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No 3885

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 novembre 2011.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Pierre LEQUILLER,

Député

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Jean-Yves Cousin, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Pierre-Alain Muet, Jacques Myard, Michel Piron, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. L’ADHÉSION DE LA CROATIE CONFIRME LA VOLONTÉ DE L’UNION EUROPÉENNE D’OFFRIR UNE PERSPECTIVE D’INTÉGRATION EUROPÉENNE AUX PAYS DES BALKANS OCCIDENTAUX, DÈS LORS QU’ILS REMPLISSENT LES CONDITIONS DE L’ADHÉSION 7

II. LE TRAITÉ D’ADHÉSION DE LA CROATIE GARANTIT LA CRÉDIBILITÉ DE LA PRÉPARATION DE CE PAYS CANDIDAT À EXERCER PLEINEMENT SES RESPONSABILITÉS D’ETAT MEMBRE À LA DATE DU 1ER JUILLET 2013 ET À CONTRIBUER AU DÉVELOPPEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE ET NON À SON AFFAIBLISSEMENT 9

III. L’ADHÉSION DE LA CROATIE CONSACRE L’EXEMPLARITÉ DE SON EFFORT DE RÉFORME POUR L’INTÉGRATION EUROPÉENNE DES AUTRES PAYS DE LA RÉGION DANS UN ESPRIT DE RÉCONCILIATION 13

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE 19

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Lors du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011, les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement ont donné leur accord à l’achèvement des négociations d’adhésion de la Croatie à la fin juin 2011 et ils ont ouvert la voie à la dernière phase du processus d’adhésion de la Croatie à l'Union européenne, pour qu’elle en devienne le vingt-huitième Etat membre au 1er juillet 2013.

Le Parlement européen devrait se prononcer sur le projet de traité en plénière le 1er décembre, le Conseil devrait statuer le 5 décembre et le traité devrait être signé le 19 décembre à Varsovie, après les élections législatives en Croatie prévues pour le 4 décembre.

La procédure de ratification du traité en Croatie et dans les vingt-sept Etats membres commencera après la cérémonie de signature et devrait durer dix-huit mois.

Dans les trente jours suivant la signature du traité, la Croatie organisera un référendum sur l’adhésion qui devrait recueillir une large majorité. Selon un sondage effectué en septembre, 82 % des citoyens participeraient au référendum, 58 % voteraient pour, 31 % contre et 11 % seraient indécis. Un résultat positif déclenchera le lancement de la procédure de ratification par les Parlements en Croatie et dans les Etats membres.

Les Parlements des Etats membres ont toujours suivi attentivement le processus de négociation, comme en témoigne la visite à Zagreb les 17 et 18 janvier derniers de députés français et allemands des Commissions des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Bundestag, au cours de laquelle ils ont apporté un soutien franco-allemand à l’achèvement des négociations d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne(2).

Après une longue négociation technique, la période de ratification du traité par les Parlements doit être le moment privilégié de l’explication démocratique sur un élargissement qui concerne non seulement les Etats mais les peuples, aussi bien le peuple croate et les peuples des vingt-sept Etats membres que ceux des autres pays des Balkans occidentaux.

La Croatie sera le deuxième Etat issu de l’ex-Yougoslavie à adhérer à l’Union européenne, après la Slovénie en 2004. Mais, dans la mesure où la Slovénie est sortie très vite des conflits yougoslaves en 1991, la Croatie sera bien le premier des principaux belligérants de la guerre de l’ex-Yougoslavie, entre 1991 à 1995, à adhérer à l’Union européenne.

L’adhésion de la Croatie à l’Union européenne a donc une portée politique et symbolique majeure et elle adresse un triple message aux peuples du continent européen sur le rapport de confiance qui doit s’établir entre eux parce qu’il est la clé de leur avenir commun. Ce triple message insiste d’abord sur la volonté de l’Union européenne d’intégrer les Balkans occidentaux, ensuite sur la crédibilité du processus de négociation et enfin sur l’exemplarité de cette adhésion pour l’ensemble de la région.

I. L’ADHÉSION DE LA CROATIE CONFIRME LA VOLONTÉ DE L’UNION EUROPÉENNE D’OFFRIR UNE PERSPECTIVE D’INTÉGRATION EUROPÉENNE AUX PAYS DES BALKANS OCCIDENTAUX, DÈS LORS QU’ILS REMPLISSENT LES CONDITIONS DE L’ADHÉSION

Nul doute n’est plus permis aux pays de la région sur la constance et la détermination de l’Union européenne, depuis qu’elle a défini son approche régionale au milieu des années 1990, puis le processus de stabilisation et d’association en mai 1999 et enfin la perspective d’intégration à l’Union européenne au Conseil européen de Thessalonique en juin 2003.

L’Union européenne s’est en effet convaincue que seule l’adhésion serait un moteur de transformation suffisamment puissant pour étendre la paix, la stabilité et la prospérité européennes à une région ravagée par des guerres séculaires et pour l’amener à remplacer la logique du nationalisme ethnique par celle de la citoyenneté non discriminatoire.

Par ailleurs, l’Union européenne a toujours été claire sur la définition des critères et des conditions d’adhésion et n’a jamais varié sur la nécessité de leur respect par chacun des pays candidats. Ces pays européens qui ont vocation à adhérer à l’Union européenne s’ils le souhaitent n’y entreront que s’ils respectent effectivement les critères définis à Copenhague en juin 1993, ainsi que les conditions spécifiques du processus de stabilisation et d’association de 1999, en particulier la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la coopération régionale.

Il est remarquable que l’Union européenne n’ait pas infléchi sa politique d’intégration européenne à l’égard des Balkans occidentaux, alors que le contexte international et interne à l’Europe s’est durci.

Les crises du voisinage à l’Est comme dans le sud méditerranéen et la crise de la dette enchaînant sur la crise financière de 2008 ne l’ont pas conduite à un repli sur elle-même et à un arrêt du processus d’élargissement, mais au contraire à juger encore plus nécessaire de constituer un pôle de stabilité et de démocratie dans les Balkans occidentaux.

En revanche, l’Union européenne a procédé à un renforcement du processus de négociation et de suivi pour s’assurer que le nouvel Etat membre serait en état d’exercer pleinement ses droits mais aussi ses devoirs d’Etat membre et que son adhésion n’affaiblirait pas la cohésion de l’ensemble. C’est le deuxième message porté par le traité.

II. LE TRAITÉ D’ADHÉSION DE LA CROATIE GARANTIT
LA CRÉDIBILITÉ DE LA PRÉPARATION DE CE PAYS CANDIDAT
À EXERCER PLEINEMENT SES RESPONSABILITÉS D’ETAT MEMBRE
À LA DATE DU 1ER JUILLET 2013 ET À CONTRIBUER
AU DÉVELOPPEMENT DE L’UNION EUROPÉENNE ET NON
À SON AFFAIBLISSEMENT

Il comporte un certain nombre de dispositions classiques dans un traité d’adhésion concluant une négociation dont l’objectif principal est l’alignement intégral de la législation du nouvel Etat membre sur la législation européenne, répartie en trente-cinq chapitres de l’acquis communautaire. Il prévoit en particulier des mesures transitoires diverses dont les principales concernent : la liberté de circulation des travailleurs, à la demande de l’Union européenne (2 ans prorogeables 3 ans puis 2 ans, soit 7 ans au total comme pour les élargissements de 2004 et 2007) ; la liberté de circulation des capitaux, à la demande de la Croatie, pour restreindre l’achat de terres agricoles pendant un délai de 7 ans que le Conseil à l’unanimité peut raccourcir au bout de 3 ans ou que la Commission, à la demande de la Croatie, peut proroger pour une durée de 3 ans.

Le traité comporte ensuite plusieurs dispositifs de garantie du respect des engagements de la Croatie. Le premier est un mécanisme de suivi des engagements pris par la Croatie après l’achèvement des négociations jusqu’à l’adhésion, afin de s’assurer qu’elle ne relâchera pas ses efforts après la signature du traité. Ce point est d’autant plus important que, dans son avis favorable à l’adhésion de la Croatie du 12 octobre, la Commission européenne considère que « la Croatie répond aux critères politiques et qu’elle devrait pouvoir satisfaire aux critères économiques comme à ceux de l’acquis et être prête à adhérer à la date du 1er juillet 2013 ».

Le mécanisme de suivi défini à l’article 36 portera en particulier sur les engagements pris par la Croatie dans les domaines qui avaient fait l’objet des discussions les plus difficiles à la fin des négociations : d’une part, le chapitre 23 sur la justice et les droits fondamentaux, d’autre part, le chapitre 8 sur la concurrence. L’annexe VII du traité énonce les dix engagements de la Croatie sur lesquels s’exercera la surveillance de la Commission en matière de réforme judiciaire, de traitement impartial des affaires de crimes de guerre et de lutte contre la corruption. Les annexes VIII et IX décrivent de manière extrêmement stricte les engagements pris en matière de restructuration et de privatisation des cinq chantiers navals et de restructuration d’une entreprise sidérurgique. Le suivi portera également sur le domaine de la justice, de la liberté et de la sécurité, notamment la question des frontières extérieures, la coopération policière, la lutte contre la criminalité organisée et la coopération judiciaire en matière civile et pénale.

Jusqu’à l’adhésion, la Commission publiera des rapports semestriels et un rapport de suivi exhaustif à l’automne 2012. Elle pourra adresser des lettres d’avertissement à la Croatie et proposer au Conseil, statuant à la majorité qualifiée, toutes mesures utiles qui pourront être levées par le Conseil même après l’adhésion.

Le deuxième dispositif de garantie repose sur trois clauses de sauvegarde que la Commission européenne pourra invoquer pendant trois ans après l’adhésion, en cas de difficultés économiques graves d’un secteur ou d’une région, de dysfonctionnement grave du marché intérieur, ou enfin de graves manquements dans la mise en œuvre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (articles 37, 38, 39).

Enfin le traité permet au Conseil de se prononcer le moment venu sur l’entrée de la Croatie dans l’espace Schengen en prenant en compte un dernier rapport de suivi de la Commission confirmant le respect par la Croatie de ses engagements (article 4).

Dans une déclaration commune annexée au traité, les Etats membres actuels ont par ailleurs pris soin de préciser que les procédures arrêtées pour la future application pleine et entière, par la Croatie, de l’ensemble des dispositions de l’acquis de Schengen ne préjugent pas de la décision qui sera prise par le Conseil pour ce qui concerne la Bulgarie et la Roumanie en la matière.

L’Union européenne a donc renforcé la rigueur de ses exigences quant au respect des engagements par le futur Etat membre, au moment où elle mesure les conséquences de la souplesse qu’elle a montrée précédemment lors de l’entrée de plusieurs Etats membres dans l’Union européenne ou la zone euro.

Elle en tire même des leçons pour les prochains élargissements, puisque la Commission européenne propose d’examiner les chapitres les plus difficiles, sur l’appareil judiciaire et les droits fondamentaux et sur l’espace de justice, liberté et sécurité, dès l’ouverture des négociations afin de laisser aux futurs pays candidats le temps nécessaire pour réaliser les réformes et obtenir des résultats avant l’adhésion.

L’Union européenne tire également les conséquences des contraintes budgétaires actuelles puisque le paquet financier s’inscrit dans l’effort global de discipline budgétaire et qu’il ne devrait pas rendre nécessaire d’adapter le plafond total des crédits d’engagement de l’actuel cadre financier 2007-2013.

La Croatie, peuplée de 4 426 000 habitants vivant sur un territoire de 56 594 km2, dispose en 2010 d’un PIB de 45,9 milliards d’euros et d’un PIB par habitant représentant 61 % du PIB moyen par habitant de l’Union européenne. L’Union européenne a versé à la Croatie une aide communautaire de 917 millions d’euros entre 1991 et 2006 (programmes Phare, Obnova et Cards) et a programmé 1,07 milliard d’euros pour 2007-2013 au titre de l’instrument d’aide de pré-adhésion (IPA). Par ailleurs, la Banque européenne d’investissement (BEI) a soutenu le processus de pré-adhésion de la Croatie en lui accordant des prêts d’un montant global de 2,4 milliards d’euros depuis 2001.

Dès décembre 2009, le Conseil avait adopté des conclusions sur une communication de la Commission relative à un paquet financier de 3,6 milliards d’euros sur la base d’une adhésion en 2012.

Le paquet finalement adopté en juin dernier prévoit des crédits d’engagement à hauteur d’environ 688 millions d’euros pour le deuxième semestre 2013, dont environ 450 millions d’euros pour des fonds structurels et de cohésion, 75 millions d’euros de facilité de trésorerie, 40 millions de facilité Schengen et 29 millions de facilité de transition. La facilité Schengen et la facilité de trésorerie se prolongeront en 2014 (80 et 28,6 millions d’euros), dans le but d’atténuer l’impact de l’application intégrale des règles sur les ressources propres dès l’adhésion et d’aider la Croatie à faire face à ses nouvelles obligations budgétaires.

Les montants de crédits communautaires que recevra la Croatie en tant qu’Etat membre représentent presque un décuplement par rapport à ceux qu’elle recevait en tant que pays candidat. L’enveloppe du second semestre 2013 de 687,5 millions d’euros représente 1 380 millions d’euros en année pleine, soit 8,5 fois plus que l’aide de pré-adhésion de 159,6 millions reçue en 2012. De plus, sur cette enveloppe, le montant de 449,5 millions pour les fonds structurels versé en 2013 sera multiplié par 2,33 en 2014 et par 3 en 2015 dans la mesure où le nouvel acquis le permettra.

Ce pays sera un Etat membre bénéficiaire net en 2013 à hauteur d’environ 110 millions d’euros. Sa position évoluera ensuite en fonction des calendriers d’introduction progressive des politiques communes dans la période couverte par le prochain cadre financier 2014-2020 (de 70 % en 2014 à 100 % en 2016 pour la politique régionale et dix ans pour le paiement intégral des aides directes agricoles), même si la Croatie ne sera jamais un bénéficiaire important de la PAC et si elle devra être en mesure de répondre aux conditionnalités renforcées des fonds structurels pour pouvoir en bénéficier effectivement dès l’adhésion.

La Croatie a accepté les disciplines exigées par l’Union européenne parce qu’elle a compris que cette intégration lui faisait faire un saut qualitatif et quantitatif énorme et que la meilleure façon de préserver le bénéfice que lui apportait l’Union était de lui garantir sa capacité effective à être un Etat membre solidaire des autres.

Elle a également compris que le processus d’élargissement lui offrait une chance unique de se moderniser et de se mettre au niveau des meilleurs standards internationaux dans le délai le plus court et selon un chemin balisé par les expériences de cinq élargissements. Cette adhésion constitue à cet égard un modèle pour les autres pays de la région et c’est le troisième message à adresser à leurs peuples.

III. L’ADHÉSION DE LA CROATIE CONSACRE L’EXEMPLARITÉ DE SON EFFORT DE RÉFORME POUR L’INTÉGRATION EUROPÉENNE DES AUTRES PAYS DE LA RÉGION DANS UN ESPRIT DE RÉCONCILIATION

Lors de la visite franco-allemande en janvier 2011, la délégation a pu mesurer les efforts de réconciliation de la Croatie avec ses voisins menés par ses dirigeants, en particulier par le Président de la République.

Les Présidents croates et serbes ont multiplié les gestes de réconciliation lors des rencontres dans les deux pays et le Président Josipović a su créer un nouveau climat dans la région en exprimant des regrets pour les erreurs ayant pu être commises en Bosnie par la Croatie et en rendant hommage à toutes les victimes du conflit des années 1990. Le processus de Sarajevo sur le retour des réfugiés qui associe la Serbie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro devrait se conclure par la signature d’une déclaration commune lors d’une conférence ministérielle à Belgrade en novembre 2011.

Toutefois, la Croatie doit faire attention à ne pas mettre en péril la coopération sur les crimes de guerre après l’adoption de la nouvelle loi rejetant les procédures engagées par la justice serbe contre les ressortissants croates soupçonnés de crimes de guerre, commis en Croatie entre 1991 et 1995. Le Président Josipović va demander à la Cour constitutionnelle d’examiner cette loi et s’est déclaré prêt à négocier un accord pour apaiser les tensions avec la Serbie et sauvegarder la coopération entre les procureurs croates et serbes.

La négociation du traité d’adhésion a pu aboutir parce que la Croatie et la Slovénie sont parvenues à conclure un accord d’arbitrage sur le règlement de leur différend frontalier, ratifié par la Croatie fin 2009 puis par la Slovénie en avril 2010 (confirmé par un référendum consultatif en Slovénie en juin 2010). Cet accord entré en vigueur en novembre 2010 a levé le blocage de la négociation d’adhésion en prévoyant la mise en place d’un tribunal d’arbitrage à la fin de cette année pour résoudre le différend.

La Commission européenne engage les pays de la région à mettre tout en œuvre pour régler sans attendre les questions frontalières en suspens, en recourant si nécessaire à la Cour internationale de justice, et se déclare prête à soutenir les initiatives en ce sens. La Croatie et le Monténégro ont montré la voie en convenant de régler leur différend sur la frontière maritime de Prevlaka en saisissant la Cour internationale de justice.

En juillet, le gouvernement croate a émis une déclaration sur le soutien qu’il apportera aux autres pays de la région sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne, dans laquelle il s’engage à faire en sorte que les questions bilatérales n’entravent pas le processus d’adhésion des pays candidats. Cet engagement répond aux inquiétudes exprimées depuis longtemps par la Commission des affaires européennes et renouvelées lors de la visite franco-allemande, sur un risque de blocage du processus d’élargissement entre d’anciens belligérants.

Il est indispensable que l’adhésion de la Croatie encourage les autres pays à emprunter le même chemin pour que le processus d’élargissement n’ajoute pas aux divisions de la région mais les efface.

L’Union européenne a témoigné de sa confiance dans l’avenir européen de ces pays en s’engageant avec eux dans un processus de stabilisation et d’association et de libéralisation des visas, mais tout dépend désormais de leur volonté politique.

Le Monténégro devrait bientôt ouvrir les négociations d’adhésion comme le recommande la Commission au Conseil.

En revanche, les progrès des autres pays sont freinés par divers blocages : une crise politique intérieure paralyse les réformes en Albanie, un différend avec la Grèce sur le nom empêche l’ancienne République yougoslave de Macédoine d’ouvrir les négociations après avoir été reconnue pays candidat par le Conseil en décembre 2005, l’absence de règlement de la question des frontières entrave les progrès de la Serbie, de la Bosnie-Herzégovine et du Kosovo.

A cet égard, la Commission européenne recommande au Conseil d’accorder à la Serbie le statut de pays candidat, mais prévient que l’ouverture des négociations dépendra du progrès des relations avec le Kosovo et de la reprise du dialogue avec Pristina, sous l’égide de l’Union européenne.

Par ailleurs, la Bosnie-Herzégovine est un Etat multiethnique encore sous l’emprise du nationalisme ethnique et la Serbie ne s’est toujours pas clairement désolidarisée des initiatives isolationnistes du dirigeant des Serbes bosniaques, Milorad Dodik, contrairement à la Croatie qui a répondu aux Croates de la Posavina et de l’Herzégovine que leur avenir était en Bosnie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 2 novembre 2001, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président et rapporteur, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’une discussion.

« M. Philippe Armand Martin. Je voudrais connaître l’état de l’endettement de la Croatie et ses répercussions pour l'Union européenne.

Le rapporteur. La crise mondiale a interrompu une croissance qui se situait en Croatie à 5,1 % en 2007 et provoqué une sévère récession en 2009 et 2010 (- 6 % et - 1,2 %) dont le pays sort progressivement. Elle s’est traduite inévitablement par une augmentation de l’endettement extérieur global (102,6 % du PIB en 2010), du chômage (11,8 %), du déficit et de la dette publics (4,9 % et 41,2 % du PIB).

Mais il faut rappeler que l’adhésion à l'Union européenne n’est pas concomitante avec une entrée dans la zone euro qui n’intervient que si l'Etat membre demandeur respecte les critères spécifiques d’entrée dans cette zone.

La Croatie est déjà une économie de marché viable et doit être en mesure de faire face aux pressions concurrentielles à l’intérieur de l’Union au 1er juillet 2013, à condition de poursuivre ses réformes pour surmonter ses faiblesses structurelles, et c’est l’objet du suivi par la Commission prévu dans le traité d’adhésion concernant la restructuration et la privatisation des chantiers navals et la restructuration d’une entreprise sidérurgique.

Mais le point essentiel est de garantir la poursuite des réformes dans les domaines de la justice et de la lutte contre la corruption, de manière à les rendre irréversibles avant l’adhésion, et c’est tout l’intérêt du mécanisme de suivi par la Commission prévu par le traité.

M. Jean-Claude Mignon. Je voudrais souligner et regretter que l'Union européenne ne consulte pas assez l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur ces sujets où elle dispose d’une grande expertise grâce, notamment, à sa commission du suivi. Nous sommes à même de faire un point très précis sur la situation de pays comme la Croatie, qui a rejoint cette assemblée dans les années quatre-vingt-dix. On travaille également avec la Commission de Venise qui dépend aussi du Conseil de l'Europe et il serait dommage de se priver d’un outil très performant qui peut vous apporter des précisions très utiles.

Le rapporteur. Je vous remercie de cette suggestion qui fait suite au débat général que nous avons eu précédemment sur les relations entre l'Union européenne et le Conseil de l'Europe. Nous aurons l’occasion d’évoquer à nouveau ces sujets le 15 novembre, à l’occasion de la communication que vous ferez sur l’avenir du Conseil de l’Europe et ses priorités d’action. »

Puis la Commission a approuvé la proposition de résolution européenne dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION EUROPEENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 49 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’alinéa 31 des conclusions du Conseil européen des 23 et 24 juin 2011,

Vu l’avis de la Commission européenne du 12 octobre 2011 concernant la demande d’adhésion à l’Union européenne (COM[2011] 667 final),

Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 12 octobre 2011 (COM[2011] 666 final) sur la stratégie d’élargissement et les principaux défis 2011-2012 et le rapport de progrès 2011 pour la Croatie (SEC[2011] 1 200 final) et les conclusions du Conseil du 7 décembre 2009,

Vu la communication de la Commission du 29 octobre 2009 sur l’enveloppe financière pour les négociations d’adhésion avec la Croatie (COM[2009] 595 final),

Vu le texte final adopté par l’Union européenne et le pays candidat pour le traité d’adhésion de la République de Croatie (AC 31/11, 13 septembre 2011),

Soulignant que l’adhésion à l’Union européenne, le 1er juillet 2013, de l’un des principaux belligérants du conflit de l’ex-Yougoslavie, entre 1991 et 1995, revêt une importance politique majeure pour le rapport de confiance qui doit s’établir entre les peuples du continent européen parce qu’il est la clé de leur avenir commun,

Considérant que seule la perspective d’adhésion est un moteur de transformation suffisamment puissant pour étendre la paix, la stabilité et la prospérité européennes à une région ravagée par des guerres séculaires et le nationalisme ethnique,

Rappelant que le développement de l’Union européenne repose sur la solidarité entre ses membres et sur le respect des droits et des obligations par chacun d’entre eux et que la meilleure façon pour un Etat membre de préserver le bénéfice que lui apporte l’Union est sa capacité effective à être un Etat membre solidaire des autres,

1. Affirme son soutien à l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne pour trois raisons :

a) l’adhésion de la Croatie confirme la volonté de l’Union européenne d’offrir une perspective d’intégration européenne aux pays des Balkans occidentaux dès lors qu’ils remplissent les conditions de l’adhésion ;

b) le traité d’adhésion garantit la crédibilité de la préparation de ce pays candidat à exercer pleinement ses responsabilités d’Etat membre à la date du 1er juillet 2013 et à contribuer au développement de l’Union européenne et non à son affaiblissement ;

c) l’adhésion de la Croatie consacre l’exemplarité de son effort de réforme pour l’intégration européenne des autres pays de la région dans un esprit de réconciliation ;

2. Félicite la Croatie d’avoir accompli les réformes nécessaires à l’achèvement des négociations en juin 2011 et l’invite à persévérer pour être prête à adhérer le 1er juillet 2013, en particulier dans les domaines essentiels de la réforme de la justice et de la lutte contre la corruption, couverts par le mécanisme de suivi, où les progrès majeurs déjà accomplis doivent être rendus irréversibles avant l’adhésion ;

3. Se réjouit des progrès intervenus dans les relations bilatérales avec les pays voisins grâce aux initiatives courageuses de la Croatie en faveur de la réconciliation régionale et se félicite de la déclaration de son gouvernement sur le soutien qu’il apportera aux autres pays de la région sur la voie de l’adhésion, ainsi que de son engagement à faire en sorte que les questions bilatérales n’entravent pas le processus d’adhésion des pays candidats.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () « Un soutien franco-allemand à l’achèvement des négociations d’adhésion de la Croatie à l’Union européenne » par MM. Michel Herbillon, Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert (rapport d’information no 3159 au nom de la Commission des affaires européennes, février 2011)