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N2700

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juillet 2010.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les systèmes de retraite en Europe et leur évolution,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Valérie ROSSO-DEBORD,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Didier Quentin, vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer, Gérard Voisin secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 9

PREMIERE PARTIE : DES MODALITÉS D’ORGANISATION HISTORIQUEMENT DIFFÉRENTES, MAIS DES PROBLÈMES SIMILAIRES, TRAITÉS AU NIVEAU NATIONAL PLUTÔT QU’EUROPÉEN 13

I. L’EUROPE À L’ORIGINE DES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE RETRAITES 13

A. UN DÉVELOPPEMENT SELON DEUX MODÈLES SUSCEPTIBLES DE VARIANTES 13

1. Le modèle bismarckien et le modèle beveridgien 13

2. Une meilleure compréhension grâce à l’approche selon trois piliers 15

3. Des mécanismes d’annuités, de points et de comptes notionnels 17

4. La distinction entre les régimes à prestations définies et les régimes à cotisations définies 18

B. LES MODES DE FONCTIONNEMENT DES ACTUELS SYSTÈMES DE RETRAITE DANS LES PAYS DE L’UNION EUROPÉENNE, AINSI QU’AUX ETATS-UNIS, AU JAPON ET AU CANADA 19

1. Les structures d’ensemble des régimes de retraites 19

2. L’organisation des allocations minimales, retraites planchers et filets de protection 24

a) Le niveau des prestations 24

b) Les mécanismes envisageables 26

c) La pension minimum au sein des systèmes de retraite 27

d) Le revenu minimum ou garantie de ressources aux personnes âgées 27

C. DES RÉSULTATS ASSEZ CONTRASTÉS 28

1. Des dépenses de pensions qui varient du simple au triple 28

2. Des transferts publics prépondérants, sauf exception, dans les revenus des retraités 30

3. Des taux de remplacement inégaux 31

4. Des revenus souvent comparables, en moyenne, à ceux des actifs 32

II. DES ENJEUX ET DÉFIS SIMILAIRES 34

A. UN AFFLUX DE RETRAITÉS 34

1. Des pyramides des âges qui s’allongent vers le haut et se rétrécissent à la base 34

a) L’augmentation de l’espérance de vie 34

b) Une fraction significative de la vie totale en retraite 35

c) La transformation du baby boom en papy boom 35

d) Une augmentation structurelle du taux de dépendance 37

2. L’alourdissement structurel des dépenses médicales et sociales : le coût global du vieillissement démographique 38

B. LE DÉFI DU MAINTIEN DES SENIORS DANS L’EMPLOI 40

C. L’ÉROSION DE LA PART DES SALAIRES DANS LA VALEUR AJOUTÉE 42

D. L’ÉPREUVE DE LA CRISE 44

1. Des fonds de pension mis à mal lorsqu’ils étaient trop investis en actions avant la crise 44

2. Des systèmes par répartition également fragilisés 47

3. La question des conditions de la sortie de crise 48

III. UNE COMPÉTENCE ESSENTIELLEMENT EXERCÉE PAR LES ETATS MEMBRES 49

A. UNE COMPÉTENCE RESTÉE NATIONALE ET UNE ACTION COMMUNAUTAIRE LIMITÉE EN L’ÉTAT À LA COORDINATION AINSI QU’AU BON FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR 49

B. UN PROBLÈME D’INTÉRÊT COMMUN ET LE RÔLE DE LA MÉTHODE OUVERTE DE COORDINATION 51

C. LE LIVRE VERT SUR LES RETRAITES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE ET LES INITIATIVES RÉCENTES DU PARLEMENT EUROPÉEN 52

1. Le Livre vert sur l’avenir des retraites 52

2. Le rapport d’initiative du Parlement européen : la possibilité d’une plus-value européenne grâce à une comptabilité intergénérationnelle au niveau des Vingt-sept 53

D. UNE TRÈS FORTE INFLUENCE DES VALEURS ET PRINCIPES FONDAMENTAUX DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE SUR LES DROITS NATIONAUX : LE RESPECT DU PRINCIPE DE L’ÉGALITÉ DES FEMMES ET DES HOMMES 54

1. La jurisprudence de la Cour de justice 54

2. La référence, en France, de la Cour de cassation à la Convention européenne des droits de l’Homme 57

DEUXIEME PARTIE : DES RÉFORMES ET DES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES ET SIGNIFICATIVES 59

I. DES RÉFORMES ENGAGÉES DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 1990 59

A. LES RÉFORMES SYSTÉMIQUES : LE BASCULEMENT, PROGRESSIF, SUR LE MÉCANISME DU COMPTE NOTIONNEL : LA SUÈDE ET L’ITALIE 59

1. La Suède : compte notionnel et régime obligatoire et public par capitalisation 59

a) Un consensus politique et social 59

b) Un régime sur trois piliers, dont le premier repose essentiellement sur le compte notionnel 60

2. L’Italie : une unification très progressive d’un système au départ très éclaté, avec recours au compte notionnel et mesures d’âge 63

a) L’ancien dispositif 63

b) Un effort de réforme constant depuis 1992 et mené par les différents gouvernements 63

c) Une mise en œuvre très progressive 66

d) Quelques éléments sur le système actuel : des mesures d’âge et un ajustement selon l’espérance de vie ; le développement de la capitalisation 66

B. LES RÉFORMES PARAMÉTRIQUES 69

1. La réforme d’un système beveridgien : mesures d’âge et développement du deuxième pilier par capitalisation au Royaume-Uni 69

2. La réforme d’un système bismarckien : le choix opportun et équilibré d’un système par points, des mesures d’âge et l’adjonction de mécanismes complémentaires de capitalisation en Allemagne 75

a) Une évolution graduelle : le passage au système par points, puis l’adjonction d’un pilier par capitalisation et des mesures d’âge progressivement renforcées 75

b) Les dispositions actuelles 77

II. LES VOIES ET LES MODALITÉS DE LA RÉFORME PRATIQUÉES PAR NOS PRINCIPAUX PARTENAIRES 79

A. UNE MESURE GÉNÉRALE : LE RELÈVEMENT DES ÂGES DE LA RETRAITE 79

1. Précisions sur les différents âges de la retraite 79

2. Les mesures prises par les pays étrangers : report de l’âge d’ouverture des droits comme de l’âge de la pension complète 79

a) Un mouvement général 79

b) Le relèvement de l’âge de la pension complète : l’Allemagne, les Etats-Unis et le Japon 80

c) Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits : Espagne, Pays-Bas et Royaume-Uni, ainsi qu’Italie et Suède 81

d) Le faux contre-exemple de la Belgique : l’absence de mesure d’âge, en raison de l’importance de la durée de 45 ans de contribution exigée pour le taux plein 82

e) D’éventuelles mesures d’ajustement de la pension servie : décote et surcote 82

f) La situation atypique de la France avant réforme 83

g) L’importance du calendrier des mesures d’âge 85

h) Une approche réaliste de l’âge de la retraite, condition indispensable à la crédibilité des politiques de rétablissement des finances publiques dans la crise 86

3. Des âges dorénavant identiques pour les femmes et les hommes 87

4. Le caractère essentiel et complémentaire des mesures sur l’emploi des seniors 87

5. Une absence de débat sur la pénibilité à l’étranger 88

B. LA RECHERCHE DES CONDITIONS D’UN ÉQUILIBRE FINANCIER À LONG TERME : MODULATION DES PARAMÈTRES DE CALCUL DES PENSIONS ET RECHERCHE DE NOUVELLES RESSOURCES 89

1. La modulation des modes de calcul des pensions : base de calcul ; taux ; revalorisation des cotisations ou contributions ; revalorisation des pensions déjà liquidées 89

a) La base de calcul pour la liquidation de la pension : un renforcement du caractère contributif des systèmes de retraite par la prise en compte de la totalité de la carrière 89

b) Le mode de revalorisation des cotisations ou contributions 89

c) La règle de revalorisation des pensions 90

d) Récapitulatif 90

2. Le développement des dispositifs non contributifs de solidarité 92

a) Les prise en compte des événements spécifiques qui affectent la carrière : maladie, chômage, études, éducation des enfants 92

b) Les droits familiaux 93

c) Les droits conjugaux : la réversion 94

d) La véritable clarification financière : un modèle suédois ? 96

3. L’accroissement des recettes 96

a) Des modalités variables 96

b) Des niveaux de cotisations sociales différents et des impératifs de compétitivité qui conduisent dans certains pays à un développement du financement par l’impôt 97

C. LE DÉVELOPPEMENT DE LA CAPITALISATION : SON INSERTION DANS LES SYSTÈMES BISMARCKIENS ET SON RENFORCEMENT DANS LES SYSTÈMES BEVERIDGIENS 100

1. Une tendance générale des trente dernières années 100

a) Un complément aux systèmes par répartition 101

b) Les régimes beveridgiens : accroissement du recours à la capitalisation et modification de ses règles de fonctionnement avec passage au système à cotisations définies 101

c) Une contribution significative aux revenus des retraités 101

d) Des actifs importants 102

2. Les qualités de la voie du développement public de la capitalisation : le régime obligatoire en Suède 102

3. Les réserves collectives 103

a) Les fonds de réserve publics : une formule assez répandue 103

b) Les doctrines d’utilisation des fonds de réserve publics 106

c) Des niveaux de réserves, réserves publiques ou réserves de trésorerie, inégaux 107

D. LA GESTION À LONG TERME : PROCÉDURES DE PILOTAGES ET MÉCANISMES D’AJUSTEMENT AUTOMATIQUE DES GRANDS ÉQUILIBRES 107

1. Le développement du recours aux projections de long terme 107

2. Les mécanismes d’ajustements automatiques en Suède et en Allemagne 108

a) Les dispositifs 108

b) Une mise en œuvre adoucie par le législateur pour éviter des effets trop brutaux 110

3. Le régime du Canada : l’intérêt d’un dispositif automatique par défaut, mis en œuvre en l’absence de décision politique, comparable à celui de l’Ircantec 111

E. UN CLIMAT GÉNÉRALEMENT CONSENSUEL SUR LES GRANDS PRINCIPES PARTAGÉS D’ARBITRAGE ENTRE STABILITÉ FINANCIÈRE ET MAINTIEN DES MÉCANISMES DE SOLIDARITÉ, AINSI QU’UN ’INTÉRÊT DES ASSURÉS SOCIAUX 112

TRAVAUX DE LA COMMISSION 115

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 117

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Aucun pays n’a réglé le problème des retraites par la pensée magique.

Confrontés aux mêmes défis démographiques et économiques, tous les partenaires de la France ont, en effet, depuis au moins vingt ans, modifié et réformé leurs systèmes de retraites.

Le vieillissement de la population, sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie, de la faible natalité comme de l’arrivée à l’âge de la cessation d’activité des générations nombreuses du baby boom, est une réalité qu’il a fallu traiter comme telle.

Avec une espérance de vie de quatre-vingts ans environ et une entrée dans la vie active à vingt-cinq ans, une personne qui part en retraite à soixante-cinq ans passe déjà la moitié de sa vie en dehors du cadre professionnel.

Les réformes opérées ont été de plus ou moins grande ampleur, en fonction non seulement des difficultés rencontrées, mais également des choix historiques des pays au moment où les systèmes de retraite ont été mis en place, d’abord, progressivement, au XIXe siècle et au début du XXe siècle, puis ensuite, de manière systématique avec l’objectif de couvrir l’ensemble de la population, après la seconde guerre mondiale, dans le cadre de l’Etat Providence.

Certaines réformes, comme celles menées en Suède et en Italie, ont été si profondes qu’elles ont conduit à changer de système de retraite, à abandonner les systèmes classiques par points ou par annuités et à adopter le dispositif innovant du compte notionnel.

Ce constat d’un mouvement général de réforme des retraites, auquel la France, qui est entrée tard dans le mouvement, en 2003, avec la « réforme Fillon », dix ans après les « aménagements Balladur » ne saurait échapper, n’est guère étonnant.

Le problème des retraites est, en effet, l’un des plus importants qui se pose à nous, celui de la solidarité intergénérationnelle, celui de la maîtrise du temps.

L’un des progrès essentiels des XIXe et XXe siècles est de lui avoir donné un cadre plus large, celui de la profession ou celui de l’Etat, que celui de la famille ou du clan dans lesquels les sociétés traditionnelles le règlent.

La contrepartie en est claire : les mesures doivent être prises suffisamment tôt pour assurer la viabilité à long terme des dispositifs de prévoyance collective.

Une telle viabilité ne signifie pas assurer l’équilibre des recettes et des dépenses in abstracto, mais d’une manière plus globale, en fonction d’un contexte économique donné où l’augmentation des dépenses sociales ne peut être uniquement conçue en termes de ressources ni de supplément de dette publique.

Les possibilités offertes par des perspectives de croissance réalistes, et non illusoires, le niveau des prélèvements obligatoires, la compétitivité sont autant d’éléments dont il faut tenir compte.

La composition de la dépense sociale est aussi un sujet sur lequel une réflexion s’impose. Au-delà de la retraite, le vieillissement de la population pose également celui de la santé comme de la dépendance et de son financement, qu’il soit, comme pour les retraites, public ou privé.

Pour le politique, l’exercice n’est, par définition, pas simple. Il l’est d’autant moins que la mondialisation crée un contexte économique tendu où les capacités d’intervention des Etats sont réduites et où les erreurs de gestion, au sens large, ne sont aisément rattrapables, ni pour les entreprises, ni pour les Etats, et que la crise ne laisse guère de capacité de manœuvre.

Pour ce qui concerne les Etats membres de la zone euro, la situation est d’autant plus exigeante que les avantages de la monnaie unique ont pour contrepartie l’impossibilité de dévaluer et, par conséquent, l’impératif de se conformer en l’état aux règles de discipline telles qu’elles ont été prévues par le traité de Maastricht.

De plus, le niveau actuel de l’endettement public de la majeure partie des Etats européens ne permet pas de remettre à plus tard les choix essentiels. Toute perte de crédibilité d’un Etat a un coût, celui de l’augmentation des taux exigés pour les opérations de financement et refinancement de la dette. La crise grecque nous le rappelle. Le prix de la procrastination, de l’immobilisme, aussi confortable soit celui-ci, devient prohibitif. On peut le regretter, mais les marchés financiers ne font que traduire l’opinion des prêteurs, laquelle s’impose en l’espèce à l’emprunteur.

De même que le rapport no 2570 présenté M. Arnaud Robinet, député, en conclusion des travaux de la mission d’information sur le financement des retraites dans les Etats européens, le présent rapport a essentiellement une vocation documentaire. Il vise à exposer les grandes voies adoptées par nos principaux partenaires en matière de réforme, après avoir rappelé quelques éléments fondamentaux de la problématique des retraites. L’objectif est d’éclairer et, si possible, de conforter le choix du législateur.

Par souci de cohérence et de complémentarité, les monographies n’évoquent ni les Pays-Bas ni la Finlande, largement traités par le rapport précité. En revanche, parce qu’il est pour nous incontournable, le cas de l’Allemagne est évoqué.

PREMIERE PARTIE : DES MODALITÉS D’ORGANISATION HISTORIQUEMENT DIFFÉRENTES, MAIS DES PROBLÈMES SIMILAIRES, TRAITÉS AU NIVEAU NATIONAL PLUTÔT QU’EUROPÉEN

I. L’EUROPE À L’ORIGINE DES PRINCIPAUX SYSTÈMES DE RETRAITES

A. Un développement selon deux modèles susceptibles de variantes

1. Le modèle bismarckien et le modèle beveridgien

L’Europe sociale, telle qu’elle est actuellement construite, est le résultat de deux réflexions menées à des époques distinctes par deux personnalités très différentes : un allemand, homme politique très conservateur, qui a marqué la deuxième moitié du XIXsiècle, le chancelier Otto von Bismarck ; un haut fonctionnaire anglais, qui commença sa carrière en travaillant avec les Libéraux, l’acheva avec les Travaillistes et formalisa sa pensée dans deux rapports rédigés pendant la seconde guerre mondiale, Lord William Beveridge.

La première déclinaison de ce qui va devenir le modèle social européen a été créée par Bismarck. Alors que la prévoyance sociale s’est encore peu développée en Allemagne, uniquement dans le cadre de régimes professionnels spécifiques, dans les grandes entreprises, Bismarck juge nécessaire dès les années 1880 de créer des assurances sociales obligatoires pour les ouvriers allemands. L’objectif est politique. Il s’agit de lutter contre le développement du socialisme. Après la loi sur l’assurance maladie de 1883 et celle sur l’assurance invalidité de 1884, l’assurance vieillesse est organisée par une loi de 1889.

Dès l’origine, les cinq principes de l’organisation des régimes sociaux dits bismarckiens sont posés : la qualité d’assuré social est liée à l’emploi, donc au travail ; le financement est assuré par des cotisations obligatoires, lesquelles sont proportionnelles au salaire ; les prestations en espèces, comme c’est le cas des pensions de retraites, sont fonction de ce même salaire (système à prestations définies) ; le mécanisme fonctionne selon le principe de la répartition, pour les retraites, car les cotisations perçues par les actifs au cours de l’année servent au paiement des prestations de cette même année ; enfin, le système est organisé sur une base professionnelle, cadre dans lequel joue la mutualisation, et est géré par les partenaires sociaux, ce qui fait entrer les syndicats dans une culture de gestion.

Le système bismarckien a eu deux avantages principaux : le principe de la répartition permet de mettre en œuvre un système de retraite plus rapidement que ne l’aurait fait la capitalisation et ne pose pas de difficulté à l’époque, car la population de l’Allemagne s’accroît et sa puissance économique se développe de manière spectaculaire, au point d’atteindre la parité industrielle avec le Royaume-Uni ; il a été capable de résister aux grands aléas économiques et politiques de l’Allemagne, notamment la période d’inflation galopante de 1923, le nazisme et l’effondrement de 1945.

Ce système a été imité : il est en place, entre autres, en Autriche, en Belgique, en France, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, au Portugal et en Suisse. Dans les pays d’Europe du Sud, notamment en Espagne et au Portugal, les dictatures l’ont établi selon leur conception de la société sur une base corporatiste.

L’autre déclinaison du modèle social européen, celle conçue par Lord Beveridge, est plus tardive. Elle est présentée dans le cadre de deux rapports, pendant la guerre. Le premier est publié en 1942 : Report to the Parliament on Social Insurance and Allied Services (rapport au Parlement sur la sécurité sociale et les prestations connexes). Il a été commandé par le ministre, travailliste, du travail en 1942. Une vision d’ensemble de la société est présentée dans le second rapport : Full Employment in a Free society (Du travail pour tous dans une société libre). Celui-ci pose le principe qu’un système efficace de protection sociale s’accompagne du plein emploi. Il s’agit de mettre en œuvre les principes de Keynes.

L’approche est plus pragmatique que celle de Bismarck. Il ne s’agit pas de créer ex nihilo, mais plutôt d’organiser rationnellement et de compléter des mécanismes d’assurances sociales qui sont apparus au fur et à mesure, sans plan d’ensemble, au « fil de l’eau ».

Le moyen retenu est simple. L’Etat doit prévoir et verser des prestations de base universelles et accessibles, non pas par l’intermédiaire du travail ou de l’emploi, mais du seul fait de la qualité de citoyen ou de résident légal sur le territoire.

Les préconisations du rapport Beveridge ont été mises en œuvre après la seconde guerre mondiale. En matière de santé, le rapport débouche sur le National Health Service, universel et gratuit, financé par l’impôt et qui n’exclut pas le maintien d’une médecine privée.

Dans le domaine des retraites, il conduit à un système à deux piliers : une pension publique de base, financée par l’Etat et en principe par l’impôt ; des retraites complémentaires sur une base professionnelle plus ou moins large, par capitalisation en général et qui correspondent d’ailleurs en partie aux régimes de retraite antérieurs à la réforme de l’après-guerre.

Le plus ou moins grand développement du premier pilier permet de distinguer les systèmes beveridgiens a minima, où la pension de base est proche du minimum social (conception anglaise ou américaine), et les autres, plus conformes à l’objet initial du rapport Beveridge, dans le cadre desquels la pension de base offre un minimum de revenu, qui permet en principe une vie plus décente, comme aux Pays-Bas.

On rattache aussi parfois, car il y a des variantes, les régimes scandinaves au système beveridgien.

2. Une meilleure compréhension grâce à l’approche selon trois piliers

L’architecture des systèmes de retraite européens s’analyse généralement en trois piliers. L’ampleur et le rôle de chacun d’entre eux varient et caractérisent ainsi les spécificités de chaque Etat.

La notion de pilier a été développée dans les années 1990. Elle a été identifiée par la Commission européenne dans un document de travail sur l’achèvement du marché intérieur dans le domaine des retraites.

Elle repose sur la distinction entre, d’une part, les régimes légaux à gestion publique et par répartition (premier pilier) et, d’autre part, les régimes professionnels par capitalisation et à gestion privée.

C’est une approche de type marché intérieur. Le deuxième pilier, qui conduit à définir « par défaut » le premier, relève des règles communautaires notamment en matière de concurrence sur le marché des retraites privées, même si l’objectif de la diversification du financement des retraites grâce au développement des retraites par capitalisation, en vue de leur viabilité à long terme, n’est pas absent.

Pour sa part, la Banque mondiale, en 1994, dans le document intitulé Averting the old-age crisis, policies to protect the old and promote growth (Prévenir la crise du vieillissement, des politiques pour protéger les personnes âgées et promouvoir la croissance) a fait le même constat. L’assurance vieillesse présente davantage de solidité lorsqu’elle est développée sur trois piliers : l’un, public, avec la participation des intéressés et l’objectif limité, de réduire la pauvreté des personnes âgées, les deux autres, privés, soit d’épargne d’entreprise, soit d’épargne personnelle.

Le premier pilier désigne donc les régimes relevant de l’assurance sociale obligatoire, à savoir les régimes « de base » ou publics. Ils versent des prestations en général contributives, plus rarement forfaitaires. Ils fonctionnent le plus souvent par répartition : les pensions versées au cours de l’année sont financées par les recettes de l’année.

Dans les pays qui ont adopté le système bismarckien, comme la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie et la Suède, le premier pilier verse plus de 80 % du montant total des retraites.

En revanche, dans les pays beveridgiens, une moindre proportion provient du premier pilier : 34  % aux Pays-Bas et 21  % au Royaume-Uni. L’essentiel des pensions est donc versé par les régimes complémentaires du deuxième pilier.

Le deuxième pilier comprend les régimes complémentaires. Ceux-ci sont organisés en général dans un cadre professionnel, car constitués dans l’entreprise ou la branche. C’est l’emploi dans une entreprise ou une institution donnée qui commande l’affiliation. Le financement est assuré par des cotisations, avec une part salariale et une part patronale, en principe. Le fonctionnement se fait en général par capitalisation. Le deuxième pilier est par définition le domaine des fonds de pension. L’organisation repose la plupart du temps sur une obligation légale. Ce deuxième pilier est essentiel dans les pays beveridgiens et s’est développé sous l’effet des réformes et de la promotion de la capitalisation en Suède ainsi qu’en Allemagne ou en Italie.

Pour leur part, les régimes complémentaires français AGIRC – ARRCO (Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres – Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés), régimes obligatoires et par répartition, sont en général placés entre les deux premiers piliers.

Le troisième pilier désigne l’épargne retraite individuelle, qui peut ou non bénéficier d’avantages publics, notamment fiscaux. Il constitue une source importante de revenus pour les retraités britanniques. En dépit de son développement, il reste assez marginal, sauf en Allemagne (10 %) et en Suède (6 %). En France, l’épargne retraite ne représente que 4 % de l’ensemble du système de retraite.

Pour sa part, l’OCDE distingue deux piliers obligatoires, l’un redistributif public, comprenant les prestations non contributives (retraites minimums ou retraites de base et autres « filets de protection » indépendants du revenu d’activité), l’autre assurantiel, soit public ou soit privé, délivrant des prestations globalement liées à la rémunération d’activité, et en complément, les régimes optionnels et facultatifs d’épargne.

Au-delà de ces piliers, il faut en tout état de cause rappeler que le patrimoine personnel complète les revenus des retraités et constitue ainsi pour certains d’entre eux une source supplémentaire de revenus.

3. Des mécanismes d’annuités, de points et de comptes notionnels

Le régime par annuités est le plus simple. La pension se calcule par application au salaire de référence, ou salaire de base, d’un taux de liquidation et du rapport entre la durée d’assurance effective (le nombre des annuités) et la durée totale d’assurance exigée pour bénéficier du taux plein.

Dans des versions plus élaborées, ce qui est le cas le plus courant, le taux de liquidation dépend lui-même de la durée d’assurance et de l’âge de la liquidation de la pension, par référence à un âge d’ouverture des droits permettant l’accès à une pension, ou bien à un âge du taux plein donnant accès à la pension complète. Ces deux seuils n’existent pas nécessairement ou ne sont parfois pas distingués l’un de l’autre.

Dans le régime par points, chaque année de cotisation n’est pas équivalente à toute autre année, mais donne droit à un certain nombre de points.

Celui-ci est déterminé en fonction du montant de la cotisation versée : on divise en fait le montant de la cotisation par le salaire de référence et le taux de cotisation. Le salaire de référence évolue comme les prix ou comme les salaires.

Ensuite, la pension de retraite est égale au produit du nombre de points accumulés au cours de la carrière par la valeur du point. Des âges sont fixés pour l’ouverture des droits et parfois, de manière distincte, pour le taux plein.

Dans certaines conditions, les régimes de points et ceux d’annuités fonctionnent de manière équivalente.

En revanche, le régime des comptes notionnels ou de capitalisation virtuelle relève d’une approche plus individuelle et également plus abstraite.

Chaque assuré est titulaire d’un compte individuel, lequel est crédité virtuellement de ses cotisations. Celles-ci constituent un capital purement virtuel, lequel est revalorisé chaque année selon un indice (taux de progression du salaire moyen par tête en Suède et taux de progression du PIB en Italie).

Ensuite, la pension liquidée est calculée par application au capital virtuel accumulé, d’un coefficient de conversion dont la valeur est fonction de l’âge effectif de départ à la retraite et de l’espérance de vie à cet âge. Plus précisément, ce coefficient égalise la valeur actualisée de la totalité des échéances de pensions à verser avec le capital virtuel revalorisé. Le compte doit ainsi théoriquement être épuisé lors du décès de l’assuré. Le choix du taux d’actualisation est à la fois crucial et sensible.

En fait, le mode de calcul est celui d’un régime de retraite par capitalisation, mais il en diffère, car le régime fonctionne selon le principe de la répartition : les cotisations de l’année sont destinées à couvrir les dépenses de l’année courante.

Le taux d’actualisation le plus approprié est donc le taux d’évolution de l’assiette des cotisations versées et non un taux financier.

En résumant, on peut donc dire que le compte notionnel repose sur l’application en dépenses des principes des régimes de capitalisation et en recettes de ceux de la répartition.

4. La distinction entre les régimes à prestations définies et les régimes à cotisations définies

La distinction entre les régimes à cotisations définies et les régimes à prestations définies est intervenue pour différencier dans les régimes d’entreprises, notamment aux Etats-Unis, ceux garantissant le niveau de la prestation future indépendamment des aléas démographiques ou économiques et les autres.

S’agissant des retraites, elle s’est d’abord appliquée aux régimes par capitalisation gérés par des fonds de pension.

Dans les régimes à prestations définies, le prestataire s’engage sur un certain niveau de prestations. Il y a obligation de résultat. Le risque est donc supporté par le prestataire (sauf en cas de faillite, où c’est le bénéficiaire qui le subit à défaut de mécanisme de garantie par un tiers). Si les placements ne suffisent pas, il doit verser des cotisations supplémentaires. En raison de l’incertitude de leur coût réel, le rôle des régimes à prestations définies a progressivement diminué.

Les régimes à cotisations définies n’apportent au bénéficiaire aucune garantie sur le niveau de la pension de retraite. Il n’y a qu’une obligation de moyens. Le risque est à la charge du bénéficiaire.

Par extension, on peut ranger les régimes de retraite par répartition dans la catégorie des régimes à prestations définies.

En revanche, le compte notionnel vise à passer à un système à cotisations définies puisque le montant de la rente dépend du capital notionnel réellement versé.

B. Les modes de fonctionnement des actuels systèmes de retraite dans les pays de l’Union européenne, ainsi qu’aux Etats-Unis, au Japon et au Canada

1. Les structures d’ensemble des régimes de retraites

Le Conseil d’orientation des retraites (COR) suit plus particulièrement onze pays.

Outre la France, sept sont membres de l’Union européenne : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède.

Les trois autres sont membres de l’OCDE : les Etats-Unis, le Japon et le Canada.

Le tableau ci-après présente la physionomie des systèmes de retraite de ces onze pays.

 

Allemagne

Belgique

Canada

Années de réforme

1992, 2001, 2004

1997, 2003

1996

Minimum social ou pension forfaitaire (en % du salaire moyen) (1)

Social (19 %)

Social (22 %)

Social (23 %) et forfaitaire (8 %)

Régimes publics en répartition (2)

Type de pensions

Régime en points

Régime en annuités

Régime en annuités

Minimum de pension en 2006

(en  % du salaire moyen)

-

Cumulable avec les dispositifs de minimum (34 %)

-

Financement

Cotisations + transferts de l’Etat

Cotisations + transferts de l’Etat

Cotisations + réserves financières

Part des dépenses publiques (1 + 2) en 2005 (en 1990)

en  % de PIB

11,4 % (10,0 %)

9,0 % (9,1 %)

4,1 % (4,2 %)

en  % du budget de l’Etat

24,3 %

17,3 % (17,4 %)

10,6 % (8,7 %)

Régimes privés professionnels ou individuels en capitalisation (3)

Types de régimes (taux de couverture de la population)

Professionnels facultatifs (64 %) et/ou individuels facultatifs (44 %)

Professionnels facultatifs (55,6 %)

Professionnels facultatifs (39,4 %) et/ou individuels facultatifs (57,3 %)

Actifs financiers

en  % de PIB en 2007

4,1 %

4,0 %

55,3 %

Réserves collectives

Types de réserves

Fonds de trésorerie

-

Fonds de réserves

Importance en  % de PIB en 2007

-

-

7,9 %

Importance en années de prestations en 2007

1,5 mois de prestations

-

4 ans de prestations

Sources de revenu des personnes âgées de plus de 65 ans

Minima (1) et régimes publics (2)

73 %

81 %

41 %

Régimes privés professionnels ou individuels (3) et épargne individuelle

15 %

7 %

42 %

Travail

12 %

12 %

18 %

Source : COR et OCDE.

 

Espagne

Etats-Unis

France

Années de réforme

1995, 2007

1983

1993, 2003

Minimum social ou pension forfaitaire (en  % du salaire moyen) (1)

-

Social (18  %)

Social (32  %)

Régimes publics en répartition (2)

Type de pensions

Régime en annuités

Régime en annuités

Régime de base en annuités et régime complémentaire en points

Minimum de pension en 2006 (en   % du salaire moyen)

(30  %)

-

Cumulable avec les dispositifs minimum dans le régime de base (23 %)

Financement

Cotisations + réserves financières

Cotisations + réserves financières

Cotisations + transferts de l’Etat

Part des dépenses publiques (1 + 2) en 2005 (en 1990)

en   % de PIB

8,1  % (7,9  %)

6,0  % (6,1 %)

12,4 % (10,6 %)

en   % du budget de l’Etat

21,0  %

16,2  % (16,1  %)

23 % (21 %)

Régimes privés professionnels ou individuels en capitalisation (3)

Types de régimes (taux de couverture de la population)

Professionnels facultatifs (8,7  %)

Professionnels facultatifs (46  %) et individuels facultatifs (34,7  %)

Professionnels facultatifs (15 %)

Actifs financiers en   % de PIB en 2007

7,5  %

76,7  %

1,1 %

Réserves collectives

Types de réserves

Fonds de réserves

Dette comptable de l’Etat américain auprès du système de retraite

Fonds de lissage

Importance en   % de PIB en 2007

4,5  %

16,6  %

1,9 %

Importance en années de prestations en 2007

9 mois de prestations

-

1 mois de prestations

Sources de revenu des personnes âgées de plus de 65 ans

Minima (1) et régimes publics (2)

70  %

36  %

85 %

Régimes privés professionnels ou individuels (3) et épargne individuelle

5  %

30  %

8 %

Travail

24  %

34  %

6 %

Source : COR et OCDE.

 

Italie

Japon

Pays-Bas

Années de réforme

1992, 1995, 1997, 2004, 2007

2001, 2004

2009

Minimum social ou pension forfaitaire (en  % du salaire moyen) (1)

Social (22 %)

Social (19 %) et forfaitaire (16 %)

Forfaitaire (31 %)

Régimes publics en répartition (2)

Type de pensions

Régime en comptes notionnels

Régime en annuités

-

Minimum de pension en 2006 (en  % du salaire moyen)

-

-

-

Financement

Cotisations + transferts de l’Etat

Cotisations + réserves financières

-

Part des dépenses publiques (1 + 2) en 2005 (en 1990)

en  % de PIB

14,0 % (10,1 %)

8,7 % (4,9 %)

5,0 % (6,7 %)

en  % du budget de l’Etat

29,0 % (19,0 %)

22,7 %

11,0 % (12,2 %)

Régimes privés professionnels ou individuels en capitalisation (3)

Types de régimes (taux de couverture de la population)

Professionnels facultatifs (10,6 %) et individuels facultatifs (5,1 %)

Professionnels facultatifs (45 %)

Professionnels quasi obligatoires (> 90 %)

Actifs financiers en  % de PIB en 2007

3,3 %

20,0 %

138,1 %

Réserves collectives

Types de réserves

-

Fonds de réserves

-

Importance en  % de PIB en 2007

-

26,2 %

-

Importance en années de prestations en 2007

-

4 ans de prestations

-

Sources de revenu des personnes âgées de plus de 65 ans

Minima (1) et régimes publics (2)

72 %

48 %

48 %

Régimes privés professionnels ou individuels (3) et épargne individuelle

4 %

7 %

42 %

Travail

24 %

44 %

10 %

Source : COR et OCDE.

 

Royaume-Uni

Suède

Années de réforme

1995, 2002, 2007

1998, 2001

Minimum social ou pension forfaitaire

(en  % du salaire moyen) (1)

Social (19 %) et Forfaitaire (14 %)

Social (38 %)

Régimes publics en répartition (2)

Type de pensions

Régime en annuités (forfaitaire en 2010)

Régime en comptes notionnels complété par un régime public en capitalisation

Minimum de pension en 2006 (en  % du salaire moyen)

Cumulable avec les dispositifs minimum (15 %)

-

Financement

Cotisations

Cotisations + réserves financières + transferts de l’Etat

Part des dépenses publiques (1 + 2) en 2005 (en 1990)

en  % de PIB

5,7 % (4,9 %)

7,7 % (7,7 %)

en  % du budget de l’Etat

12,8 % (11,9 %)

13,9 %

Régimes privés professionnels ou individuels en capitalisation (3)

Types de régimes (taux de couverture de la population)

Professionnels facultatifs (47,1 %) et individuels facultatifs (18,9 %)

Professionnels quasi obligatoires (> 90 %)

Actifs financiers en  % de PIB en 2007

78,9 %

8,7 %

Réserves collectives

Types de réserves

-

Fonds de réserves

Importance en  % de PIB en 2007

-

31,7 %

Importance en années de prestations en 2007

-

4 ans de prestations

Sources de revenu des personnes âgées de plus de 65 ans

Minima (1) et régimes publics (2)

49 %

69 %

Régimes privés professionnels ou individuels (3) et épargne individuelle

39 %

21 %

Travail

12 %

10 %

Source : COR et OCDE.

On distingue clairement deux cas :

– ceux où les minima et les régimes par répartition financés par cotisations ou transferts publics représentent les trois quarts ou les quatre cinquièmes des revenus des retraités : la France (85 %) ; la Belgique (81 %) ; l’Allemagne (73 %) ; l’Italie (72 %) ; l’Espagne (70 %) et la Suède (69 %). Il s’agit de pays à régime bismarckien ;

– ceux où leur part s’établit au contraire à un peu moins de la moitié de ces ressources : le Royaume-Uni (49 %) ; les Pays-Bas (48 %) ; le Japon (48 %) ; le Canada (41 %) et les Etats-Unis (36 %). Ce sont les pays à régime beveridgien.

Parmi ces derniers, la part du deuxième et du troisième piliers est très significative, sauf au Japon.

Elle s’établit en effet à 39 % au Royaume-Uni, 42 % aux Pays-Bas, 30 % aux Etats-Unis et 42 % au Canada.

S’agissant des pays de la première catégorie, seuls deux, la Suède à raison de 21 % des ressources des retraités et l’Allemagne de 15 %, ont développé un deuxième et un troisième piliers significatifs.

2. L’organisation des allocations minimales, retraites planchers et filets de protection

a) Le niveau des prestations

Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, la lutte contre la pauvreté des personnes âgées a conduit à la mise en place de mécanismes de retraite minimum et de filets de protection.

Le premier dispositif concerne les retraites de base, sous condition de ressources et de minimum.

L’OCDE a chiffré leur montant à 27 % en moyenne du salaire moyen du pays considéré.

Le graphique suivant montre que leur niveau est assez indépendant du niveau global de richesse du pays considéré. Celui-ci résulte donc d’un choix de politique sociale.

Valeur des prestations de retraite de base, sous condition de ressources et de minimum – Pourcentage du salaire moyen national

Source : OCDE.

La proportion des plus de 65 ans qui relève de la couverture des retraites minimum et des prestations assurées par le filet de protection atteint un niveau particulièrement élevé non seulement au Portugal et en Grèce, pays dont le niveau de PIB par tête est moins élevé que la moyenne européenne et également pays qui sont les moins riches des quinze anciens Etats membres, mais également dans les pays du Nord, Danemark, Suède et Finlande.

Le graphique suivant rappelle ces éléments.

Couverture des retraites minimum et sous conditions de ressources
(pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans qui reçoivent une ou plusieurs prestations)

Source : OCDE.

Pour expliquer une telle situation, l’OCDE estime que dans les pays méditerranéens, l’importance du secteur informel fait que, l’âge venu, les anciens employés de ce secteur ne sont couverts que par les minima, et qu’en revanche, pour les pays du Nord, les qualités du système de protection, avec un niveau élevé pour le minimum, doivent être invoquées.

b) Les mécanismes envisageables

Sur le fond, les mécanismes des onze pays régulièrement suivis dans le cadre des travaux du COR sont, au choix des Etats, les suivants :

– un revenu minimum sous condition de ressources ;

– une pension forfaitaire, universelle (ouverte à tous les citoyens et proportionnelle à la durée de résidence dans le pays) ou propre au système de retraite (ouverte aux seuls cotisants et proportionnelle à la durée de cotisation) ;

– une pension garantie à un niveau minimum.

c) La pension minimum au sein des systèmes de retraite

Selon les documents de travail du COR, les dispositifs de pension minimum ont été mis en œuvre dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne, ainsi qu’au Canada et au Japon.

S’agissant de l’ordre de grandeur de la prestation, compte non tenu de la multiplicité des barèmes, trois groupes de pays peuvent être identifiés :

– ceux avec un minimum de l’ordre de 15 % du salaire moyen (Japon, Canada et Royaume-Uni) ;

– ceux avec un niveau plancher autour de 20 à 25 % du salaire moyen, en Italie, en France et aux Pays-Bas;

– ceux avec un niveau plancher plus élevé autour de 30 % du salaire moyen : Belgique, Espagne et Suède.

Deux mécanismes sont en vigueur : celui d’une pension contributive élevée à un niveau minimum après calcul, comme en Belgique, en Espagne, en Italie et en Suède, ainsi que France ; les pays à pension de type universelle non contributive, premier étage de type beveridgien, en vigueur au Canada, aux Pays-Bas et au Japon.

Par ailleurs, sauf en principe le Royaume-Uni à partir de 2012, les pays indexent les retraites planchers sur les prix. Il en résulte un « décrochage » avec les salaires des actifs.

d) Le revenu minimum ou garantie de ressources aux personnes âgées

Tous les pays régulièrement suivis dans le cadre des travaux du COR, à l’exception de la Suède, ont un dispositif de revenu minimum pour les personnes âgées, lequel concerne ainsi les personnes qui n’ont pas ou pas suffisamment contribué. Les critères d’attribution sont l’âge, la résidence et la nationalité, sous réserve au sein de l’Union européenne que les ressortissants des Etats membres soient traités comme les nationaux, conformément au principe de la non discrimination.

Ce sont des garanties de ressources, à savoir des prestations différentielles accessibles sous condition de ressources, mais aussi parfois, comme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, sous condition de patrimoine.

Ces revenus minimum ne sont parfois pas des minimum absolus, car il faut également tenir compte des aides au logement, des aides à l’accès aux prestations de santé et des aides spécifiques telles que le Winter Fuel Payment au Royaume-Uni.

Le tableau suivant reprend d’une manière synthétique les dispositifs qui viennent d’être évoqués.

Pays

Pension minimum

   

Revenu minimum

 

Garantie par la pension de base

Garantie par un dispositif

spécifique

Montant

 

France

Non

Minimum contributif

22 %

Minimum vieillesse

Belgique

Non

Pension Minimum

Garantie

32 %

GRAPA

Canada

Sécurité Vieillesse

Non

15 %

Système de retraite garantie

Allemagne

Non

Non

 

Grundsicherung

Espagne

Non

Oui

33 %

Oui

Italie

Non

Traitement minimum

25 %

Chèque social

Japon

Kokumin Nenkin

Non

16 %

Seikatsu Hogo

Pays-Bas

AOW

Non

22 %

WWB

Suède

Non

Pension Garantie

36 %

Non

Royaume-Uni

Basic State Pension

Non

19 %

Pension Credit

Etats-Unis

Non

Non

 

Social Security Income

Source : Direction générale du Trésor ; COR.

Sur l’effet des revenus minimums pour les personnes âgées, les conclusions des documents préparatoires aux travaux du COR sont nuancées.

Ils concluent sur le fait qu’une analyse rapide des taux de pauvreté (la pauvreté est définie comme le fait de disposer de moins de 60 % du revenu médian) montre un problème spécifique dans trois pays, marqués par des niveaux de pauvreté élevés pour les personnes âgées : le Japon, les Etats-Unis, et le Royaume-Uni.

Alors que le taux d’activité des plus de 65 ans était en 2007 de 4,2 % dans les quinze plus anciens Etats membres de l'Union européenne, il s’établit par conséquent à 16 % aux Etats-Unis et 20,1 % au Japon.

C. Des résultats assez contrastés

1. Des dépenses de pensions qui varient du simple au triple

Selon les dernières données disponibles, celles publiées par Eurostat dans le cadre de son annuaire 2009, les dépenses de pensions ont représenté 12,2 % du PIB des Vingt-sept en 2005.

Cette approche est cependant partiellement inexacte car, si les pensions de retraite constituent l’essentiel de l’agrégat statistique correspondant, d’autres pensions telles que celles d’invalidité et de préretraite sont prises en compte.

Cet effort en faveur des pensions est très variable selon les pays. Il est le plus important en Italie, à raison de 14,8 % et atteint son minimum en Irlande avec 4,9 %.

Dépenses de pensions en 2005 en pourcentage du PIB

Source : Eurostat.

Ce sentiment d’hétérogénéité est accru si l’on tient en outre compte des dépenses d’assistance aux personnes âgées (allocation de soins, hébergement et assistance dans la vie quotidienne), qui s’établissent à 0,5 % du PIB en moyenne, mais qui sont particulièrement élevées en Suède (2,5 % du PIB), ainsi qu’au Danemark (plus de 1,5 % du PIB).

Pour ce qui concerne les onze pays régulièrement suivis dans le cadre des travaux préparatoires du COR, on distingue deux groupes :

– les Etats dont les minima et les régimes publics par répartition représentent plus de 10 % du PIB : l’Italie (14 %), la France (12,4 %) et l’Allemagne (11,4 %) ;

– ceux où tel n’est pas le cas : la Belgique (9 %) ; le Japon (8,7 %), l’Espagne (8,1 %), la Suède (7,7 %), les Etats-Unis (6 %), les Pays-Bas (5 %), le Royaume-Uni (4,7 %) et le Canada (4,1 %).

On observe par ailleurs que la masse des dépenses relatives au minimum social ou pensions forfaitaires, et des dépenses par répartition représente 29 % des dépenses publiques en Italie, 22,7 % au Japon, 23 % en France, 31 % en Espagne, 16 % aux Etats-Unis, 12,8 % au Royaume-Uni, 13,9 % en Suède et 11 % aux Pays-Bas.

2. Des transferts publics prépondérants, sauf exception, dans les revenus des retraités

Les transferts publics (pensions de retraite ou prestations sous conditions de ressources) constituent en moyenne 60 % des revenus des retraités, des pays de l’OCDE, le reste étant constitué de revenus du travail ou de revenus du capital.

On observe que la part des transferts publics est la plus élevée, à raison de 85 % en Hongrie et en France, et faible aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, en raison de l’importance des fonds de pension, comme l’indique le graphique suivant.

Sources de revenu des personnes agees
(pourcentage du revenu disponible des ménages, milieu des années 2000)

Source : OCDE.

Le cas de la Finlande n’est pas considéré par l’OCDE comme significatif. Il résulte de ce que la comptabilité nationale y assimile les revenus des régimes professionnels obligatoires à des revenus en capital, contrairement aux conventions d’usage sur l’établissement des statistiques. Il est regrettable qu’aucun retraitement n’ait été fait pour rendre les éléments présentés parfaitement comparables.

3. Des taux de remplacement inégaux

Pour mesurer l’écart entre la pension et le revenu d’activité, Eurostat présente dans son annuaire le taux de remplacement agrégé, qui désigne le rapport entre les pensions brutes moyennes des 65-74 ans et les revenus bruts moyens des 50-59 ans hors prestations sociales. Comme l’indique le graphique suivant, ce ratio était en 2006 de 50 % pour l’ensemble de l’Union européenne avec un maximum de 65 % des salaires des 50-59 ans au Luxembourg et en Autriche. En revanche, les taux les plus faibles sont enregistrés au Danemark (37 %), en Irlande (35 %) et à Chypre (28 %).

Taux de remplacement agrégé en 2006

Source : Eurostat.

Les données de l’OCDE confirment ces analyses. Les taux sont en France de 62 % à la moitié du salaire moyen et 54 % au salaire moyen.

Taux de remplacement brut en % du salaire individuel

Cliquer sur l'image pour télécharger les données en Excel

Source : OCDE.

4. Des revenus souvent comparables, en moyenne, à ceux des actifs

De manière plus significative, il faut comparer le revenu des personnes âgées avec celui de l’ensemble de la population.

Les travaux de l’OCDE font en effet apparaître que les plus de 65 ans disposent en moyenne dans les pays membres d’un revenu égal à 82 % du revenu disponible de la moyenne de la population. On est donc proche de la parité.

Les moins âgés, à savoir la tranche des 65-75 ans, disposent même de 86 % de cette moyenne. Les autres, ceux de plus de 75 ans, en revanche ont un revenu qui dépasse un peu les trois quarts de l’ensemble de la population, à raison de 77,6 %. C’est en raison des mécanismes d’indexation des pensions sur les prix. L’évolution des salaires accroît mécaniquement en période de croissance les revenus des actifs.

Le graphique suivant récapitule l’ensemble de ces données pour les pays de l’OCDE, au milieu des années 2000.

Source : OCDE.

Pour se limiter aux pays européens, on constate qu’outre la France, le Luxembourg et l’Autriche, mais aussi la Pologne et l’Allemagne, offrent aux retraités des revenus comparables à ceux de l’ensemble des autres catégories.

Corrélativement, on observe que les taux de pauvreté des personnes âgées sont, sauf exception comme en Irlande, en Grèce, en Espagne et au Portugal, où ils sont supérieurs à la moyenne de l’OCDE, soit 13,3 %, assez bien maîtrisés dans les pays de l’Union européenne membre de cette organisation. Le graphique suivant donne le détail des éléments correspondants.

Taux de pauvrete des personnes agees, milieu des annees 2000
(pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans dont les revenus sont inférieurs a la moitie du revenu équivalent médian)

Source : OCDE.

II. DES ENJEUX ET DÉFIS SIMILAIRES

A. Un afflux de retraités

1. Des pyramides des âges qui s’allongent vers le haut et se rétrécissent à la base

a) L’augmentation de l’espérance de vie

Le XXsiècle a été marqué par plusieurs révolutions démographiques. L’un des traits les plus saillants a été l’augmentation de l’espérance de vie dans les pays développés, notamment les Etats européens. L’âge n’est plus une exception. Le franchissement du siècle, qui était extrêmement rare, et n’est réellement constaté qu’à partir du XVIIIsiècle, ne l’est plus.

Il y avait en France plus de 20 000 centenaires en 2008 contre 2 000 en 1950.

Pour notre pays aussi, comme l’indique le tableau suivant, l'espérance de vie à la naissance des femmes et des hommes n’a cessé d’augmenter entre 1950 et 2009, passant de 69,2 années pour les femmes et 63,4 années pour les hommes en 1950, à 84,5 années pour les femmes et 77,8 années pour les hommes en 2009.

Espérance de vie en France

 

1950

1960

1970

1980

1990

2000

2002

2004

2006

2007

2008(p)

2009(p)

hommes

63,4

67,0

68,4

70,2

72,7

75,3

75,8

76,8

77,2

77,4

77,6

77,8

femmes

69,2

73,6

75,9

78,4

80,9

82,8

83,0

83,9

84,2

84,4

84,4

84,5

(p) provisoire

Source : INED, Population & Sociétés no 465, mars 2010.

On a donc gagné quinze ans en un demi-siècle. Dans l’ensemble, c’est en moyenne un trimestre de plus tous les ans.

Plus significative est l’augmentation de l’espérance de vie à 60 ans. Selon les éléments publiés par l’INSEE et repris par le COR, celle-ci progresse assez régulièrement en France métropolitaine depuis plusieurs décennies. Elle est ainsi passée de 16,6 ans en 1950 à 23,7 ans en 2004 (hommes et femmes confondus), soit une progression moyenne observée d’environ 1,3 an par décennie.

Lorsque l’on a atteint soixante ans, on vit donc en moyenne, sept ans de plus qu’il y a un demi-siècle.

Les pays européens connaissent tous la même évolution.

b) Une fraction significative de la vie totale en retraite

Le résultat de l’augmentation de l’espérance de vie est que les personnes passent dorénavant une fraction significative de leur vie en retraite, après la cessation d’activité plus précisément.

Comme l’indique le tableau suivant, le quart de siècle est atteint dans de nombreux pays pour les femmes et la durée de la retraite dépasse deux décennies pour les hommes.

Années estimées à la retraite, par genre, en 2007

Cliquer sur l'image pour télécharger les données en Excel

Source : OCDE.

Globalement, notamment en France, on passe plus du quart de sa vie après avoir cessé son activité.

c) La transformation du baby boom en papy boom

L’ensemble des Etats européens de l’Ouest, de même que les Etats-Unis d’ailleurs, ont connu de 1945 à 1965 environ le phénomène de baby boom. La natalité s’est élevée, et des générations plus nombreuses sont nées.

A partir du milieu des années 1960, la natalité commence à baisser, de manière échelonnée, mais, dans l’ensemble, synchronisée entre les pays. Pour la France, le baby boom se termine au milieu des années 1970.

La bosse de générations nombreuses se déplace vers le haut au fur et à mesure que le temps passe, et le baby boom se transforme en papy boom.

Par conséquent, les pyramides des âges sont plus allongées qu’auparavant et leur base est plus réduite que leur partie supérieure.

Le cas de la France est éclairant.

Ce n’est cependant pas le cas de figure le plus défavorable, car notre pays dispose depuis près de 30 ans, soit une génération, d’un taux de natalité supérieur à celui de la plupart des autres pays européens, comme l’indiquent les pyramides des âges comparées de la France, de l’Allemagne, de l’Italie du Royaume-Uni et de l’Europe de l’Ouest, selon les données de l’ONU présentées sur le site de l’INED.

Pyramide des âges en France

On constate que les pyramides des âges de l’Allemagne et de l’Italie sont nettement déséquilibrées, car très rétrécies à la base, comme pour l’Europe de l’Ouest en général.

Tel n’est cependant pas le cas pour le Royaume-Uni.

Europe de l’Ouest Allemagne

Italie Royaume-Uni

d) Une augmentation structurelle du taux de dépendance

Du point de vue des retraites, l’évolution de la démographie se traduit par une augmentation du taux de dépendance, c'est-à-dire du nombre des plus de 65 ans par rapport aux personnes en âge d’être actif ou conventionnellement considérées comme telles.

Comme l’indique le tableau suivant, établi par Eurostat en 2008 dans le cadre de ses projections de long terme, le ratio, qui s’établissait pour les Vingt-sept à 25,4 % en 2008 et devrait être de 25,9 % en 2010, soit un retraité pour 4 actifs ou personnes en âge de l’être, devrait passer à 48 % en 2045 et 53 % en 2060, soit un retraité pour deux actifs.

Taux de dépendance projeté

pays\année

2010

2015

2020

2025

2030

2035

2040

2045

UE (27 pays)

25,9

28,26

31,05

34,23

38,04

42,07

45,36

48

Belgique

26,09

28,18

30,6

33,79

37,58

40,47

42,27

43,01

Bulgarie

25,29

28,17

31,1

33,75

36,28

39,1

43,58

49,7

République tchèque

21,83

26,49

31,07

33,75

35,71

37,79

42,71

50,17

Danemark

24,98

29,09

31,85

34,49

37,85

41,09

42,69

42,69

Allemagne

31,17

32,22

35,28

39,53

46,23

52,79

54,73

55,13

Estonie

25,01

26,7

29,18

31,88

34,42

36,11

38,96

42,17

Irlande

16,67

18,37

20,23

22,27

24,63

27,21

30,6

35,27

Grèce

28,22

30,58

32,75

35,37

38,47

43,19

48,25

53,23

Espagne

24,43

25,82

27,42

30,17

34,32

39,72

46,39

53,88

France

25,81

29,3

32,77

35,85

39,02

41,74

43,99

44,18

Italie

30,99

33,6

35,47

37,97

42,45

48,29

54,07

57,89

Chypre

18

19,86

22,26

24,93

27,44

29,03

30,76

33,32

Lettonie

25,17

26,23

28,08

31,15

34,57

37,08

40,72

44,72

Lituanie

23,18

24,02

25,98

29,7

34,71

38,83

42,81

45,96

Luxembourg

21,07

22,3

24,23

27,08

30,8

34,37

36,31

37,23

Source : Eurostat.

Le taux de dépendance devrait à long terme être de l’ordre de 45 % ou inférieur à ce seuil en France, ainsi qu’en Irlande, au Royaume-Uni, au Danemark, ainsi qu’à Chypre et au Luxembourg.

2. L’alourdissement structurel des dépenses médicales et sociales : le coût global du vieillissement démographique

Le vieillissement de la population a un impact élevé sur les dépenses sociales au sens large, car il contribue directement à l’alourdissement de deux de ses composantes, les dépenses de retraite et les dépenses de santé, sans que l’allègement corollaire, et économiquement de peu d’intérêt, des dépenses d’éducation et de formation ne le compense.

La Commission européenne a retenu, dans le cadre de sa communication de 2009 sur le vieillissement démographique, une approche globale.

Le coût de l’ensemble des mesures en faveur de la vieillesse est ainsi considéré comme devant s’accroître à hauteur de 4,7 points de PIB pour l’ensemble des Vingt-sept de 2007 à 2060. L’augmentation serait légèrement supérieure pour la zone euro (+ 5,2 points).

Cette augmentation est paradoxalement moins importante dans les pays comme la France (+ 2,7 points de PIB), la Suède (+ 2,6 points) ou l’Italie (+ 1,6) où le niveau de l’effort social correspondant est déjà élevé, que dans les autres pays où il est actuellement moindre, comme les Pays-bas (+ 9,4 points de PIB).

Le tableau suivant récapitule ces éléments.

Dépenses publiques liées au vieillissement, 2007-2060,

variation du PIB en points de pourcentage

Source: Rapport 2009 sur le vieillissement: projections économiques et budgétaires pour les États membres de l'UE-27 (2008-2060).

B. Le défi du maintien des seniors dans l’emploi

La question de l’âge de la retraite est étroitement liée à l’emploi des seniors, c'est-à-dire de la tranche d’âge comprise, selon les conventions d’usage en la matière, entre 55 et 64 ans.

D’une manière générale, on constate dans l’ensemble des pays, sauf exception comme au Japon, un décalage entre l’âge effectif de cessation d’activité et l’âge légal de départ en retraite.

Pour la France, contrairement à l’Allemagne, le départ est antérieur à l’âge légal d’ouverture des droits.

Age officiel d’ouverture des droits à retraite en 2008 (hommes et femmes)

et âge effectif moyen de sortie du marché du travail

* Pour la Belgique et la Finlande, les âges effectifs moyens correspondent à 2007 (valeurs 2008 encore inconnues).

Source : Eurostat 2010, COR.

Les résultats sont cependant très différents d’un pays à l’autre. C’est le résultat de la politique en matière d’emploi des seniors. Tous les pays européens n’ont pas rencontré les mêmes succès dans ce domaine.

Comme l’indique le graphique ci-après, la Suède et, d’ailleurs, plus largement les pays scandinaves, sont ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats.

Cliquer sur l'image pour télécharger les données en Excel

Source : OCDE.

Le Conseil d’orientation des retraites, qui a mis l’accent dès son premier rapport, en 2001, sur l’importance du sujet, a fait réaliser par l’OFCE une étude sur la question. Celle-ci a été publiée en 2007 sous l’intitulé « Etude comparative sur les pays européens ayant un taux d’emploi des seniors élevé ».

Elle a porté sur les cinq pays ayant les meilleurs résultats en la matière, à savoir les deux précités, Suède et Danemark, ainsi que Royaume-Uni, Finlande et Pays-Bas.

Au Royaume-Uni, des actions visibles ont été prévues en la matière avec, en 2000, le programme New Deal 50 + fondé sur des conseils individualisés pour la recherche d’emploi, une subvention pour la reprise d’emploi en deçà d’un certain salaire et une subvention à la formation.

Cette étude conclut à l’absence de certitude, et donc de modèle et de « recette » absolue en la matière.

Elle contient néanmoins plusieurs remarques intéressantes :

– d’abord, il y a des réussites en matière des seniors, tant dans les économies menées selon une inspiration libérale, où la contrainte de la compétitivité pèse sur les individus, que dans celles d’inspiration social-démocrate où la flexibilité sur le marché du travail a pour contrepartie une certaine sécurisation des parcours ;

– ensuite, l’emploi des seniors est lié au dynamisme d’ensemble de l’économie : la croissance a été plus élevée dans les économies où leur taux d’emploi est plus important ;

– de plus, ces économies ont une spécialisation adaptée à l’emploi des seniors, dans deux types de secteurs : ceux à forte intensité en technologie et connaissance, fortement utilisateurs d’informatique, où les seniors qualifiés sont employés, et ceux à faible intensité au regard de ces éléments où les seniors peu qualifiés peuvent être employés. A contrario, c’est la spécialisation dans les secteurs intermédiaires qui est défavorable à l’emploi des seniors ;

– enfin, les politiques en la matière doivent être cohérentes avec des politiques plus larges en faveur de l’emploi des seniors.

Pour ce qui concerne les revenus, l’OFCE note deux éléments qui jouent en faveur de l’emploi des seniors :

– la faible progression des revenus au cours de la carrière professionnelle, comme en Suède, voire un revenu décroissant comme au Royaume-Uni ;

– des taux de remplacement plus faible des revenus d’activité par les retraites.

En dépit de ces éléments, l’OFCE préconisait pour la France, au-delà de la correction des éléments structurels défavorables (absence de spécialisation dans les secteurs peu technologiques ou au contraire très technologiques, dynamisme démographique plus important) des actions mobilisant comme dans les pays scandinaves l’ensemble des acteurs.

Concrètement, lorsque l’on compare les expériences, notamment celles des pays étrangers, on constate que les dispositifs de préretraite ou de retraite anticipée ont été progressivement supprimés et/ou que leur champ d’application a été notablement réduit.

C. L’érosion de la part des salaires dans la valeur ajoutée

Traditionnellement, le financement des retraites repose largement sur les salaires. Pour les systèmes bismarckiens, c’est le principe de base. Pour les systèmes beveridgiens, c’est également le cas pour le premier pilier quand des cotisations assises sur les salaires sont prévues, comme au Royaume-Uni, et c’est toujours largement le cas pour la partie deuxième pilier : les contributions aux fonds de pension sont fonction du salaire. Au fur et à mesure que le capital se constitue, elles jouent cependant un rôle moindre.

L’évolution du partage de la valeur ajoutée est donc l’une des clés de la pérennité du financement des retraites.

La part des salaires diminue maintenant depuis le début des années 1980, dans l’ensemble des pays occidentaux, comme l’indiquent les courbes suivantes.

Evolution de la part des salaires dans la valeur ajoutée

La proportion actuelle de 60 % de la valeur ajoutée brute des entreprises non financières constatée dans l’Union européenne n’est certes pas homogène.

La France se situe au deuxième rang, après la Suède et juste devant le Danemark, l’Espagne, le Portugal et la Slovénie, comme le récapitule le graphique ci-après. Elle n’est pas dans la situation la moins favorable.

Part des salaires dans la valeur ajoutée

D. L’épreuve de la crise

1. Des fonds de pension mis à mal lorsqu’ils étaient trop investis en actions avant la crise

Les effets de la crise sur les régimes par capitalisation ont été rapides, directs et violents.

Comme l’a chiffré l’OCDE et le rappelle le graphique ci-après, les rendements des fonds de pension ont été particulièrement négatifs en 2008. La perte s’est même établie à -30 % en Irlande. Dans les régimes à prestations définies, il y a eu fragilisation de l’opérateur. Dans les régimes à cotisations définies, le risque est inverse, avec la baisse de la pension, ce qui provoque soit un report du départ prévu, soit dans le cas des pensions déjà mises en liquidation, un développement de la précarité. Le début de l’année 2009 n’a pas compensé les pertes de 2008.

Rendement des fonds de pension en 2008 et 2009

Source : OCDE.

Les écarts de performances se sont essentiellement expliqués par les types d’investissement choisis.

Comme le montrent le graphique et le tableau qui suivent, les pays où les fonds de pension, notamment les fonds à prestations définies, ont réduit leur exposition aux actions, et tel est le cas du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Danemark et de l’Allemagne, ont eu des pertes moindres que l’Irlande qui était le seul pays où la moitié des portefeuilles était investie en actions, et la faible perte des fonds de pensions allemands s’explique par une exposition réduite aux actions (10,1 % en 2007 et 6,1 % en 2008).

De ce point de vue, la tendance à l’individualisation des comptes pose un double problème. D’une part, elle implique des choix de gestion que les futurs bénéficiaires ne sont pas en mesure de faire ou n’ont pas la volonté de faire, notamment le désengagement des actions au fur et à mesure que l’âge de liquidation des droits s’approche. L’adoption de stratégies de type cycle de vie (actions en début de carrière professionnelle et obligations en fin de carrière) n’est pas spontanée. D’autre part, le risque de réduction à peu de chose de certains comptes individuels est un facteur de paupérisation dont les conséquences sont préoccupantes pour la collectivité, car il augmente la mise à contribution des mécanismes de solidarité financés par l’Etat.

L’exemple du Royaume-Uni montre les difficultés actuelles des fonds de pension à prestations définies.

Le Fonds de protection pour les pensions (Pension protection fund), créé en 2004 pour prendre le relais des fonds à prestations définies tombés en faillite, mesure le solde des bilans de l’ensemble de ces mêmes fonds. En décembre 2009, ce solde était négatif à raison de 100 milliards de livres sterling, soit son niveau de mars 2003. Néanmoins, comme l’a relevé M. Rudyard Ekindi, de la Personal accounts delivery authority, l’élément le plus significatif est que le bilan des fonds à prestations définies est deux fois plus volatile que les marchés financiers.

Par rapport à la situation exceptionnelle de 2003-2006 où les actions ont monté et le rendement des obligations aussi, la crise a eu un effet doublement négatif : les actions ont baissé, de même que les rendements obligataires. L’actif et le passif retraite ont évolué en sens contraire, d’où un effet de ciseau.

Quant au Fonds de protection pour les pensions, son déficit était de plus d’un milliard de livres en mars 2009, au point bas de la crise, et les perspectives de son retour à l’équilibre sont, pour le milieu de la décennie, entre 2013/2014 et 2018.

Par ailleurs, le cas de BP, valeur phare des fonds de pension et investissement de fonds de portefeuille au Royaume-Uni, illustre la vulnérabilité du financement boursier des retraites. Après l’accident de la plate-forme pétrolière Deepwater horizon, la capitalisation boursière du groupe, entre le 20 avril, date de l'accident, et le 10 juin suivant a perdu 49,6 milliards de livres, soit presque 60 milliards d’euros.

Une inquiétude a été exprimée sur l’effet de cet effondrement sur l’avenir des retraités des pays investisseurs.

2. Des systèmes par répartition également fragilisés

Globalement, pour les pays comme la France où l’essentiel des retraites fonctionne selon le principe de la répartition, la crise a accéléré les échéances et les déficits actuels sont, comme en France, ceux que l’on aurait dû constater dans deux décennies.

Le premier effet de la crise a été de réduire les recettes, la dégradation de l’emploi réduisant les cotisations et la moindre évolution des rémunérations érodant la base des cotisations, ainsi que de diminuer les capacités de renflouement des Etats, puisque la situation budgétaire s’est brutalement et durablement tendue. Ce deuxième effet a été d’autant plus important que les Etats se sont endettés pour procéder au sauvetage du secteur bancaire et financier, et endiguer tout risque d’effondrement et de déflation.

Dans l’ensemble, Mme Aino Salomäki, chef adjointe d’unité à la direction des affaires économiques et financières de la Commission européenne, estime que la crise augmente d’un point de PIB le coût du vieillissement démographique.

Le cas de l’Allemagne montre cependant qu’un système de retraite réformé, doté en outre d’un mécanisme d’ajustement automatique, offre une certaine robustesse face à la crise.

Selon M. Volker Schmitt, du ministère allemand du travail et des affaires sociales, la crise a eu un impact essentiellement concentré sur les hauts salaires, au-delà du plafond d’assujettissement aux cotisations, et donc peu d’effet sur les recettes puisque la masse salariale taxable n’a été que peu affectée. En outre, le paiement par les chômeurs de cotisations autres que les chômeurs de longue durée, au régime de retraite ne grève pas le budget, tant que le chômage de longue durée est resté sous contrôle.

3. La question des conditions de la sortie de crise

Les conditions dans lesquelles l’Union européenne sortira de la crise actuelle sont fondamentales pour les régimes de retraite.

Trois profils sont envisageables.

Un seul correspond à un scénario optimiste. C’est celui de la sortie selon une courbe en V, la croissance de l’après-crise étant suffisamment dynamique pour assurer, sinon l’équilibre de long terme des régimes, au moins une situation qui s’en approche et n’exige pas des réformes trop importantes.

Les deux autres ont des conséquences préoccupantes, tant celui de la sortie de crise assez rapide avec une économie au potentiel de croissance structurellement diminué, que celui de la sortie de crise très lente avec soit des rechutes, soit des niveaux de croissance durablement proches de zéro.

III. UNE COMPÉTENCE ESSENTIELLEMENT EXERCÉE PAR LES ETATS MEMBRES

A. Une compétence restée nationale et une action communautaire limitée en l’état à la coordination ainsi qu’au bon fonctionnement du marché intérieur

Sur le fond, l’Union européenne n’a exercé qu’une compétence très limitée en matière de retraites.

La Communauté européenne n’a pas eu, en effet, pour objectif de créer un système européen unique et unifié de sécurité sociale. Le niveau des prestations, leur financement et leurs conditions d’attribution relèvent donc des Etats membres.

Les compétences prévues en la matière par le traité de Rome, et maintenant par celui de Lisbonne, sont pourtant triples.

D’abord, ce sont celles prévues par le traité de Rome au titre de la libre circulation des travailleurs qui figuraient à l’article 42 et dont la teneur a été reprise par l’article 48 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, conformément au traité de Lisbonne. Elles concernent, pour l’essentiel, ce qui est nécessaire à la mobilité des personnes, et même à la mobilité professionnelle des travailleurs, à savoir la coordination des régimes de sécurité sociale pour assurer la continuité des droits d’un Etat membre à l’autre, au cours du parcours professionnel.

Toutes les prestations sociales ont d’ailleurs été visées par les règlements de coordination de la sécurité sociale, les pensions de retraite naturellement, mais aussi l’assurance maladie maternité, les prestations familiales et les prestations de chômage. L’actuel règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, récemment entré en vigueur, vient de remplacer l’ancien règlement (CEE) no 1408/71.

Ensuite, ce sont celles prévues par l’article 153 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui reprend des dispositions de l’article 137 du traité de Rome, et qui confère à l’Union une compétence pour soutenir et compléter les actions des Etats membres dans différents domaines de la politique sociale.

De manière précise, le dispositif vise « la sécurité sociale et la protection des travailleurs » et permet au législateur européen, le Parlement européen et le Conseil, de prévoir dans le cadre de directives des « prescriptions minimales ».

Néanmoins, les directives correspondantes doivent être adoptées à l’unanimité du Conseil dans certaines matières, dont la protection sociale.

C’est un élément qui explique qu’aucune initiative ne soit intervenue en la matière, d’autant que la convergence spontanée entre les Etats membres a été suffisante pour éviter le recours à de telles prescriptions minimales, mais insuffisante, également, pour conduire à des systèmes voisins permettant sans difficulté de prévoir des règles communes.

Dans d’autres domaines, notamment en matière de droit du travail, la majorité qualifiée est simplement exigée et de telles prescriptions minimales ont pu intervenir.

Enfin, et de manière indirecte, le fonctionnement du marché intérieur a conduit le législateur communautaire à intervenir pour permettre aux fonds de pension de bénéficier de la libre circulation des capitaux et de la libre prestation de services.

La directive 2003/41/CE du 3 juin 2003 concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle vise notamment à établir des normes prudentielles rigoureuses pour un niveau de protection adapté des bénéficiaires des fonds de pension.

Elle ouvre la possibilité pour les fonds de pension de gérer des régimes de pension professionnelle pour des entreprises établies dans un autre Etat membre, permettant ainsi aux entreprises opérant sur une base transnationale d’avoir un seul fonds de pension pour l’ensemble de leurs filiales en Europe.

Néanmoins, la question de la transférabilité des droits à pension n’a pas été réglée, car la proposition de directive relative à la portabilité des droits à pension complémentaire (document COM (2005) 507 final/E2992) n’a pas été adoptée par le Conseil, faute d’unanimité, notamment sur la question des durées d’assurance.

Récemment remis au Président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso, le rapport de M. Mario Monti, ancien commissaire européen, sur Une nouvelle stratégie pour le marché intérieur, souligne l’intérêt de voir aboutir cette proposition de directive.

B. Un problème d’intérêt commun et le rôle de la méthode ouverte de coordination

Au-delà des compétences juridiques strictes de la communauté européenne, puis de l’Union européenne, les systèmes de retraite, et leur réforme, sont apparus comme une question d’intérêt commun.

Chronologiquement, celle-ci a d’abord été évoquée par les textes et les recommandations des instances en charge des questions économiques (Conseil « Ecofin », Comité de politique économique, BCE, DG ECFIN). Avec la surveillance accrue des finances publiques dans le cadre du Pacte de Stabilité et de Croissance et des grandes orientations de politique économique (Gope), les Etats membres ont toujours été incités à réformer leur système de retraite.

Le Conseil « Ecofin » a ainsi décidé en 2000 qu’une partie des Gope serait consacrée aux enjeux financiers du vieillissement, puis, en juillet 2001, que chaque Etat membre devrait inclure des projections de l’effet à long terme des évolutions démographiques dans le programme présenté chaque année dans le cadre du pacte de stabilité. Les Gope adoptées en juin 2002 ont invité l’ensemble des pays à « réformer leurs politiques de retraite » et à « envisager de recourir de manière plus importante à la capitalisation ».

En 2005 les Gope ont été transformées en lignes directrices intégrées pour la croissance et pour l’emploi. Le sujet des retraites reste présent.

Au niveau des ministres des affaires sociales, des initiatives sont intervenues dès la fin de 1999 conduisant à la mise en place du Comité de la protection sociale et d’une procédure de suivi au niveau européen, inspirée de la Stratégie européenne sur l’emploi, et officialisée au Conseil européen de Lisbonne (mars 2000) sous l’appellation de méthode ouverte de coordination (MOC). C’est une procédure assortie notamment d’échanges de bonnes pratiques.

Pour les retraites, la MOC a définitivement été lancée lors du Conseil européen de Laeken (décembre 2001). Elle a été mise en place pour déterminer les objectifs communs en la matière, les Etats membres définissant eux-mêmes leurs stratégies nationales. Elle a posé à l’origine onze objectifs précis, regroupés selon les trois thèmes suivants : adéquation, viabilité et modernisation. Aujourd’hui, la DG emploi, affaires sociales et égalité des chances met surtout l’accent sur le développement des retraites adéquates et la garantie de la viabilité à long terme des systèmes de retraites.

Récemment, dans un rapport présenté au Conseil « ESPCO » du 7 juin, le Comité de politique économique (CPE) et le Comité de la protection sociale (CPS) ont estimé qu’il convient de réévaluer les réformes des régimes de retraite dans l’Union européenne à la lumière des défis aggravés qui se présentent et d’élaborer un programme actualisé en vue d’assurer des pensions adéquates et viables.

Ce même Conseil a adopté des conclusions soulignant l’urgence de prendre d’autres mesures pour « améliorer la viabilité à long terme des finances publiques et se donner ainsi les moyens de continuer à assurer des pensions suffisantes ». On attend le rapport conjoint final du CPS et du CPE sur les retraites, qui devrait être disponible vers la fin de l’année 2010. Ce rapport fournira « des orientations qui permettront de prendre en connaissance de cause les décisions pertinentes pour pouvoir maintenir durablement en Europe des pensions d’un montant suffisant ».

Sous l’intitulé « des régimes de sécurité sociale durables permettant d’atteindre les objectifs en matière de pensions adéquates et d’inclusion sociale », le Conseil aborde notamment les pensions minimales comme instrument de lutte contre la pauvreté.

Le Conseil a aussi adopté des conclusions sur « le vieillissement actif », appelant à une plus grande participation des seniors à la vie économique et sociale notamment en supprimant les obstacles à l’emploi, en améliorant les conditions de travail, en luttant contre les discriminations et en investissant dans la formation tout au long de la vie. Dans ces conclusions, le Conseil constate que, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (dont l’un des objectifs était d’atteindre en 2010 un taux d’emploi de 50 % pour les travailleurs âgés), les Etats membres ont inversé la tendance aux retraites anticipées et que le taux d’emploi des personnes entre 55 et 64 ans dans l’Union européenne à 27 est ainsi passé de 36,9 % en 2000 à 46,2 % au troisième trimestre de 2009.

C. Le Livre vert sur les retraites de la Commission européenne et les initiatives récentes du Parlement européen

1. Le Livre vert sur l’avenir des retraites

La Commission européenne vient de publier, le 7 juillet, un Livre vert sur les retraites, intitulé : « Vers des systèmes de retraites adéquats, fiables et sûrs en Europe ».

L’avant-projet de Livre vert qui a été diffusé au début du mois de juin envisageait plusieurs éléments, notamment un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, la mise en place de systèmes de pensions diversifiés et des dispositions plus favorables à la mobilité.

L’approche du Livre vert publié est large, car elle n’est pas limitée aux pensions par capitalisation. Ainsi, les piliers publics sont pris en considération.

On note, parmi les principaux sujets :

– l’adéquation des pensions, ce qui concerne à la fois le recul de l’âge de départ et l’accès aux systèmes de pensions complémentaires ;

– un équilibre durable entre la durée de la vie professionnelle et celle de la retraite : l’âge de la retraite. Quel niveau et quel rôle de l'Union européenne en la matière ?

– l’emploi des seniors, qui était déjà un objectif de la stratégie de Lisbonne et est repris par la stratégie UE 2020 ;

– les retraites professionnelles privées et l’activité transfrontalière ; notamment la suppression des obstacles à la mobilité professionnelle et la portabilité des droits ;

– des retraites plus sûres et plus transparentes avec un nouveau cadre juridique pour un régime européen de réglementation et de surveillance des régimes de pension et des produits privés, parallèlement aux régimes de pension existants en Europe, ainsi que l’information du bénéficiaire et la réduction des risques et la sécurisation des fonds de pension ;

– l’amélioration de la gouvernance des retraites au niveau de l’Union européenne, à savoir les enjeux d’une coordination politique renforcée en matière de retraite au niveau européen et l’hypothèse de la création d’une plate-forme intégrée pour le suivi de tous les aspects de la politique des retraites.

A terme, un Livre blanc plus sectoriel a été évoqué. Il serait assorti d’une étude d’impact, ainsi que d’une proposition législative.

2. Le rapport d’initiative du Parlement européen : la possibilité d’une plus-value européenne grâce à une comptabilité intergénérationnelle au niveau des Vingt-sept

Pour sa part, le Parlement européen est en train d’examiner un rapport d’initiative de M. Thomas Mann (PPE, Allemagne) sur la solidarité entre les générations.

Ce projet de rapport a été présenté devant la Commission « Emploi et affaires sociales » le 1er juin dernier.

Il doit être examiné l’automne prochain en séance plénière.

Dans un entretien publié par le Parlement européen, M. Thomas Mann estime que l’Union européenne peut contribuer utilement au dialogue intergénérationnel sous-jacent à la question des retraites, et qu’elle peut notamment apporter une plus-value en établissant « comptabilité intergénérationnelle européenne ».

D. Une très forte influence des valeurs et principes fondamentaux du droit de l’Union européenne sur les droits nationaux : le respect du principe de l’égalité des femmes et des hommes

1. La jurisprudence de la Cour de justice

Le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes a été introduit dans le traité de Rome, à la demande de la France, sous son angle économique, celui de l’égalité des rémunérations professionnelles entre les femmes et les hommes. Elle a été insérée à l’article 119 du traité de Rome, qui est ultérieurement devenu l’article 141.

Ensuite, la portée du principe de l’égalité de traitement a été renforcée par l’insertion, par le traité d’Amsterdam, en 1997, du principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes d’une manière générale, ainsi que la création d’une compétence générale de l’Union en matière de lutte contre les discriminations, à l’article 13 du traité de Rome.

Assez vite, l’article 141 du traité de Rome a fait l’objet d’une interprétation extensive de la part de la Cour de Luxembourg.

Notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 8 avril 1976, Gabrielle Defrenne contre Sabena (affaire 43-75) également appelé « arrêt Defrenne II », a en effet posé le principe de son applicabilité directe dans les Etats membres et de la possibilité ainsi pour les justiciables de l’invoquer directement devant les juridictions nationales.

Néanmoins, entre l’intervention de directives et les décisions de jurisprudence, l’application du principe d’égalité des femmes et des hommes aux régimes de retraite n’a pas été des plus claires.

Il faut, en effet, distinguer le cas des régimes légaux de sécurité sociale, pour lesquels l’article 7 de la directive 79/7/CEE permet aux Etats membres de prévoir des distinctions selon le sexe.

Fondé sur le principe de l’application progressive régimes légaux de sécurité sociale, ce texte admet le maintien de règles spécifiques au bénéfice des femmes pour la fixation de l’âge de la retraite, l’octroi d’avantages vieillesse aux personnes qui ont élevé des enfants, les pensions de réversion et les majorations au titre des personnes à charge.

S’agissant des autres régimes, le cas se présente différemment. La directive 86/378/CEE du 24 juillet 1986 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement dans les régimes professionnels de sécurité sociale traite leur cas spécifique et applique sans restriction le principe d’égalité, indépendamment d’ailleurs du caractère obligatoire, ou facultatif, de l’affiliation. Le cas des activités indépendantes a été abordé par un autre texte.

En outre, la directive 76/207/CEE du 9 février 1976, modifiée par la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002, a précisé les modalités d’application de l’article 141 et fixé sa mise en œuvre en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelle et aux conditions de travail.

Tout élément de rémunération doit respecter le principe de l’égalité de traitement des femmes et des hommes.

Ultérieurement, la directive 76/207/CEE et la directive 86/378/CEE, ainsi que la directive 75/117/CEE ont été refondues dans le cadre de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

Selon que l’on se situe dans l’hypothèse d’un élément de rémunération, d’un régime légal de sécurité sociale ou d’un régime professionnel, les règles, et les raisonnements, ne sont donc pas les mêmes.

Pour l’essentiel, les précisions et évolutions d’ordre jurisprudentiel ont été les suivantes.

D’abord, en 1986, dans l’arrêt Bilka, du 13 mai (affaire 170/84), la Cour a considéré qu’un régime professionnel (pension d’entreprise) relevait de l’article 141 du traité de Rome, et non des règles relatives aux régimes légaux de sécurité sociale, bien qu’il soit adopté conformément à la loi, dès lors qu’il a été conclu par accord collectif et entièrement financé par l’employeur.

Cette jurisprudence a confirmé les principes de l’arrêt Defrenne I du 25 mai 1971 (affaire 80/70) constatant qu’un régime en totalité fixé par la loi, à l’exclusion de tout élément de concertation, est un régime de sécurité sociale.

Ensuite, en 1990, dans l’arrêt Barber du 17 mai (affaire 262/88), la Cour a considéré qu’un régime de retraite privé entièrement financé par l’employeur et se substituant partiellement au régime national de pension relevait du champ de l’article 141, et constituait ainsi un élément de rémunération. En l’espèce, elle a jugé que le principe de l’égalité des rémunérations s’oppose à ce que dans l’hypothèse d’un licenciement, une femme puisse bénéficier d’une pension immédiate alors qu’un homme n’aurait pu prétendre qu’à une pension différée.

Enfin, pour ce qui concerne la France, la Cour a jugé que les régimes complémentaires tels que l’AGIRC et l’ARRCO relèvent de l’article 141.

Pour notre pays, l’arrêt le plus significatif a été l’arrêt du 29 novembre 2001, Griesmar (affaire 366/99), sur une question préjudicielle renvoyée par le Conseil d’Etat quant à la compatibilité de la majoration pour une durée d’assurance prévue en faveur des femmes par le code des pension civiles et militaires, avec le principe d’égalité des femmes et des hommes.

La réponse a été négative. La Cour a considéré que les pensions de retraite des fonctionnaires relevaient de l’article 141 du traité de Rome, car n’intéressant qu’une catégorie de travailleurs, directement fonction du salaire (le dernier traitement en l’occurrence) et directement fonction du temps de service accompli. S’agissant d’un élément de rémunération, elle a estimé contraire au principe de l’égalité de traitement l’exclusion du bénéfice de la bonification des pères des enfants à même de prouver avoir assumé leur éducation.

A également été jugé contraire à ce même principe le droit à pension de retraite à jouissance immédiate accordé aux seules épouses (et non aux époux) des personnes atteintes d’une infirmité ou d’une maladie incurable (arrêt du 13 décembre 2001, Mouflin, affaire 206/00).

En revanche, la Cour n’a pas remis en cause la faculté pour les régimes légaux de sécurité sociale de déroger au principe de l’égalité de traitement, alors même que le texte à l’origine envisagé pour préciser ces dérogations n’est pas intervenu.

Elle a cependant jugé que les exclusions de la directive 79/7/CEE, à savoir les possibilités de différenciation entre les femmes et les hommes, sont d’interprétation stricte.

Ainsi, dès qu’un Etat membre a égalisé l’âge de la retraite pour les régimes légaux de sécurité sociale, il ne peut plus invoquer les facultés de dérogation à l’appui d’une différence de traitement selon le sexe dans le mode de calcul de la pension.

Par ailleurs, très récemment, la question des régimes professionnels a été tranchée de manière très claire par la Cour de justice dans un arrêt récent à propos de l’Italie (arrêt du 13 novembre 2008, Commission des Communautés européennes contre République Italienne, affaire C-46/07).

Celui-ci précise qu’en « maintenant les dispositions en vertu desquelles les fonctionnaires ont le droit de percevoir la pension de vieillesse à un âge différent selon qu’ils sont hommes ou femmes, la République italienne a manqué aux obligations prévues à l’article 141 CE ».

2. La référence, en France, de la Cour de cassation à la Convention européenne des droits de l’Homme

L’arrêt précité Griesmar de la Cour de justice n’a pas concerné le régime général, puisque conformément à l’arrêt Defrenne I précité, les prestations correspondantes n’ont pas la qualité de rémunération.

C’est donc sur une autre base juridique, celle de la Convention européenne des droits de l’Homme, qu’en France, la Cour de cassation a fait évoluer le régime légal de retraite.

Il s’agit plus précisément de son article 14, suivant lequel la jouissance des droits et libertés doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe.

Ce texte a été mentionné par la Cour de Cassation dans plusieurs de ses arrêts condamnant la majoration de la durée d'assurance qui, dans le régime de base, était réservée aux femmes ayant élevé des enfants (« MDA »).

Un premier arrêt du 21 décembre 2006 (Cass. Civ. 2chambre no 04-30586), a été confirmé par un autre arrêt du 19 février 2009 (Cass.civ, 2e chambre, 19 février 2009, no 07-20668).

Plus précisément, l'arrêt du 21 décembre 2006 considère que les droits prévus à l'article L.351-4 du code de la sécurité sociale accordant aux femmes ayant élevé un ou plusieurs enfants une MDA devraient également bénéficier aux hommes dès lors qu'ils apporteraient la preuve qu'ils ont élevé seuls des enfants.

Pour sa part, un arrêt du 19 février 2009 franchit un pas supplémentaire en abandonnant la condition, pour un homme, d'avoir élevé l'enfant seul. La Cour de cassation estime que la MDA est dans son principe incompatible avec l'article 14 de la CEDH car le dispositif réserve aux seules femmes le bénéfice de la majoration pour avoir élevé des enfants.

DEUXIEME PARTIE :
DES RÉFORMES ET DES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES ET SIGNIFICATIVES

I. DES RÉFORMES ENGAGÉES DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 1990

Selon une classification bien établie, mais qui présente comme tout exercice de ce type, un côté un peu artificiel pouvant nuire à la compréhension de certaines subtilités, il y a lieu de distinguer, d’une part, les réformes paramétriques, qui modifient les éléments d’un régime de retraite, notamment ses éléments financiers, sans en changer la philosophie et, d’autre part, les réformes systémiques qui reposent sur un changement profond des mécanismes à la base du système de retraite.

Dans la seconde catégorie, il faut mentionner deux pays qui ont procédé à la refonte complète de leur système de retraite, la Suède et l’Italie, qui ont adopté le dispositif du compte notionnel. Les effets d’une telle opération ne sont cependant pas encore perceptibles, car leur application a été prévue de manière graduelle. Un régime transitoire, assez long, permet ainsi de passer progressivement d’un système à l’autre.

A. Les réformes systémiques : le basculement, progressif, sur le mécanisme du compte notionnel : la Suède et l’Italie

1. La Suède : compte notionnel et régime obligatoire et public par capitalisation

a) Un consensus politique et social

Durement frappée par la crise économique du début des années 1990, la Suède a réformé son système de retraite au cours de cette décennie.

La procédure a été longue, mais consensuelle.

C’est un élément sur lequel il faut insister : les principes ont été définis par le Gouvernement social-démocrate en 1991 ; ils ont ensuite, après concertation entre toutes les tendances politiques, été votés par le Riksdag en 1994.

Le détail du dispositif législatif a ensuite été voté en 1998 suivant un accord conclu entre l’ensemble des partis politiques.

b) Un régime sur trois piliers, dont le premier repose essentiellement sur le compte notionnel

L’ancien dispositif reposait sur deux éléments : un régime de pension de base national ; un régime de pension complémentaire dit ATP. Il s’agissait d’un système de répartition à prestations définies, par annuités, la pension étant calculée sur la base du salaire moyen des 15 meilleures années.

L’âge normal de retraite pour ces deux régimes était de 65 ans, mais la liquidation pouvait être anticipée à 60 ans en contrepartie d’une décote, ou repoussée à 70 ans moyennant une surcote.

En dépit de l’importance des réserves accumulées (environ 40 % du PIB entre 1996 et 1998, soit cinq ans de cotisations), une réforme a été opérée car la viabilité de long terme du système n’était plus assurée : les réserves étaient en voie d’épuisement pour 2015 environ et les Suédois ont craint une situation où le déficit aurait pesé sur les futures générations.

Le nouveau dispositif est en partie fondé sur le principe tout autre du compte notionnel.

Pour éviter une transition trop brutale, une période intermédiaire a été prévue pour permettre une transition modulée entre les deux régimes, sur seize ans, pour les personnes nées après 1937.

Les personnes nées en 1938 perçoivent leur retraite selon la répartition suivante : les 16/20e selon les anciennes règles ; les 4/20e selon les nouvelles règles. Ensuite, la part de la pension versée selon les nouvelles règles augmente de 1/20e par an de manière que le nouveau régime soit intégralement applicable pour les personnes nées à partir de 1954, lesquelles commenceront à prendre leur retraite au cours de la prochaine décennie. Le graphique suivant permet de visualiser la transition.

Source : Lettre du COR no 2.

D’une manière plus détaillée, le nouveau système de retraite suédois est ainsi conçu.

Le premier pilier, système de retraite public, a deux composantes. La première est un système par répartition à cotisations définies fondé sur le principe du compte notionnel. Celui-ci recueille 86 % des cotisations, car 16 points de cotisations sur un total de 18,5 % lui sont affectés (l’assiette des cotisations étant constitué du revenu d’activité net des cotisations salariés, soit 93 % du revenu d’activité brut, le taux effectif de cotisation est de 17,21 % dont 7 points sous un plafond de 39 800 euros par an à la charge du salarié et 10,21 points sans plafond à la charge de l’employeur).

Les pensions sont revalorisées chaque année en termes réels (hors inflation) suivant l’évolution réelle du revenu moyen d’activité des cotisants, minorée de 1,6 % (ce chiffre est considéré comme la croissance réelle du revenu moyen). Il y a donc évolution générale sur les prix modulée, notamment à la baisse, en fonction de l’évolution du salaire moyen par rapport à sa tendance de long terme.

Pour éviter tout risque de déséquilibre, un mécanisme de correction automatique des déficits a été mis en place. Son détail est exposé ci-après. Lorsque les réserves et les cotisations à venir sont inférieures aux pensions actuelles et futures, il y a ajustement à la baisse du niveau des pensions.

Le second élément est un régime obligatoire et public par capitalisation. Chaque assuré est titulaire d’un compte individuel capitalisé avec placements financiers. Celui-ci recueille 14 % des cotisations, soit 2,5 points de cotisation sur le total précité de 18,5 points.

Son fonctionnement est présenté ci-après au 2 du C du II.

A la retraite, le capital est converti en rente selon les principes actuariels classiques, à partir de l’espérance de vie du bénéficiaire et de l’âge de l’éventuel bénéficiaire de l’option de réversion. En outre, deux options sont offertes au pensionné : soit une pension à montant garanti, soit une pension de montant variable, ce qui implique que le bénéficiaire reste impliqué dans la gestion du compte et que soit opéré chaque année un recalcul de la pension en fonction de l’évolution du capital, à la hausse ou à la baisse.

Cette application du mécanisme du compte notionnel et des comptes individuels en capitalisation conduit à :

– prendre en compte les revenus perçus au cours de la totalité de vie professionnelle, et non plus les 15 meilleures années ;

– abolir la notion d’âge légal de la retraite, laquelle peut intervenir entre 61 ans et 67 ans, selon le choix de la personne concernée. L’ajustement du montant de la pension se fait automatiquement, puisque l’espérance de vie à 61 ans n’est pas la même qu’à 67 ans ;

– prévoir des règles spécifiques de prise en charge par l’Etat des périodes particulières (congé parental, chômage, service militaire, certaines années d’études ou de cessation anticipée d’activité). Les sommes correspondantes sont versées aux comptes des assurés, le compte notionnel comme le compte en capitalisation. Les contributions de l’Etat représentent 15 % des cotisations versées aux deux régimes publics.

Dans l’ensemble, le système public obligatoire suédois assure un taux de remplacement de 50 %.

Par ailleurs, des dispositifs de solidarité ont repris les pensions de veuvage et d’invalidité, intégrées à l’ancien système de retraite, ainsi transférées dans des régimes spécifiques et l’ancienne pension de base à prestation uniforme a été remplacée par une retraite minimale, financée sur le budget de l’Etat.

Cette retraite minimale est une pension différentielle dont le montant indexé sur les prix est de 720 euros environ par mois pour un célibataire ayant 40 ans de résidence. En outre, il existe une aide au logement pour les retraités n’ayant pas accès à la pension garantie.

Les réformes opérées en Suède ont inspiré notamment la Lettonie, la Pologne et l’Italie.

Au-delà du compte notionnel et du régime obligatoire par capitalisation public, 90 % environ des salariés suédois sont couverts dans le cadre du deuxième pilier par les régimes professionnels mis en place par des conventions collectives : un pour l’Etat, l’autre pour les collectivités locales, les deux autres pour le secteur privé, cadres et non-cadres. La cotisation de l’employeur est, selon les informations communiquées, de 4,5 % du salaire sous un plafond de 3 200 euros. Au-delà, la cotisation croît (30 % selon les éléments communiqués). Ce dispositif complémentaire assure un taux de remplacement de 10 % à 20 % du revenu, soit 15 % en moyenne.

Le troisième pilier est constitué de fonds de pension proposés par les banques et les compagnies d’assurance. 1,9 million de personnes sur une population active de 4,5 millions cotiseraient à de tels fonds privés. En moyenne, le taux de remplacement est estimé à 5 %.

2. L’Italie : une unification très progressive d’un système au départ très éclaté, avec recours au compte notionnel et mesures d’âge

a) L’ancien dispositif

Avant les réformes opérées à partir de 1992, le régime de retraite italien était un régime de répartition très éclaté, avec 200 caisses fonctionnant selon le mécanisme des annuités. Il était très avantageux, pour ne pas dire très généreux, l’Italie ayant le taux d’effort public le plus élevé en la matière. Il était en outre chroniquement déficitaire et insoutenable à long terme pour les finances publiques. Il était aussi très disparate avec des taux de cotisation et des règles d’ouverture comme de liquidation des droits très variables d’un régime à l’autre.

Trois types de prestations étaient versés :

– la pension de vieillesse, avec une double condition d’âge (60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes) et de durée de cotisation (15 ans minimum) ;

– la pension d’ancienneté, dispositif de départ anticipé, avec une liquidation sans condition d’âge après 35 ans d’activité dans le secteur privé et 20 ans dans le secteur public (15 ans pour les femmes), et obéissant aux mêmes règles de calcul que la pension vieillesse ;

– l’indemnité de fin de carrière (TFR pour « Trattamento di Fine Rapporto » ou « traitement de fin de rapport »), pécule versé éventuellement lors du départ en retraite et représentant 6,91 % de la rémunération totale.

Les deux pensions, perçues à l’exclusion l’une de l’autre, étaient calculées de la même manière, d’après les revenus d’activité (dernière année pour les fonctionnaires, cinq dernières années pour les salariés du secteur privé et dix dernières années pour les non-salariés). Le système était celui de l’annuité, chaque annuité valant 2 % avec un maximum de 40 ans. Au-delà d’un certain plafond, les taux d’annuité étaient réduits.

En fait, les règles de calcul étaient favorables, le taux de remplacement brut de 80 % correspondant à un taux net de 92 % pour le privé et 100 % pour le public.

b) Un effort de réforme constant depuis 1992 et mené par les différents gouvernements

Les réformes ont été nombreuses et fréquentes en Italie, notamment dans le cadre des efforts d’assainissement que le pays a dû opérer au cours de la décennie 1990 dans le cadre du passage à l’euro.

Elles ont été menées par les Gouvernements successifs sans que les débats politique parfois importants, puisque certaines lois sont revenues sur quelques dispositions du gouvernement précédent, ne conduisent finalement à des difficultés insolubles.

Pour récapituler, sont intervenues des réformes en 1992 (réforme Amato), en 1995-1997 (réforme Dini), en 2004 (réforme Maroni) et 2007 (réforme Prodi) et 2009 (réforme Berlusconi).

Il en est résulté selon l’expression, fort juste, de Mme Stéphanie Toutain, le sentiment d’une « interminable réforme ».

En 1992, la réforme Amato a prévu un relèvement des conditions d’accès à la pension de vieillesse dans le secteur privé, l’âge passant de 50 à 55 ans pour les femmes et de 60 à 65 ans pour les hommes en 2002, et la durée de cotisation 15 à 20 ans. Parallèlement, la durée exigée pour la pension d’ancienneté dans le secteur public a été alignée sur celle du privé (35 ans). Une uniformisation a également été prévue avec le passage au calcul de la pension sur le revenu moyen de la carrière, avec une longue période de transition, et le principe de la revalorisation des pensions servies selon les prix et non plus selon le salaire minimum.

A titre complémentaire, en 1993, les fonds de pension ont fait l’objet d’une mesure destinée à les promouvoir, pouvant recueillir les versements correspondant à la cotisation annuelle de financement de l’indemnité de fin de carrière.

En 1995, la réforme Dini n’est pas comme la précédente une réforme paramétrique, mais une réforme systémique, inspirée du système alors en train d’être mis en place en Suède.

Elle a instauré pour le secteur privé un mécanisme de compte notionnel, avec revalorisation des versements selon la croissance (moyenne mobile de la croissance sur cinq ans) et lors de la liquidation, la prise en compte dans le coefficient de conversion de la progression du PIB au moyen d’un taux normalisé de 1,5 %. En revanche, contrairement à la Suède, la révision de l’espérance de vie des bénéficiaires des pensions liquidées n’a pas été prévue pour être annuelle, mais décennale.

L’âge de départ devient alors flexible, fixé entre 57 ans et 65 ans (60 ans pour les femmes), avec une durée minimale d’assurance de cinq ans et d’une pension liquidée au moins égale à 1,2 fois le minimum vieillesse. Sinon, le départ est à 65 ans. La durée minimale de cotisation pour les départs sans condition d’âge a été portée de 36 ans à 40 ans.

Par ailleurs, la réforme a prévu l’alignement progressif des régimes spéciaux sur le régime général.

Cette réforme a entraîné une diminution des retraites estimée à 35 %. Parallèlement, un effort a donc été entrepris pour développer les fonds de pensions.

Les interventions ultérieures ont été de plus faible ampleur, et ont eu pour objectif essentiel d’aligner graduellement les conditions d’obtention de la pension d’ancienneté sur la pension vieillesse pour supprimer à terme toute différence (la pension d’ancienneté peut en effet être considérée comme une modalité de départ anticipé) ou de favoriser la capitalisation.

La réforme de 2004, réforme Maroni, a notamment prévu, outre des dispositions sur la pension d’ancienneté, l’allocation du TFR aux fonds de pension, sauf refus exprès du salarié. Moins de 40 % des salariés ont cependant accepté un tel transfert, selon les éléments communiqués.

Le nombre des adhésions aux régimes complémentaires est ainsi passé de 3,2 millions en 2006 à 4,6 millions de personnes à la fin de 2007. Le taux d’adhésion est de 70 % dans le secteur privé disposant d’un TFR contre 26 % dans le secteur public.

En 2007, la réforme Prodi, mettant en œuvre un accord conclu entre le Gouvernement et les organisations syndicales, est revenue sur la réforme Maroni de 2004 s’agissant des conditions d’âge de la pension d’ancienneté. Elle a prévu, en remplacement, pour 2008 le passage de 57 à 58 ans avec le maintien des 35 ans de cotisation au 1er janvier 2008 et, ensuite, une augmentation progressive ensuite de cet âge jusqu’à 61 ans en 2013. Plus précisément, à partir de 2009, la somme des deux critères (âge et années de cotisation) doit atteindre 95, ce total augmentant ensuite d’une année en 2010 puis en 2013.

Par ailleurs, la retraite a été prévue pour n’être versée qu’en cas de cessation de l’activité salariée et il n’y a pas d’âge minimum lorsque la durée de cotisation est de 40 ans.

En outre, la réforme Prodi a fixé les coefficients de transformation du capital virtuel pour les personnes ne relevant que du nouveau régime, avec une révision tous les trois ans en fonction de l’espérance de vie, et non plus tous les dix ans comme l’avait fait la réforme Dini.

La réforme Prodi a également promu une prise en compte de la pénibilité, avec la possibilité de partir de manière anticipée (3 ans).

La loi adoptée en août 2009 (réforme Berlusconi) prévoit de se fonder, à partir de 2015, sur l'augmentation de l'espérance de vie pour calculer l'âge de départ en retraite. La réforme de 2009 a également eu pour objet de permettre le cumul des pensions d’ancienneté avec les revenus d’une activité, indépendante ou salariée, à condition d’avoir 40 ans de cotisation et d’avoir atteint 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes.

c) Une mise en œuvre très progressive

Comme en Suède, la mise en œuvre des nouvelles règles a été prévue pour être progressive, mais la période de transition est particulièrement longue, à raison de plus 40 ans, jusque vers 2040.

Trois catégories d’assurés ont été différenciées :

– ceux qui avaient validé plus de 18 années en 1995 relèvent du régime ancien modifié par la réforme Amato. Il s’agit en pratique de ceux qui sont nés avant 1955. Les liquidations correspondantes interviendront jusqu’en 2012 ;

– les nouveaux assurés, ceux qui l’ont été à partir de 1996, relèvent du nouveau régime : les première liquidations interviendront en 2031 ;

– les assurés ayant validé moins de 18 années en 1995 relèvent d’un régime mixte : les droits acquis jusqu’à cette année-là sont liquidés selon l’ancien système (annuité) et ceux acquis après cette date relèvent de la nouvelle législation.

d) Quelques éléments sur le système actuel : des mesures d’âge et un ajustement selon l’espérance de vie ; le développement de la capitalisation

Le dispositif italien est très complexe, notamment en raison de la coexistence entre la pension d’ancienneté et la pension de vieillesse, dont la convergence n’est pas totale.

Les mesures d’âges sont l’un des angles qui aident à sa compréhension. Le dispositif est ainsi présenté dans les documents de travail de la réunion du COR du 24 mars dernier.

« Le cas de l’Italie est intéressant car de nombreuses réformes y ont fait évoluer les âges de la retraite.

« En 1995, l’Italie a instauré un régime de comptes notionnels avec un âge d’ouverture des droits à 57 ans et il n’existe plus de notion de pension complète puisque les pensions sont modulées selon un barème croissant avec l’âge de liquidation, qui dépend notamment de l’espérance de vie à cet âge de la génération de l’assuré. La période d’acquisition des droits à la retraite est limitée à l’atteinte de l’âge de 65 ans.

« Il est toutefois impossible de partir à la retraite avant 65 ans si le montant de la pension n’atteint pas un montant équivalent à 1,2 fois le minimum vieillesse (« assegno sociale »). Des projets de suppression de la possibilité de partir dès 57 ans à la retraite dans le nouveau régime, en le portant à 65 ans, ont été discutés, notamment au milieu des années 2000, mais les bornes d’âges du nouveau système n’ont pour l’instant pas été modifiées.

« Toutefois, le choix de transition effectué (sur une très longue période puisque seul les nouveaux entrants sur le marché du travail ne relèvent que du nouveau système) implique que le nouveau système ne s’applique que pour une part très marginale dans les pensions des liquidants actuels.

« Dans l’ancien régime de retraite italien, avant les réformes des années 1990 et 2000, l’âge d’ouverture des droits était de 60 ans pour les hommes et de 55 ans pour les femmes. La pension était fonction de la durée de contribution (2 % du salaire de référence par année validée) qui ne pouvait excéder 40 ans : la pension complète n’était donc pas fonction d’un âge mais d’une durée de contribution. Cependant, il existait un système de départ en retraite anticipée (dite « pension d’ancienneté »), accessible sans condition d’âge dès 35 ans de contribution et obéissant aux mêmes règles de calcul que la pension vieillesse.

« Plusieurs réformes ont eu pour conséquence de relever l’âge d’ouverture des droits dans l’ancien système, notamment pour les hommes, dont la dernière, en 2007, aura pour effet de supprimer à terme la pension d’ancienneté, en faisant progressivement évoluer les conditions requises pour bénéficier de ce type de pension vers celles de la pension vieillesse. Le bénéfice de la pension d’ancienneté sera ainsi conditionné à un critère « âge de liquidation + durée de contribution » minimum, correspondant à 97 en 2013 (départ à 61 ans avec 36 ans de contribution, à 62 ans avec 35 ans de contribution, à 63 ans avec 34 ans de contribution…).

« Le départ sans condition d’âge dans l’ancien système sera dorénavant soumis à une durée de contribution de 40 ans dès 2013.

« Le versement de la retraite est conditionné à la cessation de l’activité salariée. Les travailleurs indépendants peuvent obtenir le versement de leur pension et continuer leur activité d’indépendant mais ils doivent cesser toute forme de travail salarié. »

En définitive, le système de retraite italien conserve pour l’instant les deux modes d’accès à une pension, « à la retraite ». L’âge de la pension de vieillesse, prévoyant un minimum de 20 ans de cotisations, est fixée à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. Dans le cadre de la pension d'ancienneté qui a été réformée, l'âge minimum est actuellement de 59 ans avec 36 ans de cotisations et doit progresser jusqu'à 61 ans avec 36 ans de cotisations en 2013.

Selon un document récent cité par La Repubblica, la réforme de 2009 avec la prise en compte automatique de l’espérance de vie devrait faire passer l'âge de départ en pension de vieillesse en 2015 à 66 ans et 3 mois pour les hommes et 61 ans et 3 mois pour les femmes avant qu'il n'atteigne progressivement 69 ans et 4 mois pour les hommes et 64 ans et 5 mois pour les femmes en 2050. Pour la pension d'ancienneté, l'âge passerait à 63 ans et 3 mois en 2015 avant d'atteindre 66 ans et 4 mois en 2050.

La question de l’âge est en Italie d’autant plus importante que l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas réalisée.

Ainsi, la Commission européenne a adressé le 3 juin dernier une nouvelle demande à l'Italie visant à ce que cet État membre se conforme à l’arrêt de la Cour de justice de 2008, selon lequel fixer des âges différents pour le départ à la retraite des fonctionnaires, selon qu'ils sont hommes ou femmes, viole le principe de l'égalité de rémunération (affaire C-46/07).

La Commission soutient en effet que les mesures prises par l'Italie – qui, en huit ans, rendraient progressivement l'âge du départ à la retraite égal pour tous – font que le traitement discriminatoire va se maintenir.

Pour sa part, dans sa réponse à la Commission, l'Italie a communiqué les nouvelles dispositions qui introduiront progressivement, d'ici 2018, l'égalité dans l'âge de départ à la retraite pour les employés du service public. Ces dispositions prévoient que l'âge légal de départ à la retraite des femmes augmentera progressivement pour n'atteindre celui des hommes – fixé à 65 ans – qu'en 2018.

Le contentieux dure encore.

S’agissant du deuxième pilier, la retraite complémentaire par capitalisation, est en constant développement depuis 2006, en Italie. En 2009, l’adhésion aux régimes complémentaires a augmenté par rapport à 2006 d’un pourcentage de 59,6 % pour 5,081 millions d’inscrits.

Il faut distinguer les différents types de fonds de pension complémentaires :

– les fonds de pension contractuels ou « fermés », qui sont des fonds collectifs négociés au niveau des branches (augmentation par rapport à 2006 de 67,4 %, passage de 1,219 à 2,041 millions d’inscrits) ;

– les fonds de pension «ouverts », à adhésion facultative et généralement individuelle (augmentation par rapport à 2006 de 86,2 %, passage de 440 486 à 820 357 inscrits).

L’augmentation des adhésions est plus importante pour ce qui a trait aux employés du secteur privé, titulaires d’un TFR puisqu’elle a atteint 73,7 % pour les fonds contractuels et 374 % pour les fonds de pension ouverts.

La COVIP (Commission de vigilance sur les fonds de pension), autorité publique créée en 1993, a pour mission de superviser la gestion des régimes de retraite complémentaire. Notamment, les fonds de pension doivent être listés.

Le développement de la capitalisation du TFR est dû à la réforme Maroni de 2004, que le Gouvernement Prodi a choisi de mettre en œuvre par anticipation dès 2007, ce qui permet son allocation à un fonds de pension, sauf refus exprimé expressément par le salarié. Chaque année, 6,91 % du salaire brut est donc ainsi affecté. Les montants sont réévalués tous les ans en appliquant un taux déterminé par la somme d’un coefficient fixe équivalent à 1,5 % et une autre variable qui correspond à 75 % de l’augmentation de l’indice des prix.

B. Les réformes paramétriques

1. La réforme d’un système beveridgien : mesures d’âge et développement du deuxième pilier par capitalisation au Royaume-Uni

Le régime de retraite britannique n’a pas été bouleversé par les réformes menées depuis le milieu de la décennie 1990.

Son architecture en trois piliers a été conservée avec, d’une part, un système public de retraite de base, d’autre part, une retraite complémentaire publique, des régimes professionnels et des plans de retraite individuels et, enfin, des contributions additionnelles volontaires aux régimes professionnels et des assurances privées.

Cependant, la teneur de chacun des ces piliers a été modifiée, notamment dans le cadre des réformes menées au cours de la dernière décennie par le New Labour de Tony Blair.

Auparavant, plusieurs réformes étaient déjà intervenues avec :

– en 1982, le passage de l’indexation sur les salaires à l’indexation sur les prix pour la pension de base d’Etat (Basic State Pension) ;

– la réforme de la pension complémentaire de l’Etat (State Earnings Related PensionSerps-, créée en 1978 pour les salariés) en 1986 et 1995, réforme fondée sur une réduction de son montant, qui est passé de 25 % du salaire des vingt meilleures années à 20 % du salaire moyen de l’ensemble de la carrière à partir de 2000 et sur une réduction de moitié de la réversion (passage d’un taux de 100 % à 50 %) ;

– les incitations à sortir du Serps (contracting out) à partir de 1988, avec la création d’un troisième type de régime complémentaire (à coté du régime public et des fonds de pension classique), système à cotisations définies pouvant consister soit en un régime d’entreprise (Occupational pension scheme), soit en un plan personnel (Personal pension scheme-PPS) ;

– la fin en 1988 également de la faculté pour les entreprises d’affilier obligatoirement leurs salariés à leurs plans d’entreprises.

Les PPS, notamment grâce à des incitations de sortie des Serps, ont rencontré un grand succès.

Une nouvelle réforme est ensuite intervenue, avec le Pension Act de 1995, notamment à la suite de différents scandales montrant la nécessité d’un meilleur contrôle : l’affaire Maxwell, en 1991, avec le retrait de sommes très importantes du fonds de pension pour faire face aux difficultés financières du groupe ; les tromperies sur la ventes de contrats individuels (mis selling) ; l’affaire Equitable Life, avec l’impossibilité d’honorer des contrats à taux garantis.

Le Pension Act de 1995 a ainsi prévu :

– la création d’une autorité de régulation, l’OPRA (Occupational Pensions Regulatory Authority) ;

– l’obligation des fonds à prestations définies d’avoir un actif au moins égal aux engagements ;

– l’obligation d’assurance des fonds de pension d’entreprises auprès d’un Pension Compensation Board ;

– l’indexation des pensions sur les prix ;

– le versement par des fonds à prestations définies se substituant aux Serps lors de l’option de sortie, d’une pension au moins égale à celle versée par celui-ci.

A partir de 1997, les réformes sont entreprises par le New Labour de Tony Blair. Les diminutions des pensions publiques ne sont pas remises en causes, et les réformes visent à renforcer l’efficacité du système.

Des prestations complémentaires sont créées : le Winter fuel support, prestation de chauffage, le revenu minimum garanti (Minimum income garantee ou MIG), en remplacement, en 1999, de l’Income support pour les plus de 60 ans.

En 2003, une nouvelle réforme a lieu. Il s’agit d’améliorer la situation de ceux qui ont fait l’effort d’épargner et de réduire le nombre de bénéficiaires éventuels de l’aide sociale, qui souvent ne la réclame pas. Ainsi, le MIG est renommé Pension Credit Guarantee sous forme de prestation différentielle aux plus de 60 ans, avec une majoration, appelée Pension Saving Credit Guarantee, pour les plus de 65 ans ayant des revenus modestes au-delà de la pension de base.

En 2001 par ailleurs, des fonds de pension simplifiés et peu coûteux, ainsi que fortement règlementés, ont été créés, les stakeholder pensions (SHP) pour faciliter l’accès à l’épargne retraite des personnes n’en constituant pas.

En 2002, la pension complémentaire de l’Etat, pour les salariés, la Serps est remplacée par la State Second Pension ou S2P, avec trois bandes ou tranches de revenus, selon un dispositif plus avantageux pour les titulaires des revenus les plus modestes.

En 2002 également, une première réforme portant sur la simplification du cadre juridique et administratif des pensions du secteur privé, a également conduit à la création d’un Fonds de protection des retraites (Pension Protection Fund) et d’un régulateur des retraites (Pension Regulator), et à la mise en place de mécanismes de résolution des conflits internes aux plans et un meilleur transfert des droits à pension.

En décembre 2002, face aux prévisions pessimistes des experts, le ministère du travail et des pensions a mis en place une Commission des retraites présidée par Lord Adair Turner et composée d’une équipe réduite d’experts, pour proposer des recommandations de long terme : analyser les avantages et inconvénients de l’approche volontariste actuelle du secteur ; décrire les évolutions, à moyen et long terme, du système de retraite en tenant compte des évolutions économiques, sociales et démographiques ; mener une réflexion sur le financement du système et apprécier les conditions garantissant sa viabilité financière.

Cette commission a publié trois rapports, se prononçant pour une réforme en profondeur du système des retraites et des mesures incitatives à l’épargne :

- le premier rapport pour appréhender les conditions d’une réforme des retraites ;

- le second pour analyser les conditions dans lesquelles le système de retraite devait évoluer afin de faire face à l’allongement de la durée de la vie, au vieillissement de la génération du baby boom et à la baisse de la natalité ;

- le troisième pour proposer les solutions éventuelles.

A partir du rapport Turner de novembre 2005 suivi par le Livre blanc de mai 2006 intitulé La sécurité dans la retraite : vers un nouveau système de pension puis celui de décembre 2006 intitulé Les comptes personnels : une nouvelle voie pour épargner, plusieurs aménagements sont intervenus pour davantage de cohérence et une meilleure couverture.

L’objectif a été de revaloriser les retraites publiques afin d’assurer un revenu minimum convenable aux retraités et de stimuler l’épargne par la création d’un mécanisme public de retraite par capitalisation (Personal Accounts) et la suppression progressive des mécanismes d’aides aux retraités sous conditions de ressources (mean-tested benefits), qui n’incitaient parfois pas du tout à l’épargne, au contraire.

Le Pension Act de 2007 a notamment prévu :

– pour la pension de base d’Etat, la réduction à trente ans de la durée d’assurance pour bénéficier du taux plein, le retour à l’indexation sur les salaires, et non plus sur les prix, entre 2012 et 2015 selon la situation budgétaire, ainsi que des conditions facilitées de contribution et une modification des modalités de prise en compte des charges de famille ;

– pour cette même pension de base, le relèvement progressif de 60 à 65 ans de l’âge de liquidation pour les femmes, entre avril 2010 et 2020, ainsi que le relèvement ultérieur du seuil, dorénavant commun aux femmes et aux hommes, de 65 ans à 68 ans entre 2024 et 2046 ;

– des mesures sur les dispositifs de solidarité de l’Additionnal Pension State ; 

– l’interdiction de quitter le S2P à compter de juillet 2012 pour cotiser à un fonds d’entreprise.

Pour sa part, le Pension Act de 2008 a mis en place différentes mesures pour l’épargne retraite et notamment prévu une adhésion automatique des salariés au régime d’entreprise dès l’embauche, à partir d’avril 2012. La sortie (opt out) est possible, mais la réintégration est d’office au bout de trois ans à défaut de participation à un dispositif plus généreux.

En même temps, une structure nationale (National Employment Saving Trust) est créée, de manière à créer une structure accessible avec des coûts de fonctionnement plus réduits que ceux des complémentaires actuelles.

L’objectif de ces mesures est de couvrir le cas des 7 à 8 millions de personnes qui actuellement ne bénéficient pas d’un régime complémentaire.

C’est ainsi qu’est constituée la physionomie actuelle du régime britannique et de ses trois piliers, sachant que le nombre de possibilités offertes dans le cadre du deuxième pilier rend l’ensemble assez complexe.

Le premier pilier est un régime par répartition d’Etat, financé par des cotisations versées par toute personne de plus de seize ans et percevant un revenu supérieur à un certain seuil.

Pour les salariés, la cotisation (National Insurance Contribution) est versée, s’agissant de la part salariale, aux taux de 11 % au-delà d’un certain plancher (Earnings Threshold, d’environ 128 euros par semaine) et d’un plafond (Upper Earning Limit, d’environ 981 euros par semaine) au-delà duquel le taux se réduit à 1 %. La part patronale et est de 12,8 % sur la totalité du salaire au-dessus du plancher.

La pension de base d’Etat (Basic State Pension ou BSP) est payée à ceux qui ont atteint l’âge légal de la retraite. Celui-ci est de 65 ans pour les hommes. Il passe progressivement de 60 à 65 ans pour les femmes entre 2010 et 2020. Ensuite, la limite commune de 65 ans sera progressivement reportée à partir de 2020 pour atteindre 68 ans en 2046.

Cette prestation était auparavant payée à taux plein (97,55 livres, soit 113 euros, par semaine pour une personne seule et environ 60 % de plus pour un couple) pour les personnes ayant une durée d’affiliation, à savoir de contribution à la National Insurance, suffisante. Néanmoins pour éviter les proratisations trop défavorables aux femmes, les anciennes durées de quarante-quatre ans pour les hommes et trente-neuf ans d’affiliation pour les femmes viennent d’être remplacées, à partir du mois d’avril dernier, par une durée, commune, de trente ans. Les effets de la proratisation, jugés trop durs, ont en outre été réformés. La règle ancienne suivant laquelle en deçà de 25 % du niveau maximal, la BSP n’est pas versée et remplacée par des prestations spécifiques, a été supprimée. A partir du 6 avril dernier, chaque année pleine donne droit à 1/30e de la pension complète.

Les régimes complémentaires du deuxième pilier sont, l’un public, les autres privés. Le régime complémentaire public est constitué de la seconde pension d’Etat (Second Pension State ou S2P) qui a remplacé depuis 2002 l’ancienne State Earnings Relation Pension ou Serp. Depuis le 6 avril dernier, les trois tranches ou bandes de salaires avec des taux de remplacement variables (40 % pour la première tranche, 10 % pour la deuxième et 20 % pour la troisième) ont été remplacée par deux bandes de salaires. La S2P est contributive et versée sous condition de ressources. Elle est donc destinée aux personnes à revenus modestes. Elle complète les revenus des personnes gagnant jusqu’à 40 040 livres par an et qui ne bénéficient pas de fonds de pension d’entreprise.

Elle est actuellement obligatoire par défaut. Dans le cadre, comme on l’a vu, de la disposition sur le contracting out, les personnes bénéficiant d’une retraite complémentaire d’entreprise peuvent la quitter.

Le Pension Act de juillet 2007 prévoit qu’à compter d’avril 2012, ce ne sera plus possible. En outre, à compter de 2030, il est prévu que la S2P ait un taux unique.

Les titulaires des revenus les plus faibles bénéficient d’un crédit d’impôt complétant la BSP et la S2P sous condition : le Credit Guarantee est versé aux retraités entre 60 et 65 ans. Le Saving Credit est versé au-delà de 65 ans.

Pour leur part, les régimes complémentaires privés sont de plusieurs types, au fur et à mesure que les réformes sont intervenues.

Les fonds de pensions d’entreprises sont facultatifs pour l’employeur, qui abonde les versements de leurs salariés. Ils sont de plus en plus à cotisations définies (les neuf dixièmes des fonds à prestations définies sont fermés aux nouveaux entrants). En 2007, leurs actifs représentaient 800 milliards de livres, soit 60 % du PIB du Royaume-Uni et les contributions 45 milliards de livres, soit 3 % du PIB.

Les plans stakeholders, depuis 2001, sont des plans par capitalisation en cotisations définies, simplifiés, sécurisés, flexibles et à coût réduit. Ils sont gérés par les compagnies d’assurance. Les très petites entreprises de moins de 5 salariés doivent obligatoirement en proposer à leurs salariés à défaut d’autre dispositif alternatif. Le montant minimum de participation du salarié est de 20 livres (23 euros). En 2007-2008, 1,9 million de personnes étaient affiliées à de tels plans. La contribution moyenne s’élevait à 1 570 livres (2 000 euros environ) pour les employeurs et 2 000 livres (2 500 euros environ) pour les salariés.

Les plans de retraite individuels par capitalisation (Personal Pension Plan), proposés par les banques, compagnies d’assurance ou conseillers financiers indépendants depuis 1988, recouvrent deux sous-catégories que sont les Appropriate pension plan pour les indépendants et les Ordinary personal pension plan pour les salariés qui ne participent pas ou ont quitté le plan de leur employeur. Un tel plan n’est pas lié à l’entreprise. Il n’y a donc pas de montant minimum. En 2007-2008, 7 millions de personnes en étaient bénéficiaires. Les contributions, facultatives, s’établissaient à 5 000 livres (6 400 euros environ) pour les employeurs et 8 200 livres (10 400 euros environ) pour les salariés.

Le troisième pilier est notamment constitué de la contribution volontaire additionnelle (Additional Volontary Contribution) versée par les salariés à leur fonds de pension. 600 000 ont fait un tel versement en 2007-2008, pour un montant annuel de 400 livres.

Au total, le système britannique avec ses étages et ses options est complexe et tend, avec la fermeture des fonds à prestations définies, à faire porter le risque sur le salarié.

Une réflexion est en cours sur de possibles évolutions.

D’une part, le passage à 66 ans pourrait intervenir plus tôt que prévu, en 2016 et non après 2024.

D’autre part, la faculté pour l’employeur d’exiger du salarié qu’il prenne sa retraite (Default Retirement Age), qui intervient actuellement à 65 ans, serait supprimée.

Enfin, pour ce qui concerne les fonctionnaires et le secteur public, une mission a été confiée à Lord John Hutton, pour présider une commission indépendante sur ce sujet (Public service pension commission). Un rapport intérimaire est prévu pour septembre.

2. La réforme d’un système bismarckien : le choix opportun et équilibré d’un système par points, des mesures d’âge et l’adjonction de mécanismes complémentaires de capitalisation en Allemagne

a) Une évolution graduelle : le passage au système par points, puis l’adjonction d’un pilier par capitalisation et des mesures d’âge progressivement renforcées

Pour répondre aux difficultés d’un déséquilibre démographique ancien, qui remonte à 1972, et se trouve plus accentué que dans les autres pays comparables (avec un âge moyen de 43 ans, elle est l’un des pays les plus âgés du monde), l’Allemagne a entrepris dès les années 1990 de réformer son système de retraites.

La première réforme a été celle de la loi de 1992 sur la réforme des retraites (RRG), dont le débat a commencé trois ans auparavant avant même la réunification. C’est à cette occasion que le système des annuités a été abandonné au profit d’un système par points, qu’a été fixé le taux de remplacement de 70 % pour une carrière complète de 45 ans et que l’âge légal a été relevé et unifié à 65 ans, contre 60 ans pour les femmes et 63 ans pour les hommes antérieurement. Elle a également prévu le passage de l’indexation des pensions sur le salaire brut à celle sur le salaire net.

Ensuite, plusieurs aménagements sont intervenus pour renforcer l’équilibre : décotes, surcotes et validations de cotisations supplémentaires pour des périodes consacrées à l’éducation des enfants, réduction des retraites anticipées liées au chômage.

En 2001, la réforme adoptée a représenté une rupture dans la conception allemande du système de retraite : il a été admis que le système public de retraite par répartition ne pouvait plus assurer seul le maintien du niveau de vie des retraités et qu’un dispositif complémentaire de retraite par capitalisation devait être introduit pour garantir cet objectif.

Deux modalités ont été prévues : d’une part, le renforcement des régimes d’entreprises qui ont toujours existé en Allemagne, mais pas pour tous, en complément du régime public ; d’autre part, les contrats individuels de prévoyance vieillesse par capitalisation, appelés contrats « Riester » du nom du ministre des affaires sociales du Chancelier Schröder, initiateur de la réforme.

L’assurance complémentaire reste facultative dans le secteur privé. Elle est laissée au libre choix des entreprises (elle est en revanche obligatoire pour les non titulaires du secteur public). Ce deuxième pilier a été renforcé par le fait que, depuis le 1er janvier 2002, un salarié peut convertir une fraction de sa rémunération salariale brute en épargne dans l’un des différents supports d’épargne retraite d’entreprise à sa disposition. Ces versements sont encouragés par des avantages fiscaux et sociaux. Les régimes d’entreprises sont en général en Allemagne des régimes à prestations définies, dont le risque est supporté par l’entreprise.

Les contrats « Riester », qui sont des plans de retraite individuels, font eux aussi l’objet d’avantages fiscaux et sociaux pour favoriser leur développement et constituent une partie du troisième pilier à côté des contrats d’assurances vie notamment.

Le dispositif repose sur le versement, vers un contrat d’épargne retraite certifié, d’une contribution dont le montant est égal à une fraction des revenus bruts du travail. Le taux de contribution est de 4 % des revenus bruts depuis 2008.

Les aides de l’Etat sont constituées de subventions forfaitaires et crédits d’impôt. Les subventions forfaitaires sont constituées d’une subvention de base et d’une majoration par enfant éligible aux allocations familiales, ce qui est avantageux pour les ménages à bas revenus.

En 2009, le nombre des contrats « Riester » était de 12,9 millions. En 2007, 17,5 millions de salariés allemands étaient couverts par des régimes d’entreprise.

Dans l’ensemble, la réforme Riester est considérée comme un succès : car elle a permis à une proportion significative des jeunes actifs (50 %) et des plus modestes (40 %) d’entrer dans le mécanisme de la retraite complémentaire. La graphique suivant montre en effet que l’Allemagne affiche la meilleure performance pour les salariés modestes.

Source : OCDE.

Ensuite, en 2004, sur la base du rapport Rürup, l’Allemagne a introduit un mécanisme d’ajustement automatique, un « facteur de viabilité » pour le régime public et, en 2007, la loi sur l’adaptation de l’âge légal de la retraite a prévu un report progressif de 65 à 67 ans entre 2012 et 2029.

b) Les dispositions actuelles

Actuellement, le régime de retraite allemand présente donc la physionomie suivante : il est fondé sur 3 piliers et son financement est diversifié.

Le premier pilier est celui de la retraite par répartition bismarckienne, mais son financement fait aussi appel à des contributions de l’Etat, même s’il est majoritairement financé par des cotisations sociales assises sur les salaires et réparties de manière paritaire : 19,9 % divisé en 9,95 % du salaire brut payé par l’employeur et 9,95 % acquitté par le salarié. Les cotisations retraites (environ 180 milliards d’euros) ne représente toutefois que les trois quart des recettes totales du premier pilier (240 milliards d’euros). L’Etat fédéral verse, en effet, au régime deux subventions :

– une subvention d’équilibre dont l’objectif est d’éviter un relèvement du taux de cotisation, tout en assurant l’équilibre des comptes (39 milliards d’euros) ;

– une subvention supplémentaire censée compenser les éléments non contributifs (19 milliards d’euros) qui est, depuis 1999, financée par deux ressources affectées : 1 point de TVA et une « Ecotaxe » payée par les entreprises polluantes.

A ces contributions, s’ajoute le financement, par le budget de l’Etat fédéral, des mesures favorables à la famille (11,5 milliards) et des pensions issues de la RDA (11 milliards). Au total, ces 80 milliards constituent la première dépense civile d’intervention de l’Etat fédéral.

C’est un système par points, solution qui correspond entre le système par annuités et le compte notionnel à un bon équilibre.

L’assuré accumule ainsi des points tout au long de sa vie, sur la base d’un point par an pour le paiement de cotisations correspondant à une année pleine au salaire moyen. Les cotisations sont toutefois plafonnées, l’assuré ne peut pas accumuler plus de deux points par an. A l’inverse, les situations de moindres cotisations donnent droit à des bonifications (faible revenu, période d’éducation) ou à une latitude quant au niveau des cotisations (chômage ou contrats exonérés).

Les deux autres piliers, qui fonctionnent par capitalisation, bénéficient d’aides publiques.

Le deuxième pilier concerne la retraite d’entreprise, qui préexistait, mais qui est devenue un droit : tous les employeurs doivent, à la demande de leur salarié, leur offrir un véhicule d’assurance retraite sur lequel est affectée une partie de leur rémunération. Dans le cadre de conventions collectives, les employeurs peuvent contribuer à la constitution de cette épargne retraite dont le capital est légalement garanti. 17 millions d’Allemands bénéficient d’une retraite d’entreprise, pour l’essentiel dans l’industrie et les grandes entreprises.

Le troisième pilier consiste en des assurances retraite individuelles par capitalisation, dites « Retraites Riester », du nom du ministre auteur de la réforme de 2003, comme on l’a vu. Là encore, le capital doit être garanti.

Ces deux piliers bénéficient, sous condition de plafond (4 % du salaire et 2100 euros) d’une aide publique sous la forme d’exonération fiscale et de primes directes : 153 euros par adultes (300 euros par enfant) au plafond. Le coût de ces mesures était de 2,5 milliards pour 2009.

II. LES VOIES ET LES MODALITÉS DE LA RÉFORME PRATIQUÉES PAR NOS PRINCIPAUX PARTENAIRES

A. Une mesure générale : le relèvement des âges de la retraite

L’allongement de la durée de vie accroît le rapport du nombre des bénéficiaires par rapport au nombre de cotisants et entraîne une augmentation structurelle de la charge.

A cette modification d’ordre démographique, les Etats répondent logiquement et donc généralement par une modification du même ordre : l’ajustement de l’âge de la retraite.

Les modalités en diffèrent cependant, car il n’y a pas de définition commune de l’âge de la retraite.

1. Précisions sur les différents âges de la retraite

Il est techniquement, si l’on veut être précis, plus approprié de parler des âges de la retraite plutôt que de l’âge de la retraite.

Il y a plusieurs âges légaux : l’âge d’ouverture des droits ; l’âge du taux plein, celui de l’obtention sans décote de la pension complète ; l’âge, aussi, de la retraite d’office.

Par ailleurs, il y a, comme on l’a vu lors de l’examen de la question de l’emploi des seniors, l’âge de cessation effective de l’activité.

2. Les mesures prises par les pays étrangers : report de l’âge d’ouverture des droits comme de l’âge de la pension complète

a) Un mouvement général

Comme l’a rappelé lors de son audition par la Commission des affaires sociales le président du Conseil d’orientation des retraites le 12 mai dernier, M. Raphaël Hadas-Lebel, le relèvement de l’âge de la retraite est général.

Celui-ci a, en effet, précisé que « la France est, avec la Belgique, le seul pays ayant maintenu à 60 ans l’âge légal du départ à la retraite. En Suède, l’âge d’ouverture des droits est fixé à 61 ans, mais très peu d’assurés liquident leurs droits à cet âge car le montant de la pension dépendant de l’espérance de vie de la génération à laquelle on appartient, plus on prend sa retraite tôt plus le montant de la pension est faible. Aux Etats-Unis, l’âge légal d’ouverture des droits est fixé à 62 ans. En Allemagne, il est fixé à 63 ans, avec 35 annuités. En Espagne, l’âge légal est de 65 ans, mais une réforme est en préparation. Au Royaume-Uni, le Pension Act prévoit de le faire passer de 65 à 68 ans. En Italie, on relèvera progressivement l’âge légal, qui était originellement de 57 ans, à 61 ans en 2013, avec 35 ans de cotisation » et qu’« en Allemagne, l’âge du taux plein, qui est de 65 ans, va être porté à 67 ans en 2029. »

Plusieurs méthodes sont cependant mises en vigueur, dans la mesure où peuvent varier ensemble ou séparément l’âge de départ et la durée de cotisation.

L’augmentation du seul âge de départ maintient ceteris paribus le niveau de la pension, mais reporte la date de sa liquidation.

L’augmentation de la durée de cotisation reporte, quant à elle, l’âge d’obtention de la pension complète et d’une pension d’un niveau donné. Elle conduit, par conséquent, à l’âge de liquidation inchangé et toutes choses étant égales par ailleurs, à réduire le niveau de la pension perçue. Elle permet donc de maintenir un âge de départ identique en contrepartie d’un appauvrissement du futur retraité.

En résumé, l’augmentation de la durée de cotisation non accompagnée d’une mesure d’âge repose sur le principe de la diminution des prestations, en clair de la paupérisation relative des retraités.

b) Le relèvement de l’âge de la pension complète : l’Allemagne, les Etats-Unis et le Japon

Avant les réformes de la première moitié des années 2000, l’Allemagne disposait de plusieurs âges de la retraite, dans le cadre de son régime par points.

L’âge du taux plein, à savoir de la pension complète, était de 65 ans.

L’âge minimum d’ouverture des droits était compris entre 60 et 65 ans, selon le cas : 63 ans avec 35 années d’assurance moyennant une décote d’âge de 3,6 % par année d’anticipation ; 61 ans pour les chômeurs et les personnes en préretraite progressive ; 60 ans pour les invalides avec 35 années d’assurance ; 60 ans pour les femmes avec 15 années d’assurance, dont 10 après l’âge de 40 ans.

Après réforme, les possibilités de partir avant 65 ans ont été réduites à partir de 2012 avec uniquement la faculté de départ dès 63 ans dans les mêmes conditions de décote d’âge qu’auparavant et dès 60 ans pour les invalides avec 35 années d’assurance.

La réforme de 2007 a modifié l’âge de la pension complète, pour l’avenir : celui-ci passera de 65 ans à 67 ans entre 2012 et 2029.

La possibilité de partir dès 63 ans est maintenue, mais avec une décote pouvant aller jusqu’à quatre ans, et non plus à deux ans.

L’augmentation de l’âge d’obtention d’une pension complète a été, hors d’Europe, la solution adoptée par les Etats-Unis, avec un report de 65 à 67 ans et un âge inchangé de l’ouverture des droits de 62 ans, ainsi qu’au Japon où cet âge est passé de 65 à 67 ans.

S’agissant de la France, l’augmentation de la durée de cotisation aurait des effets similaires aux mesures prises par l’Allemagne, les Etats-Unis et le Japon.

c) Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits : Espagne, Pays-Bas et Royaume-Uni, ainsi qu’Italie et Suède

L’âge d’ouverture des droits a été relevé pour le futur de 65 ans à 67 ans en Espagne et aux Pays-Bas, de 65 à 68 ans au Royaume-Uni, et à 61 ans en Italie et en Suède (augmentation d’un an).

Aux Pays-Bas, en Espagne et au Royaume-Uni, l’âge d’ouverture des droits correspond à celui de l’obtention d’une pension complète : il n’y a pas de différenciation.

En Espagne, dans le cadre des réformes actuellement envisagées, le gouvernement projette de retarder de 65 à 67 ans l’âge d’ouverture des droits. Il s’agirait d’un relèvement graduel de 2 mois par an, à partir de 67 ans jusqu’en 2025.

Aux Pays-Bas, un relèvement de l’âge d’ouverture des droits de 65 à 67 ans a également été envisagé par le précédent gouvernement.

Au Royaume-Uni, comme on l’a vu, le Pension Act de 2007 a repoussé l’âge de d’ouverture des droits en trois étapes : 65 ans à 66 ans entre avril 2024 et avril 2026 ; 66 ans à 67 ans entre avril 2034 et avril 2036 et, enfin, de 67 à 68 ans entre avril 2044 et avril 2046.

En revanche, la durée de cotisation pour se voir attribuer la pension de base complète a été diminuée à 30 ans pour améliorer la pension des femmes, contre 44 ans auparavant pour les hommes et 39 années pour les femmes.

Une réflexion est en cours sur l’éventuelle accélération du calendrier.

S’agissant de la Suède et de l’Italie, le schéma est différent puisque le compte notionnel implique une plage de temps pendant laquelle le salarié peut demander à bénéficier de ses droits.

En Suède, la réforme des années 1990 a fait passer l’âge d’ouverture des droits de 60 ans (avec décote) à 61 ans.

Pour sa part, comme l’a noté la Commission des comptes de la sécurité sociale, l’Italie est en cours de révision de son âge d’ouverture des droits, qui doit passer de 58 ans et 35 ans de contribution en 2008 à 61 ans minimum et 36 ans de contribution à terme en 2013.

d) Le faux contre-exemple de la Belgique : l’absence de mesure d’âge, en raison de l’importance de la durée de 45 ans de contribution exigée pour le taux plein

En Belgique, l’âge historique de 60 ans pour l’ouverture des droits à pension pour les hommes a été conservé. Celui de 55 ans pour les femmes a été aligné sur celui-ci dans le cadre de la réforme de 1996 dont la mise en œuvre progressive s’est achevée en 2009.

La liquidation de la pension anticipée à cet âge de 60 ans est soumise à une durée de cotisation de 35 ans.

Néanmoins, la durée de cotisation exigée pour la pension de plein droit a été maintenue à 45 ans (l’âge de 65 ans n’est plus celui du taux plein).

Obtenue sous condition de durée de cotisation, et non sous condition d’âge, la pension complète nécessite donc dans ce pays une carrière très longue.

Néanmoins, la loi du 23 décembre 2005 relative au pacte de solidarité entre les générations a instauré, à partir de 2007, un bonus de pension pour la prolongation de l’activité professionnelle au-delà soit de l’âge de 62 ans, soit de 44 ans de cotisation. Chaque jour de travail équivalent temps plein donne droit à un supplément d’un peu plus de deux euros de pension annuelle.

e) D’éventuelles mesures d’ajustement de la pension servie : décote et surcote

Plusieurs pays ont instauré des mécanismes de décote, à savoir de pénalisation des départs anticipés avant l’âge normal de départ en retraite : l’Allemagne avec une décote, c'est-à-dire une réduction de la pension, de 3,6 % par année travaillée en cas de départ anticipé à partir de 63 ans, ainsi que les Etats-Unis et le Japon.

D’autres ont prévu des mécanismes de surcote. Tel est le cas, comme on l’a vu, du bonus en vigueur en Belgique. Il en est de même du Royaume-Uni, avec une surcote en cas de départ au-delà de 65 ans.

La dernière ligne du tableau du f ci-après mentionne ces éléments.

Pour ce qui concerne la Suède et l’Italie, le mécanisme d’ajustement est automatique puisque le coefficient de conversion dépend de l’espérance de vie au moment du départ en retraite.

f) La situation atypique de la France avant réforme

Dans l’ensemble, selon les éléments également publiés par le Conseil d’orientation des retraites, « l’âge de la pension complète après réforme est compris entre 65 et 68 ans, sauf en France et en Belgique où un départ avec pension complète, c’est-à-dire sans décote liée à l’âge et/ou à la durée de contribution est possible dès 60 ans moyennant des durées de cotisations plus longues que dans les autres pays, 45 ans en Belgique et 41 ans pour la génération 1952 en France. C’est le cas de l’ancien régime de retraite italien dès 61 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes, avec une durée de contribution de 40 ans. »

Dans cet ensemble, on mesure donc le caractère spécifique de la France avec l’actuelle retraite à 60 ans, comme permet de l’appréhender le tableau ci-après.

 

Allemagne

Espagne

Etats-Unis

France

Italie*

Japon

Pays-Bas

Royaume-Uni

Suède

Âge moyen de sortie du marché du travail (2007)

62,6 pour les hommes, 61,5 pour les femmes

61,8 pour les hommes, 62,4 pour les femmes

-

59,5 pour les hommes, 59,4 pour les femmes

61,0 pour les hommes, 59,8 pour les femmes

69,5 pour les hommes, 66,5 pour les femmes

64,2 pour les hommes, 63,6 pour les femmes

63,6 pour les hommes, 61,7 pour les femmes

64,2 pour les hommes, 63,6 pour les femmes

Taux d’emploi
des 55-64 ans (2008)

53,8  %

45,6  %

62,1  %

38,2 %

34,4  %

66,3  %

50,7  %

58,2  %

70,3  %

Âge légal avant réforme

Âge minimum

65 ans

63 ans et 35 ans de contribution

65 ans et 4700 jours de contribution (12,9 années)

62 ans

60 ans

60 ans (hommes) 55 ans (femmes), sans condition d’âge si 35 ans de contribution

60 ans et 25 ans de contribution

65 ans

63 ans si 40 ans de contribution à un fonds de pension

65 ans (hommes) 60 ans (femmes)

60 ans

Pension complète

65 ans

Âge minimum + 35 ans de contribution

65 ans et 35 ans de contribution

65 ans ou à partir de 60 ans si 37,5 ans de contribution

40 ans de contribution

60 ans et 40 ans de contribution

Âge minimum + 50 ans de résidence

Âge minimum + 44 ans (hommes) et 39 ans (femmes) de contribution

65 ans

Situation en 2008

Âge minimum

65 ans

63 ans et 35 ans de contribution

65 ans et 4777 jours de contribution (13,1 années)

62 ans

60 ans

65 ans (hommes) 60 ans (femmes), 58 ans et 35 ans de contribution,

sans condition d’âge si 40 ans de contribution

60 ans et 25 ans de contribution

65 ans

63 ans si 40 ans de contribution à un fonds de pension

65 ans (hommes) 60 ans (femmes)

61 ans

Pension complète

65 ans

Âge minimum + 35 ans de contribution

66 ans et 35 ans de contribution

65 ans ou à partir de 60 ans si 40,25 ans de contribution

40 ans de contribution

63 ans (hommes)

61 ans (femmes) et 40 ans de contribution

Âge minimum + 50 ans de résidence

Âge minimum + 44 ans (hommes) et 39 ans (femmes) de contribution

Pas de notion d’âge de pension complète

Réforme à terme

Âge minimum

67 ans

63 ans et 35 ans de contribution

65 ans et 5475 jours de contribution

(15 années)

En projet :

67 ans et 25 ans de contribution

62 ans

60 ans

65 ans (hommes) ou 61 ans et 36 ans de contribution, 60 ans (femmes), sans condition d’âge si 40 ans de contribution

60 ans et 25 ans de contribution

65 ans

En projet :

67 ans

68 ans pour tous

61 ans

Pension complète

67 ans

65 ans et 45 ans de contribution

Âge minimum + 35 ans de contribution

67 ans et 35 ans de contribution pour la génération 1960

65 ans ou à partir de 60 ans si 41 ans de contribution en 2012

40 ans de contribution

65 ans pour les hommes en 2025 et pour les femmes en 2030 et 40 ans de contribution

Âge minimum + 50 ans de résidence

Age minimum + 30 ans de contribution

Pas de notion de pension complète

Modalités de retard de l’âge de départ ou d’augmentation de la durée de contribution

Relèvement de 65 à 67 ans entre 2011 et 2029, par paliers d’un mois par an (entre 65 et 66 ans) et par paliers de deux mois (entre 66 et 67 ans)

Les modalités exactes de retard de l’âge sont en discussion. Le gouvernement propose une augmentation de 65 à 67 ans de l’âge d’ouverture des droits entre 2014 et 2025 par paliers de 2 mois par an

Passage de 65 à 66 ans de l’âge de la pension complète à partir de la génération 1938 jusqu'à la génération 1943 par paliers de 2 mois par génération, puis passage de 66 à 67 ans à partir de la génération 1955 jusqu'à la génération 1960 au même rythme

Relèvement de 37,5 ans à 40 ans entre 1994 et 2008.

Relèvement de 40 à 41 ans de contribution à raison d’un trimestre par an entre 2009 et 2012

2007 : min. 57 ans et 35 ans de contribution (ou à 60 ans avec moins de 35 ans de contribution) Janvier 2008 : min. 58 ans et 35 ans de contribution (ou 59 et 34…) Jusqu’à janvier 2013 : min. 61 ans et 36 ans de contribution (ou 62 et 35…)

Relèvement d’un an tous les trois ans de l’âge de la pension complète dans le régime de base depuis 2001 pour les hommes et depuis 2006 pour les femmes et d’un an tous les trois ans dans le régime contributif à partir de 2013 pour les hommes et de 2018 pour les femmes

Les modalités exactes de retard de l’âge sont en discussion. Le gouvernement propose une augmentation de l’âge entre 2014 et 2025 par paliers de 2 mois par an

Transition de 60 à 65 ans de 2010 à 2020 pour les femmes. Augmentation de l’âge d’ouverture des droits entre 2021 et 2046 pour atteindre 68 ans ; en contrepartie, passage de 44 à 30 ans de contribution pour obtenir une pension complète (2010)

Pas de modalités particulières

Incitation à la prolongation d’activité

Décote de 3,6  % par année non travaillée en cas de départ anticipé

Surcote de 2  % par an au-delà de 40 ans de cotisation

Décote de 30 % pour un départ à 62 ans, surcote de 24 % pour un départ à 70 ans et de 8 % par an de 70 à 72 ans pour la génération 1960 atteignant 62 ans en 2022

Décote de 1,75 % du taux de liquidation pour tout trimestre manquant pour un départ avant 65 ans, surcote de 1,25 % par trimestre pour une prolongation d’activité au-delà des conditions de la pension complète

 

Décote de 30 % pour un départ à 60 ans, surcote de 42 % pour un départ à 70 ans

 

Surcote de 10,4  % par an au delà de 65 ans

La pension est proportionnelle aux droits accumulés selon un coefficient qui augmente avec l’âge de départ et dépend de la génération : 5,55 % à 61 ans et 7,8 % à 70 ans pour la génération 1940

* Âge dans l’ancien régime : en 1995, l’Italie a instauré un régime de comptes notionnels avec un âge d’ouverture des droits à 57 ans. La pension est proportionnelle aux droits accumulés selon un coefficient qui augmente avec l’âge de départ : 4,72 % à 57 ans et 6,14 % à 65 ans jusqu’en 2009 (respectivement 4,42 % et 5,62 % à partir de 2010). Toutefois, le choix de transition effectué (sur une très longue période puisque seuls les nouveaux entrants sur le marché du travail ne relèvent que du nouveau système) implique que le nouveau système ne s’applique que pour une part très marginale dans les pensions des liquidants actuels.

Belgique : l’âge d’ouverture des droits est de 60 ans et l’obtention d’une pension complète est conditionnée à la validation de 45 ans de contribution – un bonus de pension est accordé pour les assurés cotisants à partir de 62 ans.

Canada : l’âge de la pension complète est de 65 ans avec une possibilité de départ dès 60 ans moyennant une décote de 0,5 % par mois d’anticipation entre 60 et 65 ans (+0,5 % par mois de report entre 65 et 70 ans).

Données OCDE, EUROSTAT, et COR.

Source : Lettre du COR n° 3.

Lorsque l’on se projette dans le futur, c’est-à-dire après application des réformes en cours ou prévues, on constate que le diagnostic n’en est pas pour autant modifié, comme l’indique le graphique suivant extrait des travaux du COR.

* 65 ans si 45 ans de contribution.

** L’âge de pension complète est déjà passé de 65 ans à 66 ans aux Etats-Unis.

*** Ou entre 60 et 65 ans si atteinte d’une durée de contribution cible (41 ans pour la génération 1952).

**** Des projets gouvernementaux passés font état d’une réflexion autour du rétrécissement de la fourchette d’âge de départ allant même jusqu’à proposer un âge d’ouverture des droits à 65 ans.

Source : COR.

g) L’importance du calendrier des mesures d’âge

Les décisions relatives aux mesures d’âge doivent intervenir le plus longtemps possible avant les échéances qui les commandent.

On constate ainsi que dans la plupart des pays, les reports d’âge sont inscrits dans la loi plus de deux décennies avant leur entrée en vigueur.

C’est jugé comme une exigence, en raison de la nécessité pour les salariés de disposer d’un horizon suffisant pour pouvoir organiser comme ils le souhaitent, et comme ils le peuvent, leur retraite.

Ainsi, la réforme « Reagan » de 1983 aux Etats-Unis n’est entrée en vigueur que pour la génération née en 1938, qui a atteint l’âge de 62 ans en 2000.

Les réformes liées à l’âge sont mises en œuvre d’une manière très graduelle avec un, puis deux mois, par an en Allemagne entre 2001 et 2029, pour le passage de 65 ans à 67 ans ou bien avec un calendrier de transition prévu, en l’état, pour s’étaler entre 2021 et 2046, au Royaume-Uni.

Néanmoins, la crise semble entraîner une tendance à l’accélération de l’arrivée des échéances.

h) Une approche réaliste de l’âge de la retraite, condition indispensable à la crédibilité des politiques de rétablissement des finances publiques dans la crise

La crise actuelle a montré, surtout pour les Etats membres de la zone euro, qu’une gestion réaliste de l’âge de la retraite était indispensable.

Les régimes de retraite obligatoire sont en effet l’un des éléments de base de la crédibilité de la gestion des finances publiques.

D’une part, leurs déficits accroissent l’endettement public.

D’autre part, il n’est pas réaliste de compter uniquement sur le volet recettes et prévoir des augmentations en ce sens.

Trois raisons à cela :

– d’abord, les cotisations ne peuvent être indéfiniment augmentées sans aggraver le déficit de compétitivité de nos pays et sans entrer non plus en contradiction avec l’évolution du pouvoir d’achat et sans alors créer de conflit implicite entre les générations. Quid d’une société où tous les gains de productivité du travail seraient affectés aux retraites et non au pouvoir d’achat ?

– ensuite, les retraites ne sont pas les seules dépenses publiques au sens large ou privées sur lesquelles il y a des besoins à satisfaire : la santé, la dépendance notamment pour lesquels des efforts sont tout autant légitimes ;

– pour la France enfin, il faut mesurer que notre pays est en Europe celui dont l’espérance de vie est parmi les plus élevées, mais qui n’est pas le plus riche avec un PIB par tête à l’indice 107 (moyenne des Vingt-sept à 100), un peu en dessous de la moyenne de la zone euro (l’Allemagne est pour sa part à 116). Il n’y a donc pas pour notre pays de solution miraculeuse permettant à une population moins riche d’entretenir des retraités proportionnellement plus nombreux tout en maintenant une certaine parité de compétitivité comme de niveau de vie avec ses principaux partenaires.

Par conséquent, plus que tout autre, notre pays doit être vigilant.

Un abaissement futur de l’âge de la retraite entraînerait une crise, qui se traduirait, « à la grecque », par une augmentation des taux d’intérêt exigés pour le refinancement de la dette publique et, par voie de conséquence, un épuisement accru de nos ressources.

On peut légitimement regretter cette situation, mais le niveau de notre endettement public ne permet plus de ne pas être réaliste.

3. Des âges dorénavant identiques pour les femmes et les hommes

Aucun Etat membre de l’Union européenne ne devrait plus, à la fin de la décennie, faire de distinction entre l’âge de la retraite des femmes et celui des hommes.

Cette distinction, qui repose sur l’idée des sociétés traditionnelles suivant laquelle la place de la femme est avant tout au foyer et son travail à l’extérieur n’est qu’un pis-aller révélateur d’une situation matérielle difficile, n’a en effet plus lieu d’être.

Elle ne correspond plus aux conceptions de notre époque, même si les mentalités restent encore trop en retard et si le respect de la parité doit faire l’objet d’une vigilance constante et d’une action permanente.

De plus, elle est juridiquement, comme on l’a vu, contraire aux traités européens et à sa philosophie. Les décisions de la Cour de justice sont sans ambiguïté.

Il en est de même des conceptions défendues par la Commission européenne, vis-à-vis de l’Italie.

C’est ce pays qui, avec le Royaume-Uni, continue parmi nos principaux partenaires à faire une distinction en la matière.

4. Le caractère essentiel et complémentaire des mesures sur l’emploi des seniors

En complément des mesures d’âge, les Etats qui réforment prévoient également les mesures destinées à l’emploi des seniors, avec trois orientations :

– la restriction, voire la suppression, des préretraites et des possibilités de départ anticipé ;

– la prolongation d’activité, grâce à la surcote, déjà mentionnée ;

– les mesures spécifiques à l’emploi de seniors.

5. Une absence de débat sur la pénibilité à l’étranger

D’une certaine manière, le débat sur la pénibilité apparaît comme une exception française.

Pourtant, ce sont à l’étranger les mêmes métiers que chez nous qui sont exercés et les conditions de leur exercice ne sont pas automatiquement plus aisées.

La raison à cela est simple : l’approche est tout autre.

En Suède, par exemple, la question de la pénibilité n’est pas liée à la retraite et ne fait pas débat : elle relève de l’assurance maladie, de l’invalidité, et en termes de prévention, des conventions collectives.

Ce n’est pas illogique. L’approche de la pénibilité qui repose sur une approche par métier se télescope avec une autre logique, celle de l’invalidité ou plus généralement de l’inaptitude au travail.

Par ailleurs, il y aussi une autre approche par le biais des carrières longues. Les métiers caractérisés par la pénibilité sont en général des métiers peu qualifiés où l’on commence à travailler jeune et leur cas peut également être réglé dans le cadre des dispositifs sur les carrières longues.

Le COR estime ainsi dans sa lettre d’information no 3 de juin 2009, que la prise en compte de la pénibilité ne concerne que quelques pays et d’une manière limitée, notamment l’Italie, avec la loi 247 qui, selon les informations communiquées s’applique uniquement aux mineurs, ainsi que l’Espagne qui exclut certaines professions des restrictions mises aux départs précoces.

B. La recherche des conditions d’un équilibre financier à long terme : modulation des paramètres de calcul des pensions et recherche de nouvelles ressources

1. La modulation des modes de calcul des pensions : base de calcul ; taux ; revalorisation des cotisations ou contributions ; revalorisation des pensions déjà liquidées

a) La base de calcul pour la liquidation de la pension : un renforcement du caractère contributif des systèmes de retraite par la prise en compte de la totalité de la carrière

La question de la base de calcul de la pension de retraite ne se pose que pour les dispositifs par annuités.

Par définition, les systèmes en compte notionnel ou par points prennent en considération la carrière complète.

En revanche, selon les éléments communiqués par le COR, un nombre important de dispositifs par annuité prennent en compte la carrière complète et, lorsque tel n’est pas le cas, la durée prise en compte tend à s’allonger.

Pour ce qui est des deux Etats européens faisant exception, la Grèce et l’Espagne, les plans de redressement actuels des finances publiques pourraient conduire à des réajustements importants.

Sur le plan des principes, la prise en compte d’une durée de carrière longue ou de la totalité de la carrière dans le calcul des droits renforce le caractère contributif des régimes de pension : on reçoit à mesure de ses contributions.

La contrepartie logique en est donc le développement des systèmes de solidarité.

b) Le mode de revalorisation des cotisations ou contributions

D’une manière générale, dans les régimes par répartition, les salaires portés au compte sont revalorisés par les salaires, selon les informations publiées dans le septième rapport du COR (janvier 2010).

La revalorisation par les prix est cependant pratiquée par certains Etats comme la Belgique et l’Espagne, ainsi que la France.

D’autres Etats pratiquent encore une solution mixte ou le panachage, avec une part sur les prix et une autre sur les salaires, pour la réévaluation des salaires dont il est tenu compte pour le calcul des droits : la Finlande et Portugal.

c) La règle de revalorisation des pensions

Selon les éléments diffusés par le COR, la règle de base pour la revalorisation des pensions est celle de l’indexation sur les prix.

Certains pays font exception, notamment la Norvège et l’Allemagne, qui revalorise les pensions sur les salaires.

Pour sa part, la formule suédoise, avec une référence à l’évolution des salaires diminuée de 1,6 point ne peut être considérée comme aussi favorable.

En outre, quatre pays (la Finlande, la République tchèque, la Slovaquie et la Suisse) revalorisent les pensions liquidées sur la base d’une formule mixte.

On observera qu’au Royaume-Uni, à partir de 2012, comme on l’a vu, si la situation budgétaire le permet, la pension de base d’Etat est de nouveau prévue, en l’état, pour évoluer comme les salaires, et non plus comme les prix.

d) Récapitulatif

Le tableau ci-après récapitule les modalités de calcul des pensions chez nos principaux partenaires.

 

Existence d’un « minimum »

Régimes obligatoires*

Prise en compte de la carrière

Revalorisation des droits

Minimum social

Pension forfaitaire

Pension garantie

Public en répartition

Privé en capitalisation

Avant liquidation

Après liquidation

Allemagne

X

   

Points

 

Complète

Salaires

Salaires

Argentine

 

X

   

X

Complète

-

-

Australie

X

     

X

Complète

-

-

Autriche

X

   

Annuités

 

40 meilleures années

Salaires

Discrétionnaire

Belgique

X

 

X

Annuités

 

Complète

Prix

Prix

Canada

X

X

 

Annuités

 

34 meilleures années

Salaires

Prix

Chili

X

     

X

Complète

-

-

Corée du Sud

 

X

 

Annuités

 

Complète

Salaires

Prix

Danemark

X

X

   

X

Complète

-

-

Espagne

   

X

Annuités

 

15 dernières années

Prix

Prix

États-Unis

X

   

Annuités

 

35 meilleures années

Salaires

Prix

Finlande

   

X

Annuités

 

Complète

80 % salaires et 20 % prix

20 % salaires et 80 % prix

France

X

 

X

Annuités

Points

 

25 meilleures années Complète

Prix

Prix

Prix

Prix

Grèce

X

 

X

Annuités

 

5 dernières années

Aligné sur le secteur public

Discrétionnaire

Irlande

X

X

     

-

-

-

Italie

X

   

Comptes notionnels

 

Complète

PIB

Prix

Japon

 

X

 

Annuités

 

Complète

Salaires

Prix

Mexique

 

X

X

 

X

Complète

-

-

Norvège

 

X

X

Points

X

20 meilleures années

Salaires

Salaires

Pays-Bas

 

X

   

X

Complète

-

-

Pologne

   

X

Comptes notionnels

X

Complète

Salaires

Prix

Portugal

   

X

Annuités

X

40 meilleures années

25 % salaires et 75 % prix

Prix

Rép. slovaque

   

X

Points

X

Complète

Salaires

50 % salaires et 50 % prix

Rép. tchèque

X

X

X

Annuités

 

30 dernières années

Salaires

33 % salaires et 67 % prix

Royaume-Uni

X

X

X

Annuités

 

Complète

Salaires

Prix

Suède

   

X

Comptes notionnels **

X

Complète

Salaires

Salaires – 1,6

Suisse

X

 

X

Annuités

 

Complète

Salaires

50 % salaires et 50 % prix

* ou facultatifs mais couvrant plus de 90  % des salariés.

** complétés par un régime en capitalisation publique.

Données OCDE (2009), « Les pensions dans les pays de l’OCDE : panorama des politiques publiques 

2. Le développement des dispositifs non contributifs de solidarité

Les mesures de solidarité visent à attribuer des prestations ou à les majorer sans que des cotisations aient été en contrepartie versées.

Elles sont donc une compensation au renforcement progressif du caractère contributif des régimes, au fur à mesure que la totalité de la carrière est prise en compte.

Il s’agit donc, d’une part, des mesures relatives à la mise en œuvre du filet minimum et, d’autre part, des dispositifs de validation de certaines périodes (congé maternité, chômage, études, etc).

Le poids des dispositifs de solidarité est significatif. Selon les estimations du COR, il atteint un cinquième des droits à la retraite validés chaque année en Allemagne et en France, et un sixième en Suède.

a) Les prise en compte des événements spécifiques qui affectent la carrière : maladie, chômage, études, éducation des enfants

A partir d’une étude de la DGTPE sur le système de retraite dans dix pays, le COR a pu établir les éléments suivants sur les mécanismes de solidarité qui visent à atténuer l’impact d’événements spécifiques. Les neuf pays concernés sont : l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, les Etats-Unis, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. Les constats sont les suivants.

l Les périodes couvertes par l’assurance maladie-maternité

Les périodes de maladie et de congés maternité sont prises en charge dans l’ensemble des pays, soit par validation des durées (systèmes par annuités), soit par versement de cotisations par l’Etat, en principe, pour les systèmes à cotisations définies. Pour l’invalidité et le handicap, des droits spécifiques sont fréquemment prévus.

l Les périodes de chômage

Les périodes de chômage sont, sauf exception, compensées, mais elles le sont selon des modalités variables.

Les exceptions concernent certains régimes des Pays-Bas, ainsi que les Etats-Unis.

Dans les régimes à points (Allemagne) ou de comptes notionnels (Suède), des cotisations fictives ou des contributions de l’Etat sont attribuées aux assurés sociaux concernés.

Dans les régimes par annuité, il y a validation des périodes chômées sans versement de cotisation.

Pour ce qui concerne les droits, la prise en compte de l’ensemble de la carrière et non d’une partie seulement, pour le calcul du salaire de référence conduit à pénaliser les pensionnés qui ont subi des périodes de chômage.

l La prise en compte des années d’études

Certains pays ont des dispositifs qui prennent en compte les années d’études.

Des mécanismes de rachat des périodes correspondantes ont été mis en place au Japon, ainsi qu’en France.

Pour sa part, la Suède a prévu dans le cadre du compte notionnel la validation des périodes d’études après 18 ans. L’Etat verse pour eux une cotisation calculée sur la base de 138 % de l’allocation d’études.

b) Les droits familiaux

Les périodes liées à l’éducation des enfants, ainsi qu’à s’occuper des parents handicapés sont prises en compte dans un certain nombre de pays (tel n’est pas cependant le cas aux Etats-Unis et aux Pays-Bas).

Quatre pays sont particulièrement significatifs : l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède.

Les dispositifs originels en vigueur avant les réformes des années 1990-2000 dans les trois premiers pays (la Suède n’en disposait pas) étaient ouverts aux parents (les mères en principe) à condition de ne pas exercer d’activité professionnelle.

En Italie, de 1971 à 2000, il y a eu validation dans les droits à la retraite d’une interruption d’activité de 6 mois pour élever un enfant de moins d’un an. Après 1978, l’attribution de cette période n’a plus été de plein droit à la mère, mais au choix du couple.

En Allemagne, à partir de 1986, des périodes d’éducation des enfants (Berücksichtigungszeiten) ont été prises en compte pour le calcul des retraites. A l’origine, une année était prise en compte. A partir de 1992, trois années l’ont été. L’attribution était à la mère, et alternativement au père.

Au Royaume-Uni, les périodes d’éducation des enfants de moins de seize ans ont été prises en compte à partir de 1978 pour les pensions d’Etat et validées sans contrepartie de cotisation dans le cadre du Home responsibilities protection (HRP), qui est remplacé à partir de cette année par un dispositif similaire relatif aux enfants de moins de douze ans : le new weekly National Insurance credit.

Les réformes opérées au cours des deux dernières décennies l’ont été selon trois orientations.

Il s’agit en premier lieu de l’ouverture de droits aux parents qui restent sans emploi. Au Royaume-Uni, la pension complémentaire d’Etat (Second state pension-S2P) prévoit le versement par l’Etat de cotisations au titre des personnes qui ont un enfant de moins de six ans, sur la base d’un revenu fictif de 13 000 livres par an, soit la moitié du salaire moyen, et soit ne sont pas en mesure de travailler soit perçoivent un revenu inférieur à ce niveau.

En Allemagne, les réformes de 1999 et 2002 ont permis un cumul des cotisations versées au titre de l’éducation des enfants avec des cotisations sociales, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, lors des dix premières années de l’enfant.

En Suède, les droits à la retraite continuent à courir pendant les périodes d’éducation des enfants, sur la base d’un revenu fictif qui peut éventuellement compléter un revenu perçu par ailleurs. L’Etat verse la contribution correspondante, qui vient alimenter le compte notionnel.

En Italie en revanche, il est exigé des mères qu’elles aient un arrêt d’activité, dans le nouveau régime. La possibilité de départ anticipé avant l’âge légal est remplacée par une majoration de pension, de 3,5 % pour un enfant ou deux et de 7 % pour trois enfants ou plus.

En deuxième lieu, l’accès aux droits familiaux a été conditionné à une durée d’assurance : 20 ans d’affiliation pour le HRP et la S2P au Royaume-Uni ; vingt-cinq ans de cotisation, au moment de la liquidation des droits en Allemagne ; cinq ans de durée de cotisation minimale, avant la naissance de l’enfant, par un des parents en Suède et en Italie.

En troisième lieu, la liberté est donnée aux couples de déterminer le bénéficiaire des droits familiaux, le père ou la mère, en Italie, en Allemagne et en Suède.

c) Les droits conjugaux : la réversion

La principale question sur ce sujet des dispositifs de solidarité est celle des droits conjugaux et, plus précisément, celle des droits à réversion.

Historiquement, le droit à réversion concernait uniquement les veuves : il est issu du modèle social dominant fondé sur le foyer où un seul des deux conjoints travaille, en général.

Il s’est progressivement étendu aux hommes, avec un droit à réversion pour les veufs en 1975 au Royaume-Uni, en 1977 en Italie et aux Etats-Unis, et en 1986 en Allemagne. La deuxième évolution concerne les partenaires enregistrés de même sexe. C’est ce qu’ont fait l’Allemagne et le Royaume-Uni en 2005.

Un pays n’a cependant jamais instauré la réversion dans le système public : les Pays-Bas. La pension forfaitaire temporaire pour conjoint ayant un enfant à charge ne vaut que pour autant que cette condition soit remplie. Sinon, les personnes veuves âgées bénéficient de la pension universelle correspondant à 40 % du salaire moyen.

On observe sinon en matière de réversion quatre tendances.

La première vise à partager les droits acquis entre les conjoints en cas de séparation. C’est la méthode dite du « splitting » apparue en Allemagne au milieu des années 1970, et ensuite appliquée au Royaume-Uni et en Suède.

La deuxième tendance est économique. Elle tient comme l’indique le tableau suivant à la réduction de la part des pensions de réversion dans la masse des pensions servies.

La troisième tendance est d’ordre juridique et constitue l’un des facteurs explicatifs de celle qui précède : à part en Italie, dans les pays étudiés par le COR, la tendance est à l’attribution d’une pension de réversion uniquement sous condition d’âge, voire à sa suppression progressive, comme tel a été le cas en Suède. L’ouverture des droits sans enfant à charge est ainsi de 45 ans en Allemagne et de 60 ans aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, cet âge coïncide avec celui de l’ouverture des droits à pension du régime de base d’Etat.

Pour les personnes plus jeunes, il y a une réversion temporaire en l’absence d’enfant à charge, la durée de versement étant de 2 ans en Allemagne, 1 an au Royaume-Uni et 1 an en Suède. En présence d’enfant à charge, il y a versement d’une pension jusqu’à un certain âge pour le plus jeune enfant : 18 ans en Allemagne et aux Pays-Bas ; 17 ans au Royaume-Uni ; 12 ans en Suède.

La quatrième tendance, complémentaire de la précédente, est celle de l’encadrement du montant de la réversion. Deux modalités sont prévues. D’une part, sauf en Italie et en Suède, les régimes de retraite prévoient des règles de limitation des cumuls de la réversion avec d’autres revenus. En Allemagne, cette règle a été instaurée en 1986 lors de l’ouverture de la réversion aux hommes et a été remplacée en 2001 par la condition de ressources. D’autre part, ainsi, certains pays comme l’Allemagne, dorénavant, et l’Italie depuis 1995 prévoient une condition de ressources pour la réversion.

d) La véritable clarification financière : un modèle suédois ?

L’examen des dispositifs de solidarité montre qu’à l’heure actuelle des droits, sans versement de cotisations, sont accordés sans que les financements correspondants ne soient non plus clairement prévus ni précisément calculés.

Il en résulte une certaine confusion qui ne crée pas de difficulté tant que les régimes sont équilibrés ou tant que l’Etat peut verser des compensations sans difficulté, ce qui n’est plus le cas.

En outre, de telles situations ne sont jamais satisfaisantes, car les responsabilités et les obligations ne sont pas clairement définies.

En Suède, la réforme des années 1990 a été l’occasion de clarifier le financement des dispositifs de solidarité. Ils donnent dorénavant lieu à versement de contributions par l’Etat ou, partiellement, par l’assuré.

Les périodes couvertes au titre de la solidarité donnent donc toujours lieu à versement, par l’Etat, le cas échéant, mais pas toujours, de la cotisation correspondante, ce qui permet de créditer le compte notionnel de l’assuré. Il n’y a donc pas d’écart entre les droits d’un assuré et les contributions versées.

C’est la garantie d’un équilibre durable et réel. On peut parler d’un véritable modèle, qui est d’ailleurs intrinsèque à la logique du compte notionnel.

3. L’accroissement des recettes

a) Des modalités variables

En matière de ressources, les solutions ont été diverses.

Comme l’a observé le Conseil d’orientation des retraites dans sa lettre d’information no 3 (juin 2009), « plusieurs pays ont, dans un premier temps, augmenté les recettes des régimes de retraite selon diverses modalités :

« - une augmentation du taux de cotisation avant de le plafonner (Allemagne) ;

« - une prise en charge, via le budget de l’Etat ou les autres branches de la protection sociale, de certains droits attribués aux assurés (Suède, Allemagne, Italie, France...) ;

« - un transfert direct des ressources du budget de l’Etat vers les régimes de retraite (Belgique, Pays-Bas et Japon).

« Enfin, certains pays ont porté les taux de cotisation ou les ont maintenus à un niveau plus élevé que ne le nécessitait le montant des dépenses, afin de se constituer des réserves (Etats-Unis, Canada, Belgique, Japon, Espagne...). »

b) Des niveaux de cotisations sociales différents et des impératifs de compétitivité qui conduisent dans certains pays à un développement du financement par l’impôt

L’OCDE a publié en 2009, dans son étude précitée, un tableau récapitulant les taux de cotisation aux régimes publics de retraite.

Taux de cotisation aux régimes publics et recettes tirées des cotisations de retraite

 

Taux des cotisations de retraite

 

Recettes tirées des cotisations de retraite, 2006

 

(en  % du salaire brut)

 

(en  % du PIB)

 

(en  % du total des prélèvements)

 

1994

1999

2004

2007

 

Salariés

Employeurs

Total

 

Australie

Régimes privés uniquement

 

0

0

0

 

0

Autriche

22,8

22,8

22,8

22,8

 

3,5

3,7

7,9

 

18,9

Belgique

16,4

16,4

16,4

16,4

 

2,2

2

4,6

 

10,4

Canada

5,2

7

9,9

9,9

 

1,3

1,3

2,7

 

8,1

Rép. tchèque

26,9

26

28

32,5

 

1,7

5,7

7,8

 

21,2

Danemark

Régimes privés uniquement

 

0

0

0

 

0

Finlande

18,6

21,5

21,4

20,9

 

1,6

6,9

8,9

 

20,5

France

21,5

24

24

24

           

Allemagne

19,2

19,7

19,5

19,5

 

2,6

2,7

5,8

 

16,4

Grèce

20

20

20

20

 

2,9

3,5

7,5

 

23,9

Hongrie

30,5

30

26,5

26,5

 

1

4,8

5,8

 

15,7

Islande

Pas de cotisation de retraite distincte

           

Irlande

Pas de cotisation de retraite distinction

           

Italie

28,3

32,7

32,7

32,7

 

2,2

7,3

9,4

 

22,4

Japon

16,5

17,4

13,9

14,6

 

2,9

2,9

5,9

 

21

Corée

6

9

9

9

 

1,6

1

2,6

 

9,8

Luxembourg

16

16

16

16

 

2,5

2,2

4,8

 

13,3

Mexique

Régimes privés uniquement

 

0

0

0

 

0

Pays-Bas

33,1

37,7

28,1

31,1

           

Nlle-Zélande

Pas de cotisation

 

0

0

0

 

0

Norvège

Pas de cotisation de retraite distincte

           

Pologne

 

32,5

32,5

35

 

4,3

3,7

8,1

 

24

Portugal

Pas de cotisation de retraite distincte

           

Rép. slovaque

28,5

27,5

26

24

 

1,3

2,3

5,2

 

17,4

Espagne

29,3

28,3

28,3

28,3

 

1,3

6,6

8,5

 

23,3

Suède

19,1

15,1

18,9

18,9

 

2,5

3,6

6,2

 

12,7

Suisse

9,8

9,8

9,8

10,1

 

2,8

2,7

6

 

20,4

Turquie

20

20

20

20

 

1,1

1,1

2,2

 

8,8

Royaume-Uni

Pas de cotisation de retraite distincte

           

Etats-Unis

12,4

12,4

12,4

12,4

 

2,3

2,3

4,6

 

17,2

                     

OCDE

20

20,7

20,2

21

 

1,8

2,9

5

 

14,1

Note: Tous les chiffres sont arrondis à une décimale. Concernant les taux de cotisation, la moyenne de l’OCDE ne tient pas compte des pays où les cotisations de retraite n’existent pas ou sont incluses dans les cotisations aux dispositifs de protection sociale au sens large. S’agissant des recettes tirées des cotisations, pour la moyenne de l’OCDE, la valeur retenue dans les calculs pour les pays ne prélevant pas de cotisations est zéro.

Dans certains cas, les recettes tirées des cotisations de retraite ont été calculées en partant de l’hypothèse que ces recettes sont réparties entre différents programmes de protection sociale dans les mêmes proportions que les taux de cotisation. Les cotisations totales englobent les sommes versées par des non-salariés (principalement les travailleurs indépendants).

Finlande : les taux de cotisation ont été relevés depuis pour les salariés de 53 ans et plus. Les employeurs sont soumis à un prélèvement supplémentaire, qui varie de 0,8 % à 3,9 % de la masse salariale en fonction de leur capital. France et Pays-Bas : pour les recettes tirées des cotisations, il est impossible d’établir une distinction entre celles qui sont affectées aux retraites et celles qui servent d’autres fins. Pologne : le taux des cotisations de retraite a été diminué de 3 points en juillet 2007 ; on a retenu ici le chiffre précédent, qui est plus élevé.

Source: OCDE (diverses années), Les impôts sur les salaires ; OCDE (2008), Statistiques des recettes publiques ; Social Security Administration, États-Unis (diverses années), Social Security Programs throughout the World ; Modèles de retraite et modèles impôts-prestations de l’OCDE.

Pour ce qui est des seuls Etats membres de l’Union européenne entrant dans le champ de l’étude, les niveaux des taux de cotisation sont donc très variables, allant de 16 % au Luxembourg et 16,4 % en Belgique, à un maximum de 35 % en Pologne, 32,7 % en Italie.

La France est dans une situation intermédiaire avec un taux de 24 %, et l’Allemagne est à 19,5 %.

La comparaison des recettes tirées des cotisations retraites (part patronale et part salariale ajoutées) en fonction du PIB montre, pour sa part, que le maximum est de 9,4 % en Italie, laquelle est suivie de la Finlande (8,9 %) et de l’Espagne (8,5 %), et que le minimum est de 12,7 % en Suède.

Par rapport au total des prélèvements obligatoires, le maximum est atteint en Grèce (23,9 %) et en Espagne (23,3 %).

S’agissant des évolutions, il faut distinguer les pays de l’Union européenne de ceux de l’ensemble de l’OCDE. Pour ces derniers, on constate une légère augmentation, passant en moyenne de 20 % en 1994 à 21 % en 2007.

Pour ce qui concerne en revanche les Etats membres de l’Union européenne, le rapport de la mission d’information sur le financement des retraites dans les Etats européens, présenté par son président et rapporteur, M. Arnaud Robinet (no 2570), rappelle que le constat est autre.

« En 2003, dans les quinze pays de l’Union européenne, la part de financement de la protection sociale relevant des cotisations sociales, 60 %, avait ainsi diminué de près de 6 points (10,6 en France) par rapport à 1990 et celles des contributions publiques, 37 %, progressé de 7. Entre 2003 et 2007, le même processus s’est poursuivi, 1,5 point supplémentaire basculant des cotisations vers les contributions ».

Il y a donc, en raison d’un impératif de compétitivité, transfert de charge des cotisations vers d’autres ressources.

Cette question des alternatives au financement des retraites par les cotisations sociales fait l’objet de solutions diverses au niveau national.

Sur l’ensemble des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne, les cotisations et contributions sociales représentaient selon les définitions retenues 31,6 % ou 33,83 % des prélèvements obligatoires en 2008.

Par rapport à cette moyenne, les Etats membres se trouvent dans des situations qui ne sont pas du tout comparables.

Selon les données détaillées établies par Eurostat, les taux les plus élevés étaient recensés en République tchèque (44 %), ainsi qu’en Allemagne et en France (40 %).

En revanche, les taux les plus faibles étaient enregistrés au Danemark (3,67 %) et en Suède (19,36 %).

On constate que règne la diversité la plus grande et que les arbitrages sont nationaux.

Néanmoins, le débat sur la TVA sociale est en arrière-plan de ces éléments comparatifs. La Suède et le Danemark sont, en effet, les Etats membres où le taux normal de TVA atteint son maximum, soit 25 %. Au Danemark, l’impôt sur le revenu et la TVA représentent presque les trois quarts des recettes fiscales. Le financement de la protection sociale repose donc sur l’impôt.

Sur le fond, le recours à la TVA pour financer la protection sociale, soit en remplacement d’une augmentation de cotisation, soit en compensation d’une diminution du taux de cotisation, met en jeu plusieurs éléments.

Le premier est que la TVA est un impôt qui préserve la compétitivité. Il pèse sur la consommation, et non sur la production. Les produits nationaux et les produits importés sont donc sur un pied d’égalité.

Le deuxième est qu’à l’opposé, les cotisations sociales sont des prélèvements obligatoires qui handicapent la compétitivité de l’économie. Ils renforcent l’écart des coûts de main-d’œuvre entre les pays anciennement industrialisés, dont la France, et les pays émergents. Il est ainsi un des éléments qui contribue au succès des politiques délibérées de dumping social de certains pays.

Le troisième est que le débat sur la TVA sociale ne peut se nourrir d’argument permettant d’emporter la conviction de ceux que le raisonnement économique ne convainc pas.

Comme le fait apparaître le rapport précité de M. Arnaud Robinet, député, aucune des trois approches de la TVA sociale ne remet en cause son bien-fondé, au contraire, mais aucune ne peut non plus emporter l’adhésion des sceptiques.

Le Danemark finance sa protection sociale par l’impôt depuis l’origine.

La Suisse n’a décidé que d’affecter une partie de la TVA au financement de l’assurance vieillesse et survivant, qui fonctionne selon les principe bismarckiens et est financé par cotisations sociales, et un relèvement destiné à l’assainissement de l’assurance invalidité va être progressivement mis en place.

L’Allemagne a relevé en janvier 2007 le taux normal de la TVA de 16 % à 19 %. Cette augmentation a eu en contrepartie un réduction des cotisations chômage et la réduction des cotisations sociales sur des emplois aidés tels que les mini jobs.

Dans une perspective de plus long terme cependant, le relèvement de deux points du taux de TVA au cours de la décennie 1990 est considéré, ainsi que le rappelle le rapport précité, comme ayant permis de limiter l’augmentation des cotisations d’assurance vieillesse.

C. Le développement de la capitalisation : son insertion dans les systèmes bismarckiens et son renforcement dans les systèmes beveridgiens

1. Une tendance générale des trente dernières années

Le renforcement de la capitalisation fait partie des tendances de fond des réformes menées au cours des deux dernières décennies. Cette évolution a été portée par le développement des marchés financiers, et notamment par l’explosion des cours et des volumes dans la seconde moitié de la décennie des années 1990.

Pour les systèmes beveridgiens, une telle évolution était naturelle, compte tenu de la vocation minimale des systèmes publics de retraite.

Pour les systèmes bismarckiens, elle était moins évidente, moins naturelle, même si des régimes professionnels d’entreprise ont toujours continué à exister en Allemagne. Elle n’en est pourtant pas moins intervenue, même si c’est dans une moindre mesure que dans les systèmes précédents.

On observera qu’une telle évolution correspond aux conceptions profondes de l’OCDE. Cet organisme qualifie, en effet, dans le cadre de ses rapports sur les retraites, de déficit d’épargne retraite, l’écart entre le taux de remplacement des régimes obligatoires et le taux moyen de remplacement constaté.

a) Un complément aux systèmes par répartition

Les dispositifs de retraite individuels facultatifs, encouragés par des mesures fiscales, ont été mis en place en complément des systèmes par répartition non seulement en Allemagne, dans le cadre de la réforme Riester de 2001, mais également en Italie et en Espagne.

Lors de sa réforme, la Suède a procédé à une démarche semblable. En effet, le passage au mécanisme du compte notionnel s’est accompagné de l’affiliation obligatoire à des fonds de pension.

Dans sa lettre d’information no 3 (juin 2009), le Conseil d’orientation des retraites observe que les pays d’Europe centrale et orientale ont en général connu une évolution similaire, même si plus ample, avec un transfert obligatoire d’une partie des charges de retraite sur des régimes privés obligatoires par capitalisation.

b) Les régimes beveridgiens : accroissement du recours à la capitalisation et modification de ses règles de fonctionnement avec passage au système à cotisations définies

Les régimes par capitalisation privée des pays anglo-saxons, qui étaient au départ essentiellement des régimes à prestations définies, ont basculé vers des régimes à cotisation définie.

Tel est notamment le cas au Royaume-Uni, où les neuf dixièmes des fonds à prestations définies sont fermés aux nouveaux entrants.

Par ailleurs, comme en témoignent les différentes modifications apportées au système anglais, les fonds de pension ont eu tendance à se développer avec :

– la diversification des formules ;

– plus récemment, le principe de l’affiliation obligatoire à un fonds de pension.

Dans ce paysage, les Pays-Bas, qui conservent essentiellement des fonds à prestations définies, selon le COR, font exception.

c) Une contribution significative aux revenus des retraités

Les fonds de pension, ou plus précisément les régimes privés professionnels ou individuels, et l’épargne individuelle, représentent une contribution essentielle aux revenus de retraités dans plusieurs pays.

Si elle n’atteint jamais la moitié de ces revenus, elle est proche de 40 % au Canada (42 %), aux Pays-Bas (42 %) et au Royaume-Uni (39 %).

En revanche, aux Etats-Unis, la proportion est moindre (30 %), compte tenu de l’importance des revenus du travail : 34 %. C’est le résultat de l’importance du nombre des travailleurs âgés.

Dans d’autres pays, la capitalisation offre aux retraités un revenu d’appoint, qui représente par rapport au total de leurs ressources 4 % en Italie, 5 % en Espagne, 7 % en Belgique et au Japon et 8 % en France.

Avec 21 %, la Suède est en situation intermédiaire, de même que l’Allemagne (15 %).

d) Des actifs importants

Les réserves correspondant à la capitalisation privée représentent pour certains pays une masse d’actifs particulièrement importante.

Selon les estimations du COR relative à l’année 2007, avant la crise financière, celles-ci représentaient 77 % du PIB aux Etats-Unis, 79 % du Royaume-Uni et 138 % aux Pays-Bas.

2. Les qualités de la voie du développement public de la capitalisation : le régime obligatoire en Suède

Le développement des régimes par capitalisation se heurte à quatre difficultés : leur coût ; la complexité des choix d’investissement ; la difficulté des affiliés, même lorsqu’il s’agit d’un public averti, de procéder spontanément à des choix d’investissement de type cycle de vie ; le sentiment diffus d’un risque latent.

Les avantages fiscaux et sociaux ne compensent pas ces éléments.

On peut donc considérer avec intérêt le dispositif suédois du régime public de capitalisation.

Une part des cotisations obligatoires, à hauteur de 2,5 points, est, en effet, versée aux comptes individuels en capitalisation gérés pour les assurés sociaux.

L’Agence gouvernementale (le PremiePension ou PPM a disparu dans le cadre de la fusion récente des deux entités gérant auparavant le système de retraite) a pour mission de collecter les cotisations, ainsi que de centraliser les demandes de placement, de les consolider et de les transmettre aux assurés.

Elle leur offre deux sécurités et trois avantages.

La première sécurité est celle d’un organisme qui filtre et normalise les possibilités de placement, par un système de cahier des charges, même si in fine les données relatives aux quelque 800 offres ne peuvent réellement être maîtrisées par un assuré.

La seconde sécurité est qu’à défaut de choix de l’assuré, elle propose une stratégie par défaut. C’est essentiel, car la moitié des cotisants ne se prononcent pas.

Les trois avantages sont aussi clairs : les coûts sont moindres, même si leur niveau fait l’objet de critiques dans le débat public suédois ; l’information est plus simple, puisque chaque cotisant est informé par un seul organisme et qu’il reçoit « l’enveloppe orange » qui retrace l’évolution des placements et présente des estimations du montant de la retraite à la date de leur départ de la vie active.

Adressée en février à chaque salarié, « l’enveloppe orange » est un outil pédagogique avec :

– le pronostic du montant de retraite que l’assuré devrait percevoir sur une base mensuelle s’il part à la retraite à 61 ans, 65 ans, ou à 70 ans, en fonction de deux scénarios de croissance des salaires et de rendement de la capitalisation ;

– le bilan des comptes de retraite du système par répartition et par capitalisation ;

– le montant personnel cotisé l’année précédente correspondant au crédit de retraite des systèmes par répartition et par capitalisation ;

– la présentation générale des facteurs qui déterminent l’évolution de la future retraite de l’assuré et les explications des divers calculs.

Au chapitre des réserves sur le dispositif suédois, on peut observer que le taux de placement en actions, de 90 % selon les éléments communiqués, semble excessif, mais il s’agit d’un choix de gestion qui ne remet pas en cause le bien-fondé de l’option politique que serait pour la France, pour la branche vieillesse ou tout autre « risque » de nature voisine, un développement public de la capitalisation.

3. Les réserves collectives

a) Les fonds de réserve publics : une formule assez répandue

L’OCDE a recensé quinze pays disposant de fonds de réserve publics, dont la France avec le fonds de réserve des retraites (F2R).

Sur le plan économique, l’ampleur de ces fonds est très inégale. La valeur des actifs détenus en fonction du PIB est très variable. La moyenne de 14,5 % du PIB est peu significative. Elle résulte d’une grande dispersion entre un maximum de 79,7 % du PIB en Norvège et un minimum de 0,3 % au Danemark et en Pologne.

Pour s’en tenir aux seuls Etats membres de l’Union européenne, seuls quelques Etats sont concernées : la Suède, où les actifs du fonds de pension public représentait 31,7 % du PIB en 2007, la part des actifs, puis l’Irlande (11,5 %), le Portugal (4,3 %), l’Espagne (4,5 %) et la France (1,9 %), sans rappeler les cas précités du Danemark et de la Pologne.

Contrairement aux fonds des pays hors de l’OCDE qui investissent majoritairement en obligation d’Etat (100 % aux Etats-Unis, 80 % en Corée et 60 % au Japon), ces fonds de réserve publics ne sont pas majoritairement investis en obligations publiques en Europe (30 à 40 % en Suède et en Norvège).

Le tableau suivant récapitule ces données.

Les actifs des fonds de pension et des fonds de réserve publics

 

Valeur des actifs (en  % du PIB), 2007

 

Fonds de réserve publics

Australie

4,9

Autriche

 

Belgique

 

Canada

7,9

République tchèque

 

Danemark

0,3

Finlande

 

France

1,9

Allemagne

 

Grèce

 

Hongrie

 

Islande

 

Irlande

11,5

Italie

 

Japon

26,2

Corée

23,9

Luxembourg

 

Mexique

0,9

Pays-Bas

 

Nouvelle-Zélande

7,8

Norvège

5,2

Pologne

0,3

Portugal

4,3

République slovaque

 

Espagne

4,5

Suède

31,7

Suisse

 

Turquie

 

Royaume-Uni

 

Etats-Unis

16,6

   

Total OCDE

14,5

Moyenne non pondérée

9,9

Note : Les données sur les fonds de réserve publics pour la Norvège, le Mexique et le Portugal concernent 2006. Pour la Norvège, le Government Pension Fund-Global, qui était auparavant un fonds d'Etat appelé Government Petroleum Fund, tire ses revenus du pétrole et a un mandat qui dépasse le financement des dépenses au titre des pensions ; il n'est donc pas comptabilisé comme fond de réserve d'Etat pour les pensions. Les données de ce tableau ne portent donc que sur le Government Pension Fund-Norway, auparavant dénommé le National Insurance Scheme Fund (5.2 %). Par contraste, les actifs du Government Pension Fund–Global, se monteraient à 79.7 % du PIB.

« Total OCDE » agrège l’ensemble des pays membres. Contrairement à la « moyenne non pondérée », le résultat rend donc compte des différences de montant du PIB entre les pays. S’agissant des fonds de réserve publics, les chiffres « total OCDE » et « moyenne non pondérée » couvrent uniquement les 15 pays pour lesquels les données sont indiquées.

Source: OCDE.

Hors d’Europe, aux Etats-Unis, le régime de Social Security mis en place en 1935 par l’administration Roosevelt constitue le premier étage du système de pension américain. Il couvre a minima les risques vieillesse et invalidité de la totalité de la population américaine. Il est financé par cotisation sur les revenus d’activités. Les excédents apparus à l’origine ont été engrangés au sein du trust fund.

Néanmoins, ce fonds n’a pas d’existence propre. Il s’agit d’un compte séparé auprès du Trésor américain, d’une simple écriture comptable, selon les éléments communiqués à la rapporteure.

Les « réserves » sont en définitive une obligation du Trésor américain, une dette comptable de l’Etat fédéral vis-à-vis du système de retraite, laquelle dépend donc de sa capacité à faire face à ses engagements.

Aux Pays-Bas, le fonds de réserve, AOW-Spaarfonds, relève de la même philosophie. Destiné à préfinancer une partie des engagements du régime public de base par répartition AOW (Algemene Ouderdomswet), correspond au même dispositif de fonds d’épargne virtuel. Il est en réalité une illustration comptable des économies réalisées sur le long terme par la stratégie de réduction de la dette publique. Il est prévu pour être activé à partir de 2020. Sa capacité future à cette date est estimé à 135 milliards d’euros ou 16 % du PIB des Pays-Bas. Sa capacité réelle dépendra des finances publiques des Pays-Bas à ce moment-là.

b) Les doctrines d’utilisation des fonds de réserve publics

En matière de fonds de réserve publics, les doctrines d’utilisation sont assez variables.

A côté de la conception du fonds de lissage, qui peut être conduit à utiliser tout son capital voire à disparaître, il existe la conception d’un fonds de réserve qui a, lui, une vocation de très long terme. Sur le fond, il a néanmoins toujours été considéré à partir des années 1990, que de tels instruments étaient nécessaires pour faire face aux difficultés prévisibles de finances sociales deux ou trois décennies plus tard.

La Suède a constitué des fonds de réserve publics très tôt, dès les années 1960. L’actuel dispositif est issu de l’ancien deuxième étage du régime des pensions de retraite suédois, dit ATP, qui a accumulé les réserves à partir de sa création en 1960. Celles-ci ont été dans le cadre de la réforme rattachés au nouveau premier étage du premier pilier, à savoir le système par répartition à cotisation définie, fonctionnant selon le principe des comptes notionnels (le deuxième étage est, comme on l’a vu, dorénavant constitué d’un dispositif de comptes individuels, régime de capitalisation sous la gestion administrative et financière d’une agence gouvernementale).

Six fonds (les AP-Fonden) ont géré les réserves du système ATP : trois ont été créés dès 1960 avec pour mandat de gestion d’investir dans des produits de taux, les trois autres ont été créés en 1974, 1988 et 1996. Les deux premiers ont eu pour fonction d’investir en actions sur le marché suédois. Le dernier a été affecté à l’investissement dans le capital risque (private equity) et dans les petites et moyennes entreprises suédoises non cotées. En 2000, une réforme, mise en œuvre à partir de 2001, est intervenue. Le dernier fond est resté inchangé, en revanche les cinq autres ont été restructurés en trois nouveaux fonds. Chacun dispose de sa politique d’investissement autonome. Chacun d’entre eux a reçu en 2001 une dotation de 6,5 % du PIB. Ils ont en fait été mis en concurrence pour maximiser le rendement à long terme et diversifier les risques. En Suède, les réserves publiques ont en principe une vocation pérenne, car la fin de ces fonds n’est pas programmée.

En Irlande, le National Pensions Reserve Fund a été créé en 1999, et mis en place en 2001. Sa dotation initiale a été constituée du produit de la privatisation de l’opérateur téléphonique Irish Telecom et de celui de l’attribution des licences UMTS. Il est abondé sur fonds publics et géré par le Trésor. L’objectif est de stabiliser le coût des pensions à partir de 2025.

En Espagne, la réforme des retraites opérée en 1997 à l’issue du Pacte de Tolède, a créé un Fonds de réserve de la sécurité sociale (Fondo de reservas de la Seguridad Social) alimenté par les excédents des régimes versant des prestations contributives. L’objectif est de satisfaire les besoins futurs de la sécurité sociale, dans une optique de lissage. Le Fonds a été abondé à partir de 2000. Le produit est intégralement investi en titres publics.

Dans le cadre de la réforme de son régime de retraite au début de la décennie 2000, le Portugal a constitué un Fonds de réserve pour les retraites (Fondo de Estabilização Financeira da Segurança Social) alimenté à partir des excédents accumulés depuis 1989 et par deux points de cotisation. L’objectif est d’atteindre un PIC de 10,5 % du PIB en 2017 et de faire contribuer le fonds après cette date.

Au Canada, le fonds de réserve, partiellement investi sur le marché en actions, a été conçu de telle manière que le régime des pensions (qui ne couvre cependant pas le Québec, lequel a son propre régime, d’ailleurs similaire), financé par cotisations sociales (taux de 9,9 % employeur et employé) puisse faire face à l’arrivée à la retraite des générations du baby boom et au vieillissement de la population sans augmenter le taux de cotisation et/ou diminuer les pensions.

c) Des niveaux de réserves, réserves publiques ou réserves de trésorerie, inégaux

Selon les éléments publiés en décembre 2009 dans le cadre des travaux du COR, les niveaux de réserve sont très différents d’un Etat à l’autre.

Il y a d’ailleurs lieu de ne pas faire la différence en la matière entre les fonds de réserve et les simples réserves de trésorerie.

On constate ainsi que la Suède disposait en 2007 de quatre années de prestation d’avance, de même que le Japon et le Canada.

Pour leur part, l’Espagne disposait de neuf mois de prestation, la France d’un mois et, pour sa part, l’Allemagne d’un mois et demie sous forme de fonds de trésorerie.

D. La gestion à long terme : procédures de pilotages et mécanismes d’ajustement automatique des grands équilibres

1. Le développement du recours aux projections de long terme

On constate une généralisation du recours aux projections financières à long terme. Ces procédures de contrôle financier sont issues du modèle anglo-saxon. Elles visent à apprécier la viabilité des systèmes de retraite sur le long terme et, le cas échéant, la nécessité de prévoir et mener des réformes. Elles ont été étudiées dans le cadre des travaux du COR.

Elles ne sont pas toutes calquées sur le même modèle, même s’il s’agit dans la plupart des cas (les Pays-Bas font exception) d’une obligation légale.

D’une part, leur périodicité est variable. Elle est annuelle en Espagne, aux Etats-Unis, en Suède et en Italie, triennale au Canada et quinquennale, au plus, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, comme en France. En Allemagne, la projection annuelle à horizon de quinze ans, projection de moyen terme, est seule obligatoire. Les projections à long terme ne sont pas systématiques.

D’autre part, les horizons ne sont pas tout à fait les mêmes. Il y a d’abord les horizons à date fixe. L’Espagne et l’Italie, de même que la France, retiennent l’horizon 2050. Les Pays-Bas l’horizon 2100. Il y a ensuite les horizons glissants, avec des projections à 50 ans au Canada, 60 ans au Royaume-Uni et 75 ans en Suède, comme aux Etats-Unis.

Enfin, à la différence de la France qui a confié au COR la mission de réaliser ces projections, la plupart des Etats les font exécuter par le ministère concerné.

Par ailleurs, on observera qu’au niveau de l’Union européenne, le Comité de politique économique s’appuie, pour ses études économiques d’ensemble destinées à préparer les travaux du Conseil « Ecofin » sur les politiques structurelles favorables à la croissance et à l’emploi, sur le groupe de travail Ageing Working Group, chargé d’examiner les enjeux économique et budgétaire du vieillissement. C’est celui-ci qui établit les projections à long terme des dépenses publiques qui lui sont liées.

Sur le fond, ces projections de long terme sont essentielles. C’est, en effet, sur leur base que les mesures de relèvement de l’âge de la retraite et leur calendrier, qui dépend non seulement des variables financières mais également de l’espérance de vie, sont adoptées.

Telle est d’ailleurs la philosophie qui conduit à prévoir, d’ores et déjà, un relèvement de l’âge de la retraite à l’échéance des années 2040 au Royaume-Uni.

2. Les mécanismes d’ajustements automatiques en Suède et en Allemagne

a) Les dispositifs

• La Suède

Le premier mécanisme d’ajustement automatique permettant de procéder à cette opération, sans affecter les autres variables, est la prise en compte de l’espérance de vie.

Néanmoins, certains Etats ont prévu des mécanismes permettant l’ajustement automatique des prestations versées en cas de menaces sur le financement durable du régime. Le COR a recensé quatre pays, deux hors d’Europe, à savoir le Canada et le Japon, et deux en Europe, la Suède et l’Allemagne.

La Suède a, la première, prévu un mécanisme d’ajustement des pensions actuelles et futures à deux étages.

Le premier est fonction de l’évolution des deux principaux paramètres : le paramètre démographique, à savoir l’espérance de vie ; le paramètre financier, à savoir la croissance du salaire moyen par tête, élément en lien tant avec les cotisations que les prestations.

Le second intervient lorsque la solvabilité financière du régime, mesurée par un indicateur, se dégrade.

Le premier élément est inhérent au dispositif du compte notionnel : le coefficient de conversion en rente du capital virtuel dépend en effet de l’espérance de vie de la génération dont dépend l’assuré au moment où celle-ci prend sa retraite. Si cette espérance de vie croît (et tel est le cas depuis plusieurs décennies), la solvabilité du système est menacée. Il faut donc ajuster. Par ailleurs, les pensions en cours de paiement évoluent comme le fait le salaire moyen par tête par rapport à un niveau de référence de 1,6 % par an. Les aléas économiques sont donc répercutés sur les retraités puisque, lorsque l’augmentation du salaire moyen par tête n’atteint pas ce niveau, les pensions doivent diminuer.

Ces deux dispositifs ne couvrent cependant pas tous les risques du système. Si l’emploi diminue, la revalorisation selon le salaire par tête engendre des déficits, puisque le total des cotisations perçues, qui dépend de la masse salariale et non du salaire moyen, diminue.

Par conséquent, un mécanisme d’ajustement automatique, unique, a été introduit en 2001 pour rétablir automatiquement l’équilibre comptable du système, et maintenir constant le taux de cotisation, sans modification des règles, sans intervention de nature politique.

Chaque année, l’actif, cotisations et réserves, et le passif, engagements à verser, du régime sont calculés par le Gouvernement. Lorsque le passif excède l’actif, le taux de revalorisation des comptes notionnels et le taux de revalorisation des pensions en cours sont réduit à due proportion. Ils ne sont donc plus égaux à la croissance du salaire moyen par tête, mais à ce nouveau taux calculé de manière comptable et que l’on peut appeler le taux d’équilibre.

• L’Allemagne

L’Allemagne a également prévu en 2004 un mécanisme d’ajustement automatique et permanent. Alors que tel n’est en principe pas le cas dans un système de points, la valeur des pensions prend en compte les évolutions démographiques puisque la formule de revalorisation prend en compte un « facteur de soutenabilité » (Nachhaltigkeit).Celle-ci est pondérée en fonction du rapport entre le nombre des retraités et le nombre des actifs, à savoir des cotisants et des chômeurs. Lorsque le taux de dépendance (rapport des pensionnés et des actifs) s’accroît parce que l’augmentation du nombre des retraités n’est pas compensée par une augmentation équivalente du nombre des actifs, la revalorisation est freinée.

Il en résulte selon les projections d’origine une maîtrise du taux de cotisation nécessaire pour financer le régime à long terme, celui-ci étant estimé à 24 % en 2040 avec l’ajustement automatique et à 28 % sinon.

Pour sa part, le Japon, qui se trouve d’ailleurs dans une situation démographique voisine, a prévu un mécanisme assez similaire à celui de l’Allemagne.

Ces mécanismes sont en général critiqués car ils sont, lorsque la dimension financière est prise en compte, procyclique. La mesure de lissage prévue par la Suède a d’ailleurs été nécessaire pour amortir ce caractère.

b) Une mise en œuvre adoucie par le législateur pour éviter des effets trop brutaux

Les mécanismes d’ajustement automatiques ont été mis en œuvre de manière pragmatique, tant en Suède qu’en Allemagne.

En Suède, la crise financière a conduit, pour la première fois, à constater en 2009 que l’actif du régime de retraite était moins important que le passif.

Il y a eu, en effet, simultanément baisse du PIB de 4,9 %, montée du chômage et recul de 21 % de la valeur des actifs du fonds de réserve.

Pour éviter une trop forte diminution des pensions servies, de 4,2 % si les règles d’ajustement automatique avaient été mécaniquement appliquées, un lissage sur trois ans de l’évolution de l’actif a cependant été prévu pour une moindre réduction des pensions (- 3 %).

Cette réduction a fait l’objet d’un accord politique entre les cinq principaux partis.

S’agissant de l’année 2011, les projections donnent une réduction des pensions de 3,6 %, en dépit de l’amélioration de la conjoncture.

Le Gouvernement a donc entrepris d’intervenir en faveur des retraités, par l’intermédiaire d’avantages fiscaux, sachant que les précédentes baissent d’impôt, centrées sur l’incitation au travail, avaient bénéficié aux actifs.

En Allemagne, une mesure visant elle aussi à atténuer les conséquences de l’ajustement automatique sur les retraités a été prévue.

En effet, le Gouvernement de la Grande coalition a fait adopter en 2008, dans le cadre du plan de relance, une suspension pour 2009 et 2010 de l’application du facteur de viabilité. Il est néanmoins prévu que le Gouvernement a l’obligation de compenser les effets d’une telle mesure en les rééchelonnant sur les années suivantes.

3. Le régime du Canada : l’intérêt d’un dispositif automatique par défaut, mis en œuvre en l’absence de décision politique, comparable à celui de l’Ircantec

Comme la Suède et l’Allemagne, le Canada a prévu un mécanisme d’ajustement automatique qui n’est cependant mis en œuvre que par défaut.

Son mécanisme est différent des autres.

Tous les trois ans, la solvabilité du régime, compte tenu du fonds de réserve, est évaluée à partir de projections à 75 ans.

Lorsque ces projections montrent qu’une augmentation du taux de cotisation est indispensable à l’équilibre du régime à long terme, la loi de 1997 donne autorité à l’actuaire en chef pour conclure qu’il y a lieu de procéder à ajustement automatique.

Celui-ci consiste à geler les prestations pendant un délai de trois ans et à augmenter le taux de cotisation de façon à couvrir la moitié du déficit anticipé.

L’objectif est d’accroître le fonds de réserve pour préserver la solvabilité du régime.

Cet ajustement automatique ne s’applique cependant que par défaut.

Il n’est pas mis en œuvre si le Parlement canadien, le parlement fédéral, ne parvient pas à se mettre d’accord pour préserver la soutenabilité du régime.

Si, au bout de trois ans, les nouvelles projections montrent une persistance du déséquilibre, le mécanisme d’ajustement est de nouveau activé.

En France, l’Ircantec dispose d’un mécanisme similaire, avec un ajustement automatique en l’absence de décision de son conseil d’administration.

E. Un climat généralement consensuel sur les grands principes partagés d’arbitrage entre stabilité financière et maintien des mécanismes de solidarité, ainsi qu’un ’intérêt des assurés sociaux

Sur le plan de la méthode politique, la réforme des retraites a fait l’objet d’un consensus politique assez large ou d’un quasi-consensus dans un grand nombre d’Etats membres.

En Suède, la réforme a été menée sur plusieurs années, de 1992 à 1998 pour l’essentiel. Elle s’est faite en général par consensus entre tous les partis politiques.

En Espagne, le Pacte de Tolède, adopté en avril 1995 de manière consensuelle, qui portait sur l’analyse des problèmes structurels de la sécurité sociale et les réformes à entreprendre, a défini les lignes de réforme du système des pensions et a organisé institutionnellement le débat sur la question.

Le Congrès des députés met en place, tous les cinq ans, une Commission non permanente qui étudie la conjoncture et les perspectives du système de Sécurité sociale. La Commission non permanente actuelle a été mise en place en mai 2008.

Par ailleurs, la loi 40/2007 sur les mesures relatives à la Sécurité sociale établit que le ministère du travail et des affaires sociales (renommé ministère du travail et de l´immigration, Mitin) publie, avant le 30 avril de chaque année, un rapport au Parlement sur l´évaluation et les stratégies du système de pensions.

En Allemagne, les réformes qui ont été engagées par les Gouvernements sociaux-démocrates du Chancelier Gerhard Schröder, ont fait l’objet d’un assez large consensus. Ainsi, la réforme de 2001, réforme Riester, et celle de 2004 ont fait l’objet d’un vote de l’ensemble des partis, à l’exception du parti de gauche die Linke. Elles ont d’ailleurs été ensuite poursuivies par la Grande coalition.

Néanmoins, le consensus n’est pas nécessairement la règle.

En Italie, la situation a pu se présenter de manière différente, mais s’est en définitive réglée sans grande difficulté.

Ainsi, les réformes successives des années 2000, Maroni puis Prodi, en partie en sens inverse, n’ont pas remis en cause l’essentiel de la réforme Dini. Les ajustements opérés par les Gouvernements au fur et à mesure de l’alternance n’ont pas remis en cause l’économie du système.

Par ailleurs, comme l’observe le rapport précité de M. Arnaud Robinet, député, les hypothèses d’un recul de l’âge de la retraite en Finlande, comme d’ailleurs aux Pays-Bas, n’ont pas fait l’objet d’un accord des partenaires sociaux. La proximité des élections dans un cas comme dans l’autre renvoie donc la question au débat politique électoral.

Aussi les structures qui associent au débat les partenaires sociaux et les acteurs concernés ont-elles tout leur intérêt. En Italie, d’ailleurs, l’INPS et l’INPDAP, comprennent, selon les informations communiquées, un Conseil d’orientation et de contrôle (CIV) composé de représentants des partenaires sociaux et qui a pour mission de fixer les objectifs stratégiques, ainsi que d’approuver les budgets.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 6 juillet 2010, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. Le rapport permettra d’éclairer le débat à la rentrée sur la réforme des retraites. Je voudrais préciser à nos amis députés libanais, qui assistent aujourd’hui à notre réunion de Commission, que la Commission des affaires européennes a souhaité établir des comparatifs sur la législation dans les différents pays européens pour que l’Assemblée nationale française ne raisonne pas seulement en franco-français mais aussi en termes européens lorsqu’elle débat d’une grande réforme.

M. Robert Lecou. Ce rapport sera en effet très utile pour nous inspirer dans le débat en séance publique, car on ne peut pas mener une réflexion sur la politique sociale sans réfléchir à l’harmonisation fiscale et sociale européenne ni voir ce qui se fait dans les autres pays européens.

M. Michel Diefenbacher. La retraite relève des Etats et on comprend après le rapport pourquoi l’Union européenne est peu directive en ce domaine. Le problème de fond est pourtant celui de la compétitivité de nos économies et, à l’avenir, il serait souhaitable que l’Union européenne s’engage vers plus d’harmonisation et veille à ce que les charges soient proportionnées par rapport aux pays tiers.

Pour l’Union européenne, l’égalité en matière de retraite est d’abord un problème d’égalité homme-femme. En France, l’égalité en ce domaine est d’abord un problème régime public – régime privé ou entre régimes privés, salariés – travailleurs indépendants. Le silence de l’Union européenne sur ce point traduit-il le fait que les disparités internes sont moins profondes ailleurs ?

La rapporteure. L’harmonisation en matière de sécurité sociale dans l’Union européenne relève de la règle de l’unanimité et est donc une perspective à très long terme. L’Union européenne reconnaît les régimes spéciaux et considère qu’ils ne sont pas incompatibles avec les principes fondamentaux. En termes d’équité, le dispositif par points apporte une lisibilité plus importante et permet des comparaisons objectives entre les individus de nature à éliminer un certain nombre de fantasmes et de soupçons générés par l’opacité d’autres systèmes.

M. Pierre Forgues. Je constate que l’harmonisation se fait naturellement au sein de l’Union européenne et qu’il n’est pas besoin d’en confier le soin à la Commission européenne. Ce rapport montre qu’on fait partout les mêmes constats et qu’on discute partout des mêmes solutions. Mais quand on ajoute à la répartition une part de capitalisation, on ajoute une injustice que j’ai souvent dénoncée.

En effet, celui qui a l’argent pour capitaliser paye l’impôt et bénéficie de déductions fiscales pour capitaliser alors que celui qui ne paye pas d’impôt parce qu’il a de faibles ressources paye intégralement sa capitalisation. De plus, l’harmonisation européenne se fait toujours au niveau le plus bas et il faut que les Etats qui veulent faire mieux puissent toujours le faire.

La rapporteure. En Allemagne, le succès de la capitalisation « Riester » auprès de 13 millions de personnes s’explique aussi par le crédit d’impôt qui a aidé beaucoup de gens modestes qui ne payent pas l’impôt. Ce rapport est un constat pour éclairer le débat qui s’engagera à la rentrée. »

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

Premier ministre :

- M. Eric Aubry, conseiller social au Cabinet du Premier ministre.

Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique :

- M. Guillaume Autier, conseiller au Cabinet du ministre ;

- M. Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale et M. Laurent Caussat, sous-directeur des études et des prévisions financières à la direction de la sécurité sociale.

Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique et Ministère de la santé et des sports :

- Mme Agnès Leclerc, déléguée aux affaires européennes et internationales.

Conseil d’orientation des retraites :

- M. Yves Guégano, secrétaire général ;

- M. Marco Geraci, chargé de mission « pays étrangers ».

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.