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N° 3152

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 février 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les intempéries et la navigation aérienne,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Odile SAUGUES,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

CHAPITRE 1 : LA SITUATION FRANCAISE 11

I. LE BILAN DES ÉPISODES NEIGEUX DE DÉCEMBRE 2010 13

A. LES RESPONSABILITÉS LÉGALES 13

1. Aéroports de Paris 13

2. Les compagnies aériennes 13

B. LES MOYENS MIS EN œUVRE 14

1. Le dégivrage 14

2. L’accueil des passagers 14

C. L’INFORMATION FOURNIE AUX PASSAGERS A ÉTÉ GRAVEMENT DÉFICIENTE 15

D. LES CONSÉQUENCES DES ÉPISODES NEIGEUX POUR LES COMPAGNIES AÉRIENNES 17

II. UNE ANALYSE CRITIQUE DES ÉVÉNEMENTS 19

A. LE RETOUR D’EXPÉRIENCE 19

1. Améliorer l’anticipation et la réactivité de la gouvernance 19

2. Surveiller les goulots d’étranglement 20

a) Le dégivrage 20

b) L’accès aux aéroports 20

3. Mesures diverses 21

a) Améliorer le traitement des passagers 21

b) Responsabiliser les agents de voyages 22

c) Renforcer la prise en charge des passagers 22

4. La réglementation européenne en vigueur 23

a) Gestion européenne des déroutements d’avion 23

b) Obligation pour les compagnies aériennes de disposer d’un responsable dans chaque aéroport majeur 23

B. L’ANALYSE DE LA RAPPORTEURE 23

CHAPITRE II : UN ROLE PLUS IMPORTANT DE L’UNION EUROPEENNE 27

A. LA CRISE A ÉTÉ EUROPÉENNE 27

1. Allemagne 28

2. Royaume-Uni 28

3. Pays-Bas 28

4. Belgique 28

5. France 29

B. LA RÉACTION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE 29

1. Vers un service minimum ? 29

2. Une meilleure prise en compte des passagers 30

3. Une meilleure gestion de l’espace aérien 31

CONCLUSION 33

TRAVAUX DE LA COMMISSION 35

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 39

ANNEXES 41

ANNEXE 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 43

ANNEXE 2 : RAPPORTS DU CONSEIL GENERAL DE L’ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE 45

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

« Si l’industrie du transport aérien peut difficilement prévoir un nuage de cendres volcaniques, nous savons par contre que nous devons affronter l’hiver chaque année et nous devrions y être prêts. L’élaboration et la mise en œuvre de plans d’urgence incombent au secteur de l’aviation. A l’échelon européen, nous pouvons faciliter les choses en renforçant, si besoin est, le cadre réglementaire et, en particulier, en imposant aux aéroports européens de mettre en place un service minimum et de respecter des critères de qualité dans l’intérêt des passagers. Ces exigences feront partie d’une série de propositions législatives contenues dans le paquet « Aéroports » prévu pour cette année ».

Ces propos de Siim Kallas, commissaire européen en charge des transports, à propos de l’épisode neigeux des 23 et 24 décembre 2010, nous semblent teintés du bon sens. Aussi, sans attendre de disposer de l’ensemble des propositions de la Commission européenne, nous est-il apparu utile de nous pencher sur la question de la paralysie des aéroports européens liée aux intempéries hivernales. Nous aborderons le cas français pour illustrer les leçons que nous devons tirer de ces perturbations au niveau européen.

Avec la mise en place de la politique de ciel unique, un contrôle aérien en cours d’unification, des aéroports dont l’élaboration de la réglementation et la certification sont en cours de transfert vers les compétences communautaires, l’intervention de l’Union européenne est non seulement légitime mais indispensable. 

Si nous nous plaçons du point de vue des passagers la situation vécue en décembre est inacceptable. L’annulation d’un vol aérien pour cause d’intempéries appartient aux aléas normaux de ce mode de transport ; en revanche, le manque d’informations fiables des passagers est inacceptable ; de même que le fait que 5 000 passagers soient obligés de dormir dans un aéroport ou que 13 avions d’Air France aient embarqué leurs passagers pour ensuite les débarquer après plusieurs heures passées à bord, sans véritable information.

Si nous nous plaçons du point de vue des opérateurs, il ressort des travaux d’investigation conduits par la rapporteure, que ce chaos européen ne résulte pas de la faillite des autorités responsables de l’aviation civile, des compagnies aériennes ou des aéroports : nous sommes en présence d’une défaillance collective résultant d’abord d’une mauvaise remontée des informations venant du terrain, d’un sous-dimensionnement incontestable des moyens nécessaires pour faire face à des évènements climatiques exceptionnels et probablement d’une insuffisante sensibilité au sort des passagers. Les acteurs de terrain, comme de commandement, ont eu le sentiment de faire le maximum pour assurer le plus de vols possibles.

Ils n’ont pas à rougir de leur action, mais étant « le nez dans le guidon », l’information du passager n’a pas été l’objectif prioritaire. Cela constitue bien évidemment la défaillance majeure du système aéroportuaire qui a dû faire face à des événements d’une ampleur exceptionnelle.

1. Des évènements d’une ampleur exceptionnelle aggravés par la politique de « hub » et le manque de coordination européenne

En décembre 2010, le trafic aérien a été sévèrement perturbé à plusieurs reprises par des chutes de neige. Dans l’ensemble de l’Europe. 35 000 vols ont été annulés, soit davantage que sur l’ensemble de l’année 2009.

Dès le début du mois de décembre les intempéries sont venues perturber le transport aérien, en particulier le 8 décembre 2010, où, dès le milieu de l’après midi, la région parisienne a été paralysée.

L’aéroport CDG a fermé durant une heure et les perturbations ont été très fortes. Il est intéressant de noter à cette occasion que la principale difficulté pour les aéroports parisiens est venue de l’engorgement du réseau routier qui, complètement bloqué, ne permettait pas aux équipages de gagner leur avion.

Le caractère exceptionnel des évènements neigeux ne souffre guère de contestation : le mois de décembre 2010 a connu vingt jours de neige, ce qui ne s’était pas vu depuis quarante ans. Un grand nombre de plateformes aéroportuaires parmi les plus importantes en Europe en termes de trafic – par exemple Londres Heathrow –, ont partiellement fermé pendant l’un des week-ends les plus chargés de l’année, car il correspondait au début des vacances de Noël.

De nombreux vols ont été annulés, des milliers de passagers se sont retrouvés coincés dans des aéroports dans toute l’Europe et même dans d’autres parties du monde : la politique de « hub » fragilise considérablement le système aéroportuaire en cas de crises et amplifie les problèmes. L’organisation en « hub » consiste en effet à centraliser les vols longs courriers sur une plate forme recevant les passagers en correspondance par l’avion ou le train ; elle conduit à un développement déséquilibré du territoire. Le fait de privilégier les longs courriers en cas de diminution de la capacité des aéroports, trouve vite ses limites : des dizaines de milliers de passagers européen ont pu accomplir leur vol en long courrier mais ont dû dormir à l’aéroport, car les correspondances courts et moyens courriers leur permettant d’atteindre leur destination finale avaient été annulées.

Cette situation a également généré d’énormes problèmes de manutention des bagages. Dans certains aéroports, des inquiétudes concernant une pénurie de liquide de dégivrage ont également nuit aux opérations aériennes.

L’absence de coordination européenne a aggravé ces problèmes. En sus des problèmes aigus qu’ils rencontraient, des aéroports, dont ceux de Paris, ont dû accueillir les vols en provenance d’aéroports fermés, avec un préavis très bref, parfois inférieur à 40 minutes.

La France a refusé la facilité de la fermeture totale des aéroports. Ce choix est le plus pénalisant in fine pour les passagers, dans la mesure où il implique un délai de plusieurs jours avant que la situation redevienne normale. Les britanniques ont eu recours à cette option, l’aéroport d’Heathrow a été fermé et Aéroports de Paris a du accueillir 4 à 5 000 passagers, dépourvus de toute solution de transport, dont les avions avaient été dérouté sur Charles de Gaulle. Cela illustre les désordres qui peuvent naître de l’absence de coordination européenne en matière de déroutement des avions.

2. Les perturbations enregistrées par les aéroports européens en décembre 2010

Il n’est pas inutile avant de développer nos analyses de rappeler pour mémoire la chronologie des évènements.

• Les aéroports franciliens ont connu plusieurs épisodes de neige en ce début d’hiver, qui ont parfois significativement perturbé leur organisation :

• 25 novembre 2010 : première neige, sans dépôt au sol conséquent ni perturbation du programme de vol.

• du 30 novembre au 2 décembre 2010: premier événement neigeux significatif et premières réductions du programme de vol demandées par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) à partir du 2 décembre. Sur cet épisode, fermeture des aéroports d’Edimbourg et de Francfort.

• 4 décembre 2010: événement neigeux significatif. Réductions de vols sur Roissy.

• 8 décembre 2010 : événement aux conséquences importantes, dont la suspension des opérations à Roissy et à Orly. Fermeture d’autres aéroports européens en Grande-Bretagne et en Allemagne. En région parisienne, des difficultés considérables de la circulation routière et ferrée viennent également perturber l’accès des équipages et des personnels aux l’aéroports, ajoutant ainsi aux difficultés d’exploitation. Environ 3 500 personnes dorment à Roissy et 1 500 à Orly.

• Dès le samedi 18 décembre, des chutes de neige inhabituelles ont paralysé plusieurs aéroports européens, notamment Londres-Heathrow qui ferme son exploitation vers midi. A Paris, la DGAC décide à 12h30 un abattement de 15 % du trafic entre 16h00 et 23h00.

La neige et le vent traversier perturbent fortement le trafic en fin de journée. In fine, 126 vols sont annulés sur l’ensemble de la journée (soit 10 % des vols prévus). Environ 1 500 passagers passent la nuit suivante dans l’aéroport, dont un grand nombre de passagers déroutés de Londres, que leur compagnie n’a pu héberger en hôtel.

Le dimanche 19 décembre, le trafic aérien est toujours fortement perturbé en Europe ; en particulier Londres-Heathrow est toujours fermé. À CDG, de fortes chutes de neige débutent dès 6h30 et le nombre de vols est limité au cours de la matinée. En milieu de journée, la DGAC décide un abattement du programme de vols de 40 % à partir de 16h00. Après la fin des précipitations neigeuses à 12h45, l’aéroport retrouve progressivement sa capacité, et deux pistes fermées le matin sont réouvertes au cours de l’après-midi. Les sept aires de dégivrages restent opérationnelles toute la journée, et même au-delà de minuit. Au total, 50 % des vols de la journée sont annulés. Environ 4000 passagers passent la nuit dans l’aéroport. Alors que Météo-France ne prévoyait la veille au soir que des neiges faibles et intermittentes, un nouvel épisode neigeux plus important que prévu touche l’Ile-de- France dès la fin de cette nuit : à CDG, les chutes de neige commencent à 5h00, le lundi 20, et durent jusqu’à 11h30. A 6h00, la DGAC demande aux compagnies un abattement de 30 % des programmes sur la journée. Entre 7h30 et 13h00, les arrivées sont limitées aux avions déjà en vol. Alors que d’autres aéroports européens connaissent des difficultés considérables (Bruxelles qui ferme à son tour, Londres, Francfort, etc.),

Les déroutements vers CDG sont interdits jusqu’à 23h30. Au total, 35 % des vols de la journée sont annulés. Environ 4 000 personnes vont encore passer la nuit suivante dans l’aéroport.

Mardi 21 décembre, une faible visibilité perturbe le trafic une bonne partie de la journée. De plus, les difficultés rencontrées par d’autres aéroports européens tels ceux de Francfort, Londres ou Dublin qui ferme à son tour, perturbent les rotations des avions et conduisent à des retards significatifs. Cependant, l’essentiel du programme de la journée est réalisé. Le nombre de passagers devant passer la nuit dans les terminaux retombe à 400 environ.

Le mercredi 22 décembre, Météo-France prévoit un événement neigeux en fin d’après-midi et pour la nuit du 22 au 23 sur l’Ile-de-France. Mais la chute de neige ne commence que vers 20h00 et le programme de vols est peu affecté : moins de 5 % des vols de la journée sont annulés. Pour la première fois depuis le week-end, il n’y a pas de passagers en attente dans les aérogares la nuit suivante.

• A partir du 23 décembre 2010 : poursuite du froid et des chutes de neige. Réduction des programmes de vol à Roissy les 23 et 24 décembre en raison des problèmes de dégivrage des avions réduits de 35 avions/heure en situation normale à 12, et des craintes sur la disponibilité des produits de dégivrage des avions (glycol).

La rapporteure n’a pas souhaité rentrer directement dans le détail technique des évènements aussi a-t-elle pris le parti reproduire en annexe de ce document le rapport du Conseil général de l’Environnement et du Développement durable (CGEDD), rapport sur le « Fonctionnement de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle lors de l’épisode neigeux des 23 et 24 décembre 2010 », auquel il convient de se référer pour ce qui concerne la description technique des évènements.

CHAPITRE 1 :
LA SITUATION FRANCAISE

Le mois de décembre 2010 a été exceptionnellement froid et neigeux en France(2).

La situation française s’est caractérisée par deux traits :

• La volonté de ne pas fermer les aéroports et d’assurer un maximum de trafic, sur ce point la mobilisation de l’ensemble des acteurs et en particulier des personnels permet de parler de succès;

• Des carences incontestables dans l’information, la communication et la prise en charge des passagers ont pu être constatées.

I. LE BILAN DES ÉPISODES NEIGEUX DE DÉCEMBRE 2010

A. Les responsabilités légales

1. Aéroports de Paris

Durant l’hiver, l’exploitation d’un aéroport est susceptible d’être perturbée par les intempéries (froid, pluies verglaçantes, épisodes neigeux, brouillard), elles ne devraient pas être considérées comme des circonstances exceptionnelles, comme le soulignait le commissaire européen en charge des transports. Le fait pour un aéroport de se doter des moyens humains et matériels nécessaires pour faire face à des épisodes neigeux exceptionnels relève donc des charges normales d’exploitation.

Les missions dévolues à Aéroports de Paris (ADP), sont définies par le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005 qui prévoit entre autres :

- qu’ADP veille à l’intégrité des aires de mouvement sur les aérodromes ;

- qu’ADP exploite et se dote de l’ensemble des moyens destinés, le cas échéant, au déneigement des aéroports de CDG et d’Orly ainsi que de ceux destinés à la prévention de formation de verglas sur ces mêmes aires.

2. Les compagnies aériennes

Elles sont responsables réglementairement du dégivrage de leurs avions, même si elles peuvent en déléguer les tâches à des sociétés prestataires, ainsi qu’aux aéroports. C’est ainsi qu’à Orly une partie des compagnies aériennes assurent le dégivrage de leurs avions et qu’à Roissy cette tâche incombe à ADP.

L’accueil des passagers, les transferts et l’information sur leurs vols relèvent des compagnies aériennes.

B. Les moyens mis en œuvre

1. Le dégivrage

La mission d’inspection(3) relève qu’ADP a développé sur chacun des deux grands aéroports parisiens une organisation, des moyens et des processus de décision spécifiques pour l’hiver afin d’assurer le déneigement et le déverglaçage des pistes, des voies de circulation et des postes de stationnement des avions. ADP a également déployé des moyens pour assurer dans de bonnes conditions le dégivrage des avions, qui est réglementairement de la responsabilité des compagnies aériennes.

Les moyens à la fois opérationnels et financiers mobilisés pour réaliser ces missions sont très importants. Pour l’aéroport CDG, ADP estime que 300 personnes participent aux missions du service hivernal, au sein des diverses unités opérationnelles d’ADP ou de sociétés sous-traitantes. En permanence, une centaine de personnes est mobilisée, par vacation de 12 heures. Ces missions nécessitent la mise en oeuvre de formations dédiées. Pour ce qui est des moyens financiers, on peut relever que, pour le seul aéroport CDG, le parc d’équipement exploité durant la saison d’hiver 2009/2010 représentait un investissement de 100 M€ (dont 20 M€ pour le déneigement des aires et 80 M€ pour le dégivrage des avions) et que le coût annuel pour l’ensemble des services rendus représente plus de 26 M€. Ce dernier montant recouvre à la fois les frais de personnel, le coût des sous-traitants et les consommations de produits ; il se décompose en 14 M€ pour le déneigement des aires et des pistes, et 12 M€ pour le dégivrage des avions.

Avec le recul, les difficultés constatées ne sont pas venues, pour votre rapporteure, d’une rupture des stocks de glycol qui auraient été insuffisants mais de la crainte de manquer de produits qui a conduit à l’annulation préventive de plus de vols que nécessaire.

Il n’en demeure pas moins vrai que la capacité de dégivrage de Roissy est trop limitée : elle ne permet de traiter qu’environ trente avions par heure, soit la moitié du trafic.

2. L’accueil des passagers

Il convient de rendre justice à ADP qui a été au-delà de son rôle pour se substituer à certaines compagnies désinvoltes ou n’assumant pas leurs responsabilités. Sur ce plan, ADP a été injustement mis au pilori et les contraintes commerciales ne lui ont pas permis de répondre publiquement à des accusations injustes.

Bien que l’hébergement des passagers relève de la responsabilité des compagnies aériennes ADP a mis en place des structures d’urgence, par exemple 4 000 lits de camps, solution de fortune insatisfaisante mais inévitable en cas de saturation des hôtels.

C. L’information fournie aux passagers a été gravement déficiente

L’information des passagers a été gravement déficiente lors des épisodes neigeux car les conséquences des incidents antérieurs, climatiques ou sociaux, n’ont visiblement pas été tirées. L’information transmise aux passagers, que ce soit par Internet ou sur les écrans des aéroports, était soit erronée soit imprécise : souvent elle ne mentionnait que « retardé » mais n’indiquait pas aux passagers le moment où des renseignements fiables pourraient véritablement leur être communiqués.

Cela s’explique par une mauvaise organisation qui n’a pas permis une remontée satisfaisante de l’information qui aurait pu éviter à des milliers de passagers le désagrément d’être embarqué puis débarqué après des heures d’attente dans l’avion. La rapporteure relaye sur ce point l’opinion exprimée par la mission d’inspection.

La crise aiguë de la soirée du 23 décembre est un excellent exemple des dysfonctionnements constatés. La mission d’inspection note que « des faiblesses dans la remontée des informations venant des aires de dégivrage, dans la réactivité des acteurs et la mobilisation de leurs chaînes de commandement, jusqu’au plus haut niveau ».

La séquence précise des évènements mérite d’être décrite en détail :

– à 14h30, un opérateur de dégivrage signale à son chef de poste que sa dégivreuse tend à glisser ;

– vers 16h15, le chef de poste demande le déneigement de l’aire ; la cellule CDM en est informée à 16h30, et le dégivrage est interrompu sur cette aire à 16h48 ;

– aucun de ces signaux d’alerte ne semble avoir été pris en compte lors de l’audioconférence de 16h00, au cours de laquelle un constat de bon déroulement du programme de vols est partagé par tous les acteurs ;

– à partir de 16h30, la capacité globale de dégivrage de l’ensemble de la plateforme aéroportuaire, communiquée en temps réel à la cellule CDM, commence à baisser. Pendant au moins une heure, voire plus, on espère que la baisse sera passagère ; elle est alors attribuée, à tort, à l’outil de gestion locale des départs mis en oeuvre depuis quelques semaines seulement. L’espoir d’un rétablissement rapide de la capacité de dégivrage prévaut jusqu’à 18h00, et il semble que la fermeture de deux nouvelles aires vers 19h00 n’ait pas été anticipée ;

– dans la soirée, le bruit court que des opérateurs de dégivrage de la société Alyzia sont en grève. ADP et Alyzia ont confirmé à la mission que ce bruit était sans fondement ;

les responsables au plus haut niveau de la DGAC, d’ADP et d’Air France, restés sur le constat positif établi à 16h00, ne sont informés de la grave dégradation de la situation qu’entre 18h00 et 20h00, à un moment où la crise est inévitable.

Le rapport de la mission d’inspection est explicite à cet égard :

« Cette séquence est « exemplaire » et doit absolument permettre de tirer des leçons et de trouver des voies d’amélioration. La gestion des signaux d’alerte pouvant permettre de détecter des risques de baisse de capacité de dégivrage dans le contexte d’un épisode neigeux de cette ampleur, la remontée et le partage des informations au sein de la cellule CDM, la qualification et la réactivité des représentants des acteurs dans cette cellule et leur capacité à mobiliser rapidement les responsables de haut niveau : tout ceci doit être revisité avec soin. »

« L’enjeu est d’importance. Certes, une baisse de capacité de dégivrage survenant en fin d’une journée très chargée génère imparablement de grandes perturbations. Une gestion « parfaite » de la crise n’aurait probablement guère réduit le nombre des annulations « à chaud » au cours de la soirée. Mais elle aurait certainement permis de n’annuler aucun vol déjà embarqué, et d’éviter que des milliers de passagers connaissent le désagrément très pénible de débarquer en fin de soirée dans l’aérogare où ils avaient embarqué quelques heures plus tôt ! »

Il est clair que les actions à conduire dans ce domaine sont prioritaires et que l’organisation de la chaîne de décision s’est trouvée prise en défaut par manque de remontée des informations nécessaires.

Les personnels des compagnies aériennes n’étaient pas en nombre suffisant pour traiter les demandes des passagers. Il est difficile d’utiliser des personnes non formées à cette tâche pour renseigner les passagers. Air France a indiqué à la rapporteure que la compagnie allait former des personnels susceptibles de venir en renfort lors des crises, cette mesure doit évidemment être mise en place car des attentes de plusieurs heures au guichet ne sont pas acceptables.

La difficulté pour tous les opérateurs de disposer d’une information fiable rendait bien évidemment compliquée la tache des compagnies aériennes.

D. Les conséquences des épisodes neigeux pour les compagnies aériennes 

Le Groupe Air France KLM estime que les conséquences de ces évènements ont été pour lui les suivantes :

Les épisodes neigeux de décembre 2010 ont entraîné au total l’annulation de 3 327 vols (arrivées + départs) dont 2 136 vols du 17 au 25 décembre (661 vols du 23 au 24 décembre).

Air France a hébergé 31 655 clients dans 23 494 chambres d’hôtel dont 27 993 clients du 17 au 25 décembre (6 126 clients du 23 au 24 décembre).

150 000 bagages sont restés en souffrance, contre 55 000 pour un mois de décembre « normal ». Le traitement de ces bagages a été terminé le 12 janvier dans la journée, à l’exception de 1 000 bagages sans étiquette dont l’identification et l’acheminement est plus long.

Les épisodes neigeux de décembre 2010 représentent globalement un manque à gagner de 70 millions d’euros au niveau du groupe Air France.

II. UNE ANALYSE CRITIQUE DES ÉVÉNEMENTS

Le Gouvernement a réagi au chaos du mois de décembre en diligentant une mission d’inspection et des mesures ont été annoncées le 13 janvier 2011. Elles sont bien entendu indispensables, mais elles reflètent une dérive constatée ces dernières années, qui a privilégié la rentabilité financière au détriment des besoins du passager et du service public.

A. Le retour d’expérience

Pour le Gouvernement, trois axes principaux de progrès ont été identifiés. Ils ont entraîné la mise en œuvre d’un plan d’action correspondant aux trois problèmes majeurs relevés : un manque de réactivité, l’existence de goulots d’étranglement et la nécessité d’améliorer le traitement des passagers.

1. Améliorer l’anticipation et la réactivité de la gouvernance

Il est prévu d’améliorer la réactivité de la chaîne de commandements en développant des échanges en temps réels entre les différents PC pour renforcer leurs interconnexions et accélérer la transmission des informations opérationnelles en toute transparence.

1. Instituer un comité « prétactique » : associant notamment ADP/DSNA(4) et Air France doit pouvoir proposer une stratégie d’exploitation sur un horizon de 24 heures ;

2. Revoir les moyens logistiques et de communication, notamment repenser la localisation en fonction des crises ;

3. Mettre en place un « dispatcher dégivrage » ADP ;

4. Caler et stabiliser la gestion locale des départs.

2. Surveiller les goulots d’étranglement

a) Le dégivrage

1. La constitution d’un stock stratégique de glycol (dégivrant pour avion) permettra d’augmenter l’autonomie de la plate-forme, dans un contexte où la production de glycol est à flux tendu. Pour cela, il est prévu un renforcement des stocks de glycol et de formiate (déverglaçage pour les pistes). Les grands aéroports concernés par le risque neigeux devront avoir un stock de ces produits d’une capacité équivalente à dix journées complètes d’intempéries au lieu des six actuelles.

2. Des moyens matériels supplémentaires permettront d’augmenter les capacités de dégivrage, déverglaçage, déneigement. Pour cela il est prévu de construire de nouvelles aires de dégivrage en bout de piste à Roissy Charles de Gaulle portant leur nombre de 7 à 9 en un an et de 9 à 10 en deux ans. L’équipement également en matériel de dégivrage de certaines aires de parking des avions sera également engagé pour permettre le dégivrage des avions. Mise en œuvre prévisionnelle : six postes immédiatement et douze l’hiver prochain.

3. Installation des stocks tampons des fournisseurs de dégivrant à proximité des aéroports : pour pouvoir faire face à un épisode neigeux particulièrement long et éviter les problèmes d’acheminement, les fournisseurs de glycol auront l’obligation de stocker les produits nécessaires à proximité des aéroports. De plus, il est également prévu de diversifier les fournisseurs afin d’être moins dépendant.

4. Déneigement des aires de dégivrage : afin de limiter le risque de fermeture des aires de dégivrage lié aux chutes de neige, ADP va dédier à ces aires des véhicules spécialement adaptés pour passer sous les ailes des avions.

5. Etude des modes opératoires utilisés à l’étranger : le dégivrage à l’eau chaude dans certains cas (Amsterdam) ou encore le recyclage et la réutilisation des effluents pour le dégivrage (Munich).

6. La mise en œuvre du dégivrage au point de parking avion sera accélérée

b) L’accès aux aéroports

Déneigement des accès routiers aux aéroports : les routes reliant les grandes villes à leurs aéroports feront parties du plan de déneigement prioritaire. L’accès des personnels et des voyageurs en sera facilité. Dans le cas de Roissy, des pouvoirs publics devront garantir la liaison routière avec la zone hôtelière d’EuroDisney.

Réflexion sur un service étendu des RER et d’Orlyval. Il convient d’engager la réflexion avec la SNCF, la RATP et les partenaires sociaux, pour discuter de la faisabilité et des modalités de la mise en place d’un service étendu pour les moyens d’accès ferrés aux aéroports. En augmentant la fréquence des trains et en prolongeant au-delà des horaires classiques l’accès aux aéroports.

3. Mesures diverses

Les priorités de déneigement relatives aux cheminements sur la plate-forme (côté avion et côté zone publique) et aux accès à Roissy Charles-de-Gaulle seront définies.

Afin de renforcer la communication opérationnelle entre acteurs de la plate-forme, un représentant d’Aéroports de Paris sera invité au PC Crise du « hub » d’Air France.

a) Améliorer le traitement des passagers

1. L’utilisation de systèmes d’informations au plus proche des clients sera renforcée : web, smart phone, réseaux sociaux. Pour cela il convient de systématiser la demande par les compagnies du numéro de téléphone portable des passagers, avec l’engagement de ne l’utiliser strictement que pour délivrer aux voyageurs des informations sur les conditions de leur vol. Aujourd’hui de nombreux passagers préfèrent ne pas donner cette information afin de ne pas être potentiellement sollicités par de la publicité. La rapporteure tient toutefois à souligner que bien qu’ayant communiqué son numéro de téléphone portable à la compagnie qui dessert sa circonscription, elle n’est jamais prévenue en cas d’annulation de son vol.

2. Lors d’une crise aérienne, le passager est, dans le meilleur des cas, informé de l’annulation de son vol. Pour autant il n’a que rarement d’informations sur les prochains départs possibles, les raisons de l’annulation, ou les autres possibilités de transport qui s’offrent à lui pour rejoindre sa destination. Les compagnies aériennes s’engagent, notamment via les SMS, les emails et les réseaux sociaux, à établir un dialogue plus interactif avec leur passager.

3. La prédéfinition d’un schéma d’utilisation des espaces publics des terminaux permettra, lors des crises, à Aéroports de Paris comme Air France de mieux orienter les clients, et de mieux utiliser l’espace disponible.

4. Un système de gestion des files d’attente permettant de conserver son ordre d’arrivée, sans faire la queue debout dans un barriérage, permettra aux clients de patienter de manière plus sereine en aérogare.

Un mode opératoire sera partagé entre Aéroports de Paris et Air France pour mieux accueillir et orienter les clients hébergés en aérogare. Par exemplö par des animations pour les passagers bloqués dans les aérogares ; en cas de retard important la diffusion de films sur les écrans des salles d’attente doit être assurée par les aéroports.

5. L’information des passagers par les aéroports : les aéroports devront lors d’une crise utiliser les moyens de communication modernes pour informer en temps réel les voyageurs sur l’évolution de la situation. En particulier :

- les écrans vidéo des aérogares devront diffuser cette information en continu ;

- les principaux aéroports devront mettre en place un site Internet dédié aux crises pour informer les passagers qui ne se sont pas encore déplacés à l’aérogare.

b) Responsabiliser les agents de voyages

L’Etat va mener une réflexion avec les voyagistes, les compagnies aériennes et les gestionnaires d’aéroports autour d’une charte visant à transmettre à chaque passager des informations sur son voyage en cas d’incident affectant son vol. En effet, dans le cadre d’un voyage à forfait, les compagnies aériennes ne connaissent pas toujours l’identité de leurs clients avant que ceux-ci ne se présentent à l’enregistrement. Elles ne sont donc pas actuellement en mesure de les prévenir en cas d’annulation de leur vol.

c) Renforcer la prise en charge des passagers

Ø Mise en place d’un médiateur lors de telles crises

La mise en place d’un médiateur pour régler les conflits opposants les voyageurs aux compagnies aériennes sera systématisée, sur le modèle de la crise du volcan islandais Eyjafjöll en 2010.

Ø Simplification du remboursement des billets

Les compagnies aériennes vont étudier la possibilité de permettre aux passagers dont le vol a été annulé de se faire rembourser directement aux bornes automatiques présentes dans les aérogares. En effet, les vols sont parfois annulés le soir ou le week-end alors que les guichets des compagnies sont fermés.

Ø Gestion des disponibilités dans les hôtels

Au cas où il faudrait loger en urgence de nombreux voyageurs, les aéroports devront assurer une mission de coordination des informations sur la disponibilité des chambres dans les hôtels avoisinants. Les compagnies aériennes seront ainsi mieux informées pour mieux assurer la prise en charge de leurs clients.

4. La réglementation européenne en vigueur

a) Gestion européenne des déroutements d’avion

Lorsqu’un aéroport européen décide de fermer à cause des intempéries, de nombreux moyens et longs courriers qui avaient comme destination cet aéroport sont déjà dans les airs. Ils sont donc généralement déroutés vers un aéroport proche. Un aéroport peut donc se retrouver engorgé par ces déroutements alors même qu’un aéroport voisin est en situation de « sous-utilisation ». La France proposera la mise en place à l’échelle de l’Europe d’un système d’information en temps réel sur les déroutements d’avion afin d’être en capacité de les anticiper. Coordonné par Eurocontrol, ce système permettra de mieux répartir la charge de trafic supplémentaire entre les différents pays européens.

b) Obligation pour les compagnies aériennes de disposer d’un responsable dans chaque aéroport majeur

Trop souvent les compagnies aériennes ne disposent pas dans les aéroports de personnels ayant la capacité de prendre des décisions pour le compte de l’entreprise afin de gérer des situations de crise ou de détresse. En obligeant les compagnies à avoir un chef d’escale dans les principaux aéroports, l’information et la prise en charge des voyageurs seront améliorées. La France défendra cette proposition devant la Commission européenne. 

B. L’analyse de la rapporteure

La chronologie des faits et leur caractère exceptionnel ne doit pas être mésestimés. Les épisodes des 23 et 24 décembre sont intervenus après plusieurs jours de forte tension, en particulier la pagaille du 8 décembre, qui a entraîné des perturbations nombreuses pour les rotations des avions, et des retards importants pour les passagers.

Le 22 décembre, la situation se « normalise » pour la première fois depuis cinq jours, mais la fatigue s’est accumulée pour les personnels des opérateurs du trafic aérien. La journée du 23 décembre s’annonce très lourdement chargée : 1 402 vols sont inscrits au programme et les avions sont extrêmement pleins du fait des retards accumulés les jours précédents et de l’approche de Noël.

Plusieurs problèmes de nature différente ont été posés par ces évènements neigeux qui impliquent différemment les responsables du secteur aérien.

Lors de la paralysie de l’Ile de France début décembre, un des problèmes essentiels a été l’incapacité des équipages à gagner les aéroports. Ni ADP ni les compagnies aériennes n’ont prise sur cette situation.

Par contre, le fait de ne pas avoir été capable d’indiquer aux passagers aériens le moment où une information leur serait délivrée n’est pas acceptable.

Il est clair également que les évènements survenus à partir du 22 décembre ont touché un « hub » déjà désorganisé, par exemple au niveau des bagages. Il convient aujourd’hui d’engager une réflexion sur l’intérêt qu’il y aurait à laisser se développer encore le « hub » de Roissy qui lorsqu’il est confronté à des problèmes peut entraîner une cascade de défaillances. Les problèmes posés par la saturation de Londres Heathrow qui fonctionne à 93 % de ses capacités, n’offrant ainsi aucune souplesse en cas de difficulté significative, risquent de se rencontrer dans peu d’années à Roissy.

Il faut se féliciter de la décision prise par les autorités aériennes, les gestionnaires d’aéroport et les compagnies aériennes de laisser ouvert les aéroports français. Cette décision a permis de limiter la durée des désordres enregistrés les jours suivants.

Toutefois la fermeture des aéroports londoniens a aggravé les difficultés du fait des très nombreuses personnes, plus de 4 000, qui ont dû être accueillies à Roissy. Il appartient au commandant de bord de décider en dernier ressort du lieu du déroutement : cette responsabilité est normale en cas de difficultés d’un avion, mais cela ne doit plus pouvoir s’appliquer en situation de crise.

Il semble à la rapporteure qu’en cas de circonstances exceptionnelles les autorités gouvernementales françaises devraient élaborer en liaison avec Eurocontrol un plan de déroutement vers des aéroports non touchés par les évènements climatiques et disposant d’une capacité d’hébergement suffisante. Cela permettrait aux compagnies aériennes et aux commandant de bord de disposer d’une information sur les capacités d’accueil de leurs passagers par les aéroports.

La question des « buttées d’équipage » n’est pas réglée. Lors de la crise de nombreux passagers ont du débarquer car les équipages après quatre ou cinq heures d’attente dans l’avion cloué au sol avaient atteint leur durée maximale de vol. La fatigue d’un équipage assis à attendre le signal de départ ne doit pas être sous-estimée car le travail de préparation et d’accueil des passagers est tout à fait considérable. Il convient néanmoins de se demander si à l’occasion de circonstances exceptionnelles, avec l’accord de l’équipage et non du seul commandant de bord et pour des vols courts ou moyens courrier (c’est-à-dire de une à deux heures) il ne serait pas possible de déroger à cette règle. Il est difficile d’accepter que pour cette raison plusieurs milliers de passagers aient du débarquer. Il semble à la rapporteure que des négociations avec les personnels concernés pourraient être utilement engagées sur ce point

Les mesures retenues par le Gouvernement illustrent pour certaines d’entre elles les dysfonctionnements du secteur aérien.

Par exemple, le fait d’inviter un représentant d’ADP à la cellule de crise d’Air France sur le « hub » signifie sans doute que cela n’était pas le cas jusqu’à présent ; nous ignorons les raisons de cette situation mais cette mesure parait relever du simple bon sens. Nous pouvons nous étonner qu’il ait fallu une crise majeure pour qu’elle voie le jour.

Il en est de même pour les mesures destinées à éviter que les clients ne fassent la queue debout devant un guichet durant plusieurs heures. Cela fait quelques décennies que les services publics distribuent des tickets pour mieux gérer les files d’attentes. Cela fait également des années que les passagers attendent debout, parfois fort longtemps, aux guichets d’enregistrement des compagnies aériennes.

Le confort du passager dans l’aérogare n’a pas été à l’évidence au premier rang des préoccupations des gestionnaires d’aéroport et des compagnies aériennes opérant en France ces dernières années ; Il est normal que ceux-ci demandent au législateur d’intervenir pour sanctionner plus sévèrement les comportements des passagers irascibles ; mais le fait que des mesures de bon sens aient du être prises sous la pression du Gouvernement est symptomatique d’une attitude où l’intérêt financier prime sur la notion de service public.

Il apparaît au vu des propositions gouvernementales -que nous ne pouvons qu’approuver- qu’il convient d’aller au-delà et de faire intervenir des textes réglementaires plus précis afin que le passager du transport aérien ne puissent pas être traités avec désinvolture par certaines compagnies aériennes qui n’ont pas assumées leurs obligations.

La mise en place d’une Haute autorité capable de sanctionner les compagnies aériennes, non sur la base de manquements aux règles de sécurité, ce que fait déjà excellemment la DGAC, mais sur le fondement de la déontologie, serait certainement très utile.

CHAPITRE II :
UN ROLE PLUS IMPORTANT DE L’UNION EUROPEENNE

Les intempéries ont obligé les principaux aéroports de l’Union européenne à fermer, au moins en partie, ce qui a considérablement perturbé le trafic aérien dans l’ensemble de l’Europe. 35 000 vols – soit davantage que sur l’ensemble de l’année 2009 – ont été annulés, obligeant plusieurs milliers de voyageurs à passer la nuit dans les aéroports.

La rapporteure a rencontré des responsables de la Commission européenne et d’Eurocontrol le 7 février 2011. Il lui est apparu que les autorités européennes ont tiré quelques enseignements de cette crise, en plaçant le passager au centre de leurs préoccupations.

A leurs yeux il y a de la neige tous les ans et il n’est pas correct de parler de surprise. Le « business plan » des aéroports qui vise à obtenir une rentabilité financière se situant aux environs de 15 %, soit le double de celle des compagnies aériennes, a conduit à faire des impasses sur les surcapacités de moyens nécessaires pour faire face aux évènements climatiques exceptionnels, auxquels peuvent être confrontés les aéroports. Il n’est donc pas acceptable pour la Commission européenne de mettre le chaos enregistré en décembre sur le dos des circonstances extraordinaires.

Les fortes chutes de neige ont touché des plateformes aéroportuaires européennes qui fonctionnent presque à la limite de leurs capacités à un des moments les plus chargés de l’année. La fermeture d’Heathrow pendant plusieurs jours a entraîné la fermeture d’autres aéroports en cascade, car les aéroports forment un système. Aussi la Commission européenne proposera-t-elle en juin prochain, dans le cadre du paquet aéroportuaire, une réflexion sur le modèle économique des compagnies aériennes. En effet la gestion commune de l’espace aérien va permettre de dégager des sillons aériens supplémentaires qui pourraient conduire assez rapidement à l’asphyxie des grands aéroports européens, si la politique de « hub » demeure au centre de la stratégie des compagnies européennes.

A. La crise a été européenne

Le panorama qui suit illustre le caractère européen de la crise rencontrée au mois de décembre.

1. Allemagne

• Francfort : annulation de 260 vols pour cause de neige le vendredi 17 décembre de 22h00 à 23h00 ; annulation de 272 vols le 18 décembre; annulation de 540 vols le 19 décembre; 3 heures de fermeture dans la matinée du 21 décembre provoquant l’annulation de 300 vols sur un programme de 1 300 vols.

• Cologne : fermeture le 17 décembre de 19h30 à 21h20, le 19 décembre 14h50 à 18h20 et le 24 décembre de 11h30 à 12h30.

• Düsseldorf : fermeture le 17 décembre 18h00 à 20h15, le 19 décembre 10h10 à 16h40 et le 24 décembre de 3h40 à 10h00 et de 13h00 à 24h00, et enfin le 25 décembre de 13h30 à 0h40.

2. Royaume-Uni

• Heathrow : fermeture complète dans la matinée du samedi 18 décembre, British Airways annulant tous ses vols à partir de 10h du matin. Extension de cette fermeture à la journée entière du dimanche 19 décembre. Reprise du trafic au ralenti (environ 1/3 des vols), le lundi 20 décembre, sur une seule piste. Prolongation des perturbations jusqu’au 22 décembre. Annulation d’environ 330 vols sur les 1 300 prévus les 21 et 22 décembre.

• Gatwick et Luton : fermeture le 18 décembre jusqu’à 7h30 du matin. Annulation par Easyjet de tous ses vols à Gatwick jusqu’à 11h00 et à Luton jusqu’à 12h00.

3. Pays-Bas

• Amsterdam : fermeture le 17 décembre de 7h30 à 9h00, de 11h40 à 13h40, et de 13h55à 14h30.

4. Belgique

• Bruxelles : accueil de 16 déroutements à destination de Londres le 18 décembre. Fermeture le dimanche 19 décembre au matin. Annonce d’une annulation de tous les décollages du lundi 20 décembre au soir au mercredi 22 décembre au matin, en raison d’une pénurie de glycol.

5. France

• Roissy - Charles de Gaulle

 

 

Trafic programmé

Trafic réalisé

Annulations

Taux annulation

effectif

Samedi 18 décembre

1238

1112

126

10 %

Dimanche 19 décembre

1349

674

675

50 %

Lundi 20 décembre

1303

851

452

35 %

Mardi 21 décembre

1350

1263

87

6 %

Mercredi 22 décembre

1385

1316

69

5 %

Jeudi 23 décembre

1402

1074

328

23 %

Vendredi 24 décembre

1268

904

364

29 %

B. La réaction de la Commission européenne

La Commission présentera des mesures spécifiques pour résoudre certains des problèmes les plus importants dans un paquet « Aéroports » qui sera publié vers le mois de juin. Il devrait comporter trois points : les créneaux horaires, les services aéroportuaires et la capacité des aéroports, en particulier des « hubs » à faire face à l’accroissement de la demande.

1. Vers un service minimum ?

Dans l’immédiat, le commissaire aux transports, Siim Kallas, considère que les aéroports européens ont fait « preuve d’un état d’impréparation inacceptable » face aux intempéries. Personne ne devrait être surpris par les chutes de neige en hiver, surtout ces dernières années.

La Commission européenne se dit très préoccupée par les ruptures de charges survenues dans les infrastructures aéroportuaires au service des compagnies : « c’est le maillon faible de la logistique aérienne qu’il s’agisse des sociétés gestionnaires d’aéroport ou des sociétés de maintenance ».

Le commissaire aux Transports estime que les précautions et les matériels que l’on retrouve dans tous les aéroports scandinaves ne devraient pas être une option plus au sud. Il s’agit de capacité suffisante pour le déneigement des pistes et des stocks conséquents de glycol.

Faute d’engagement sérieux des sociétés de maintenance et des aéroports en ce sens, la Commission européenne envisage de légiférer pour les y forcer en imposant un service minimum en termes de nombre de décollages. En effet en raison de l’effet de cascade, les aéroports doivent être davantage intégrés et travailler en réseau. Ils ne peuvent travailler en étant isolés les uns des autres.

La rapporteure a pris note de la volonté de la Commission européenne d’éviter le recours à une législation européenne mais dans un premier temps de faire confiance à l’autorégulation par les acteurs.

Elle souhaite que ces derniers mettent en place des plans d’urgence mais, souligne que « ce que la Commission peut faire, c’est renforcer, si besoin est, le cadre réglementaire et, en particulier, garantir un service minimum et imposer le respect de critères de qualité dans les aéroports européens dans l’intérêt des passagers. »

Ce service minimum poserait des problèmes juridiques s’il conduisait à limiter le droit de grève dans les services aériens. La réponse de la Commission n’est pas apparue très claire sur ce point. Il est évident qu’une limitation du droit ne peut résulter que de la loi et que les gestionnaires du secteur aérien ne peuvent guère prendre d’engagement sur ce point sauf à obtenir la conclusion d’un accord avec les syndicats.

2. Une meilleure prise en compte des passagers

Le Pacte pour le marché unique, porté par le commissaire Michel Barnier, comporte une proposition 43 qui indique que : « la Commission adoptera en 2012 une proposition de modification du règlement relatif aux droits des passagers aériens, notamment à la lumière des effets de la récente crise du volcan Islandais… ».

La rapporteure propose d’utiliser ce cadre pour demander à la Commission européenne la mise en place généralisée des moyens permettant de traiter dignement les passagers devant dormir dans les aéroports.

Il n’est pas acceptable de voir dormir des familles et des personnes âgées sur le sol, sans qu’elles puissent se restaurer convenablement. Pour cela il n’existe qu’un moyen, figurant dans les conclusions que nous vous proposons d’adopter, pénaliser lourdement les compagnies aériennes dont les passagers ne seraient pas héberger dans un hôtel ou dans des conditions décentes. En effet, la rapporteure est convaincue qu’en l’absence de sanctions nous continuerons à être confrontés à de telles situations.

Il convient en outre que les normes d’agrément des aéroports intègrent les plans d’urgence et imposent des normes minimales pour l’accueil des passagers.

3. Une meilleure gestion de l’espace aérien

Une décision de fermeture d’un aéroport local doit aujourd’hui prendre en compte l’effet sur le réseau.

Eurocontrol qui est un organisme intergouvernemental comportant 39 Etats, doit jouer un rôle essentiel d’animateur de ce réseau car il reçoit toutes les informations et dispose d’une vision globale du trafic car tous les avions déposent un plan de vol.

De ce fait, il est indispensable qu’Eurocontrol soit informé en temps réel de la situation. La France l’a fait en décembre 2010 mais cela n’a pas été le cas de tous les Etats.

Cette vision globale du réseau est fondamentale. Elle n’évitera pas les problèmes liés aux intempéries qui vont de pair avec le transport aérien mais elle facilitera une meilleure information des passagers et permettra d’éviter le déroutement vers Roissy de plusieurs dizaines de vols, avec un préavis de 40 mn ne permettant pas d’organiser l’accueil de plusieurs milliers de personnes arrivant dans un environnement dégradé.

CONCLUSION

La conclusion qui s’impose au regard des conséquences sur le trafic aérien des épisodes neigeux du mois de décembre est double :

- le passager doit être le centre des préoccupations des acteurs du transport aérien. La recherche d’un moindre coût, accompagnée d’un profit maximal, en particulier pour les plates formes aéroportuaires, a atteint aujourd’hui ses limites. Il faut accepter pour les aéroports de mettre en œuvre des surcapacités en matière d’accueil de passagers ou de dégivrage pour être en mesure d’assumer la mission de service public dont ils sont chargés et, qui dit mission de service public dit permanence du service public ;

- le transport aérien doit aujourd’hui être géré en réseau, les décisions isolées de fermeture d’aéroports ou d’espace aérien génèrent des répercussions en cascade qui impliquent de poursuivre la mise en place de la politique de ciel unique.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 8 février 2011, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« M. Jean-Claude Fruteau. Je salue tout d’abord le travail de notre rapporteure, qui connaît très bien son domaine.

Deux remarques.

Cet épisode neigeux venant après celui du volcan islandais a vérifié la faiblesse, l’insuffisance ou l’absence d’Europe. Dans ces deux cas, la désorganisation a prévalu alors qu’il faudrait plus d’Europe dans la mesure où nous allons vers l’organisation d’un ciel unique européen. Il est donc indispensable que l’Europe intervienne plus dans ce domaine.

En matière de communication, l’accent doit être mis sur la responsabilité des compagnies aériennes. Deux situations se présentent. En effet si les compagnies traditionnelles ont toutes un système d’information des passagers, il n’en est pas de même des compagnies à bas coût qui abandonnent leurs passagers. On atteint alors la limite de leur modèle économique.

Il faut donc prévoir des obligations en la matière pour ces compagnies même si elles vendent des billets moins chers. Car, sinon, leur logique est de transporter à moindre coût quand tout va bien et d’être absentes en cas de difficultés.

Il faut donc une législation pour garantir les droits des usagers.

M. Michel Delebarre. Je rends hommage au travail de notre collègue. Mais, finalement, je me demande où est le drame. Je trouve même plutôt rassurant et normal que les avions ne volent pas en cas d’intempéries de cette importance. Je ne pense pas que l’on puisse revenir sur la politique des hubs, il faut faire avec.

L’information est indispensable mais on peut se poser des questions quand on voit les gens se précipiter vers les aéroports quel que soit le temps. Qui doit alors être considéré comme responsable ? Si on estime que cela doit être les compagnies, alors on n’aura plus de low cost car elles ne se sentent pas responsables des passagers se trouvant hors de leurs avions et on se retournera donc vers les compagnies traditionnelles.

Le problème est, en fait, de savoir quoi faire quand des milliers de personnes sont dans un aéroport. J’estime que dans ce cas, la responsabilité est du ressort du gestionnaire de l’infrastructure et non des compagnies aériennes. Mais nos infrastructures ne sont pas équipées pour faire face à de tels évènements et leur personnel n’y est pas entraîné.

Dans ce domaine, par exception, je ne serai pas européen, car que pourrait faire l’Europe, sauf à adopter une directive sur les services dans les aéroports, qui relèvent plutôt de la subsidiarité ?

La neige peut revenir. Aussi faudrait-il s’enquérir de ce qui est fait dans les régions fortement enneigées de façon régulière, comme par exemple, le Nord-Est des Etats-Unis, où les perturbations dans le trafic aérien sont minimes.

M. Gérard Voisin. Le rapport de notre collègue est excellent. Les hubs sont un mal nécessaire et il n’est pas possible de revenir en arrière. Mais cela doit nous amener à nous interroger sur la centralisation outrancière des aéroports en France par rapport à l’étranger.

Les compagnies low cost n’ont en effet pas très bien marché à leurs débuts mais, en tant qu’utilisateur régulier, j’estime qu’elles se tiennent maintenant bien compte tenu des avantages présentés en matière de services, de rapidité et de prix par rapport aux compagnies traditionnelles. Il faut d’ailleurs faire attention à ce modèle car il arrivera bientôt dans les transports ferroviaires.

Il y a eu, en effet, une pagaille abominable qui a révélé des fautes de gestions incompréhensibles. Les intempéries en question n’ayant pas été les plus graves qui peuvent arriver, se pose la question de savoir s’il faut changer toute cette organisation.

Le Président Pierre Lequiller. Ayant dû prendre l’avion à cette époque, je me suis rendu compte à quel point l’information des passagers a pu être absente.

Mme Odile Saugues, rapporteure. Je ne pense pas que la distinction entre low cost et compagnies traditionnelles soit pertinente dans ce cas car ce sont surtout les longs courriers qui ont été bloqués.

Les deux évènements récents ont montré la fragilité du transport aérien et cette situation pourra se répéter. Il faut surtout, dans ces situations, penser aux plus fragiles comme les personnes âgés et les enfants. Il faudra prendre des décisions au niveau européen pour la gestion des aéroports après la prise de position récente de la Commission concernant l’information.

Il y a un ciel unique en Europe avec un contrôle aérien unique. Le problème réside dans le fait que l’on a deux organismes l’un à côté de l’autre. D’un côté, l’Agence européenne de sécurité aérienne, dotée de moyens, gère la sécurité de 27 pays. De l’autre, Eurocontrol, rassemble 39 pays, donc au-delà de l’Union européenne, et a, seul, la vision globale lui permettant de dérouter des avions.

Les hubs présentent des avantages et des limites à la fois en matière d’environnement et en capacités d’absorption des passagers. L’Allemagne a trois hubs. Il faudrait être moins centralisateur en France et exploiter les possibilités des aéroports du sud et de l’ouest. La neige remet en question certaines fonctions du transport aérien mais on ne peut adopter en Europe que des mesures limitées car Eurocontrol ne peut pas imposer de règles. L’harmonisation ne pourra se faire qu’avec des crises. La France traite mieux les passagers mais il y a quand même eu ce spectacle indigne des queues interminables dans les aéroports. Les compagnies low cost sont différentes entre elles et ont certainement une contribution positive en matière d’aménagement du territoire, même si on ne peut pas en dire autant concernant le traitement de leur personnel.

Des aéroports n’ont pas rencontré de problèmes de dégivrage des avions comme celui d’Amsterdam, qui emploie de l’eau chaude, ou celui de Munich qui récupère les produits employés.

La crise a révélé beaucoup de carences mais il faut prendre garde à ne pas mal considérer les clients quand le trafic aérien augmente de 5%. Il faut donc arriver à que ce genre d’évènements soit considéré normalement comme dans le reste de l’Europe en utilisant un certain nombre de moyens comme le réseau des RER ou les matériels militaires.

Le Président Pierre Lequiller. Les trois communications de ce jour ont concerné des problèmes européens concrets auxquels nos concitoyens sont très sensibles. Elles illustrent très positivement comment notre commission, grâce à un travail mené dans la durée par les rapporteurs, peut exercer une influence sur la formation et l’évolution du droit européen. C’est une excellente chose. »

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a ensuite adopté les conclusions dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission,

Vu l’Acte pour le marché unique, « vers une économie sociale de marché hautement compétitive », proposé par la Commission européenne,

Vu les désordres enregistrés dans le transport aérien européen au mois de décembre 2010,

1. Souhaite que la Commission européenne inclue dans la révision du règlement relatif aux droits des passagers aérien prévu dans la proposition n°43 de la communication sur l’approfondissement du marché unique les points suivants :

a) l’obligation, pour les compagnies aériennes de disposer d’un responsable dans chaque aéroport majeur ;

b) l’obligation pour les compagnies aériennes de prévoir des plans d’urgence pour l’accueil des passagers dont les vols ont été annulés et une indemnisation significative en cas d’absence d’hébergement hôtelier ;

2. Demande à ce que les normes élaborées par l’Agence européenne de la sécurité aérienne intègrent l’obligation pour les aéroports de disposer d’un plan en cas de crise permettant d’assurer un service minimal aux passagers dont le vol a été annulé ;

3. Demande qu’Eurocontrol soit informé en temps réel des difficultés rencontrées par les aéroports et soit chargé d’une mission de coordination des déroutements consécutifs à la fermeture d’un aéroport.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

Ø Air France KLM

– M. Laurent Barthélémy, directeur, direction du contrôle des opérations ;

– M. Alain Bassil, directeur général délégué opérations ;

– Mme Patricia Manent, chargée des relations avec le Parlement et les institutions.

Ø Aéroports de Paris

– Mme Stéphanie Arnoux-Couderc, chargée des institutions avec le Parlement ;

– M. Olivier Jankovec, directeur général de l’ACI Europe.

Ø Eurocontrol

– M. Jacques Dopagne, directeur de la planification des opérations aériennes ;

– M. David McMillan, directeur général.

Ø Commission européenne

– M. Margus Rahuoja, chargé de mission auprès de M. Sliim Kallas, Vice-président de la Commission européenne.

ANNEXE 2 :
RAPPORTS DU CONSEIL GENERAL DE L’ENVIRONNEMENT
ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE

CONSEIL GÉNÉRAL DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Rapport n° : 007552-01

Fonctionnement de l'aéroport

Paris-Charles de Gaulle

lors de l'épisode neigeux

des 23 et 24 décembre 2010

établi par

M. Philippe Cèbe

M. Dominique David

M. Bernard Larrouturou

Membres permanents

du Conseil général de l'Environnement et du Développement durable

Sous la direction de

M. Christian Leyrit

Vice-président

du Conseil général de l'Environnement et du Développement durable

10 janvier 2011

Sommaire

PRÉAMBULE 2

1. L'EXPLOITATION HIVERNALE DES AÉROPORTS PARISIENS 3

1.1. L'ORGANISATION D'ADP POUR L'EXPLOITATION HIVERNALE 3

1.2. LE DÉGIVRAGE DES AVIONS 4

1.3. LES PRODUITS DE DÉGIVRAGE 12

1.4. COMPARAISON AVEC DES GRANDS AÉROPORTS EUROPÉENS 16

2. L'ÉPISODE NEIGEUX DES 23 ET 24 DECEMBRE A CDG 19

1.5. LA GESTION DES OPÉRATIONS LORS D'UN ÉPISODE NEIGEUX 19

1.6. CHRONOLOGIE DÉTAILLÉE POUR LE TRAFIC AÉRIEN 20

1.7. CHRONOLOGIE DÉTAILLÉE POUR LA CAPACITÉ DE DÉGIVRAGE 25

1.8. ANALYSE DE CES ÉVÈNEMENTS 30

1.9. UNE SITUATION SANS PRÉCÉDENT PARTOUT EN EUROPE 34

1.10. CONCLUSIONS 37

1.11. LES 20 PROPOSITIONS DU CGEDD 40

1.12. ANNEXES

1.13. LETTRE DE MISSION 45

1.14. PERSONNES RENCONTRÉES OU CONTACTÉES 46

1.15. OPÉRATIONS DE DÉNEIGEMENT ET DÉVERGLAÇAGE 48

1.16. RÈGLEMENTATION APPLICABLE AU DÉGIVRAGE 51

1.17. IMPLANTATION DES AIRES DE DÉGIVRAGE À CDG 54

1.18. STOCKS DE PRODUITS DE DÉVERGLAÇAGE À CDG 55

1.19. STOCKS DE PRODUITS DE DÉGIVRAGE ET DÉVERGLAÇAGE À ORLY 57

1.20. ÉVOLUTION DES STOCKS DE GLYCOL DE TYPES I ET II À CDG 58

1.21. GLOSSAIRE DES ACRONYMES 59

PRÉAMBULE

Le mois de décembre 2010 a été marqué par plusieurs épisodes neigeux qui ont conduit à des perturbations importantes du trafic aérien sur les aéroports parisiens de Paris-Orly et Paris-Charles de Gaulle (CDG) et qui ont occasionné de graves désagréments pour des milliers de passagers dans la période des fêtes.

Les 23 et 24 décembre, la gestion d'un épisode neigeux a été compliquée à CDG par des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du dégivrage des avions et un certain nombre de questions ont été soulevées concernant l'approvisionnement de la plateforme aéroportuaire en liquide de dégivrage. La ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement a demandé au vice-président du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de diligenter une mission pour analyser les difficultés rencontrées, préciser les conditions de la gestion technique des opérations de dégivrage, et répondre aux questions qui se posent concernant le volume des stocks et les difficultés d'approvisionnement en produits de dégivrage. La lettre de mission figure en Annexe 1.

Cette mission a été confiée à trois membres permanents du CGEDD, MM. Philippe CÈBE, Dominique DAVID et Bernard LARROUTUROU, et réalisée sous la direction de M. Christian LEYRIT, vice-président du CGEDD.

Dans les délais très courts impartis, les missionnaires ont établi les contacts qui ont paru nécessaires avec de nombreux acteurs, et visité l'unité opérationnelle « Neige » et les installations de dégivrage de CDG. La mission tient à remercier tous les interlocuteurs qui l'ont aidée à rassembler les informations utiles à la rédaction de ce rapport. La liste de ces interlocuteurs est donnée en Annexe 2.

Le rapport est organisé selon le plan suivant :

– Le premier chapitre donne une présentation générale, indépendante des épisodes neigeux de décembre 2010, sur les dispositifs spécifiques mis en œuvre par les deux aéroports parisiens pour fonctionner dans des conditions hivernales.

– Le deuxième chapitre porte sur l'analyse détaillée du fonctionnement de l'aéroport CDG pendant l'épisode neigeux des 23 et 24 décembre. La focalisation de cette analyse sur CDG est à la fois conforme à la lettre de mission et justifiée du fait que les difficultés rencontrées à Orly ont été de moindre ampleur.

– Le troisième chapitre présente les principaux diagnostics de la mission concernant les évènements des 23 et 24 décembre.

– Enfin, le quatrième chapitre rassemble les propositions du CGEDD pour améliorer la capacité à faire face dans le futur à des épisodes similaires. Ces propositions sont issues des travaux de la présente mission et de la mission intitulée « Retour d'expérience à la suite de l'épisode neigeux survenu le 8 décembre 2010 en Ile-de-France ».

1. L'EXPLOITATION HIVERNALE DES AÉROPORTS PARISIENS

Ce premier chapitre donne une présentation générale, indépendante des épisodes neigeux de décembre 2010, sur les dispositifs spécifiques mis en œuvre dans les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle (CDG) et de Paris-Orly (Orly) pour fonctionner dans des conditions hivernales.

Elle est organisée en quatre parties, présentant successivement :

1. les services spécifiques à l'exploitation hivernale ;

2. l'organisation du dégivrage des avions à CDG et Orly ;

3. l'approvisionnement des aéroports parisiens en produits de dégivrage et de déverglaçage ;

4. et la comparaison du dispositif des aéroports parisiens avec ceux d'autres grands aéroports européens.

1.1. L'ORGANISATION D'ADP POUR L'EXPLOITATION HIVERNALE

1.1.1. LES SERVICES DÉDIÉS POUR L'HIVER

Durant l'hiver, l'exploitation d'un aéroport est susceptible d'être perturbée par le froid et par des pluies verglaçantes ou des épisodes neigeux. Les missions dévolues à Aéroports de Paris (ADP), définies dans le décret n° 2005-828 du 20 juillet 2005, prévoient notamment qu'ADP veille à l'intégrité des aires de mouvement sur les aérodromes qu'elle exploite et se dote de l'ensemble des moyens destinés, le cas échéant, au déneigement des aéroports de CDG et d'Orly ainsi que de ceux destinés à la prévention de formation de verglas sur ces mêmes aires.

En conséquence, ADP a développé sur chacun des deux grands aéroports parisiens une organisation, des moyens et des processus de décision spécifiques pour l'hiver afin d'assurer le déneigement et le déverglaçage des pistes, des voies de circulation et des postes de stationnement des avions. ADP a également déployé des moyens pour assurer dans de bonnes conditions le dégivrage des avions, qui est réglementairement de la responsabilité des compagnies aériennes.

Les moyens à la fois opérationnels et financiers mobilisés pour réaliser ces missions sont très importants. Pour l'aéroport CDG, ADP estime que 300 personnes participent aux missions du service hivernal, au sein des diverses unités opérationnelles d'ADP ou de sociétés sous-traitantes. En permanence, une centaine de personnes est mobilisée, par vacation de 12 heures. Ces missions nécessitent la mise en œuvre de formations dédiées. Pour ce qui est des moyens financiers, on peut relever que, pour le seul aéroport CDG, le parc d'équipement exploité durant la saison d'hiver 2009/2010 représentait un investissement de 100 M€ (dont 20 M€ pour le déneigement des aires et

80 M€ pour le dégivrage des avions) et que le coût annuel pour l'ensemble des services rendus représente plus de 26 M€. Ce dernier montant recouvre à la fois les frais de personnel, le coût des sous-traitants et les consommations de produits ; il se décompose en 14 M€ pour le déneigement des aires et des pistes, et 12 M€ pour le dégivrage des avions.

1.1.2. DÉNEIGEMENT ET DÉVERGLAÇAGE DES PISTES, DES VOIES DE CIRCULATION ET DES AIRES DE STATIONNEMENT DES AVIONS

On trouvera en Annexe 3 des informations détaillées sur ces opérations de déneigement et déverglaçage. Ces opérations s'appuient sur des organisations spécifiques et utilisent des produits de déverglaçage à base de formiate de potassium (voir la partie 1.4).

Les deux aéroports parisiens disposent chacun d'un parc important d'engins dédiés au déneigement des pistes et des voies de circulation des avions, ainsi que d'un parc d'engins plus petits et plus maniables pour le déneigement des aires de stationnement.

1.2. LE DÉGIVRAGE DES AVIONS

Cette partie donne les informations de base concernant les opérations de dégivrage et d'antigivrage des avions, qui sont critiques pour l'exploitation d'un aéroport dans des conditions hivernales, et présente l'organisation de ces opérations à CDG et à Orly.

1.2.1. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉGIVRAGE

En hiver, les avions au parking peuvent dans certaines conditions être recouverts de glace ou de givre (qui peut présenter différentes caractéristiques : gelée blanche, rosée blanche, givre blanc). En cas de précipitations neigeuses, ils peuvent aussi être recouverts d'une couche plus ou moins importante de neige, aux caractéristiques également très variables (plus ou moins collante).

Tout dépôt de glace, neige ou givre sur les surfaces externes d'un l'avion peut affecter gravement les qualités de vol de cet avion, en raison de la réduction de portance, de l'augmentation de traînée et de la modification des caractéristiques de la stabilité et du contrôle. De plus, un tel dépôt peut provoquer un blocage des parties mobiles telles que gouvernes de profondeur, ailerons, mécanismes d'activation des volets, créant ainsi des conditions potentiellement dangereuses. De même, le fonctionnement des moteurs peut être gravement affecté par l'ingestion de neige ou de glace (pompage du moteur, dommages au compresseur). La température ambiante la plus critique pour ces perturbations se situe sur une plage allant de -10°C à +3°C.

Dans ce contexte, le commandant de bord peut décider de ne pas réaliser le vol ou de recourir avant décollage à des opérations de dégivrage/antigivrage :

– Le dégivrage est une procédure curative qui permet de décontaminer l'avion de toute trace de neige, glace ou givre.

– L'antigivrage est une opération préventive qui permet d'assurer pendant un certain temps, variable en fonction des produits utilisés, une protection de l'avion contre de nouvelles contaminations par la neige, la glace ou le givre. Un appareil passant la nuit au parking peut bénéficier d'un traitement d'antigivrage mais devra généralement, s'il vient à neiger, subir un cycle complet de dégivrage et d'antigivrage avant de décoller.

Selon les conditions climatiques, le dégivrage peut être réalisé de manière partielle (seules les ailes et la dérive sont traitées) ou de manière complète (application du produit sur l'ensemble de l'avion).

La durée du traitement d'un appareil et la quantité de produit nécessaire au traitement varient en fonction de la taille de l'appareil traité, de la nature du contaminant (givre, neige plus ou moins collante) et de la nature du traitement demandé (dégivrage ou antigivrage simple, réalisation consécutive des deux traitements, traitement intégral ou partiel). Ces fluctuations peuvent être très importantes, comme le montrent les données suivantes :

– La durée de traitement d'un avion varie de moins de 10 minutes à plus 30 minutes.

– A CDG la consommation moyenne de produits pour le dégivrage d'un avion au cours de l'hiver 2009-2010 s'élevait à 327 litres, mais le traitement d'un A380 dans des conditions de contamination particulièrement difficiles en décembre 2010 a demandé 5000 litres.

Dans certaines conditions, les opérations de dégivrage/antigivrage au sol n'assurent pas une protection suffisante pour permettre le décollage, par exemple sous la pluie givrante, la grêle, les granules de neige ou la neige chargée d’eau.

Il convient de noter aussi que l'utilisation de produits dégivrants n'est pas totalement sans risque. En effet, des investigations menées à la suite d'incidents d'exploitation sérieux (blocage de commande) ont montré que l'application répétitive de liquides épaissis utilisés pour l'antigivrage des avions peut conduire à la formation de résidus solides qui peuvent après réhydratation et en conditions de vol givrantes affecter les commandes de vol ou dans certains cas conduire à des pertes de portance.

Par ailleurs, un avion peut également être soumis au givre en vol, notamment s'il vient à traverser des nuages qui contiennent des gouttelettes d'eau surfondue. Les appareils sont conçus pour être protégés autant que faire se peut contre le givrage en vol.

1.2.2. L'UTILISATION DES GLYCOLS AÉRONAUTIQUES

Les produits utilisés pour le dégivrage et l'antigivrage se présentent sous différents noms commerciaux et sous différents types. On distingue les glycols de type I et les glycols « épaissis » de types II et IV. Il existe également des glycols de type III, mais ils ne sont pas utilisés sur les aéroports parisiens.

Un produit de type I forme sur les surfaces sur lesquelles il est appliqué un fin film mouillant de liquide qui donne un temps de protection limité en fonction des conditions météorologiques. L'augmentation de la concentration de fluide dans un mélange fluide/eau ne permet pas d'accroître le temps de protection.

Un produit de type II ou IV contient un épaississant qui permet au fluide de former un épais film mouillant de liquide sur les surfaces sur lesquelles il est appliqué. Généralement, ce type de fluide offre un temps de protection supérieur à celui du fluide de type I dans des conditions similaires. Le temps de protection peut être augmenté, en accroissant la concentration du fluide dans le mélange fluide/eau, jusqu’au temps maximum de protection disponible avec du produit non dilué.

Les glycols déposés sur l'avion pour assurer le dégivrage et/ou les protections d'antigivrage sont éliminés lors de la phase d'accélération de l'avion précédant le décollage.

Le dégivrage peut être effectué avec un fluide de type I, II ou IV utilisé pur ou mélangé à de l'eau. Le fluide utilisé est alors généralement appliqué chauffé avec une température d'au moins 60° à la sortie de la buse, avec une pression qui assure une efficacité maximale. Le dégivrage peut également être effectué avec de l'eau chaude seulement.

L'antigivrage peut être effectué avec un fluide de type I, II ou IV utilisé pur ou mélangé à de l'eau. Un fluide d'antigivrage est normalement appliqué non chauffé sur les surfaces non contaminées de l'avion. L'application se fait en réglant la buse de la lance d'arrosage de façon à donner un jet pulvérisé en forme de parapluie.

Le plus généralement sur les aéroports européens, on utilise un fluide de type I dilué pour assurer le dégivrage et un fluide de type II ou IV souvent pur pour l'antigivrage.

Les opérations de dégivrage et d'antigivrage peuvent, en fonction du contexte météorologique, être réalisées indépendamment ou consécutivement.

La protection contre les nouvelles contaminations assurée par l'antigivrage a une durée limitée qui peut varier en fonction de l'influence de facteurs autres que ceux propres aux produits utilisés, notamment les conditions météorologiques : humidité relative, vitesse du vent, radiations solaires. Les temps de protection associés au traitement d'un avion sont évalués par l'équipage selon des protocoles très précis prenant en compte l'heure précise de début du traitement d'antigivrage qui est communiquée aux pilotes par l'opérateur assurant le traitement. Ces durées de protection vont de quelques minutes (neige et pluie givrante) à 45 minutes (givre et gelée blanche) pour des produits de type I, et de quelques minutes (neige et pluie givrante) à 8 heures (givre et gelée blanche) pour des produits de types II et IV.

A noter que les glycols ont des durées de vie limitées et doivent être utilisés dans les deux ans suivant leur fabrication, une extension à trois ans étant possible après certains contrôles. La qualité des produits utilisés est testée lors des livraisons et avant chaque utilisation.

1.2.3. L'ORGANISATION DU DÉGIVRAGE : PRINCIPES GÉNÉRAUX

L'organisation des opérations de dégivrage est très variable d'une plate-forme aéroportuaire à l'autre.

Certains aéroports ont opté pour un dispositif centralisé où l'essentiel des opérations est réalisé sur des aires spécialisées, appelées aussi baies de dégivrage. Un tel dispositif centralisé permet une concentration des moyens et de la demande, et facilite la collecte des effluents et la prise en compte des contraintes environnementales. Sur d'autres aéroports, le dégivrage est effectué directement sur le poste de stationnement des avions. Sur certaines plates-formes, on pratique à la fois des opérations de dégivrage sur les postes de stationnement des avions et sur des aires spécialisées.

Pour ce qui est des intervenants, on rencontre aussi des situations variées.

Réglementairement, chaque compagnie est responsable du dégivrage et de l'antigivrage de ses avions : elle doit agréer et auditer tout ce qui est sous-traité à une autre entité, et décrire les procédures correspondantes dans le manuel d’exploitation de la compagnie (on trouvera en Annexe 4 des informations complémentaire sur la réglementation applicable aux opérations de dégivrage/antigivrage). Dans ces conditions, il est naturel que, sur nombre de plates-formes, les compagnies réalisent le dégivrage des avions avec leurs moyens propres ou en recourant à des sous-traitants.

Sur les grands aéroports, il peut être plus rationnel de centraliser ces opérations : l'activité est le plus souvent alors concentrée dans les mains d'un opérateur majeur local, mais des cas de concurrence existent aussi, associés à la position dominante d'une compagnie aérienne qui pratique l'auto-assistance.

On décrit dans les deux parties suivantes les organisations mises en place à CDG et Orly en matière de dégivrage/antigivrage. Ces deux organisations sont assez différentes l'une de l'autre :

– A CDG, ADP propose aux transporteurs la prestation de dégivrage, qui est sous-traitée à deux opérateurs. En complément, ADP offre les infrastructures nécessaires au service, assure un approvisionnement en produits de dégivrage, ainsi que la récupération et le traitement des effluents. Le dégivrage des avions est réalisé sur des aires de dégivrage spécialisées situées au seuil des pistes longues.

– A Orly, les opérations de dégivrage sont de la responsabilité des compagnies aériennes qui les réalisent elles-mêmes sur les postes de stationnement des avions ou les font réaliser par leurs assistants. Air France a ses propres moyens

de dégivrage, qui sont également utilisés par ses partenaires, et gère son stock de produits dégivrant de façon complètement autonome. ADP est simplement responsable de la mise à disposition des produits dégivrants pour les assistants qui fournissent le service aux autres compagnies et doit à ce titre offrir les infrastructures nécessaires au service, assurer un approvisionnement en produit de dégivrage et la récupération et le traitement des effluents.

1.2.4. L'ORGANISATION DU DÉGIVRAGE À CDG

Les moyens déployés

L'aéroport de CDG dispose de deux doublets de pistes, constitué chacun d'une piste longue et d'une piste plus courte. Les pistes longues sont en principe dédiées aux décollages et les plus courtes aux atterrissages. Les opérations de dégivrage et d'antigivrage (qui seront désignées par la suite lorsque le contexte est sans ambiguïté comme des opérations de dégivrage) sont réalisées sur des aires spécialisées situées à proximité des seuils des pistes longues.

La plate-forme dispose aujourd'hui de 13 aires dédiées, appelées aussi baies de dégivrage : 4 sont situées à proximité des seuils de chacune des pistes 9 Nord et 26 Sud et 2 aux seuils de chacune des pistes 27 Nord et 8 Sud ; une 13ème aire est située vers le centre de la plate-forme (voir l'Annexe 5). Ces aires de dégivrage sont dotées de postes de contrôle des opérations (un poste pour deux aires). Au cours de l'hiver 2009/2010, 60% des opérations de dégivrage ont été effectuées en configuration de décollage vers l'est, et 40% en configuration de décollage vers l'ouest. Du fait de ces deux configurations de décollage, 7 aires de dégivrage au plus peuvent être utilisées simultanément.

Plusieurs véhicules de dégivrage peuvent venir simultanément charger les produits de dégivrage sur 4 stations réparties près des 4 seuils de piste.

Six bassins de rétention sont situés à proximité des aires de dégivrage et permettent de récupérer les effluents des produits de dégivrage. Ces produits sont régulièrement pompés et envoyés dans une usine où ils sont détruits par évapo-incinération.

Pour ce qui concerne les véhicules de dégivrage, ADP dispose de 34 dégivreuses de marque Vestergaard, de type Éléphant Beta. Ces véhicules sont équipés d'un bras télescopique permettant une application de produit à une hauteur comprise entre 14 et 25 mètres suivant les modèles, de réservoirs permettant d'embarquer 4000 litres d'eau, 3000 litres de produit de type I et 1000 litres de produit de type II, d'un système mélangeur automatique pour l'eau et le produit de type I permettant d'obtenir des mélanges aux diverses concentrations régulièrement utilisées (40/60, 45/55, 50/50, 55/45, 60/40) et un dispositif permettant de chauffer l'eau jusqu'à 85/90° et le produit de type I jusqu'à 60°. Selon ADP, ce type de véhicule est l'un des plus performants actuellement disponibles sur le marché.

La qualité du produit est vérifiée à chaque utilisation pour chaque dégivreuse, par une technique de réfractométrie.

Le process dégivrage

Responsable du process global des opérations de dégivrage, ADP assure le déclenchement des opérations de dégivrage et le commandement des manœuvres depuis les postes de contrôle situés sur les aires de dégivrage. Le dégivrage est réalisé par deux sociétés : Alyzia, filiale d'ADP, et Gimas, société qui intervient en tant que sous-traitant. Alyzia assure les dégivrages sur 8 baies situées aux seuils 09 et 26 et Gimas sur 4 aires effectués aux seuils 08 et 27 ; ces deux sociétés interviennent toutes les deux sur la 13ème baie, Gimas entre 6h et minuit, Alyzia entre minuit et 6h. Alyzia mobilise pour cette activité 100 opérateurs, 19 chefs de poste, 4 superviseurs et 3 formateurs, et Gimas 60 opérateurs, 7 chefs de poste, 3 superviseurs et 3 formateurs. Les stocks de glycol sont gérés et réapprovisionnés par l'unité opérationnelle neige d'ADP qui assure le déneigement des pistes.

Les opérations de dégivrage sont décrites dans le manuel opérationnel du processus « Assurer le dégivrage et l'antigivrage des aéronefs au sol » d'ADP (édition de septembre 2010).

Le dégivrage d'un appareil est normalement effectué par 4 dégivreuses intervenant simultanément (2 pour un avion à hélice mais 6 pour l'A380). En fonction du travail à effectuer et du type d'appareils concernés, le temps d'intervention pour une opération de dégivrage/antigivrage peut varier de quelques minutes à une demi-heure.

Le service de la navigation aérienne de la région parisienne (SNA-RP) de la DGAC est également impliqué dans le processus. Dès qu'il neige, ce service fixe le nombre de départs et d'atterrissages pouvant être réalisés par heure, en tenant compte des limitations imposées par le déneigement des pistes et des voies de circulation et par la capacité du dispositif de dégivrage. Ce service gère également l'acheminement des avions vers les aires de dégivrage. Les temps de protection après dégivrage étant limités, il importe en effet d'assurer un enchaînement très précis des opérations depuis le moment où un pilote demande une prestation de dégivrage jusqu'au décollage. La taille de la plate-forme et l'importance des temps de roulage est à cet égard un facteur de complexité supplémentaire.

Par ailleurs, Air France assure à CDG, sur les postes de stationnement, l'antigivrage de ses avions appelés à décoller tôt le matin. La compagnie utilise du glycol de type IV qui assure les meilleurs temps de protection. Elle dispose à cette fin d'un parc de 5 dégivreuses. Ce mode opératoire assure une protection contre le givre mais, en cas de chutes de neige dans la nuit, il faut au matin procéder à un cycle complet de dégivrage/antigivrage avant le décollage.

Le dégivrage est une opération sensible et très auditée. Cette activité fait à CDG l'objet de 20 à 30 audits par an, audits qui sont réalisés par la DGAC, mais aussi par des organismes de contrôle étrangers et par les compagnies aériennes elles-même. Les contrôles récents de la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) de la DGAC n'ont mis en évidence aucune carence grave pour les activités de dégivrage à CDG.

Quelques éléments sur les prestations de dégivrage des années précédentes

5973 avions ont été dégivrés durant l'hiver 2009/2010 dont 26 A380, 1361 avions à fuselage large et 4586 avions à fuselage étroit ou turbopropulseurs.

La durée d'ouverture des aires sur les deux derniers hivers 2008/2009 et 2009/2010 est relativement stable : autour de 1200 heures, 1500 heures et 1000 heures respectivement en décembre, janvier et février. Durant hiver 2009/2010, 133 compagnies aériennes ont fait traiter leurs avions, mais deux compagnies représentent à elles seules 86% des vols traités : Air France avec 3625 avions traités (61% du total), et easyJet avec 1497 avions traités (25%). Aucun autre transporteur n'a fait traiter plus de 100 avions.

Développements récents du dispositif et développements envisagés

Pour l'hiver 2010-2011, une série de mesures visant à améliorer et fiabiliser les prestations a été réalisée dès le début de la saison :

– fiabilisation des approvisionnements, grâce notamment à la possibilité de commander des produits 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 ;

– augmentation de la capacité de stockage des produits de dégivrage (voir la partie 1.3) ;

– mise en œuvre d'un procédé d'autocontrôle par les opérateurs de dégivrage, permettant une augmentation significative de la capacité de traitement des aires ;

– application informatique dédiée (GILDAAS) pour améliorer la productivité et de la qualité des prestations.

Par ailleurs, ADP a engagé en 2010 un projet visant à dégivrer certains avions sur leurs postes de stationnement. Le dispositif envisagé vise à accroître la capacité de départs des avions moyen-courrier courrier le matin, en cas de fortes sollicitations des aires dédiées. Il doit initialement concerner 16 postes de stationnement situés face aux terminaux 2F et 2D, postes qui sont compatibles avec un dégivrage sur site et peu éloignés des seuils de piste. Le mode opératoire envisagé repose sur l'utilisation simultanée de 2 dégivreuses par poste de stationnement. ADP estime que le gain en capacité généré s'élèvera à 4 à 6 (voire 8) départs supplémentaires par heure, en sus de la capacité actuelle qui est d'environ 35 départs par heure avec les 7 baies actuelles. ADP a acquis 4 nouvelles dégivreuses dédiées à cette prestation, qui devrait être assurée par Gimas.

Le projet a fait l'objet d'une concertation tout au long de l'année 2010 avec Air France et le SNA-RP. Le calendrier initial prévoyait de démarrer la mise en œuvre à partir du 15 décembre 2010. Tout en ayant bien progressé (avec notamment un test réalisé sur un avion le 8 décembre par ADP au terminal D), le projet a pris un peu de retard et le déploiement opérationnel du dispositif n'a pas pu démarrer en décembre 2010.

En outre, ADP compte développer la capacité de dégivrage de CDG en réaménageant à l'horizon de l'hiver 2013-2014 les aires de dégivrage positionnées au seuil de la piste 08 Sud et en y installant deux aires supplémentaires (passage de 2 à 4) ; à plus long terme, il est prévu d'installer aussi deux aires supplémentaires au seuil de la piste 27 Nord.

Rémunération du service et enquêtes de satisfaction

Le service de dégivrage fait l'objet d'une redevance, dont les tarifs comprennent une part variable et une part fixe. Le montant de la part fixe est dû à chaque atterrissage et la part variable est due pour chaque opération de dégivrage effectuée. A titre indicatif, les tarifs appliqués durant l'hiver en cours sont respectivement de 112,65 € et 4006,22 € HT pour un appareil à fuselage large de type A 330.

ADP procède régulièrement à des enquêtes annuelles de satisfaction, notamment sur les prestations de dégivrage. La dernière enquête montre que 67% des clients (qui ont répondu), dont des clients importants comme Air France, British Airways, easyJet et Lufthansa, se déclarent satisfaits de la qualité globale de la prestation fournie.

1.2.5. L'ORGANISATION DU DÉGIVRAGE À ORLY

À Orly, les opérations de dégivrage sont de la responsabilité des compagnies aériennes qui les réalisent elles-mêmes ou les font réaliser par leurs assistants. ADP offre les infrastructures nécessaires au service, assure la récupération et le traitement des effluents et pour certaines compagnies un approvisionnement en glycol de type II. Air France a mis en place ses propres moyens de dégivrage qui sont également utilisés par ses partenaires et gère son stock de glycols (de types II et IV) de façon autonome.

Il y a à Orly 4 opérateurs de dégivrage des avions, qui disposent au total de 16 dégiveuses :

– Air France, qui met en œuvre 5 dégivreuses pour ses avions et ceux de ses partenaires,

– et 3 assistants en escale : WFS qui dispose de 4 dégivreuses, Groupe Europe Handling (GEH) et Alysia qui disposent de 2 dégivreuses chacune. Ces 2 derniers assistants font appel pour compléter leurs moyens à un sous-traitant commun, l'entreprise Samsic, qui dispose de 3 dégivreuses.

Des améliorations ont été apportées récemment au dispositif de dégivrage et de déverglaçage ou sont en cours :

– augmentation de la capacité de stockage (voir la partie 1.3) ;

– amélioration apportée au dispositif d'épandage de déverglaçant pour améliorer le temps de remplissage des épandeurs ;

– réflexion engagée pour le développement de nouveaux modes d'utilisation des déverglaçants (épandage mixte liquide/solide) ;

– réflexion en cours pour fiabiliser les délais d'approvisionnement par une modification des clauses des marchés de fourniture.

1.3. LES PRODUITS DE DÉGIVRAGE

Cette partie présente la politique et le dispositif mis en place par ADP pour gérer l'approvisionnement et le stockage de CDG et Orly en produits utilisés pour le dégivrage des avions et pour le déneigement/déverglaçage des pistes et voies de circulation.

1.3.1. PRODUITS UTILISÉS ET FILIÈRES DES FOURNISSEURS

Produits utilisés

A CDG et Orly, le dégivrage des avions est effectué à l'aide de glycols aéronautiques de types I, II et IV, respectivement à usage de dégivrant pour le premier et d'antigivrant pour les deux autres. Ces produits sont fabriqués à partir d'une matière première, le monopropylène glycol (MPG), résultant de l'hydrolyse d'oxyde de propylène (dérivé pétrolier). Ils incorporent de nombreux additifs (agents tensioactifs, agents épaississants, inhibiteurs de corrosion, agents limitant la formation de mousse, colorants alimentaires...) qui représentent de 1 à 5 % du produit.

Le déverglaçage des pistes et voies de circulation est effectué à l'aide de formiate de potassium liquide. Ce produit comporte aussi divers additifs. Du formiate de sodium (solide) est également utilisé pour les traitements curatifs lors d'évènements conduisant à la formation de couches de glace épaisses et lorsque les températures sont très basses. Le sable aéronautique peut, le cas échéant, contribuer au traitement de voies de circulation.

Filières de production

Le monopropylène glycol, produit de base des glycols aéronautiques, est fabriqué par un petit nombre de grandes sociétés chimiques : Dow Chemical, BASF, Ineos Oxide, Repsol et LyondellBasell. Les secteurs utilisateurs de cette matière première sont le médical, la plasturgie, les cosmétiques, l'agro-alimentaire, les peintures, vernis et solvants et les fluides caloporteurs (comme le fréon). Les lieux de production européens sont situés en Allemagne, en Suisse, en Roumanie, en Pologne, en Espagne (Repsol), et en France, l'usine de LyondellBasell à Fos-sur-Mer étant la seule usine française.

Les adjuvants, mélanges propres à chaque fabricant, dans lesquels réside leur savoir-faire stratégique, sont commercialisés par des distributeurs, les volumes étant trop faibles pour être achetés auprès de fabricants. Ces distributeurs sont principalement

Brenntag en Allemagne, Univar en France et Quaron. Les produits distribués sont en provenance de France, des États-Unis, d'Allemagne et d'Italie. Ils sont utilisés principalement par les fabricants de lessives et de shampooings, l'utilisation pour le glycol venant au second plan.

On compte 3 fabricants de glycols aéronautiques en Europe : Clariant (Suisse), Kilfrost (Royaume-Uni) et Abax (France). Leurs parts de marché respectives sont, selon ADP, de 60 % pour Clariant, 25 % pour Kilfrost et 15 % pour Abax. Ces industriels proposent plusieurs familles de produits comme des détergents, des décapants, des dégraissants et des produits saisonniers dont les glycols aéronautiques, qui ne sont pas des produits privilégiés par les fabricants.

La capacité de production de Clariant est supérieure à 500 000 litres par jour ; celle d'Abax est proche de 300 000 litres par jour, avec une extension en cours à 400 000 ; la capacité de Kilfrost n'est pas connue précisément, mais devrait se situer à un niveau intermédiaire entre les deux précédentes.

Les usines sont implantées de la façon suivante :

– en France dans l'Essonne pour Abax ;

– en Grande-Bretagne pour Kilfrost ;

– à Gendorf près de Munich en Allemagne pour Clariant (ainsi qu'à Göteborg en Suède et Aruna en Finlande, pour du glycol de type I seulement).

Les clients européens de ces 3 sociétés sont les suivants :

– pour Abax : tous les aéroports français à l'exception de CDG, les aéroports anglais (sauf ceux de BAA), belges (Bruxelles, Liège, Oostand, Charleroi), hollandais (Rotterdam), hongrois et tchèques, ainsi qu'Air France à Orly pour des produits de type IV ;

– pour Clariant : CDG en glycols de type I et II, les aéroports allemands (sauf pour le type IV à Francfort), les aéroports d'Autriche, du Danemark, de Finlande, de Norvège, de Suède et des pays de l'Est (Kiev, Moscou…) ;

– pour Kilfrost : les aéroports suisses, ceux de BAA en Grande-Bretagne, Francfort pour le type IV et Amsterdam partiellement.

Il faut noter par ailleurs que le formiate de potassium n'est pas fabriqué sur le territoire français. Quatre sociétés industrielles se partagent le marché des déverglaçants sur les aéroports français : Abax, Clariant, Cryotech et Kemira

1.3.2. APPROVISIONNEMENT DES AÉROPORTS PARISIENS

La politique d'approvisionnement d'ADP, tant pour les produits de dégivrage que pour les produits de déverglaçage, vise à dimensionner les capacités de stockage de façon à pouvoir faire face aux évènements climatiques prévisibles sur la base des consommations des années précédentes, et à gérer les stocks sur un principe de renouvellement permanent afin de les maintenir à leur niveau maximal.

On décrit successivement ci-dessous les approvisionnements et les capacités de stockage de chacun des aéroports, CDG et Orly, en dégivrants et en déverglaçants.

Produits de dégivrage à CDG

Les produits utilisés sont fournis à ADP par la société Clariant Distribution. Il s'agit d'un produit de type I utilisable à différentes concentrations et d'un produit de type IL Ces fluides répondent aux normes ISO 11075 et 11078 ainsi qu'aux normes AMS 1424 et 1428 de la SAE (Society of Automotive Engineers).

Le marché de fourniture de produits de dégivrage pour CDG, en date du 30 juin 2008, d'une durée d'un an reconductible deux fois pour des périodes annuelles, a été passé au vu d'un rapport de présentation estimant la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sur la base des consommations des trois hivers précédents. Il prévoit un stock tampon, propriété de Clariant, pour des quantités qui doivent en permanence dépasser 132 000 litres de type I et 22 000 litres de type IL II comporte également un engagement du titulaire à fournir en 24 heures, sur demande d'ADP, une quantité minimale de 88 000 litres de produit de type I et de 44 000 litres de type IL Au regard des consommations de la période de référence, ces dispositions apparaissent convenablement calibrées. Le non-respect du délai de livraison se traduit par des pénalités significatives : jusqu'à la moitié du prix de la commande si le retard est supérieur à 3 heures.

La capacité de stockage d'ADP a été augmentée au début de l'année 2010 pour la porter de 600 000 litres fin 2009 à 948 000 litres à l'été 2009, pour le glycol de type I. La capacité de stockage du glycol de type II est de 286 000 litres, inchangée par rapport à l'année 2009. De plus, ADP a encore accru en novembre 2010 sa capacité de stockage de 374 000 litres, portant la capacité totale de stockage à 1 600 000 litres (pour les glycols de type I et II), légèrement supérieure à celle de l'aéroport de Munich. Cependant, les conditions d'approvisionnement des premières semaines de l'hiver 2010-2011 n'ont pas permis de mobiliser ce dernier potentiel supplémentaire.

4 stations de stockage sont situées au niveau des seuils de piste. Il en est de même pour le stock-tampon propriété de Clariant, qui constitue une réserve de capacité supplémentaire.

Ces capacités de stockage sont à mettre en regard des consommations annuelles :

- durant l'hiver 2008-2009, 1 474 219 litres de glycol de type I et 157 778 litres de glycol de type II ;

- durant l'hiver 2009-2010, 1 794 219 litres de glycol de type I et 157 936 litres de glycol de type IL

L'évolution des consommations sur les cinq derniers hivers est présentée dans le graphique ci-dessous (source ADP).

La taille du stock de glycol de type I au début de l'hiver 2010-2011, 890 000 litres, est supérieure à la moyenne de la consommation hivernale sur les 5 dernières années, et correspond à elle seule plus de la moitié de la consommation de l'hiver précédent, qui était considéré jusqu'à présent comme exceptionnel. Cependant, le graphique montre aussi la forte croissance de la consommation sur les 4 derniers hivers, et met en évidence que la consommation au cours des dernières semaines de 2010 est déjà supérieure à celle de tout l'hiver 2009-2010 (voir le chapitre 2).

Produits de déverglaçage à CDG

Le formiate de potassium provient de l'entreprise Abax. Il est livré en 24 heures pour une quantité pouvant aller jusqu'à 200 000 litres. Le fournisseur est dans l'obligation de constituer à proximité de CDG un stock tampon d'au moins 200 000 litres.

Le stockage du formiate est réparti sur 4 sites ayant au total une capacité de 640 000 litres. Les camions d'épandage peuvent contenir 60 000 litres, ce qui porte le stock maximal à 700 000 litres (dont une augmentation de capacité de 200 000 litres au cours de l'année 2010).

Des informations complémentaires sur les stocks de formiate et la consommation en décembre 2010 sont données en Annexe 6.

Produits de dégivrage à Orly

Le glycol acheté par ADP, de type II, est fourni par Abax, dont l'usine est située à 7 kilomètres d'Orly. ADP dispose de 2 stations de stockage, d'une capacité maximale cumulée de 240 000 litres (très supérieure à la capacité de stockage de l'année précédente : 90 000 litres). Dès qu'une quantité au moins égale à 20 000 litres est prélevée, il est procédé à une nouvelle commande.

Air France, qui utilise son propre glycol, dispose d'une capacité de stockage de 105 000 litres pour le glycol de type I et de 48 000 litres pour le glycol de type II.

Produits de déverglaçage à Orly

Le formiate de potassium liquide provient aussi de l'entreprise Abax, qui a obligation de fournir le produit à chaque demande et sous 24 heures. Les capacités de stockage des cuves sont de 180 000 litres. Avec les camions d'épandage qui peuvent contenir 40 000 litres, la capacité totale de stockage de formiate est de 220 000 litres.

Des informations complémentaires sur les stocks et la consommation en décembre 2010 des produits de dégivrage et de déverglaçage à Orly sont données en Annexe 7.

1.4. COMPARAISON AVEC DES GRANDS AÉROPORTS EUROPÉENS

La DGAC et ADP ont procédé au cours de l'été 2010 à une étude comparative de l'organisation du dégivrage des avions sur quelques grands aéroports européens : Amsterdam-Schiphol, Francfort, Munich et Londres-Heathrow.

L'activité de ces aéroports est comparable à celle de CDG, tant pour le nombre de vols (départs et arrivées) au cours de l'année 2009 que pour le nombre de dégivrages d'avions pendant l'hiver 2009-2010 :

– Amsterdam-Schiphol : 454 000 vols, 5 500 dégivrages ;

– Francfort : 492 500 vols, 8 750 dégivrages ;

– Munich : 431 800 vols, 6 900 dégivrages ;

– Londres-Heathrow : 481 500 vols, 4 500 dégivrages ;

– CDG : 552 700 vols, 6 150 dégivrages.

Cette étude porte sur :

– les stratégies retenues pour assurer le dégivrage (dégivrage centralisé sur des aires dédiées ou dégivrage en poste de stationnement),

– les intervenants du dégivrage (compagnies aériennes ou gestionnaire de l'aéroport),

– les infrastructures et moyens déployés (aires de dégivrage, nombre de dégivreuses),

– et la capacité de stockage des produits.

1.4.1. ORGANISATION ET CAPACITÉ DE DÉGIVRAGE

Opérateurs du dégivrage

A Francfort et à Munich tout comme à CDG, un seul opérateur est responsable des opérations de dégivrage. A Amsterdam-Schiphol, il y a 4 opérateurs, mais KLM (qui pratique l'auto-assistance et offre des prestations de dégivrage à d'autres compagnies) effectue 90% des dégivrages. A Londres-Heathrow, il y a 9 opérateurs, dont British Airways qui réalise à elle seule 40% des dégivrages. A Orly, il y a aussi 4 opérateurs.

Organisation

Sur certains aéroports, le dégivrage est réalisé en totalité ou en très grande partie sur des aires dédiées au dégivrage. C'est le cas :

– à 90% à Amsterdam-Schiphol, qui dispose de 6 aires utilisables simultanément pour un sens d'utilisation des pistes donné,

– à 95% à Munich Airport (6 aires),

– et à 100% aujourd'hui à CDG (7 aires simultanément actives, et un projet de développer le dégivrage sur poste de stationnement).

A Londres-Heathrow, le dégivrage est assuré uniquement sur les postes de stationnement (un dispositif pour assurer un dégivrage centralisé sur les voies de circulation est à l'étude). C'est également le cas à Orly. Francfort pratique le dégivrage sur poste de stationnement et dispose d'une aire de dégivrage (pour 10% des dégivrages), l'ouverture d'une 2ème aire étant envisagée en 2012.

Capacité de dégivrage

Le dispositif de dégivrage de CDG permet, lorsque le givre ou la neige ne posent pas de difficultés particulières, de traiter un nombre d'avions par heure proche de 50% du nombre maximal d'avions qui peuvent décoller en une heure par beau temps. A Francfort et à Munich, ces ratios sont respectivement de 70% et 100%.

Ceci montre que CDG, qui est la plate-forme qui a accueilli en 2009 le plus de vols parmi les aéroports considérés dans ces comparaisons, a une capacité de dégivrage par rapport au nombre maximal de vols au niveau de celle d'Amsterdam-Schiphol, mais moindre que celles de Munich ou Francfort qui connaissent un climat plus rigoureux. ADP a des projets de création de 4 aires supplémentaires et de mise en place d'un dispositif d'appoint de dégivrage sur aires de stationnement pour augmenter cette capacité.

Parcs de dégivreuses

Les trois aéroports sur lesquels il y a un opérateur unique utilisent des dégivreuses de marque Vestergaard. Francfort dispose de 42 dégivreuses, Munich de 24 et CDG de 34. Amsterdam-Schiphol dispose de 44 dégivreuses (dont 34 appartiennent à KLM) et

Londres-Heathrow de 45 (dont 21 appartiennent à British Airways). Pour mémoire, les 4 opérateurs d'Orly utilisent en tout 14 dégivreuses.

1.4.2. PRODUITS UTILISÉS ET CAPACITÉ DE STOCKAGE

L'usage le plus répandu est d'utiliser du glycol de type I (mélangé avec de l'eau dans des proportions variables) pour le dégivrage, et du glycol de type II ou IV, le plus souvent pur, pour l'antigivrage.

La gestion des stocks de produits de dégivrage durant l'hiver 2009/2010 a été critique pour tous les grands aéroports européens, notamment du fait que les moyens de livraison des fournisseurs étaient eux-mêmes impactés par les intempéries et que l'offre était limitée au regard d'un pic de demande exceptionnel.

Les capacités de stockage à la date de l'étude (été 2010) et les produits utilisés sont indiqués ci-dessous :

– L'opérateur du service de dégivrage à Francfort, N*ICE, utilise des glycols de types I et IV fournis par Kilfrost. Il dispose de capacités de stockage de 260 000 litres pour le glycol de type I et de 222 000 litres pour le glycol de type IV.

– L'opérateur du service de dégivrage à Munich, EFM, utilise des glycols de types I et IV fournis par Clariant. Les capacités de stockage sont de 1 370 000 litres pour le glycol de type I et de 240 000 litres pour le glycol de type IV.

– A Londres-Heathrow, British Airways utilise uniquement du glycol de type IV fourni par Kilfrost, avec une capacité de stockage de 352 000 litres.

– A Amsterdam-Schiphol, les capacités de stockage sont de 66 000 litres pour le glycol de type I et 22 000 litres pour le type II (et des capacités de stockage à proximité de 230 000 litres). Ces fluides sont fournis par Kilfrost. Par cette étude ou par d'autres voies, la mission a réuni des informations sur les capacités de stockage d'autres aéroports :

– à Zurich, 240 000 litres pour le glycol de type I et 246 000 litres pour le glycol de type II ;

– à Vancouver, 253 000 litres pour le glycol de type I (plus 120 000 litres à l'extérieur de l'aéroport) et 84 000 litres pour le type II ;

– à Montréal, 900 000 litres pour les glycols de type I et IV (pour une consommation hivernale de 4 000 000 litres).

Aujourd'hui, CDG a une capacité totale de 1 600 000 litres.

2. L'ÉPISODE NEIGEUX DES 23 ET 24 DECEMBRE A CDG

L'épisode neigeux des jeudi 23 et vendredi 24 décembre a fortement perturbé le fonctionnement de l'aéroport CDG (et celui d'Orly dans une moindre mesure). Ce chapitre fournit une chronologie et une analyse des évènements, élaborées à partir des éléments communiqués à la mission par ADP, Air France et la DGAC. Il décrit aussi la problématique de la baisse de capacité des aires de dégivrage constatée à CDG le jeudi 23 en fin de journée, et la baisse du stock de produits de dégivrage, et il analyse l'impact de ces baisses sur l'exploitation de l'aéroport.

2.1. LA GESTION DES OPÉRATIONS LORS D'UN ÉPISODE NEIGEUX

Avant d'analyser en détail la chronologie des évènements, il est utile de décrire le fonctionnement opérationnel d'un aéroport au cours d'un épisode neigeux.

2.1.1. LE CDM (Collaborative Decision Making)

ADP a été dès 2008 un des premiers aéroports européens à se doter, à CDG, d'une structure de prise de décision coordonnée, nommée CDM, qui réunit l'ensemble des acteurs d'une plate-forme aéroportuaire. Les effets bénéfiques de telles structures sont maintenant bien établis et leur mise en place est appelée à se généraliser à l'ensemble des aéroports.

Le CDM est actif en permanence et repose sur une coopération étroite entre les acteurs opérationnels de l'aéroport : ADP, le service de la navigation aérienne de la région parisienne (SNA-RP), Météo-France et les opérateurs aériens de la plate-forme dont Air France, partenaire stratégique compte tenu de l'importance de son activité sur les plates-formes parisiennes. Cette coopération est effective toute l'année et constitue un lieu d'échange d'informations en temps réel, dans une salle dédiée appelée le « plateau CDM ».

Le CDM dispose d'outils spécialement développés à son intention, notamment des outils d'évaluation de la situation météorologique de la plate-forme aéroportuaire qui sont très régulièrement mis à jour, et d'un outil d'aide à la gestion locale des départs pour qu'elle soit aussi fluide que possible.

Lorsque des perturbations importantes sont attendues, ce dispositif prend une autre dimension : il est complété par une coordination de haut niveau assurée directement par la DGAC, le plus souvent dans le cadre d'audioconférences ouvertes à toutes les parties intéressées. Cette coordination exceptionnelle est nécessaire en cas d'épisodes neigeux, pour pouvoir prendre sans délai les décisions qui s'imposent. La transparence instituée

par ce mécanisme auquel plus de 200 correspondants peuvent être associés, notamment toutes les compagnies desservant la plate-forme, contribue à son efficacité pour gérer les crises.

2.1.2. L'EXPLOITATION DURANT UN ÉPISODE NEIGEUX

Lorsque la situation météorologique impose la réalisation d'opérations de dégivrage des avions et lorsqu'il faut déneiger ou déverglacer les pistes et voies de circulation, les capacités de l'aéroport sont bien entendu réduites.

Il faut rappeler la situation nominale, correspondant au fonctionnement optimal de l'aéroport, par beau temps. À cette période de l'année, CDG accueille environ 1400 vols par jour, 700 à l'arrivée et 700 au départ. L'aéroport offre une capacité nominale de traitement de 75 décollages et de 69 atterrissages par heure.

Lors d'un épisode neigeux, 7 aires de dégivrage peuvent fonctionner simultanément à CDG et chaque aire peut traiter jusqu'à 5 avions à l'heure lorsque la neige n'est pas trop « collante » : la capacité de la plate-forme est alors au maximum de 35 départs à l'heure, soit un peu moins de la moitié de la capacité nominale.

Un épisode neigeux induit donc mécaniquement des retards dans la réalisation du programme de vols, retards qu'il est très difficile de résorber dans les heures qui suivent. C'est pourquoi il est courant de réduire préventivement le niveau d'activité aérienne en cas de prévision d'épisode neigeux significatif. Les décisions d'abattement des programmes de vols sont prises par la DGAC dans le cadre d'une audioconférence avec les acteurs et annoncées par un message adressé aux compagnies aériennes (NOTAM). La DGAC ne fixe qu'un niveau global de réduction du trafic, qui s'applique uniformément à toutes les compagnies ; il revient à chaque compagnie de réajuster son programme et de fixer ses priorités.

Le niveau de l'abattement est fonction des caractéristiques des évènements météorologiques attendus et des niveaux de trafic prévus. Ces décisions d'abattement doivent être prises suffisamment tôt pour permettre aux compagnies d'informer les passagers des vols annulés. Par ailleurs, elles ne peuvent être prises très longtemps avant un épisode neigeux annoncé, car il est essentiel de disposer de prévisions météorologiques précises pour bien ajuster le niveau de l'abattement du programme de vols.

2.2. CHRONOLOGIE DÉTAILLÉE POUR LE TRAFIC AÉRIEN

L'épisode des 23 et 24 décembre s'inscrit dans une séquence plus longue qui a fortement perturbé le trafic aérien, et qu'il est utile de rapidement retracer ici.

2.2.1. LES JOURS PRÉCÉDANT LE 23 DÉCEMBRE

Dès le samedi 18, des chutes de neige inhabituelles paralysent plusieurs aéroports européens, notamment Londres-Heathrow qui ferme son exploitation vers midi. A Paris, la DGAC décide à 12h30 un abattement de 15% du trafic entre 16 heures et 23 heures. La neige et le vent traversier perturbent fortement le trafic en fin de journée. In fine, 126 vols sont annulés sur l'ensemble de la journée (soit 10% des vols prévus). Environ 1 500 passagers passent la nuit suivante dans l'aéroport, dont un grand nombre de passagers déroutés de Londres que leur compagnie n'a pu héberger en hôtel.

Le dimanche 19 décembre, le trafic aérien est toujours fortement perturbé en Europe ; en particulier Londres-Heathrow est toujours fermé. À CDG, de fortes chutes de neige débutent dès 06h30 et le nombre de vols est limité au cours de la matinée. En milieu de journée, la DGAC décide un abattement du programme de vols de 40% à partir de 16h00. Après la fin des précipitations neigeuses à 12h45, l'aéroport retrouve progressivement sa capacité, et deux pistes fermées le matin sont réouvertes au cours de l'après-midi. Les 7 aires de dégivrages restent opérationnelles toute la journée, et même au-delà de minuit. Au total, 50% des vols de la journée sont annulés. Environ 4000 passagers passent la nuit suivante dans l'aéroport.

Alors que Météo-France ne prévoyait la veille au soir que des neiges faibles et intermittentes, un nouvel épisode neigeux plus important que prévu touche l'Ile-de-France dès la fin de cette nuit : à CDG, les chutes de neige commencent à 05h00, le lundi 20, et durent jusqu'à 11h30. A 06h00, la DGAC demande aux compagnies un abattement de 30 % des programmes sur la journée. Entre 7h30 et 13h00, les arrivées sont limitées aux avions déjà en vol. Alors que d'autres aéroports européens connaissent des difficultés considérables (Bruxelles qui ferme à son tour, Londres, Francfort, etc.), les déroutements vers CDG sont interdits jusqu'à 23h30. Au total, 35% des vols de la journée sont annulés. Environ 4 000 personnes vont encore passer la nuit suivante dans l'aéroport.

Mardi 21 décembre, une faible visibilité perturbe le trafic une bonne partie de la journée. De plus, les difficultés rencontrées par d'autres aéroports européens tels ceux de Francfort, Londres ou Dublin qui ferme à son tour, perturbent les rotations des avions et conduisent à des retards significatifs. Cependant, l'essentiel du programme de la journée est réalisé. Le nombre de passagers devant passer la nuit dans les terminaux retombe à 400 environ.

Le mercredi 22 décembre, Météo-France prévoit un événement neigeux en fin d'après-midi et pour la nuit du 22 au 23 sur l'Ile-de-France. Mais la chute de neige ne commence que vers 20h00 et le programme de vols est peu affecté : moins de 5% des vols de la journée sont annulés. Pour la première fois depuis le week-end, il n'y a pas de passagers en attente dans les aérogares la nuit suivante.

De cette séquence, il faut retenir que les épisodes des 23 et 24 décembre sont intervenus après plusieurs jours de forte tension, de perturbations nombreuses pour les rotations des avions, et de retards importants pour les passagers. Le 22 décembre, la situation se « normalise » pour la première fois depuis 5 jours, mais la fatigue s'est accumulée pour les personnels des opérateurs du trafic aérien. La journée du 23 décembre s'annonce très lourdement chargée : 1402 vols sont inscrits au programme et les avions sont extrêmement pleins du fait des retards accumulés les jours précédents et de l'approche de Noël. On verra plus loin (dans la partie 2.3) que la séquence des épisodes survenus depuis quelques jours a aussi créé une tension forte sur le niveau des produits de dégivrage disponibles.

2.2.2. JEUDI 23 DÉCEMBRE

Le 22 décembre au matin, les prévisions météorologiques annoncent de la neige sur CDG pour la nuit du 22 au 23 puis à partir de l'après-midi du 23. Sur cette base, la DGAC décide dès le 22 au matin un abattement du programme de vols de 25% pour la journée du 23. Compte tenu de l'amélioration des prévisions météo, cet abattement est ensuite ramené à 20% (le 22 à 12h30).

Le 23 au matin, la météorologie prévoit un épisode neigeux à partir de 17h00, d'abord faible puis soutenu à partir de 21h, devant durer jusqu'au matin du 24, et accompagné d'un fort vent traversier. En réalité, l'épisode neigeux commence dès 11h00 et durera jusqu'au vendredi 24 vers midi.

Les doublets de pistes sont déneigés alternativement, mais la capacité est surtout réduite par la nécessité de dégivrer les avions, avec une neige particulièrement collante qui allonge les temps de traitement : de toute la journée, la capacité de dégivrage ne sera pas supérieure à 27 avions par heure. À l'audioconférence de 12h30 au CDM, ADP signale cette forte adhérence de la neige qui handicape les opérations de dégivrage, et mentionne aussi des problèmes de glissance des pistes et des voies de circulation. Jusqu'à 16h00, le déroulement des opérations ne laisse pas augurer de difficultés majeures : les conditions sont difficiles mais permettront, si elles se maintiennent, d'assurer la réalisation de la fin du programme de vols (compte tenu de l'abattement de 20% décidé la veille) en prolongeant l'exploitation jusqu'à 2 heures du matin.

À l'audioconférence de 16h00 organisée par la DGAC, ADP mentionne pour la première fois des tensions sur les stocks de produits de dégivrage. Ces tensions semblent pouvoir être gérées jusqu'au lendemain soir en utilisant pour les opérations de dégivrage du glycol de type II (habituellement réservé à l'antigivrage) dilué d'eau. Ce procédé est utilisé sur certains aéroports et Air France, consulté la veille par ADP, a donné son accord sur ce point.

Cependant, la situation se dégrade très rapidement à partir de 16h30. La capacité globale de dégivrage, qui s'élève à 27 avions par heure à 16h30, diminue fortement, jusqu'à 12 avions par heure à 18h00. Elle fluctuera ensuite à des niveaux assez bas au cours de la soirée (20 avions/heure à 19h00, 14 avions/heure vers 20h30, 20 avions/heure vers 22h00) et ne retrouvera un niveau proche de 25 avions/heure que vers minuit. Les causes de cette baisse de capacité de dégivrage de la plate-forme aéroportuaire sont analysées dans la partie 2.3 ci-dessous.

Lors de l'audioconférence organisée à 20h00 par la DGAC, on constate que 60 à 80 départs risquent de ne pouvoir être assurés. ADP mentionne que ses stocks de produits de dégivrage permettront bien de passer la soirée et évoque des problèmes possibles pour le vendredi. La DGAC demande à ADP de préparer un point précis sur ses stocks de glycol pour la prochaine audioconférence.

Lors de la dernière audioconférence de la journée, organisée à 22h, on constate une remontée des capacités de dégivrage. Il reste alors 134 vols au départ. ADP indique avoir pris des dispositions pour permettre aux équipes de dégivreurs de travailler tard dans la nuit. Un calcul montre qu'au mieux 75 départs pourront être assurés d'ici à 1 heure du matin. Les compagnies devront réduire leurs programmes de vols au départ pour la fin de soirée. Il y aura ainsi environ 60 annulations « à chaud », concernant plusieurs milliers de passagers. Une part significative de ces annulations ont lieu après l'embarquement des passagers dans l'avion (13 avions pour la seule compagnie Air France) ; parfois, l'avion ramène les passagers à l'aérogare plusieurs heures après les avoir embarqués. D'autres avions qui ont la chance de décoller ne le font que plusieurs heures après l'embarquement. C'est évidemment le cœur de la crise, et le moment des plus grandes difficultés pour les passagers, les équipages et les compagnies aériennes. Comme on peut s'y attendre, les défauts d'information et de « traitement » des passagers sont nombreux au cours de cette soirée de crise.

Les opérations se poursuivent jusqu'à 2 heures du matin. Au total, pour la journée du 23 décembre ainsi étendue, 23% des vols sont annulés (par rapport au programme initial). Un peu plus de 1 500 passagers passent la nuit dans les terminaux.

2.2.3. VENDREDI 24 DÉCEMBRE

Au cours de l'audioconférence de 22h00, le 23 décembre, ADP donne des informations détaillées sur les stocks et les approvisionnements de glycol (voir la partie 2.3). Ces informations font apparaître un risque de rupture de stock au cours de la journée du 24 décembre. Par ailleurs, les prévisions météorologiques annoncent la poursuite des chutes de neige jusque dans l'après-midi du 24. Après concertation avec tous les acteurs, la DGAC décide (en fin d'audioconférence, entre 0h00 et 0h30) un abattement de 50% du programme des vols pour la matinée du 24 décembre. Elle publie un communiqué de presse qui fait apparaître deux motivations de cette décision : les « températures négatives » prévues pour la matinée du vendredi 24, et les « problèmes d'approvisionnement de liquide pour dégivrer les avions ». La DGAC a indiqué à la mission que ce niveau très élevé d'abattement prenait aussi en compte la désorganisation probable des rotations des avions le vendredi matin, conséquence des désordres du jeudi soir.

Le 24 décembre au matin, la neige continue à tomber faiblement mais Météo-France annonce la fin de l'épisode neigeux pour la fin de la matinée. Lors de la première audioconférence organisée à 9h, on constate que les départs sont peu nombreux, car l'exercice de reprogrammation auquel ont dû se livrer les compagnies est très délicat : l'activité redémarre avec lenteur. En conséquence, il apparaît déjà qu'il faudra procéder à des abattements sur le programme de l'après-midi.

Ce constat est confirmé lors de l'audioconférence organisée à 12h30 : seulement 88 départs ont été réalisés à 12h30 pour un objectif (après abattement) de 150 départs. Le flux des départs monte progressivement mais lentement : il n'atteindra 25 départs par heure que vers 14h00. Même si la chute de neige a cessé, il faut encore dégivrer chaque avion avant le décollage (et ce sera le cas jusqu'en fin d'après-midi). L'abattement sur le programme de vols de l'après-midi est fixé à 35%.

Les opérations de déneignement-déverglaçage des pistes et de dégivrage des avions se déroulent sans difficulté marquante. Les temps de dégivrage sont moins longs que la veille, et certaines aires sont parfois même en attente d'avions à traiter.

Au total, sur l'ensemble de la journée, 29% des vols sont annulés, ce qui est très inférieur à ce que prévoyaient les décisions d'abattement. Le nombre de passagers amenés à passer la nuit de Noël à l'aéroport ne dépasse pas 300.

Les deux tableaux suivants rassemblent quelques données essentielles concernant les épisodes survenus à CDG. Le premier tableau récapitule les décisions d'abattement prises par la DGAC au cours des audioconférences pour le 23 et le 24 décembre (les heures sont indiquées en heures locales). Le deuxième tableau donne les nombres de vols prévus et les nombres de vols effectivement réalisés, jour par jour, sur l'ensemble de la période (en additionnant les vols au départs et les vols à l'arrivée)

Décisions d'abattement des programmes de vols à CDG pour les 23 et 24 décembre

Prise de décision

Période concernée

Niveau de l'abattement

22 décembre à 09h00

du 23 décembre à 06h00 au 24 décembre à 01h00

- 25%

22 décembre à 12h30

du 23 décembre à 06h00

au 24 décembre à 01h00

- 20%

24 décembre à 0h00

du 24 décembre à 01h00

au 24 décembre à 13h00

- 50%

24 décembre à 12h30

du 24 décembre à 13h00 au 24 décembre à 24h00

- 35%

 

Vols prévus et vols réalisés à CDG

 

Date

Vols programmés

Vols réalisés

Pourcentage d'annulations

samedi 18 décembre

1 238

1 112

10%

dimanche 19 décembre lundi 20 décembre mardi 21 décembre

mercredi 22 décembre

1 349 1 303 1 350 1 385

674

851

1 263

1 316

50% 35% 6% 5%

jeudi 23 décembre

1 402

1 074

23%

vendredi 24 décembre

1 268

904

29

2.3. CHRONOLOGIE DÉTAILLÉE POUR LA CAPACITÉ DE DÉGIVRAGE

Il est utile de compléter la chronologie présentée ci-dessus en revenant sur le déroulement des opérations de dégivrage au cours des journées des 23 et du 24 décembre. Plus précisément, on aborde ci-dessous deux aspects indépendants l'un de l'autre :

l'évolution de la consommation et des stocks de glycol, le risque de pénurie et l'impact qu'a eu l'appréciation de ce risque sur les opérations du trafic aérien ;

– et la baisse de capacité de dégivrage de la plate-forme aéroportuaire qui s'est produite jeudi 23 décembre à partir de 16h30.

2.3.1. CONSOMMATION ET RISQUE DE PÉNURIE DE GLYCOL

Sur ce sujet plus que sur tout autre, on ne peut analyser les évènements des 23 et 24 décembre sans décrire d'abord ceux des semaines précédentes.

Les difficultés d'approvisionnement des semaines précédentes

Le graphique suivant (source ADP) montre l'évolution des stocks de produits de dégivrage au mois de décembre 2010 (en additionnant les volumes de glycol de types I et II). En particulier :

– la courbe orange et les chiffres qui l'accompagnent donnent le niveau de stocks (cuves et dégivreuses) en fin de chaque journée,

– les « bâtons rouges » indiquent la consommation journalière,

– et les « bâtons verts » le volume des livraisons reçues chaque jour.

Des graphiques analogues (source ADP) sont donnés en Annexe 8 pour le glycol de type I et le glycol de type II séparément.


Les évolutions au cours du mois de décembre apparaissent clairement. On constate :

– une forte baisse des stocks de glycol les 8 et 9 décembre, lors du premier épisode neigeux, suivie d'une reconstitution des stocks à un niveau élevé entre le 10 et le 17 décembre ;

– et une nouvelle baisse plus marquée que la précédente entre le 18 et le 21 décembre, lors de la séquence d'épisodes neigeux décrits dans la partie 2.3. C'est ici qu'apparaît un élément crucial : à l'approche du 23 décembre, ADP n'a pas pu reconstituer ses stocks de glycol à un niveau élevé.

ADP n'est pas resté sans réaction face à cette situation. Dès le 13 décembre, le fournisseur unique, Clariant, est convoqué pour s'expliquer sur les retards de livraison et pour établir un planning prévisionnel de reconstitution des stocks. Malgré une pression quotidienne d'ADP, ce fournisseur est défaillant pendant la deuxième moitié du mois de décembre et n'a pas respecté ses engagements contractuels.

Dans cette situation, ADP mène de nombreuses actions pour trouver d'autres sources d'approvisionnement en Europe, et même dans d'autres parties du monde. Ces efforts produisent quelques résultats (par exemple, une livraison de 12 000 litres par avion depuis les États-Unis le 24 décembre), mais ils se heurtent à de grandes difficultés liées aux tensions sur l'utilisation des produits de dégivrage dans tous les aéroports européens. Les fabricants européens de glycols aéronautiques ont eux-mêmes des difficultés à s'approvisionner en monopropylène glycol, notamment du fait de la fermeture de l'usine de LyondellBasell à Fos-sur-mer à partir du 13 décembre en raison d'un mouvement social.

ADP a aussi envisagé d'utiliser sur CDG du glycol fourni par Abax, prélevé sur les stocks d'Orly. Mais l'utilisation de 2 glycols d'origines différentes (qu'il faut stocker et exploiter séparément) soulève des difficultés opératoires ; cet appoint, limité, n'a été effectif qu'après le 24 décembre.

Le 20 décembre, ce sujet est évoqué en réunion du comité exécutif d'ADP. Le 21 décembre, ADP alerte Air France sur le risque de pénurie de produits de dégivrage. Le 22 décembre, une réunion commune ADP-Air France a lieu sur le sujet : il est décidé d'utiliser pour les opérations de dégivrage du glycol de type II dilué d'eau. Ce même mercredi 22 décembre, un courrier du président directeur général d'ADP est porté à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement pour alerter les pouvoirs publics sur le risque de pénurie de glycol, et recommander d'envisager certaines réquisitions. Le 24 décembre, les pouvoirs publics réquisitionnent la société Abax.

Ces évènements auront un impact important sur les opérations des 23 et 24 décembre. Alors même que la politique d'ADP est de maintenir ses stocks de glycol à un niveau aussi proche que possible de la capacité de stockage, et malgré tous les efforts déployés dans les 10 jours précédents, l'aéroport CDG aborde les épisodes neigeux des 23 et 24 décembre avec des stocks non reconstitués (422 000 litres).

La consommation de produits de dégivrage

L'épisode neigeux de 23 décembre est caractérisé par une neige très collante, sur les pistes comme sur les avions. Ceci a deux conséquences :

– le sol est plus glissant que d'habitude pour les avions, pour les engins de déneigement/déverglaçage et pour les engins de dégivrage des avions ;

– l'adhérence élevée de la neige sur les avions allonge le temps et accroît la quantité de glycol nécessaires pour le dégivrage de chaque avion. Des opérateurs de dégivrage de la société Alyzia ont confié à la mission qu'ils n'avaient jamais rencontré des conditions aussi difficiles depuis plus de 10 ans.

Au total, le 23 décembre, les deux sociétés chargées du dégivrage, Alyzia et Gimas, dégivrent 365 avions, en consommant 204 000 litres de glycol de type I et 51 000 litres de type II, soit 255 000 litres au total. Il s'agit d'un niveau jamais atteint : le précédent « record de consommation journalière » de produits de dégivrage sur CDG était inférieur à 150 000 litres !

À 21h00 le 23 décembre, les stocks de glycol s'établissent à 177 000 litres. ADP donne cette information aux acteurs au cours de l'audioconférence de la DGAC à 22 heures, et indique que des réapprovisionnements sont attendus le lendemain matin. Dans ces conditions, il est clair qu'aucune rupture de stocks n'aurait été à craindre si l'on pouvait prévoir que la consommation du lendemain resterait dans les limites du précédent « record de consommation journalière » ; mais il était clair aussi que la rupture de stocks serait inévitable (hors abattement du programme de vols) si la consommation du 24 décembre s'élevait au même niveau que le 23. Dans cette situation, la prudence prévaut, et le risque de rupture de stock est pris en compte dans le taux d'abattement élevé décidé par la DGAC à la fin de cette audioconférence.

A chaque audioconférence de la DGAC le 24 décembre, ADP fait un point précis sur la consommation de glycol. Compte tenu du démarrage lent de l'activité, puis du constat que la neige était moins collante que la veille, il devient rapidement clair que la rupture de stock sera évitée. « Seulement » 123 000 litres sont consommés le 24 décembre. Le stock s'établissant en fin de journée à 103 000 litres, et les livraisons de ce jour atteignant 52 000 litres, la mission peut affirmer que le stock de glycol n'est jamais descendu en dessous de 51 000 litres. ADP a indiqué à la mission que le niveau minimum du stock de glycol n'était pas inférieur à 70 000 litres (quantité qui aurait permis, si besoin, de dégivrer environ 150 avions supplémentaires).

2.3.2. BAISSE DE LA CAPACITÉ DE DÉGIVRAGE LE 23 DÉCEMBRE

L'évènement qui provoque la situation de crise de la soirée du 23 décembre a été bien identifié dans la partie 2.2 ci-dessus : alors que les opérations se déroulaient très convenablement (compte tenu de l'abattement de 20% décidé la veille), la capacité de dégivrage des avions sur la plate-forme aéroportuaire baisse fortement à partir de 16h30.

Cette baisse a deux causes distinctes :

– d'une part, l'interruption du dégivrage sur certaines aires, devenues trop glissantes et fermées temporaires pour être déneigées/déverglacées ;

– d'autre part, un ralentissement des opérations de dégivrage sur les aires restées actives.

Ces deux effets se sont ajoutés, contribuant (à peu près pour une moitié chacun) à la baisse de capacité qui a entraîné environ 60 annulations de départs au cours de la soirée.

La mission a analysé en détail les conditions dans lesquelles se sont déroulées les opérations de dégivrage durant la journée du 23 décembre. Dès le début de l'après-midi, ces conditions sont exceptionnellement difficiles : la neige adhère fortement sur les avions, neige et verglas rendent glissant le sol des aires de dégivrage. De plus, les opérateurs sont incités à redoubler de prudence car une collision est intervenue le matin même près du Terminal 3 entre un avion et un véhicule qui le repoussait et qui a glissé sur une plaque de verglas. Sur l'aire n°2, un opérateur signale dès 14h30 à son chef de poste que sa dégivreuse tend à glisser. Vers 16h15, la situation est suffisamment préoccupante pour que le chef de poste demande le déneigement de cette aire ; la cellule CDM en est informée à 16h30. Au total, 2 aires sont fermées vers 16h45 et vers 17h00, et restent fermées pendant environ 1h20 chacune. Plus tard dans la soirée, la même situation se reproduit : 2 autres aires sont fermées pour être déneigées, et restent fermées pendant environ 2h20 chacune.

On peut souligner que, lorsqu'une aire de dégivrage est enneigée, les opérateurs de dégivrage projettent parfois sur le sol le glycol destiné au dégivrage des avions, alors même que cette pratique est exclue par les consignes en vigueur. Le 23 décembre, cette interdiction est explicitement rappelée à cause du risque de pénurie de glycol. On peut toutefois estimer que ce rappel n'a pas eu d'impact significatif : projeter du glycol sur le sol aurait eu une efficacité très limitée pour déneiger les aires de dégivrage dans les conditions de neige de ce jour, selon plusieurs personnes consultées par la mission.

Par ailleurs, au même moment de la tombée de la nuit où le dégivrage est interrompu sur deux aires, il semble que la neige devient plus collante encore que dans les heures précédentes : sur toutes les aires restées ouvertes, le dégivrage se ralentit et, jusque vers 20 heures, on traite à peine plus de 3 avions par heure et par aire. Ce ralentissement apparaît bien sur le graphique suivant (source CDM), où la courbe bleue indique le temps moyen nécessaire pour dégivrer un avion au cours de la journée du 23 décembre.

Le temps moyen de dégivrage monte fortement à partir de 16 heures ; à 18 heures, il atteint 13 minutes (et le temps d'occupation de l'aire par chaque avion monte alors à 19 minutes).

2.4. ANALYSE DE CES ÉVÈNEMENTS

On analyse dans cette partie les principales questions soulevées par les évènements décrits ci-dessus.

2.4.1. L'ALERTE SUR LES RISQUES DE PÉNURIE DE GLYCOL

Un premier sujet de réflexion concerne le moment où ADP a alerté les pouvoirs publics sur les risques de pénurie de glycol, par le courrier porté le 22 décembre au ministère chargé des transports. Rétrospectivement, cette alerte peut apparaître comme trop tardive, si l'on considère qu'une rupture de stock de glycol aurait effectivement eu lieu le 24 décembre en cas de neige aussi collante que la veille. En même temps, il est difficile de voir ici une défaillance avérée de la part d'ADP, car personne n'aurait pu anticiper que le précédent « record de consommation journalière » pourrait être « amélioré » de plus de 50 % le 23 décembre.

2.4.2. LA FIN DE JOURNÉE DU 23 DÉCEMBRE

Le déneigement des aires de dégivrage

Le déroulement de l'après-midi du 23 décembre a mis en lumière une faiblesse surprenante du dispositif hivernal de CDG. L'éventualité d'avoir à fermer une aire de dégivrage d'avions pour la déneiger/déverglacer le plus rapidement possible – au moment même où la capacité de dégivrage est le facteur limitant de l'exploitation de l'aéroport – semble être peu prévue, alors qu'elle devrait être l'objet de procédures spécifiques et faire appel à des engins dédiés, plus légers que ceux qui sont utilisés pour déneiger/déverglacer les pistes et les voies de circulations.

Il est pourtant crucial d'anticiper le plus possible la fermeture d'une aire de dégivrage : fermer une aire sans préavis, c'est générer une longue file d'attente d'avions remplis de leurs passagers, souvent « condamnés » alors à une longue attente. Il est tout aussi indispensable d'être organisé de façon à déneiger/déverglacer l'aire très rapidement. Ce sujet doit faire l'objet d'un travail spécifique entre ADP, les opérateurs du dégivrage et les compagnies aériennes.

La gestion de la crise

La naissance de la crise aigüe de la soirée du 23 décembre fait aussi apparaître des faiblesses dans la remontée des informations venant des aires de dégivrage, dans la réactivité des acteurs et la mobilisation de leurs chaînes de commandement,

jusqu'au plus haut niveau.

La séquence des événements mérite d'être décrite en détail :

– A 14h30, un opérateur de dégivrage signale à son chef de poste que sa dégivreuse tend à glisser.

– Vers 16h15, le chef de poste demande le déneigement de l'aire ; la cellule CDM en est informée à 16h30, et le dégivrage est interrompu sur cette aire à 16h48.

– Aucun de ces signaux d'alerte ne semble avoir été pris en compte lors de l'audioconférence de 16h00, au cours de laquelle un constat de bon déroulement du programme de vols est partagé par tous les acteurs.

– A partir de 16h30, la capacité globale de dégivrage de l'ensemble de la plateforme aéroportuaire, communiquée en temps réel à la cellule CDM, commence à baisser. Pendant au moins une heure, voire plus, on espère que la baisse sera passagère ; elle est alors attribuée, à tort, à l'outil de gestion locale des départs mis en œuvre depuis quelques semaines seulement. L'espoir d'un rétablissement rapide de la capacité de dégivrage prévaut jusqu'à 18 heures, et il semble que la fermeture de deux nouvelles aires vers 19h00 n'ait pas été anticipée.

– Dans la soirée, le bruit court que des opérateurs de dégivrage de la société Alyzia sont en grève. ADP et Alyzia ont confirmé à la mission que ce bruit était sans fondement.

– Les responsables au plus haut niveau de la DGAC, d'ADP et d'Air France, restés sur le constat positif établi à 16h00, ne sont informés de la grave dégradation de la situation qu'entre 18 heures et 20 heures, à un moment où la crise est inévitable.

Aux yeux de la mission, cette séquence est « exemplaire » et doit absolument permettre de tirer des leçons et de trouver des voies d'amélioration. La gestion des signaux d'alerte pouvant permettre de détecter des risques de baisse de capacité de dégivrage dans le contexte d'un épisode neigeux de cette ampleur, la remontée et le partage des informations au sein de la cellule CDM, la qualification et la réactivité des représentants des acteurs dans cette cellule et leur capacité à mobiliser rapidement les responsables de haut niveau : tout ceci doit être revisité avec soin.

L'enjeu est d'importance. Certes, une baisse de capacité de dégivrage survenant en fin d'une journée très chargée génère imparablement de grandes perturbations. Une gestion « parfaite » de la crise n'aurait probablement guère réduit le nombre des annulations « à chaud » au cours de la soirée. Mais elle aurait certainement permis de n'annuler aucun vol déjà embarqué, et d'éviter que des milliers de passagers connaissent le désagrément très pénible de débarquer en fin de soirée dans l'aérogare où ils avaient embarqué quelques heures plus tôt !

Accroître la capacité de dégivrage

Comment aller plus loin ? On vient de dire que, dans le cadre du dispositif actuel, même une gestion « parfaite » n'aurait pas évité d'annuler plusieurs dizaines de vols dès lors que le dégivrage était interrompu sur certaines aires et ralenti sur les autres. Seule une capacité de dégivrage plus importante (par rapport au trafic de pointe, à l'instar des aéroports de Francfort et Munich) aurait donné à CDG une souplesse qui aurait permis d'éviter une partie des annulations « à chaud ». Ceci signifie qu'il faut envisager d'accroître encore les investissements dédiés : aires et engins supplémentaires, dégivrage sur postes de stationnement, etc.

2.4.3. LA RÉDUCTION DU PROGRAMMES DE VOL DU 24 DÉCEMBRE

Une décision d'abattement surdimensionnée ?

Concernant le 24 décembre, la question a été soulevée de savoir si la décision d'abattement de 50% du programme des vols de la matinée n'avait pas été surdimensionnée, portant à un niveau excessif le nombre des passagers « coincés » à Paris à la veille de Noël. De fait, le nombre de vols effectivement réalisés est bien supérieur à ce que prévoyaient les décisions d'abattement.

La mission ne partage pas cette analyse. Les abattements décidés pour le 24 décembre apparaissent surdimensionnés uniquement à cause de l'amélioration de la qualité de la neige, et ceci est un sujet sur lequel les décideurs n'avaient aucune prévision. Si la neige du 24 décembre avait été aussi collante que la veille, le risque de rupture de stock de glycol aurait été très réel en présence de taux d'abattement inférieurs. Il était normal aussi que l'abattement décidé dans la nuit prît également en compte les risques de retards importants induits par les grandes perturbations des rotations des avions et des équipages en fin de journée du jeudi 23. Enfin, après un après-midi du 23 décembre où un optimisme excessif avait régné entre 16h30 et 18h30, au début des difficultés, et après une soirée de crise grave, il était normal qu'une certaine prudence prévale.

Une décision d'abattement trop tardive ?

Un autre reproche a été exprimé concernant la décision d'abattement prise vers 0h00 le 24 décembre, la jugeant trop tardive. La mission estime que ce reproche est fondé, et souligne que tout progrès dans l'anticipation d'une décision d'abattement est précieux pour faciliter le réajustement des programmes de vols et informer en avance les passagers. La mission considère qu'il aurait été souhaitable d'évoquer les informations concernant les stocks de glycol dès le 22 décembre au soir ou le 23 au matin au sein de la cellule CDM. Il aurait été utile, pour mieux apprécier la situation, que les principaux décideurs partagent les informations sur le suivi de la consommation très élevée des produits de dégivrage au cours de la journée du 23.

Si elles se reproduisent dans le futur, comment mieux faire face à des circonstances similaires : un épisode neigeux sévère abordé avec des niveaux de stocks limités du fait d'un grave défaut d'approvisionnement ? Il faut envisager de se doter d'un suivi de la consommation de glycol (en sortie de dégivreuses) communiqué en temps réel à la cellule CDM. L'investissement pour mettre en place ce dispositif est peu coûteux au regard des bénéfices qu'il apporterait dans ces circonstances exceptionnelles. On pourrait aussi envisager de se doter d'un outil d'aide à la décision (construit conjointement avec tous les acteurs) pour le choix du taux d'abattement préventif des programmes de vol.

2.4.4. L'INFORMATION ET LA PRISE EN CHARGE DES PASSAGERS

Comme lors d'autres épisodes neigeux similaires, le fonctionnement des aéroports parisiens les 23 et 24 décembre a été marqué par de nombreuses insuffisances de l'information et de la prise en charge des passagers.

Ce sujet essentiel est clairement hors du cadre de la présente mission. Il fait toutefois l'objet de propositions présentées au chapitre 4 ci-dessous, issues des travaux de la mission du CGEDD « Retour d'expérience à la suite de l'épisode neigeux survenu le 8 décembre 2010 en Ile-de-France ».

2.4.5. FERMER L'AÉROPORT DANS CERTAINES CIRCONSTANCES ?

Sur un plan beaucoup plus « politique » et stratégique, la comparaison de la situation de CDG avec celles d'autres aéroports européens ou américains qui ont fermé un ou plusieurs jours en décembre 2010 soulève une question difficile : faudrait-il envisager de fermer CDG dans certaines circonstances exceptionnelles ?

Jusqu'à aujourd'hui, il y a un consensus de tous les acteurs pour ne pas poser cette question : toutes les entreprises intervenant sur l'aéroport, dont c'est à la fois la mission et l'intérêt économique, et tous les passagers eux-mêmes, désireux de voyager, poussent à garder l'aéroport ouvert et à assurer le nombre maximal de vols possible. Et, bien sûr, ce n'est certainement pas à la veille de Noël qu'il aurait été judicieux de remettre en question ce consensus : dans les conditions difficiles du 23 décembre, garder l'aéroport ouvert a permis qu'environ 140 000 passagers puissent voler vers CDG ou au départ de CDG. Toutefois, on peut considérer qu'il serait intéressant de comprendre ce qui conduit d'autres grands aéroports européens à ne pas adopter le même consensus, voire d'ouvrir la réflexion sur la question suivante : à partir de quel niveau de désordres, de désagréments subis par des milliers de passagers, avec des coûts induits importants, un retentissement médiatique considérable et un effet d'image très négatif, une fermeture de CDG devrait-elle être envisagée ?

La mission va probablement déjà au-delà de son rôle en écrivant ces lignes, et elle n'a certainement pas à s'aventurer plus loin sur ce sujet.

2.5. UNE SITUATION SANS PRÉCÉDENT PARTOUT EN EUROPE

2.5.1. DES CONDITIONS CLIMATIQUES EXCEPTIONNELLES

Depuis fin novembre 2010, les conditions climatiques sur toute l'Europe ont été exceptionnellement rigoureuses. Des épisodes neigeux, dont certains d'une longueur ou d'une intensité inhabituelles, se sont succédés ; beaucoup d'entre eux ont affecté simultanément un grand nombre de pays européens, ce qui avait rarement été observé jusqu'ici.

Après des chutes de neige les plus sévères depuis 30 ans sur l'Angleterre entre le 29 novembre et le 2 décembre, trois épisodes neigeux principaux sont survenus sur l'Europe, respectivement du 7 au 9 décembre, du 17 au 20 décembre, puis les 23 et 24 décembre. Ces neiges ont de surcroît été particulièrement humides et collantes, notamment à Paris les 23 et 24 décembre. Une illustration de ces difficultés exceptionnelles pour le trafic aérien est donnée par le fait que CDG a consommé entre le 1er et le 27 décembre 2010 plus de 2 000 000 litres, soit déjà beaucoup plus que toute la consommation de l'hiver précédent, pourtant record !

De plus, les températures très basses ont rendu nécessaires des opérations de dégivrage pratiquement quotidiennes sur de nombreux aéroports européens depuis la dernière semaine de novembre. Au total, ces conditions météorologiques ont engendré entre fin novembre et fin décembre 2010 des consommations de produits de déneigement et de dégivrage correspondant à peu près à la totalité de la quantité consommée durant l'hiver 2009-2010, elle-même à un niveau record.

2.5.2. DE GRAVES PERTURBATIONS DU TRAFIC AÉRIEN

Ces conditions climatiques ont gravement perturbé le trafic aérien dans la plupart des pays d'Europe continentale et dans les îles britanniques.

Sans être exhaustives, les informations recueillies montrent que des perturbations majeures, retards et annulations, mais aussi fermetures pour une durée pouvant aller jusqu'à 4 jours consécutifs à Londres, ont touché de nombreux aéroports européens, avec des conséquences assez semblables : centaines de vols annulés, plusieurs milliers de passagers bloqués dans les aéroports et impact médiatique important.

Les perturbations ont été particulièrement graves pour les aéroports londoniens avec des fermetures de plusieurs jours fin novembre-début décembre (Gatwick) et à nouveau du 18 au 21 décembre (Heathrow), et pour les aéroports allemands, notamment Francfort qui a dû fermer le 9 décembre et à nouveau du 17 au 20 décembre, de même que Berlin et Hambourg. Ont également fermé les aéroports de Bruxelles, le 20 décembre, de Dublin le 21 décembre ou, avec plus de retentissement encore, de Moscou le 26 décembre. Des termes comme « pagaille », voire « chaos » ont été utilisés par la presse de ces pays.

L'Europe n'a cependant pas l'exclusivité de perturbations majeures dans les aéroports en période hivernale. Par exemple, des annulations de vols en grand nombre, avec de lourdes répercussions pour les passagers, ont affecté de nombreux aéroports américains le 26 décembre, notamment New-York, Philadelphie et Boston.

2.5.3. UNE FORTE TENSION SUR LES PRODUITS DE DÉGIVRAGE

La tension sur les produits dégivrants et déverglaçants a été particulièrement forte. Les records de consommation atteints dès les épisodes neigeux du 7 au 9 décembre ont entrainé une demande extrêmement forte auprès des producteurs européens qui ont eu les plus grandes difficultés à y répondre, faute notamment d'un accès suffisant au monopropylène glycol (MPG), mais aussi, dans une moindre mesure, aux additifs et aux composants des formiates.

Déjà relevée par un rapport sur la robustesse du système de transports anglais en saison hivernale, commandé par le ministère britannique des transports après l'hiver 2009-2010, la tension sur l'approvisionnement en produits de dégivrage en Europe est également illustrée par un article du quotidien économique allemand Handelsblatt du 14 décembre 2010. Cet article souligne le problème de la disponibilité des produits de dégivrage : il l'explique par le petit nombre de fournisseurs et par le fait que le marché (estimé à environ 140 000 dégivrages par an, représentant un montant annuel de l'ordre de 60 M€), est trop petit pour intéresser les groupes industriels de chimie, d'autant plus qu'il est extrêmement erratique car dépendant de la météorologie.

La vague de froid qui a sévi depuis fin novembre sur toute l'Europe a eu pour effet d'assécher progressivement tous les stocks des fabricants de MPG et de consommer dès les premières semaines de décembre les quantités allouées aux fabricants de glycols aéronautiques. Cette pénurie a été amplifiée par la fermeture d'usine de MPG de LyondellBasell de Fos-sur-Mer du 14 au 23 décembre à la suite d'un mouvement social.

C'est dans ce contexte que, selon ADP, se sont conjugués les éléments suivants justifiant la crainte d'un manque de produits de dégivrage :

– l'incapacité des fabricants de MPG à fournir dans des tonnages suffisants les fabricants de glycol aéronautique ;

– la perception du secteur « glycols aéronautiques » comme non stratégique pour l'industrie du MPG, les volumes de MPG nécessaires pour fabriquer ces glycols ne dépassant pas 5 % de la production mondiale de MPG ;

– les difficultés d'acheminement du MPG et du glycol aéronautique, transportés principalement par route (malgré les dérogations spécifiques accordées par les autorités préfectorales) ;

– la faiblesse des capacités de production des fabricants de glycol aéronautique, qui ne permettent pas de rattraper des retards de livraison en MPG.

Il n'a pas été possible pour la mission de vérifier dans quels cas les fermetures d'aéroports européens sont réellement imputables à des ruptures de stock de produits de dégivrage. Ce lien est mentionné dans la presse pour l'aéroport de Londres-Heathrow à l'occasion de l'épisode neigeux du 18 au 20 décembre mais a été réfuté par certains acteurs. Un tel lien est également relaté pour les aéroports de Bruxelles le 20 décembre, de Dublin le 21 décembre et de Moscou le 26 décembre.

2.5.4. CONTINUER À AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DES AÉROPORTS EN HIVER

En conclusion, on peut évoquer de nouveau le rapport britannique déjà mentionné. Ce rapport souligne que les acteurs du trafic aérien ont une bonne capacité à tirer des enseignements des difficultés rencontrées et à engager des processus d'amélioration. Cette mobilisation des acteurs a été très visible en 2010 pour presque tous les grands aéroports européens.

Cette étude soulève aussi la question de l'accroissement des capacités de dégivrage et de déverglaçage (aires, engins, stocks, etc.), question qu'il faut éclairer par des analyses socio-économiques permettant d'évaluer le dimensionnement de ces investissements au regard de leur coût, de l'appréciation des bénéfices potentiels apportés aux compagnies aériennes et aux usagers à l'occasion d'épisodes neigeux très sévères, et de la probabilité d'occurrence de ces évènements.

3. CONCLUSIONS

Au terme de ses travaux, la mission tire 7 conclusions principales sur les évènements des 23 et 24 décembre dans les aéroports parisiens.

1. En comparaison d'autres grandes plates-formes aéroportuaires européennes, le dispositif hivernal d'ADP est d'un assez bon niveau ; il a fait l'objet d'améliorations importantes en 2010.

A CDG, la capacité de dégivrage d'avions, rapportée au nombre maximal de vols au départ, est au même niveau qu'à Amsterdam-Schiphol, mais sensiblement moindre qu'à Francfort et Munich qui connaissent un climat plus rigoureux. La capacité de stockage du glycol, passée en 2010 de 890 000 litres à 1 600 000 litres, est très voisine de celle de l'aéroport de Munich.

2. Le transport aérien a été confronté entre le 18 et le 24 décembre 2010, partout en Europe, à une situation très exceptionnelle comme en témoigne le fait que plusieurs grands aéroports européens (Londres-Heathrow, Bruxelles, Francfort, Berlin) ont dû fermer, induisant d'importants problèmes de déroutement des vols. En comparaison, la proportion des vols annulés à CDG n'a jamais dépassé 50 % (niveau atteint le 19 décembre). A CDG, la consommation journalière de glycol a atteint le 23 décembre un niveau exceptionnel, supérieur de plus de 50 % au précédent record de consommation journalière.

3. ADP a rencontré à partir de mi-décembre des difficultés marquées pour son approvisionnement en glycol. Notamment, son fournisseur unique sur CDG n'a pas tenu ses engagements contractuels. Dans ce contexte, ADP a fait preuve de vigilance et a cherché activement à partir du 13 décembre à trouver d'autres approvisionnements.

ADP a alerté le ministère chargé des transports sur les risques de pénurie de glycol le 22 décembre. Rétrospectivement, cette alerte apparaît trop tardive ; mais elle ne l'aurait pas été si la consommation journalière de glycol le 23 et le 24 décembre était restée dans les limites du précédent « record de consommation journalière ». Les pouvoirs publics ont réquisitionné la société Abax le 24 décembre.

4. Les difficultés rencontrées le 23 décembre et le 24 décembre pour l'exploitation de l'aéroport CDG ont des causes bien différentes, résumées ci-dessous. Mais il existe un point commun entre ces deux journées. L'aspect le plus critique pour les passagers et pour les compagnies aériennes n'est pas lié avant tout au nombre des vols annulés ; il est lié à l'insuffisance des anticipations sur les annulations de vols.

5. Le 23 décembre à CDG, le programme de vols avait été abattu de 20 %, ce qui correspond à 140 départs annulés. Ces annulations ont certes soulevé des problèmes pour les passagers, les équipages et les compagnies aériennes, mais ces problèmes n'ont pas été critiques car la décision d'abattement avait été prise suffisamment tôt la veille. Les difficultés principales ont débuté entre 16 heures et 17 heures : elles provenaient d'une baisse importante de la capacité de dégivrage des avions en attente de décollage, due à la fermeture de certaines aires de dégivrage et au ralentissement des opérations sur les aires restées ouvertes à cause de la forte adhérence de la neige sur les avions. La capacité de dégivrage, qui était de 27 avions par heure à 16 heures, est descendue à 12 avions par heure à 18 heures. Ceci a été le cœur de la crise, avec environ 60 annulations « à chaud » en fin de journée, dont une part importante a concerné des vols déjà embarqués (13 vols embarqués pour la seule compagnie Air France).

Trois observations principales se dégagent de l'analyse de cette crise du 23 décembre : – Afin d'assurer la sécurité des opérateurs du dégivrage, il a fallu déneiger/déverglacer des aires de dégivrage, ce qui a occasionné la fermeture de deux aires pendant 1h20, puis de deux autres aires pendant 2h20 (sur un total de 7 aires actives). Ces évènements ont mis à jour une faiblesse étonnante du dispositif : à CDG, la capacité à intervenir rapidement et efficacement pour déneiger/déverglacer des aires de dégivrage des avions – au cœur d'un épisode neigeux, au moment même où la capacité de dégivrage est le facteur limitant pour l'exploitation de la plate-forme aéroportuaire – est un sujet qui n'a pas reçu une attention suffisante. – Une autre faiblesse doit être constatée : la qualité et la transparence du partage d'informations « en temps réel » entre les acteurs réunis dans la cellule de décision commune (CDM) et les alertes vers les responsables de haut niveau (au sein de la DGAC, d'ADP et d'Air France, etc.) ont été insuffisantes. Alors qu'elle était cruciale pour faire face à une situation très difficile, la capacité à anticiper, heure par heure, les événements de l'après-midi et de la soirée, a été trop faible. – Il faut retenir aussi qu'une baisse sensible de la capacité de dégivrage apparaissant si tard dans une journée hivernale (avec un très fort trafic et, de plus, des avions très remplis) provoque des désordres imparables : une gestion « parfaite » de la crise n'aurait probablement pas réduit significativement le nombre des annulations « à chaud » en fin de journée, mais elle aurait certainement permis – et c'est très important – d'éviter l'embarquement-débarquement de plusieurs milliers de passagers. L'aéroport CDG n'aurait pu éviter ces désordres que s'il avait été « suréquipé » en matière de capacité de dégivrage.

Au total, 23 % des vols ont été annulés le 23 décembre. Il faut aussi noter que les difficultés d'approvisionnement en glycol rencontrées par ADP n'ont pas eu d'impact sur l'exploitation de l'aéroport le 23 décembre.

6. La journée du 24 décembre a été marquée par la poursuite des difficultés liées aux annulations de vols de la veille, bien sûr, et surtout par les conséquences de deux décisions d'abattement du programme de vols prises par la DGAC en concertation avec les acteurs au sein de la cellule CDM :

– un abattement de 50% pour le matin du 24 décembre, décidé le 24 vers 00h00,

– et un abattement de 35% pour l'après-midi du 24 décembre, décidé le 24 vers 13 heures.

S'il n'y avait pas eu de risque de pénurie de glycol, des abattements du programme de vols auraient été décidés pour la journée du 24 du seul fait des prévisions météorologiques, mais à des niveaux sensiblement inférieurs : il est avéré que la faiblesse du stock de glycol disponible a fortement impacté la hauteur des décisions d'abattement de vols pour la journée du 24 décembre sur CDG. Cela n'a pas été le cas à Orly.

Pour ce qui est des produits de déneigement/déverglaçage des pistes, aucun problème notable n'est intervenu, ni à CDG ni à Orly.

De l'analyse du déroulement du 24 décembre, se dégagent aussi trois observations principales :

– Les opérations ont été correctement gérées sur CDG, dans des conditions difficiles. In fine, seulement 29 % des vols ont été annulés, c'est-à-dire beaucoup moins que ce que prévoyaient les décisions d'abattement.

– En particulier, les opérations de dégivrage se sont déroulées correctement le 24 décembre (elles ont été nécessaires jusque vers 18 heures). En pratique, il n'y a pas eu de rupture de stock de glycol et il est certain que le stock d'ADP n'a jamais été inférieur à 50 000 litres.

– Ce qui a rendu la situation du 24 décembre très difficile, c'est que les décisions d'abattement du programme de vols ont été très tardives. Pour pouvoir prendre ces décisions plus tôt, il aurait fallu :

• disposer d'un suivi heure par heure de la consommation des produits de dégivrage au cours de la journée du 23 décembre (commencée avec des niveaux de stock de glycol anormalement bas, du fait de la défaillance du fournisseur), ce qui aurait permis de détecter dès le milieu de l'après-midi un risque de pénurie pour le lendemain,

• et partager en temps réel ces informations avec les autres acteurs au sein de la cellule CDM.

7. Bien que ce sujet soit en dehors du cadre de la présente mission, il apparaît que l'information, l'accueil et l'hébergement des passagers ont posé des problèmes de même nature le 23 et le 24 décembre que lors des épisodes neigeux précédents.

Ce sujet est traité dans le rapport du CGEDD « Retour d'expérience à la suite de l'épisode neigeux survenu le 8 décembre 2010 en Ile-de-France », dont les propositions sont reprises au chapitre 4.

4. LES 20 PROPOSITIONS DU CGEDD

Même si les conditions qui ont impacté l'exploitation des aéroports parisiens en décembre 2010 sont très exceptionnelles, le principe de précaution – et la tendance à l'augmentation du nombre des évènements météorologiques exceptionnels, observée depuis quelques années dans le contexte du changement climatique – poussent à tirer toutes les leçons des difficultés rencontrées, afin d'améliorer la capacité à faire face à des épisodes similaires, voire plus sévères encore.

Les 20 propositions présentées ci-dessous s'articulent en 5 volets :

1. Sécuriser l'approvisionnement en produits de dégivrage et de déverglaçage

2. Accroître la capacité de dégivrage des avions et développer de nouveaux modes opératoires

3. Améliorer la gouvernance dans les situations de crise

4. Maintenir l'accessibilité permanente des plate-formes aéroportuaires par la route et par les transports en commun

5. Améliorer l'information et l'accueil des passagers en attente

Les 3 premiers volets sont issus des travaux de la présente mission, et les 2 derniers sont issus de la mission du CGEDD intitulée « Retour d'expérience à la suite de l'épisode neigeux survenu le 8 décembre 2010 en Ile-de-France ».

1. SÉCURISER L'APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS DE DÉGIVRAGE ET DÉVERGLAÇAGE

- Disposer de deux fournisseurs de produits de dégivrage et de déverglaçage au lieu d'un seul. Aujourd'hui, ADP a un seul fournisseur de glycol pour CDG, Clariant, dont l'usine est basée en Allemagne, et également un seul fournisseur de produit de déverglaçage, Abax, installé à proximité d'Orly.

- Accroître encore la capacité de stockage en produits de dégivrage et de déverglaçage.

ADP a augmenté sa capacité de stockage de glycol à CDG, passant en 2010 de 890 000 litres à 1 600 000 litres. Afin de tenir compte des difficultés d'approvisionnement qu'induit tout épisode neigeux sévère (circulation des camions ralentie, voire interrompue), il paraît souhaitable de dimensionner la capacité de stockage au volume correspondant à 8 jours de dégivrage dans l'hypothèse la plus défavorable. L'investissement est modeste par rapport à la garantie apportée ; la seule difficulté à prendre en compte est liée à la durée d'utilisation du produit, limitée à 2 ans. La capacité de stockage des produits de déverglaçage devrait aussi être dimensionnée au niveau de 8 jours de consommation dans l'hypothèse la plus défavorable.

- Imposer aux fournisseurs la création de stocks tampons plus importants, placés à proximité immédiate des aéroports, qu'ils s'engagent à mettre à la disposition d'ADP sans délai (révision des clauses de marché).

2. ACCROÎTRE LA CAPACITÉ DE DÉGIVRAGE DES AVIONS ET DÉVELOPPER DE NOUVEAUX MODES OPÉRATOIRES

Il s'agit d'un enjeu essentiel afin d'éviter l'annulation de vol « à chaud », voire le débarquement de passagers après plusieurs heures d'attente dans l'avion.

-Accroître le nombre d'aires de dégivrage et de dégivreuses. L'objectif serait de passer de 7 aires actives simultanément, aujourd'hui, à 10 à l'horizon de 2 ans.

-Rendre opérationnel dans les meilleurs délais le dégivrage des avions moyen-courrier sur certains postes de stationnement.

-Mettre en place des engins de déneigement légers et adaptés dédiés aux aires de dégivrage afin que, dans ces périodes de crise, elles puissent fonctionner à pleine capacité, en toute sécurité pour les opérateurs. Ces engins doivent être prépositionnés à proximité de ces aires.

-Etudier la possibilité de dégivrage avec de l'eau chaude uniquement dans certaines circonstances. Un tel procédé existe à Amsterdam.

-Etudier la possibilité de recycler et réutiliser les effluents des opérations de dégivrage. Ce procédé est utilisé sur l'aéroport de Munich.

-Analyser plus finement la consommation de produits dégivrants par type d'avion en fonction de la qualité de la neige et du type de produit, ainsi que le temps moyen nécessaire au dégivrage. Examiner avec Météo-France s'il est envisageable (à court, moyen ou long terme) de disposer d'une prévision sur la qualité de la neige.

3. AMÉLIORER LA GOUVERNANCE DANS LES SITUATIONS DE CRISE

- Améliorer la réactivité de la chaine de commandement des différents acteurs. Les premières difficultés sur les aires de dégivrage sont apparues le 23 décembre à partir de 14h30, la cellule CDM a donné son accord pour fermer deux aires vers 16h30 et les décideurs de haut niveau de la DGAC, d'ADP et d'Air France n'ont été informés des difficultés qu'entre 18 heures et 20 heures, ce qui n'a pas permis d'anticiper certaines décisions.

Le niveau, la qualification et la réactivité des membres de la cellule de décision coordonnée CDM présents en cas de crise doivent être réexaminés.

- Développer les échanges en temps réel entre les différents PC.

A CDG coexistent le CDM, le PC neige, le PC crise du préfet délégué, le centre de contrôle des opérations d'Air France et le centre contrôle Hub d'Air France, auxquels s'ajoute le PC d'ADP Boulevard Raspail. Ils sont souvent éloignés les uns des autres, alors que leur coopération étroite en situation de crise est essentielle.

- Développer les moyens permettant aux acteurs des aéroports parisiens d'être mieux informés, au cours d'une crise généralisée en Europe, de la situation des autres aéroports européens.

4. MAINTENIR L'ACCESSIBILITÉ PERMANENTE DES PLATE-FORMES AÉROPORTUAIRES PAR LA ROUTE ET PAR LES TRANSPORTS EN COMMUN

-Garantir la viabilité des axes routiers principaux reliant Paris aux aéroports.

-Maintenir l'exploitation des transports en commun au-delà des heures habituelles de fin de service, notamment le RER B et Orlyval.

-Garantir le maintien d'une liaison routière entre CDG et la zone hôtelière de Disneyland Paris qui offre une grande capacité d'hébergement.

5. AMÉLIORER L'INFORMATION ET L'ACCUEIL DES PASSAGERS EN ATTENTE

-- Mettre en place rapidement à CDG des panneaux d'information dynamiques permettant aux principales compagnies de donner des informations en temps réel sur les retards et annulations. Il faut également multiplier les canaux d'information : hauts-parleurs, personnels d'accueil, comptoirs, etc., les messages étant élaborés en commun.

-Développer l'utilisation des réseaux sociaux (Facebook, Twitter) pour informer les passagers de la situation.

-Elaborer un plan d'accueil et d'hébergement des passagers en cas d'annulation de vol, conjointement entre les cinq compagnies aériennes les plus importantes à CDG, ADP et les autorités publiques (préfet délégué). Ce plan, élaboré à froid, étudiera plusieurs scénarios et définira les responsabilités de chacun.

-Mettre en place, en situation de crise, une démarche de prise de décision collective de type CDM entre ces partenaires.

-Exiger de chaque compagnie aérienne qu'elle dispose à CDG et à Orly d'un responsable décisionnaire ayant autorité pour engager les dépenses nécessaires à la prise en charge des passagers.

ANNEXES

1. LETTRE DE MISSION 45

2. PERSONNES RENCONTRÉES OU CONTACTÉES 46

3. OPÉRATIONS DE DÉNEIGEMENT ET DÉVERGLAÇAGE 48

4. RÈGLEMENTATION APPLICABLE AU DÉGIVRAGE 51

5. IMPLANTATION DES AIRES DE DÉGIVRAGE À CDG 54

6. STOCKS DE PRODUITS DE DÉVERGLAÇAGE À CDG 55

7. STOCKS DE PRODUITS DE DÉGIVRAGE ET DÉVERGLAÇAGE À ORLY 57

8. ÉVOLUTION DES STOCKS DE GLYCOL DE TYPES I ET II À CDG 58

9. GLOSSAIRE DES ACRONYMES 59

1. LETTRE DE MISSION

2. PERSONNES RENCONTRÉES OU CONTACTÉES

Direction générale de l'aviation civile (DGAC)

-Patrick GANDIL, directeur général de l'aviation civile

-Odile CHEREL, directrice du cabinet du directeur général de l'aviation civile

-Paul SCHWACH, directeur général adjoint, directeur du transport aérien (DTA)

-Pierre-Yves BISSAUGE, adjoint au directeur du transport aérien

-Maurice GEORGES, directeur des services de la navigation aérienne (DSNA)

-Philippe MERLO, adjoint au directeur des services de la navigation arienne

-Jean-Michel BOIVIN, directeur du cabinet du directeur des services de la navigation aérienne

-Florence ROUSSE, directrice de la sécurité de l'aviation civile (DSAC)

-Jean-Pierre MESURE, directeur adjoint à la DSAC en charge de la navigabilité et des opérations aériennes

-Jean-Claude ALBERT, expert navigabilité et opérations aériennes à la DSAC

-Benoit MARS, chef de la subdivision Pollutions eau, sol, dégivrage, déverglaçage au Service technique de l'aviation civile (STAC)

Météo-France

- François JACQ, président directeur général

Aéroports de Paris

-Pierre GRAFF, président directeur général

-François RUBICHON, directeur-général délégué

-Bernard CATHELAIN, directeur général adjoint, Aménagement et Développement

-Patrice HARDEL, directeur de l'aéroport de Paris-CDG

-Franck GOLDNADEL, directeur de l'aéroport de Paris-Orly

- Gérard BATISTELLA, directeur de l'Unité opérationnelle aires aéronautiques à l'aéroport CDG

Alyzia

-Francis GISSELMANN, président directeur général (en décembre 2010)

-Jacques SALINA, président directeur général à compter du 1er janvier 2011

-F. GUTH, directeur de l'exploitation

-B. BONCOEUR, responsable du secteur dégivrage

-B. CAYROGNE, superviseur dégivrage

-M URSULE, chef PC dégivrage et opérateur dégivrage

Groupe 3S (dont GIMAS est une filiale)

- Didier MONTEGUT, directeur général

Air France

-Pierre-Henri GOURGEON, directeur général

-Pierre DESCAZEAUX, directeur du centre de lignes Afrique/Moyen-Orient, directeur de crise les 23 et 24 décembre

-Guy TARDIEU, directeur de la qualité

-Alain BASSIL, directeur général délégué, opérations

-Éric TRAUTMANN, directeur du service client et avion

Association des chefs d'escale des compagnies aériennes de CDG (AOC)

- Jacques MALLET, chef d'escale de Lufthansa, président de l'AOC

Préfecture de Seine-Saint-Denis

- Patrick ESPAGNOL, préfet, délégué pour la sécurité et des sûreté des plates-formes
aéroportuaires de CDG et du Bourget, auprès du préfet de Seine-Saint-Denis

Clariant Distribution France

-Arnaud FERTE, président

-Bénédicte THOMASSIN, responsable commerciale

Abax

- René BRUN, directeur commercial

LyondellBasell

-Bruno HERY, directeur des affaires institutionnelles Europe

-Philippe GOY, directeur adjoint de l'usine de production de Fos

-Caroline HENRY, porte-parole de l'usine de Fos

Services économiques des Ambassades de France en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Suède et au Canada

Service de défense, de sécurité et d'intelligence économique du MEDDTL

3. OPÉRATIONS DE DÉNEIGEMENT ET DÉVERGLAÇAGE

A3.1. DÉNEIGEMENT ET DÉVERGLAÇAGE DES PISTES ET DES VOIES DE NAVIGATION

Organisation générale

Le pilotage des opérations de service hivernal sur l'aire de mouvement est de la responsabilité d'ADP.

ADP dispose aussi d'un document cadre propre au dispositif déployé chaque année : le Plan Neige. Ce document produit par les unités opérationnelles « Aires Aéronautiques » de chacun des aéroports de CDG et d'Orly définit les règles de fonctionnement des différentes structures décisionnelles et opérationnelles du dispositif de traitement des pistes et des voies de circulation des avions. Il est diffusé à tous les acteurs internes et tous les partenaires externes du dispositif.

Modes opératoires

D'une façon générale, la stratégie de déneigement des pistes est élaborée en collaboration avec ADP par le service de la navigation aérienne de la région parisienne (SNA-RP) qui est un des organismes assurant le contrôle du trafic aérien de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de la DGAC.

CDG dispose pour cette mission de 4 trains de déneigement spécialisés : Train Pistes, Train Voies de dégagement à grande vitesse (DGV) Ouest, Train DGV Est et équipements pour les Voies de circulation (VDC). Au total, 31 engins sont dédiés au déneigement et déglaçage des pistes et voies de circulation.

La stratégie mise en œuvre consiste généralement en un traitement en simultané d’un doublet de pistes et des DGV associés. Des scénarii d'intervention sont préétablis et adaptés aux conditions du moment (traitement d'un doublet complet, piste intérieure seule, changement du sens d'utilisation de la piste, etc...). Pour chaque scénario, un plan de déneigement et de déverglaçage est déterminé.

Les temps d'intervention pour le déneigement des pistes de CDG sont classiquement pour une piste traitée sur 60 m de large (largeur nécessaire à la circulation d'un A380), de 20 minutes pour une piste courte et de 30 minutes pour une piste longue, soit 50 minutes au total pour le traitement d'un doublet de pistes. Le temps d'intervention pour le déverglaçage des pistes est de 10 minutes pour une piste courte et de 20 minutes pour une piste longue, soit 30 minutes au total pour le traitement d'un doublet de pistes.

Pour ce qui est des voies de circulation des avions, dont la longueur totale s'élève à 80 km, leur traitement complet nécessite 6 à 8 heures pour le déneigement et 2 heures pour un déverglaçage préventif. ADP assure également le déneigement et le déverglaçage des routes de service et dispose à cette fin de 2 saleuses effectuant chacune un circuit préétabli (ces circuits couvrent des distances de 25,4 km et 29,7 km).

La situation est de même nature à Orly. La première piste à déneiger est choisie par le SNA-RP en fonction de la configuration du moment, du trafic à venir, de la configuration du terrain et de l'état de l'infrastructure (niveau de glissance/contamination).

En fonction de la situation, ADP dispose pour déneiger les pistes, les voies de circulation avions (VCA) et les aires de manœuvres de un à 3 trains. Une des stratégies que peuvent, en fonction du niveau et de l'intensité des précipitations, adopter en coordination le SNA-RP et ADP sera de maintenir l'activité sur une piste (passage en piste unique associant atterrissages et décollages). Deux trains s'occupent alors de la piste à traiter pendant que la 2ème piste est en exploitation. Le 3ème train traitera quand à lui en temps masqué les voies de circulation.

Le temps de traitement d'une piste (compris ses voies d'accès) dépend de la nature et de l'épaisseur du contaminant. Avec un train, il varie de 45 minutes pour une neige sèche en faible épaisseur à 1h30 pour un contaminant humide et gelé. Avec 2 trains, ADP peut traiter une piste en 25 minutes.

A3.2. DÉNEIGEMENT DES AIRES DE STATIONNEMENT DES AVIONS

Organisation générale

Un dispositif spécifique a été mis en place pour ce qui concerne le déneigement et le déverglaçage des postes de stationnement des avions, prestations qui sont réalisées par ADP ou par les compagnies aériennes selon que le poste de stationnement est ou non occupé.

Ainsi, ADP est responsable du déneigement des postes de stationnement d'avions libres de toute occupation (par un aéronef ou par du matériel). En revanche, un poste avion occupé est sous la responsabilité de la compagnie concernée, à qui il appartient de prendre toutes les mesures nécessaires au déneigement pour permettre le bon déroulement de ses opérations et de celles de ses assistants.

Modes opératoires

Il s'agit pour ADP de déneiger les postes après leur libération par un vol au départ et avant une nouvelle séquence arrivée. L'ordre de priorité d'intervention est défini à partir de l'information de départ réel de l'avion et de l'heure d'arrivée prévisible du prochain avion qui utilisera ce poste. Le pilotage du déneigement des postes découle donc de la gestion des affectations de postes de stationnement. L'action prioritaire de déneigement

des postes est le dégagement des axes d'entrée, des marquages et des lignes de sécurité ce qui permet de conserver l'ensemble des repères et de guider les opérations de déneigement général des postes.

Les produits utilisés pour le traitement des infrastructures aéronautiques sont soit liquides (formiate de potassium), soit solides (formiate de sodium), soit mixtes. Du sable à granulométrie spéciale peut être utilisé pour la zone d’emprise des engins de poussage pour leur permettre une meilleure adhérence au démarrage.

Les organisations mises en place à CDG et à Orly sont semblables dans leur principe, dans la mesure où le pilotage des opérations revient aux unités opérationnelles gestionnaires des aérogares. Pour simplifier, seule l'organisation mise en place à CDG sera présentée ci-après.

Les unités opérationnelles gestionnaires des aérogares assurent le traitement des points stationnement associés à ces terminaux. En pratique, la gestion du déneigement des postes est répartie entre CDG1 et CDG2. A CDG1 le chef de ressource de l'unité opérationnelle CDG1 assure le traitement des aires (proches et larges) du terminal 1, du terminal 3, ainsi que des aires situées dans les zones de fret Nord et Sud, ces dernières pouvant être utilisées pour traiter au large des avions transportant des passagers en débord des terminaux de CDG2, principalement de la compagnie Air France. A CDG2, le traitement des aires liées aux unités opérationnelles CDGA et CDGE est placé sous la responsabilité d'une entité unique, le RODDA (Responsable des Opérations de Déneigement et Déverglaçage des Aires). Basé à proximité du centre de commandes du hub d'Air France, le RODDA assure un lien direct avec le cadre technique de permanence d’Air France pour définir les priorités d’intervention de déneigement et de déverglaçage des postes avions non occupés. Il déclenche les interventions des entreprises intervenant sur le terrain.

La plate-forme de CDG dispose au total de 42 engins traitant les aires de trafic (balayeuses, camions d'épandage et tracteurs adaptés en terme de maniabilité), regroupés par zone ; la concentration des moyens sur une zone (souvent organisés en train de neige) permet de renforcer l'efficacité des traitements.

Les intervenants sur la plate-forme sont multiples, en fonction des situations :

– Le déverglaçage des aires est réalisé par l'unité CDGL (épandage de formiate liquide) et 2 entreprises sous-traitantes (Eiffage et Wiame pour épandage de formiate solide, actif sur les surfaces fortement verglacées).

– Le déneigement est assuré par 2 sous-traitants : Wiame (pour CDGA) et Gimas (pour CDGE).

– Le déneigement des postes avions occupés est réalisé par l'assistant de la compagnie aérienne intervenant sur la zone. ADP assure la visibilité des axes de dégagement à l'arrière de l'avion, permettant ainsi le repoussage de l'avion en sécurité, mais n'intervient pas autour de l'appareil sur les zones où interviennent ces assistants.

4. RÈGLEMENTATION APPLICABLE AU DÉGIVRAGE

La réglementation applicable en Europe aux procédures au sol relatives au traitement du givre et des autres contaminants figure dans le règlement applicable pour le transport aérien par avion EU-OPS (CE) n°3922/91 modifié par le règlement (CE) n°859/2008 OPS.

Ce règlement stipule qu'un commandant de bord ne doit entreprendre un décollage que si les surfaces externes sont dégagées de tout dépôt susceptible d'avoir une incidence négative sur les performances et/ou la maniabilité de l'avion, sauf dans les limites spécifiées dans le manuel de vol. Il précise que c'est l'exploitant de l'avion, à savoir la compagnie aérienne, qui est responsable du traitement de son avion et qui doit agréer et auditer tout ce qui est sous-traité à une autre entité. Les procédures de dégivrage et d'antigivrage doivent être décrites dans le manuel d'exploitation de la compagnie. Ces procédures doivent comporter une description des types et effets du givre et autres contaminants sur les avions immobilisés sur la piste, lors des déplacements au sol et lors du décollage. De plus, cette description doit également porter sur les types de liquides utilisés, y compris noms de marque ou dénominations commerciales, caractéristiques, incidences sur les performances de l'avion, temps d'attente et précautions d'utilisation (OPS 1.345 et Appendice 1 à l'OPS 1.1045).

Ce règlement est complété, pour les compagnies françaises, par l’instruction du 26 juin 2008 relative aux règles techniques et procédures applicables au transport commercial par aéronef.

Cette instruction souligne que les procédures établies par l'exploitant pour le dégivrage et l’antigivrage ont pour but de s'assurer que l’avion est propre afin qu'aucune dégradation des caractéristiques aérodynamiques ou interférence mécanique n'intervienne et, suite à l'antigivrage, de le maintenir ainsi pendant le temps de protection approprié. Elle précise que les procédures de dégivrage et d'antigivrage devraient couvrir, en incluant toute exigence propre à un type d'avion, les contrôles de contamination, les procédures de dégivrage/d’antigivrage (y compris les procédures à suivre en cas de dégivrage/d’antigivrage interrompu ou inefficace), les contrôles avant décollage, l’enregistrement de tout incident relatif au dégivrage/antigivrage et les responsabilités de tous les personnels impliqués dans le dégivrage/l’antigivrage.

Cette instruction traite également des fluides à utiliser, des informations qui doivent être échangées entre l'équipe au sol et l'équipage de l'avion, du temps de protection, des procédures de dégivrage et d'antigivrage, des temps de protection ainsi que des exigences en matière de formation initiale et périodique des équipages de conduite et des agents au sol impliqués dans les opérations de dégivrage.

Cette instruction invite les compagnies aériennes lorsqu'elles ont à établir des procédures opérationnelles, à se référer à tout un ensemble de documents relatifs aux procédures, aux équipements utilisés, aux fluides de dégivrage et à la formation :

– le Doc 9640-AN/940 préparé par l'OACI « Manuel pour les opérations de dégivrage/d’antigivrage au sol des avions » fournit des considérations générales sur le dégivrage (2ème édition 2000) ;

– les normes ISO 11076 « Méthodes de dégivrage/d’antigivrage des avions au moyen de fluides » et 11077 « Véhicules autonomes de dégivrage et d’antigivrage - Exigences pour le fonctionnement », (le cycle de révision étant long les documents ISO peuvent ne pas refléter les standards les plus récents) ;

– les standards définis par la Society of Automotive engineers (SAE) relatifs aux méthodes de dégivrage/antigivrage ARP 4737 et aux méthodes de formation des agents ARP 5149 ;

– les documents préparés par l'Association des compagnies aériennes européennes (AEA) « Recommandations for De-icing/Anti-icing of aircraft on the ground » (10 édition en août 2010) et « Recommndations for training » propres à la formation des agents (7ème édition) ;

– Standards SAE de même nature que ceux publiés par ISO sur les exigences

opérationnelles des véhicules de dégivrage (ARP 1971, 4047 et 4806) et sur la conception des dispositifs de dégivrage (ARP 4902).

Et pour ce qui concerne les fluides :

– ISO 11075 (Aerospace - Aircraft De-icing/Anti-icing Newtonian fluids, ISO Type I) et AMS 1424 (De-icing/Anti-icing Fluids, Aircraft - SAE Type I) pour les produits de type I ;

– ISO 11078 (Aerospace – De-icing/Anti-icing non Newtonian fluids, ISO Type II) et AMS 1428 (Fluid, Aircraft De-icing/Anti-icing, Non- Newtonian, Pseudo Plastic, SAE Type II, III, IV) pour les produits dits épaissis. Les normes les plus utilisées pour les fluides sont celles de la Society of Automotive Engineers (SAE) qui sont régulièrement mises à jour.

La DGAC a par ailleurs édité en 2008 un « Guide des bonnes pratiques », qui a été révisé et mis à jour en 2010.

Il convient ici de noter que l'utilisation de produit dégivrant n'est pas totalement sans risque. En effet, des investigations menées à la suite d'incidents d'exploitation sérieux (blocage de commande) ont montré il y a plus de 10 ans que l'application répétitive de liquides épaissis utilisés pour l'antigivrage des avions peut conduire à la formation de résidus solides qui peuvent après réhydratation et en conditions de vol givrantes affecter les commandes de vol ou dans certains cas conduire à des pertes de portance. La DGAC a publié à cet égard en 2001 une consigne opérationnelle (n° 2001-2) sur l’utilisation des liquides de dégivrage.

La mission a noté que l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a commencé à travers une notification anticipée de proposition d'amendement de la réglementation (Advance-Notice of Proposed Amendment A-NPA) publiée en 2007, à lister ce qui pourrait ou devrait être règlementé ou normalisé davantage pour couvrir tous les acteurs de ces opérations très complexes.


Le graphique ci-après (source ADP) permet de suivre les stocks depuis le 25 novembre. Certaines difficultés de livraison apparaissent dans les jours ayant suivi les principaux pics de consommation. Le stock était tombé à un niveau critique vers le 21 décembre, mais des réapprovisionnements ont pu être effectués les 22 et 23 décembre. De ce fait, malgré les tensions observées au long du mois de décembre, le stock de formiate, remonté au dessus de 200 000 litres, n'a pas été un facteur de perturbation les 23 et 24 décembre.

Suivi des stocks de Formiate Liquide du 25 nov au 27 décembre 2010 en m3

7. STOCKS DE PRODUITS DE DÉGIVRAGE ET DÉVERGLAÇAGE À ORLY

Les graphiques ci-après (source ADP) illustrent l'évolution des consommations et des stocks de glycol et de formiate. Ils montrent qu'il n'y a jamais eu de risque de pénurie à Orly pendant le mois de décembre 2010.

8. ÉVOLUTION DES STOCKS DE GLYCOL DE TYPES I ET II À CDG



9. GLOSSAIRE DES ACRONYMES

Acronyme

Signification

ADP

Aéroports de Paris

AEA

Association of European Airlines

AESA

Agence européenne de la sécurité aérienne

CDG

Aéroport de Paris-Charles de Gaulle

CDM

Collaborative Decision Making (cellule de décisions coordonnée)

CGEDD

Conseil général de l'environnement et du développement durable

DGAC

Direction Générale de l'Aviation Civile

DGV

Voies de dégagement à grande vitesse

DSAC

Direction de la Sécurité de l'Aviation Civile

DSNA

Direction des Services de la Navigation Aérienne

ISO

International Organization for Standardization

MEDDTL

Ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

MPG

Monopropylène glycol

NOTAM

Notice to Airmen

OACI

Organisation de l'Aviation civile internationale

RODDA

Responsable des opérations de déneigement et déverglaçage des aires

SAE

Society of Automotive Engineers

SNA-RP

Service de la navigation aérienne de la région parisienne

VCA

Voies de circulation des avions

VDC

Voies de circulation

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 ( « Avec une température moyenne inférieure de 3°C à la moyenne de référence 1971-2000, décembre 2010 est le mois de décembre le plus froid de ces 40 dernières années (...). Le mois a été ponctué de trois épisodes froids accompagnés de chutes de neige fréquentes et parfois abondantes. (...) Ces épisodes froids ayant été accompagnés d’un temps assez perturbé, les chutes de neige ont été particulièrement fréquentes et la neige a souvent tenu au sol. De telles conditions neigeuses en décembre n’avaient pas été observées depuis 30 ans au moins sur de nombreuses régions, notamment en Ile-de-France. A Paris-Montsouris, il a neigé quatorze jours dans le mois et une couche de neige de plus de 1 cm a été observée à seize reprises, l’épaisseur de neige au sol atteignant même 12 cm le 8 décembre. Ces valeurs constituent toutes les trois des records pour un mois de décembre à la station de Paris-Montsouris, sur la période 1980-2010 », source : Météo France.

3 () Conseil général de l'Environnement et du Développement durable (CGEDD), rapport n° 007552-01 Fonctionnement de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle lors de l'épisode neigeux des 23 et 24 décembre 2010.

4 () Direction de la sécurité de la navigation aérienne.