et les instruments de régulation de la volatilité des prix. Les dernières simulations du modèle Momagri(78) démontrent qu’une libéralisation non régulée de l’agriculture aboutirait dans les quinze prochaines années à une chute brutale du chiffre d’affaires des agriculteurs les plus pauvres (moins 60 %) et que seuls les pays gros exportateurs comme le Brésil tireraient leur épingle du jeu. Le résultat serait un bouleversement de l’équilibre mondial avec pour signe majeur l’appauvrissement voire la disparition des économies agricoles dans les pays à plus forte croissance démographique(79). Cette analyse est également celle des Nations unies(80).

Certains Etats européens, dont la France, agissent pour la mise en place en lien avec les institutions internationales un « Partenariat mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire » défendue lors du sommet de Rome sur la sécurité alimentaire en novembre 2009.

Très concrètement, dans la négociation sur les accords de partenariat économique, cet engagement devrait se traduire par :

une large flexibilité sur le taux de libéralisation des échanges qui devrait permettre la prise en compte des produits sensibles agricoles la plus conforme aux intérêts des pays ACP. La portée et la nature de la libéralisation du commerce des produits agricoles nécessitent en effet un calibrage prudent car loin de stimuler les filières agricoles, de faibles niveaux de protection portent atteinte aux efforts pour investir et satisfaire le marché régional;

des clauses de sauvegarde pour motif alimentaire flexibles tant sur leur durée que sur les procédures de mise en œuvre ;

une action européenne et internationale pour appuyer les pays en développement et leur permettre de s’opposer à l’emprise de pays étrangers sur les terres agricoles.

3. Renforcer les capacités productives du secteur agricole

Après avoir privilégié les secteurs d’exportation et même si les importations alimentaires peuvent faciliter la disponibilité des produits, il s’agit de casser le cycle de déficience de la production alimentaire, de faible productivité, du déclin de l’investissement et de baisse de revenus des agriculteurs. Les pays ACP qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ont une agriculture forte. Ainsi au Sénégal, les problèmes économiques et sociaux se sont accentués avec la baisse tendancielle du poids de l’agriculture dans le PIB : il était de 13 % en 1980, il n’est plus que de 6,7 %(81) en 2008.

L’appui dans le cadre des APE pourra se faire dans trois directions :

une aide aux infrastructures 

Le problème agricole est avant tout un problème d’infrastructures. La hausse des prix internationaux n’a pas eu d’effet bénéfique sur les productions vivrières locales car les paysans n’ont pas pu en profiter pour augmenter leur production, confrontés car ils étaient confrontés des obstacles structurels. L’aide européenne devrait se concentrer sur la disponibilité des intrants (semences, engrais) en facilitant notamment l’accès au crédit et sur l’amélioration des capacités de stockage qui permettrait aux agriculteurs plutôt qu’aux négociants de profiter des hausses de prix saisonniers(82;

la création d’instruments contra cycliques. Plus que tous les autres agents économiques, les agriculteurs, vu le caractère particulièrement aléatoire de leur activité, sont sensibles à tout ce qui leur permet de mieux maîtriser leur environnement climatique, social et économiques. C’est pourquoi les mécanismes régulateurs de la production peuvent jouer un rôle décisif. Le modèle du fonds de lissage de la filière coton au Burkina Faso mis en place par l’Agence française de développement (voir encadré) pourrait être reproduit. Ce fonds est destiné à permettre la fixation du prix de vente du coton avant les semis pour sécuriser les producteurs. Le prix est fixé en fonction de l’évolution des cours mondiaux et les excédents sur le prix d’achat aux producteurs servent à alimenter le fonds.

Il ne serait pas non plus scandaleux que l’Union européenne apporte son soutien à la création d’accords par produit de type OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) sur le modèle de l’Accord international sur le café (voir encadré).

le renforcement des partenariats avec les institutions régionales et la politique agricole régionale de la CEDEAO, l’ECOWAP.

ACCORD INTERNATIONAL SUR LE CAFE

En 1963, est créée l’Organisation internationale du café (OIC) au sein de laquelle pays producteurs et consommateurs signent le premier accord international sur le café (AIC) qui garantit un approvisionnement régulier du marché à des prix acceptables pour chaque partie. Pour ce faire, l’AIC prévoyait des « clauses économiques » permettant d’influer sur les cours mondiaux : quotas d’exportation et de rétention et fourchettes de prix. Trois générations d’accords se sont succédés jusqu’en 1989 où le manque de consensus entre pays exportateurs et importateurs ont conduit à l’abandon de l’AIC et au départ des Etats-Unis revenus en 2005. Les pays exportateurs ont créé en 1993 l’association des pays producteurs de café sur le modèle de l’OPEP pour tenter de rétablir la politique de restriction des exportations et de faire remonter les cours. L’annonce d’un plan de rétention volontaire des exportations a suscité une vive réaction des pays du Nord.

Aujourd’hui, une réforme de l’accord et de l’organisation est en cours. Les pays producteurs d’Afrique souhaiteraient que soient introduites des dispositions assurant aux planteurs un niveau de prix juste et rémunérateur. Cependant cette demande ne fait pas l’unanimité parmi les pays producteurs. Pour l’Inde par exemple, la question du prix du café ne doit pas être mise en avant car la clé des problèmes est la demande ; l’OIC doit donc avoir pour mission première le développement des marchés, position partagée par les Etats-Unis.

FONDS DE LISSAGE DE LA FILIERE COTON AU BURKINA FASO


Dans un contexte de crise généralisée de la filière coton en Afrique francophone, l’Agence française pour le développement (AFD) a lancé en avril 2008 au Burkina Faso un Fonds de Lissage, destiné à encadrer la volatilité des prix et garantir un revenu rémunérateur aux producteurs. Ce fonds de lissage repose sur une logique ancienne, à savoir un « tunnel de prix » articulé autour d’un prix de tendance défini par grandes zones géographiques homogènes, qui définit le cadre de l’intervention des pouvoirs publics en cas de volatilité trop élevée.

Le principe est le suivant : une fluctuation libre des prix à l’intérieur de marges définies autour d’un prix de tendance, et le déclenchement de l’intervention au-delà, aussi bien lorsque les prix crèvent le prix plafond que quand ils percent le prix plancher.



Le fonctionnement du fonds de lissage permet d’intervenir de façon préventive puisque, dès la fixation du prix de tendance, il est possible d’apprécier si l’annonce d’un prix producteur trop faible risque de décourager les producteurs et conduire à un abandon brutal de la production de coton.

Le prix de tendance est également corrigé en fonction d’un taux de change de référence.

C’est à partir de ce prix de tendance que sont calculés les bornes du tunnel de lissage, la borne inférieure (ou prix plancher) correspondant à 95 % du prix de tendance, et la borne supérieure (ou prix plafond), à 101 %.

Le prix plancher est fixé au plus tard le 15 avril de chaque année pour l’année à venir. Dans le cas du fonds de lissage burkinabé, il représente le prix d’achat garanti du coton graine au producteur ; il est payé automatiquement à chaque producteur dans les jours suivant le dépôt de sa demande de paiement.


En revanche, lorsque le prix moyen de vente de la fibre de coton de la campagne courante est supérieur au plafond du tunnel, les producteurs et sociétés cotonnières s’engagent à verser une partie des gains engendrés selon une formule d’abondement progressif complexe.

Le fonds de lissage est géré par l’Association du fonds de lissage (AFDL), créée en avril 2008 lors d’une Assemblée générale constitutive de l’interprofession cotonnière burkinabé, qui réunit les producteurs et les sociétés cotonnières. Une banque locale, choisie suite à un appel d’offres, a été mandatée pour la gestion opérationnelle du mécanisme et du fonds en vue d’assurer la transparence, l’équité et la sécurité des ressources du fonds.

Pour l’abondement initial du fonds de lissage, l’AFD a octroyé un montant de 15 millions d’euros, sous la forme de Prêt très concessionnel contra cyclique (PTCC). A ces 15 millions viennent s’ajouter 3 millions d’euros prévus dans le cadre d’une subvention publique.

La mise en place effective du fonds de lissage burkinabé s’inscrit dans une perspective plus large, au niveau régional, d’un programme de gestion intégrée du risque-prix. Sa mise en place devrait ainsi permettre de relancer les réflexions, entamées en 2007, sur la mise en d’une facilité régionale, destinée à refinancer, en cas de besoin, les fonds de lissage nationaux éligibles, avec pour objectif de stabiliser les marchés régionaux d’Afrique de l’Ouest dans leur ensemble.

CONCLUSION

Il serait vain de donner des prévisions sur le calendrier et l’issue des négociations APE. Mais de la façon dont celles-ci se sont jusqu’à présent déroulées, on peut tirer deux enseignements majeurs. D’abord, les pays ACP n’adhéreront à la logique des APE que s’ils ont l’assurance d’un volet développement cohérent. Par ailleurs, les décisions de conclure ou non un APE ne dépend pas seulement du bien fondé des clauses techniques faisant l’objet de négociations, mais de considérations politiques et géostratégiques plus larges.

C’est pourquoi il faut aller au-delà des APE pour refonder la politique commerciale et de développement de l’Union européenne. Les récents débats sur l’aide qu’apportera l’Union européenne aux pays en développement en matière de changement climatique illustre la nécessité d’élargir le champ d’action de l’Europe à l’égard des pays ACP.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 2 décembre 2009, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’une discussion.

Le Président Pierre Lequiller. Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour cette excellente synthèse.

M. Robert Lecou. Notre Commission s’honore d’avoir proposé un tel rapport d’information. Il est en effet très important que les parlementaires puissent travailler sur ces sujets. Ce matin, notre Commission des affaires étrangères recevait une délégation de Saint-Domingue et a pu s’entretenir avec ses gouvernants qui attendent autre chose de la gouvernance mondiale. L’Europe doit tenir sa place et assumer son rôle, notamment auprès de régions ultrapériphériques. Pourriez-vous développer le point 8 de la résolution : l’Assemblée nationale « estime justifié que figure dans les APE une clause de traitement plus favorable pour l’Union européenne et que l’Afrique du Sud ne bénéficie pas du traitement différencié applicable aux pays en développement » ?

M. Jean-Claude Fruteau, co-rapporteur. Il est demandé ici que lorsque les pays africains accordent une clause plus favorable à des pays émergeants, l'Union européenne puisse également en bénéficier. Mais l’Afrique du Sud ne devrait pas bénéficier du traitement différencié en faveur des pays en développement.

M. Jérôme Lambert. Il est très important qu’une telle question vienne en débat ici à l’Assemblée et ce sujet mériterait d’être discuté dans d’autres instances car ce rapport est d’un intérêt majeur. Il convient également de faire le lien avec le développement dans le domaine de l’énergie et avec le développement durable.

M. Hervé Gaymard, co-rapporteur. La question climatique et l’articulation avec le sommet de Copenhague figurent dans nos conclusions. Il faut d’ailleurs savoir que certains experts expliquent aujourd’hui qu’il est inutile de développer l’agriculture vivrière en Afrique car, à une échelle de vingt à trente ans, l’Afrique devrait constituer un des principaux continents carbone et il serait plus aisé de nourrir les populations africaines avec des biens importés. Ce sont surtout les climaticiens qui peuvent tenir ce type de discours qui me semble extrêmement dangereux. Cela revient à retourner la question climatique en faveur de la libéralisation des échanges.

Sur proposition des rapporteurs, la Commission a ensuite adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres d’autre part , signé à Cotonou le 23 juin 2000,

Vu les accords intérimaires de partenariat économique et l’accord de partenariat économique signé le 16 décembre 2007 avec les Etats du Cariforum,

Vu les conclusions du Conseil « Affaires générales et relations extérieures » (CAGRE) de mai et novembre 2008,

Considérant que les pays ACP sont durement touchés par la crise économique, financière et alimentaire et que les engagements européens pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement, souscrits en 2000 dans le cadre de l’ONU, sont plus que jamais d’actualité,

Considérant que si, en application de l’article 36 de l’accord de Cotonou, l’Union européenne et les Etats ACP doivent conclure des accords compatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), cela doit se faire dans le respect de l’article 1er de cet accord, dont l’objectif est l’éradication de la pauvreté, par le biais des accords de partenariat économique comme instrument de développement,

Considérant que près de deux ans après la date butoir du 31 décembre 2007, les négociations engagées depuis 2002 n’ont abouti, dans un climat de défiance, qu’à la signature d’un seul accord de partenariat régional avec la zone Caraïbes et à des accords intérimaires portant seulement sur les biens, seuls 35 pays sur 78 pays ACP étant concernés,

Considérant que la conclusion toujours différée des négociations du cycle de Doha au sein de l’OMC redonne force aux champs de négociations bilatérales et régionales et qu’il est de l’intérêt partagé de l’Union européenne et des pays ACP de maintenir des relations fortes,

Considérant que les accords de partenariat intérimaires conclus avec des pays ou des groupes de pays, s’ils ont permis le maintien des flux commerciaux pour certains pays ACP, ont porté atteinte au processus d’intégration régionale,

Considérant, d’une part, que les pays ACP craignent les effets négatifs des APE sur les productions locales et sur leur sécurité alimentaire et, d’autre part, que les coûts d’ajustement auront un impact significatif, notamment sur les ressources budgétaires des pays ACP,

Considérant que les avantages des APE pourraient se traduire par une meilleure intégration régionale, une incitation à la mise en
œuvre de réformes des finances publiques, ainsi qu’une augmentation des exportations vers l’Union européenne, si certaines mesures de facilitation des échanges sont améliorées (règles d’origine, obstacles techniques au commerce),

1. Invite l’Union européenne à réaliser une meilleure articulation entre sa politique commerciale et sa politique de développement, sous l’égide du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité;
2. Insiste sur la nécessité pour l’Europe de respecter ses engagements en matière d’aide publique au développement et au commerce, d’en améliorer l’efficacité, de participer à la mise en place de mécanismes de financement innovants et de soutenir les actions de lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement ;
3. Demande à la Commission européenne d’entretenir un climat de dialogue et de respect mutuel dans le cadre du processus de négociation afin de signer des accords de partenariat de développement économique et commercial et d’accorder aux négociateurs ACP suffisamment de temps pour leur permettre d’évaluer les points litigieux et de ne pas leur imposer de négociations sur les « sujets de Singapour » (marchés publics, investissement et services) ;

4. Appelle, d’une part, à l’utilisation de toutes les flexibilités permises dans le cadre de l’OMC pour accroître le niveau d’asymétrie des accords tant en ce qui concerne le taux de libéralisation que les périodes de transition et, d’autre part, à l’inclusion des clauses les plus favorables des accords intérimaires et de garanties pour la protection des secteurs sensibles (clauses d’industrie naissante et de sauvegarde) ainsi que d’une clause de rendez vous ;

5. Recommande le maintien des prélèvements communautaires de solidarité ;

6. Estime nécessaire, afin d’exploiter les possibilités offertes par les APE,  l’élaboration, conjointement à chaque accord et dans le cadre des « task force » régionales, d’un programme de développement se concentrant, en  synergie avec les politiques des Etats membres, sur la production d’électricité, les infrastructures de distribution et les interconnexions régionales ; les grands axes de communication routiers et ferroviaires ; le développement de l’agriculture ;

7. Demande que les pays ACP soient assurés du montant et de la durée des engagements de financement des mesures d’accompagnement des APE, en :

- signant un protocole d’accord en parallèle avec les APE couvrant les périodes de transition et décrivant les instruments pouvant être mobilisés,

- définissant le contenu des engagements de la Commission européenne et des Etats membres en matière d’aide au commerce,
- intégrant lors de la programmation du 11e Fonds européen de développement, de manière prioritaire, l’accompagnement des APE,

- mobilisant et coordonnant l’ensemble des outils de financement, en plus de l’aide publique traditionnelle (prêts concessionnels, lignes de crédit, appui aux banques régionales de développement…),

- améliorant la complémentarité entre les bailleurs de fonds nationaux et internationaux,
- créant un fonds dédié aux mesures de transition fiscale afin de faire progresser l’intégration régionale et moderniser les systèmes douaniers et fiscaux des pays ACP ;

8. Estime justifié que figure dans les APE une clause de traitement plus favorable pour l’Union européenne et que l’Afrique du Sud ne bénéficie pas du traitement différencié applicable aux pays en développement ;

9. Affirme la priorité de la sécurité alimentaire dans les pays ACP, ce qui implique :

- une flexibilité sur les taux de libéralisation des échanges et un calibrage prudent des listes de produits sensibles à exclure du champ de la libéralisation,

- des clauses de sauvegarde pour motif alimentaire,

- une part importante du volet développement consacrée à l’aide aux infrastructures agricoles ( formation, vulgarisation, mécanisation, intrants et aide à la commercialisation) et à la création d’instruments d’atténuation de la volatilité des cours ;

10. Souligne qu’au-delà des APE, l’Union européenne s’honorerait à promouvoir des initiatives multilatérales visant, d’une part, à limiter les emprises de terres agricoles par des pays étrangers et, d’autre part, à mettre en place des accords par produits agricoles ;

11. Se déclare préoccupée par la négociation menée actuellement entre la Commission européenne et les pays producteurs d’Amérique latine sur le secteur de la banane et demande qu’un compromis sur les droits de douane tienne compte des intérêts des pays ACP ;

12. Demande que soient prévues des mesures spécifiques en faveur des productions des régions ultrapériphériques de l’Union européenne visant à leur intégration dans le commerce interrégional.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
ET REMERCIEMENTS

Les rapporteurs tiennent à témoigner leur gratitude à l’ensemble des personnes qu’ils ont rencontrées.

*

* *

A Paris :

Ø Ministère des affaires étrangères et européennes – Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats :

– M. Jean-Luc François, sous-directeur chargé de la sécurité alimentaire et développement économique, Direction des biens publics mondiaux ;

– M. Yves Gueymard, responsable du Pôle du commerce et des enjeux globaux.

Ø Ministère des affaires étrangères et européennes – Direction de la coopération européenne :

– Mme Caroline Ferrari, adjointe du chef du service des relations extérieures de la Communauté et de l’Union européenne ;

– Mme Catherine Disparti, sous-direction des relations extérieures de la Communauté européenne.

Ø Ministère des affaires étrangères et européennes – Secrétariat général des affaires européennes (SGAE) :

– Mme Christine Buhl, secrétaire générale adjointe ;

– Mme Anne Crozat, chef du secteur coopération et développement.

Ø Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi :

– M. Jean-Christophe Donnelier, directeur des relations internationales ;

– Mme Stéphanie Bouziges-Eschmann, adjointe au chef de bureau de la politique agricole extérieure, du commerce et du développement, chargée des questions de commerce et de développement ;

– M. Elie Beauroy, chef du bureau Politique agricole extérieure, commerce et développement, Direction générale du Trésor et de la politique économique.

Ø Secrétariat d’Etat chargé du commerce extérieur, auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi :

– Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Etat chargée du commerce extérieur.

Ø Ministère de l’agriculture :

– M. Philippe Vinçon, sous-directeur des échanges internationaux, Direction générale des politiques économique, européenne et internationale ;

– M. Philippe Beyries, chef du bureau du développement et des organisations internationales, Direction générale des politiques agricole, agro-alimentaire et des territoires ;

– M. Grégoire Jourdan, chargé de mission OCDE au bureau des politiques commerciales et extérieures communautaires, Direction générale des politiques agricole, agro-alimentaire et des territoires, service des relations internationales.

Ø Agence française du développement (AFD) :

– M. Jean-Michel Debrat, directeur général adjoint ;

– M. Yves Charpentier, conseiller auprès de la Direction générale ;

– M. Jean-René Cuzon, chargé de mission « Commerce et développement ».

Ø Organisation des Nations Unies (ONU) :

– M. Olivier De Schutter, rapporteur pour le droit à l’alimentation.

Ø Agriculteurs français et développement international (AFDI) :

– M.Gérard Renouard, président ;

– M.Steven Lefaou, chargé de mission.

Ø Centre d’études sur les politiques européennes (ECDPM- European centre for development policy management) :

– M. Sanoussi Bilal, coordinateur du programme « coopération économique et commerciale ».

Ø Groupement d’intérêt scientifique pour l’étude de la mondialisation et du développement (GEMDEV) :

– M. Philippe Hugon, professeur émérite à l’université de Nanterre, directeur de recherche à l’IRIS (Institut de relations internationales et de recherches stratégiques).

Ø Organisations non gouvernementales :

- M. Jacques Berthelot, Solidarités ;

- Mme Hélène Cabioc’h, Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (AITEC) ;

- M. Jean-Denis Crola, Oxfam France.

– M. Pascal Erard, Comité français pour la solidarité internationale (CFSI) ;

- Mme Anne-Marie de Vassal, Secours catholique – Caritas France ;

- M. Philippe Mayol, Comité catholique contre la faim et le développement (CCFD) ;

- M. Ambroise Mazal, Comité catholique contre la faim et le développement (CCFD) ;

- M. Benjamin Peyrot des Gachons, Peuples solidaires.

Ø Représentants de la société civile africaine :

– Mme Catherine Kimura, présidente du Comité Commerce de l’East African Legislative Assembly (EALA), l’organe législatif de la Communauté Est Africaine (Kenya) ;

- Mme Pauline Ndoumou, questeur à l’Assemblée Nationale du Cameroun, Députée du Dja-et-Lob (Cameroun) ;

- Yaborwek Haile, responsable des programmes d’ACORD en Ethiopie (Ethiopie).

- M. Eric Ouedraogo, membre du Conseil d’administration de la Confédération paysanne du Faso (CPF) (Burkina Faso) ;

- M. Kolyang Palebele, représentant d’une organisation paysanne tchadienne (Tchad) ;

- Mme Mary Sakala, productrice de lait – représentante de l’organisation paysanne Eastern and Southern Small Scale Farmers (ESAFF) (Zambie) ;

- Mme Ruthpearl Wanjiru Ng’ang’a, déléguée de l’organisation ACORD (Kenya) ;

A Bruxelles :

- M. Claude Maerten, chef d’unité à la Commission européenne, Direction générale du commerce-APE pour l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et les Caraïbes.

- M .Louis Michel, commissaire chargé du développement et de l’aide humanitaire ;

- M. Jacques Wunenberger, chef d’unité à la Commission européenne, Direction générale du commerce-APE pour l’Afrique de l’Est, l’Afrique australe et le Pacifique.

Au Ghana :

Ø Union européenne :

– M. Kurt Cornelio, chargé d’affaires pour l’Union européenne.

Ø Ministère du commerce :

– Mme Hannatt Tetteh, ministre du commerce.

Ø Parlementaires ghanéens :

– M. Gifty Klenaum ;

– M. Doe Adjaho ;

– M. E.T. Mensah ;

– M. K. Amankwa Asiamah.

Ø Ambassade de France :

– M. Francis Hurtut, ambassadeur ;

- M. Bernard Botte, premier conseiller ;

- M. Arnaud Dornon, conseiller de coopération et d’action culturelle ;

- Mme Noémie Pinsolle, chef de service économique et financier ;

- M. Anton Bialecki, consul ;

- M. Richard Kwiatek, conseiller commercial.

Ø Agence française du développement :

– M. Benoit Lebeurre, directeur général ;

– M. Bruno Leprince, directeur adjoint.

Ø Autres personnalités :

– M. Jean-Claude Grüner, directeur général de l’entreprise « Golden des exotics » ;

- M. Pierre Armand, vice-président de la Compagnie fruitière.

Au Sénégal :

Ø Union européenne :

– M. Gilles Hervio, chef de délégation de l’Union européenne.

Ø Présidence :

– M. Abdoulaye BaldÉ, secrétaire général de la Présidence.

Ø Ministère du commerce :

– M. Amadou Niang, ministre du commerce ;

– M. Saadbhou Seck, secrétaire exécutif du Comité national des négociations internationales.

Ø Ministère de l’économie et des finances :

– M. Abdoulaye Diop, ministre délégué auprès du ministre d’Etat.

Ø Ministère de l’agriculture et de la pisciculture :

– Mme Maimouta Lo, directrice de la Direction de l’analyse et des décisions ;

– M. Makane Guisse, directeur de cabinet.

Ø Conseil National du Patronat (CNP) :

– M. Baidy Agne, président, administrateur directeur général Somicoa-Sinco ;

– M. Donald Baron, vice-président, président d’honneur du syndical professionnel des industries et des mines du Sénégal, président directeur général du groupe Sentenac ;

– M. Boubacar Arfang Daffe, vice-président, président de l’association professionnelle des banques et établissements financiers du CNP, directeur général du CNCAS ;

– M. Mor Adj, membre du bureau exécutif du CNP, président de la Fédération sénégalaise des sociétés d’assurances (FSSA), directeur général du CNART ;

– M. Antoine Ngom, membre du bureau exécutif du CNP, président de l’Organisation des professionnels des technologies de l’information et de la communication (OPTIC), directeur général du GSIE ;

– M. Philippe Stephan, membre du bureau exécutif, directeur général des Grands moulins de Dakar ;

– M. Hamidou Diop, secrétaire général ;

– M. Papa Nalla Fall, président de la Commission Formation et valorisation des compétences professionnelles du CNP.

Ø Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) :

– M. Baba Ngom, secrétaire général ;

– M. Marius Dia, coordinateur.

Ø Ambassade de France :

- M. Gauthier Mignot, Premier conseiller ;

- M. Franc Secula, Chef du service économique régional ;

- M. Nicolas Moussard, Adjoint au chef du service économique régional ;

Ø Fonds monétaire international :

– M. Alex Ubiergo Segura, représentant résident au FMI.

Ø OXFAM :

– Mme Kate Norgrove, coordinatrice régionale Campagnes et politiques ;

– M. Eric Hazard, responsable pour la campagne Justice économique.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Communication de M. Jean-Claude Fruteau sur la proposition appliquant aux marchandises originaires de certains Etats appartenant au groupe des Etats ACP les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des accords de partenariat économique (E3709). Compte rendu de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne du 5 décembre 2007.

3 () Dans les années 90, le FMI et la Banque mondiale préconisaient des mesures comme la « recette de croissance » dans les pays en voie de développement. Connue sous le nom de « consensus de Washington », elle incluait : privatisation, discipline budgétaire, libéralisation des échanges et déréglementation.

4 () Rapport de la Banque mondiale : « Financement du développement dans le monde », mai 2009 et étude en vue de la réunion du G20 en septembre 2009.

5 () L’article 95 des accords de Cotonou prévoit des révisions tous les cinq ans. La première s’est conclue en février 2005 et la prochaine aura lieu en 2010.

6 () Rapport d’information n° 1776 : « Le nouveau partenariat pour le développement des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique », 1er juillet 1999.

7 () Rapport d’information n° 3251 : « Les négociations commerciales Europe-Afrique, Caraïbes et Pacifique : tendre la main ou bien le poing ? ». 5 juillet 2006.

8 () Rapport au Président de la République : « Les accords de partenariat économique entre l’Union européenne et les Etats ACP. Et si la politique se mêlait enfin des affaires du monde ? ».

9 () Accords qui, en juillet 1944, ont dessiné les grandes lignes du système financier international.

10 () Le Canada accorde des préférences commerciales aux pays en développement dans le cadre de son tarif général préférentiel.

11 () L’Afrique du Sud est adhérent partiel pour tenir compte à la fois de son statut de pays développé et non développé. Ainsi, si elle s’engage à la coopération dans les domaines de l’environnement, de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et du développement rural, elle ne participe pas à la coopération internationale.

12 () Libre accès sans droits ni quotas au marché européen accordé à tous les PMA.

13 () L’OMC compte 152 membres.

14 () L’ONU reconnaît 50 PMA.

15 () Australie, Canada, Etats-Unis, Japon, Nouvelle-Zélande, Taiwan, Hong-Kong, Singapour et Corée du Sud.

16 () En 1968, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement – CNUCED – avait recommandé la mise en place par les pays industrialisés, d’un système de préférences généralisées.

17 () En bénéficient les pays suivants : Bolivie, Colombie, Costa Rica, Equateur, Georgie, Guatemala, Honduras, Sri Lanka, Moldavie, Mongolie, Nicaragua, Panama, Pérou, Salvador et Venezuela.

18 () 6 % dans le cadre de Lomé III et 1 % pour les pays les moins développés, enclavés et insulaires.

19 () Moyenne des recettes d’exportations des six années précédant l’année d’application, à l’exclusion des deux années dont les résultats sont les plus divergents.

20 () Dans le cadre de Lomé IV, la dotation financière a été de 1 500 millions d’Ecus pour cinq ans.

21 () Le protocole Rhum a pris fin en 1996.

22 () On peut noter que cette augmentation s’est faite depuis deux ans avec des volumes produits en Centre et Sud Amérique en deçà de leur potentiel pour des raisons climatiques et que le droit de 176 euros n’a donc pas eu son plein effet sur le marché.

23 () Sur ce point, voir le rapport n° 3251 de M. Jean-Claude Lefort, député au nom de la Délégation pour l’Union européenne : « Les négociations commerciale Europe-Afrique : tendre la main ou bien le poing ? », juillet 2006, et les travaux du Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM) : « APE alternatifs et alternatives aux APE », mars 2006.

24 () Le livre vert et les conclusions qu’il a suscitées débouche sur plusieurs conclusions : l’aide financière n’a pas eu les effets escomptés sur la réduction de la pauvreté dans les pays ACP ; il convient de tenir compte du nouveau contexte géopolitique lié à la fin de la guerre froide et au mouvement de mondialisation ; le système de préférences commerciales doit être mis en conformité avec les règles de l’OMC ; il convient d’associer au nouveau partenariat de nouveaux acteurs de développement qui sont apparus aux côtés de l’Etat comme les Organisations non gouvernementales.

25 () Sommet de la Barbade du 20 au 23 novembre 2006.

26 () « Principes de l’économie politique et de l’impôt ».

27 () Agence française pour le développement. Document de travail n° 36 : « Les accords de partenariat économique : des accompagnements nécessaires », 2006.

28 () Résolutions du 26 septembre 2002 sur les recommandations du Parlement européen à la Commission concernant les négociations d’APE avec les régions et Etats de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, du 23 mars 2006 sur l’impact des APE, du 23 mai 2007 et du 12 décembre 2007 sur les APE et du 25 mars 2009 sur l’APE entre les Etats du Cariforum et la Communauté européenne et ses Etats membres.

29 () « Les communautés européennes sont prêtes à envisager des seuils différenciés et séparés, c'est-à-dire inférieurs, pour les pays en voie de développement ». Communication de la délégation de l’Union européenne à l’OMC le 12 mai 2005.

30 () Avec 24 % de l’enveloppe annuelle, la France est l’un des plus importants contributeurs du 9ème FED. Elle ne sera contributeur qu’à hauteur de 19 % pour le 10ème FED.

31 () L’aide au commerce est née de la déclaration de Hong-Kong pendant la conférence ministérielle de l’OMC en décembre 2005. Elle a pour objectif de développer les capacités des pays en développement à commercer.

32 () Pétrole (Ouganda, Nigeria).

33 () Bananes, sucre, fleurs coupées.

34 () Le tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO est composé du droit de douane, de la redevance statistique, de la taxe dégressive de production et de la taxe conjoncturelle d l’importation. Il inclut plusieurs niveaux de protection tarifaires allant de 0 à 20 % jusqu’à l’introduction d’une cinquième bande tarifaire à 35 %.

35 () Jacob Viner, 1950 : « Lorsqu’un pays conclut un accord bilatéral de libre échange, il y a théoriquement une meilleure allocation des ressources productives et donc, une meilleure expression des avantages comparatifs ».

36 () Paul Krugman, Jacques Sapir.

37 () « Pour un commerce mondial plus juste », mars 2007.

38 () Cette étude est basée sur les données commerciales Comtrade et les données tarifaires Macmaps intégrant les préférences commerciales et les droits spécifiques.

39 () « Incidences budgétaires d’un accord de partenariat économique ». Etude d’une équipe du FMI-Sénégal, mai 2008.

40 () Sur quatre millions de personnes actives au Sénégal, on compte seulement 250 000 inscrits à un régime de sécurité sociale.

41 () « Les dates spécifiées ne sont pas des dates limites mais des objectifs … L’objectif est la conclusion d’accords compatibles avec l’OMC et si nous pouvons mettre cette volonté politique en adéquation avec des accords adaptés aux attentes de chaque région, l’Union européenne pourra de manière efficace soutenir le développement économique et l’intégration régionale avec nos partenaires ACP ». Entretien dans la revue « Eclairages sur les négociations ». International centre for trade and substainable developpment (ICTSD), février 2009.

42 () COM (2007) 634 final.

43 () Communication de M. Jean-Claude Fruteau, au nom de la Délégation pour l’Union européenne, sur la proposition de règlement du Conseil appliquant aux marchandises originaires de certains Etats appartenant au groupe des Etats ACP les régimes prévus dans les accords établissant ou conduisant à établir des accords de partenariat économique (E 3709), 5 décembre 2007.

44 () Cette origine peut se faire soit à partir de seuils de valeur ajoutée, soit sur un changement de rubrique tarifaire où l’origine est conférée lorsque les matériaux sont transformés en produits pouvant être classés dans une rubrique tarifaire différente.

45 () La Déclaration des ministres de l’OMC à Singapour, 1996.

46 () Ghana, Kenya, Maurice, Seychelles, Botswana, Namibie, Swaziland, Fidji, Papouasie Nouvelle Guinée.

47 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 4 avril 2007 : « Vers une stratégie de l’Union européenne d’aide au commerce », (COM (2007)163 final).

48 () Ces pays sont engagés dans la préparation d’une deuxième zone monétaire qui devrait fusionner à terme avec la zone franc au sein d’une zone monétaire ouest africaine ; le calendrier en a été plusieurs fois repoussé.

49 () Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Swaziland, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe, Namibie, Afrique du Sud, Maurice, République démocratique du Congo, Seychelles

50 () Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au comité économique et social du 12 avril 2005, « Cohérence des politiques au service du développement - Accélérer la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement » (COM (2005) 134 final).

51 () Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 15 septembre 2009, « La cohérence des politiques pour le développement. Etablissement du cadre politique pour une approche « de toute l’Union » », (COM (2009) 458 final).

52 () Commerce, environnement, changement climatique, sécurité, agriculture, pêche, dimension sociale de la mondialisation, emploi et travail décent, migrations, recherche, société de l’information, transports et énergie.

53 () Rapport de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) sur les pays les moins avancés, « Etat-gouvernance et développement », juillet 2009.

54 () « Rapport de suivi mondial : une crise de développement », Banque mondiale, 2009.

55 () « Les implications de la crise financière globale pour les pays à faible revenu », FMI, mars 2009.

56 () IP/09/1589 du 27 octobre 2009.

57 () L’IFFIm est une institution internationale de développement destinée à accélérer la disponibilité des fonds qui seront utilisés pour des programmes de santé et de vaccination dans soixante-dix des pays les plus pauvres du monde.

58 () La déclaration de Paris du 2 mars 2005 est un accord international qui définit un plan d’action concret visant à améliorer la qualité de l’aide et son impact sur le développement. Elle énonce cinquante six engagements de partenariat articulés autour de cinq grands principes : appropriation, alignement, harmonisation, gestion axée sur les résultats et responsabilité mutuelle.

59 () « Efficacité de l’aide : les bénéfices d’une approche européenne », étude commandée par la Commission européenne, octobre 2009, IP/09/1571.

60 () Déclaration du Brésil au Conseil général de l’OMC, 5 février 2008.

61 () Le Brésil compte pour 1,5 % du commerce international.

62 () Entretien avec le commissaire Louis Michel, IPS, Bruxelles, 11 février 2008.

63 () « Au vu de l’expérience et de l’application croissante de ces instruments par ces membres, nous convenons de négociations visant  …à tenir compte des besoins des participants en développement et des moins avancés ».

64 () Règlement européen (COM (2007) 717 final) du 13 novembre 2007.

65 () Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au comité économique et social et au Comité des régions du 1er octobre 2008 : « Intégration régionale pour le développement des pays ACP », (COM (2008) 604 final).

66 () Cependant les paiements qui seront effectués en 2011 permettront d’épuiser les fonds du 9ème FED et de mobiliser pour la première fois les fonds du 10ème FED.

67 () L’initiative pour l’aide au commerce a été lancée en 2005 lors de la réunion ministérielle de Hong Kong, dans le cadre de l’agenda de Doha pour le développement. Les objectifs de l’aide au commerce est de permettre aux pays en développement d’utiliser le commerce de manière plus efficace pour favoriser la croissance, l’emploi et le développement et de faciliter l’accès de ces pays aux marchés internationaux, moyennant l’amélioration de leurs capacités d’offre et de leurs infrastructures liées au commerce.

68 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 4 avril 2007 : « Vers une stratégie de l’Union européenne d’aide au commerce », (COM (2007) 163 final).

69 () Pour la France, un cadre stratégique pour l’aide au commerce a été adopté par le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CECID). L’accent est mis sur l’appui aux intégrations régionales et la mise en œuvre des APE. L’objectif est de faire progresser de 50 % l’aide au commerce pour atteindre 850 millions d’euros à partir de 2010, soit une augmentation de 290 millions d’euros. Cette aide au commerce ciblera en priorité les pays pauvres et notamment l’Afrique Subsaharienne.

70 () L’Initiative Fast Track ou initiative de mise en oeuvre accélérée de l’éducation pour tous vise à appuyer la réalisation de l’objectif du Millénaire de scolarisation primaire universelle d’ici 2015. Lancée en 2002 sous l’impulsion de la Banque mondiale, cette initiative (FTI) est aujourd’hui portée par l’ensemble de la communauté internationale pour appuyer les pays à faible revenu qui s’engagent à appliquer des stratégies éducatives qui sont jugées crédibles.

L’initiative Fast Track est la première tentative d’opérationnalisation du consensus de Monterrey, qui appelle à une responsabilité partagée des pays en développement et de leurs partenaires dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Elle se veut également une réponse concrète à l’engagement que la communauté internationale avait pris lors du forum de Dakar sur l’éducation en 2000 : « Aucun pays présentant un plan crédible ne se verra empêché par manque de ressources ».

L’ensemble des objectifs, principes et procédures de l’initiative ont été consignés dans un document cadre. La participation d’un pays à l’initiative intervient après évaluation positive par ses partenaires techniques et financiers de la stratégie éducative, conformément à un guide d’évaluation.

71 () « Etat de la sécurité alimentaire dans le monde. 2009. Crises économiques, répercussions et enseignements », FAO, septembre 2009.

72 () « La crise silencieuse de la faim qui touche un sixième de l’humanité représente une grave menace pour la paix et la sécurité mondiales. Nous devons de toute urgence dégager un large consensus sur l’éradication totale et rapide de la faim dans le monde », Jacques Diouf, directeur général de la FAO.

73 () Entretien dans «  le Monde » du 17 novembre 2009.

74 () Food and agriculture Organization, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

75 () « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2008-2017 », juin 2009.

76 () « Rapport sur le développement mondial. L’agriculture pour le développement », Banque mondiale, 2008.

77 () Déclaration conjointe de l’Aquila.

78 () « Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture », think thank d’origine française créé en 2005 qui collabore notamment avec la FAO. Voir www.momagri.org.

79 () « Les fausses promesses de la libéralisation des marchés agricoles », Momagri, 2009.

80 () « Faire de la crise un atout : renforcer le multilatéralisme », rapport d’Olivier De Schutter, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, juillet 2009.

81 () Ce pourcentage est en légère hausse par rapport à 2007, 5,2 %, le Gouvernement ayant lancé la GOANA (Grande offensive agricole pour la nourriture et l’abondance).

82 () Par exemple, au Niger, entre novembre 2007 et février 2008, les prix étaient particulièrement bas et c’est à ce moment que les producteurs ont vendu l’essentiel de leur moisson. Entre juillet et novembre, les prix ont flambé et ils n’avaient plus rien à vendre alors même qu’il leur fallait rembourser leurs crédits. Une capacité de stockage pour écouler progressivement leurs récoltes leur aurait donné un surcroît de revenu, donc de capacité d’emprunt pour financer la récolte ultérieure.