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No 2498

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 mai 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la candidature d’adhésion de l’Islande à l'Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Pierre LEQUILLER,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. UN PAYS TRES PROSPERE PLONGE DANS LE CHAOS 7

A. UN PAYS TRÈS PROSPÈRE 7

B. LE CHOC ÉCONOMIQUE ET FINANCIER 8

C. LE CHOC PSYCHOLOGIQUE 9

II. LA DEMANDE D’ADHESION A L'UNION EUROPÉENNE 11

A. LA DEMANDE D’ADHÉSION 11

B. L’AVIS DE LA COMMISSION DU 24 FÉVRIER 2009 11

III. LES PROBLEMES STRUCTURELS 13

A. LA PÊCHE 13

B. L’AGRICULTURE 14

C. LES AUTRES DIFFICULTÉS 15

IV. LES CONSÉQUENCES DE L’AFFAIRE ICESAVE 17

V. L’OPINION ISLANDAISE A L’EGARD DE L’UNION EUROPEENNE 19

A. LA CLASSE POLITIQUE 19

B. L’OPINION DE LA POPULATION ISLANDAISE 19

CONCLUSION 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 25

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 27

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Président Pierre Lequiller, rapporteur, s’est rendu les 7 et 8 avril derniers en Islande dans le cadre de sa demande d’adhésion à l’Union européenne.

Cette mission constitue une double « première » pour notre Commission.

En effet c’est la première fois que nous utilisons les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne prévoyant une plus grande implication des parlements nationaux dans les procédures d’élargissement de l’Union européenne. L’autre « première » est qu’il s’agissait d’une mission parlementaire franco-allemande car le rapporteur était accompagné de M. Andreas Schockenhoff, Vice-président du Groupe CDU du Bundestag.

Leur objectif était de s’informer de la situation actuelle dans ce pays qui vient de déposer sa demande de candidature à l’Union européenne.

Ce pays naguère très prospère s’est trouvé plongé dans le chaos alors que le processus de son adhésion à l’Union européenne vient de débuter. Cette demande d’adhésion rencontre des problèmes structurels très importants, compliqués par les conséquences de l’affaire Icesave, l’opinion islandaise demeurant incertaine à son égard.

I. UN PAYS TRES PROSPERE PLONGE DANS LE CHAOS

A. Un pays très prospère

L’Islande, peuplée de 320 000 habitants, était jusqu’en 2008 un pays très prospère. Son PNB était en 2008 d’environ 10,2 milliards d’euros soit environ 0,008 % du PNB de l’Union européenne. Sur la période 1998-2008, celui-ci a crû en moyenne d’environ 5 % par an et de 6,3 % par an depuis 2004. Elle était devenue un des pays les plus riches du monde avec un PNB par habitant atteignant 120 % de celui de la moyenne de l’Union européenne.

Durant les années 1990, l’Islande a profondément restructuré son économie par la dérégulation et la libéralisation en liaison avec son adhésion à l’Espace économique européen (EEE). La structure économique du pays s’est diversifiée à partir de l’assise traditionnelle de l’industrie de la pêche. En effet une économie très ouverte s’est développée notamment autour d’un large secteur financier et immobilier. L’industrie s’est aussi développée avec d’importants investissements dans l’industrie de l’aluminium auxquels a été due la croissance très importante des années 2003-2007.

Les exportations islandaises sont basées sur les ressources naturelles, produits de la pêche et industries utilisant les sources d’énergies renouvelables. Ainsi les produits de la pêche représentent-ils environ 38% des exportations totales du pays, cette part étant cependant en net déclin depuis 2000 où ils en représentaient 75 %.

Cette prospérité a été couronnée en 2007 quand l’Islande a obtenu la première place à l’Indice de développement humain évalué sur la base de l’espérance de vie, du taux d’alphabétisation et de scolarisation en fonction du revenu.

Pendant toute cette période, l’économie islandaise est demeurée relativement sensible à l’inflation. Ainsi, à la suite du choc pétrolier des années 1970, l’inflation a atteint des niveaux très élevés : 43 % en 1974 et 59 % en 1980. Elle est ensuite retombée à 15 % en 1987 mais remontait à 30 % en 1988. Avant la crise financière, elle était maîtrisée car elle atteignait environ 4 % en 2005.

Pendant toutes ces années, l’Islande n’envisageait pas l’adhésion à l’Union européenne dans la mesure où celle-ci posait la question de la pêche. Néanmoins, l’Islande incorporait progressivement environ 75 % de l’acquis communautaire et devenait membre en 1996 de l’espace Schengen.

Le choc économique et financier de l’automne 2008 allait tout remettre en question.

B. Le choc économique et financier

Ce choc économique et financier a trouvé son origine dans le comportement des banques islandaises.

A la suite du mouvement de privatisation et de libéralisation, les trois grandes banques islandaises se sont développées très rapidement en servant de supports financiers au rachat d’entreprises très diverses.

Installées sur un marché étroit, elles ont financé leur expansion à l’aide d’emprunts sur le marché interbancaire international et, dans la dernière période, par des dépôts, de non résidents.

Depuis 2006 et la crise des subprimes qui les ont relativement peu affectées, ces trois banques commencent à éprouver des difficultés à financer leur expansion et à s’inquiéter des échéances à venir. Si deux d’entre elles pnt commencé à réaliser des actifs, la troisième, Landsbanki, a créé une banque en ligne, Icesave. Proposant des rémunérations supérieures à ses concurrents, elle a attiré un nombre très important d’épargnants, particuliers et collectivités, notamment britanniques et néerlandais.

Fin septembre 2008, devant l’incapacité de ces trois banques de faire face à leurs engagements, l’Althingi, vote leur nationalisation en prévoyant la garantie des avoirs des Islandais mais non des déposants étrangers. Cela provoque la colère du Premier ministre britannique qui décide d’appliquer à Landsbanki, la législation anti-terroriste britannique et de geler ses avoirs ainsi que ceux d’une autre banque islandaise.

A partir de ce moment, la situation économique et financière du pays s’est considérablement dégradée.

Ainsi la couronne a rapidement perdu plus de 50 % de sa valeur face à l’euro, l’inflation est montée à 14 % et le PIB a reculé de 6,5 % en 2009. A quoi s’ajoute une dette envers les créanciers des banques islandaises de 3,9 milliards d’euros dont le remboursement a fait l’objet du référendum négatif du 6 mars dernier et un chômage qui atteint maintenant 10 % de la population active alors qu’il était quasiment inexistant auparavant. Enfin la dette publique islandaise est actuellement de 125 % du PIB.

Cette catastrophe économique et financière a entraîné un choc psychologique.

C. Le choc psychologique

Le développement du chômage a été un réveil douloureux pour un pays qui avait porté à un très haut niveau la prospérité économique et sociale jusqu’à occuper la première place à l’indice de développement humain.

Plus profondément, la crise financière a entraîné, dans cette société très majoritairement luthérienne, un fort sentiment de culpabilité envers l’aveuglement collectif devant les agissements des banques qui avait développé l’illusion d’une possibilité d’enrichissement sans fin et aussi un certain sentiment de fierté devant les succès économiques enregistrés depuis un certain nombre d’années.

Elle aussi entraîné un très fort sentiment d’humiliation quand l’appel au Fond monétaire international s’est révélé indispensable alors que l’Islande était, il y a peu, un des pays les plus riches du monde.

Elle a aussi suscité un vif sentiment de « victimisation » à l’égard du monde extérieur. A cet égard, l’inscription de l’Islande sur la liste des pays terroristes par le Royaume-Uni a joué un rôle déterminant. L’Islande a eu aussi le sentiment d’être brutalement abandonnée par des pays considérés comme ses amis traditionnels : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les pays nordiques.

II. LA DEMANDE D’ADHESION A L'UNION EUROPÉENNE

A. La demande d’adhésion

L’Islande a demandé son adhésion à l’Union européenne le 16 juillet 2009.

Le Conseil a décidé le 27 juillet 2009 d’inviter la Commission à lui remettre un avis sur cette candidature. Celui a été remis le 24 février 2010.

L’Islande est donc à la troisième étape du processus d’adhésion.

Il lui en reste à franchir quatre :

- décision unanime du Conseil de reconnaître le statut de candidat au demandeur et, dans le même temps ou ultérieurement, d’ouvrir les négociations avec l’adoption préalable d’un mandat de négociation ;

- négociations, à l’unanimité, sur les 35 chapitres de l’acquis communautaire au cours d’une conférence intergouvernementale associant le candidat et l’Union européenne (Commission et Etats membres) ;

- décision du Conseil à l’unanimité de clôture des négociations, sur avis de la Commission, et signature du traité d’adhésion après approbation du Parlement européen ;

- ratification du traité d’adhésion par les 27 Etats membres et le pays candidat.

B. L’avis de la Commission du 24 février 2009

Dans son avis du 24 février, la Commission recommande l’ouverture des négociations dans la mesure où l’Islande applique déjà 75 % de l’acquis communautaire en tant que membre de l’espace économique européen depuis 1994 et de l’espace Schengen depuis 1996.

Elle conclut son rapport analytique sur la demande d’adhésion en indiquant que « l’Islande est dans l'ensemble bien préparée pour assumer les obligations de l'adhésion dans la plupart des secteurs, notamment dans les domaines couverts par l'EEE. »

Cependant, dans cet avis, la Commission ne fait aucune suggestion de calendrier aux Etats membres pour l’ouverture des négociations.

A la suite du référendum négatif du 6 mars dernier, la Commission a estimé que ce résultat ne devait pas nuire au processus d’adhésion de l’Islande à l’Union européenne dans la mesure où le résultat de ce référendum est un processus distinct de la demande d’adhésion.

Dans son avis la Commission a cependant souligné que des problèmes structurels importants se posaient pour l’Islande, notamment dans les chapitres non couverts par l’EEE.

III. LES PROBLEMES STRUCTURELS

Deux secteurs concentrent les difficultés pour l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne : la pêche et l’agriculture.

A. La pêche

La pêche est le secteur économique islandais le plus important : il emploie environ 5 500 personnes (9 600 en incluant les emplois d’aval), en diminution cependant de 40 % depuis 1999.

Sa production est de 1,3 million de tonnes de poissons en baisse sensible depuis 2000 où elle était d’environ 2 millions de tonnes. La pêche islandaise représente environ le tiers de la production globale des 27 membres de l’Union européenne 80 % de son produit étant exportée vers celle-ci.

La politique de la pêche en Islande présente beaucoup de similitudes avec la politique commune de la pêche (PCP) : application du principe de développement durable, gestion des stocks similaire aux plans européens de pêche à long terme, respect du rendement maximum durable.

Cependant un certain nombre de traits ne sont pas conformes avec la législation européenne :

- des restrictions existent en matière d’investissements étrangers : seuls les bateaux appartenant à des compagnies ou des particuliers islandais peuvent être autorisés à pêcher dans les eaux islandaises, l’investissement étranger ne pouvant être au maximum que de 49 % ;

- les quotas de pêche, déterminés par bateau et par type de pêche, sont en principe librement transférables mais ne peuvent être acquis par des non-Islandais ;

- l’accès des bateaux de pêche étrangers aux ports islandais est limité ;

- le problème de la chasse à la baleine perdure : le ministre des affaires étrangères a déclaré que son abandon serait « difficile » du fait de son caractère symbolique pour les Islandais.

Ces réglementations sont en contradiction avec les dispositions communautaires concernant le droit d’établissement, la liberté d’accès aux services et la libre circulation des capitaux, la répartition annuelle des quotas et l’interdiction de la chasse commerciale à la baleine.

Cependant une réforme de la PCP est en préparation et pourrait, dans certains domaines, se rapprocher de l’approche islandaise, notamment en matière de quotas, comme le souhaitent certains d’Etats membres. Un terrain d’entente pourrait peut-être être trouvé sur la chasse à la baleine.

La pêche revêt une importance considérable et devrait être le secteur le plus sensible des négociations à venir.

La pêche est en effet une question politique de première importance faisant l’objet d’un débat permanent en Islande. La Premier Ministre et le ministre des affaires étrangères ont ainsi estimé qu’il serait peut-être possible de trouver des solutions « techniques » sur le problème des stocks de poissons mais que la libéralisation des mouvements de capitaux dans ce secteur risque d’être difficile à régler.

B. L’agriculture

En 2008, l’agriculture représentait environ 1,4 % du PIB de l’Islande (Union européenne : 1,2 %) et employait environ 2,5 % de la population active (Union européenne : 5,6 %) seulement 15 % des terres étant arables.

L’Union européenne absorbe 47 % des exportations islandaises du secteur et représente 65 % des importations islandaises.

La politique agricole islandaise n’est pas conforme à l’acquis communautaire et devra faire l’objet d’adaptations avant l’adhésion.

En effet, du fait des conditions naturelles, l’Islande a développé une politique agricole très protectrice. Ainsi des aides directes sont-elles attribuées dans les secteurs clés de l’agriculture : production de lait, élevages bovin et ovin, horticulture. La production et la commercialisation des produits de ces secteurs sont réglementées par des accords signés entre le ministère des pêches et de l’agriculture et le Syndicat des agriculteurs qui fixent des prix et des quotas. La plupart des exploitations presque totalement orientées vers le marché intérieur ne semblent pas pouvoir faire face à la concurrence européenne et risquent sans doute de disparaître lors de l’ouverture du marché aux produits européens.

Outre ces difficultés, l’Islande possède un appareil administratif relativement faible notamment en matière de collecte et de traitement des statistiques. Elle devra aussi, en cas d’adhésion, créer les instruments et les institutions permettant de gérer la politique agricole commune. Elle devra aussi élaborer une politique de développement rural conforme aux règles de l’Union.

C. Les autres difficultés

D’autres domaines nécessitant l’adoption de réformes par l’Islande afin de se conformer à l’acquis communautaire ont été signalés par la Commission européenne dans son avis du 24 février 2010 :

- environnement,

- libre circulation des capitaux,

- services financiers,

- fiscalité,

- statistiques,

- sécurité alimentaire,

- politique vétérinaire et phytosanitaire,

- politique régionale et coordination des instruments structurels,

- contrôle financier.

IV. LES CONSÉQUENCES DE L’AFFAIRE ICESAVE

Pour la Commission, l’affaire Icesave étant avant tout une affaire bilatérale entre l’Islande, d’un côté, et le Royaume-Uni et les Pays-Bas de l’autre, la principale conséquence pour l’adhésion de l’Islande est la nécessité de l’assainissement budgétaire après la grave crise de la fin de 2008. En effet une restructuration de la dette publique, représentant, en 2009, 125 % du PIB dont un tiers découlant de la faillite de Icesave, et privée s’impose.

Le représentant du Ministère de l’économie a souligné que la restructuration du secteur bancaire était maintenant achevée et que la priorité était désormais le redressement des comptes publics avec un retour à l’équilibre budgétaire dans les cinq ans à venir.

Mais cette affaire risque de compliquer fortement le processus d’adhésion dans la mesure où les décisions relatives à l’élargissement étant prises à l’unanimité, chaque pays membre dispose en effet d’un droit de veto.

Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont ainsi fait savoir à la fin de février dernier que l’impossibilité de parvenir à un accord sur le régime d’indemnisation d’Icesave pourrait affecter la candidature de l’Islande.

Dans une déclaration récente2, le gouvernement anglais a déclaré qu’il était toujours déterminé à recouvrer l’argent perdu par les déposants britanniques dans Icesave mais en n’établissant pas de lien direct entre cette question et la demande d’adhésion de l’Islande à l’Union européenne.

Après le référendum du 6 mars, on peut estimer que la reprise des pourparlers entre l’Islande et le Royaume-Uni et les Pays-Bas devra attendre la tenue des élections dans ces deux pays, respectivement les 6 mai et 9 juin prochains.

V. L’OPINION ISLANDAISE A L’EGARD DE L’UNION EUROPEENNE

A. La classe politique

La classe politique islandaise est assez divisée concernant l’adhésion de l’Islande à l’Union européenne.

En effet, seuls les sociaux-démocrates lui sont historiquement favorables.

Les « Gauche-Verts » sont d’après les propos du ministre de la pêche et de l’agriculture, « réticents ».

Ces deux partis sont actuellement associés au gouvernement. LaePremier ministre a souligné à ce propos que tous les partis s’étaient mis d’accord sur une procédure en la matière et que le Parlement avait soutenu le principe de la candidature. Elle a rappelé qu’aujourd’hui tous les ministres, quelque soit leur étiquette, avaient l’obligation de soutenir ce projet.

Le Parti de l’Indépendance, actuellement dans l’opposition, est très partagé : une partie soutient la candidature compte tenu de la perspective d’adopter, à terme, l’euro, une autre partie, plus liée au secteur de la pêche, lui étant hostile.

Les secteurs de la pêche et de l’agriculture sont opposés à cette candidature. Le Président de l’association des salariés a, quant à lui, estimé que les consommateurs pourraient bénéficier, grâce à l’adhésion, de prix à la consommation plus modérés qu’actuellement.

B. L’opinion de la population islandaise

Les derniers sondages effectués sur l’adhésion ont montré une hostilité à l’adhésion de l’ordre de 66 %. C’est une rupture avec les études d’opinion antérieures qui montraient un acquiescement majoritaire.

Nos interlocuteurs ont souligné qu’il s’agissait là d’un sursaut nationaliste créé par les suites de l’affaire Icesave et que l’opinion est, du fait de cette affaire, dans un grand état de trouble.

CONCLUSION

A l’issue de cette mission de prise de contact qui nous a permis de mieux appréhender la réalité islandaise, nous apportons notre soutien à la candidature de l’Islande à l’Union européenne, sous un certain nombre de réserves.

En effet, il est absolument nécessaire que, d’une part, des solutions satisfaisantes soient d’abord trouvées à l’affaire Icesave et au renforcement de la réglementation financière et que, d’autre part, des concessions soient faites sur la pêche et l’agriculture notamment, dans la mesure où les politiques en cause sont deux des noyaux durs de l’acquis communautaire.

Les autres chapitres suscitant des difficultés signalées par la Commission devront aussi faire l’objet de règlements acceptables pour les deux parties.

Même si nous exprimons actuellement des réserves sur cette candidature, nous devons cependant dire à nos amis islandais, devant certaines de leurs craintes, que le principe de subsidiarité permet aux Etats membres de conserver un certain degré de souveraineté tout en participant aux politiques communes de l’Union. Il faut aussi rappeler, que contrairement à ce qui est souvent dit, les petits Etats ne pâtissent pas d’un prétendu rapport de force défavorable face aux grands Etats de l’Union.

Bien entendu, cette adhésion doit se faire selon le processus normal, l’Islande ne pouvant être considérée comme un candidat privilégié, du fait, par exemple, de son appartenance à l’EEE.

Notre sentiment est que l’opinion islandaise tourne actuellement contre l’Europe sa colère à l’égard des responsables des banques qui ont entraîné la faillite que l’on connaît. Il convient de prendre en compte de façon très sérieuse cette attitude. En effet, les Islandais devront se prononcer dans le cadre d’un référendum à l’issue des négociations d’adhésion. Il serait fort dommageable pour l’idée européenne qu’un vote négatif intervienne à l’issue de celles-ci.

Il conviendrait donc que le gouvernement islandais lance dès à présent une campagne de communication sur le projet d’adhésion, afin de combattre par avance les idées fausses qui pourraient être diffusées par les opposants à l’adhésion et susceptibles de frapper les esprits au point de faire échouer ce projet.

Au terme de cette première mission sur la candidature islandaise, des conclusions ont été élaborées en commun avec le Bundestag qui les a adoptées le 24 avril dernier. Ce sont celles qui sont par conséquent également proposées à la Commission.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 4 mai 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’une intervention.

« M. Jérôme Lambert. Le processus d’adhésion de ce pays sera encore long et il faudra que les Islandais donnent des signes de la poursuite de cette volonté par les positions qu’ils adopteront dans différents domaines. Je suis surpris par cette affaire d’inscription de l’Islande sur la liste des pays terroristes.

Le Président Pierre Lequiller. Cette inscription est la conséquence d’une maladresse du Royaume-Uni qui a fortement irrité les Islandais.

Je suis d’autant plus d’accord avec vos observations que les Islandais devront se prononcer à la fin du processus par référendum. Il est donc nécessaire que le gouvernement fasse un effort de communication pour convaincre les citoyens. Ceux-ci ont réagi en insulaires en accusant l’Europe de tous leurs maux plutôt que de s’en prendre à leurs compatriotes responsables. L’Europe a ainsi été accusée de ne pas avoir soutenu l’Islande lors de sa négociation avec le Fonds monétaire international (FMI), qui a finalement abouti, alors qu’il était naturel pour nous d’être solidaires avec le Royaume-Uni et les Pays-Bas, membres de l’Union européenne. »

A l’issue de ce débat, la Commission a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 49 du traité sur l’Union européenne,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil, Avis de la Commission sur la demande d’adhésion de l’Islande à l’Union européenne (COM [2010] 62),

1. Souligne que l’Islande doit faire des efforts considérables d’adaptation de son droit à l’acquis communautaire pour remplir les critères d’adhésion notamment dans les domaines de la pêche, de l’agriculture, de la chasse à la baleine, des services financiers, de la politique régionale et du contrôle financier ;

2. Souhaite que les négociations d’adhésion soient utilisées pour renforcer l’orientation de la politique commune de la pêche vers le principe de durabilité, l’Islande pouvant ici servir de modèle, l’interdiction de la pêche commerciale à la baleine de l’Union européenne devant pourtant être maintenue ;

3. Estime nécessaire de veiller, lors de l’harmonisation avec l’acquis communautaire, à ce que le moins possible de dispositions transitoires et d’exceptions à l’acquis communautaire soient prévues ;

4. Juge indispensable que l’Islande :

- remplisse pleinement les critères politiques et économiques lors de l’adhésion et qu’aucune condition d’adhésion concernant d’autres candidats à l’adhésion n’y soit liée,

- respecte rigoureusement l’accomplissement des critères de Copenhague qui restent une condition d’adhésion,

- ait une pleine capacité d’adhésion ainsi que d’intégration dans l’Union européenne.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

1. Pouvoirs publics islandais

A. Gouvernement

- Mme Jóhanna Sigurðardóttir, premier ministre ;

- M. Össur Skarphéðinsson, ministre des affaires étrangères ;

- M. Jón Bjarnarson, ministre de la pêche et de l’agriculture ;

- Mme Ragna Árnadóttir, ministre de la justice et des droits de l’homme.

B. Parlement

- M. Árni Þór Sigurðsson, président de la Commission des affaires étrangères ;

- Mme Þórunn Sveinbjarnardóttir, membre de la Commission des affaires étrangères.

C- Administration

- M. Björn Rúnar Guðmundsson, directeur du Département des affaires économiques au Ministère de l’Economie

2. Personnalités islandaises

- M. Gylfi Arnbjörnsson, président de l’Association des salariés ;

- M. Friðrik Jón Arngrímsson, directeur de la Fédération des Propriétaires de Bateaux de Pêche;

- Mme Erna Bjarnadóttir, chef de département et économiste de l’Association des Agriculteurs ;

- Mme Silja Bára Ómarsdóttir, professeur de relations internationales ;

- M. Martin Eyjólfsson, directeur général du Commerce extérieur et des affaires économiques au Ministère des affaires économiques ;

- M. Benedikt Jóhannesson, directeur de l’entreprise Talnakönnun, ancien rédacteur de « Issues and Images », membre de l’Association favorable à l’Union européenne « Sterkara Ísland » ;

- M. Þorsteinn Pálsson, ancien premier ministre, membre du Comité de négociation avec l’UE, membre de l’Association favorable à l’Union européenne « Sterkara Ísland » ;

- M. Hannes G. Sigurðsson, directeur adjoint du Conseil national du Patronat islandais ;

- M. Baldur Þórhallsson, professeur de science politique ;

- M. Jón Steindór Valdimarsson, directeur de la Fédération islandaise des Industries, membre de l’Association favorable à l’Union européenne « Sterkara Ísland ».

3. Personnalités françaises

- M. Bertrand Lauth, médecin pédopsychiatre ;

- M. Gérard Lemarquis, professeur de lycée, correspondant du Monde en Islande.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Europolitique no 3934 du 9 mars 2010