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N° 2229

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l'Union européenne et le renforcement de la protection de l’environnement

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Gérard VOISIN,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

CHAPITRE I : L’ACTION COMMUNAUTAIRE EN MATIERE D’ENVIRONNEMENT 9

I. UN CHAMP D’INTERVENTION LARGE DE L’UNION EUROPÉENNE COUVRANT LA PLUPART DES DOMAINES ABORDÉS DANS LE PROJET DE LOI 11

A. LA BIODIVERSITÉ 11

B. L’EAU 11

C. LES DÉCHETS 12

D. L’APPLICATION DU DROIT EUROPÉEN DE L’ENVIRONNEMENT 12

II. LE DÉVELOPPEMENT D’UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE L’ÉNERGIE 15

A. L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE 15

B. LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 17

DEUXIEME CHAPITRE : LA POLITIQUE AGRICOLE 19

I. DES MESURES INCITANT À DE BONNES PRATIQUES AGRICOLES 21

A. L’ÉCOCONDITIONNALITÉ DES AIDES (PREMIER PILIER) 21

B. LES MESURES DE DÉVELOPPEMENT RURAL (SECOND PILIER) 21

II. LA LÉGISLATION ENVIRONNEMENTALE DANS LE DOMAINE DE L’AGRICULTURE 23

TROISIEME CHAPITRE : LES TRANSPORTS 25

I. LES MESURES EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS COLLECTIFS URBAINS ET PÉRIURBAINS 25

A. LE LIVRE VERT « VERS UNE NOUVELLE CULTURE DE LA MOBILITÉ URBAINE » N’A PAS CONDUIT À LA MISE EN œUVRE D’UN PLAN D’ACTION DE L’UNION EUROPÉENNE. 25

B. LE SOUHAIT DE PROMOUVOIR UNE POLITIQUE INTÉGRÉE DES TRANSPORTS URBAINS EST REPRIS DANS LE PROJET DE LOI « GRENELLE II » 27

1. Une stratégie globale 28

a) Lutter contre la congestion des villes : « pour des villes fluides » 28

b) La protection de l’environnement des villes : « pour des villes moins polluées » 28

c) Promouvoir le développement économique des villes 29

2. Une stratégie largement approuvée 29

II. L’IMPOSSIBILITÉ DE METTRE EN PRATIQUE LE LIVRE VERT PAR DES NORMES COMMUNAUTAIRES 31

A. L’INVOCATION DU RESPECT DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ 31

1. Une très large compétence des Etats membres : un postulat consensuel 31

2. Les interprétations contradictoires de l’étendue de la compétence des Etats membres 32

B. LA DÉMARCHE JUGÉE INSUFFISANTE ET INSATISFAISANTE DE LA COMMISSION 32

1. La définition et le traitement restrictifs des thèmes abordés par le Livre vert 32

2. Les réserves quant à l’adéquation des solutions envisagées aux fins poursuivies par le Livre vert 33

III. LES DEFIS DE LA MOBILITE URBAINE : DES MESURES RELATIVES AUX PEAGES TRANSPOSENT OU ANTICIPENT DES DIRECTIVES EUROPEENNES 35

A. LE PÉAGE DES CAMIONS 37

B. L’INTEROPÉRABILITÉ DES PÉAGES 39

IV. L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE DES NUISANCES AÉROPORTUAIRES 41

CONCLUSION 43

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

ANNEXE : LE PEAGE POUR LES POIDS LOURDS EN ALLEMAGE 47

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L’article 151-1-1 du règlement de l’Assemblée nationale permet à la Commission des affaires européennes, à son initiative ou à la demande d’une commission permanente ou spéciale saisie au fond d’un projet ou d’une proposition de loi portant sur un domaine couvert par l’activité de l’Union européenne, de formuler des observations sur toute disposition de ce projet ou de cette proposition.

Ce rapport s’inscrit dans ce nouveau cadre réglementaire. Le rapporteur présente une analyse globale de l’articulation des objectifs avancés par le projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environement, dit Grenelle II, avec la politique de l’Union européenne dans ce domaine, qui en a fait une de ses priorités.

Les objectifs de l’Union européenne en matière d’environnement ont été rappelés par le Conseil européen du 11 décembre 2009, qui réaffirme la pertinence de la stratégie de développement durable adoptée par le Conseil européen, en juin 2006, qui concerne toutes les politiques de l’Union européenne et a pour but de répondre aux besoins du présent sans obérer la capacité des générations futures.

La stratégie de développement durable qui traite de manière intégrée les aspects économique, environnemental et social, vise à relever les sept grands défis suivants :

- le changement climatique et l’énergie propre,

- le transport durable,

- la consommation et la production durables,

- la conservation et la gestion des ressources naturelles,

- la santé publique,

- l’inclusion sociale, les questions démographiques et migratoires,

- la pauvreté dans le monde.

En précisant les objectifs poursuivis par l’Union européenne lors de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, le Conseil indiquait, en particulier, que l’Union européenne « est à l’avant-garde des efforts qui sont déployés pour lutter contre le changement climatique. Dans le cadre d’un accord planétaire et global pour l’après-2012, l’Union européenne réitère son offre conditionnelle de porter la réduction à 30 % en 2020 par rapport aux niveaux atteints en 1990, pour autant que d’autres pays développés prennent l’engagement de parvenir à des réductions comparables de leurs émissions et que les pays en développement contribuent à l’effort de façon appropriée, en fonction de leurs responsabilités et de leurs capacités respectives. »

« L’accord de Copenhague devrait comprendre des dispositions prévoyant que l’on agisse immédiatement, dès 2010…. ».

Les objectifs affirmés dans l’exposé des motifs du projet de loi « portant engagement national pour l’environnement » (n° 1965), dit « Grenelle II » s’intègrent parfaitement aux perspectives tracées par le Conseil européen.

Pour ce dernier, aux « termes du traité de Lisbonne, le développement durable demeure un objectif fondamental de l’Union européenne. Comme le souligne la présidence(2), la stratégie continuera à fournir une vision à long terme et constituera le cadre politique global dans lequel s’inscriront toutes les politiques et stratégies de l’Union.

« Des mesures urgentes s’imposent pour infléchir un certain nombre de tendances qui ne sont pas compatibles avec le développement durable. Des efforts supplémentaires importants doivent être consentis pour lutter contre le changement climatique et s’y adapter, pour réduire la consommation élevée d’énergie dans le secteur des transports, ainsi que pour enrayer la perte de la biodiversité et de ressources naturelles que l’on connaît aujourd’hui. Le passage à une économie sûre et viable, à faibles émissions de CO2 et à faible consommation d’intrants devra faire l’objet d’une attention accrue à l’avenir. Lors des futures évaluations, des actions prioritaires devraient être précisées plus clairement. Il y a lieu de renforcer la gouvernance, y compris les mécanismes de mise en oeuvre, de surveillance et de suivi, notamment en établissant plus clairement des liens avec la future stratégie UE 2020 et d’autres stratégies transversales. »

Le projet de loi dit « Grenelle II », qui constitue la déclinaison technique et territoriale du « Grenelle 1 », avec ses 268 engagements et 800 actions présente un ensemble apparemment disparate mais cohérent anticipant souvent sur la législation européenne à venir, par exemple en matière de péage routier.

Avec ce projet de loi, la France ne se contente pas de transcrire des directives, parfois avec un certain retard, ce qui lui a été souvent reproché dans le passé, elle devient un Etat pionnier de la lutte contre le réchauffement climatique, comme de la protection de l’environnement en général.

Néanmoins cette exemplarité ne doit pas obérer la compétitivité de nos entreprises ni trop alourdir les dépenses des ménages.

Pour cela, une politique européenne d’envergure est nécessaire et constitue le cadre dans lequel doit agir le législateur national.

CHAPITRE I :
L’ACTION COMMUNAUTAIRE EN MATIERE D’ENVIRONNEMENT

Le traité de Rome ne prévoyait pas de compétence communautaire en matière d’environnement. Ce n’est qu’avec la prise de conscience des risques environnementaux, à partir des années 1970, qu’est apparue la nécessité d’une action à l’échelle européenne, justifiée par le caractère transnational des atteintes à l’environnement. L’objectif de protection de l’environnement et des ressources naturelles affirmé par les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de la CEE au sommet de Paris le 20 octobre 1972 a initié l’adoption d’une législation en matière environnementale, malgré l’absence dans le traité de base juridique spécifique. Les actes en matière d’environnement étaient fondés soit sur l’harmonisation en faveur du marché intérieur soit sur l’ajustement des compétences de la Communauté à ses objectifs.

En 1986, l’Acte unique européen a introduit dans le traité des dispositions consacrées à l’environnement qui reconnaissent explicitement la compétence communautaire, partagée avec les Etats membres. Auparavant, en 1985, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) avait reconnu que la protection de l’environnement constituait l’un des objectifs essentiels de la Communauté(3). Le traité d’Amsterdam a renforcé la prise en compte de l’environnement en affirmant que « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en oeuvre des politiques et actions de la Communauté visées à l’article 3, en particulier afin de promouvoir le développement durable ». Des mesures relatives à l’environnement peuvent donc être adoptées dans le cadre des différentes politiques de l’Union européenne, par exemple la politique agricole commune, le marché intérieur ou la politique des transports. Le traité de Lisbonne n’a pas apporté de changement majeur en matière d’environnement mais a créé une base pour une politique européenne de l’énergie, notamment en matière d’efficacité énergétique, d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables.

Aujourd’hui, le droit communautaire de l’environnement forme un vaste ensemble d’environ deux cents actes et on estime que 80 % du droit français de l’environnement dérive de la législation communautaire. L’action de l’Union européenne est définie dans des programmes d’action(4) et des stratégies thématiques, et inclut des soutiens financiers (par le biais des fonds structurels et du programme LIFE+).

Alors que la France s’est engagée dans la démarche ambitieuse du Grenelle de l’environnement, le présent rapport a pour objectif une mise en perspective des efforts nationaux par rapport aux politiques européennes. Comme le soulignent à juste titre les conclusions du groupe V du Grenelle de l’environnement, consacré à la gouvernance, l’articulation entre politiques locales, nationales et politiques communautaires est essentielle et « la stratégie européenne de développement durable est une référence pour la stratégie nationale de développement durable ». La capacité d’initiative de la France en matière environnementale est également un enjeu important, comme l’a montré l’adoption du paquet énergie-climat en décembre 2008 sous présidence française.

La plupart des domaines couverts par le projet de loi portant engagement national pour l’environnement font l’objet d’une législation européenne. Il ne s’agira pas dans le présent rapport de procéder à un inventaire exhaustif des différents textes, mais de présenter les grandes lignes du droit européen et sur certains sujets les possibilités de synergies entre les efforts nationaux et ceux réalisés dans le cadre de l’Union européenne.

I. UN CHAMP D’INTERVENTION LARGE DE L’UNION EUROPÉENNE COUVRANT LA PLUPART DES DOMAINES ABORDÉS DANS LE PROJET DE LOI

A. La biodiversité

L’Union européenne et ses Etats membres sont parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, entrée en vigueur en 1993.

Par ailleurs, en 2001, le Conseil européen de Göteborg affirmé que l’Union devait mettre un terme à la perte de biodiversité d’ici 2010. En mai 2006, la Commission européenne a adopté une communication et un plan d’action sur la biodiversité. La politique de l’Union se fonde sur la directive du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages(5) (directive « oiseaux ») et sur la directive du 21 mai 1992 relative à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages(6) (directive « habitats »). Cette dernière directive vise à la constitution d’un réseau européen de sites écologiques, le réseau Natura 2000, qui inclut aujourd’hui environ 25 000 sites, représentant 17 % du territoire de l’Union européenne.

Le Conseil environnement a adopté le 25 juin 2009 des conclusions sur l’évaluation à mi-parcours du plan d’action sur la biodiversité et sur le lancement d’une stratégie relative aux espèces exotiques envahissantes.

B. L’eau

Une vingtaine de directives sectorielles réglemente la lutte contre la pollution des eaux douces. Les normes varient selon les utilisations (eau potable, eaux de baignade…). Une directive-cadre s’applique aux substances dangereuses(7). La directive cadre sur l’eau 2000/60/CE du 23 octobre 2000 prévoit l’abrogation à terme de certaines de ces directives sectorielles. Résultant d’une longue négociation, elle a pour objectif la qualité des eaux souterraines et des eaux de surface, y compris des eaux côtières. Elle prévoit une gestion de l’eau dans le cadre de districts hydrographiques (regroupant les bassins hydrographiques) qui peuvent concerner plusieurs Etats membres, principe qui existait déjà en droit français. A partir de 2010, les Etats membres doivent assurer que la tarification incite à une utilisation efficace des ressources. La directive inclut une liste des substances polluantes prioritaires, qui doivent faire l’objet de mesures de contrôle et de normes de qualité pour leurs concentrations.

L’Union européenne est également fortement engagée dans la lutte contre la pollution marine. En juin 2008, elle a adopté la directive cadre « stratégie pour le milieu marin »(8). Quatre régions sont distinguées en Europe : la mer Baltique, l’Atlantique du Nord-Est, la mer Méditerranée et la mer Noire. La directive encadre les mesures des Etats membres pour « réaliser ou maintenir un bon état écologique du milieu marin au plus tard en 2020 ». Elle prévoit la définition et la mise en œuvre de stratégies marines régionales et la coordination des actions des Etats membres. L’Union européenne a également une politique en matière de sécurité maritime visant à prévenir et à sanctionner la pollution causée par les navires.

C. Les déchets

La directive cadre sur les déchets de 2006(9) prévoit que les Etats membres veillent à prévenir ou réduire la production de déchets, à valoriser ces déchets et à défaut à ce qu’ils soient éliminés sans danger et conformément au principe pollueur-payeur. Cette directive sera remplacée à partir du 31 décembre 2010 par la directive 2008/98/CE. Celle-ci encourage la prévention et crée des obligations pour le tri du papier, du métal, du plastique et du verre. Elle inclut également des objectifs chiffrés en matière de recyclage.

La directive 2000/76/CE réglemente l’incinération des déchets.

Il existe par ailleurs des législations spécifiques pour différents types de déchets. Deux propositions de directives sur les déchets électriques et électroniques sont actuellement discutées(10).

D. L’application du droit européen de l’environnement

L’environnement est une compétence partagée entre les Etats membres et l’Union européenne. Le principe de subsidiarité joue un rôle important et la législation communautaire repose essentiellement sur des directives devant faire l’objet de mesures de transposition nationales.

Selon le dernier tableau d’affichage du marché intérieur (document faisant état des résultats en matière de transposition et d’application des règles du marché intérieur), publié le 16 juillet 2009, le secteur de l’environnement représente 21 % des procédures d’infraction au droit communautaire et parmi ces procédures, plus de la moitié sont liées à l’eau et aux déchets.

Dans un rapport d’information publié en juin 2008(11), la sénatrice Mme Fabienne Keller souligne que la situation française s’est améliorée, du fait notamment d’une plus forte mobilisation de l’administration. Elle met en avant l’impact potentiellement positif du développement des évaluations d’impact réalisées par le MEEDDAT sur les textes européens en cours de négociation. Globalement, les résultats de la France pour la transposition des directives se sont très nettement améliorés ces dernières années. Le dernier tableau d’affichage précité fait état d’un déficit de transposition de 0,8 %, ce qui dépasse l’objectif de 1 %. Le nombre de procédures d’infractions ouvertes a baissé de 21 % par rapport à 2006(12).

II. LE DÉVELOPPEMENT D’UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE L’ÉNERGIE

A. L’efficacité énergétique

La volonté d’améliorer l’efficacité énergétique repose sur deux préoccupations : la lutte contre le changement climatique et le renforcement de la sécurité énergétique.

Le 19 octobre 2006, la Commission européenne a adopté un plan d’action pour l’efficacité énergétique(13), visant à atteindre l’objectif de 20 % de réduction de la consommation annuelle d’énergie primaire d’ici 2020. Le plan couvre la période 2007-2012. Il identifie différentes mesures dans les domaines suivants : écoconception et étiquetage des produits, renforcement de l’efficacité énergétique des bâtiments, réduction de la consommation énergétique des différents modes de transport, amélioration de la conversion d’énergie. La deuxième analyse stratégique de la politique énergétique présentée par la Commission européenne le 13 novembre 2008(14) fait de l’efficacité énergétique un objectif essentiel de l’action de l’Union européenne. La résolution du 17 juin 2009(15), proposée par MM. André Schneider et Philippe Tourtelier sur la base de leur rapport d’information pour la Commission des affaires européennes(16), souligne cependant que : « les progrès réalisés en matière de recours aux énergies renouvelables et en matière d’économies d’énergie sont trop lents pour espérer atteindre en 2020 les objectifs que l’Union européenne s’est fixé » et « appelle le Gouvernement français à soutenir la demande faite par le Parlement européen, dans sa résolution du 3 février 2009, de rendre juridiquement contraignant l’objectif d’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique dans l’Union européenne d’ici 2020 ».

La directive 2002/91/CE du 16 décembre 2002 sur la performance énergétique des bâtiments définit une méthodologie commune de calcul de la performance énergétique intégrée des bâtiments. Elle établit des normes minimales relatives à la performance énergétique des bâtiments neufs et des bâtiments existants lorsqu’ils font l’objet de travaux de rénovations importants et détermine les systèmes de certification pour les bâtiments neufs et existants. La directive concerne le secteur résidentiel et le secteur tertiaire (notamment les bureaux et les bâtiments publics).

La directive 2005/32/CE du 6 juillet 2005 établit un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits consommateurs d’énergie. Une proposition visant à étendre ces exigences à l’ensemble des produits(17) est en cours d’adoption.

La directive 97/75/CEE du 22 septembre 1992 réglemente l’étiquetage des appareils ménagers en matière de consommation d’énergie.

Le 13 novembre 2008, la Commission européenne a proposé un « paquet » relatif à l’efficacité énergétique. Celui-ci comprend plusieurs textes :

- une refonte de la directive relative à la performance énergétique des bâtiments(18) ;

- une proposition de directive relative à l’étiquetage des produits liés à l’énergie(19) ;

- une proposition de directive sur l’étiquetage des pneumatiques(20).

La France s’est montrée favorable à une adoption rapide de ces trois instruments.

Le 18 novembre 2009, le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord sur la proposition de directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments, qui doit encore être adopté formellement par les deux institutions. L’accord prévoit que les bâtiments construits à partir de 2021 devront respecter des normes élevées en matière d’économies d’énergie, qui s’imposeront dès 2018 aux pouvoirs publics. Des niveaux minimums d’utilisation des énergies renouvelables sont fixés. Les Etats membres sont invités à encourager l’installation de « compteurs intelligents », ainsi que de pompes à chaleur et de systèmes basés sur les énergies renouvelables.

La proposition relative à l’étiquetage énergétique vise à élargir le champ de la directive de 1992 déjà citée à tous les produits liés à l’énergie. Elle a également fait l’objet d’un accord entre le Parlement européen et le Conseil en novembre 2009 mais doit encore être adoptée formellement.

La proposition relative à l’étiquetage des pneumatiques a été adoptée définitivement par le Parlement européen en deuxième lecture le 25 novembre 2009.

B. La lutte contre le changement climatique

L’Union européenne et ses Etats membres sont parties à la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique et au protocole de Kyoto. La décision du Conseil de 2002 approuvant le protocole(21) et une décision de la Commission européenne de 2006(22) pour les nouveaux Etats membres répartissent l’effort global de réduction des émissions entre les Etats membres en fonction de leur croissance économique, de leur bouquet énergétique et de la structure de leur industrie. Comme quatre autres Etats membres de l’UE-15 (Allemagne, Suède, Grèce et Royaume-Uni), la France a d’ores et déjà dépassé l’objectif de réduction de ses émissions (- 5,6 % en 2007 par rapport à 1990, alors qu’un objectif de stabilisation d’ici 2012 avait été fixé).

Afin de respecter les objectifs du protocole de Kyoto, l’Union européenne a adopté en 2003 un système communautaire d’échange de quotas d’émissions (SCEQE)(23). Ce système est mis en œuvre depuis 2005 et le sera jusqu’à 2012, fin de la période que couvre le protocole.

Le paquet énergie-climat, proposé par la Commission européenne en janvier 2008, puis adopté par le Parlement européen en décembre 2008, sous présidence française de l’Union européenne, et formellement par le Conseil en avril 2009, anticipe la période post-Kyoto.

Le paquet énergie-climat repose sur des objectifs très ambitieux, résumés par la règle des « trois fois vingt » d’ici 2020 :

- réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ; l’Union européenne s’est de surcroît engagée à porter son effort de réduction des émissions à 30 % si les autres Etats développés adoptaient des objectifs comparables et si les pays en développement fournissaient des efforts adaptés à leurs responsabilités et leurs capacités. Les Etats membres ont cependant des opinions divergentes sur ce passage à 30%. On peut rappeler que la France a souhaité porter l’objectif européen à 30 % lors de la conférence de Copenhague sur le changement climatique qui s’est tenue en décembre dernier ;

- augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique ;

- proportion de 20 % d’énergies renouvelables dans la production d’énergie.

Le paquet se compose de quatre textes :

- une directive révisant la directive SCEQE afin d’étendre son champ d’application et de modifier les modalités d’allocation(24) ;

- une décision sur le partage des efforts entre Etats membres(25), visant les secteurs non couverts par le SCEQE comme les transports (hors aviation, qui sera intégrée dans le SCEQE à partir de 2012), les bâtiments, les services, l’agriculture et les déchets. L’objectif est une réduction de 10 % des émissions par rapport au niveau de 2005. Les efforts sont répartis entre les Etats membres en fonction des niveaux de PIB ;

- une directive sur les énergies renouvelables(26) ;

- une directive sur le stockage géologique du dioxyde de carbone(27).

Cet ensemble législatif a fait l’objet d’une analyse détaillée dans les rapports d’information n° 1260 et n°2124 de MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert. On peut rappeler que, dans le cadre de la nouvelle directive SCEQE, des plafonds sectoriels remplaceront les plafonds nationaux d’application et que les quotas feront l’objet d’une mise aux enchères progressive (pour l’électricité, ils seront mis intégralement aux enchères d’ici 2013).

La directive sur les énergies renouvelables définit des objectifs nationaux contraignants pour chaque Etat membre, afin d’atteindre l’objectif global de 20% d’énergies renouvelables d’ici 2020. Pour la France, l’objectif est de 23 %. Dans le secteur des transports, l’objectif au niveau européen est d’atteindre une part d’énergies renouvelables de 10 % d’ici 2020.

DEUXIEME CHAPITRE :
LA POLITIQUE AGRICOLE

La politique agricole constitue à l’évidence un volet majeur de l’action de l’Union en matière d’environnement. La maîtrise de ses impacts – globaux, s’agissant du changement climatique, ou locaux et régionaux, en ce qui concerne les pollutions diffuses – constitue une priorité européenne.

En ce qui concerne la problématique climatique, le protocole de Kyoto ne mentionnait pas l’agriculture en tant que telle : à Copenhague, elle a gagné un début de reconnaissance. Il est notamment indiqué que l’agriculture sera prise en compte pour sa spécificité, à savoir nourrir la planète. Or, il est difficile pour accroître la production alimentaire de ne pas augmenter les émissions de carbone. La Commission européenne, lors du Conseil « Agriculture » du 16 décembre 2009, a développé le concept de « croissance verte » autour duquel elle propose de renforcer les domaines d’intervention du second pilier de la Politique agricole commune (PAC) qui devrait consolider à la fois la compétitivité du secteur agricole et l’environnement dans le milieu rural.

Par ailleurs, la réforme de la PAC en 2003 a introduit la notion d’écoconditionnalité dans l’attribution des aides et le bilan de santé présenté en novembre 2008 se donnait notamment pour but d’apporter une réponse à la question : « Comment relever les nouveaux défis tels que le changement climatique, les biocarburants, la gestion de l’eau et la protection de la biodiversité ? ». Le bilan de santé a donc réduit le montant des aides directes du premier pilier pour les transférer sur le second pilier. Par ailleurs, plusieurs points de la législation environnementale européenne ont pour objet spécifique de limiter les conséquences du changement climatique.

I. DES MESURES INCITANT À DE BONNES PRATIQUES AGRICOLES

A. L’écoconditionnalité des aides (premier pilier)

En 2003, l’aide financière attribuée aux agriculteurs a pris la forme d’aides découplées de la production, c’est-à-dire sans relation avec les quantités produites. Cela s’est traduit de facto par une réduction des aides pour l’agriculture intensive. Ce soutien découplé est par ailleurs conditionné à une gestion agricole respectueuse de l’environnement. L’écoconditionnalité attache les paiements directs au respect des règles environnementales et aux autres réglementations édictées par l’Union européenne. Les bénéficiaires sont tenus de conserver la terre en bonne condition environnementale et agricole. Les agriculteurs qui ne respectent pas ces normes s’exposent à une réduction de leurs aides. Les Etats membres définissent un cahier des charges avec des pratiques obligatoires au sein de l’exploitation comme conserver le caractère biologique du sol ou la protection des pâturages qui permettent une meilleure absorption du carbone par le sol.

En 2008, dans le cadre du bilan de santé, de nouvelles exigences ont été ajoutées  destinées à préserver les avantages environnementaux des jachères et à améliorer la gestion de l’eau.

B. Les mesures de développement rural (second pilier)

A côté des mesures de marché (premier pilier), la politique de développement rural (deuxième pilier) est devenu un élément essentiel de la PAC. Son objectif est de mettre en place un cadre cohérent et durable garantissant l’avenir. Certaines mesures dans le cadre de la politique de développement rural peuvent contribuer à la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, comme la modernisation des exploitations agricoles (équipements et bâtiments économes en énergie), la formation et les conseils aux agriculteurs.

En proposant de dédommager les agriculteurs des frais supplémentaires engendrés par la protection de l’environnement, les projets agroenvironnementaux peuvent encourager l’adoption de mesures pour limiter les émissions et accentuer l’absorption de carbone.

Dans le bilan de santé de la PAC, une des questions essentielles était de relever le défi du changement climatique, des biocarburants, de la gestion de l’eau et de la protection de la biodiversité. Dans ce cadre ont été adoptées des mesures de transfert de fonds entre le budget des aides directes et celui du développement rural. Les agriculteurs percevant des aides directes d’un montant supérieur à 5 000 euros voient ces paiements réduits de 5 %, les fonds correspondant étant transférés au budget du développement rural. Ce taux sera porté à 10 % d’ici 2012, une réduction supplémentaire de 4 % étant appliquée aux paiements supérieurs à 300 000 euros. Les fonds provenant de ce mécanisme pourront être utilisés par les Etats membres pour renforcer les programmes concernant le changement climatique, les énergies renouvelables, la gestion de l’eau, la biodiversité et l’innovation liée aux quatre thèmes précédent. Ces fonds transférés seront cofinancés par l’Union européenne à hauteur de 75 % et de 90 % dans les régions de convergence(28).

II. LA LÉGISLATION ENVIRONNEMENTALE DANS LE DOMAINE DE L’AGRICULTURE

La directive nitrates n° 91/676/CEE du 31 décembre 1991 concernant la protection de l’eau contre la pollution causée par les nitrates émanant de l’agriculture est le principal instrument de lutte contre les pollutions azotées d’origine agricole constituant la majeure partie des pollutions diffuses. La directive gérée par les Etats membres, implique : le contrôle de la qualité de l’eau en relation avec l’agriculture, la définition de zones vulnérables aux nitrates et l’élaboration de codes (facultatifs) de bonnes pratiques de l’agriculture et de mesures (obligatoires) à accomplir dans les programmes d’action des zones sensibles aux nitrates. La directive établit également une limite maximale par hectare d’azote émis par le cheptel soit 170 kg d’azote par hectare et par an. Les codes de bonne conduite comprennent les périodes d’application et d’usage d’engrais à proximité de cours d’eaux et sur les pentes, les effluents d’élevage et la diffusion pour le roulement des cultures. Le respect de la directive nitrates est un des critères de la conditionnalité des aides de la PAC.

Transposée en droit français par le décret n° 93-1038 du 27 août 1993, son application se décline en trois volets :

- la délimitation de zones vulnérables ;

- la définition et la mise en œuvre de programmes d’actions en zones vulnérables se traduisant par l’obligation pour tout agriculteur dont l’exploitation se situe toute ou pour partie en zone vulnérable de respecter un ensemble de prescriptions concernant notamment le raisonnement de la fertilisation azotée ;

- l’application d’un code national de bonnes pratiques en dehors des zones vulnérables.

Environ 50 % de la surface agricole française fait l’objet d’un classement en zone vulnérable.

La directive de contrôle et de prévention de la pollution intégrée n° 96/61 du 24 septembre 1996 vise à réduire la pollution environnementale et les nuisances émanant d’infrastructures et d’opérations de grande envergure. Cette directive couvre les élevages de plus de 2000 cochons et/ou 750 truies et/ou 40 000 poulets. Les mesures applicables dans ces exploitations sont destinées à réduire les émissions d’ammoniaque qui n’est pas un gaz à effet de serre ; cependant, les directives sur le traitement des effluents d’élevage affectent aussi les émissions de méthane et de protoxyde d’azote. Une version révisée de cette directive vise à améliorer sa mise en œuvre.

La directive sur les plafonds nationaux d’émissions de certains polluants atmosphériques n° 2001/81 du 23 octobre 2001 se place dans le cadre de la politique générale de l’Union européenne sur la qualité de l’air. Elle définit les limites maximales, pour chaque Etat membre, des émissions totales, en 2010, des quatre substances polluantes responsables de l’acidification, de l’eutrophisation et de la pollution à l’ozone ou au niveau du sol. Le choix des mesures à prendre afin de respecter la législation est confié à chaque Etat membre qui sont contraints d’élaborer des programmes nationaux exprimant la manière dont ils respecteront le plafonds d’émissions d’ici 2010.

La directive établissant le cadre d’une action communautaire pour la politique de l’eau n° 2000/60 du 23 octobre 2000 a pour objectif général d’établir un cadre visant à protéger l’eau sous toutes ses formes, d’éviter sa détérioration, de protéger la qualité des écosystèmes des zones humides, de promouvoir l’eau dans une optique durable et de minimiser les effets des inondations ou des sécheresses. Il revient aux Etats membres de désigner des bassins fluviaux et la préparation des plans de gestion, incluant des programmes de mesures. Cette directive est ainsi un outil pour la gestion de la pression des activités agricoles sur la qualité et la quantité de l’eau en vue d’atténuer et d’adapter les effets du changement climatique.

Le projet de directive en faveur de la protection des sols propose un cadre et des objectifs communs pour prévenir la dégradation des sols, préserver les fonctions qu’ils exercent et remettre en état les sols dégradés. Ce projet est pour l’heure en cours de discussion, le Conseil environnement de juin 2009 ayant constaté une minorité de blocage. La France qui fait partie de cette minorité n’a pas d’opposition de principe à la mise en place d’une politique européenne en matière de sols mais souhaite que la directive guide les Etats membres dans la définition d’un programme d’actions concrétés et ciblées selon la méthode du Grenelle de l’environnement.

TROISIEME CHAPITRE :
LES TRANSPORTS

Le secteur des transports est régi par une législation communautaire extrêmement abondante. Aujourd’hui plus des trois quarts des textes soumis au Parlement dans ce domaine sont la traduction de normes européennes. Cela est parfaitement logique car il ne saurait y avoir de liberté des échanges en présence d’entraves en matière de transports.

Au niveau français, la politique des transports s’inscrit depuis la fin 2007 dans une stratégie clairement exprimée par le Grenelle de l’environnement (qui a consacré aux transports l’une de ses tables rondes, le 24 octobre 2007). Le « Grenelle I » encourage le transfert modal en prévoyant la construction de 2 000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse d’ici 2020 ainsi que la mise en place d’une taxe poids lourds, ou « éco-redevance » à compter de 2011 sur le réseau national.

I. LES MESURES EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS COLLECTIFS URBAINS ET PÉRIURBAINS

Dans le domaine des transports urbains, un grand nombre de mesures proposées par le projet de loi étaient suggérées par le Livre vert.

A. Le Livre vert « Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine » n’a pas conduit à la mise en œuvre d’un plan d’action de l’Union européenne.

La Délégation pour l’Union européenne a examiné le 8 juillet 2008 le Livre vert.

Dans ce document, le rapporteur soulignait que, dans l’Union européenne, plus de 60 % de la population vit en milieu urbain. Les villes sont le moteur de l’économie européenne. Elles attirent l’investissement et l’emploi. Elles sont indispensables au dynamisme de l’économie. Les zones urbaines constituent désormais le cadre de vie de l’immense majorité de nos concitoyens, auxquels il faut offrir une qualité de vie aussi élevée que possible. C’est pourquoi une réflexion commune sur la question de la mobilité urbaine est aujourd’hui nécessaire.

Les villes européennes sont toutes différentes, mais elles font face à des défis similaires et sont à la recherche de solutions partagées. Face à cette problématique, les collectivités locales ne peuvent rester isolées, sans coopération ni coordination au niveau européen. C’est tous ensemble, et à tous niveaux, qu’ils soient local, régional, national ou européen, que nous devons lancer la réflexion sur cet enjeu capital : la mobilité urbaine.

La Commission européenne a présenté, le 25 septembre 2007, un Livre vert intitulé « Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine », qui, tout en tenant compte de ces considérations, expose une stratégie globale destinée à permettre aux villes de relever cinq défis :

- la congestion ;

- la pollution ;

- la hausse incessante des flux de transport de marchandises et de voyageurs ;

- l’accessibilité aux zones urbaines ;

- la sûreté et la sécurité des transports.

A l’évidence, la consultation ainsi ouverte à l’occasion de ce Livre vert a suscité un très vif intérêt, comme en témoignent les 450 contributions qui ont été reçues par la Commission.

Pour ce qui est de la France, l’intérêt de cette consultation tient aussi à ce qu’elle s’est déroulée parallèlement aux travaux du Grenelle de l’environnement, dont les préoccupations coïncident avec les options stratégiques de la Commission.

Pour autant, malgré l’approbation très large dont a bénéficié la démarche de la Commission, le Livre vert n’a pas pu aboutir du fait de l’opposition des états devant l’intervention communautaire dans des domaines touchant aux compétences des collectivités locales en matière d’urbanisme. En particulier le souhait de la Commission européenne de promouvoir des plans de déplacement urbain a fait l’objet d’un rejet des états au nom de la subsidiarité.

Ce blocage a conduit le Parlement européen à adopter, le 29 avril 2009, le rapport de Gilles Savary relatif au plan d’action sur la mobilité urbaine en considérant qu’« à défaut de publication du projet de Plan d’action de la Commission » et « eu égard à la proximité de l’échéance des élections européennes de juin 2009 » il devait « exceptionnellement de produire le rapport d’initiative sur le Plan d’action, ex nihilo ». Ce texte indique notamment que « la question des transports urbains ne peut pas durablement rester étrangère à la politique de transports de l’Union européenne, en cela qu’elle conditionne :

- la mobilité de personnes et des biens en application du principe de liberté de circulation à la base de la construction du marché intérieur européen ;

- l’organisation des pôles d’échange intermodaux entre l’aérien, le maritime, le fluvial, le routier et le ferroviaire sur le territoire de l’Union ;

- la connexion des zones urbaines aux réseaux transeuropéens de transports et le bon accomplissement des 30 projets prioritaires retenus dans la programmation de 2004 des RTE-T».

Il rappelle aussi le rôle de l’Union européenne en matière de transports urbains, notamment le strict respect du principe de subsidiarité. Aussi, « l’Union européenne ne peut donc envisager la moindre initiative prescriptive concernant la politique de transport des autorités locales ». Toutefois, « l’Europe est fondée, par tous les moyens lui permettant d’apporter une valeur ajoutée aux décisions locales, à encourager les transports urbains à concourir aux objectifs généraux de sa politique de préservation de l’environnement et de lutte contre le changement climatique ».

Pour le Parlement, « encourager une mobilité urbaine plus durable revient tout à la fois :

- à agir sur les comportements des usagers des transports et de l’espace public pour les inciter à optimiser et à diversifier leurs modes de déplacements au regard des modes de vie et des contraintes spécifiques à l’espace urbain ;

- à adapter physiquement et qualitativement l’offre de déplacements et les modes de transports urbains, aux objectifs d’amélioration du cadre de vie, de respect des objectifs climatiques et environnementaux de l’Union, de diversification, d’accessibilité physique et tarifaire pour tous les types de publics, de sûreté et de confort des modes de déplacement urbains ».

Si ce texte n’a pas de valeur contraignante, ses principales recommandations figurent dans le projet de loi « Grenelle II ».

B. Le souhait de promouvoir une politique intégrée des transports urbains est repris dans le projet de loi « Grenelle II »

Ce n’est certes pas la première initiative de la Commission dans le domaine des transports urbains. Mais au regard des propositions antérieures de la Commission, le Livre vert marque toutefois un infléchissement notable de par la stratégie globale qu’il expose, dont le principe est largement approuvé.

1. Une stratégie globale

Cette stratégie repose sur trois piliers :

- la lutte contre la congestion des villes ;

- la protection de ces dernières contre les nuisances environnementales ;

- la promotion de leur développement économique.

a) Lutter contre la congestion des villes : « pour des villes fluides »

Tout en convenant de l’impossibilité de formuler une solution unique pour réduire la congestion, la Commission préconise, notamment, deux séries d’orientations possibles :

- le développement des modes alternatifs à la voiture individuelle, qu’il s’agisse des modes de transport dits doux, tels que la marche ou le vélo, ou des transports collectifs. Il serait nécessaire de prévoir des connexions efficaces entre les différents modes de transport pour faciliter les déplacements ;

- l’optimisation du recours à la voiture individuelle, à travers l’incitation au covoiturage, lequel tend effectivement à se développer, du fait de la hausse du prix de l’essence.

La Commission évoque également le rôle que peut jouer l’instauration des péages urbains qui, d’après elle, ont contribué de façon positive à assurer la fluidité du transport, jugement que ne partage nullement le rapporteur, au vu de l’échec qu’il a pu constater du système fonctionnant à Londres.

b) La protection de l’environnement des villes : « pour des villes moins polluées »

La Commission constate que, malgré les diverses réglementations qui ont, entre autres, renforcé les normes d’émission européennes applicables aux émissions polluantes des véhicules, la situation des villes au plan écologique demeure insatisfaisante. La Commission l’impute, de façon partiale, selon le rapporteur, aux difficultés rencontrées par les autorités locales à se conformer aux exigences imposées en matière de qualité de l’air, alors qu’il eût été opportun d’examiner également les obstacles dans la mise en œuvre rapide – et à grande échelle – des alternatives au pétrole.

Outre le recours à de nouvelles technologies – tels que les convertisseurs et les filtres à particules – ou la mise en application de la « conduite écologique », la Commission voit dans les restrictions de la circulation une voie à envisager. Ces restrictions, qui touchent déjà certains centres-villes, pourraient intervenir à travers des zones vertes urbaines. Celles-ci peuvent revêtir plusieurs formes : piétonisation, restriction d’accès, limitation de vitesse ou encore péages urbains.

c) Promouvoir le développement économique des villes

La Commission considère que les villes ne pourront faire face à une augmentation constante des flux de fret et de passagers qu’en recourant de façon accrue aux systèmes de transport intelligents, en vue d’améliorer la mobilité et l’accessibilité.

Sur le premier point, ces systèmes pourraient faciliter la gestion de connections entre les réseaux à l’interface des zones urbaines.

Quant à l’accessibilité, il s’agit d’abord de favoriser des infrastructures de qualité, permettant d’établir de bonnes connections vers les aéroports, les gares et les ports ainsi que vers les terminaux de fret intermodaux.

En second lieu, il importe de mettre des transports collectifs attractifs à la disposition des usagers mais qui, en outre, soient fréquents, rapides, fiables et confortables.

2. Une stratégie largement approuvée

Certaines réactions – en particulier celles des Etats membres – soulignent le manque d’originalité des réflexions engagées par la Commission, au motif que les solutions avancées sont déjà envisagées, mises en œuvre ou susceptibles de l’être à bref délai.

Pour autant, même en Allemagne ou au Royaume-Uni, défenseurs orthodoxes du principe de subsidiarité, le principe de la démarche de la Commission n’en est pas moins salué.

Ainsi, le gouvernement fédéral d’Allemagne indique-t-il que l’intégration des modes de transport doux (marche et vélo) dans la stratégie globale de la planification du transport et de l’urbanisme n’est pas encore une pratique courante en Allemagne.

De façon plus générale, le gouvernement fédéral « salue la proposition consistant à considérer la mobilité urbaine dans le cadre d’une approche intégrée des politiques de la ville et tenant compte des différents domaines, tels que la planification urbaine, l’économique, le social, l’environnement et les transports ».

Quant au Royaume-Uni, c’est de façon plus indirecte que les autorités britanniques plaident en faveur d’une approche intégrée. En réponse à la dernière question posée par le Livre vert sur l’opportunité d’apporter un soutien européen

ciblé pour le financement du transport urbain propre et énergétiquement efficace, les autorités britanniques indiquent que :

« Le soutien de l’Union devrait être accordé à des activités impliquant un ensemble de mesures – et pas seulement la réduction des émissions – qui ont un impact dans le long terme ».

Il convient de noter également que l’attention apportée par le Gouvernement britannique au projet des ecotowns (villes écologiques) est de nature à renforcer son soutien à une approche intégrée. En effet, ces villes devraient être conçues de telle façon que, dès le départ, elles s’inscrivent dans une perspective de développement durable et de prise en compte du changement climatique, en favorisant le développement des transports collectifs et la marche à pied notamment.

Mais au-delà, certaines personnalités que le rapporteur a rencontrées lors de son déplacement à Londres, lui ont déclaré que le Livre vert pouvait marquer un tournant de la politique poursuivie jusqu’à présent au Royaume-Uni. Alors que les transports y ont été considérés comme un parent pauvre du développement économique, la lutte contre le changement climatique – qui est l’un des thèmes abordés par le Livre vert – impose de modifier le cours qui a prévalu au Royaume-Uni, compte tenu précisément de la part prise par les transports dans les émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, les autorités françaises comme les organisations professionnelles se sont également prononcées en faveur d’une politique intégrée de la mobilité urbaine. Même si c’est pour critiquer le fait que la démarche de la Commission ne satisfait pas pleinement à une telle exigence, la réponse des autorités françaises affirme clairement que :

« Une approche fragmentée, ciblée sur certains aspects tels que le transport modal, les technologies propres, les services d’information, serait très insuffisante. Ces mesures doivent être envisagées dans le cadre d’une réflexion globale intégrant transport et urbanisme ».

II. L’IMPOSSIBILITÉ DE METTRE EN PRATIQUE LE LIVRE VERT PAR DES NORMES COMMUNAUTAIRES

Dans une communication de juillet 2008 à la Commission des affaires européennes, le rapporteur soulignait les limites du Livre vert qui tiennent à l’invocation du principe de subsidiarité et aux lacunes dont le Livre vert n’est pas exempt.

A. L’invocation du respect du principe de subsidiarité

1. Une très large compétence des Etats membres : un postulat consensuel

Tant pour les Etats membres que pour la Commission, les questions évoquées par le Livre vert sont, en grande partie, régies par le principe de subsidiarité.

l Les autorités françaises déclarent ainsi en préambule que :

« S’agissant d’un domaine où les autorités locales ont une part essentielle des responsabilités, les propositions que pourra faire la Commission suite à la publication du Livre vert sur la mobilité urbaine devront naturellement laisser une large place à la subsidiarité ».

Dans le même esprit, un communiqué de plusieurs associations d’élus et du Groupement des autorités responsables des transports (GART), publié dans le cadre de la préparation du Livre vert :

« … réaffirme que les transports publics urbains constituent un service d’intérêt général soumis au principe de subsidiarité ».

l Le Bundesrat, selon des termes presque identiques, a souligné dans ses recommandations du 10 décembre 2007 :

« ... la compétence originaire des communes dans les questions de mobilité urbaine. C’est pourquoi le Bundesrat attend de la Commission qu’elle veille au respect du principe de subsidiarité ».

 Pour leur part, les autorités du Royaume-Uni indiquent également que, dans la plupart des questions abordées par le Livre vert, les autorités locales détiennent une compétence de principe. En outre, les contextes locaux sont si variés qu’il apparaît difficile d’envisager que des solutions contraignantes puissent être imposées au plan communautaire.

 C’est d’ailleurs un constat analogue qu’établit la Commission :

« L’Union européenne doit jouer un rôle moteur pour permettre le changement, sans imposer d’en haut des solutions qui risquent d’être inadaptées à la diversité des situations locales ».

Dans ce contexte, le rôle de la Commission est, selon l’expression de Mme Anne Houtman, directrice à la DG Transport, d’être une « boîte à outils ».

A ce titre – comme le rappellent les Etats membres et les organisations professionnelles – la Commission doit – entre autres – promouvoir l’échange des bonnes pratiques, concourir à la définition de normes communes et à l’harmonisation des normes ou encore accorder un soutien financier.

2. Les interprétations contradictoires de l’étendue de la compétence des Etats membres

Comme dans de nombreux autres cas, l’application du principe de subsidiarité à certaines propositions du Livre vert est l’objet de divergences entre Etats membres.

Il en est ainsi de la question de savoir si les villes doivent se doter d’un plan de mobilité urbaine. A la différence des autorités françaises, qui plaident en faveur de la généralisation en Europe des plans de déplacements urbains, les autorités allemandes et britanniques y sont opposées, au nom du principe de subsidiarité et de celui de la liberté de décision des autorités locales. Ce dernier principe, rappellent les autorités allemandes, s’oppose à ce que des mesures contraignantes soient proposées par la Commission.

B. La démarche jugée insuffisante et insatisfaisante de la Commission

D’une part, le Livre vert comporte des omissions ou des thèmes insuffisamment abordés. D’autre part, des réserves sont émises quant à l’adéquation des outils envisagés par la Commission à l’objectif de promotion d’une nouvelle culture de la mobilité urbaine.

1. La définition et le traitement restrictifs des thèmes abordés par le Livre vert

S’agissant de l’objectif de villes plus fluides, la Fédération nationale de transports de voyageurs regrette que le Livre vert n’ait pas mentionné le rôle que le transport par autocars peut jouer – en tant que transport collectif – dans les modes alternatifs à la voiture individuelle et dans la réduction de la congestion.

Quant au transport de marchandises, la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), tout comme le GART, reproche à la Commission de l’avoir à peine évoqué, alors que les enjeux en ce domaine, sont loin d’être négligeables. Il s’agit notamment du dynamisme économique des villes, puisque 99 % des vêtements et des médicaments, selon les informations communiquées par la FNTR, sont livrées par camions. Sont également concernées des questions telles que le développement du transport ferroviaire, fluvial et maritime, la mise en place d’espaces logistiques urbains ou encore le développement de solutions durables pour la desserte capillaire, c’est-à-dire celle des lieux dont l’accès est le plus délicat.

Pour ce qui est de l’amélioration de la mobilité et de l’accessibilité, certains interlocuteurs du rapporteur lui ont fait observer que la Commission n’avait pas suffisamment insisté sur les conséquences du renchérissement du prix du pétrole. Quant au GART, il aurait souhaité que la Commission traite davantage la question de l’accessibilité des personnes à mobilité réduite et celle des seniors. Le GART rappelle, en effet, que la loi française du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit la mise en accessibilité des réseaux de transport public.

2. Les réserves quant à l’adéquation des solutions envisagées aux fins poursuivies par le Livre vert

Pour les autorités françaises – mais aussi pour le GART – le Livre vert ne procède pas de façon satisfaisante à une articulation des différentes politiques publiques et, plus particulièrement, entre le transport et l’urbanisme, alors qu’une telle articulation est la clef de l’aménagement durable des territoires. A cet égard, le GART rappelle que l’un des axes forts du Plan Espoir Banlieue présenté par Mme Fadela Amara, Secrétaire d’Etat à la politique de la ville, réside précisément dans la prise en compte des implications sociales des questions liées au désenclavement et à la desserte des banlieues et dans l’imbrication étroite de ces orientations avec celles du Grenelle de l’environnement.

Un second dysfonctionnement résulterait de la vision déformée de la Commission au sujet de la mobilité urbaine. Car, d’une part, elle ne parviendrait pas réellement à aller au-delà du dilemme entre transports collectifs et voiture individuelle et donc à promouvoir des systèmes plus diversifiés, lesquels sont la base même de l’intermodalité, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser le plus rationnellement les modes de transport.

D’autre part, le GART fait observer que la Commission risque d’inverser les objectifs du transfert modal en conférant un caractère prioritaire à l’utilisation de véhicules propres, alors que le véritable changement de comportements, susceptible d’améliorer la mobilité urbaine, passe par un usage réduit de la voiture individuelle.

Enfin, ce sont les modalités d’attribution des fonds structurels qui sont critiquées. D’un côté, la Fédération nationale des transports routiers regrette que, du fait de la lourdeur de la procédure de confection des dossiers, les petites entreprises – qui constituent la quasi-totalité (97 %) des entreprises de transport routier de marchandises – sont défavorisées.

De l’autre, l’UTP met en cause l’absence de cohérence dont souffrent les choix de la Commission puisque, selon elle, les fonds structurels sont investis essentiellement au profit du transport routier dans les nouveaux entrants et non dans les transports collectifs, ce qui n’est pas réellement de nature à favoriser le report modal.

III. LES DEFIS DE LA MOBILITE URBAINE : DES MESURES RELATIVES AUX PEAGES TRANSPOSENT OU ANTICIPENT DES DIRECTIVES EUROPEENNES

Pour faire face aux différents défis, le rapporteur jugeait nécessaire que l’Europe agisse avec circonspection sans céder aux effets de mode.

Si le rapporteur est parfaitement conscient de l’importance de la dimension écologique dans l’approche de la mobilité urbaine, il considère toutefois que ce serait une grave erreur de perdre de vue le rôle joué par les transports dans la vie économique d’un pays.

C’est pourquoi il estime indispensable d’éviter de préconiser, sans examen approfondi, un développement systématique des transports collectifs, d’une part, et, d’autre part, de s’opposer à la généralisation des péages urbains, aucune de ces deux solutions ne contribuant, à ses yeux, à réduire la congestion.

Sur le premier point, les transports collectifs représentent en France un coût important pour les entreprises, à travers le versement transport qu’elles acquittent. Pour cette raison, le rapporteur considère que les transports collectifs ne doivent être développés que là où existe un flux significatif de passagers, en vue de répondre efficacement aux besoins des usagers.

Or tel n’est pas toujours le cas, comme le montre une récente étude consacrée au tramway parisien, dont les conclusions sont les suivantes :

- en dépit de l’amélioration qu’il représente par rapport à la situation antérieure, le tramway n’a pratiquement pas entraîné de report modal. Seulement 2 ou 3 % de ses usagers sont d’anciens usagers de la voiture ;

- la mise en circulation du tramway s’est accompagnée d’un rétrécissement de la voierie des boulevards des Maréchaux, où la congestion automobile a augmenté ;

- si le remplacement des autobus par le tramway a entraîné une réduction de CO2, en revanche les allongements des parcours et les réductions de vitesse des véhicules qui utilisaient auparavant les boulevards des Maréchaux génèrent des augmentations de rejets de CO2 estimés à plus de 3 000 tonnes par an.

Quant aux péages urbains, le déplacement qu’il a effectué à Londres en 2008 a permis au rapporteur de constater qu’ils ne constituent nullement une solution inévitable évoquée par certains de ses interlocuteurs.

Car, d’une part, si la première année de sa mise en place en février 2003, le péage urbain a entraîné une réduction de la congestion et du trafic de respectivement 30 % et 21 %, l’impact en termes de congestion n’est aujourd’hui plus que de 10 %.

D’autre part, tout en soulignant les difficultés à en mesurer l’impact sur la qualité de l’air, les scientifiques du King’s College rencontrés par le rapporteur, lui ont déclaré que le péage urbain n’est pas un instrument de lutte contre le réchauffement climatique, mais d’abord un moyen de lutter contre la congestion.

Enfin, si les recettes qui en sont tirées sont positives – 213 millions de livres – il convient néanmoins de noter qu’elles sont étroitement subordonnées au paiement des amendes (55 millions de livres) et que 85 millions, soit 40 % des recettes, sont alloués à la rémunération de l’entreprise gestionnaire du système
– Capita – qui sera remplacée en novembre 2009 par IBM. Le système s’avère donc très onéreux, comme le dénonce l’association opposée aux péages routiers (National Alliance against Tolls).

Comme le rapporteur l’a déclaré à plusieurs de ses interlocuteurs, il serait opportun que, pour lutter contre la congestion, la Commission agisse en amont en promouvant un urbanisme intelligent, qui repose sur une relation à très long terme entre urbanisme et mobilité, à défaut de laquelle le recours au péage urbain apparaît comme un pis-aller qui sanctionne une politique laxiste en matière d’urbanisme. A cet égard, le rapporteur regrette que la Commission ne se soit pas penchée sur le cas de la ville de Tokyo, dont le centre n’est pas congestionné, non seulement parce qu’il existe un bon maillage de transports collectifs, mais surtout parce que, du fait de la législation, nul ne peut posséder un véhicule ni rouler dans Tokyo, sans apporter la preuve de disposer d’une place de parking.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur se félicite que les autorités françaises – au nom du principe de subsidiarité – se soient opposées à la généralisation des péages urbains.

Au niveau européen, la Commission des affaires européennes souhaitait promouvoir des mesures qui sont satisfaites par le projet de loi, en particulier à travers la nouvelle définition des plans locaux d’urbanisme et des schémas de cohérence territoriale. la généralisation au niveau européen des plans de déplacements urbains (PDU) est souhaité par les autorités françaises. En France, la loi de solidarité et renouvellement urbain du 13 décembre 2000 impose aux agglomérations de plus de 100 000 habitants d’élaborer un PDU. Celui-ci définit les principes de l’organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, avec l’objectif de mettre en place un usage coordonné de tous les déplacements et de prévoir les modes les moins polluants ;

A. Le péage des camions

Les opérateurs de transports routiers sont confrontés aux coûts d’utilisation des infrastructures, comme les autoroutes et les ponts, prélevés sous forme de péages ou de redevances. La directive «Eurovignette», adoptée en 1999 et modifiée par la suite en 2006, établit des règles communes relatives aux péages suivant la distance parcourue et aux droits d’usage temporels pour les véhicules de transport de plus de 3,5 tonnes. L’objectif de cette directive est d’améliorer le fonctionnement du marché intérieur en réduisant les différences de coût des péages et des redevances au sein de l’Union européenne. Les points clés de cette directive sont les suivants:

• les péages ne devraient tenir compte que des distances parcourues et du type de véhicule; les droits d’usage devraient être fixés selon le temps d’utilisation de l’infrastructure ;

• les péages et les droits d’usage peuvent varier selon le degré de congestion et la classe d’émission du véhicule ;

• les péages et les droits d’usage peuvent être prélevés pour l’utilisation des routes qui font partie du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) ou, dans certains cas, sur des axes parallèles ;

• en règle générale, les péages (selon la distance parcourue) et les droits d’usage (selon le temps d’utilisation) ne devront pas être prélevés sur un seul et même tronçon routier ;

• les péages et les droits d’usage nationaux seront non discriminatoires et devront être facilement compréhensibles par l’automobiliste afin d’éviter tout ralentissement et tout problème aux péages.

Les contrôles systématiques aux frontières internes de l’Union européenne devront également être évités.

La modulation des péages en fonction des émissions de gaz à effets de serre des camions oblige les exploitants d’autoroutes, au plus tard le 1er janvier 2010, ou lors du renouvellement des délégations de service public en cours, à moduler les péages acquittés par les poids lourds mais sans porter préjudice au montant total des recettes des exploitants concernés. Il n’existe actuellement aucune norme législative en matière de modulation de péages autoroutiers. Le projet de loi transcrit fidèlement la directive 2006/38/CE précitée, également appelée « Eurovignette II ».

Le dispositif adopté par le Sénat appelle une remarque de bon sens, la date prévue, le 1er janvier 2010 doit être reportée en fonction des perspectives d’adoption de ce texte.

La directive Eurovignette II et la modulation des péages autoroutiers acquittés par les poids lourds

Cette directive a, entre autres, modifié l’article 7 de la directive dite Eurovignette I, en insérant une nouvelle rédaction pour les paragraphes 9 et 10 de cet article.

« 9. Les péages se fondent uniquement sur le principe de recouvrement des coûts d’infrastructure. Plus précisément, les péages moyens pondérés sont liés aux coûts de construction et aux coûts d’exploitation, d’entretien et de développement du réseau d’infrastructure concerné. Les péages moyens pondérés peuvent aussi comprendre une rémunération du capital ou une marge bénéficiaire conforme aux conditions du marché.

10. a) Sans préjudice des péages moyens pondérés visés au paragraphe 9, les Etats membres peuvent faire varier les taux des péages à des fins telles que la lutte contre les dommages causés à l’environnement, la résorption de la congestion, la réduction au minimum des dommages aux infrastructures, l’optimisation de l’utilisation des infrastructures concernées ou la promotion de la sécurité routière, pour autant qu’une telle variation :

- soit proportionnelle à l’objectif poursuivi ;

- soit transparente et non discriminatoire, notamment en ce qui concerne la nationalité du transporteur, le pays ou le lieu d’établissement du transporteur ou d’immatriculation du véhicule et l’origine ou la destination du transport ;

- ne soit pas destinée à générer des recettes de péage supplémentaires, toute augmentation imprévue des recettes (conduisant à des péages moyens pondérés non conformes au paragraphe 9) étant compensée par une modification de la structure de la variation qui doit être effectuée dans les deux ans suivant la fin de l’exercice au cours duquel les recettes supplémentaires ont été générées ;

- respecte les plafonds de flexibilité définis au point b).

b) Sous réserve des conditions prévues au point a), les taux de péage peuvent varier en fonction :
- de la classe d’émissions EURO telle qu’établie à l’annexe 0, y compris les niveaux de particules PM et d’oxyde d’azote, pour autant que le péage à acquitter ne soit pas supérieur de plus de 100 % au péage imposé aux véhicules équivalents qui respectent les normes d’émission les plus strictes, et/ou
- du moment de la journée, du type de jour ou de la saison, pour autant que :

i) le péage à acquitter ne soit pas supérieur de plus de 100 % au péage correspondant au moment de la journée, au type de jour ou à la saison les moins chers ;

ou

ii) lorsque la période la moins chère est exonérée, la pénalité prévue pour le moment de la journée, le type de jour ou la saison les plus chers n’excède pas 50 % du niveau de péage qui serait normalement applicable au véhicule concerné.

Les Etats membres sont tenus de faire varier les taux de péage conformément aux dispositions du premier tiret pour 2010 au plus tard ou, en cas de contrat de concession, lors du renouvellement de ce contrat de concession.

Un Etat membre peut néanmoins déroger à cette obligation dans les cas où :

i) la cohérence des systèmes de péage sur son territoire s’en trouverait gravement compromise ;

ii) l’introduction d’une telle différenciation ne serait pas techniquement applicable aux systèmes de péage concernés ;

iii) ces dispositions conduiraient à détourner les véhicules les plus polluants du réseau routier transeuropéen, ce qui engendrerait des conséquences néfastes en termes de sécurité routière et de santé publique.

De telles dérogations en la matière doivent être notifiées à la Commission.

c) Sous réserve des conditions prévues au point a), les taux des péages peuvent, à titre exceptionnel, dans le cas de projets spécifiques d’un intérêt européen élevé, être soumis à d’autres formes de variations en vue de garantir la viabilité commerciale de ces projets, lorsque ceux-ci doivent faire face à la concurrence directe d’autres modes de transport de véhicules. La structure tarifaire qui en résulte est linéaire et proportionnée, elle est rendue publique et accessible à tous les usagers aux mêmes conditions et elle ne doit pas entraîner la répercussion de surcoûts sur d’autres usagers sous forme d’une augmentation du péage. Avant la mise en oeuvre de la structure tarifaire en question, la Commission vérifie que les conditions énoncées dans le présent point sont remplies.»

B. L’interopérabilité des péages

Le projet de loi anticipe la transposition de la directive 2004/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage routier dans la Communauté ainsi que de la directive 2006/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures. Elles visent :

- d’une part, à donner accès aux informations contenues dans le futur système d’immatriculation des véhicules (SIV) à des agents assermentés des exploitants d’autoroutes ;

- d’autre part, à imposer que les exploitants des autoroutes justifient du non-paiement du péage pour demander ces informations.

Votre rapporteur s’est rendu en Allemagne en juillet 2009. Il s’est penché sur le système dit « Toll collect » qui permet une perception des péages sans barrières pour les poids lourds.

Le système est décrit à l’annexe n° 1 mais il est important que les autorités françaises s’en inspirent car un péage qui serait limité à une partie du réseau entraînerait des effets de report vers les routes secondaires qui ne sont pas souhaitables.

IV. L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE DES NUISANCES AÉROPORTUAIRES

Le règlement (CE) n° 1108/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 modifiant le règlement (CE) n° 216/2008 dans le domaine des aérodromes, de la gestion du trafic aérien et des services de navigation aérienne, et abrogeant la directive 2006/23/CE (texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) étend aux aéroports la compétence de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).

Si cette compétence est axée sur la sécurité aérienne et non sur l’environnement les exigences de l’agence en matière de définition des exigences pour les routes d’accès des avions, de dégagement des abords et des certifications des exploitants ne sont pas sans conséquences sur les nuisances aéroportuaires.

Il nous paraît que ce règlement très récent n’a pas été pris en compte dans la rédaction de l’article 67 du projet de loi et qu’il convient de réaffirmer la prééminence des règles de sécurité édictées par l’AESA.

En outre, le règlement (CE) n° 1592/2002 du Parlement européen et du Conseil adopté le 15 juillet 2002, a ouvert la voie à une nouvelle règlementation communautaire en matière de sécurité et de compatibilité environnementale de l’aviation civile. Il a permis la création de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), qui est entrée en fonction en septembre 2003.

Or, nous trouvons au rang des objectifs généraux attribués à l’agence « établir et maintenir un niveau élevé et uniforme de sécurité de l’aviation civile et de protection de l’environnement aérien ».

Aussi, il semble au rapporteur que l’article 68 du projet de loi doit prévoir et organiser la relation entre la nouvelle autorité de lutte contre les nuisances aériennes et l’AESA.

CONCLUSION

Nous devons nous féliciter de la présentation par le Gouvernement du projet de loi portant « engagement national pour l’environnement ».

Il permettra sans aucun doute d’aider à transformer la perception de notre pays par les autorités européennes et les pays partenaires. Nous ne donnerons plus l’idée d’un pays qui avance à reculons dans le transposition des directives mais, au contraire d’un pays qui a anticipé les évolutions que chacun sait nécessaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 19 janvier 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« M. Jérôme Lambert. Le rapport est très intéressant et rencontre mon approbation. Cependant un problème se pose concernant le péage en fonction de la distance parcourue. En effet, cela se passe dans ma région, pour économiser le carburant, les camions, empruntent les itinéraires les plus courts et, notamment, les routes départementales qui ne sont pas faites pour ce type de trafic.

La question du bénéficiaire des péages se pose également dans la mesure où, actuellement, les départements, qui entretiennent les routes ne les perçoivent pas.

Le rapporteur. Cette inquiétude est légitime. J’ai beaucoup travaillé sur le Livre vert concernant la mobilité urbaine qui aborde l’écovignette, l’écoredevance étant instituée par la loi de finances pour 2009.

Nous ne sommes pas prêts, actuellement, à instituer l’écoredevance alors qu’en Allemagne les poids lourds de plus de 3,5 tonnes doivent d’ores et déjà acquitter une redevance. A terme, ceux-ci seront les seuls taxés mais il faudra que ce système soit techniquement au point pour que tout le monde soit traité de façon équitable.

M. Jérôme Lambert. Cela ne règle pas le problème. L’écotaxe en fonction de la distance parcourue constituera une incitation supplémentaire pour les camions à utiliser les routes départementales, sauf à l’instituer sur elles aussi.

Mme Odile Saugues. Les camions doivent payer leur part des coûts des infrastructures et l’écotaxe est pour cette raison, légitime. Il faut rester ferme sur cette disposition. Mais, actuellement, l’existence de l’écotaxe en Allemagne aboutit à détourner le trafic vers l’Alsace.

M. Yves Bur. La décision d’établir une écotaxe doit appartenir aux départements, ceux de ma région en ayant institué une sur certains itinéraires. Elle doit pouvoir être établie sur n’importe quel type de voie. En Allemagne, elle rapporte 4,5 milliards d’euros qui sont affectés aux infrastructures. Les départements voudraient que l’écotaxe leur revienne.

Le rapporteur. L’écoredevance permet de couvrir tous les cas de figure. Ainsi, en Allemagne, des zones vertes à forte taxation ont été instituées, ce qui ramène les poids lourds sur les autoroutes, notamment.

Je regrette que le produit de cette taxe soit affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFIT) qui en dispose à sa guise, je suis favorable à ce qu’elle revienne aux départements.

M. Jérôme Lambert. Le problème serait alors résolu. »

ANNEXE :
LE PEAGE POUR LES POIDS LOURDS EN ALLEMAGE

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Rapport de situation 2009 sur la stratégie del’Union européenne en faveur du développement durable (doc. 16818/09).

3 () CJCE, 7 février 1985, Association de défense des brûleurs d’huile usagée.

4 () Le sixième programme couvre la période 2002-2012 : Communication de la Commission européenne du 24 janvier 2001 sur le sixième programme communautaire d'action pour l'environnement « Environnement 2010 : notre avenir, notre choix », COM (2001) 31.

5 () Directive 79/409/CE.

6 () Directive 92/43/CE.

7 () Directive 76/404/CE.

8 () Directive 2008/56/CE.

9 () Directive 2006/12/CE.

10 () COM (2008) 809 et COM (2008) 810, documents E 4190 et E 4191.

11 () Rapport d’information n° 402 du 18 juin 2008, au nom de la Commission des finances.

12 () Des informations détaillées sur l’application du droit communautaire de l’environnement peuvent être trouvées dans le document de travail des services de la Commission européenne SEC (2009) 1684/2.

13 () COM (2006) 545.

14 () COM (2008) 780.

15 () TA n° 300.

16 () Rapport n° 1655 du 6 mai 2009.

17 ( COM (2008) 399.

18 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la performance énergétique des bâtiments (refonte), COM (2008) 780.

19 () COM (2008) 778.

20 () COM (2008) 779.

21 () Décision du Conseil n° 2002/358/CE du 15 avril 2002.

22 () Décision de la Commission européenne n° 2006/944/CE du 14 décembre 2006.

23 () Directive 2003/87/CE.

24 ()

25 () Décision 406/2009/CE du 23 avril 2009.

26 () Directive 2009/28/CE du 23 avril 2009.

27 () Directive 2009/31/CE du 23 avril 2009.

28 () Le taux de prise en charge par l’Union européenne est en principe de 50 %, le reste étant à la charge des Etats membres.