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No 3206

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 mars 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
le projet d’accord de libre-échange entre l'Union européenne

et le Canada,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Annick GIRARDIN

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, François Calvet, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Delebarre, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Marc Laffineur, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Jacques Myard, Michel Piron, Franck Riester, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

RÉSUMÉ DU RAPPORT 7

REPORT SUMMARY 13

INTRODUCTION 19

I. UN ACCORD DE « NOUVELLE GENERATION »VISANT A RENFORCER LES RELATIONS ECONOMIQUES ENTRE DES MARCHES D’ECHELLE INEGALE 25

A. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ANCIENNES 25

1. Une coopération transatlantique ancienne sur fond de contentieux 25

2. Des intérêts communs, mais un accord qui profitera surtout au Canada 27

a) Des relations économiques qui s’intensifient 27

b) Des intérêts partagés 30

B. UN LARGE PÉRIMÈTRE DE NÉGOCIATION 32

1. L’essentiel des négociations sur l’accès aux marchés porteront sur des pics tarifaires. 33

2. L’accès aux marchés agricoles 34

a) Obstacles tarifaires 34

b) Règles d’origine 34

c) Indications géographiques 35

3. L’accès aux marchés non agricoles 36

4. Les services 36

5. Les investissements 36

6. Les marchés publics 37

7. Les obstacles techniques au commerce et les normes 38

8. La protection de la propriété intellectuelle 38

9. La mobilité de la main d’œuvre 39

10. Le règlement des différends 40

II. UN PROJET D’ACCORD AUX CONSEQUENCES DISCUTEES ET REVELATEUR DES INTERROGATIONS SUR LA LEGITIMITÉ ET LA COHERENCE DE LA POLITIQUE COMMERCIALE EUROPEENNE 41

A. DES POINTS NON RÉGLÉS D’UNE NÉGOCIATION QUI AVAIT AVANCÉ ASSEZ RAPIDEMENT DANS UNE PREMIÈRE PHASE 41

1. Le degré de participation des provinces aux négociations sur les marchés publics 42

2. Les offres tarifaires dont les conséquences devront être examinées de près 42

3. Les risques des négociations sur les investissements 43

4. La complexité des négociations sur les règles d’origine 44

5. Les enjeux de l’établissement d’une liste négative en matière de services 45

6. La question délicate de l’exception culturelle 46

7. L’hypothèque des importations de carburants issus de sables bitumineux 46

B. LA POLITIQUE COMMERCIALE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE PEINE À S’INSCRIRE DANS LE NOUVEL ÉQUILIBRE INSTITUTIONNEL ÉTABLI PAR LE TRAITÉ DE LISBONNE 46

1. Malgré de nouvelles prérogatives parlementaires en matière de politique commerciale 47

2. Le Parlement européen est insuffisamment associé en amont de la négociation 48

a) Une exigence démocratique 48

b) Un accord aux impacts insuffisamment mesurés 48

c) L’information du Parlement européen, très en deçà des exigences du traité de Lisbonne 50

C. QUELLE COHÉRENCE DE LA POLITIQUE COMMERCIALE AVEC LES AUTRES POLITIQUES EUROPÉENNES ? 50

1. Cohérence avec la politique commune de l’agriculture et de la pêche 51

a) Le risque des concessions cumulées dans les différentes négociations 51

b) Le danger présenté par un pays ayant une agriculture extensive et protégée 51

c) Les disparités de normes environnementales et sanitaires 53

d) Les enjeux pour la politique commune de la pêche 54

2. Cohérence avec la politique relative aux pays et aux territoires d’outre mer 55

a) Les pays et territoires d’outre mer ne sont pas inclus dans le mandat de négociation de la Commission européenne 55

b) Les accords de libre-échange sont susceptibles d’avoir des impacts forts sur l’économie de ces territoires 56

c) La nécessaire prise en compte des préoccupations de Saint-Pierre-et-Miquelon dans la négociation 56

CONCLUSION 59

TRAVAUX DE LA COMMISSION 61

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE 65

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION 69

ANNEXES 71

ANNEXE 1 : PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE 73

ANNEXE 2 : ENTREPRISES SOUTENANT LES NÉGOCIATIONS EN VUE DE LA CONCLUSION D’UN ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE ENTRE LE CANADA ET L’UNION EUROPENNE 75

RÉSUMÉ DU RAPPORT

Porté par la présidence française de l’Union européenne en 2008 – choix largement inspiré et soutenu par un fort lobbying d’entreprises et par le Canada – le projet d’accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada s’inscrit dans la logique de la politique commerciale de la Commission européenne : signer des accords bilatéraux, au lieu et place ou en attendant la conclusion des négociations multilatérales du cycle de Doha à l’Organisation mondiale du commerce.

I. Un projet d’accord au champ d’application large, entre deux marchés d’échelle inégale

Des relations non prioritaires : les relations entre l’Union européenne et le Canada sont certes anciennes, un accord cadre de coopération économique et commerciale liant les deux parties depuis 1976. Cependant, les flux économiques ne sont pas prioritaires. Le Canada est plus tourné vers son principal partenaire de l’Alena (traité de libre échange nord américain), les Etats-Unis qui est aussi le partenaire important pour l’Union européenne dans le cadre de la relation transatlantique. Ces relations s’inscrivent en outre sur fond de nombreux contentieux portés à l’OMC : viande aux hormones de croissance, OGM, indications géographiques, produits dérivés du phoque.

Des intérêts partagés à la signature d’un accord de libre échange ? L’Union européenne a des intérêts offensifs sur certains produits agricoles à forte valeur ajoutée, la défense de ses indications géographiques, les investissements, l’accès aux services et aux marchés publics. Pour le Canada, l’Europe à 27 représente un marché non négligeable de 500 millions de consommateurs. Pour autant, comme le met en évidence une étude réalisée par le CEPII(2) en juillet 2009, un accord serait plutôt favorable pour le Canada et neutre pour l’Union européenne, ce qui s’explique par la différence de taille entre les deux économies.

Un large périmètre de négociation : comme tous les accords de libre échange de « nouvelle génération », l’enjeu n’est pas tant les négociations tarifaires que les sujets dits « Singapour » exclus du champ de la négociation du cycle de Doha. Les négociations visent plus de vingt domaines et neuf d’entre eux seront au cœur de la négociation : services, propriété intellectuelle (dont les indications géographiques), marchés publics, investissements, obstacles techniques au commerce, mobilité de la main d’œuvre…

II. Un projet d’accord aux conséquences discutées

La discussion sur ce projet intervient à un moment stratégique où de nouveaux équilibres institutionnels doivent être trouvés entre la Commission européenne et le Parlement européen doté de nouvelles prérogatives depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

La négociation est entrée dans une phase complexe : l’objectif politique de conclusion des négociations est fin 2011. Six rounds de négociations se sont tenus et les deux prochains- en avril et juin- sonneront l’heure de vérité car les points qui fâchent devront être vraiment abordés et faire l’objet de concessions réciproques. Le contentieux sur les sables bitumineux que l’Union européenne envisage de porter devant l’OMC pourrait interférer sur le déroulement de la négociation

La négociation sur les services qui se fait sur la base de liste négative, selon le principe « tout est libéralisé sauf ce qui est exclu » soulève un problème de définition des services devant faire l’objet de la libéralisation. Les craintes de la société canadienne pour les services publics (santé, éducation) rencontrent celles des citoyens européens.

S’agissant des investissements, ce projet d’accord est l’occasion pour la Commission d’expérimenter la façon dont elle peut exercer la compétence exclusive qu’elle a désormais en matière d’investissements étrangers. Pour le Canada, il s’agit avant tout d’obtenir une sécurisation juridique de ses investissements, principalement dans les nouveaux Etats membres. Certains Etats membres, dont la France et l’Allemagne, craignent que cet accord ne soit l’occasion d’adopter des dispositions moins favorables pour leurs investisseurs que celles existant dans les accords bilatéraux précédemment conclus.

L’Union européenne a estimé que, compte tenu des implications qu’aurait un accord de libre échange, notamment en termes de marchés publics, il était indispensable que les provinces soient dans la boucle de la négociation afin d’obtenir le maximum de réciprocité. Or à ce point des discussions, le Canada a autant à négocier avec ses provinces qu’avec l’Union européenne.

Les négociations sur les règles d’origine (produits agricoles et de la pêche, produits industriels- textile, automobile) seront délicates, compte tenu du risque que par ce biais, le Canada constitue une porte d’entrée sur l’Europe des produits américains ou mexicains.

III. Un projet révélateur des questions sur la légitimité et la cohérence de la politique commerciale avec les autres politiques européennes

La politique commerciale de la commission européenne peine à s’inscrire dans le nouvel équilibre institutionnel établi par le traité de Lisbonne : le Parlement européen doit être informé sur l’état des négociations (article 207) afin de pouvoir donner son approbation à l’accord (article 218) ; auparavant, il ne donnait que son assentiment. La Commission a du mal à se défaire d’habitudes de rétention de l’information. Or dans un contexte où la politique commerciale a des répercussions sur les politiques sociales et économiques intérieures et où les questions commerciales seront de plus en plus importantes compte tenu de la mondialisation, la Commission doit être comptable des négociations, devant le Parlement européen : il s’agit d’une exigence démocratique.

Le déficit d’études d’impact, avant, au cours et en fin de négociation est criant. Seule a été faite une étude conjointe par la Commission et le gouvernement canadien pour déterminer le périmètre de la négociation. Mais les incidences n’ont été appréciées qu’en termes économiques globaux. Les conséquences sectorielles ne sont pas mesurées, ni les impacts sociaux et environnementaux, ce qui permet de survendre les avantages économiques.

La Commission européenne n’informe pas de façon adéquate le Parlement européen : les comptes rendus des différents rounds de négociations sont brefs, elliptiques et généraux. A cela s’ajoutent les rapports de force en défaveur du Parlement européen qui n’a pas les moyens d’expertise technique.

De façon générale, aucun débat n’a eu lieu sur le bien fondé de mener une politique généralisée d’accords de libre échange. Cela a été particulièrement flagrant s’agissant de la reprise des négociations avec les pays du Mercosur, qui a été une décision de la Commission.

La politique commerciale devrait être menée en cohérence avec les autres politiques de l’Union comme le dispose l’article 207: « Il appartient au Conseil et à la Commission de veiller
à ce que les accords négociés soient compatibles avec les politiques de l’Union ».



Concernant la politique agricole commune,
le Canada, dont l’agriculture extensive est très protégée malgré l’appartenance de ce pays au groupe de Cairns, a des capacités exportatrices majeures. Il peut faire une concurrence redoutable sur le blé, la viande bovine, le colza. Il faudra être particulièrement attentif au démantèlement des pics tarifaires sur les produits sensibles (bovins, lait). De plus, du point de vue qualitatif, les disparités sanitaires et environnementales sont importantes. Le Canada produit 10 % des récoltes mondiales avec OGM et l’affaire du b
œuf aux hormones est emblématique, même si l’on est parvenu en novembre dernier à un compromis.

La Commission européenne a trop tendance à accumuler des concessions sur l’agriculture en vue d’obtenir un meilleur accès au marché des pays tiers pour les produits industriels et les services, l’agriculture servant ainsi de « variable d’ajustement ». Comment dans ces conditions défendre une PAC ambitieuse pour l’après 2013 ?

Les concessions qui seront inévitablement faites au Canada doivent être comptabilisées avec celles faites dans le cadre d’autres accords de libre-échange.

L’enjeu est fort pour la politique commune de la pêche : On ouvre largement les marchés communautaires aux importations au risque de déstabiliser tout un pan de l’économie européenne.

Les intérêts des pays et territoires d’outre mer (PTOM) ne sont pas pris en compte lors des négociations commerciales. L’accord d’association entre l’Union européenne et ces territoires n’inclut pas cette protection. Or ils ont un régime commercial spécifique s’attachant à la définition des règles d’origine et bénéficient d’une procédure de transbordement leur permettant de réexpédier de produits non originaires des PTOM en exemption de droits. La libéralisation des échanges est à l’origine d’une érosion des préférences.

Un accord de libre échange avec le Canada aurait un impact direct sur Saint-Pierre-et-Miquelon, archipel à la structure économique fragile dépendant largement des quotas de pêche, de la dérogation aux règles d’origine et de la procédure de transbordement. La commission européenne a « accepté » de défendre certains intérêts de la France, en utilisant les marges de man
œuvre dont elle dispose en matière de lignes tarifaires.

Les PTOM ne doivent pas, comme la politique agricole, être une variable d’ajustement de la politique commerciale européenne. En conséquence, il est souhaitable d’aligner le régime des PTOM sur celui des RUP en matière commerciale (inclusion dans le mandat de négociation ; études d’impact préalable ; compensation financière des conséquences économiques de l’accord et insertion d’une clause de sauvegarde).

Dans la mesure où la question de la nature juridique de l’accord – mixte ou pas – n’a pas été tranchée, il n’est pas certain que les Parlements nationaux aient à se prononcer. Le contrôle du Parlement européen, en lien avec les parlementaires nationaux, en a d’autant plus d’importance et de sens.

REPORT SUMMARY

Upheld by the French presidency of the European Union in 2008 – a choice which was widely inspired and supported by strong lobbying from companies and by Canada – the draft free trade agreement between the European Union and Canada fits into the European Commission's commercial policy logic of signing bilateral agreements in lieu and instead of or pending the conclusion of the World Trade Organization Doha cycle multilateral negotiations.

I. A draft agreement with a broad field of application, between two markets of unequal scale

Non-priority relations: the relations between the European Union and Canada are admittedly old. Indeed a Framework Agreement for Commercial and Economic Cooperation has tied the two parties since 1976. However, the economic flows are non priority. Canada is more oriented towards its main NAFTA partner, the United States, which is also the major partner for the European Union as part of the Transatlantic relationship. These relations are also to be viewed against the backdrop of many disputes taken to the WTO: growth hormones meat, GMOs, geographical indications, seal-derived products.

Shared interests in the signature of a free trade agreement? The European Union has offensive interests in some high added-value products, the defence of its geographical indications, investments, and access to services and government procurements. For Canada, the Europe of 27 represents a non-negligible market of 500 million consumers. Yet, as highlighted by a study carried out by the CEPII(3) in July 2009, an agreement would be rather favourable for Canada and neutral for the European Union, which can be explained by the difference in size of the two economies.

A broad negotiation perimeter: like all 'new generation' free trade agreements, the issue at stake is not so much tariff negotiations but rather the so-called 'Singapore' issues excluded from the Doha cycle negotiating remit. The negotiations cover more than twenty fields and nine of them will be at the heart of the negotiation: services, intellectual property (including geographical indications), government procurements, technical barriers to trade, labour mobility, etc.

II. A draft agreement with debated consequences

The debate on this draft is taking place at a strategic time when new institutional balances must be found between the European Commission and the European Parliament which has been given new prerogatives since the entry into force of the Lisbon Treaty.

The negotiation has entered a complex phase: the political aim is to conclude the negotiations by end 2011. Six negotiating rounds have been held and the next two – in April and June – will be the decisive moment because the vexatious issues really will have to be addressed and reciprocal concessions made. The tar sands dispute which the EU is envisaging taking to the WTO could interfere with the outcome of the negotiation.

The negotiation on services which is being made on a negative list approach, according to the principle that 'everything is liberalised except what is excluded' raises the problem of defining the services that are to be liberalised. Canadian society's fears over public services (health, education) meet those of European citizens.

Referring to investments, this draft agreement is an opportunity for the Commission to test the way it can exercise the exclusive competence it now has over foreign investments. For Canada, it is above all a matter of obtaining judicial security for its investments, mainly in the new Member States. Some Member States, including France and Germany, fear that this agreement may be an occasion to adopt provisions less favourable for their investors than those enshrined in the previously concluded bilateral agreements.

The European Union has felt that, given the implications a free trade agreement would have, especially in government procurement terms, it is essential for the provinces to be present at the next two rounds in order to obtain maximum reciprocity. However, at this stage of the discussions, Canada has as much to negotiate with its provinces as with the European Union.

The negotiations on rules of origin (agricultural and fishery products, industrial products – textiles, automobile sector) are tricky, given the risk that, through this channel, Canada forms a gateway to Europe for American or Mexican products.

III. A draft revealing the questions relating to the legitimacy of the trade policy and its coherence with the other European policies

The commercial policy of the European Commission is in difficulty fitting into the new institutional balance laid down by the Lisbon Treaty: the European Parliament must be informed about the state of the negotiations (Article 207) in order to give its approval to the agreement (Article 218); previously it gave only its assent. The Commission is finding it difficult to rid itself of its habit of withholding information. However, in a context where commercial policy has repercussions on domestic, social and economic policies, and where commercial issues will be increasingly important given globalisation, the Commission must be accountable for the negotiations to the European Parliament: this is a democratic requirement.

The lack of impact studies, before, during and at the end of the negotiations is alarming. Only one joint study has been made by the Commission and the Canadian government to determine the negotiation perimeter. But the effects have been assessed only in global economic terms. The sectoral consequences have not been measured, nor the social and environmental impacts, which allows the economic advantages to be oversold.

The European Commission does not adequately inform the European Parliament: the reports of the various negotiation rounds are brief, elliptical and general. This is compounded by the balance of power to the disadvantage of the European Parliament which does not have the technical expertise.

Generally speaking, no debate has taken place on the validity of conducting a generalised policy of free trade agreements. This has been particularly flagrant with respect to the resumption of negotiations with the Mercosur countries, which was a Commission decision.

The commercial policy should be conducted coherently with the other Union policies as laid down in Article 207: 'The Council and the Commission shall be responsible for ensuring that the agreements negotiated are compatible with the internal Union policies and rules'.

Concerning the common agricultural policy, Canada, whose extensive agriculture is highly protected despite the country belonging to the Cairns Group, has major export capacity. It can compete fearsomely regarding wheat, beef and veal, and colza. Great attention will have to be paid to the dismantling of tariff peaks on sensitive products (beef, veal, and dairy products). Furthermore, from the qualitative viewpoint, there are high health and environmental disparities. Canada produces 10% of world crops with GMOs and the hormone beef affair is emblematic, even if a compromise was reached last November.

The European Commission has too much of a tendency to accumulate concessions on agriculture with a view to obtaining better access to the market of third countries for industrial products and services, agriculture thereby serving as an 'adjustment variable'. How, in these conditions, can an ambitious post-2013 CAP be defended?

The concessions which will be inevitably made to Canada must be counted with those made in the framework of other free trade agreements.

- The common fisheries policy stands to lose much: Community markets are being widely opened to imports at the risk of destabilising a whole sector of the European economy.

The interests of the Overseas Countries and Territories (OCTs) are not taken into account in the commercial negotiations. The association agreement between the European Union and these territories does not include this protection. However, the OCTs have a special commercial regime that defines rules of origin and they benefit from a transshipment procedure allowing them to re-ship products not originating from the OCTs without paying duties. Trade liberalisation has led to an erosion of preferences.

A free trade agreement with Canada would have a direct impact on Saint Pierre and Miquelon, an archipelago with a fragile economic structure widely dependent on fishery quotas, derogation from rules of origin and the transshipment procedure. The European Commission has 'accepted' to defend some of France's interests by using the leeway it has regarding tariff lines.

OCTs must not, unlike the agricultural policy, become an adjustment variable of the European commercial policy. It is therefore advisable to harmonise the regime of OCTs with that of UPRs in the commercial field (inclusion in the negotiating mandate; prior impact studies; financial compensation for the economic consequences of the agreement and insertion of a safeguard clause).

As the issue of the legal nature of the agreement – joint or not – has not been settled, it is not clear whether national parliaments will have to express their opinion. Scrutiny by the European Parliament, in conjunction with the national parliaments, is therefore all the more important and meaningful.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Alors que la conclusion du cycle de Doha, entamé depuis 2001 au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), est toujours annoncée comme possible, probable ou hypothétique, la Commission européenne joue la carte des accords bilatéraux de libre-échange.

Dans sa communication du 9 novembre 2010 sur la politique commerciale(4), elle maintient le cap fixé en 2006, qui fait de la politique commerciale un élément de la compétitivité de l’Union. Elle insiste en conséquence sur la nécessité d’ouvrir des marchés(5), la signature d’accords de libre-échange étant présentée comme un des moyens d’y parvenir. Le commissaire au commerce, M.Karel de Gucht, a annoncé que le mouvement vers des accords bilatéraux allait se poursuivre, voire s’accentuer(6).

En conséquence, même si les Etats-Unis, le Japon, la Chine et la Russie restent des partenaires stratégiques, les négociations se diversifient. Ainsi, après la signature récente du très controversé accord avec la Corée du Sud, des négociations ont été annoncées avec les grands pays émergents, Inde, Singapour, Vietnam, Malaisie… Alors que les négociations avec le Mercosur suspendues depuis 2004 ne devaient reprendre qu’une fois le cycle de Doha achevé, la Commission européenne les a réactivées (7).

Or cette politique de signature d’accords tous azimuts se fait contre l’avis du Parlement européen. Alors que le round de Doha est toujours officiellement affiché comme la priorité, faut-il y voir le signe d’un pessimisme ou d’une lassitude quant à la possibilité de « boucler » les négociations multilatérales? Ou la Commission européenne se saisit-elle de ces accords pour pouvoir aller au-delà du champ de Doha ? En effet, ces accords de libre-échange (ALE), dits de « nouvelle génération » poursuivent des objectifs plus larges permettant de prendre en compte les nouvelles conditions des échanges. Le commerce international a changé et d’autres flux – investissements, services -que ceux portant sur les marchandises sont devenus essentiels dans le cadre d’une économie mondialisée.

Les négociations en vue de la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada s’inscrivent dans le cadre général de cette politique commerciale. Il s’agira du premier accord de libre-échange négocié entre l’Union européenne et un pays développé membre de l’OCDE.

Ce projet d’accord a été porté par la présidence française de l’Union européenne en 2008, choix largement inspiré et soutenu par un fort lobbying d’entreprises(8) et par le Canada, notamment certaines de ses provinces, demandeur d’un accord le plus large possible afin de profiter des occasions créées par un marché de 500 millions de consommateurs. On peut s’interroger sur l’intérêt de l’Union européenne à négocier avec un marché de 35 millions de consommateurs et sur le choix qui a été fait d’un accord avec un seul pays de l’Alena alors qu’une étude montre qu’un accord serait plus favorable pour le Canada que pour l’Union européenne(9).

Au demeurant, certains Etats membres de l’Union européenne n’étaient pas particulièrement demandeurs d’un tel accord; la Grande-Bretagne estimait ainsi que les liens bilatéraux étaient suffisants. Quoi qu’il en soit, l’idée de relancer un projet dans la lignée des négociations en vue d’un accord sur le renforcement du commerce et de l’investissement (ARCI) suspendues en 2006, a été réactivée lors du sommet de Berlin en 2007. Après la publication d’une étude sur les coûts et avantages d’un partenariat économique plus étroit, les négociations ont été officiellement engagées en mai 2009, lors du sommet de Prague.

La Commission européenne présente ce projet d’accord comme un moyen de rééquilibrer les relations commerciales entre l’Union européenne et l’Amérique du Nord. Le Canada fait partie de l’Alena, accord de libre-échange nord-américain qui le lie aux Etats-Unis et au Mexique. En effet, quand on parle de la relation entre l’Amérique du Nord et l’Union européenne, sont essentiellement concernées les relations avec les Etats-Unis : comme le soulignait la Commission européenne dans une communication de 2003(10), le Canada fait figure de « parent pauvre » de la relation transatlantique.

L’objectif politique affiché est une conclusion des négociations à la fin de l’année 2011. A ce jour, six rounds de négociations se sont tenus. Les deux prochains – en avril et juin – sonneront sans doute l’heure de vérité. Les points qui fâchent - offres tarifaires, marchés publics – seront abordés et les offres respectives seront le résultat de concessions réciproques. La question des services mobilise actuellement beaucoup d’énergies. La négociation sur la base de liste négative - principe selon lequel « tout est libéralisé sauf ce qui est exclu », que la Commission européenne avait présentée comme une exigence canadienne - soulève des difficultés de définition des services devant faire l’objet de la libéralisation. Du côté canadien, la négociation est rendue plus difficile par le fait que, pour la première fois, les gouvernements provinciaux et territoriaux participent directement aux négociations. Or les provinces avancent dans cette négociation en ordre dispersé, le Québec étant par exemple plus favorable à l’accord que certaines provinces maritimes.

Un certain nombre de contentieux empoisonnent les relations entre l’Union européenne et le Canada comme ceux relatifs aux OGM, aux hormones de croissance, à l’amiante, à la gestion des risques environnementaux ou à l’interdiction de la vente des produits dérivés du phoque(11). Il est par ailleurs possible que l’Union européenne engage une action auprès de l’OMC contre les importations de carburants issus de sables bitumineux en provenance du Canada, ce qui pourrait peser sur le déroulement des négociations même si les deux parties ont indiqué que les deux dossiers étaient traités de façon indépendante.

Ce projet d’accord suscite toutefois moins de craintes et d’oppositions que celui, par exemple, avec les pays du Mercosur, sans doute en raison de l’ancienneté des liens commerciaux, politiques et culturels avec un pays ayant des structures économiques comparables. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les conséquences que peut avoir un tel accord. Ce n’est pas par hasard si les négociations, qui ont connu dans un premier temps un rythme assez rapide, butent autour de questions sensibles.

D’une façon plus globale, cet accord est révélateur de trois questions suscitées par la politique commerciale de la Commission européenne.

En premier lieu, cette politique commerciale repose sur le postulat - contestable et contesté(12) - selon lequel la libéralisation des échanges prônée notamment dans le cadre de l’OMC constituerait un optimum de premier rang. La notion de libre-échange ne devrait- elle pas céder la place à celle de « juste échange » dans la mesure où l’élimination de tous les obstacles à la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux ne conduit pas forcément en elle-même à la croissance la plus forte, la plus durable et la plus équitable ?

Se pose ensuite la question de la légitimité de l’action de la Commission. La politique commerciale étant une compétence exclusive de l’Union, la Commission l’exerce sur la base d’un mandat formulé en termes généraux, ce qui lui donne une large marge de manœuvre. Le traité de Lisbonne a introduit des dispositions visant à renforcer les prérogatives de contrôle du Parlement européen sur les négociations, mais leur application est loin d’être effective comme le démontrent les fortes réticences de la Commission pour transmettre les informations sur la tenue des différents rounds de négociations.

Cette politique commerciale pose enfin le problème de sa cohérence avec les politiques européennes structurantes, telle la politique agricole commune(13) et la politique à l’égard des pays et territoires d’outre-mer.

En effet, faire la balance globale des intérêts offensifs et défensifs ne suffit pas. Encore faut-il mesurer les impacts sur des secteurs et zones sensibles de l’accord. Plus encore, il est nécessaire de rapporter les conséquences d’un accord à celles des autres négociations bilatérales et multinationales en cours. Enfin, pour que la politique commerciale soit un élément de la compétitivité de l’Union, l’Europe doit obtenir davantage de réciprocité, notamment dans l’accès aux marchés privés et publics.

La rapporteure a été alertée sur les conséquences du projet d’accord avec le Canada par le biais d’un territoire qui n’est pas partie au mandat de négociation, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, porte d’entrée directe de l’Union européenne au Canada. Elle a ensuite tiré les fils d’un écheveau complexe en auditionnant les négociateurs européens et des représentants des ministères concernés. Elle a tenu des réunions avec les parlementaires européens, qui regrettent unanimement la façon dont la Commission conduit les négociations et craignent les conséquences d’un tel accord, cumulées avec celles d’autres accords en cours de négociation.

A l’heure de la mise en œuvre du traité de Lisbonne, qui a voulu renforcer les pouvoirs de l’instance démocratique qu’est le Parlement européen, on ne pourra pas faire l’économie d’un débat sur le bien fondé de la politique commerciale menée par la Commission européenne.

I. UN ACCORD DE « NOUVELLE GENERATION »VISANT A RENFORCER LES RELATIONS ECONOMIQUES ENTRE DES MARCHES D’ECHELLE INEGALE

Le Canada partage avec l’Union européenne de nombreuses affinités historiques et culturelles et leurs relations économiques sont le résultat d'une longue tradition de commerce, bien avant que le Canada ne devienne un Etat souverain en 1867. Le plus ancien accord économique bilatéral passé avec un Etat membre de l’Union européenne -toujours en vigueur- est le traité de paix et de commerce signé en 1654 entre la Grande–Bretagne qui exerçait alors sa souveraineté sur le Canada et la Suède. Depuis lors, le Canada a conclu, avec les Etats membres de l’Union européenne, plus de 400 accords qui portent sur un large éventail de questions économiques.

A. Des relations économiques anciennes

Les négociations d’un accord de libre-échange (ALE) entre le Canada et l’Union européenne doivent être replacées dans le cadre d’une coopération bilatérale remontant à 1959, date à laquelle le Gouvernement canadien et la Communauté européenne de l’énergie atomique conclurent un accord de coopération concernant les utilisations pacifiques de l’énergie atomique(14).

Par la suite, a été signé l’accord-cadre de coopération économique et commerciale de 1976. Principal instrument juridique de la coopération entre les deux parties, il régit encore leurs relations économiques. La mise en place d’une structure annuelle de dialogue a permis de déborder le champ de cet accord et de signer divers accords et déclarations - accord de coopération douanière de 1997, accord de reconnaissance mutuelle de 1998, accord vétérinaire de 1999, accord relatif à la concurrence de 1999, accord sur les vins et spiritueux de 2003. Cependant, il s’agit d’accords sectoriels. Il n’y a pas d’accord unique régulant l’ensemble des relations économiques.

1. Une coopération transatlantique ancienne sur fond de contentieux

Même si le Canada bénéficie d’un capital de sympathie lié à une histoire qui fut un temps commune, une méconnaissance réciproque s’est installée, alimentée par un certain nombre de contentieux.

Cette méconnaissance est d’abord liée à la différence d’approche générale de la société. Du côté canadien, influencé par les conceptions anglo-saxonnes, prévaut un attachement à une conception individualiste et du libre jeu du marché, tout en préservant ses intérêts stratégiques bien compris. L’affrontement a été frontal lors des négociations multilatérales à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La PAC a ainsi fait l’objet d’attaques en vue de son démantèlement par le groupe de Cairns auquel appartient le Canada, sans doute avec une conviction moindre que certains membres de ce groupe. Les deux parties se sont par ailleurs opposées dans le cadre de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC, s’agissant des appellations d’origine contrôlée, essentiellement sur l’appellation « Bordeaux Médoc ». L’Union européenne avait entamé une procédure d’examen d’obstacle au commerce que la législation canadienne sur les marques commerciales pourrait imposer aux vins français. Cette procédure a par la suite été suspendue du fait de la conclusion d’un accord bilatéral sur le commerce des vins et spiritueux d’avril 2003(15). Enfin, le Canada avait en 1998 engagé une procédure auprès de l’OMC contre la France au motif que l’interdiction de l’amiante était contraire aux règles du commerce international(16).

Dans le cadre des relations transatlantiques, les Européens n’ont pas une idée exacte des ressources du Canada, de sa diversité économique, démographique et culturelle.

L’Union européenne estime par ailleurs que le Canada ne se démarque pas suffisamment de son grand voisin, les Etats-Unis, notamment depuis que ces deux économies sont étroitement imbriquées dans le cadre du traité Alena(17), comme l’illustrent certains dossiers sensibles. Le Canada s’est ainsi associé aux Etats-Unis dans un certain nombre de litiges tels que ceux sur la viande aux hormones ou les OGM. Le Canada avait adopté des mesures de rétorsion contre certains produits européens (foie gras) qui se voyaient appliquer un droit de douane de 100 %. Les domaines de la pêche ou de l’agriculture ont fait aussi l’objet de conflits larvés ou ouverts.

C’est pourquoi on peut légitimement se demander si le Canada fait montre d’une volonté de se désolidariser des Etats-Unis et adopte une logique propre afin de réorienter et rééquilibrer ses relations commerciales. Les Etats-Unis suivent d’ailleurs de très près l’évolution des pourparlers entre le Canada et l’Union européenne : ils y sont d’autant plus attentifs que c’est la première fois que l’Union européenne entreprend des négociations avec un pays industrialisé et que par le biais de l’Alena, le Canada peut constituer la porte d’entrée d’un marché important.

Pour leur part, les Canadiens ont une perception mitigée de l’Europe. Ils situent assez difficilement le pouvoir dans l’Union européenne – au niveau des Etats membres ou à Bruxelles ? - et estiment que les réglementations européennes sont opaques. Les Canadiens ont essuyé en 1994 une fin de non-recevoir à leur première demande de constitution de zone de libre-échange, l’Union européenne ayant à l’époque estimé qu’elle n’y trouverait pas suffisamment d’avantages. Par ailleurs en 2004, après trois cycles de négociations, les négociations en vue d’un accord sur le renforcement du commerce et de l’investissement (ARCI) ont été suspendues.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et le contexte mondial a évolué : crise économique et financière, accentuation de la mondialisation, échec des négociations multilatérales. C’est dans ce contexte que les négociations sur l’accord de libre-échange ont été réactivées en 2007.

2. Des intérêts communs, mais un accord qui profitera surtout au Canada

Les relations économiques entre Canada et Union européenne, même si elles sont solides, sont comparativement limitées par rapport aux relations entretenues par le Canada avec la zone Alena et à celles liant l’Union européenne avec les Etats-Unis dans le cadre de la relation transatlantique, ou à d’autres pays comme l’Inde ou la Corée du Sud. Cela tient largement à la différence d’échelle entre les deux marchés.

a) Des relations économiques qui s’intensifient

L’Union européenne n’est pas le principal partenaire commercial du Canada, la relation économique avec les Etats-Unis éclipsant pour une large part les autres relations commerciales. Avec l’entrée en vigueur du traité Alena en 1994, ce pays s’est plus encore ancré à l’économie américaine. Même si le commerce de marchandises entre les deux pays a souffert de la crise financière et économique mondiale - en 2009, les échanges entre les deux pays sont tombés à leurs niveaux les plus bas -, il n’en reste pas moins que trois quarts des échanges canadiens se font avec les Etats-Unis.

Du côté européen, le Comité économique et social européen(18) a qualifié les relations économiques entre l’Union européenne et le Canada de « modestes ». Le Canada n’est que le quatorzième pays pour les exportations européennes. Selon les critères établis par la Commission européenne pour choisir les pays avec lesquels des accords de libre-échange devraient être prioritairement signés (potentiel de marchés en fonction de la taille et de la croissance économique, niveau des mesures de protection contre les exportations de l’Union européenne tant pour les tarifs douaniers que pour les barrières non tarifaires), la Commission européenne avait ciblé dans sa communication de 2006 les pays suivants : pays de l’ANASE(19), la Corée du Sud, les pays du Mercosur(20), l’Inde, la Russie et le Conseil de coopération du Golfe, ainsi que la Chine. Le Canada n’était pas cité comme une priorité, le potentiel de marché de ce pays étant estimé à 28 milliards d’euros pour 2005-2015 alors que ceux des Etats-Unis, de la Chine, de la Corée étaient respectivement de 449, 204, et 45 millions de d’euros. Dans la communication du 9 novembre 2010, ces priorités n’ont pas changé.

Il n’en reste pas moins que ces relations économiques se sont intensifiées, tant à travers les exportations que pour des opérations plus complexes dans le secteur des services et des implantations d’entreprises.

Exportations de l’Union Européenne à 27 et du Canada

(en millions de dollars US courants)

Source : CEPII, base CHELEM-Commerce International

En 2007, le montant total des exportations canadiennes s’élève à 391 milliards de dollars US (importations totales : 377 milliards). Celles de l’UE27 s’élèvent à 5 158 milliards de dollars US (importations totales : 5 308 milliards).

L’Union européenne est le deuxième partenaire commercial du Canada s’agissant des échanges de marchandises tandis que le Canada est le onzième partenaire de l’Union européenne, comptant pour 2 % des exportations de l’Union européenne et pour 1,5 % de ses importations. En 2009, le commerce des biens s’est élevé à 40,2 milliards d’euros, tandis que les échanges de services commerciaux (à l’exclusion des services publics) ont représenté 18,8 milliards d’euros.

La tendance est à l’augmentation des flux d’échanges. Si la part relative du Canada dans le commerce de l’Union européenne a légèrement diminué, la valeur des échanges a augmenté en termes absolus. Entre 2000 et 2009, les exportations de marchandises de l’Union européenne vers le Canada sont passées de 21,1 à 22,4 milliards d’euros tandis que les importations de marchandises en provenance du Canada par l’Union européenne ont diminué, passant de 19 milliards d’euros à 17,8 milliards d’euros(21).

Au niveau sectoriel, les principaux secteurs d’exportation du Canada vers l’Union européenne relèvent du secteur manufacturier (métaux, minéraux, chimie) et une part non négligeable des exportations canadiennes sont de nature agricole (blé, graines oléagineuses, produits alimentaires) pour un total de 1,3 milliard d’euros. L’Union européenne exporte principalement des biens industriels vers le Canada (machines, chimie, caoutchouc, plastique ainsi que véhicules à moteur). Sont également très présents le pétrole et ses dérivés(22), ainsi que l’électronique.

La relation d’investissement est encore plus importante : l’Union européenne est le deuxième partenaire en termes d’investissement du Canada et le Canada est le quatrième partenaire d’investissement de l’Union européenne. Durant la période 2002-2007, l’investissement bilatéral a aussi augmenté et à des taux supérieurs à ceux des investissements respectifs faits par les deux partenaires aux Etats–Unis(23).

Echanges de biens des Etats membres de l’UE27 avec le Canada

(en millions d’euros)

 

Exportations

Importations

Solde

 

2000

2009

2000

2009

2000

2009

UE27

21 112

22 438

18 978

17 769

2 134

4 669

Belgique

842

1 998

1 520

1 377

-678

621

Bulgarie

35

32

16

46

19

-14

Rép. tchèque

68

106

103

149

-35

-43

Danemark

373

651

316

338

57

313

Allemagne

4 293

5 173

2 873

2 530

1 420

2 643

Estonie

11

128

7

12

4

116

Irlande

394

396

513

374

-119

22

Grèce

82

73

111

99

-29

-26

Espagne

579

711

613

756

-34

-45

France

2 851

2 405

2 094

1 928

757

476

Italie

2 343

2 083

1922

1 184

421

899

Chypre

0

1

13

8

-13

-7

Lettonie

21

7

8

7

12

0

Lituanie

12

62

17

25

-4

37

Luxembourg

54

53

36

54

18

0

Hongrie

43

154

83

78

-40

76

Malte

26

11

12

84

14

-73

Pays-Bas

953

1 419

1 249

1 674

-296

-255

Autriche

531

551

486

282

45

270

Pologne

176

452

180

113

-4

338

Portugal

145

138

117

115

28

23

Roumanie

38

22

59

81

-21

-59

Slovénie

22

41

64

34

-42

7

Slovaquie

16

85

18

33

-2

52

Finlande

360

455

146

260

214

195

Suède

1 085

814

273

329

812

485

Royaume-Uni

5 758

4 417

6 128

5 800

-370

-1 383

Total extra-UE27

849 740

1 095 734

992 695

1 199 560

-142 956

-103 826

Canada / Total

2,5 %

2,0 %

1,9 %

1,5 %

   

b) Des intérêts partagés

Le Canada est un pays très ouvert sur l’extérieur : ses exportations et ses importations représentent environ 40 % du PIB et un travailleur sur cinq occupe un emploi lié au commerce. De son côté, l’Union européenne est le premier exportateur mondial de produits et de services.

Aujourd'hui, un marché européen unique avec 500 millions de consommateurs offre de nombreuses et nouvelles occasions d'affaires pour les entreprises canadiennes. Le Canada vise à limiter un excédent commercial de l’Union européenne qui est passé de 2,1 milliards d’euros à 4,7 milliards d’euros de 2000 à 2009. Par ailleurs, alors que la dépendance de l’économie canadienne à l’égard de l’économie américaine a été pendant de longues années largement profitable, cette caractéristique peut devenir un handicap en période de ralentissement économique aux Etats-Unis : un accord de libre-échange avec l’Union européenne permettrait d’atténuer cette dépendance.

De son côté, l’Union européennes souhaite également la diversification de la relation transatlantique actuellement très déséquilibrée en faveur des Etats-Unis (les exportations européennes vers les Etats-Unis s’élèvent à 205 milliards d’euros et les importations à 160 milliards d’euros). Or le développement des relations transatlantiques ne pourra se faire sans la pleine participation du Canada dont l’économie est très compétitive et le pouvoir d’achat élevé. Dans la perspective libérale qui est celle de la Commission européenne, cela permettra de compléter une construction de libre-échange, l’Union européenne ayant signé un accord de libre-échange avec le Mexique en 1997, un des trois pays partie à l’Alena(24).

Il existe enfin une forte complémentarité entre plusieurs secteurs de l’économie et certaines valeurs économiques communes. L’Union européenne a des intérêts offensifs dans les secteurs des services et des marchés publics, en termes de propriété intellectuelle et sur des produits agricoles à forte valeur ajoutée. Un accord de libre-échange facilitera aussi un accès uniforme sur tout le Canada, ce qui n’est actuellement pas le cas, de fortes disparités existant suivant les provinces.

De plus, et indépendamment des réserves que l’on peut faire sur les conditions d’exploitation de certaines sources d’énergie(25), cet accord pourrait contribuer à remplir un des objectifs assignés par la Commission européenne à la politique commerciale qui est l’accès aux ressources, dans la mesure où le Canada est le troisième exportateur mondial de gaz naturel et le quatrième exportateur de pétrole(26).

Pour autant, comme le met en évidence une étude intitulée « Evaluation d’un accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada »(27) réalisée par le CEPII (centre d’études prospectives et d’informations internationales)(28) en juillet 2009, l’Union européenne ne sera pas la partie gagnante. Cette étude documentée s’appuie sur une modélisation(29) dynamique avec un horizon de 2025. Les conséquences d’un tel accord ont été simulées selon quatre scénarios :

- une libéralisation complète entre l’Union européenne et le Canada ;

- une libéralisation complète entre l’Union européenne et le Canada intégrant une baisse de la protection dans les services (20 %) ;

- une libéralisation complète entre l’Union européenne et le Canada, intégrant la conclusion des négociations multilatérales du cycle de Doha ;

- une libéralisation complète entre l’Union européenne et le Canada, intégrant une baisse de la protection dans les services (20 %) la conclusion des négociations multilatérales du cycle de Doha.

Il en ressort que les différentes simulations sont plutôt favorables pour le Canada et plutôt neutres pour l’Union européenne. Cela s’explique par la différence de taille significative entre les deux économies. Ainsi, une même ouverture ne permet pas à l’Europe de réaliser un même potentiel d’exportations supplémentaires puisqu’elle rencontrera une contrainte de débouchés sur un marché nettement plus petit que le sien. Par contre, le Canada pourra exploiter pleinement l’avantage tarifaire. L’étude conclut : « Ainsi, alors qu’un accord bilatéral doit en principe améliorer les termes de l’échange des deux parties contractantes au détriment du reste du monde, seul le Canada en bénéficie ici et l’accord est neutre pour l’Europe ».

De plus, le Canada devrait bénéficier d’un avantage comparatif important lié au taux d’imposition des entreprises qui est parmi le plus bas des pays du G7 et pourrait encore diminuer à partir du 1er janvier 2011, si l’on en croit les déclarations du ministre canadien du commerce international, M. Peter Van Loan : «Compte tenu que nous avons le déficit le moins élevé des pays du G7, nous serons en mesure de maintenir ces taux d’imposition bas au cours des prochaines années »(30).

B. Un large périmètre de négociation

Le champ de la négociation de l’accord a été déterminé après un travail d’évaluation et une étude conjointe réalisée en 2007 par la Commission européenne et le Gouvernement canadien « Evaluation des coûts et avantages d’un partenariat économique plus étroit entre l’Union européenne et le Canada ».

Les sujets ont été définis – comme l’ensemble des projets d’accords de libre-échange avec les autres zones géographiques - de manière beaucoup plus large que les négociations multilatérales du cycle de Doha. En effet, le cœur de la négociation à l’OMC concerne les produits agricoles, les produits industriels (NAMA : produits non agricoles), les services (AGCS) et les accords sur les droits de propriété intellectuelle. Les pays développés avaient obtenu en 2001, la prise en compte, essentielle pour eux compte tenu de la structuration de leurs économies et donc de leurs intérêts offensifs, des sujets dits « de Singapour »(31) : ouverture aux investissements étrangers, politique de la concurrence (transparence, non-discrimination et équité des procédures), marchés publics (transparence) et facilitation des échanges (réduction, simplification et accélération des procédures douanières). Ces sujets avaient pour vocation de couvrir de manière horizontale les secteurs économiques faisant par ailleurs l’objet de négociations. Pour éviter un échec du cycle de Doha, cette notion de cycle large a été abandonnée lors de la conférence de Cancun en 2003 et, depuis, ces thèmes de la négociation n’ont pas été repris. Les accords de libre échange permettrent de les inclure dans le champ des négociations.

Cet élargissement des négociations est en droite ligne avec ce que définit la Commission dans sa communication précitée de 2010 : « Si la libéralisation tarifaire est importante, ce sont l’accès aux marchés tiers pour les services et l’investissement, l’ouverture des marchés publics, la propriété intellectuelle, un accès non restreint aux matières premières et à l’énergie et l’élimination des barrières non tarifaires qui feront toute la différence ».

Ces négociations visent plus de vingt domaines(32). Neuf d’entre eux revêtant un intérêt particulier pour les deux parties seront au cœur de la négociation. Il s’agit soit des dossiers les plus sensibles ou difficiles à négocier, soit des enjeux sont les conséquences seront les plus importantes.

1. L’essentiel des négociations sur l’accès aux marchés porteront sur des pics tarifaires.

L’Union européenne et le Canada sont deux pays développés et leur protection douanière est relativement faible, du fait de l’application de la clause de la nation la plus favorisée (NPF), règle de base de l’OMC. Le niveau des tarifs douaniers ne représente donc pas un obstacle majeur dans leurs échanges extérieurs. La protection globale au Canada est de 3,4 %, l’agriculture étant significativement plus protégée (15,85 %) que l’industrie (2,5 %). L’Union européenne applique, quant à elle, une protection globale moyenne de 1,93 % (10,2 % pour l’agriculture et 1,3 % pour l’industrie).

Huit secteurs importants représentent 80 % du total des exportations canadiennes vers l’Union européenne et 78 % du total des exportations européennes vers le Canada. Au sein de ces secteurs, seuls les aliments transformés font l’objet d’une protection tarifaire élevée : un tarif de 30 % est imposé aux exportateurs européens vers le Canada et de 17 % aux exportateurs canadiens vers l’Europe. Des pics moins importants sont appliqués, par exemple des taux de droits atteignent pour l’Union européenne jusqu’à 23 % sur plusieurs produits de poisson et fruits de mer, cependant que le Canada applique des tarifs allant jusqu’à 20 % sur les chaussures et 18 % sur les produits du textile et les vêtements.

Ces pics tarifaires ont pour objet de protéger des secteurs sensibles, il conviendra donc d’être particulièrement vigilant, notamment dans le secteur agricole et dans celui de la pêche où l’ouverture n’a pas la même portée que dans les autres secteurs.

2. L’accès aux marchés agricoles

a) Obstacles tarifaires

Le Canada exporte essentiellement vers l’Union européenne des produits agricoles primaires (blé, oléagineux, légumineuses) et les exportations européennes à destination du Canada portent sur des produits alimentaires à valeur ajoutée. En 2009, le Canada a exporté pour plus de 1,6 milliard de dollars de produits agricoles « en vrac » pour 603 millions de dollars de produits transformés. Les exportations européennes affichent une tendance inverse : 158 millions de dollars de produits agricoles primaires et 2,6 milliards de produits transformés.

L’agriculture est au centre des négociations. Il s’agit en effet d’une question particulièrement délicate tant pour le Canada que pour l’Union européenne. Le Canada impose des tarifs agricoles élevés dans certains secteurs protégés, plus particulièrement les secteurs canadiens soumis à une gestion de l’offre. Il existe ainsi un monopole de la Commission canadienne du blé.

Du côté européen, il s’agira de veiller à ne pas déstabiliser la filière bovine et celles des céréales et des produits de la pêche.

b) Règles d’origine

Les règles d'origine sont les critères permettant de déterminer le pays d'origine d'un produit. Elles sont importantes, les droits applicables dépendant de la provenance des produits importés. Dans le cadre d’un accord bilatéral, des règles d’origine mal appliquées peuvent donner lieu à des détournements de commerce. Les négociations sur ce point seront épineuses. L’Union européenne peut craindre que l’accord avec le Canada soit un moyen indirect pour les produits des Etats-Unis ou du Mexique d’entrer sur le marché européen sans avoir à payer de droits

Il existe une grande diversité dans la pratique en matière de règles d'origine. Si le critère de la transformation substantielle est universellement accepté, est parfois appliqué le critère du changement de classification tarifaire ou bien le critère du pourcentage ad valorem ou encore le critère de l'opération de fabrication ou d'ouvraison.

L’Union européenne a un schéma de règles d’origine très structurées qui distingue les produits considérés comme d’origine unique et les produits non uniquement originaires d’un pays déterminé. Sont ainsi considérés comme produits d’origine unique les produits en l’absence totale d’inputs importés dans leur production : produits minéraux extraits du sol, produits végétaux cultivés, produits issus de la pêche…Quand un produit ne peut être considéré comme uniquement originaire d’un pays déterminé, les matériaux originaires utilisés dans le produit final doivent avoir subi une transformation suffisante dans le pays associé. D’autres critères sont utilisés : le « contenu en importation » qui impose un pourcentage maximum de composants importés ou la valeur des composants.

Le Canada applique quant à lui les règles d’origine de l’Alena. Si la règle des produits d’origine unique est très similaire à celle de l’Union européenne à quelques exceptions près(33), il est fait application pour les produits transformés du critère de la valeur de la transaction du produit final. Selon la valeur de la transaction, deux méthodes de calcul sont appliquées : soit un certain pourcentage du prix de vente doit être ajouté dans le territoire de l’Etat membre, soit la méthode du coût net(34).

c) Indications géographiques

Un accord vise à la protection des appellations de vins et de spiritueux lie le Canada et l’Union européenne depuis 2003. Les négociations viseront, de manière plus large, les produits agricoles et alimentaires.

3. L’accès aux marchés non agricoles

L’accès au marché agricole sera sans doute le point le moins litigieux de la négociation, dans la mesure où les droits tarifaires moyens sont déjà faibles. Le Canada a ainsi supprimé en 2010 les droits sur les importations d’intrants manufacturés et sur le matériel et outillage. Seules subsistent des crêtes tarifaires de part et d’autre (pour le Canada, de 6,2 à 16,3 % sur l’habillement et les chaussures, 11 % sur les wagons de chemin de fer ; pour l’Union européenne, 12,5 % sur le poisson et les produits de la mer).

4. Les services

La réglementation des services aura une importance stratégique dans la conclusion des négociations. Ce secteur représente plus de 70 % du PIB tant au Canada qu’en Europe et les flux bilatéraux sont importants. En 2008, les exportations européennes de services étaient évaluées à 15,7 milliards de dollars, soit 17 % des importations de services du Canada à l’échelle mondiale.

Selon les résultats de l’étude précitée réalisée conjointement par la Commission européenne et le Gouvernement canadien, la libéralisation des services représenterait 50 % des gains totaux de l’accord pour l’Union européenne et 46 % des gains pour le Canada. Même si les résultats de cette étude ne sont pas unanimement acceptés, ces chiffres donne une idée de l’importance stratégique de ce secteur.

Deux points sont particulièrement sensibles. Le premier est relatif à la détermination du champ de la libéralisation. La démarche du Canada vise à établir une « liste négative », c’est-à-dire que tous les services ont vocation à être libéralisés sauf ceux qui font l’objet d’un exception. L’Union européenne soutient plutôt l’idée d’une « liste positive » selon laquelle les engagements portent sur les domaines précisés dans la liste. Le périmètre de l’accord est délicat à définir, s’agissant des services de distribution de l’eau, l’éducation publique, la santé et les services sociaux.

D’autre part, afin de prendre en compte la structure fédérale du Canada, se pose la question des niveaux de négociations. L’Union européenne est soucieuse que les gouvernements provinciaux et les municipalités soient engagés dans la négociation afin que l’accord soit pleinement appliqué.

5. Les investissements

L’investissement représente une large part des relations entre le Canada et l’Union européenne : en 2008, l’Europe est à l’origine de 30 % des investissements directs au Canada et a absorbé prés de 25 % des investissements canadiens.

Les investissements sont un moyen de contourner certains obstacles tarifaires et non tarifaires dans la mesure où il est, dans certains cas, plus facile de s’implanter directement dans un pays pour produire plutôt que d’exporter des biens.

L’enjeu des négociations sur les investissements sera le retrait de certains obstacles et l’offre de meilleures garanties. Il s’agit de protéger les investisseurs d’un traitement discriminatoire et contre les expropriations ; dans une telle situation, le litige est réglé au moyen d’un mécanisme de règlement des différends de l’accord commercial plutôt que selon les voies judiciaires du pays d’accueil.

De telles dispositions de protection des investissements dans les accords commerciaux ont pour avantage de sécuriser les investisseurs. Cette exigence est généralement importante dans le cas de pays émergents. Le Canada souhaite que soit inclus un tel mécanisme dans l’accord, en partie pour investir en toute sécurité dans les nouveaux Etats membres.

6. Les marchés publics

Les marchés publics sont un des principaux intérêts offensifs de l’Union européenne dans ces négociations. La réussite des négociations reposera sur les engagements que prendra le Canada en la matière, notamment sur les marchés publics accordés par les sociétés d’Etat, les gouvernements provinciaux et les municipalités.

En application de l’accord sur les marchés publics (AMP) signé en 2010 entre le Canada et les Etats-Unis, les provinces, les territoires et certaines municipalités canadiennes se sont engagés à permettre aux entreprises américaines de soumissionner.

L’Union européenne souhaiterait un engagement similaire de la part du Canada. De plus, elle a demandé à soumissionner pour les contrats attribuées par le secteur dit MESS (municipalités, organismes municipaux, conseils et commissions scolaires, établissements d’enseignement supérieur, services de santé et services sociaux financés par l’Etat), par les aéroports, les transports publics, les ports, les services d’eaux municipaux et les fournisseurs d’énergie(35).

La libéralisation des marchés soulève un certain nombre d’interrogations. Du côté canadien, la société civile a réagi fortement, craignant une privatisation des services publics. Le même risque existe d’ailleurs du côté européen. Cette libéralisation aurait de plus avoir pour conséquence de limiter la marge de manœuvre des territoires et pourrait aller à l’encontre de prescriptions relatives à la teneur en éléments locaux d’équipements visant à stimuler la création d’emplois locaux.

Enfin, il faudra articuler cette négociation avec les engagements que l’Union européenne a pris en vertu de l’Accord sur les marchés publics de l’OMC. Le Canada est exclu de la liste des pays pouvant soumissionner pour les contrats adjugés par les entités des gouvernements centraux et sous-centraux des vingt-sept Etats membres car il interdit aux entreprises européennes de participer aux appels d’offre de ses gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux. La difficulté sera de trouver un ordre de gouvernement correspondante à celui des provinces et des territoires canadiens. L’Union européenne considère que ses Etats membres correspondent aux provinces et territoires. Le Canada souhaite que certains niveaux de gouvernements - Länder en Allemagne et communautés autonomes en Espagne - soient intégrés dans l’accord.

7. Les obstacles techniques au commerce et les normes

Afin d’atteindre des objectifs en matière de protection de la santé, de l’environnement ou de sécurité, des exigences peuvent être fixées par des normes techniques ou sanitaires.

L’accord sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC) de l’OMC et la plupart des accords bilatéraux reconnaissent aux Etats le droit d’adopter des normes qu’ils jugent appropriées, compte tenu des choix publics qui ont été faits.

Les discussions porteront autour des normes dans les secteurs industriels et agricoles. Le Canada estime que les normes européennes sont complexes et considère, par exemple, le principe de précaution qui prévaut en Europe comme une mesure protectionniste. Il souhaiterait la simplification de l’agrément des organismes canadiens d’évaluation de la conformité et de certification, la promotion de la reconnaissance mutuelle entre les organismes ainsi que le renforcement de la transparence lors de l’élaboration des normes.

8. La protection de la propriété intellectuelle

L’Union européenne a des intérêts offensifs très forts sur ce sujet, notamment pour le secteur agricole, car les exportations européennes portent majoritairement des produits à forte valeur ajoutée.

Or les régimes de propriété intellectuelle européen et canadien reposent sur deux logiques presque contradictoires.

La logique défendue par l’Union européenne, tant au plan bilatéral que dans les négociations multilatérales à l’OMC, est celle des indications géographiques correspondant à une origine régionale qui fait les caractéristiques d’un produit. La logique canadienne repose sur un système de marques, les termes d’indication géographique étant considérés comme des termes génériques permettant de décrire les aliments à base d’ingrédients ou selon des normes de fabrication.

L’Union européenne n’est pas prête à faire des concessions sur ce sujet; elle a d’ailleurs obtenu dans la négociation de l’accord avec la Corée du Sud la reconnaissance de son système d’indication géographique. Le Canada estime que ce système peut s’assimiler à une forme de protectionnisme et a des difficultés pour évaluer quelle pourrait être l’incidence positive de l’adoption d’un tel système au Canada.

Les discussions tournent autour de la possibilité pour le Canada de maintenir le nom des produits canadiens protégés par une marque de commerce existant avant l’enregistrement d’une indication géographique correspondante et de permettre aux producteurs canadiens d’utiliser le terme « de style canadien » quand une indication géographique est depuis longtemps associée à un type de produits sur le marché canadien.

En tout état de cause, sur ce sujet offensif pour l’Union européenne, les négociations devront s’articuler avec l’accord commercial anticontrefaçon (ACTA) que le Parlement européen a récemment adopté.

9. La mobilité de la main d’œuvre

L’Union européenne et le Canada souhaitent entamer des négociations sur la reconnaissance mutuelle des titres de compétence et l’admission temporaire des gens d’affaires. Les questions relatives aux visas ne relèveront pas de l’accord.

Une des principales difficultés tient à la compétence provinciale en matière de professions et de métiers. Le Canada compte plus de 440 organismes de réglementation professionnelle concernant plus de 100 professions. Il existe des différences concernant l’autorisation d’exercer et la reconnaissance des compétences d’une province à l’autre.

Ce point est une des raisons pour lesquelles l’Union européenne a souhaité que les niveaux de gouvernement locaux soient directement associés aux négociations du projet d’accord.

10. Le règlement des différends

Dans tous les accords bilatéraux sont prévues des modalités de règlement des différends dont dépend la bonne application de l’accord. Les différends visés sont ceux liés aux droits antidumping, aux droits compensateurs, et aux dispositions exécutoires sur l’environnement et les droits des travailleurs.

Une des difficultés est liée à la différence d’approche entre les deux parties. Le Canada, par exemple dans le traité Alena, sépare les mécanismes par type de différend. L’Union européenne, ainsi que cela a prévalu dans le récent accord avec la Corée, souhaite un seul chapitre sur le règlement des différends abordant tous les litiges relatifs à l’accord. Par ailleurs, est en discussion le point de savoir si seront incluses des dispositions relatives aux droits des travailleurs et à l’environnement.

II. UN PROJET D’ACCORD AUX CONSEQUENCES DISCUTEES ET REVELATEUR DES INTERROGATIONS SUR LA LEGITIMITÉ ET LA COHERENCE DE LA POLITIQUE COMMERCIALE EUROPEENNE

La politique commerciale est une politique commune, compétence exclusive de l’Union et la Commission européenne détient du Conseil un mandat de négociation pour l’exercer.

La négociation sur le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada est instructive car elle intervient au moment de changements institutionnels importants. Le traité de Lisbonne a en effet établi un nouvel équilibre entre Conseil, Commission et Parlement européen. Le principal changement est lié aux prérogatives dont se trouve doté le Parlement européen en matière de suivi des négociations en application de l’article 207. Le Parlement européen tente d’asseoir ses nouveaux pouvoirs de contrôle comme cela s’est vu lors des discussions sur l’accord anti-contrefaçon (ACTA)(36) ou de l’accord de libre-échange avec la Corée du Sud.

La période est stratégique : les nouveaux équilibres institutionnels doivent se trouver et la question de la politique commerciale va devenir un enjeu interinstitutionnel.

A. Des points non réglés d’une négociation qui avait avancé assez rapidement dans une première phase

A ce jour, six rounds de négociations se sont tenus alternativement à Bruxelles et à Ottawa. L’objectif politique de conclusion des négociations est fin 2011. Lors du premier déplacement qu’a fait la rapporteure à Bruxelles, la direction générale du commerce lui avait indiqué qu’à la lumière dont se déroulait la première phase de négociations, on pouvait penser que cette échéance était réaliste. Aujourd’hui, rien n’est moins sûr, compte tenu notamment de la façon dont se sont engagées les négociations sur les services et le différend en matière de carburants extraits de sables bitumeux. Les deux prochaines rencontres – en avril et juin - seront décisives : les offres devront être confrontées et les positions sur les sujets irritants devront être conciliées.

1. Le degré de participation des provinces aux négociations sur les marchés publics

L’Union européenne a souhaité que les provinces participent directement à la négociation au même titre que l’Etat fédéral, ce qui ne fut pas le cas durant les négociations entre le Canada, les Etats-Unis et le Mexique.

Elle estime en effet que l’on ne peut examiner le respect par le Canada de ses obligations découlant des traités internationaux sans aborder le rôle des provinces. En effet, bien que le gouvernement fédéral soit le seul ordre de gouvernement responsable devant la communauté internationale du respect des traités dont il est signataire en application des articles 26 et 27 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, il ne détient pas tous les pouvoirs nécessaires pour mettre en œuvre ces traités. Au Canada, le Parlement et les assemblées législatives provinciales adoptent des lois dans des domaines dans lesquels ils ont compétence et le gouvernement fédéral ne peut pas imposer le respect des traités internationaux dans les domaines qui échappent à sa compétence.

Compte tenu des implications d’un accord de libre-échange sur les provinces, il était donc indispensable que les provinces soient dans la boucle de négociations dans la mesure où l’accès aux marchés publics est un enjeu majeur afin d’obtenir davantage de réciprocité(37). A ce point de la négociation, le Canada a autant à négocier avec les provinces qu’avec l’Union européenne. Le gouvernement fédéral doit donc voir à quelles concessions les provinces sont prêtes en termes de marchés publics afin d’obtenir des contreparties sur des intérêts offensifs, par exemple en matière agricole.

Si le gouvernement fédéral souhaite un dénouement rapide des négociations – sans doute en vue des prochaines élections à la fin 2011 -, les provinces avancent en ordre dispersé. Le Québec voudrait avancer tandis que les provinces maritimes, par exemple, sont plus réticentes.

2. Les offres tarifaires dont les conséquences devront être examinées de près

Les offres de libéralisation tarifaires porteront sur des pics tarifaires (voir supra). Un premier échange d’offres a été fait à la fin 2009. La Commission européenne travaille actuellement à un deuxième échange qui pourrait être présenté en avril ou juin. Elle n’a pas encore donné d’informations sur les lignes tarifaires qui pourraient être ouvertes à la libéralisation. Pour l’Union européenne, les droits sur la viande bovine, les céréales et les produits de la pêche sont particulièrement sensibles. S’agissant de la viande bovine, la question des contingents ne manquera pas de se poser.

En tout état de cause, les négociateurs devront être attentifs aux conséquences de l’accord sur les filières agricoles, en prenant en compte les autres négociations bilatérales ou multilatérales. Ainsi dans le cadre des négociations avec les pays du Mercosur, l’Union européenne sera amenée à faire des concessions qui, ajoutées à celles faites dans le cadre de l’accord avec le Canada, peuvent avoir des répercussions graves pour certaines filières.

3. Les risques des négociations sur les investissements

Jusqu’au traité de Lisbonne, l’investissement était une compétence des Etats membres. L’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne a conféré à l’Union européenne une compétence exclusive en matière d’investissements étrangers dans le cadre de la politique commerciale commune.

Dans ce contexte, la Commission européenne a adopté le 7 juillet 2010 une communication sur une politique commune en matière d’investissements internationaux(38) dans laquelle elle précise ses principales orientations stratégiques.

Les négociations avec le Canada sont pour la Commission l’occasion de faire un exemple de la façon dont elle pourrait exercer cette nouvelle compétence. A cet effet, le mandat initial de négociation avec le Canada a été modifié en décembre 2010 pour prendre en compte cette nouvelle donnée juridique. Ce mandat est en fait très succinct et mentionne notamment la possibilité de négocier un nouveau mécanisme de règlement des différends. Pour l’Union européenne, ce mécanisme devrait se situer au niveau fédéral dans un pays où le chevauchement des compétences fédérales et provinciales en matière de commerce et d’investissements crée souvent des situations compliquées.

Pour le Canada, il s’agit avant tout d’obtenir une sécurisation juridique de ses investissements dans certains nouveaux Etats membres alors qu’un certain nombre d’Etats membres dont la France et l’Allemagne craignent que soient adoptées des dispositions moins favorables que celles qui existent dans les accords bilatéraux précédemment conclus et que le Canada en profite pour obtenir des avantages.

Plus généralement, s’agissant des investissements étrangers en Europe, la politique de la Commission devra prendre en compte certaines considérations. En effet, il ne s’agit pas de fermer la porte aux investissements étrangers mais plutôt de protéger le savoir-faire européen. Le Commissaire européen à l’industrie, M. Antonio Tajani suggère à cet effet de mettre en place « une autorité chargée d'examiner les investissements étrangers en Europe », sur le modèle du comité chargé des investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS).

4. La complexité des négociations sur les règles d’origine

Les systèmes de règles d’origine des deux parties étant différents, le problème est de trouver des ponts entre les deux systèmes en évitant pour l’Union européenne que l’accord soit un moyen pour les produits des deux autres pays de l’Alena - Etats-Unis et Mexique - de rentrer sans acquitter de droits sur le territoire européen.

Les discussions butent sur trois points principaux:

- sur les produits industriels, le secteur du textile est délicat. Le Canada n’exige qu’une seule transformation alors que la position de l’Union européenne exige deux transformations(39). De plus, le Canada n’accepte pas les règles sur l’impression, la teinture n’étant pas considérée comme une opération suffisante pour obtenir l’origine. L’automobile est un autre point d’achoppement. L’Union européenne exige un taux de 60 % de contenu local alors que le Canada souhaite que ce taux soit fixé à 30 %, compte tenu notamment du degré d’intégration de la chaîne de l’industrie automobile dans le cadre de l’Alena. Dans les dernières séances de négociations, le Canada proposait le critère de la valeur ajoutée à hauteur de 50 % pour les véhicules ou un compromis sur une méthode de prix net ;

- concernant les produits agricoles (viandes, farines, céréales, certaines boissons, produits à base de sucre), les discussions sont toujours en cours. Un accord a d’ores et déjà été trouvé sur les fruits, les légumes, les gommes et les produits à base de cacao. Le problème avec le sucre est plus compliqué, le Canada important 90 % de son sucre. Le Canada a fixé les limites pour les produits laitiers et la question du tabac n’a pas encore été tranchée. S’agissant du bétail, pour l’Europe, l’origine doit être retracée jusqu’à la naissance tandis que le Canada considère que le lieu d’origine de l’animal correspond au lieu où il a été abattu ;

- sur les produits de la pêche, la question est de savoir s’il faut déterminer l’origine du poisson en fonction du territoire où il a été pêché ou en fonction du pays d’enregistrement du navire. Le Canada n’accepte pas le critère relatif au statut du navire.

5. Les enjeux de l’établissement d’une liste négative en matière de services

Une large partie de l’énergie des négociateurs a été, lors de la sixième session de négociation, consacrée à la question des services et le sera encore lors des prochaines échéances de négociations. Les enjeux sont cruciaux et mobilisent une partie de la société civile canadienne inquiète de l’impact de l’accord sur les services publics(40). En Europe, la libéralisation des services pourra avoir des conséquences importantes dans les Etats membres, d’autant que cette libéralisation devra être articulée avec celle découlant de l’application de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sur les services dans le marché intérieur dite directive « services ».

La démarche défendue initialement par la Commission européenne était celle d’une liste positive revenant à établir expressément une liste des services libéralisés. Le Canada prônait quant à lui une logique de liste négative : par principe, tout est libéralisé, sauf les exceptions expressément prévues. La négociation se fait actuellement sur une liste négative, la Commission ayant présenté le passage d’une liste positive à une liste négative comme une exigence canadienne, ce qui ne semble pas avoir été vraiment le cas. Depuis que cette démarche a été adoptée, la négociation est très difficile. On peut se demander si la Commission n’a pas fait une erreur stratégique en accédant à une demande canadienne qui n’était pas forcément essentielle.

Se pose d’abord la question de savoir comment va être traitée la question des services à venir. Ainsi qui aurait pu prévoir il y a vingt ans le développement des services liés à Internet ?

Par ailleurs, il faut tenir compte des engagements pris précédemment dans le cadre de l’OMC ; par exemple, le secteur de l’audiovisuel ne doit pas être libéralisé.

Enfin, pour décider de l’exclusion de tel ou tel service, il faut examiner chaque secteur et peser les conséquences d’une libéralisation. Celle des services publics liés à la santé, l’éducation, le secteur paramédical, les transports, la poste auraient des impacts graves. Il est donc indispensable d’avoir la négociation la plus serrée possible, ce qui est rendu plus complexe et dangereux par la démarche de liste négative.

6. La question délicate de l’exception culturelle

Selon le mandat de négociation, ce sujet ne peut en principe pas être abordé autrement que dans le cadre de coopération et sans accès au marché. Il faudra donc veiller à ce que cette ligne soit tenue et que le principe de l’exception culturelle ne soit pas menacé(41). Ainsi, les services audiovisuels et les autres services culturels ne doivent pas être inclus dans l’architecture du volet « services ».

7. L’hypothèque des importations de carburants issus de sables bitumineux

Le Canada exploite du carburant à partir de sables bitumineux et en détient les deuxièmes réserves mondiales. Il n’en exporte pas actuellement vers l’Union européenne. L’empreinte carbone de ces carburants est très intensive. Or conformément à ses engagements suite à l’accord de Copenhague, l’Union européenne envisage de modifier la directive relative à la qualité des carburants(42) afin de réduire de 10 % les émissions issues des carburants de transport au cours de la prochaine décennie. Cela pourrait conduire à traiter différemment le pétrole traditionnel et celui issu de sables bitumineux. Une action de l’Union européenne à l’OMC contre les importations de ce pétrole est également possible.

Ce point avait été mis de côté dans les premiers stades de la négociation mais il pourrait revenir au premier plan, influant ainsi sur le déroulement de la négociation, même si, en principe, les deux questions sont indépendantes(43). En tout état de cause, il est nécessaire que le traité de libre échange soit conforme aux accords internationaux en matière d’environnement.

B. La politique commerciale de la Commission européenne peine à s’inscrire dans le nouvel équilibre institutionnel établi par le traité de Lisbonne

L’Europe ayant été dès l’origine un marché commun, la politique commerciale est logiquement une compétence exclusive de l’Union. S’il appartient au Conseil de donner mandat à la Commission européenne de négocier les accords de commerce, ceux-ci sont rédigés dans des termes suffisamment larges pour laisser à la Commission une marge de manœuvre importante.

Le nouveau cadre institutionnel découlant du traité de Lisbonne maintient le rôle de la Commission dans la conduite des négociations. Pour sa part, le Parlement européen doit être informé à toutes les phases de la procédure et donne son approbation à l’accord. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions en décembre 2009, il a le plus grand mal à faire valoir ses droits à être informé et la Commission continue de fonctionner selon la même ligne de pente. Il n’est qu’à voir ce qui s’est passé s’agissant de la reprise des négociations avec les pays du Mercosur. Alors que celles-ci n’auraient dû reprendre qu’une fois le cycle de Doha conclu, la Commission a pris l’initiative de les réactiver sans avoir au préalable publié une étude d’impact, ni avoir engagé de débat avec le Conseil et le Parlement. La position des nouveaux Etats membres n’a en conséquence pas été prise en compte.

1. Malgré de nouvelles prérogatives parlementaires en matière de politique commerciale

Avec la généralisation de la procédure législative ordinaire en codécision et de la comitologie, le traité de Lisbonne modifie les équilibres institutionnels : la politique commerciale est un des champ de cette modification.

Le traité réserve des prérogatives au Conseil qui continuera d’accompagner la Commission dans les négociations commerciales ; ainsi, il adopte les mandats de négociation et le comité de politique commerciale auquel sont représentés les gouvernements des Etats membres, a un rôle d’assistance de la Commission dans la négociation. Il est à noter qu’une partie des questions commerciales comme les investissements sont maintenant de la compétence exclusive de la Commission (voir supra) et seront en conséquence décidées à la majorité qualifiée du Conseil et non plus à l’unanimité.

C’est dans les rapports avec le Parlement européen que les changements les plus significatifs sont intervenus. L’article 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit de nouvelles modalités de conclusion des accords internationaux. L’alinéa 6 prévoit que le Parlement donne désormais son « approbation » alors qu’auparavant, il s’agissait d’un assentiment, si un accord couvre des domaines auxquels s’applique la procédure législative ordinaire, donc la politique commerciale. Le Parlement européen doit donc soit l’approuver, soit le rejeter en bloc un accord.

Afin d’approuver un accord en toute connaissance de cause, le Parlement européen devra, en application de l’article 207, être informé de la même manière que le Comité de politique commerciale.

Par ailleurs, le Parlement européen a demandé à participer au mandat de négociation mais pour l’instant, cette demande ne s’est pas traduite juridiquement.

En février 2010, a été votée à la quasi-unanimité une résolution sur le renouvellement de l’accord-cadre régissant les relations entre le Parlement et la Commission. Il est prévu que la Commission devra fournir au Parlement des « informations immédiates à tous les stades de la négociation » et que lui sera attribué un siège d’observateur au sein des conférences internationales comme à l’OMC.

Le Parlement européen a eu l’occasion d’exercer ses responsabilités lors de l’examen de l’accord commercial sur la contrefaçon. Alors que cet accord comporte des enjeux de taille, notamment en termes de propriété intellectuelle, il a commencé à être négocié par la Commission de façon très confidentielle. En mars 2010, le Parlement européen a adopté une résolution sommant la Commission européenne de garantir plus de transparence dans la négociation. Lors de l’examen de l’accord avec la Corée du Sud, les débats au Parlement européen ont également été très vifs.

2. Le Parlement européen est insuffisamment associé en amont de la négociation

a) Une exigence démocratique

Les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne sur la politique commerciale ont pour objet de remédier au déficit démocratique dont souffre la politique commerciale européenne.

Aujourd’hui, la Commission a du mal à se défaire des habitudes de secret prises pendant des années. Dans un contexte où la politique commerciale touche des secteurs qui relèvent des politiques sociales et économiques intérieures et où les questions commerciales ont de plus en plus d’importance avec la mondialisation, la Commission devrait être comptable des négociations qu’elle mène au nom de l’Union européenne.

Par ailleurs, à un moment où les citoyens s’inquiètent des répercussions de la libéralisation des échanges et de la mondialisation, il est essentiel que les parlementaires - européens et nationaux - les informent sur la façon dont les négociations commerciales se présentent et sur les effets prévus d’accords à venir. Les parlementaires doivent donc être informés en détail de tout projet d’accord commercial, des obligations contractées et de leurs répercussions.

b) Un accord aux impacts insuffisamment mesurés

Les accords commerciaux sont susceptibles d’avoir des effets très forts en termes économiques, environnementaux, sociaux. Or le Parlement européen ne peut valablement donner son approbation que s’il a suffisamment d’éléments pour éclairer sa réflexion. Les études d’impact ne sont pour le moment pas obligatoires en matière commerciale. Le déficit d’études d’impact, avant la négociation, en cours de négociation et en fin de négociation pour apprécier les conséquences globales des négociations est criant. Le projet d’accord de libre-échange avec le Canada est sur ce point particulièrement symbolique.

Un document de consultation publié par la Commission européenne avant le début des négociations contenait essentiellement des questions adressées au monde des affaires. De même, les consultations effectuées en ligne par le ministère canadien des Affaires étrangères et du Commerce international étaient insuffisantes. Il n’y a eu aucune étude préliminaire et indépendante, ni débat et consultation entre les intervenants.

Seule a été réalisée une étude conjointe de la Commission et du gouvernement canadien, intitulée « Evaluation de coûts et avantages d’un partenariat économique plus étroit entre l’Union européenne et le Canada » qui avait en fait pour objet principal de déterminer le champ des négociations. Outre le reproche que l’on ne peut à la fois être juge et partie, cette étude appelle les critiques suivantes.

Les incidences ne sont appréciées qu’en termes économiques globaux.

Selon cette étude, les deux économies tireraient avantage d’un accord de libéralisation. L’Union européenne pourrait réaliser des gains de 18,6 milliards de dollars et le Canada, de 13,1 milliards de dollars. Cette libéralisation pourrait amplifier les échanges commerciaux de 41 milliards de dollars dont près de trois quarts portant sur le commerce de biens.

Les conséquences sectorielles ne sont pas mesurées ni les impacts sociaux et environnementales, ce qui a permis de « survendre » les avantages économiques.

Cette étude fournit seulement une illustration des conséquences potentielles et dans les faits, il est impossible de prédire les résultats réels. L’incidence prévue se fonde sur des suppositions quant aux résultats des négociations. Par exemple, l’étude suppose la réussite des négociations à l’OMC et présume la complète élimination des droits et contingents. Cette étude ne tient pas compte de l’incidence économique d’activités comme l’ouverture des marchés publics ou la modification du niveau d’investissement entre les deux économies. Il est également difficile de séparer l’incidence d’un accord des conditions économiques et politiques dans lesquelles il sera mis en œuvre. Ainsi cette étude a été achevée avant la crise financière et économique mondiale et ne tient donc pas compte de ses conséquences.

Pour toutes ces raisons, il faut interpréter avec prudence les résultats d’une évaluation de l’incidence économique d’un projet d’accord, les affiner et ajuster les études d’impact initiales par des études en cours et en fin de négociation.

c) L’information du Parlement européen, très en deçà des exigences du traité de Lisbonne

Si la commission du commerce international du Parlement européen a gagné en importance, force est de constater que le niveau d’information du Parlement européen est loin d’être satisfaisant. Or la transparence est nécessaire à l’exercice des pouvoirs conférés au Parlement et elle doit s’appliquer tant aux études d’impact préalables qu’à l’information sur l’état d’avancement des négociations.

Paradoxalement, certains ont pu se demander si cette information accrue ne pourrait pas in fine diminuer la capacité du Parlement à rejeter le texte final auquel il serait lié. Pour l’heure on n’en est pas là et les députés européens se plaignent tous de la difficulté de remonter aux informations. La Commission européenne n’a pas encore pris le pli d’informer le Parlement européen. Elle persiste à éviter tout débat et au mieux apporte une réponse globale. Les comptes rendus des différents rounds de négociations sont souvent brefs, elliptiques et généraux. A cela s’ajoutent les rapports de force en défaveur du Parlement européen qui n’a pas les moyens techniques d’expertise de la Commission européenne.

Un certain nombre de circuits d’information fonctionne. Les Etats membres – certes limités- sont informés par le biais du comité de politique commerciale. Des échanges de vue entre les parlementaires et la Commission sont organisés. Les parlementaires peuvent déposer des questions écrites ou orales mais c’est souvent faute de mieux(44).

Les modalités de contrôle devraient être améliorées, par exemple par la nomination de rapporteurs permanents sur chaque projet d’accord afin d’exercer un suivi en amont de chaque session de négociation.

C. Quelle cohérence de la politique commerciale avec les autres politiques européennes ?

On retrouve dans la négociation de cet accord toute la problématique de la politique commerciale de l’Union européenne. Selon l’alinéa 3 de l’article 207 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, « il appartient au Conseil et à la Commission de veiller à ce que les accords négociés soient compatibles avec les politiques de l’Union ».

Or les négociations sont l’affaire de la direction générale du commerce. L’absence de ponts avec les autres directions concernées, la direction de l’agriculture ou la direction du développement est révélateur d’une absence de cohérence et de travail collectif au sein de la Commission. Le rapport de MM. Hervé Gaymard et Jean-Claude Fruteau sur les accords de partenariat économique avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique avait, sur ce thème, appelé à une meilleure articulation entre politique commerciale et politique de développement(45).

1. Cohérence avec la politique commune de l’agriculture et de la pêche

a) Le risque des concessions cumulées dans les différentes négociations

La cohérence entre la politique agricole et la politique commerciale communes est une question cruciale comme le souligne le projet de rapport de M. George Papastamskos au nom de la commission de l’agriculture du Parlement européen(46). La Commission a trop tendance à accumuler des concessions sur l’agriculture et la pêche en vue d’obtenir un meilleur accès au marché des pays tiers pour les produits industriels et les services, l’agriculture servant ainsi de « variable d’ajustement ». Dans ces conditions, quel sens peut avoir les efforts déployés par le Commissaire européen à l’agriculture, M. Dacian Ciolos, pour promouvoir une politique agricole forte après 2013 ?

Les concessions qui seront inévitablement faites au Canada doivent être comptabilisées avec celles qui seront accordées aux autres pays dans le cadre de la politique généralisée d’accords de libre-échange. Les négociations avec les pays du Mercosur seront les plus périlleuses pour l’agriculture, mais celles avec l’Inde, l’Ukraine, le Maroc, le Pérou, la Colombie viendront s’ajouter. Par ailleurs, on ne peut pas exclure totalement qu’un accord soit conclu dans le cadre du cycle de Doha. Les accords à l’OMC vont donc devoir s’articuler avec ces différentes zones de libre-échange.

b) Le danger présenté par un pays ayant une agriculture extensive et protégée

Tant l’Union européenne que le Canada protègent activement leur secteur agricole.

Ainsi, du côté canadien, un certain nombre de produits (22) sont taxés à plus de 100 %, notamment les produits laitiers (lait et crème de lait en poudre, fromages frais, râpés, yaourts, beurre, matières grasses provenant du lait et du beurre). Quelques autres produits non laitiers sont également fortement protégés comme les volailles et certains produits porcins.

De son côté, l’Union européenne utilise moins de pics tarifaires mais les valeurs de ces derniers sont plus élevées. Treize lignes ont un droit de douane supérieur à 100 % dont trois dépassent 200 % (lactosérum, tiges de maïs et lies de vin). Les produits à pics tarifaires sont plus hétérogènes : sont ainsi très protégés le lait et les crèmes de lait, les agglomères, le sucre de canne, les huiles et les carcasses et demi-carcasses de bovin congelées.

Il faudra veiller à la réciprocité des concessions vis-à-vis d’un partenaire qui a des capacités exportatrices majeures. La production agricole canadienne est très localisée (lait et volailles dans les provinces de l’Est comme le Québec et l’Ontario ; grandes cultures et bœuf dans les Grandes prairies - Saskatchewan, Manitoba et Alberta) et organisée en fonction de la demande extérieure. Le Canada peut faire à l’Union européenne une concurrence redoutable sur les bovins, le blé, le colza. Les coûts de production sont comparativement plus bas que dans l’Union européenne du fait de leurs modalités de culture extensive notamment dans l’Ouest canadien. Les produits agricoles canadiens cherchent certes des débouchés sur les marchés asiatiques qui se développent mais le marché européen peut être une source de diversification et est donc susceptible d’intéresser le Canada.

Ce pays est d’autant plus concurrentiel que même s’il fait partie du groupe de Cairns(47) qui regroupe des pays libéraux ayant largement combattu la politique agricole commune dans l’enceinte de l’OMC, il mène une politique agricole régulatrice et protectionniste avec des quotas de production et un système de prix garantis pour la production laitière et les volailles. De plus, le niveau d’organisation des producteurs agricoles est très élevé. La vision libérale du groupe de Cairns s’accommode ainsi d’aménagements au bénéfice de ses intérêts bien compris.

La politique agricole du Canada n’a rien à envier à la PAC. L’OCDE, dans son rapport de 2010 sur « Les politiques agricoles des pays de l’OCDE », notait que les « paiements aux producteurs, octroyés par le programme Agri-stabilité, ont augmenté en réponse à plusieurs facteurs différents comprenant la baisse des prix mondiaux, un accroissement des dépenses et une diminution des rendements dans certaines régions. Plusieurs nouveaux paiements en cas de catastrophe naturelle ont été mis en place dans le cadre du programme Agri-relance, aidant ainsi les éleveurs de l’Ouest canadien et les producteurs de pommes de terre du Québec. Le nouveau programme de la Loi canadienne sur les prêts agricoles (Canadian Agricultural Loans Act – CALA) remplace la Loi sur les prêts destinés aux améliorations agricoles et à la commercialisation selon la formule coopérative (LPAACFC) et améliore l’accès des producteurs et des coopératives agricoles aux garanties de prêts. »

c) Les disparités de normes environnementales et sanitaires

L’Union européenne a fait certains choix répondant aux aspirations des consommateurs en matière de qualité, de santé et d’environnement qui ont un impact direct en termes de productivité. Le Canada n’a pas fait les mêmes choix, comme on le voit en matière d’OGM (organismes génétiquement modifiés) ou d’utilisation d’hormones de croissance.

Le Canada produit 10 % des récoltes OGM mondiales. L’Union européenne a, quant à elle, préféré jouer la carte du principe de précaution en matière d’environnement, principe inscrit dans l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Depuis 1998, il existe un moratoire de fait sur l’importation de nouveaux OGM. En 2003, le Canada, avec d’autres pays dont les Etats-Unis et l’Argentine, a déposé une plainte contre ce moratoire devant l’OMC. En 2009, le Canada et l’Union européenne ont signé une « solution convenue d’un commun accord » qui institue un dialogue formel entre les deux parties sur l’accès aux marchés pour les OGM(48).

Le conflit sur la viande de bœuf aux hormones de croissance est un autre sujet emblématique des divergences de normes. Depuis la crise sanitaire de l’ESB(49) dite « maladie de la vache folle », les autorités européennes ont décrété un embargo sur la viande traitée aux hormones. En 1996, les Etats-Unis et le Canada ont porté l’affaire devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC qui a condamné l’Union européenne. Celle-ci ayant choisi de ne pas appliquer la décision, les Etats-Unis et le Canada ont répliqué par des mesures de rétorsion via une surtaxation de certains produits européens. A la suite d’un changement de réglementation européenne pour assouplir les règles en 2003, l’OMC a jugé en 2008 que la réglementation européenne ne satisfaisait toujours pas aux règles de l’OMC.

En novembre 2010, un accord entre les deux parties a déjà prévu un accès en franchise de droit au marché européen du bœuf canadien non traité pour un volume de 20 000 tonnes et 3 200 tonnes seront ajoutées au contingent, ceci afin d’indemniser l’interdiction qu’avait émise l’Union européenne. Le Canada a ainsi obtenu le contingent de la nation la plus favorisée pour le bœuf non traité.

L’accord de libre-échange devrait exiger des produits canadiens qu’ils respectent les normes sanitaires édictées par l’Union européenne sur toutes les étapes de production. En effet, quand un produit est interdit dans l’Union européenne, le contrôle ne peut porter que sur ce produit et non pas par exemple sur les produits de dégradation. Il est donc essentiel que les exigences portent sur toute la chaîne de production.

d) Les enjeux pour la politique commune de la pêche

Le Livre vert de la Commission européenne sur la politique commune de la pêche(50) met l’accent sur l’importance du secteur de la pêche dans l’Union européenne. En effet, la plupart des Etats membres ont une industrie et des traditions en rapport avec la mer. Si, en tant qu'activité économique, elle ne contribue qu'à moins de 1 % du produit national brut de l'Union, elle emploie près de 400 000 pêcheurs et aquaculteurs auxquels s’ajoutent un nombre important d'emplois dans les activités en aval (industrie agroalimentaire). Dans certaines zones présentant peu d'autres activités économiques, la pêche est un moyen de promouvoir le développement local.

Or, comme le souligne un rapport du Parlement européen(51), le régime d’importation dans l’Union européenne des produits de la pêche consiste à ouvrir largement aux importations les marchés communautaires, que ce soit dans le cadre d’accords bilatéraux ou des négociations de Doha(52). Ainsi, l'accord de partenariat avec les Etats du Pacifique a montré d'importants problèmes relatifs à la pêche(53) liés au non-respect des règles d'origine par certains pays, ce qui pose des problèmes de compétitivité.

L'accord avec le Canada soulève de fortes inquiétudes dans ce secteur et la politique de la Commission en matière de libre-échange donne l'impression d'une volonté d'aboutir à tout prix sans prise en compte des conséquences. Dans la mesure où l’accord avec le Canada pourrait constituer une porte d'entrée des produits américains en Europe, les négociations sur les règles d’origine seront donc déterminantes.

2. Cohérence avec la politique relative aux pays et aux territoires d’outre mer

Les pays et territoires d’outre mer (PTOM(54)), contrairement aux régions ultraphériques(55) (RUP), ne sont pas des territoires européens même s’ils sont rattachés à un Etat membre et si leurs ressortissants sont citoyens européens. Ils sont liés à l’Union européenne(56) par un accord de partenariat qui sera renouvelé en 2014. A la suite de la parution du Livre vert sur l’avenir de ces territoires(57), la Commission européenne a fait une communication(58) dans laquelle elle insiste sur la nécessité de refonder le partenariat avec les PTOM afin d’améliorer leur compétitivité, réduire leur vulnérabilité et développer l’intégration régionale. La politique commerciale de la Commission va à l’encontre de ces objectifs.

a) Les pays et territoires d’outre mer ne sont pas inclus dans le mandat de négociation de la Commission européenne

Les pays et territoires d’Outre mer (PTOM) n’étant pas mentionnés dans le mandat de négociation, la Commission européenne n’est juridiquement pas tenue de les prendre en considération et de défendre leurs intérêts. En effet, l’accord d’association n’inclut pas cette protection et renvoie aux relations bilatérales des Etats membres.

Dans le cas du projet d’accord avec le Canada, le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, territoire dépendant d’un Etat membre de l’Union européenne, situé sur le continent nord-américain et donc directement en prise économique avec le Canada n’est pas intégré dans ce mandat.

La réalité est en fait moins simple. Si, dans un premier temps, les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon n’étaient pas pris en considération, la Commission a accepté de se faire le relais des préoccupations de ce territoire. En effet, la France a dressé à l’intention de la Commission européenne une liste des points problématiques, après l’intervention de la rapporteure auprès des autorités européennes et nationales.

b) Les accords de libre-échange sont susceptibles d’avoir des impacts forts sur l’économie de ces territoires

Les PTOM ont un régime commercial spécifique et ont un avantage s’attachant à la définition des règles d’origine. Ils ont une possibilité de dérogation lorsque le développement d’industries existantes ou l’implantation d’industries nouvelles le justifient.

Par ailleurs, une procédure de transbordement permet aux produits non originaires des PTOM d’être réexpédiés vers l’Union européenne en exemption de droits à l’importation(59).

La libéralisation des échanges commerciaux est à l’origine d’une érosion des préférences commerciales des PTOM.

Un accord de libre-échange avec le Canada aurait des impacts directs sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a largement fondé son développement économique sur son rôle de porte d’entrée de l’Europe sur le continent américain et vice versa, du Canada sur l’Europe. De plus, l’archipel a une structure économique fragile, dépendant largement des quotas de pêche qui lui sont accordés dans le cadre bilatéral (accord franco-canadien de 1994) ou multilatéral(60). Ainsi Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie d’une dérogation aux règles d’origine grâce à laquelle l’archipel peut transformer certains produits de la pêche canadienne(61) dans la limite de 1 290 tonnes par an. A ces produits, s’ajoutent des mollusques (noix de Saint-Jacques ou pétoncles) qui bénéficient de la diversification de la filière de la pêche. Ces produits sont transformés sur place et sont ensuite réexportés vers l’Union européenne sans droits de douane. Par ailleurs, l’archipel a utilisé la procédure du transbordement, notamment pour l’aluminium.

Si l’accord entre l’Union européenne et le Canada aboutit à une libéralisation des échanges, le Canada n’aura plus intérêt à faire transiter ses produits par Saint-Pierre-et-Miquelon. C’est tout l’équilibre économique de ce territoire qui est menacé.

c) La nécessaire prise en compte des préoccupations de Saint-Pierre-et-Miquelon dans la négociation

Il s’agit d’une part d’aider l’archipel à ne pas subir l’érosion de ses préférences commerciales et d’autre part de favoriser son intégration dans l’environnement régional par le développement de ses capacités économiques.

Sur le plan défensif, la libéralisation de certaines lignes tarifaires serait préjudiciable à l’archipel. Il conviendrait donc de profiter des marges de manœuvre sur certaines lignes pour exclure de cette libéralisation celles essentielles à son économie (62). A tout le moins, il pourrait être négocié une période transitoire de dix ans. Une libéralisation trop rapide pourrait en effet conduire les partenaires- investisseurs, scientifiques …- canadiens à se retirer. Cette période pourrait être mise à profit pour développer une image de marque de l’archipel et permettrait à ces produits de gagner en valeur ajoutée.

Afin d’asseoir l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon sur une base plus diversifiée, l’accord avec le Canada peut par ailleurs être l’occasion de mettre sur la table un certain nombre de sujets offensifs :

- une autorisation d’exportation de mollusques(63) qui suppose une reconnaissance mutuelle des services des services vétérinaires d’inspection permettrait aux navires de pêche de Saint-Pierre-et-Miquelon de débarquer directement ces mollusques à Terre-Neuve, territoire canadien et réciproquement, aux navires canadiens de livrer d’autres espèces aux entreprises de transformation de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- l’inscription dans le chapitre SPS (mesures sanitaires et phytosanitaires) d’une reconnaissance mutuelle des méthodes de recherche des biotoxines marines sur les mollusques exportés de Saint-Pierre vers l’Union européenne devrait permettre aux professionnels de Saint-Pierre-et-Miquelon de recourir aux capacités d’analyse des laboratoires canadiens ;

- la question de l’exportation des déchets de Saint-Pierre-et-Miquelon vers le Canada constitue un intérêt offensif et un enjeu de développement durable. Il faudrait donc lever l’interdiction d’importation de déchets sur le continent ;

- dans le cadre de la diversification des activités économiques de Saint-Pierre-et-Miquelon, les résultats de la négociation en matière de prestations de services devront être suivis avec attention, l’archipel pouvant faire prévaloir sa position privilégiée de tête de pont entre le Canada et l’Union européenne.

Plus globalement, la rapporteure estime que les PTOM ne doivent pas, comme la politique agricole, être la variable d’ajustement de la politique commerciale de l’Union.

En conséquence, il est souhaitable d’aligner le régime des PTOM sur celui des régions ultrapériphériques (RUP) en matière commerciale, ce qui implique :

- l’inclusion de la prise en compte des intérêts des PTOM dans le mandat de négociation ;

- la réalisation obligatoire d’études d’impact ;

- la compensation financière des conséquences économiques de l’accord, le recours au Fonds européen de développement (FED) ne constituant pas une solution valide ;

- l’insertion d’une clause de sauvegarde en cas de déséquilibre sectoriel occasionné par l’application d’un accord commercial.

CONCLUSION

Il n’est pas certain que le Parlement français ait à se prononcer sur ce projet d’accord. En effet, la ratification par les Parlements nationaux d’un accord de commerce n’est obligatoire que si l’accord est mixte, c'est-à-dire s’il comprend des clauses autres que commerciales.

Or cette question juridique n’a pas encore été tranchée. La réponse dépendra de l’insertion ou non de clauses politiques, ce qui suffirait à le rendre mixte. Dans la mesure où un accord-cadre politique en remplacement de l’accord-cadre de 1976 est parallèlement en cours de négociation, de telles clauses pourraient y figurer. L’accord commercial avec le Canada serait dans ce cas un accord purement commercial.

Si tel était le cas, la coopération entre Parlement européen et Parlements nationaux serait d’autant plus indispensable afin de mettre en œuvre un contrôle croisé sur cet accord et, plus généralement, sur une politique commerciale aux conséquences lourdes.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le mardi 8 mars 2011, sous la présidence de M. Gérard Voisin, Vice-président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« M. Jacques Desallangre. Je m’interroge sur la contradiction qui semble exister entre la réserve émise par la Commission européenne quant à l’importation de produits pétroliers issus de sables bitumineux et l’accord donné par le gouvernement français à la recherche et à l’exploitation de gaz de schistes en France.

La rapporteure. Ce n’est pas à moi de répondre de la politique énergétique française. Il me semble cependant que la France a actuellement suspendu toute recherche et exploitation des gaz de schistes et va procéder à des analyses et des enquêtes approfondies alors qu’ils font déjà l’objet d’une exploitation intensive au Canada. L’importation de ce type de produits pétroliers serait contradictoire avec les engagements souscrits par l’Union européenne à Copenhague.

M. Michel Diefenbacher. Je félicite la rapporteure pour la qualité et la clarté de son exposé.

J’avoue ma perplexité et mes interrogations sur cet accord.

Il apparaît que l’intérêt de l’Europe pour une négociation de cette nature est relativement faible et qu’elle profitera surtout au Canada. Par ailleurs, vous avez souligné les difficultés d’application de l’accord compte tenu du caractère fédéral du Canada .L’Etat canadien devrait être responsable de l’application d’un traité international. La détermination des règles d’origine est également délicate. La prise en compte de la situation de Saint Pierre et Miquelon est pour la France particulièrement sensible alors que son statut dans la négociation est flou. Enfin, cette négociations bilatérale est une véritable entorse aux principes que s’est fixés l’Union européenne de donner la priorité aux négociations multilatérales . Compte tenu de l’ensemble de ces difficultés et du problème spécifique de Saint-Pierre-et-Miquelon, le contenu de la proposition de résolution déterminera mon vote.

La rapporteure. Les provinces du Canada ont des compétences économiques propres pour adopter les lois nécessaires à l’application de l’accord. C’est pourquoi l’Union européenne a tenu à ce qu’elles soient présentes à chaque réunion. Cette situation a donné lieu à des tensions entre le Québec, où se trouvent majoritairement les entreprises françaises, et les autres provinces comme Terre Neuve qui sont plus réticentes. Il est donc nécessaire que les provinces cosignent l’accord pour qu’il soit pleinement appliqué.

Il faut signaler que ce projet d’accord n’a pas fait l’objet, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, d’une étude d’impact. Le peu de chiffres dont on dispose montre que son effet serait plutôt neutre pour l’Europe , la France ayant des intérêts en matière de marchés publics. Mais l’impact de cet accord sur l’ensemble des secteurs n’a pas été évalué. Certains de nos collègues parlementaires européens allemands réagissent d’ailleurs assez vivement sur le volet agricole. L’attention que les parlementaires européens ont portée à cet accord a largement été le fait de la mission que j’ai menée au nom de notre commission des affaires européennes. La Commission européenne ne leur avait en fait donné que peu d’éléments d’information alors qu’il ne reste aujourd’hui que très peu de temps jusqu’à la fin de la négociation fixée pour la fin 2011.

M. Jacques Desallangre. Au point 1 de la proposition de résolution, il est rappelé qu’il est nécessaire « de donner la priorité aux relations multilatérales dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce » alors qu’il est demandé dans le même temps « qu’un débat ait lieu au Parlement européen sur le bien-fondé d’une politique généralisée de signature d’accords bilatéraux de libre-échange ». En attendant ce débat, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de cette logique et exiger la suspension des négociations de ces accords bilatéraux ?

Le Président Gérard Voisin. Notre réunion commune avec des députés européens, le 18 mai, sera l’occasion d’approfondir la question de la politique commerciale européenne.

La rapporteure. Pour la France comme pour Saint-Pierre-et-Miquelon, il aurait été préférable que cet accord soit enterré et que la machine soit arrêtée ! Toutefois, politiquement, ce serait compliqué. Il s’agit d’une compétence exclusive de l’Union européenne. Les mandats de négociation ont été donnés et les négociations sont lancées. Dans ces conditions, il est difficile d’intégrer votre suggestion.

M. Jacques Desallangre. Je reste sur ma position : je m’abstiendrai donc sur cette proposition de résolution.

Mme Odile Saugues. En matière de qualité des produits alimentaires, la France et l’Europe sont soumises à des normes contraignantes qui sont scrupuleusement respectées. Au point 8, nous demandons que « les importations de viandes bovines [soient] conformes aux normes européennes ». De quels moyens de contrôle disposerons-nous afin de faire respecter ces normes ?

La rapporteure. Etant voisine du Canada, j’avoue partager vos inquiétudes. Il faut rester ferme et vigilant. Nous n’avons aucune raison d’autoriser l’importation de produits ne respectant pas les critères de qualité, d’hygiène et de sécurité auxquels se soumettent nos producteurs. Cette question sera au cœur des négociations lors des deux prochaines rencontres entre l’Europe et le Canada. Il sera important de sensibiliser nos collègues du Parlement européen afin qu’ils mettent l’accent sur ce point, surtout si l’Assemblée nationale n’était pas appelée à ratifier cet accord. Au demeurant, la problématique de l’accord de libre-échange avec les pays du MERCOSUR est identique.

M. Jacques Desallangre. Cela générera des contentieux car les Canadiens contesteront la justesse de nos normes.

M. Michel Diefenbacher. Je suis prêt à voter la proposition de résolution mais j’ai trois suggestions.

D’abord, j’ai le sentiment qu’il n’y a pas de « politique généralisée de signature d’accords bilatéraux de libre-échange ». Ne donnons pas à la Commission une mauvaise idée et enlevons l’adjectif « généralisé » !

Ensuite, au point 4, j’estime que le verbe « inviter » est trop prudent et pas assez ferme. Nous gagnerions à le remplacer par le verbe « demander ».

Le Président Gérard Voisin. Nous pouvons retenir la rédaction proposée par M. Diefenbacher pour la première partie de ce point 4.

La rapporteure. Au point 1, par prudence, je propose effectivement que nous supprimions le mot « généralisée ».

M. Philippe Armand Martin. J’approuve totalement la proposition de résolution. Pouvez-vous me préciser quels sont les services auxquels le point 6 fait référence ?

La rapporteure. Ils s’agit de tous les services, comme Internet, bancaires et commerciaux.

M. Bernard Deflesselles. Il conviendrait de mieux mettre en cohérence les points 4 et 6. Vous commencez en effet par inviter la Commission « à faire en sorte que les accords commerciaux n’aillent pas à l’encontre des politiques agricoles et de la pêche » pour estimer ensuite que son approche, en la matière, est « dangereuse », dans la mesure où elle accorde trop de « concessions ». »

Sur proposition de la rapporteure, la Commission a ensuite approuvé la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88 de la Constitution,

Vu les articles 206, 207 et 218 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la communication de la Commission européenne du 9 novembre 2010 « Commerce, croissance et affaires mondiales - La politique commerciale au c
œur de la stratégie Europe 2020 »,

Vu la recommandation du 27 avril 2009 de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à engager des négociations en vue d’un accord d’intégration économique avec le Canada,

Considérant la politique de signature d’accords de libre échange bilatéraux menée par la Commission européenne,

Considérant l’impact des négociations commerciales en matière économique, sociale, sanitaire et environnementale et la nécessité d’un contrôle démocratique sur des enjeux complexes,

1. Rappelle la nécessité de donner la priorité aux relations multilatérales dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et demande qu’un débat ait lieu au Parlement européen sur le bien-fondé d’une politique de signature d’accords bilatéraux de libre échange ;

2. Insiste sur la nécessité pour la Commission de mener obligatoirement des évaluations d’impact rendues publiques avant le début des négociations et mises à jour compte tenu de l’avancée des négociations afin de vérifier la cohérence avec les autres politiques de l’Union et d’en faire un outil d’aide à la décision pour le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ;

3. Souhaite une information adéquate du Parlement européen à tous les stades de la négociation et la nomination de rapporteurs pour chaque projet d’accord ;


4. Estime dangereuse l’approche de la Commission européenne qui accorde des concessions sur l’agriculture et la pêche en vue d’obtenir un meilleur accès aux marchés pour les produits industriels et les services ;

5. Demande en conséquence à la Commission européenne de veiller à ce que les accords commerciaux n’aillent pas à l’encontre des politiques agricole et de la pêche, industrielle, sociale et sanitaire européennes et à obtenir le respect de la réciprocité des concessions ;

6. Souhaite que tout accord commercial soit conforme aux accords internationaux en matière d’environnement ;

7. Exige, compte tenu des choix européens en faveur de la santé, de l’environnement et du bien être animal et de leur impact en terme de compétitivité du secteur agricole européen, le respect de standards équivalents pour les produits agricoles en provenance du Canada ;

8. Demande que le règlement du différend sur le b
œuf aux hormones permette la suspension des sanctions frappant les produits européens tout en garantissant que les importations de viande bovine seront conformes aux normes européennes ;

9. Invite la Commission européenne à établir la liste des services devant faire l’objet d’une libéralisation selon le principe d’une liste positive et à en exclure les services publics ;

10. Estime indispensable, compte tenu de leurs compétences étendues, la pleine adhésion des provinces canadiennes au projet d’accord ;

11. Demande que soient évalués systématiquement les effets des accords commerciaux sur les pays et territoires d’outre mer (PTOM) et les régions ultrapériphériques (RUP) par des études d’impact et que soit pris en compte de manière appropriée la situation particulière de Saint Pierre et Miquelon ;

12. Appelle à une réflexion approfondie sur un rapprochement entre le régime des PTOM et des RUP, afin d’intégrer les PTOM dans le mandat de négociation des accords commerciaux, d’inclure une clause de sauvegarde spécifique dans ces accords et de prévoir des modalités de compensation de leurs conséquences.

MOTION FOR A EUROPEAN RESOLUTION

The National Assembly,

In the light of Article 88-4 of the Constitution,

In the light of Articles 206, 207 and 218 of the Treaty on the Functioning of the European Union,

In the light of the communication by the European Commission of
9 November 2010 'Trade, growth and world affairs – Trade policy as a core component of the EU's 2020 strategy',

In the light of the recommendation of 27 April 2009 from the Commission to the Council to authorise the Commission to open negotiations for an economic integration agreement with Canada,

Considering the European Commission's policy to sign bilateral free trade agreements,

Considering the impact of trade negotiations in the economic, social, health and environmental fields and the need for democratic control over complex issues,

1. Recalls the need to prioritise multilateral relations in the framework of the World Trade Organization (WTO) and asks for a debate to be held at the European Parliament on the validity of a policy to sign bilateral free trade agreements;

2. Insists on the absolute necessity for the Commission to make impact assessments that are publicly disclosed before the beginning of the negotiations and updated as the negotiations advance in order to check coherence with the other policies of the EU and make them a decisional aid instrument for the Council of the European Union and the European Parliament;

3. Desires that the European Parliament be kept adequately informed at all stages of the negotiation and desires the appointment of rapporteurs for each draft agreement;

4. Considers the approach of the European Commission dangerous as it grants concessions for agriculture and fisheries in order to obtain better access to markets for manufactured products and services;

5. Asks the European Commission, as a consequence, to ensure that the trade agreements do not go against the European agricultural and fisheries, industrial, social and health policies and make sure it obtains compliance with the reciprocity of concessions;

6. Desires that any trade agreement should comply with international agreements in the environmental field;

7. Requires that - given the European choices regarding health, the environment and animal welfare and their impact in terms of the competitiveness of the European agricultural sector - agricultural products from Canada should comply with equivalent standards;

8. Asks that the settlement of the dispute over hormone beef should allow the suspension of sanctions on European products while guaranteeing that imports of beef and veal will comply with European standards;

9. Invites the European Commission to draw up the list of services that are to be liberalised in accordance with the principle of a positive list and to exclude from it public services;

10. Considers it essential, given the broad powers of the Canadian provinces, that they fully subscribe to the draft agreement;

11. Asks for impact studies to systematically assess the effects of trade agreements on Overseas Countries and Territories (OCTs) and ultra-peripheral regions (UPRs) and asks for the specific situation of Saint Pierre and Miquelon to be taken into account in an appropriate manner;

12. Calls for in-depth discussions on a harmonisation between the regime of OCTs and UPRs, so as to integrate OCTs in the negotiating mandate on trade agreements, include a specific safeguard clause in these agreements and lay down compensation arrangements for their consequences.

ANNEXES

ANNEXE 1 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

A Paris

Ø Ambassade du Canada en France

- M. Jean-Dominique Ieraci, ministre-conseiller chargé des affaires économiques et commerciales ;

- M. Marc Berthiaume, chargé des relations politiques et parlementaires.

Ø Ministère de l’agriculture et de la pêche

- M. Guilhem BRUN, sous-directeur des affaires européennes, direction des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires;

- M. Bruno Jacquet, bureau de l’économie des pêches ;

- Mme Séverine Jacobs, bureau des politiques commerciales et extérieures communautaires.

Ø Secrétariat d’Etat chargé du commerce extérieur

- M. Jean-René Cougard, directeur de cabinet.

Ø Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie

- M. Emmanuel Dupouy, adjoint au chef de bureau de la politique commerciale, de l’OMC et des accords commerciaux de l’Union européenne, sous-direction de la politique commerciale.

Ø Secrétariat d’Etat outre-mer

- M. Gilles Huberson, conseiller diplomatique et aux affaires européennes.

A Bruxelles

- M. Philipp Dupuis, chef adjoint de l’unité en charge des relations avec l’Amérique du Nord, direction générale « Commerce » de la Commission européenne ;

- Mmes Emmanuelle Ivanov–Durant et Isabelle Magne-Desquiens, attachées économiques chargées des relations avec l’Amérique du Nord à la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne ;

- M. Kader Arif, député européen, commission du commerce international ;

- M. Alain Cadec, député européen, commission du développement régional ;

- M. Michel Dantin, député européen, commission de l'agriculture et du développement rural ;

- M. Harlem Désir, député européen, commission du commerce international ;

- Mme Elisabeth Jeggle, députée européenne, commission de l'agriculture et du développement rural ;

- Mme Marie-Christine Vergiat, députée européenne, commission de la culture et de l'éducation ;

- Mme Carola Fischbach-Pyttel, secrétaire générale de la Fédération européenne des syndicats des services publics.

ANNEXE 2 :
ENTREPRISES SOUTENANT LES NÉGOCIATIONS EN VUE
DE LA CONCLUSION D’UN ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE
ENTRE LE CANADA ET L’UNION EUROPENNE

- José Manuel Entrecanales, ACCIONA

- Gilles Pélisson, Accor

- Robert Friedmann, Adolf Wuerth & Co. KG

- John Beck, Aecon Group Inc.

- Dermot Mannion, Aer Lingus

- Richard Evans, Alcan Inc.

- Patrick Kron, ALSTOM

- Samir Brikho, AMEC plc

- Hans Peter Stihl, AG & CO KG

- Cynthia Carroll, Anglo American plc

- Lakshmi Mittal, ArcelorMittal

- Anne Lauvergeon, AREVA

- Mark Jones, AstraZeneca Canada Inc.

- David Richard Brennan, AstraZeneca plc

- Francois Depelteau, AXIMA Services Inc.

- Gregory Wilkins, Barrick Gold Corporation

- Kurt Bock, Directors BASF

- Werner Wenning, Bayer AG

- Norbert Reithofer, Bayerische Motoren-Werke AG

- Boris Kariev, Belvedere Canada

- Gunter Thielen, Bertelsmann AG

- Herbert Bodner, Bilfinger Berger AG

- Lorenzo Rossi di Montelera, Birks & Mayors Inc.

- Baudoin Prot, BNP-Paribas

- Alessandro Banchi, Boehringer Ingelheim GmbH

- Jean-Charles Boisset, Boisset Canada

- Laurent Beaudoin, Bombardier Inc.

- Willie Walsh, British Airways plc

- Perrin Beatty, Canadian Chamber of Commerce

- Jayson Myers, Canadian Manufacturers & Exporters

- Dominique de Riberolles, CEPSA- compagnie espagnole des pétroles

- E. Hunter Harrison, CN- Canadian national railway

- Klaus-Peter Müller, Commerzbank AG

- Manfred Wennemer, Continental AG

- Bernd Supe-Dienes, Dienes Group

- Dr. Josef Ackermann, Deutsche Bank AG

- Reto Francioni, Deutsche Bourse AG

- Paul Walsh, Diageo plc

- Deryk I. Direct Energy, Centrica North America

- Jonathan Goodman, Dundee Precious Metals Inc.

- Dr. Wulf Bernotat, E.ON AG

- Avrim Lazar Forest, Products Association of Canada

- Jean Hurteau, Fruits & Passion

- Jean-François Cirelli ,Gaz de France

- Jean-Pierre Garnier, GlaxoSmithKline plc

- Frederick Firlotte, Golder Associates

- Riccardo Illy, Gruppo Illy S.p.A.

- Michael Behrendt, Hapag-Lloyd AG

- Georg Funke, Hypo Real Estate Holding AG

- John Galt, Husky Injection Molding Systems Ltd.

- Joseph Kruger, II Kruger Inc.

- Klaus Herms, Kuehne & Nagel International AG

- Bertrand Collomb, Lafarge

- Jože Jaklin, Litostroj E.I.

- Wolfgang Mayrhuber, Lufthansa AG

- Dr. Matthias Mitscherlich, MAN Ferrostaal AG

- Dominic d'Alessandro, Manulife Financial Corporation

- Michael H. McCain, Maple Leaf Foods Inc.

- Karl-Ludwig Kley, Merck KGaA

- Betrand Bolduc, Mistral Pharma Inc.

- Sean Gardner, Monsanto Canada

- Nikolaus von Bomhard, Munich Re

- Stane Rožman, Board NEK d.o.o.

- Hans H. Overdiek, Pfleiderer AG

- Paul Lévesque, Pfizer Canada Inc.

- Paul-Arthur Huot, PÔLE Québec Chaudière-Appalaches

- Paul Desmarais Jr, Power Financial Corporation

- Paul Skinner, Rio Tinto plc

- Dr. Roland Berger, Roland Berger GmbH

- Jeroen van der Veer, Royal Dutch Shell plc

- Heinz Rzehak, Rutgers Chemicals GmbH

- Russell Williams, Rx&D

- Henning Kagermann, SAP AG

- Kenneth Smith, Secor Consulting

- Peter Loescher, Siemens AG

- Jacques Lemarre, SNC-Lavalin Inc.

- Daniel Bouton, Société Générale

- Pierre Schedleur, Société générale de financement du Québec (SGF)

- Christian Jourquin, Solvay S.A.

- Philippe Hoste, SONACA NMF Canada Inc.

- Dr. Günter von Au, Süd-Chemie AG

- Gérard Mestrallet, Général SUEZ

- Richard George, Suncor

- Donald Lindsay, Teckcominco

- Marc Parent, Tecsult Ltd.

- Frank G. Delfino, Canadian & International Teknion Corporation

- Manuel Sanchez Ortega, Telvent

- Jens Maaløe, Terma A/S

- Dr. Ekkehard D. Schulz, ThyssenKrupp AG

- Thierry Desmarest ,TOTAL S.A.

- Nicola Leibinger-Kammüller, TRUMPF GmbH + Co. KG

- Richard Nesbitt, TSX Group

- Michael Behrendt, TUI AG

- Dušan Mežnar, TVM Maribor D.o.o.

- Yves Guillemot, Ubisoft Entertainement

- Henri Proglio, Veolia Environnement

- Martin Winterkom, Volkswagen AG

- Lucien FA, Yoplait SAS

- Godfrey Marchand, Zelos Therapeutics, Inc.

- Egon Behle, ZF Lenksysteme

Accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada : A quel prix ?

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Centre d’études prospectives et d’informations internationales.

3 (3) Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Centre for Prospective Studies and International Information)

4 () « Commerce, croissance et affaires mondiales – La politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020 ».

5 () Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au comité des régions, COM (2006) final 4 octobre 2006.

6 () « Le bilatéral n’est pas l’ennemi du multilatéral. La libéralisation alimente la libéralisation. C’est pourquoi une grande partie de notre énergie sera consacrée aux accords bilatéraux ». Déclaration faite à l’occasion de la présentation de la communication « Commerce, croissance et affaires mondiales. La politique commerciale au cœur de la stratégie Europe 2020 » du 9 novembre 2010.

7 () Lors de sa réunion du 5 mai 2010, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a adopté des conclusions dans lesquelles elle se déclare « défavorable à la reprise des négociations sans que des garanties solides soient apportées pour l’agriculture européenne ».

8 () Voir la liste des entreprises soutenant les négociations d’un accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada en annexe 2.

9 () « Evaluation d’un accord de libre échange entre l’Union européenne et le Canada », juillet 2009. Etude du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales).

10 () Communication de la Commission concernant les relations UE-Canada du 13 mai 2003- COM (2003) 266 final.

11 () L’Union européenne a interdit la vente de produits dérivés du phoque ; le Canada a demandé en 2010 la mise en place d’un groupe spécial chargé de régler les différends à l’Organisation mondiale du commerce.

12 () Voir notamment les travaux de Joseph Stiglitz et Paul Krugman.

13 () Projet de rapport de M. Georgios Papastamkos au Parlement européen sur l’agriculture de l’Union européenne et le commerce international (2010/2110 INI).

14 () Il s’agit du plus ancien accord international de l’Euratom.

15 () Cet accord reconnaît les indications géographiques «  Bordeaux » et «  Médoc », comme différentes des simples marques génériques, mettant ainsi fin à l’utilisation par le Canada de vingt et une dénominations de vins et spiritueux européens.

16 () L’OMC avait rejeté les arguments du Canada.

17 () Le traité de libre-échange nord américain (Alena), entré en vigueur en 1994, crée une zone de libre-échange entre les Etats –unis, le Canada et le Mexique.

18 () Avis d’initiative du 16 septembre 2010. « Les relations entre l’Union européenne et le Canada ». Rex/274.

19 () Association des nations de l’Asie du Sud Est qui comprend notamment la Malaisie, les Philippines, Singapour, le Vietnam.

20 () La Communauté économique des pays de l’Amérique du Sud comprend comme membres permanents l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela.

21 () Source Eurostat.

22 () L’Angleterre est le principal exportateur de pétrole vers le Canada et ce, depuis le premier choc pétrolier.

23 () Source : Evaluation des coûts et avantages d’un partenariat économique plus étroit entre l’Union européenne et le Canada – Etude conjointe réalisée par la Commission européenne et le Gouvernement du Canada.

24 () Ce premier accord de libre-échange transatlantique est très large. Il couvre les biens, les services, les marchés publics, la concurrence, les droits de propriété intellectuelle, l’investissement.

25 () Sables bitumineux.

26 () Dans sa communication précitée de 2006, la Commission mettait l’accent sur le fait que « plus que jamais, l’Europe doit importer pour exporter. La suppression des restrictions concernant l’accès aux ressources, comme l’énergie, les matières premières primaires est une priorité élevée. L’énergie sera particulièrement importante. La demande mondiale augmentant en Europe et l’Europe devenant de plus en plus tributaire de sources d’énergies extérieures, elle doit se doter d’une politique cohérente pour s’assurer un approvisionnement énergétique compétitif, sûr et durable. La diversité des sources, de l’approvisionnement et des voies de transport est capitale pour nos politiques intérieures et extérieures ».

27 () H. Boumellassa, Y. Decreux et L. Fontagné.

28 () Le CEPII est le principal centre français d’études et de recherche en économie internationale et est placé auprès du Centre d’analyse stratégique.

29 () Modèle Mirage.

30 () Déclaration du 25 septembre 2010.

31 () Sujets avancés lors de la première conférence ministérielle de l’OMC à Singapour en 1996.

32 () Accès des biens aux marchés ; règles d’origine, procédures douanières et facilitation commerciale ; barrières techniques au commerce ; coopération réglementaire ; mesures sanitaires et phytosanitaires ; instruments de défense commerciale ; investissements et services ; commandes publiques ; droits de propriété intellectuelle dont indications géographiques ; politique de concurrence et questions associées ;développement durable ; résolution des conflits et questions institutionnelles dont questions horizontales et transparence.

33 () Absence des produits pétroliers, exception portant sur les produits agricoles sensibles.

34 () Dans cette méthode, 50 % doivent être ajoutés au coût net du produit défini comme le coût total moins certains frais – promotion, après vente, marketing …. Les différences entre les deux pourcentages doivent être attribués au fait que le prix de vente du produit est supérieur au coût net.

35 () BC Hydro et Hydro-Québec.

36 () ACTA : anticounterfeiting trade agreement.

37 () La commission européenne a annoncé qu’elle présenterait en 2011 une proposition législative pour un instrument communautaire s’appuyant sur la mise en œuvre des engagements internationaux de l’Union européenne pour renforcer sa capacité à s’assurer d’une symétrie renforcée dans l’accès aux marchés publics dans les pays industrialisés et les grands émergents.

38 () Communication du 7 juillet 2010 de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions- Vers une politique européenne globale en matière d’investissements internationaux.

39 () Pour un vêtement, il existe trois étapes : de la fibre au fil, du fil au tissu et du tissu à la confection. La règle de la double transformation exige pour qu’un vêtement soit originaire, il faut qu’il respecte au moins deux étapes.

40 () Le syndicat des salariés de la poste canadienne s’est mobilisé et a exprimé sa crainte que le Gouvernement canadien « se serve des négociations avec l’Union européenne pour obtenir à la dérobée ce qu’il ne réussit pas à obtenir au moyen du processus démocratique et parlementaire ».

41 () L’exception culturelle est le principe selon lequel les Etats sont fondés à limiter le libre-échange de la culture sur les marchés.

42 () Directive 98/70/CE du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel.

43 () Le ministre canadien du commerce, M. Peter Van Loan, a déclaré le 26 février 2011, que « le Canada et l’Union européenne travaillent de concert afin de régler la question des sables bitumineux hors du cadre des négociations sur le libre échange ».

44 () M. Michel Dantin a posé le 1er février 2011 une question écrite sur le projet d’accord avec le Canada-50.

45 () Rapport d’information n° 2133 du 2 décembre 2009 déposé par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale.

46 () Projet de rapport sur l’agriculture de l’Union européenne et le commerce international. 2010/2110 (INI).

47 () Groupe de pays comprenant notamment l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Afrique du Sud, le Brésil, l’Argentine…

48 () Cette solution mutuellement convenue le 15 juillet 2009 intitulée « Communautés européennes - Mesures affectant l’approbation et la commercialisation des produits biotechnologiques » institue un dialogue sur les approbations d’OGM sur le territoire du Canada et de l’Union européenne, les perspectives commerciales et économiques pour les approbations futures d’OGM, toute incidence sur le commerce liée à des approbations non synchronisées d’OGM ou à la dissémination accidentelle de produits non autorisés, toute mesure liée à la biotechnologie qui peut nuire au commerce entre l’Union européenne et le Canada, toute nouvelle réglementation dans le domaine de la biotechnologie agricole.

49 () Encéphalopathie spongiforme bovine.

50 () « Réforme de la politique commune de la pêche » (COM (2009) 163).

51 () Rapport de M. Alain Cadec sur le régime d’importation dans l’Union européenne des produits de la pêche et de l’aquaculture dans la perspective de la réforme de la politique commune de la pêche (2009/2238).

52 () La conclusion du volet agricole du cycle de Doha sur la base actuellement envisagée de la « formule suisse » avec un coefficient 8 aurait pour effet de ramener le taux maximum de droit de douane applicable aux produits de la pêche et de l’aquaculture dans l’Union européenne de 26 % à 6 % environ.

53 () Ainsi la Papouasie Nouvelle-Guinée bénéficie d’un accès privilégié au marché européen. Pour en bénéficier, il est exigé que les conserves de thon soient produites à partir du thon pêché soit dans ses eaux territoriales soit dans ses navires. Une dérogation lui permet cependant de produire des conserves à partir de poisson pêché dans des eaux non territoriales dont il est donc impossible de tracer l’origine.

54 () Mayotte, Polynésie française, Saint-Pierre-et-Miquelon, Nouvelle-Calédonie…

55 () Départements et régions d’outre mer.

56 () Article 198 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

57 () « L’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre mer », 25 juin 2008. (SEC (2008) 2067).

58 () « Eléments d’un nouveau partenariat entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre mer », 6 novembre 2009 – (COM (2009) 623 final).

59 () Cette procédure ne s’applique pas aux produits agricoles.

60 () OPANO : organisation des pêches de l’Atlantique Nord Ouest ; ICCAT : convention internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique.

61 () Cabillaud, églefin, lieu noir, merlu, flétan…

62 () Morue, noix de pétoncles, flétan noir, maquereau, homard.

63 () Buccins et palourdes.