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No 4154

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2012.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
la proposition de directive concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (E 6480) et la proposition de règlement concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement (E 6787),

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Pierre BOURGUIGNON et Michel DIEFENBACHER,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Michel Herbillon, Jérôme Lambert, Didier Quentin, Gérard Voisin vice-présidents ; M. Jacques Desallangre, Mme Marietta Karamanli, MM. Francis Vercamer secrétaires ; M. Alfred Almont, Mme Monique Boulestin, MM. Pierre Bourguignon, Yves Bur, Patrice Calméjane, Christophe Caresche, Philippe Cochet, Jean-Yves Cousin, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Michel Diefenbacher, Jean Dionis du Séjour, Marc Dolez, Daniel Fasquelle, Pierre Forgues, Mme Marie-Louise Fort, MM. Jean-Claude Fruteau, Jean Gaubert, Hervé Gaymard, Guy Geoffroy, Mmes Annick Girardin, Anne Grommerch, Pascale Gruny, Elisabeth Guigou, Danièle Hoffman-Rispal, MM. Régis Juanico, Robert Lecou, Michel Lefait, Lionnel Luca, Philippe Armand Martin, Jean-Claude Mignon, Pierre-Alain Muet, Jacques Myard, Michel Piron, Mmes Chantal Robin-Rodrigo, Valérie Rosso-Debord, Odile Saugues, MM. André Schneider, Philippe Tourtelier.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : LA REPONSE DES REGULATEURS BANCAIRES A LA CRISE FINANCIERE DE 2007-2008 : « BÂLE III » 7

I. COMPOSITION ET RÔLE DU COMITE DE BALE 7

II. DE « BÂLE II » À « BÂLE III » 9

III. LES FONDS PROPRES : DÉFINITIONS 11

IV. QUE PROPOSE BÂLE III POUR RENFORCER LES BANQUES ? 15

A. PLUS DE CAPITAL, ET DU MEILLEUR CAPITAL 15

B. DES LIQUIDITÉS PLUS ÉQUILIBRÉES 16

C. UNE PROTECTION CONTRE L’EXCÈS DE LEVIER 18

D. DES EXIGENCES PARTICULIÈRES DE CAPITAL POUR LES PRODUITS DÉRIVÉS (RISQUE DE CONTREPARTIE) 18

DEUXIÈME PARTIE : UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE ET UNE PROPOSITION DE REGLEMENT POUR INTRODUIRE EN DROIT EUROPÉEN LES DISPOSITIONS DE « BÂLE III » ET PLUSIEURS AUTRES DISPOSITIONS PRUDENTIELLES NOUVELLES 21

I. POURQUOI LA COMMISSION EUROPÉENNE PRÉSENTE-T-ELLE UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE ET UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT ? 23

II. LA NOUVELLE PROPOSITION DE DIRECTIVE SUR L’ACCÈS À L’ACTIVITÉ DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ET LA SURVEILLANCE DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ET DES ENTREPRISES D’INVESTISSEMENT (« CRD IV ») 25

A. DISPOSITIONS RELATIVES À LA GOUVERNANCE D’ENTREPRISE DANS LES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS : 25

B. DISPOSITIONS VISANT À RÉDUIRE LA DÉPENDANCE EXCESSIVE VIS-À-VIS DES NOTATIONS EXTERNES (ÉMISES PAR LES AGENCES DE NOTATION DE CRÉDIT) 25

C. DISPOSITIONS RELATIVES AUX « COUSSINS » DE FONDS PROPRES 26

D. DISPOSITIONS RELATIVES AUX SANCTIONS 30

III. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT CONCERNANT LES EXIGENCES PRUDENTIELLES APPLICABLES AUX ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ET AUX ENTREPRISES D’INVESTISSEMENT 33

A. GESTION DU RISQUE DE LIQUIDITÉS 33

B. DÉFINITION DES FONDS PROPRES 34

C. RISQUE DE CRÉDIT LIÉ AUX CONTREPARTIES 34

D. RATIO DE LEVIER 34

E. RÔLE DE L’AUTORITÉ BANCAIRE EUROPÉENNE (ABE) 35

TROISIEME PARTIE : DES ENJEUX MAJEURS QUI APPELLENT LA PLUS GRANDE VIGILANCE DANS LE DEROULEMENT DES NEGOCIATIONS 37

I. L’IMPACT POTENTIELLEMENT DANGEREUX SUR L’ECONOMIE REELLE : LE RISQUE DE CONTRACTION DU CREDIT 39

II. L’APPLICATION COORDONNÉE DE BÂLE III AU NIVEAU MONDIAL : L’INDISPENSABLE RECIPROCITE EST LOIN D’ÊTRE GARANTIE 43

III. ELEMENTS D’INFORMATION SUR LES POSITIONS DE NÉGOCIATION DE CERTAINS ETATS MEMBRES 47

A. POSITION DE DÉPART DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS 47

B. AUTRES ETATS MEMBRES 49

1. Le Danemark 49

2. L’Espagne 49

3. L’Autriche 49

4. Le Royaume-Uni 50

5. La Suède 52

TRAVAUX DE LA COMMISSION 53

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION 57

ANNEXES 59

ANNEXE 1 : LISTE DES 29 BANQUES CONSIDEREES COMME SYSTEMIQUES 61

ANNEXE 2 : ETAT D’AVANCEMENT DES TRAVAUX REGLEMENTAIRES NATIONAUX DE MISE EN œUVRE DE BÂLE II, BÂLE 2,5 ET BÂLE III 63

ANNEXE 3 : CRITERES DE DEFINITION DES ACTIFS POUVANT ETRE INCLUS DANS LE CALCUL DU « CORE TIER 1 » (NOYAU DUR DES FONDS PROPRES DE BASE), DU « TIER 1 » ET DU « TIER 2 » AU SENS DE BÂLE III 69

ANNEXE 4 : CALENDRIER DE MISE EN ŒUVRE PROGRESSIVE PREVU PAR BÂLE III 75

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent rapport porte sur l’un des volets du vaste chantier européen de réforme de la réglementation et de la supervision financières, celui relatif aux normes prudentielles applicables aux banques et aux entreprises d’investissement. Les travaux d’harmonisation de la réglementation et des pratiques bancaires au niveau international remontent aux années 1980, mais la crise financière a fait apparaître la nécessité d’un système mieux coordonné, plus intégré et mieux contrôlé.

Ce rapport vise à présenter aussi clairement que possible ces sujets complexes, et à placer les parlementaires à un haut degré d’alerte, sans clore le travail de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur les textes concernés.

La Commission européenne a présenté le 20 juillet dernier deux propositions législatives. Cet ensemble regroupe une initiative législative propre à l’Union européenne, consistant à intégrer de nouvelles dispositions relatives, notamment, aux moyens juridiques des superviseurs nationaux, et d’autre part, l’introduction de l’accord dit « Bâle III ». Les rapporteurs ne proposent pas, à ce stade, à la commission des affaires européennes d’approuver ou de rejeter ces deux textes, mais de prendre la mesure de la complexité technique du dispositif et des problèmes majeurs qu’ils soulèvent.

La proposition de règlement aborde essentiellement la question des fonds propres, pour donner force de loi aux recommandations du Comité de Bâle. Quant à la proposition de directive, elle aborde : le rapprochement des législations sur les pouvoirs de sanction des superviseurs nationaux ; le renforcement de la gouvernance d’entreprise dans les établissements de crédit ; et des mesures contre le recours exclusif ou automatique des banques aux notations produites par les agences de notation, qui les a conduit à négliger leurs propres obligations de diligence et de gestion interne des risques.

Au sein de ce dispositif complexe, ce sont les éléments directement liés à la mise en œuvre de « Bâle III » qui ont retenu l’attention des rapporteurs. Ces nouvelles règles soulèvent au moins deux problèmes majeurs, un enjeu interne qui est celui du financement de l’économie réelle, et une dimension externe qui est celle de l’application coordonnée de Bâle III par l’ensemble des partenaires du G20.

Ces problèmes ne sont pas seulement liés à l’accord Bâle III lui-même, mais aux décisions qui ont déjà été prises en Europe pour accélérer le calendrier de son entrée en vigueur.

PREMIERE PARTIE :
LA REPONSE DES REGULATEURS BANCAIRES A LA CRISE FINANCIERE
DE 2007-2008 : « BÂLE III »

I. COMPOSITION ET RÔLE DU COMITE DE BALE

Le « Comité de Bâle sur le contrôle bancaire » est un forum créé en 1974. Il réunit les superviseurs bancaires, c’est-à-dire des représentants des banques centrales et, le cas échéant, des autres superviseurs nationaux compétents, de 27 pays, dont les membres du G20(2). Ce ne sont donc pas des représentants des Gouvernements de ces 27 pays, mais les régulateurs financiers nationaux qui siègent dans cet organe.

L’objectif principal du Comité est d’amener les banques à réduire leur exposition systémique et à constituer des fonds propres suffisamment volumineux et de meilleure qualité.

Le Comité élabore des lignes directrices et des recommandations dans différents domaines pour établir des standards minimaux en matière de contrôle prudentiel, diffuser les meilleures pratiques bancaires et de surveillance, et promouvoir la coopération internationale en matière de contrôle prudentiel. Le Comité de Bâle n’est pas une autorité supranationale, et les lignes directrices qu’il élabore n’ont donc pas directement « force de loi » dans les pays dont les superviseurs sont représentés. Elles doivent, pour devenir contraignantes, être traduites en mesures législatives ou réglementaires dans chaque pays.

C’est pour cette raison que dans l’Union européenne, les « règles » de « Bâle I », puis « Bâle II », et aujourd’hui « Bâle III » sont intégrées dans le droit positif par des directives. Elles en viennent ainsi à être applicables non seulement dans les 9 pays de l’Union dont les superviseurs nationaux siègent au Comité, mais dans l’Union européenne à 27.

Il est à noter que les institutions de l’Union européenne, lorsqu’elles élaborent les textes visant à introduire les lignes directrices du Comité de Bâle dans le droit européen, veillent à ce que les spécificités européennes soient traitées de manière appropriée, et ce, pour une raison importante : dans l’Union, contrairement à ce qui est fait dans d’autres grandes économies (notamment aux Etats-Unis), les principes réglementaires adoptés pour mettre en œuvre les standards du Comité de Bâle ne s’appliquent pas uniquement aux banques qui exercent des activités internationales, mais à l’ensemble du secteur bancaire (établissements de crédits et entreprises d’investissement), afin d’assurer l’égalité des conditions de concurrence sur le territoire de l’Union. Ceci amène la Commission européenne à proposer certaines adaptations aux principes de Bâle III.

II. DE « BÂLE II » À « BÂLE III »

Le premier accord de Bâle a été élaboré en 1988, les membres du Comité ayant décidé de proposer un système de mesure des capitaux pour les banques.

En juin 2004, à l’issue de onze années de négociation, un dispositif plus vaste, dit « Bâle II », a été présenté par le Comité. Il comportait trois « piliers » : des ratios de fonds propres proportionnés aux risques encourus (Pilier 1) ; des règles de surveillance de la gestion des fonds propres (Pilier 2); et des règles sur la discipline de marché (obligations de transparence) (Pilier 3). Bâle II a été introduit en droit positif dans l’Union européenne par deux directives de 2006 (la directive 2006/48/CE et la directive 2006/49/CE, dites « CRD » pour « capital requirements directives » ou « directives sur les exigences de fonds propres »)(3).

Bâle I visait à établir une base minimum générale de fonds propres dans toutes les banques. La règle était que 8 % du total du bilan devaient être garantis par des fonds propres.

Bâle II a été la réponse apportée au problème suivant : l’exigence de capital de Bâle I a incité les banques à rechercher les activités assurant un meilleur rendement mais comportant en contrepartie des risques plus importants qui n’ont cependant pas conduit à renforcer proportionnellement les exigences de capital. Bâle II a été mis en œuvre dans l’Union européenne au 1er janvier 2008, six mois après le déclenchement de la crise financière.

Par la suite, une série de dispositions complémentaires intégrées à Bâle II, dite « Bâle 2,5 », adoptée par le Comité de Bâle en juillet 2009, a visé à traiter les problèmes particuliers soulevés par Bâle II sur la question des titrisations. La mise en œuvre de ces dispositions était prévue pour commencer au 1er janvier 2011, mais exigeait une application mondiale. Or les Etats-Unis n’ayant pas pris les mesures nécessaires, la date d’entrée en vigueur a été repoussée au 31 décembre 2011. Par ailleurs, d’autres facteurs de la crise n’étaient pas traités par Bâle II et Bâle 2,5 (gouvernance non satisfaisante, systèmes de gestion des risques inadéquats…).

L’accord « Bâle II » a été élaboré avant la crise financière de 2007-2008 et la chute de Lehmann Brothers. L’ensemble du dispositif de Bâle II a été considéré comme inadéquat suite à cette crise financière, amenant le Comité de Bâle à élaborer, dans l’urgence et à la demande des membres du G20, un nouveau dispositif.

Chacun des trois piliers de Bâle II a en effet fait l’objet de critiques, notamment, pour le Pilier 1, en ce qu’il n’imposait un ratio de solvabilité Tier One(4) que de 2 %, et, pour le Pilier 2, en ce qu’il ne permettait pas aux superviseurs d’appréhender correctement les activités « hors bilan ». La crise a ainsi révélé un certain nombre de lacunes dans la réglementation issue de Bâle II, notamment une prévention insuffisante des risques liés à la titrisation.

En 2009, conformément au mandat confié par le G20, le Comité de Bâle a donc défini un troisième dispositif, approuvé par les dirigeants du G20 au sommet de Pittsburgh (24-25 septembre 2009) et qui a abouti à la publication en décembre 2010 de nouvelles normes détaillées sur l’adéquation des fonds propres et la liquidité des établissements de crédit, collectivement appelées « Bâle III ».

III. LES FONDS PROPRES : DÉFINITIONS

Le capital d’une banque peut être défini de plusieurs façons. La définition comptable n’est pas la même que celle utilisée dans la réglementation des exigences de capital. Dans les règles prudentielles, le capital n’est pas simplement la soustraction (ensemble des actifs – ensemble des engagements) ; la définition prudentielle est plus « prudente » que la définition comptable puisqu’elle n’inclut que le capital qui est effectivement disponible à tout moment pour supporter les pertes. De plus, elle en soustrait les actifs qui sont susceptibles de ne pas avoir une valeur stable dans un contexte « tendu » sur les marchés, et elle n’inclut pas les gains qui sont potentiels mais qui n’ont pas encore été réalisés.

L’exigence d’adéquation du capital (« capital adequacy requirement ») est le montant de capital qu’un établissement de crédit est obligé de détenir par rapport au montant de ses actifs, pour pouvoir faire face à des pertes non liées au déroulement normal de ses activités (pertes inattendues). Dans les directives, cette exigence est dénommée « exigence minimum de fonds propres » et est exprimée en pourcentage. Plus une banque détient de fonds propres, plus elle sera à même de supporter des pertes avant de faire défaut.

Le ratio est calculé comme un pourcentage des actifs pondérés en fonction des risques. Que sont les « actifs pondérés en fonction des risques » (« risk weighed assets » ou RWA) ? Pour déterminer de combien de capital un établissement a besoin, les régulateurs évaluent ses actifs selon les risques qu’ils représentent. Plus un actif est considéré comme risqué, plus son poids dans la pondération sera lourd. Plus un établissement détient d’actifs risqués, plus l’exigence qui lui sera appliquée sera élevée. Les expositions du hors-bilan font également l’objet d’une pondération en fonction des risques.

S’agissant des fonds propres des banques, les règles de Bâle II avaient défini les modalités de calcul du montant de fonds propres exigé pour couvrir les risques suivants :

- le risque de crédit, qui dépend du risque de défaut de la contrepartie et de la perte encourue en cas de défaut.

Ce risque peut être calculé de plusieurs façons, soit par des méthodes internes aux banques suivant des spécifications définies par les superviseurs de chaque pays, soit par une méthode standard qui s’appuie sur les notations émises par les agences de notation.

- le risque de marché, qui correspond aux variations de la valeur du portefeuille détenu par l’institution financière en fonction de l’évolution des paramètres de marché (prix des actions, taux d’intérêt, taux de change, matières premières…) ;

- le risque opérationnel, inhérent à l’exécution des activités des établissements concernés.

Les exigences de fonds propres correspondent, depuis l’entrée en vigueur de Bâle II, à un ratio, dit « ratio de McDonough », supérieur à 8 %. Ce ratio est calculé avec, au numérateur, les fonds propres de la banque, et au dénominateur, la somme des risques de crédit, de marché et opérationnels.

Le capital d’une banque prend des formes diverses, qui ont chacune une utilité propre. Sous le régime de Bâle II, les fonds propres réglementaires sont classés en trois catégories :

- les fonds propres de base (Tier 1) regroupent les actions ordinaires ou parts sociales, les réserves, et certains instruments dits « innovants » ou « hybrides » présentant des caractéristiques de dettes et de fonds propres, tels que les titres super-subordonnés (TTS) ou les actions de préférence ;

- les fonds propres complémentaires (Tier 2), formés essentiellement d’instruments hybrides non éligibles au Tier 1, d’emprunts subordonnés à durée indéterminée, de fonds de garantie et de réserves latentes ;

- les fonds propres sur-complémentaires (Tier 3), essentiellement constitués d’emprunts subordonnés à durée déterminée.

La réforme « Bâle III » supprime la catégorie des fonds propres Tier 3(5) et en crée une nouvelle, le Common Equity Tier 1 ou Core Tier 1, constituée des éléments de fonds propres les plus « purs » (actions ordinaires, parts sociales, et réserves). Les deux autres catégories sont profondément remaniées. On obtient ainsi plus de transparence et de simplicité dans la composition des fonds propres.

Désormais, le capital d’une banque se divise en deux grandes catégories :

- le Tier 1 est la partie du capital qui permet à un établissement de poursuivre ses activités et d’empêcher son insolvabilité. Le « noyau dur » (ou « composante dure ») du Tier 1, de la qualité la plus haute, est constitué par le Common Equity Tier 1 (CET 1) (ou Core Tier 1) : les participations des actionnaires.

- le Tier 2 est la part du capital qui garantit que les déposants et les créanciers de rang élevé (« senior creditors », créanciers privilégiés) seront remboursés en cas de faillite.

L’éligibilité de chaque type d’actifs est définie par une série de critères.

IV. QUE PROPOSE BÂLE III POUR RENFORCER LES BANQUES ?

A. Plus de capital, et du meilleur capital 

Il s’est avéré que plusieurs banques présentaient des bilans qui laissaient penser qu’elles respectaient les exigences réglementaires de capital, mais que ce capital n’était en réalité pas immédiatement disponible en cas de pertes à absorber. Bâle III prescrit désormais 14 critères très stricts(6) que doivent remplir les instruments inclus dans les fonds propres, pour garantir que ceux-ci pourront effectivement être utilisés en cas de crise. Cette démarche donne la priorité à la prise en compte de la « consistance » de chaque élément de capital plutôt qu’à sa forme juridique, car il existe 27 droits des sociétés différents dans l’Union européenne(7), et par conséquent l’utilisation de notions comme celle d’« actions ordinaires » n’assurerait pas une définition homogène des instruments éligibles.

Le ratio de fonds propres (Tier 1 + Tier 2) demeure fixé, avec Bâle III comme il l’était antérieurement, à 8 % mais sa composition change.

A l’heure actuelle, les banques et les fonds d’investissement doivent détenir un capital représentant au minimum 8 % de leurs « actifs pondérés en fonction des risques » (RWA).

Après l’entrée en vigueur des nouvelles règles, le total des fonds propres (Tier 1 + Tier 2) d’un établissement devra à tout moment représenter au moins 8 % des actifs pondérés mais le « noyau dur » de la qualité la plus haute (le CET 1) devra, dans ce ratio, représenter 4,5 % des RWA au lieu de 2,5 % actuellement. Et le Tier 1 devra à tout moment s’élever au moins à 6 % au lieu de 4 % (voir schéma page suivante). D’autre part, les critères de définition de chaque composante deviendront plus exigeants.

Par conséquent une unité de capital au sens de Bâle II ne sera pas identique à une unité de capital au sens de Bâle III.

Source : Commission européenne, « CRD IV – Frequently Asked Questions », MEMO/11/527, 20 juillet 2011.

Bâle III ne se contente pas de modifier la composition du ratio de
8 %.
L’accord crée également deux nouveaux « coussins » de capital (« capital buffers », que l’on peut aussi traduire par « tampons » ou « réserves de sécurité ») : le « coussin de conservation » et le « coussin contra cyclique ».

l Le coussin de conservation

Ce coussin est fixé à 2,5 % et a pour objectif spécifique de prévenir toute situation dans laquelle l’argent des contribuables serait mis à contribution pour résoudre une crise bancaire.

Il ne s’agit pas du coussin supplémentaire qu’il est, par ailleurs, envisagé d’imposer aux banques d’importance systémique (cf. infra pp. 25-26), mais d’une exigence imposée à toutes les banques.

l Le coussin contra cyclique

Ce coussin est à alimenter dans les périodes de conjoncture favorable, et à utiliser en période de ralentissement. Exiger la constitution de réserves de capital plus élevées dans les périodes « fastes » permet en principe d’éviter que le crédit ne devienne trop « bon marché », au risque de former une « bulle ». Ce coussin supplémentaire peut être utilisé lorsque la conjoncture se retourne, pour éviter que le crédit devienne trop cher et que les banques ne réduisent excessivement leurs expositions. Le coussin contra cyclique est destiné à stabiliser la fourniture de crédits à l’économie.

B. Des liquidités plus équilibrées 

Un problème majeur a été le manque d’actifs liquides pendant la crise (« assèchement du marché »). Bâle II ne comporte pas de ratio de liquidité, il n’existait pas jusqu’à présent de réglementation harmonisée internationale pour la liquidité équivalente à celle qui existait pour la solvabilité. Les Etats ont développé des instruments réglementaires en la matière en ordre dispersé (ratios quantitatifs, qualitatifs…).

Bâle III exige des banques qu’elles gèrent leurs liquidités de manière plus attentive, afin d’être en mesure de mieux prévoir l’ampleur des flux de liquidités résultant des réclamations de leurs créanciers, et de disposer de suffisamment de « cash » pour y faire face. L’accord introduit deux mesures quantitatives (ratios) et définit une série d’indicateurs de contrôle pour les superviseurs.

Le dispositif prévoit la création, à l’issue d’une période d’expérimentation, de deux nouveaux ratios relatifs à la liquidité : un Liquidity Coverage Ratio (LCR) ou ratio de liquidité à court terme (1 mois), et un Net Stable Funding Ratio (NSFR) pour le risque de liquidité à plus long terme (1 an).

Le LCR est destiné à mesurer la capacité de résistance des banques à un choc de liquidité majeur, qu’il soit lié à des raisons spécifiques à une banque (par exemple une dégradation forte et brutale de sa notation) ou à un phénomène de crise plus global (dans le cas d’un scénario de type « Lehmann Brothers »). Il mesure en effet la capacité d’une banque à faire face à des sorties de cash sans recourir à des mesures de soutien étatique, et se calcule de la façon suivante :

LCR = total des actifs fortement liquides disponibles au bilan / sorties nettes de cash sur une période de 30 jours.

Ce ratio, à l’issue de la période d’expérimentation, devra être au moins égal à 100 %. Le Comité de Bâle, selon l’analyse de M. Patrick Artus(8), se montre relativement conservateur dans la définition des actifs considérés comme fortement liquides (cash, titres de dette souveraine…), c’est-à-dire considérés comme potentiellement cessibles sur le marché même en période de tensions.

A la différence du LCR, le NSFR s’inscrit dans une optique de moyen et long terme. Il se calcule en rapportant le montant de refinancement stable disponible dans une banque au montant requis par le régulateur, et devra être supérieur à 100 %. Il vise à encadrer la « transformation » exercée par les établissements de crédit, c’est-à-dire les financements longs accordés grâce à des ressources courtes. Dans ce ratio, les ressources considérées comme stables constituent le numérateur qui doit au moins égaler le dénominateur constitué des emplois non liquides (dont l’établissement ne peut se défaire).

Contrairement au LCR, ratio en flux (prévisions de flux sur les trente jours à venir en cas de crise) qui ne reprend que certains éléments du bilan et du hors bilan en fonction de leur maturité contractuelle, le NSFR retient une approche en stock et exhaustive en termes d’éléments du bilan pris en compte(9).

C. Une protection contre l’excès de levier

L’effet de levier est un mécanisme qui permet à un opérateur de dégager des rentabilités élevées à partir d’un capital de départ limité, en mobilisant non seulement son propre capital mais aussi des sommes empruntées. Pour une banque, c’est le rapport entre le montant des crédits qu’elle accorde et ses fonds propres.

Selon le Comité de Bâle, « une des caractéristiques fondamentales de la crise a été l’accumulation, dans le système bancaire, d’un effet de levier excessif au bilan et au hors-bilan. Or, de nombreuses banques ont accumulé un effet de levier excessif tout en présentant de solides ratios de fonds propres » (10).

Du temps où les banques n’étaient pas encore soumises à régulation, un niveau maximum de 12 comme levier était une sorte de règle empirique. Désormais, compte tenu de la complexité de la mesure des risques, la publication d’un ratio de levier sera un outil supplémentaire de contrôle pour les superviseurs. Il est prévu qu’un tel outil sera expérimenté avant de devenir obligatoire.

D. Des exigences particulières de capital pour les produits dérivés (risque de contrepartie)

Dans le cadre de Bâle III, les banques devront détenir des fonds supplémentaires contre le risque de détérioration de la qualité de crédit de leurs contreparties. Les pondérations pour risque applicables aux expositions à l’égard d’autres établissements financiers seront accrues par rapport aux expositions à l’égard du secteur non financier – ceci devrait permettre de réduire l’interdépendance des établissements de grande taille ou d’importance systémique.

Ces nouvelles exigences seront particulièrement contraignantes lorsque le risque de contrepartie est présent du fait de transactions « de gré à gré »(11) sur des produits financiers dérivés(12), et le seront d’autant plus pour les banques qui font le choix de ne pas avoir recours, pour mener ces transactions, à des intermédiaires appelés « contreparties centrales » - l’objectif étant d’inciter les banques à recourir, pour les transactions sur dérivés, à ces organismes, et à rendre ainsi ces transactions plus transparentes.

DEUXIÈME PARTIE :
UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE ET UNE PROPOSITION DE REGLEMENT POUR INTRODUIRE EN DROIT EUROPÉEN LES DISPOSITIONS DE « BÂLE III » ET PLUSIEURS AUTRES DISPOSITIONS PRUDENTIELLES NOUVELLES

La Commission européenne a pris part aux travaux du Comité de Bâle, en veillant à ce que les principales spécificités bancaires européennes soient prises en considération. Pour autant, elle ne se livre pas simplement à un exercice de « copier/coller » de Bâle III dans ces deux propositions de texte, pour trois raisons :

La première est que Bâle III n’est pas une loi. Il s’agit d’une série de recommandations, de standards formulés par les banques centrales et les superviseurs. Ces standards doivent à présent être exprimés en termes juridiques et adoptés selon un processus démocratique, pour être inclus dans le droit de l’UE et dans le droit national. Et ils doivent s’inscrire en cohérence avec le droit communautaire existant.

Deuxièmement, Bâle III prévoit que ses dispositions sont applicables aux banques qui ont « des activités internationales », mais l’Union européenne a toujours appliqué les règles de Bâle à toutes les banques (plus de 8 300) ainsi qu’aux fonds d’investissement. Ce champ élargi est, selon la Commission européenne, une nécessité dans l’Union européenne, où les banques ont la possibilité, dans le cadre du marché unique, de prester service en-dehors des frontières de leur Etat membre d’origine. N’appliquer les règles de Bâle qu’à certaines banques conduirait à des distorsions de concurrence et à des possibilités d’arbitrage réglementaire.

Enfin, en plus des dispositions prévues dans Bâle III, les deux propositions introduisent un certain nombre de changements importants.

Dans la proposition de directive, sont inclues :

- des dispositions relatives à une meilleure gouvernance des établissements de crédit,

- des dispositions pour garantir que tous les superviseurs pourront infliger des sanctions si les règles européennes ne sont pas respectées,

- des dispositions pour rendre la supervision plus intrusive,

- et des dispositions pour amener les banques à se référer moins systématiquement et moins exclusivement aux notations externes émises par les agences de notation.

Quant à la proposition de règlement, elle vise à créer, pour la première fois (et pour mettre en œuvre la décision prise par les chefs d’Etat et de gouvernement au Conseil européen de juin 2009), un corps unique de règles prudentielles harmonisées (« single rule book ») que devront respecter toutes les banques sur le territoire de l’UE. Ceci garantira l’application uniforme de Bâle III dans tous les Etats membres. La Commission propose donc dans ce texte la suppression des possibilités qui existaient antérieurement dans les directives CRD d’options « nationales », afin de réaliser une harmonisation maximale.

I. POURQUOI LA COMMISSION EUROPÉENNE PRÉSENTE-T-ELLE
UNE PROPOSITION DE DIRECTIVE ET UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT ?

Au niveau de l’Union européenne, les directives « CRD II » et « CRD III » comportaient un nombre important d’options et de facultés ouvertes aux Etats membres. De plus, les Etats étaient autorisés, lorsqu’ils transposaient ces directives, à établir des règles nationales plus strictes que les « planchers » posés par les directives.

A l’heure actuelle, la législation bancaire européenne est ainsi basée sur des directives qui laissent place à des divergences significatives dans les règles nationales, ce qui crée de l’insécurité juridique, permet aux établissements de profiter des différences de réglementation, crée des distorsions de concurrence, et rend plus coûteux pour les entreprises d’exercer leurs activités dans plusieurs Etats membres.

Quelques exemples :

la titrisation a été au cœur de la crise financière ; les règles de Bâle II et de CRD I avaient pris en considération certains des risques correspondants en créant des exigences spécifiques de capital, mais beaucoup d’Etats membres n’ont pas mis en œuvre ces exigences, sur la base d’une clause temporaire d’opt-out. Il a donc été facile pour les établissements financiers transfrontaliers d’émettre leurs produits titrisés dans ces pays plutôt que dans ceux qui appliquaient les règles. CRD II a introduit des règles harmonisées pour rendre plus strictes les conditions dans lesquelles les établissements pouvaient se soustraire aux exigences supplémentaires de capital liées à la titrisation, mais plusieurs Etats membres n’avaient toujours pas transposé cette directive à l’expiration du délai de transposition prévu (fin 2010) ;

- la réglementation concernant les modèles d’évaluation des risques basés sur des notations internes varient d’un Etat membre à l’autre ; par conséquent, les exigences de fonds propres diffèrent pour des expositions pourtant comparables, conduisant à de l’arbitrage réglementaire ;

- concernant la définition des fonds propres, la mise en œuvre de la première CRD a montré que les Etats membres, en la transposant, ont introduit d’énormes variations dans les règles nationales, et n’ont dans certains cas pas correctement transposé la directive, conduisant la Commission à engager des actions en manquement (Grèce, Belgique…).

En juin 2009, les chefs d’Etat et de gouvernement ont appelé à l’élaboration d’un corps de règles unique applicable à tous les établissements financiers ayant des activités dans le Marché unique (« single rule book » ou « règlement uniforme ») (conclusions du Conseil européen du 19 juin 2009), afin de disposer d’un ensemble de règles prudentielles harmonisées, permettant notamment de garantir une application uniforme des règles de Bâle dans tous les Etats membres et de combler les lacunes de la réglementation.

En conséquence, la Commission européenne propose de diviser l’actuelle CRD (l’ensemble formé par les deux directives de 2006) en deux instruments juridiques : une directive sur l’accès aux activités d’établissement de crédit, et un règlement sur les exigences prudentielles. Tandis que les Etats membres devront transposer la directive dans leur droit national, le règlement sera directement applicable et sera d’effet immédiat, ce qui empêchera les divergences nationales dans l’application. Le « single rule book » doit permettre à la situation financière des établissements de crédit d’être plus transparente et comparable à travers l’Union, pour les superviseurs, les déposants et les investisseurs.

Les questions sur lesquelles, dans le dispositif CRD actuel, le degré de prescription est plus faible demeureront traitées sous la forme d’une directive. Ceci concerne notamment les pouvoirs et les responsabilités des autorités nationales (régimes d’autorisation, de supervision, de sanction), les exigences de gestion des risques en interne, et les dispositions sur la gouvernance d’entreprise. En revanche, les dispositions détaillées et très contraignantes sur le mode de calcul des exigences de fonds propres seront intégrées dans un règlement.

Proposition de directive

Proposition de règlement

Conditions d’accès à l’activité d’établissement de crédit, exercice de cette activité,

Exercice de la liberté d’établissement dans l’UE et libre circulation des services,

Supervision prudentielle,

« Coussins » de capital,

Gouvernance d’entreprise,

Sanctions.

Définition du capital,

Liquidité,

Levier,

Risque de crédit de la contrepartie.

II. LA NOUVELLE PROPOSITION DE DIRECTIVE SUR L’ACCÈS À L’ACTIVITÉ DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ET LA SURVEILLANCE DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ET DES ENTREPRISES D’INVESTISSEMENT (« CRD IV »)

Les deux directives de 2006 dites « CRD » (capital requirements directives : directives sur les exigences de fonds propres) ont été modifiées à plusieurs reprises. La proposition de directive – qui constituera la « CRD IV » – fusionne les deux textes antérieurs et les complète substantiellement.

Les nouvelles dispositions portent sur quatre sujets : les sanctions en cas de non respect des règles européennes, la mise en place de conditions de concurrence qui réduisent au maximum les possibilités d’arbitrage réglementaire, la surveillance des prestataires de services bancaires, et la gouvernance d’entreprise au sein des établissements de crédit.

A. Dispositions relatives à la gouvernance d’entreprise dans les établissements financiers :

Les objectifs sont d’éviter la prise de risques excessifs et de renforcer la confiance des investisseurs.

Trois mesures nouvelles sont proposées à cet effet :

- l’organe de décision (conseil d’administration) doit avoir une composition suffisamment diversifiée, tous ses membres devant pouvoir justifier des compétences et de l’expérience nécessaires à la compréhension des activités de l’entreprise et des risques auxquels elle est exposée ;

- l’organe de direction doit assumer la responsabilité de la stratégie globale de l’entreprise en matière de risques, ainsi que des systèmes de gestion des risques mis en place ;

- les établissements de crédit et les entreprises d’investissement doivent se doter d’une fonction indépendante de gestion des risques.

B. Dispositions visant à réduire la dépendance excessive vis-à-vis des notations externes (émises par les agences de notation de crédit)

Les exigences réglementaires de capital sont fixées en fonction des niveaux de risque et nécessitent donc le recours à des mesures de ce risque. De tels instruments de mesure peuvent être soit développés par chaque banque en interne, soit être fournis par des acteurs extérieurs : les agences de notation de crédit.

La confiance excessive dans les notations externes a pu amener les banques à se comporter de manière grégaire, par exemple en revendant toutes simultanément des instruments de créances dont la note a été abaissée en dessous de la catégorie « investissement », ce qui peut compromettre la stabilité financière.

La proposition de directive vise à inciter les établissements financiers à s’appuyer sur des notations internes plutôt qu’externes pour calculer leurs fonds propres réglementaires (c’est-à-dire pour évaluer la qualité des actifs qui les composent). Les notations externes doivent désormais « constituer un facteur d’appréciation parmi d’autres, mais pas prévaloir systématiquement ».

Elle propose en outre que l’Autorité bancaire européenne nouvellement créée publie chaque année des informations sur les mesures prises par les établissements financiers et leurs autorités nationales de surveillance pour réduire l’importance excessive accordée aux notations externes.

La Commission européenne ne va pas jusqu’à proposer d’interdire, comme cela a été envisagé aux Etats-Unis, tout recours aux notations externes, par crainte qu’une utilisation exclusive de notations produites par la banque
elle-même soit trop coûteuse et insuffisamment objective.

Remarque : la Commission européenne a, en parallèle, présenté le
15 novembre une troisième série de propositions(
13) sur la régulation des agences de notation, pour compléter le dispositif en vigueur composé de deux règlements adoptés en novembre 2009 et en mai 2011. Elle y propose notamment des dispositions destinées à réduire les références aux notes des agences dans les règlementations en vigueur, en partant du constat que les textes nationaux et européens en vigueur donnent un rôle « quasi-institutionnel » (quasi-institutional) à ces notations, puisqu’ils imposent parfois l’obligation de les utiliser.

C. Dispositions relatives aux « coussins » de fonds propres 

Suivant les recommandations de Bâle III, la proposition prévoit, en sus des exigences sur le ratio « de base », la constitution de deux coussins de fonds propres : un coussin « de conservation » et un coussin « contra cyclique ».

Le coussin de conservation représente 2,5 % des actifs pondérés en fonction des risques. Il s’appliquerait en permanence et serait constitué de fonds propres de la plus haute qualité. Il vise à permettre aux établissements de crédit d’absorber leurs pertes dans les périodes de tension, en partant du constat que ces périodes peuvent durer plusieurs années. Les établissements sont censés l’alimenter durant les périodes de conjoncture économique favorable.

Le coussin contra cyclique pourra varier entre 0 % et 2,5 % des actifs pondérés en fonction des risques, et devra également être constitué d’actifs de première qualité. Ce coussin devra être conservé durant les périodes de croissance excessive du crédit, et supprimé en cas de contraction du crédit.

Dans la mesure où les dynamiques à l’œuvre peuvent varier d’un marché à l’autre, le montant de ce coussin sera fixé au niveau national. Le Conseil Européen du Risque Systémique (CERS) pourra formuler des recommandations concernant la fixation de son taux et son suivi par les autorités nationales.

Les établissements qui ne respectent pas leurs obligations sur ces coussins se verront imposer des limites aux distributions discrétionnaires de dividendes, à l’attribution de rémunérations variables et de prestations de retraite discrétionnaires, tant qu’ils n’auront pas atteint le niveau requis.

En plus de ce nouveau dispositif, pourront être ajoutées dans le futur des surcharges additionnelles de capital pour les banques d’importance systémique.

Vers une régulation spécifique pour les établissements financiers d’importance systémique

(EFIS, ou SIFI – Systematically Important Financial Institutions)

A l’issue du Sommet de Cannes le 4 novembre 2011, le G20 a rendu publique une liste de vingt-neuf banques considérées comme « systémiques » (Globally Systemically Important Banks), désignées en raison du risque global qu’elles représentent. Cette liste figure en Annexe 1 du présent rapport. Elle comporte notamment huit banques américaines, dix banques de la zone euro (dont quatre françaises et deux allemandes), quatre banques britanniques, trois banques japonaises, deux banques suisses et une banque chinoise. Elle a été établie par le FSB (Financial Stability Board), qui l’actualisera chaque année en novembre.

En juin 2012, au prochain Sommet du G20, sera présentée une liste des entreprises d’assurance d’importance systémique, établie par l’Association internationale des superviseurs des assurances (International Association of Insurance Supervisors), tandis que le FSB poursuit ses travaux pour identifier les autres établissements financiers d’importance systémique.

L’objectif fixé au niveau du G20 est de soumettre les établissements financiers d’importance systémique à un cadre de régulation spécifique. La démarche consistant à réguler différemment les plus grands établissements financiers – les « too big to fail » - est motivée par la question de l’aléa moral et la volonté d’éviter qu’à l’avenir les Etats, donc les contribuables, soient mis à contribution pour sauver de tels établissements de la faillite. Elle consiste à :

1 - identifier les établissements systémiques,

2 - leur imposer une contrainte de capital supplémentaire par rapport aux normes de Bâle III,

3 - leur imposer des règles spécifiques en vue de rendre leur éventuelle faillite moins dangereuse pour le système financier dans son ensemble,


4 - et enfin renforcer leur supervision, notamment en assurant une étroite coordination entre les superviseurs nationaux.

Les deux derniers aspects font largement consensus, ce qui n’est pas le cas des deux premiers, qui, eux, font débat. Certaines analyses estiment que publier une liste d’établissements systémiques sera contre-productif, d’autres considèrent que la liste publiée est trop courte, et tant le principe même d’un coussin supplémentaire de fonds propres que son montant sont discutés.

Et en supplément de tous ces « coussins », un superviseur national pourra, le cas échéant, ajouter encore une exigence supplémentaire au cas par cas si la situation d’un établissement le justifie, en vertu du « Pilier 2 ». Le « Pilier 2 » est un ensemble de mesures que les superviseurs nationaux conserveront le droit d’imposer à un établissement de crédit ou un groupe d’établissements afin de remédier à un risque plus élevé que la normale (voir encadré page suivante). Ces mesures devront être justifiées au cas par cas et les superviseurs nationaux auront l’obligation de prendre en considération l’impact potentiel de leurs décisions sur la stabilité financière de tous les autres Etats membres.

Légende du schéma :

- Pillar 2 : Pilier 2

- SIFI surcharge : exigence supplémentaire pour les établissements financiers d’importance systémique

- Countercyclical buffer : coussin contra cyclique

- Capital conservation buffer : coussin de conservation

- Extra capital for other risks : capital supplémentaire pour d’autres risques

- Extra cushion of CET 1 : coussin supplémentaire composé d’éléments éligibles au noyau dur des fonds propres de base

- Only in boom times : seulement dans les périodes de conjoncture dynamique

- Minimum capital amount : montant minimal de capital

Source : Commission européenne, « CRD IV – Frequently Asked Questions », MEMO/11/527, 20 juillet 2011.

Pourquoi la Commission européenne propose-t-elle d’éliminer la possibilité pour un Etat membre d’exiger des établissements de crédit qu’ils détiennent un niveau plus élevé de fonds propres que ce qui est prévu par Bâle III ? Les Etats membres conserveront-ils une certaine flexibilité une fois le « single rule book » en vigueur ?

Les règles relatives aux fonds propres doivent être décidées pour le Marché unique européen considéré comme un tout, car leur impact concerne nécessairement tous les Etats membres. Si les ratios fixés sont trop bas, un Etat membre ne pourra pas garantir la stabilité financière en édictant des exigences nationales plus élevées, à moins que tous les autres Etats membres ne fassent de même. De la même façon, la fixation de ratios plus élevés dans un Etat membre crée le même risque de distorsion de concurrence et encouragerait l’arbitrage réglementaire ; par exemple, les banques seraient amenées à concentrer leurs activités risquées dans les pays où seuls les ratios minimum seraient imposés.

C’est pourquoi les exigences de fonds propres prévus dans la proposition de CRD IV pour le « noyau dur » (Core Tier 1) – 6 % au lieu de 4,5 % – ne pourront pas être augmentées par les autorités nationales, à moins qu’un élément supplémentaire spécifique ne soit justifié suite à un contrôle de supervision appliqué à une entreprise individuellement (Pilier 2).

Le « Pilier 2 » du dispositif de Bâle III

Les mesures qui seront prises par les autorités nationales de régulation et de supervision pour appliquer les dispositions de Bâle III sont regroupées en deux catégories. Les dispositions qui encadrent strictement les mesures nationales de mise en œuvre et qui sont d’application générale sont celles du « Pilier 1 » ; y figure notamment le « coussin contra cyclique ». Le « Pilier 2 » traite de la relation directe entre une banque et son superviseur national.

Au titre du « Pilier 2 », les superviseurs nationaux ont compétence pour adopter un certain nombre de mesures additionnelles, applicables individuellement aux établissements bancaires, justifiées par le degré de risque particulier que présente un établissement ou un groupe d’établissement, un secteur d’activité ou une région. Le « risque particulier » peut être par exemple le « risque de réputation », qui correspond à l’impact que peut avoir une erreur de gestion sur l’image d’une banque.

Les superviseurs nationaux imposent ces mesures à l’issue d’une évaluation qui établit le degré de conformité de la banque concernée avec les règles européennes en vigueur, les risques spécifiques que cette banque encourt, et les risques qu’elle fait courir au système financier dans son ensemble.

A l’issue du contrôle et de l’évaluation individuelle, le superviseur est amené à décider par exemple d’obliger l’établissement à modifier son dispositif interne de gestion des risques ou à lui imposer de détenir des fonds propres supplémentaires. En prenant de telles décisions, le superviseur national a l’obligation de prendre en considération leur impact potentiel sur le système financier de l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne.

Contrairement aux mesures relevant du « Pilier 1 », qui font l’objet d’une harmonisation dans le cadre de la proposition de règlement présentée par la Commission européenne, les mesures du « Pilier 2 » sont intégrées dans la proposition de directive, ce qui laisse aux Etats membres une marge de manœuvre pour les définir précisément au niveau national au moment de la transposition du texte en droit interne.

Pour les autres éléments du capital, en revanche, les Etats membres vont conserver certaines possibilités d’imposer des niveaux supérieurs. Par exemple, les Etats pourront imposer sur leur territoire national des exigences supérieures de détention de capital dans le secteur des prêts immobiliers, afin d’être à même de remédier aux « bulles » immobilières. De même, chaque Etat membre sera responsable d’ajuster le niveau du « coussin » contra cyclique en fonction de sa situation économique nationale.

Remarque : la proposition de la Commission européenne n’inclut pas de dispositions précises concernant une « surcharge » à imposer aux banques d’importance systémique, car à la date de présentation de cette proposition (20 juillet), la liste de 29 banques systémiques et les recommandations du Comité de Bâle et du FSB sur un coussin supplémentaire n’avaient pas encore été publiées.

D. Dispositions relatives aux sanctions 

Les sanctions applicables en cas d’infraction aux dispositions relatives aux agréments, aux obligations prudentielles et aux obligations d’information instituées par les directives « CRD » varient d’un Etat à l’autre et ne semblent pas être suffisamment efficaces, proportionnées et dissuasives. La Commission relève par exemple que le montant maximum des amendes est fixé à 150 000 euros dans sept Etats membres, est supérieur à 1 million d’euros dans neuf autres Etats membres, et n’est pas plafonné dans cinq autres Etats. Seuls les superviseurs de 17 Etats membres sur 27 prennent en considération la « puissance » financière d’une banque pour déterminer le montant de l’amende à infliger.

La Commission propose donc d’établir au niveau européen des normes minimales communes, sans aller jusqu’à une harmonisation complète, afin de rapprocher les législations nationales dans le sens d’un renforcement des sanctions, ainsi que les mécanismes de détection des infractions :

- des sanctions et mesures administratives doivent être applicables aux personnes physiques et aux personnes morales responsables d’infractions (c’est ce que la Commission appelle une « personnalisation appropriée des sanctions administratives ») ;

- les autorités nationales compétentes doivent disposer d’une batterie minimale de sanctions incluant : le retrait de l’agrément, l’injonction de ne pas faire, l’avertissement public, la révocation de membres de la direction, et l’application de sanctions pécuniaires administratives ;

- le niveau maximum des sanctions pécuniaires prévu par la législation nationale doit être supérieur aux gains retirés de l’infraction, si ceux-ci peuvent être calculés ;

- les sanctions et mesures appliquées doivent être rendues publiques.

Remarques :

Cette proposition ne concerne pas les sanctions pénales qui peuvent exister en droit national, mais uniquement les sanctions administratives.

Les autorités de supervision nationales demeurent seules compétentes (sous réserve des pouvoirs qui seront attribués à l’Autorité bancaire européenne dans des circonstances exceptionnellement graves) pour décider et appliquer des sanctions pour violation des règles nationales et européennes. Le texte vise à renforcer les pouvoirs de ces superviseurs nationaux.

III. LA PROPOSITION DE RÈGLEMENT CONCERNANT LES EXIGENCES PRUDENTIELLES APPLICABLES AUX ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ET AUX ENTREPRISES D’INVESTISSEMENT

La proposition de règlement contient les exigences prudentielles détaillées relatives aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement. La Commission européenne y a regroupé tous les sujets pour lesquels elle estime que les divergences entre les réglementations nationales doivent être complètement éliminées, ce que permet l’instrument juridique « règlement » qui est directement applicable (contrairement à la directive qui nécessitera des mesures nationales de transposition).

Le règlement proposé couvre les aspects suivants :

A. Gestion du risque de liquidités 

La crise a montré que les pratiques suivies ne permettaient pas de prévenir tous les risques liés aux titrisations (octroi de crédits suivi de la revente des créances qui s’y rattachent), et aux produits financiers complexes en général. Des Etats imposent déjà des règles quantitatives en matière de liquidité, mais la diversité des règles nationales entrave la supervision des établissements de dimension transfrontalière.

La Commission propose l’instauration, à l’issue d’une période d’expérimentation, d’un « ratio de liquidité à court terme » (LCR) à partir de 2015, afin d’amener la constitution d’une réserve d’actifs liquides de qualité supérieure, de montant au moins égal aux sorties nettes de liquidités sur une période de trente jours. Ce LCR est prévu par Bâle III. Un second ratio, avec une optique de plus long terme, également prévu par Bâle III, entrerait en vigueur de la même manière en 2018 (« ratio de financement stable net » ou NSFR).

S’agissant du LCR, il reviendra à l’Autorité bancaire européenne de tester selon différents critères la liquidité effective des différentes catégories d’actifs en cas de tensions sur les marchés – c’est-à-dire de déterminer quels actifs resteront effectivement liquides pour un établissement subissant un choc de liquidité.

Selon l’Autorité de Contrôle Prudentiel française (ACP), « plusieurs aspects dans la construction de ces deux ratios entièrement nouveaux sont sujets à discussion et, de fait, les négociations ont été très difficiles. D’éventuels aménagements restent cependant possibles, dans la mesure où il a été décidé, aux niveaux bâlois et européen, la mise en place d’une phase d’observation avant la mise en œuvre effective des ratios (1er janvier 2015 pour le LCR et 1er janvier 2018 pour le NSFR) »(14).

L’un des problèmes relevés par le superviseur français est que le numérateur du LCR donne une « prime » disproportionnée à la dette publique, ce qui crée un biais en faveur du financement du secteur public plutôt que de l’ensemble des secteurs de l’économie. L’ACP considère d’autre part qu’à travers ce ratio « il est (…) demandé aux établissements de se prémunir contre un stress qui ne paraît pas réaliste lorsqu’il est appliqué à l’ensemble du système financier ». Les sous-jacents du NSFR posent aussi de nombreuses questions.

B. Définition des fonds propres 

La proposition renforce les critères d’éligibilité des éléments pouvant être inclus dans les fonds propres. Elle harmonise les ajustements à opérer au niveau comptable. Cette nouvelle définition harmonisée va aboutir à accroître sensiblement le montant de fonds propres réglementaires que les établissements sont tenus de détenir. Ces nouvelles exigences concernant les fonds propres seraient mises en œuvre progressivement entre 2013 et 2015.

Selon la Commission, le « paquet » législatif impliquera pour les établissements financiers de nouveaux fonds propres supplémentaires de 84 milliards d’euros d’ici 2015 et de 460 milliards d’euros d’ici à 2019. Les deux textes ont vocation à s’appliquer aux quelque 8 300 banques ayant des activités dans l’Union européenne.

C. Risque de crédit lié aux contreparties 

Le « risque de contrepartie » est le risque que l’autre partie à un contrat fasse défaut avant le règlement définitif de la transaction.

La crise financière ayant montré que le risque de contrepartie est particulièrement élevé pour les transactions sur des produits dérivés « de gré à gré », le règlement proposé contient aussi, en cohérence avec les textes en cours de négociation sur ces produits financiers dérivés, des dispositions pour inciter les banques à avoir recours aux contreparties centrales pour la compensation des instruments de gré à gré.

D. Ratio de levier 

Conformément à Bâle III et afin d'éviter le développement excessif de l’effet de levier dans les bilans des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, la Commission propose d’instaurer un ratio de levier, soumis à la surveillance prudentielle. Les incidences de ce ratio de levier seront étroitement surveillées avant qu’il ne soit éventuellement remplacé par une obligation contraignante au 1er janvier 2018.

Le ratio de levier sera introduit comme une mesure du « Pilier 2 » (voir encadré page 29), c’est-à-dire que l’appréciation du caractère pertinent ou trop élevé du levier pratiqué par un établissement bancaire relèvera du superviseur national de cet établissement. Il sera ensuite, à l’issue de la période d’expérimentation, intégré au « Pilier 1 » afin de devenir contraignant pour l’ensemble de l’Union européenne.

La Commission européenne reconnaît que l’effet de levier est une composante inhérente à l’activité bancaire, et vise donc uniquement le levier « excessif ». Le rapporteur de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, M. Othmar Karas (PPE – Autriche), soutient la proposition de la Commission européenne sur cet aspect, considérant que ce ratio constituera une barrière simple à appliquer et difficile à contourner.

Mais les banques européennes expriment dans l’ensemble une forte hostilité envers ce nouveau ratio, au motif qu’il ne tiendrait pas compte de la qualité des actifs détenus, ni des engagements hors bilan, et qu’il n’est de toute façon pas concevable tant que les définitions comptables n’auront pas été harmonisées au niveau international.

E. Rôle de l’Autorité bancaire européenne (ABE)

L’Autorité bancaire européenne a été créée par le règlement no 1093/2010 du 24 novembre 2010. Elle est l’une des trois « Autorités européennes de supervision » sectorielles créées pour succéder aux trois Comités consultatifs sectoriels qui existaient antérieurement et pour former, avec le Comité européen du risque systémique, la nouvelle architecture de supervision financière européenne.

Le règlement créant l’ABE et plusieurs textes en cours d’élaboration lui confient des compétences de coordination des activités des superviseurs bancaires nationaux (incluant une compétence de médiation en cas de désaccord entre deux superviseurs nationaux), ainsi que de véritables pouvoirs normatifs (élaboration de normes techniques permettant la mise en œuvre effective des textes européens) et de pouvoirs d’intervention directe dans des situations de crise.

L’ABE est appelée à jouer un rôle important dans la mise en œuvre du règlement proposé, puisque le dispositif lui confie la définition de plus de cinquante normes techniques contraignantes dans différents domaines, afin d’assurer une application uniforme des règles dans toute l’Union européenne. Dans cette perspective, la Commission européenne propose une augmentation des ressources de l’ABE.

TROISIEME PARTIE :
DES ENJEUX MAJEURS QUI APPELLENT LA PLUS GRANDE VIGILANCE DANS LE DEROULEMENT DES NEGOCIATIONS

Comme il a été indiqué plus haut, le travail du Comité de Bâle qui a abouti à l’accord « Bâle III » a été mené dans l’urgence, en réponse à la crise financière mondiale et à l’inadaptation du dispositif de Bâle II révélée par celle-ci.

Or le contexte économique et financier a continué d’évoluer profondément et rapidement, non seulement depuis la publication de l’accord de Bâle III (décembre 2010), mais aussi depuis la présentation par la Commission européenne de ses deux propositions de textes le 20 juillet dernier : la crise des dettes souveraines a pris des proportions considérables en Europe, amenant à constater que les titres de dette d’Etat, considérés par Bâle III et par ces deux propositions comme des actifs hautement liquides et « sûrs », ne peuvent plus nécessairement être la référence en la matière pour les banques dans la gestion de leur liquidité.

D’autre part, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne ont décidé, le 26 octobre 2011, d’accélérer le calendrier prévu pour le renforcement des règles prudentielles et d’exiger des banques européennes qu’elles atteignent dès le 30 juin 2012 un ratio de fonds propres de 9 % après prise en considération des expositions aux dettes souveraines à leur valeur de marché.

Cette décision a eu deux conséquences : une accélération de facto de la mise en œuvre de Bâle III en ce qui concerne la solvabilité, et la vente par les banques d’une large part de leur portefeuille de dettes souveraines européennes.

I. L’IMPACT POTENTIELLEMENT DANGEREUX SUR L’ECONOMIE REELLE : LE RISQUE DE CONTRACTION DU CREDIT

Le caractère de plus en plus strict des normes prudentielles et le calendrier accéléré de mise en œuvre de Bâle III rendent extrêmement préoccupant le risque de contraction des crédits à l’économie. Les fédérations bancaires française et allemande, notamment, ont alerté leurs gouvernements respectifs sur ce danger.

Le Comité de Bâle lui-même, dans son étude d’impact d’août 2010, estime que le risque de rationnement du crédit est plus élevé si la période de transition vers la mise en œuvre des nouvelles règles est trop courte(15).

La déclaration finale du Conseil européen du 26 octobre 2011, qui inclut la décision d’atteindre dès fin juin 2012 un ratio de Core Tier 1 de 9 %, prévoit que l’Autorité bancaire européenne (ABE) et les autorités nationales de supervision bancaire veilleront à ce que les plans mis en œuvre par les banques ne limitent pas le flux de crédits.

Extrait des conclusions du Conseil européen – 26 octobre 2011

« (…) 1. Il est urgent de prendre des mesures pour rétablir la confiance dans le secteur bancaire (mesures bancaires), mesures qui sont aussi nécessaires dans le cadre du renforcement du contrôle prudentiel du secteur bancaire de l'UE. Ces mesures devraient porter sur:

a. la nécessité d'assurer le financement à moyen terme des banques, afin d'éviter une raréfaction du crédit et de préserver le flux de crédit en faveur de l'économie réelle, et de coordonner les mesures à prendre à cette fin;

b. la nécessité de renforcer la qualité et la quantité des capitaux détenus par les banques pour faire face aux chocs et de faire la preuve de ce renforcement d'une manière fiable et harmonisée. (…)

Capitalisation des banques

4. Objectif en termes de capital: Il existe un large accord pour exiger un ratio de fonds propres nettement supérieur, égal à 9 %, constitué d'actifs les plus solides, et après comptabilisation en valeur de marché de l'exposition aux risques souverains, au 30 septembre 2011, afin de constituer un tampon temporaire, ce qui se justifie au regard des circonstances exceptionnelles. Cet objectif quantitatif devra être atteint d'ici le 30 juin 2012, sur la base de plans convenus avec les superviseurs nationaux et coordonnés par l'ABE. Cette évaluation prudente n'affecterait pas les règles pertinentes en matière d'information financière. Les autorités nationales de surveillance, sous les auspices de l'ABE, doivent veiller à ce que les plans mis en œuvre par les banques pour renforcer leurs fonds propres n'aboutissent pas à un désendettement excessif, notamment en maintenant le flux de crédit en faveur de l'économie réelle et en prenant en compte les niveaux actuels d'exposition du groupe, y compris ses filiales, dans tous les États membres, étant entendu qu'il faut éviter une pression injustifiée sur l'octroi de crédit dans les pays d'établissement ou sur les marchés de la dette souveraine.

5. Financement des augmentations de capital: Les banques devraient en premier lieu utiliser des sources privées de capitaux, notamment par la restructuration et la conversion de dette en instruments de capitaux. Elles devraient être soumises à des contraintes en ce qui concerne le versement de dividendes et le paiement de primes jusqu'à ce que l'objectif soit atteint. Le cas échéant, les autorités nationales devraient apporter un soutien et, dans l'hypothèse où ce soutien ne serait pas disponible, la recapitalisation devrait être financée au moyen d'un prêt du FESF dans le cas des pays de la zone euro. (…) »

Lors du Conseil « Ecofin » du 22 octobre, les Etats membres avaient en effet accepté la proposition faite par la Commission européenne et l’Autorité bancaire européenne (ABE) de mener de nouveaux tests de résistance (stress tests) sur les banques, conduisant à fixer pour une échéance fixée au 30 juin 2012, une cible de fonds propres de 9 % en définition « Bâle 2,5 » (c’est-à-dire selon les termes de Bâle II et de la directive CRD 3), ce qui correspond à la cible que prévoit Bâle III à l’échéance 2015.

Les Etats membres ont ainsi validé et même accéléré la démarche de Bâle II en ce qui concerne le renforcement des fonds propres des banques – les banques françaises avaient déjà annoncé qu’elles étaient prêtes à appliquer intégralement dès 2013 (au lieu de 2019) les exigences de Bâle III en matière de fonds propres(16).

Mais le Gouvernement français a signifié aux banques françaises que cette démarche concertée de l’« Ecofin » avait aussi pour objectif de préserver le crédit à l’économie sans faire appel aux contribuables – donc plutôt en réduisant la distribution de dividendes et les bonus. Le Conseil européen a posé clairement cette exigence (paragraphe 5 précité).

Aussi les banques françaises se sont-elles engagées à faire évoluer leurs crédits aux PME en ligne avec la croissance du PIB. Mais une grande vigilance est sur ce point nécessaire, et il doit être pris en considération que cet engagement amène nécessairement un arbitrage, par les banques, au détriment d’autres catégories de prêts à l’économie. L’engagement des banques à ne pas trop réduire les crédits en France a pour contrepartie une baisse des crédits qu’elles accorderont aux entreprises exportatrices (aéronautique, centrales nucléaires…).

Certes, aujourd’hui le risque de récession n’est pas lié à Bâle III, et la démarche consistant à anticiper sur la mise en œuvre de Bâle III doit justement permettre de rassurer les marchés.

Mais la Fédération bancaire française estimait en février 2010 qu’il serait peu vraisemblable de supposer que les banques françaises puissent se mettre en conformité avec les nouvelles exigences de fonds propres en recourant exclusivement à des augmentations de capital. Elle faisait également valoir que l’impact négatif sur l’économie d’une contraction de l’offre de crédit au secteur privé non financier lié aux exigences de fonds propres pourrait être amplifié par les exigences de Bâle III relatives à la liquidité (ratios de liquidité).

Dans une étude de septembre 2011(17), M. Patrick Artus pose que deux des principaux défis auxquels sont confrontés les banques de la zone euro sont de pouvoir continuer à financer à long terme l’économie malgré la hausse du coût de leurs financements à long terme et les règles de Bâle III (en particulier le ratio de liquidité à long terme – NSFR, s’il est rendu contraignant), et de maintenir une rentabilité acceptable malgré les perspectives de croissance faibles et la hausse des fonds propres. Il note que le risque de rationnement du crédit « commence peut-être à apparaître ».

Toutefois, le gouverneur de la Banque de France, M. Christian Noyer, déclarait le 4 novembre dernier que, à cette date et sur la base des statistiques recueillies par la Banque de France sur les volumes de crédits distribués, « le crédit aux entreprises et le crédit en particulier aux PME en France augmentent deux fois plus vite que dans le reste de la zone euro » et qu’il n’y a actuellement « pas de frein au crédit en France »(18).

Les dernières statistiques disponibles(19), celles sur l’activité bancaire de novembre 2010 à novembre 2011, font état d’une poursuite de la progression des crédits aux entreprises non financières, mais cette évolution globale recouvre à la fois une progression des crédits de montant supérieur à 1 million d’euros et une érosion de la production de crédits de montant inférieur à 1 million d’euros.

***

Le problème du calendrier accéléré de mise en œuvre est également un aspect du problème majeur de l’application des standards de Bâle par les partenaires de l’Union européenne au niveau international, en particulier avec les Etats-Unis.

I. L’APPLICATION COORDONNÉE DE BÂLE III AU NIVEAU MONDIAL : L’INDISPENSABLE RECIPROCITE EST LOIN D’ÊTRE GARANTIE

L’état d’avancement des travaux réglementaires nationaux de mise en œuvre des accords de Bâle est très variable d’un pays à l’autre, non seulement pour l’adoption des textes nécessaires à la mise en œuvre de Bâle III, qui n’est achevée dans aucun pays, mais aussi pour les dispositifs antérieurs,
Bâle II et Bâle 2,5 (tableaux présentés dans l’Annexe 2 du présent rapport).

On observe notamment qu’à la fin du mois de septembre 2011, il restait encore plusieurs pays dans lesquels les règles issues de Bâle II et de Bâle 2,5 n’étaient toujours pas entrées en vigueur – la quasi-totalité d’entre eux prévoyant cependant de rendre ces règles applicables fin 2011 ou début 2012.

S’agissant de l’élaboration des textes permettant la mise en œuvre de Bâle III, l’Union européenne « présente sa copie » la première, les travaux préparatoires sont en cours dans les autres pays, mais quid des Etats-Unis, principal partenaire de l’UE au sein du G20 en ce qui concerne les questions financières ? Le Président Barack Obama s’est engagé à mettre en œuvre Bâle III, mais les Etats-Unis n’ont pas mis en œuvre Bâle II (voir encadré ci-dessous).

Or, il est impératif de veiller à ce que tous les pays dont les régulateurs bancaires sont représentés au Comité de Bâle mettent en œuvre Bâle III en même temps.

Comme le souligne le rapporteur du Parlement européen, M. Othmar Karas (PPE – Autriche) dans son projet de rapport(20), il est très important que les banques européennes puissent « lutter à armes égales » (« level playing field ») à l’intérieur du Marché unique, et d’autre part que le secteur financier européen préserve sa compétitivité vis-à-vis du reste du monde. M. Karas préconise la poursuite du dialogue transatlantique sur les réformes financières, mais considère que l’Union européenne est un « moteur » pour la mise en œuvre des décisions du G20 sur la régulation financière, et que l’application de Bâle III par les Etats-Unis ne doit pas être érigée en condition préalable à sa mise en œuvre en Europe.

Pour autant, l’incertitude sur la volonté réelle des autorités américaines, ainsi que sur l’état d’avancement des travaux de mise en œuvre dans les pays émergents comme la Chine, peut être considérée comme un sujet d’inquiétude.

Les Etats-Unis et Bâle II

Les Etats-Unis ont adopté fin 2007 les règles légales nécessaires à l’application de Bâle II aux grandes banques américaines, et ces règles sont entrées en vigueur au 1er avril 2008. A présent les superviseurs fédéraux doivent évaluer individuellement chacune de ces banques pour déterminer si elles se sont dotées des éléments nécessaires pour respecter Bâle II.

Or, à ce jour, les superviseurs américains n’ont délivré aucun de ces « agréments », et le calendrier de leur délivrance n’est pas connu. En conséquence, et bien que les banques américaines ait levé plus de 300 milliards de dollars de capitaux depuis le début de la crise financière en 2007, elles demeurent soumises aux exigences de Bâle I, et non de Bâle II.

1 / Particularités du système bancaire américain

Les Etats-Unis ont un système particulier et complexe d’établissements de crédit réglementés, pour la plupart possédés par des holdings, eux aussi réglementés. Les établissements de crédit incluent les banques commerciales, qui octroient toutes sortes de crédits, et les organismes d’épargne-logement (thrift institutions) qui se concentrent sur les prêts hypothécaires.

Les banques commerciales et les organismes d’épargne-logement qui reçoivent un agrément au niveau fédéral (national banks et federal thrifts) sont régulées et supervisées par l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC).

Les autres établissements, qui sont agréés au niveau d’un Etat fédéré (state banks et state thrifts) sont régulés à la fois par les autorités de régulation des Etats fédérés et, au niveau fédéral, soit par la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation), soit par la Réserve Fédérale (Federal Reserve Board).

Les holdings qui possèdent des banques commerciales ou des thrifts sont par ailleurs régulés, de manière distincte, par la Réserve fédérale.

Les trois régulateurs fédéraux (les federal banking agencies : Fed, FDIC et OCC) élaborent conjointement des règles qui s’appliquent à chaque type d’établissements qu’elles supervisent. Chacun de ces régulateurs est représenté au sein du Comité de Bâle.

Remarque : une autre catégorie d’établissements de crédit, les credit unions (« caisses de crédit »), fait l’objet d’un régime de régulation totalement distinct. Il s’agit d’établissements généralement de très petite taille, mutuels, accordant des crédits à la consommation. Ils n’ont jamais été soumis aux règles de Bâle.

2 / Bâle I :

Les régulateurs bancaires américains ont adopté les textes de mise en œuvre de Bâle I, qui sont entrés en vigueur en 1992 pour toutes les banques et les thrifts aux Etats-Unis. S’y sont ajoutées des règles nationales qui ont eu pour résultat d’imposer aux banques, pour qu’elles soient reconnues comme « bien capitalisées » (well capitalised), un coussin de capital supplémentaire au-delà des ratios de Bâle I. Les banques américaines ont donc eu l’obligation de détenir plus de fonds propres que prévu par Bâle I.

3 / Bâle II :

La mise en œuvre de Bâle II par les Etats-Unis a été beaucoup plus lente que celle de Bâle I. Les trois régulateurs fédéraux n’ont achevé d’adopter la réglementation nécessaire que fin 2007 (Basel II US final rule), et cette réglementation est entrée en vigueur au 1er avril 2008.

Contrairement aux directives européennes de 2006, cette US final rule ne reprend qu’une partie de Bâle II, et ne l’applique qu’à une partie des banques américaines. Les régulateurs fédéraux ont décidé de n’appliquer Bâle II qu’aux plus grandes banques de dimension internationale (internationally active core banks). Les autres banques ont eu le choix entre adopter l’approche « avancée » de Bâle II ou rester dans le cadre de Bâle I. Et contrairement à l’Europe, les deux autres dispositifs prévus par Bâle II (standardised approach et foundation approach) n’ont pas été introduits dans la réglementation américaine.

Pour justifier leur décision de n’appliquer que partiellement Bâle II, les régulateurs américains ont avancé plusieurs arguments :

- seules les plus grandes banques ont les moyens nécessaires pour adopter les dispositifs complexes de l’accord ; les petites banques n’ont ni le même degré de complexité (et donc de risque) dans leurs activités, ni les mêmes ressources. De plus, l’accord de Bâle II lui-même n’exige pas l’application de ses dispositions aux banques n’ayant pas d’activités internationales.

- les deux dispositifs écartés (standardised approach et foundation approach) l’ont été parce qu’ils ne sont pas nécessaires compte tenu des règles américaines existantes qui sont plus exigeantes que Bâle I en termes de ratios de fonds propres. Les trois régulateurs craignaient d’ailleurs que les ratios de Bâle II ne soient en réalité moins exigeants que les ratios en vigueur pour les plus grandes banques américaines.
Même en ce qui concerne les grandes banques, l’adoption des textes nécessaires pour les soumettre à Bâle II a pris un temps considérable. La final rule a été finalement adoptée en 2007, un an après les deux directives européennes. Et récemment encore, la loi Dodd-Frank a amendé ce texte par l’ajout d’une disposition qui interdit à une banque soumise à Bâle II de se contenter d’un montant de fonds propres inférieur à 100 % de ce qui lui était imposé par Bâle I.

4 / L’étape indispensable des agréments individuels des superviseurs :

Il reste désormais un seul obstacle à la pleine mise en œuvre de la Basel II US final rule par les grandes banques américaines : elles doivent faire constater par leurs régulateurs leur capacité à appliquer effectivement les mesures de Bâle II. Plus précisément, la final rule prévoit un processus d’approbation en trois étapes :

1. Le conseil d’administration de chaque banque concernée doit adopter un « plan de mise en œuvre » qui présente la manière dont la banque va appliquer le dispositif

2. La banque doit exécuter ce programme pendant au moins quatre trimestres d’affilée, période qui peut être prolongée indéfiniment si les régulateurs ne sont pas satisfaits sur le respect par la banque des exigences règlementaires, qu’il s’agisse des fonds propres, des exigences de supervision du Pilier 2 ou des obligations de transmission d’informations aux régulateurs prévues par le Pilier 3.

3. A l’issue de cette « période d’essai », le régulateur délivre un satisfecit, et la banque doit désormais mettre en œuvre l’intégralité de la final rule, notamment en ce qui concerne les obligations de transparence du Pilier 3 à l’égard du public.

Il était prévu que les grandes banques présenteraient leurs « plans de mise en œuvre » au 1er octobre 2008, et qu’elles auraient toutes achevé leur « période d’essai » d’ici avril 2011. Or, en 2009, une seule banque avait commencé sa période de mise en place ou « d’essai », et les autres n’ont engagé cette démarche qu’en 2010. Et à ce jour, les régulateurs n’ont encore délivré aucun satisfecit clôturant l’étape 2 pour une banque.

L’une des raisons de ce retard est que l’entrée en vigueur de la final rule, en 2008, a eu lieu au moment où la crise financière s’intensifiait. Or la démarche de mise en œuvre telle que conçue par les régulateurs américains requiert que les banques et leurs superviseurs y consacrent des moyens considérables. La pression exercée par la crise sur les ressources des banques a rendu cette mise en œuvre difficile, et certaines banques ont reproché aux régulateurs de vouloir leur imposer des standards trop élevés.

Source : « US implementation of Basel II : final rules issued, but no supervisory approvals to date »,
étude publiée par la commission des affaires économiques du Parlement européen en octobre 2011.

II. ELEMENTS D’INFORMATION SUR LES POSITIONS DE NÉGOCIATION DE CERTAINS ETATS MEMBRES

Les négociations sur la proposition de directive et la proposition de règlement ont commencé sous présidence polonaise au sein du Conseil, au niveau technique, sans aboutir à des décisions. La présidence polonaise a simplement présenté le 30 novembre un rapport sur l’état d’avancement des travaux, faisant état d’importantes divergences entre les Etats membres. Les positions de départ respectives des Etats dépendent logiquement de la situation de leurs secteurs bancaires.

A. Position de départ du Gouvernement français

Le Gouvernement français a toujours été favorable à un renforcement de la régulation du système bancaire, dans la ligne des décisions du G20, et même si désormais l’enjeu se déplace vers le shadow banking avec des risques systémiques de même ampleur(21). Le Gouvernement soutient globalement les deux propositions présentées par la Commission européenne, mais avec des réserves.

La préoccupation essentielle du Gouvernement est la recherche de l’équilibre entre le nécessaire renforcement des fonds propres des établissements financiers et la volonté d’éviter que ce renforcement n’entraîne une diminution des crédits à l’économie réelle.

S’agissant des niveaux fixés pour les fonds propres de la plus haute qualité, la France s’est ralliée au principe d’un ratio de 7 % (soit 4,5 % pour le Core Tier 1 + 2,5 % pour le « coussin » de conservation), mais considère comme problématique le coussin supplémentaire, pouvant aller jusqu’à 2,5 %, pour les entités systémiques.

Quatre banques françaises figurent sur la liste de 29 établissements bancaires considérés comme systémiques rendue publique à l’issue du G20 de Cannes (BPCE, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale). La France a accepté cette « surcharge » pour les entités systémiques, mais en demandant à ce qu’elle soit étendue rapidement à toutes les banques à caractère systémique.

Deuxième problème : la proposition de création d’un ratio de levier. Selon le Gouvernement, c’est la négation même de l’approche consistant à regarder précisément les différentes activités des banques pour différencier le régime des activités risquées et celui des activités moins risquées. Ce ratio est prévu dans Bâle III mais sans caractère contraignant au départ. La proposition de la Commission européenne prévoit donc également de l’introduire sans caractère contraignant, mais en incluant la possibilité de le rendre tel à partir de 2015. Le Gouvernement français s’oppose à cette perspective.

Troisième problème : les ratios de liquidité, car ce sont ces ratios qui conduisent les banques à réduire considérablement leurs crédits longs (crédits à l’export, aux collectivités locales, aux grands projets d’infrastructures…). Fixés provisoirement par le Comité de Bâle, ces ratios devraient, selon le Gouvernement français, être réexaminés à l’occasion de la négociation sur la proposition de directive. Bâle III se base sur une conception étroite des actifs liquides, et le texte de la Commission est flou sur ce point. La France souhaite une révision aussi profonde que nécessaire, tenant compte non seulement de l’impact sur les établissements mais aussi des effets indirects sur l’économie réelle.

Le Gouvernement a bon espoir que la question soit rouverte. Mais le texte proposé prévoit que ces ratios seront fixés par la Commission européenne elle-même (acte délégué), ce qui n’est pas acceptable : la France demande que cette décision soit un acte adopté en codécision, car l’enjeu est considérable.

S’agissant des dispositions visant à réduire l’« accoutumance » aux notations émises par les agences de notation en y substituant un recours plus systématique aux notations internes aux banques, le Gouvernement français soutient cette démarche (ainsi que celle des propositions présentées
mi-novembre par le commissaire Michel Barnier pour compléter la réglementation européenne sur les agences de notation).

La proposition de directive du « paquet Bâle III » vise à inciter les banques à supprimer le recours systématique et exclusif aux notations externes pour évaluer la qualité des différents actifs formant les fonds propres. Les banques devront en conséquence montrer à leurs superviseurs qu’elles ont procédé en interne à leurs propres notations. Cela créera, certes, des charges supplémentaires pour les banques et les régulateurs nationaux, mais le Gouvernement français soutient ces dispositions et appelle même à les étendre par la suite à d’autres secteurs financiers (comme les assurances).

Enfin, l’une des priorités pour le Gouvernement français dans cette négociation est de préserver le modèle français de « bancassurance ».

Bâle III prévoit de déduire des fonds propres les participations détenues par des banques dans des sociétés d’assurance. Mais ce dispositif laisse heureusement quelques marges d’appréciation aux Etats membres, ce qui est important pour la France où le système de la « bancassurance » est très développé. Toutefois, ce modèle risque d’être menacé si une interprétation trop stricte de Bâle III est retenue au cours de la négociation. Pour l’instant, le texte présenté par la Commission européenne contient une interprétation suffisamment souple pour satisfaire la France, mais cela risque d’être un élément sensible de la négociation.

B. Autres Etats membres

1. Le Danemark

Le Danemark exerce la présidence du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2012, et a annoncé que les textes européens de régulation financière constituent l’une de ses priorités. La présidence danoise va donc chercher à faire avancer le plus possible la négociation de ce « paquet », et la commission des affaires économiques du Parlement européen prévoit de se prononcer en avril 2012 (la date de l’examen en plénière n’est pas encore déterminée).

Toutefois, la présidence danoise ne pourra pas s’abstraire complètement de considérations d’ordre national en ce qui concerne le paquet Bâle III / CRD IV. Or le Danemark a de sérieuses réserves sur la mise en œuvre des règles de Bâle III concernant la liquidité.

2. L’Espagne

Le processus de recapitalisation des banques espagnoles initié en février 2011 et qui s’est achevé le 30 septembre a amené à 13,4 milliards d’euros – dont 7,55 milliards de recapitalisation publique - le montant de recapitalisation exigé par la Banque d’Espagne et permettant aux banques et caisses d’épargne de parvenir à des ratios de Core Tier 1 compris entre 8 et 10 %, donc supérieurs aux exigences de Bâle III. Néanmoins, de nouvelles recapitalisations et restructurations ne sont pas exclues pour l’avenir, étant donné l’ampleur de l’exposition du secteur bancaire aux actifs immobiliers dans un marché en plein ajustement, mais aussi les inquiétudes sur la sincérité des comptes de certaines caisses.

3. L’Autriche

Dans un contexte d’écarts de taux historique avec l’Allemagne et de primes de CDS proches des niveaux record de 2009, les autorités autrichiennes ont décidé de prendre les devants pour défendre la notation AAA de l’Autriche. L’exposition du secteur financier autrichien à la dette souveraine des pays « périphériques » de la zone euro est modeste, mais le risque bancaire lié aux activités dans les pays d’Europe centrale et orientale et dans les Balkans demeure au centre des préoccupations des autorités publiques. Compte tenu d’une exposition totale de 305 milliards d’euros(22) aux PECO et aux Balkans, une déstabilisation du secteur bancaire représente un risque considérable pour l’Etat autrichien (le plan de soutien aux banques de 2009 a nécessité la mobilisation de fonds publics équivalent à 8,5 % du PIB).

Les superviseurs autrichiens ont en conséquence annoncé, le 21 novembre dernier, sous forme de recommandation adressée aux trois plus grandes banques du pays (ERSTE Bank, Raiffeisen Bank International, ÖVAG) et à Bank Austria, filiale de l’italienne Unicredit, leur volonté de soumettre celles-ci à une régulation renforcée.

Les régulateurs autrichiens ont donc décidé d’avancer de six ans le calendrier de mise en conformité des ratios de solvabilité prévus par Bâle III (janvier 2013 au lieu de 2019). Ils ont demandé aux banques concernées de respecter d’ici janvier 2013 un ratio de Core Tier 1 de 7 %, et de disposer à partir de janvier 2016 d’un coussin de fonds propres supplémentaire de 2 à 3 % selon le profil de risque, au lieu d’une constitution progressive entre 2016 et 2019 prévu sous Bâle III.

Comme, dans un premier temps, pour le ratio de 7 % , le capital de participation public émis dans le cadre du plan de soutien aux banques est inclus, la recommandation autrichienne n’apporte pas de renforcement des exigences de solvabilité par rapport aux exigences prudentielles de l’Autorité bancaire européenne (ABE). De ce fait, elle n’amplifiera pas le deleveraging déjà engagé par les banques autrichiennes pour se mettre en conformité avec les exigences de l’ABE qui, selon les dernières estimations, requerraient une augmentation des fonds propres durs de 4,2 milliards d’euros.

Les banques autrichiennes devraient parvenir à lever les fonds nécessaires sans recours aux aides de l’Etat. Mais à moyen terme, elles devront améliorer la qualité du noyau dur de leurs fonds propres (CET 1), pour l’instant fortement tributaires de deux catégories d’actifs non éligibles à ce CET 1 dans la réglementation Bâle III (les participations minoritaires et le capital de participation public).

S’agissant de Bank Austria, filiale à 100 % de la banque italienne Unicredit, elle est actuellement, selon les superviseurs autrichiens, bien capitalisée, mais elle pourrait être mise à contribution pour le renforcement des fonds propres de sa maison mère Unicredit.

4. Le Royaume-Uni

En mars 2009, avec le « rapport Turner », le superviseur britannique, la Financial Services Authority (FSA), avait demandé un renforcement des exigences réglementaires de capital pour les banques. Elle a publié ensuite de manière unilatérale de nouvelles règles de liquidité pour les banques, avec notamment l’obligation de constituer un « coussin de liquidités » (liquidity buffer) mobilisable à tout moment.

Le « rapport Vickers »(23) de septembre 2011 comporte une série d’exigences en matière de fonds propres. Il introduit un critère de taille des banques, défini comme le ratio des actifs pondérés en fonction des risques (RWA) sur le PIB, les grandes banques étant définies comme celles dont le ratio excède 3 %, les banques intermédiaires ayant un ratio compris entre 1 et 3 %, et les petits établissements se situant en deçà de 1 %. Le rapport préconise :

- que les banques de détail, exerçant des activités « sanctuarisées » (ring-fenced banks)(24), qu’elles soient « grandes » ou « petites », se dotent d’un supplément de capital compris entre 0 et 3 %, donc soient soumises à une surcharge spécifique (ring-fence buffer) ;

- que toutes les grandes banques ayant leur siège au Royaume-Uni et toutes les banques de détail maintiennent un ratio de levier Tier 1 compris entre 3 % et 4,06 % ; le rapport introduit donc un niveau maximal d’effet de levier ;

- que les banques d’importance systémique établies au Royaume-Uni soient soumises à une surcharge de 2,5 % (banques d’investissement) ;

- que le superviseur britannique puisse obliger les banques systémiques établies au Royaume-Uni et les banques de détail ring-fenced de taille moyenne et importante à détenir un coussin supplémentaire allant jusqu’à 3 % (resolution buffer), en particulier en cas de doute sur la capacité de la banque concernée à être secourue à moindre risque par le contribuable.

La position des autorités britanniques paraît parfois ambiguë. Elles plaident de manière très forte en faveur d’une mise en œuvre très ambitieuse de Bâle III, mais rejettent dans l’ensemble les mesures pouvant introduire des surcoûts pour l’industrie financière britannique ou réduire sa compétitivité ou son attractivité. Le coût pour les banques de la mise en œuvre des recommandations du rapport Vickers est encore incertain, une estimation par Barclays s’élevant à 4 milliards de livres par an tandis que Sir John Vickers lui-même l’a évalué à 7 milliards de livres par an, et le Gouvernement britannique, entre 3,5 et 8 milliards de livres par an. Il est à noter que le rapport, et par conséquent le projet de loi de réforme du secteur bancaire présenté par le Gouvernement, prévoient d’obliger les filiales de banque de détail des groupes à présenter des niveaux de fonds propres supérieurs aux exigences de Bâle III.

Le Gouvernement britannique apparaît déterminé à protéger la place financière de Londres dans son ensemble tout en se montrant « dur » à l’encontre du secteur bancaire, suite à la faillite puis à la nationalisation de Northern Rock (février 2008) et aux nationalisations partielles de Royal Bank of Scotland et Lloyds en octobre 2008.

5. La Suède

Comme le Royaume-Uni, la Suède a une démarche très favorable à l’augmentation par les banques de leurs fonds propres. Dans les négociations européennes, la Suède appelle à ce que les textes en discussion laissent la possibilité aux Etats membres d’imposer des exigences de fonds propres supérieures aux minima requis par Bâle III, notamment en ce qui concerne le ratio Core Tier 1.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 10 janvier 2012, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs a été suivi d’un débat.

« M. Pierre Forgues. Votre inquiétude relative à l’impact de l’accélération du calendrier sur les flux de crédits à l’économie réelle me semble un peu excessive. Les banques ont bénéficié d’un soutien financier public sans précédent, qu’il prenne la forme de prêts préférentiels, de prises de capital et, plus récemment, d’un accès quasi illimité et gratuit aux liquidités de la Banque centrale européenne. Qu’en ont fait les banques ? Ces fonds ne se sont guère retrouvés dans l’économie réelle, nourrissant à l’inverse un peu plus le système spéculatif international. Ici réside en effet l’enjeu principal, limiter la spéculation, qui serait infiniment mieux servi par l’indispensable distinction des banques de dépôt et des banques d’affaires.

Mme Annick Girardin. A côté des risques que vous soulignez, je veux ajouter un troisième danger souvent ignoré : l’impact du renforcement des exigences prudentielles sur les petits établissements bancaires, en particulier dans les territoires ultramarins. Ainsi, par exemple, Bâle II a réduit l’implantation bancaire locale à Saint-Pierre-et-Miquelon à un seul établissement, qui n’a pu être maintenu que grâce aux éléments de souplesse que le texte laissait aux Etats et je crains fort que Bâle III signifie la fin d’un maillage local pourtant indispensable dans des territoires aux spécificités marquées.

Mme Marietta Karamanli. Je remercie vivement les rapporteurs pour la qualité et l’importance de leurs travaux. Et je rejoins mes collègues sur l’impérieuse nécessité de faire un tri étanche entre les activités de dépôts et les activités d’affaires, dont la confusion à tant fait pour nous précipiter dans la crise. Il est une autre question décisive, qu’il nous faut aborder : la problématique de la taille des banques, les établissements « too big to fail » jouissant d’une forme d’impunité dès lors que l’impossibilité de leur faillite leur garantit une irresponsabilité de fait. Il me paraît aussi opportun de signaler que les contraintes que s’impose l’Europe sont aussi une chance pour ses établissements, mieux préparés et avant d’autres à la nécessité d’un système financier équilibré.

M. Jean-Yves Cousin. Deux aspects me semblent devoir être débattus. En premier lieu, après vous avoir écoutés, je me demande si nous nous prémunissons avec suffisamment de soin des effets dangereux sur les liquidités offertes à l’économie réelle de l’accélération du calendrier. En second lieu, je m’interroge sur les aspects juridiques concrets que pourrait revêtir l’idée, pertinente, de s’affranchir des avis des agences de notation.

Mme Pascale Gruny. Avez-vous été directement en contact avec les banques françaises, afin de connaître leurs appréciations sur le calendrier envisagé ? Pensez-vous que les nouvelles exigences de Bâle III sont à la mesure de la crise, et permettraient efficacement d’en prévenir à l’avenir la répétition ? Quels sont les positions des Etats les plus sensibles à la régulation financière, je pense en particulier au Royaume-Uni et au Luxembourg ?

M. Michel Diefenbacher, co-rapporteur. Le risque de contraction du crédit est réel, nul ne peut le nier, d’autant plus dans les pays, comme le nôtre, où les banques sont de grande taille et demeurent très exposées à la dette souveraine. Pour autant, je ne peux laisser dire que les banques ont été alimentées à guichet ouvert en fonds publics et avec pour seul résultat de nourrir la spéculation. La consolidation du bilan a été entamée, et, il faut le rappeler, en France, les banques ont remboursé l’intégralité des aides reçues. En outre, la situation est très différente selon les pays, je pense en particulier au Royaume-Uni où l’Etat a du prendre de très nombreuses participations.

Cela explique d’ailleurs des divergences de position parfois contre-intuitives. Je pense en particulier au Royaume-Uni, très allant sur une régulation extensive et ambitieuse, précisément en raison du traumatisme qu’a constitué en 2008 et 2009 la révélation des failles de son système bancaire et la nécessité d’en nationaliser des pans entiers.

M. Pierre Bourguignon, co-rapporteur : C’est en effet ce qui ressort de nos travaux, les spécificités nationales demeurant très fortes. Le Gouvernement français, par exemple, est ainsi obsédé par la défense du modèle français de bancassurance, sur lequel Bâle III fait peser des contraintes particulières. Bien entendu, nous avons veillé à examiner les positions de tous les acteurs concernés, qui d’ailleurs ont largement pu les défendre puisque, ne l’oublions pas, les accords de Bâle sont négociés par les régulateurs nationaux dans lesquels les établissements financiers jouent un grand rôle. Dans ce contexte, notre ambition à ce stade est surtout de vous tenir pleinement informés de l’état des négociations et des enjeux, d’où une certaine prudence dans nos conclusions d’étape.

M. Michel Diefenbacher, co-rapporteur. Par suite, je reconnais que les contraintes nouvelles imposées par les exigences prudentielles pèseront lourd sur les petits établissements, et nourriront un mouvement de concentration.

Sur la question de l’étanchéité entre activités d’affaires et de dépôt, je pense qu’il faut demeurer réaliste. Si la coexistence des activités a été décidée, c’est parce que l’économie réelle avait besoin des moyens financiers apportés par les dépôts, et ce modèle a pu fonctionner pendant longtemps. La question est moins celle de la séparation des acteurs que celles de la différenciation des métiers. Une même structure peut exercer les deux activités, dès lors qu’elle applique des règles et des méthodes différentes selon les exigences particulières de chacune de ces opérations.

Les effets pervers du « too big to fail » sont au cœur de l’ambition de Bâle III, et les normes prudentielles visent précisément à remettre sur les rails des établissements dont on sait que la faillite est inenvisageable sans menacer l’économie toute entière. Allons-nous trop loin dans cette direction, en s’imposant un rythme et des contraintes excessifs ? C’est la question principale, et je ne vous cache pas que de nombreux acteurs financiers penchent vers une réponse positive. Cela nuance d’ailleurs la perspective de voir nos établissements plus attractifs au lendemain de l’application anticipée des nouvelles normes. Les investisseurs cherchent avant tout la rentabilité, et il n’est guère certain que Bâle III la renforce. Des banques plus sûres mais plus « chères » ne seront pas nécessairement plus attractives.

S’agissant enfin de l’émancipation à l’égard des agences de notations, l’idée est précisément de vider la législation officielle des références à leurs avis qu’elle contient encore trop souvent, et d’encourager par ce biais les établissements à multiplier leurs évaluateurs, et à développer leurs propres systèmes d’analyse.

M. Pierre Bourguignon, co-rapporteur. On le voit bien à la profusion des enjeux : la principale question est celle du timing. Les négociateurs de Bâle III en étaient bien conscients, puisqu’ils ont prévu une longue étape de mise en place des nouvelles normes, afin d’en amortir l’impact sur le système financier et sur l’économie. »

La Commission a ensuite adopté les conclusions dont le texte figure
ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d’assurance et des entreprises d’investissement appartenant à un conglomérat financier
(COM (2011) 453 final/no E 6480),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement (COM (2011) 452 final/no E 6787),

1. Prend acte des propositions présentées par la Commission européenne et de l’objectif qui leur est assigné de contribuer à restaurer la confiance dans le secteur bancaire européen,

2. Note que ces propositions ont principalement pour objet d’intégrer dans le droit positif les dispositions de l’accord « Bâle III » présenté par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, et comportent également des dispositions nouvelles relatives à la gouvernance des entreprises dans le secteur financier et à un renforcement des moyens juridiques des superviseurs nationaux,

3. Relève que « Bâle III » a été élaboré dans l’urgence par le Comité de Bâle en réponse à la crise financière de 2007-2008, que la Commission européenne a présenté ses propositions le 20 juillet 2011, et que depuis lors le contexte bancaire et financier a encore profondément changé en Europe, ce qui a conduit les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne à préconiser une accélération du calendrier de mise en œuvre des dispositions de « Bâle III » relatives aux exigences de fonds propres,

4. Se déclare très préoccupée par l’impact que l’application accélérée de ces nouvelles exigences plus strictes est susceptible d’avoir sur les flux de crédits à l’économie réelle, et demande en conséquence au gouvernement de présenter une évaluation chiffrée sur ce risque et d’exercer la plus grande vigilance sur ce point dans les négociations,

5. Souligne l’impérieuse nécessité d’une application coordonnée de « Bâle III » par tous les Etats concernés, afin de ne pas donner prise aux arbitrages réglementaires ni créer des distorsions de concurrence, et rappelle à cet égard qu’il convient de renforcer la coopération transatlantique en matière de réglementation financière,

6. Accueille favorablement la démarche de la Commission européenne tendant à inciter les établissements bancaires à ne plus recourir systématiquement aux notations produites par les agences de notation,

7. Appelle enfin l’Union européenne, dans le cadre des travaux du G20, à proposer en parallèle une réglementation applicable au secteur bancaire « parallèle » ou « de l’ombre » (shadow banking), afin d’éviter que les risques systémiques ne se déplacent vers ce secteur au fur et à mesure de l’application de règles plus contraignantes au secteur bancaire et financier traditionnel. 

ANNEXES

ANNEXE 1 :
LISTE DES 29 BANQUES CONSIDEREES COMME SYSTEMIQUES

Banque

Nationalité

Bank of America

Etats-Unis

Bank of China

Chine

Bank of New York Mellon

Etats-Unis

Banques Populaires

France

Barclays

Royaume-Uni

BNP Paribas

France

Citigroup

Etats-Unis

Commerzbank

Allemagne

Credit Suisse

Suisse

Deutsche Bank

Allemagne

Dexia

Belgique/France

Goldman Sachs

Etats-Unis

Crédit Agricole

France

HSBC

Royaume-Uni

ING Bank

Pays-Bas

JP Morgan Chase

Etats-Unis

Lloyds Banking Group

Royaume Uni

Mitsubishi UFJ FG

Japon

Mizuho FG

Japon

Morgan Stanley

Etats-Unis

Nordea

Scandinavie

Royal Bank of Scotland

Royaume-Uni

Santander

Espagne

Société Générale

France

State Street

Etats-Unis

Sumitomo Mitsui FG

Japon

UBS

Suisse

Unicredit

Italie

Wells Fargo

Etats-Unis

ANNEXE 2 :
ETAT D’AVANCEMENT DES TRAVAUX REGLEMENTAIRES NATIONAUX DE MISE EN
œUVRE DE BÂLE II, BÂLE 2,5 ET BÂLE III

Le « Rapport intérimaire sur la mise en œuvre de Bâle III » publié par le Comité de Bâle en octobre 2011, présente des tableaux sur l’état d’avancement de la mise en œuvre au niveau national des dispositions de Bâle II, de « Bâle 2,5 » (approuvé en juillet 2009, c’est un dispositif venu compléter Bâle II pour renforcer la mesure des risques liés aux titrisations et aux expositions du portefeuille de négociation) et de Bâle III.

Chacun de ces tableaux indique l’étape à laquelle était parvenu, fin septembre 2011, chacun des Etats dont les superviseurs siègent au Comité de Bâle, avec le code numérique suivant :

1 : aucun projet de loi ni de réglementation ni autre document officiel n’a été publié pour présenter de manière détaillée les mesures envisagées pour incorporer les dispositions des accords dans le droit national. Sont également classées dans cette rubrique les Etats qui ont communiqué des plans généraux de mise en œuvre dans fournir le détail des règlementations nécessaires.

2 : un ou plusieurs projets de texte ont été rendus publics, leur contenu étant suffisamment détaillé pour pouvoir entrer en application une fois adoptés.

3 : le cadre réglementaire national a été finalisé et approuvé, mais n’est pas encore applicable aux banques

4 : le cadre règlementaire national de mise en œuvre s’applique effectivement aux banques.

Le Comité de Bâle s’est engagé à actualiser périodiquement ces tableaux.

Etat d’avancement de l’adoption des textes de mise en œuvre de Bâle II
(fin septembre 2011) 

Pays

Etape

Mise en oeuvre

Afrique du Sud

4

Allemagne

4

Arabie Saoudite

4

Argentine

1

documents préliminaires en cours d’élaboration

Australie

4

Belgique

4

Brésil

4

Canada

4

Chine

4

mise en œuvre en cours

(phase d’évaluation en parallèle pour les grandes banques. D’ici fin 2011, application aux autres banques des règles relatives au risque de marché et aux risques opérationnels)

Corée du Sud

4

Espagne

4

Etats-Unis

4

mise en œuvre en cours

(en phase d’évaluation parallèle – tous les établissements soumis à Bâle II restent en phase d’évaluation et continuent de travailler à la mise en œuvre)

France

4

Hong Kong

4

Inde

4

Indonésie

3

mise en œuvre en cours

(entrée en application de Bâle II en janvier 2012)

Italie

4

Japon

4

Luxembourg

4

Mexique

4

Pays-Bas

4

Royaume-Uni

4

Russie

1 / 4

mise en œuvre en cours

(« 1 » : mise en œuvre du 2e pilier pas attendue avant 2014,

« 4 » : les autres dispositions sont appliquées)

Singapour

4

Suède

4

Suisse

4

Turquie

4

mise en œuvre en cours

(en phase d’évaluation – application de la réglementation finale à partir de juillet 2012)

Union européenne

4

Etat d’avancement de l’adoption des textes nationaux « Bâle 2,5 »
(fin septembre 2011)

Pays

Etape

Mise en œuvre

Afrique du Sud

2

réglementation élaborée, pas encore formellement adoptée, application prévue pour janvier 2012

Allemagne

2 / 4

« 2 » : publication de la réglementation finale prévue pour l’automne 2011

« 4 » : recommandations relatives au 2ème pilier déjà appliquées

Arabie Saoudite

3

 

Argentine

1

documents préliminaires en cours d’élaboration

Australie

3

entrée en application janvier 2012

Belgique

4

 

Brésil

3

entrée en application janvier 2012

Canada

2

finalisation du projet de texte prévue en 2011, pour application en janvier 2012

Chine

4

 

Corée du Sud

2

finalisation de la réglementation prévue en 2011

Espagne

2

projet de réglementation publié, application prévue 1er janvier 2012

Etats-Unis

1 / 2

« 2 » : projets de textes sur les exigences de fonds propres en regard du risque de marché à finaliser

« 1 » : autres modifications introduites par Bâle 2,5 à l’étude dans le cadre du projet lié à la mise en œuvre de Bâle III. Diffusion aux fins de consultation courant 2011. A ce stade, les autorités n’ont pas publié de projet de texte couvrant les exigences « Bâle 2,5 » relatives aux titrisations dans le portefeuille de négociation ou aux retitrisations dans le portefeuille bancaire. Pour Bâle 2,5 et Bâle III, les travaux règlementaires doivent être coordonnés avec les travaux de mise en œuvre de la réforme « Dodd-Frank »

France

2

réglementation finale élaborée, mais pas encore formellement adoptée

Hong Kong

2

consultation achevée, réglementation à finaliser fin 2011, application prévue janvier 2012

Inde

4

 

Indonésie

1

Bâle 2,5 est considéré comme non pertinent dans le contexte indonésien en raison d’expositions aux titrisations très limitées.

Italie

2 / 4

« 2 » : projet de réglementation attendue pour fin 2011 s’agissant des 1er et 3e piliers

« 4 » : recommandations relatives au 2e pilier déjà appliquées

Japon

3

mise en application à partir du 31 décembre 2011

Luxembourg

4

 

Mexique

1

L’application des exigences relatives aux titrisations et retitrisations sera faite dans le cadre de Bâle III, dont l’application est prévue dès 2012.

Les règles de Bâle 2,5 renforçant les 2e et 3e piliers sont en cours d’incorporation, ainsi que les modifications relatives au risque de marché

Pays-Bas

3 / 4

« 3 » : application de l’exigence de fonds propres incrémentale (IRC) d’ici au 31 décembre 2011

« 4 » : autres composantes de Bâle 2,5 déjà appliquées

Royaume-Uni

2

Phase de consultation achevée, mise en application prévue d’ici au 31 décembre 2011

Russie

1 / 2

« 1 » : mise en œuvre du 2e pilier pas avant 2014

« 2 » : projet de réglementation finale attendue prochainement, avec entrée en vigueur prévue pour janvier 2012

Singapour

3 / 4

« 3 » : mise en application à compter du 31 décembre 2011

« 4 » : recommandations relatives au 2e pilier déjà appliquées

Suède

1 / 2 /4

« 1 » et « 4 » s’agissant des règles relatives aux rémunérations et à la gestion du risque de liquidité

« 2 » : publication des textes pour les autres composantes de Bâle 2,5 prévue en octobre 2011

Suisse

4

 

Turquie

1 / 4

« 4 » : modifications sur les titrisations et retitrisations intégrées

« 1 » : autres éléments : projet de texte attendu pour décembre 2011

Union européenne

4

date limite pour la transposition intégrale par les Etats membres de la directive européenne d’application de Bâle 2,5 : 31 décembre 2011.

Etat d’avancement de l’adoption des textes de mise en œuvre de Bâle III
(fin septembre 2011)

Pays

Etape

Mise en œuvre

Afrique du Sud

1

projet d’amendement à la législation attendu pour la fin du 1er trimestre 2012

Allemagne

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Arabie Saoudite

3

texte définitif transmis aux banques

Argentine

1

documents préliminaires en cours d’élaboration

Australie

1

diffusion d’un document d’information, mais pas du projet de réglementation, consultation jusqu’au 2 décembre 2011, publication prévue du projet de texte en février 2012

Belgique

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Brésil

1

projet de réglementation attendu au 4e trimestre 2011 – lignes directrices publiées en février 2011

Canada

1

Projet de réglementation attendu pour mai 2012, pour une mise en application au 1er trimestre 2013

Chine

2

réglementation attendue en novembre 2011, pour application prévue début 2012

Corée du Sud

1

publication du projet de réglementation attendue au 1er trimestre 2012

Espagne

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Etats-Unis

1

projet de réglementation pour consultation prévu courant 2011.

Pour Bâle 2,5 et Bâle III, les travaux règlementaires doivent être coordonnés avec les travaux de mise en œuvre de la réforme « Dodd-Frank »

France

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Hong Kong

1

consultation sur un projet d’amendement à la loi bancaire prévue pour le 4e trimestre 2011 ; parallèlement, consultation du secteur sur les propositions règlementaires de l’Autorité monétaire de Hong Kong relatives aux exigences découlant de Bâle III

Inde

1

diffusion, pour consultation, du projet de réglementation prévue dans les prochains mois

Indonésie

1

diffusion, pour consultation, du projet de réglementation prévue pour le 1er trimestre 2012

Italie

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Japon

1

consultation générale prévue début 2012, publication du projet d’ici à fin mars 2012, pour mise en œuvre prévue fin mars 2013 (au Japon, l’exercice financier des banques débute en avril et se termine en mars)

Luxembourg

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Mexique

1

fin de la phase de consultation prévue pour le 4e trimestre 2011, projet de réglementation attendu pour fin 2011, pour une mise en application courant 2012

Pays-Bas

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Royaume-Uni

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Russie

1

projet de réglementation en cours d’élaboration

Singapour

1

publication, pour consultation, d’un projet de réglementation prévue pour le 4ème trimestre 2011

Suède

2

« paquet Bâle III » - Union européenne

Suisse

1

publication, pour consultation, d’un projet de réglementation prévue pour le 17 octobre 2011, adoption par le Parlement d’une réglementation sur les établissements financiers d’importance systémique le 30 septembre 2011 dans le cadre d’une loi bancaire, publication d’un projet de réglementation sur les établissements financiers d’importance systémique prévue pour le 4ème trimestre 2011.

Turquie

1

publication du projet de réglementation attendu mi 2012.

Union européenne

2

« paquet Bâle III »

ANNEXE 3 :
CRITERES DE DEFINITION DES ACTIFS POUVANT ETRE INCLUS DANS LE CALCUL DU « CORE TIER 1 » (NOYAU DUR DES FONDS PROPRES DE BASE), DU « TIER 1 » ET DU « TIER 2 » AU SENS DE BÂLE III

I. Noyau dur des fonds propres de base :

Au sein du Tier 1 (fonds propres de base), la composante « dure » de la meilleure qualité (Common Equity Tier 1 ou Core Tier 1) est constituée de la somme des éléments suivants :

- actions ordinaires émises par la banque, qui satisfont aux critères d’inclusion réglementaires (ou leur équivalent dans le cas des banques qui ne sont pas constituées en société par actions) ;

- primes liées au capital résultant de l’émission des actions ordinaires et assimilées ;

- bénéfices non distribués ;

- encours accumulés d’autres revenus généraux et des autres réserves publiées ;

- actions ordinaires émises par les filiales consolidées de la banque et détenues par des tiers (intérêts minoritaires), qui satisfont aux critères d’inclusion dans les actions ordinaires et assimilées ;

- ajustements réglementaires appliqués au calcul des actions ordinaires et assimilées.

Pour qu’un instrument soit inclus dans le Core Tier 1 (actions ordinaires et actifs assimilés), il doit remplir cumulativement les 14 critères suivants :

1. L’action ordinaire est la créance la plus subordonnée dans la liquidation d’une banque.

2. L’action ordinaire est une créance sur les actifs résiduels proportionnelle à la part de capital émis, une fois remboursées toutes les créances de rang supérieur, en cas de liquidation (en d’autres termes, il s’agit d’une créance illimitée et variable et non pas fixe ou plafonnée).

3. Le principal a une durée indéterminée et n’est jamais remboursé en dehors de la liquidation (hormis les cas de rachat discrétionnaire ou les autres moyens de réduire sensiblement les fonds propres de manière discrétionnaire dans les limites permises par la législation applicable).

4. La banque ne laisse en rien espérer, au moment de l’émission, que l’instrument sera racheté, remboursé ou annulé, et les dispositions statutaires ou contractuelles ne comprennent aucune disposition qui pourrait susciter pareille attente.

5. Les versements (y compris bénéfices non distribués) sont effectués en prélevant sur les bénéfices distribuables. Le niveau des versements n’est en aucune manière lié ou associé au montant payé à l’émission et n’est pas soumis à un plafond contractuel (sauf dans la mesure où une banque ne peut effectuer des versements que dans la limite du montant des bénéfices distribuables).

6. La distribution des bénéfices n’est en aucun cas obligatoire. Leur non-paiement ne constitue donc pas un événement de défaut.

7. Les versements ne sont effectués qu’une fois toutes les obligations juridiques et contractuelles honorées, et les paiements sur les instruments de fonds propres de rang supérieur effectués. Cela signifie qu’il n’y a pas de versements préférentiels, même au titre d’autres éléments classés dans les fonds propres de la plus haute qualité.

8. Ce sont les fonds propres émis qui absorbent la première – et, proportionnellement, la plus grande part – des pertes, le cas échéant, dès qu’elles surviennent. Dans les fonds propres de la plus haute qualité, chaque instrument absorbe les pertes pour assurer la continuité d’exploitation proportionnellement et pari passu avec tous les autres.

9. Le capital versé est comptabilisé en qualité de fonds propres (et non de passif), aux fins de l’insolvabilité.

10. Le capital versé est classé dans les fonds propres en application des normes comptables applicables.

11. Le capital est émis directement et libéré, et la banque ne peut pas avoir financé directement ou indirectement l’achat de l’instrument.

12. Le capital versé n’est adossé ni à des sûretés, ni à une garantie de l’émetteur ou d’une entité liée(25), et il n’est assorti d’aucun dispositif rehaussant, sous une forme juridique ou économique, le rang de la créance.

13. L’émission s’est faite avec l’accord exprès des propriétaires de la banque émettrice, donné soit directement soit, si la législation applicable le permet, par le conseil d’administration ou par d’autres personnes dûment autorisées par les propriétaires.

14. Le capital versé figure clairement et séparément au bilan de la banque.

II. Autres éléments constitutifs des fonds propres de base :

Les autres éléments du Tier 1 sont les instruments qui satisfont à tous les critères suivants ;

1. L’instrument est émis et libéré.

2. La créance a un rang inférieur à celles des déposants et des créanciers chirographaires, ainsi qu’à la dette subordonnée de la banque.

3. Le capital versé n’est adossé ni à des sûretés, ni à une garantie de l’émetteur ou d’une autre entité liée, et il n’est assorti d’aucun dispositif rehaussant, sous une forme juridique ou économique, le rang de la créance par rapport à celles des créanciers de la banque.

4. L’instrument a une durée indéterminée, autrement dit il n’a pas de date d’échéance et il ne comporte ni saut de rémunération (step up) ni aucune autre incitation au rachat.

5. L’instrument peut comporter une option de remboursement à l’initiative de l’émetteur, mais celle-ci ne peut être exercée qu’au bout de 5 ans au minimum.

a. Pour exercer son option de rachat, la banque doit recevoir l’autorisation préalable de son autorité de contrôle ; et

b. la banque ne doit en rien laisser croire qu’elle exercera son option de rachat ; et

c. la banque ne doit pas exercer son option de rachat, sauf :

i. si elle remplace l’instrument racheté par des fonds propres de qualité égale ou supérieure et à des conditions viables en fonction de son revenu ; ou

ii. si elle démontre que la position de ses fonds propres est bien supérieure à son exigence minimale après exercice de l’option de rachat(26).

6. Tout remboursement de principal (rachat ou amortissement) nécessite l’autorisation préalable de l’autorité de contrôle, et la banque ne devrait pas présumer, ni laisser croire au marché que cette approbation lui sera accordée.

7. Les versements du dividende/coupon doivent être entièrement discrétionnaires :

a. la banque doit avoir toute liberté d’annuler, à tout moment, les versements ;

b. l’annulation des versements discrétionnaires ne doit pas constituer un événement de défaut;

c. les banques doivent avoir la pleine disposition des versements annulés pour s’acquitter de leurs obligations à l’échéance ;

d. l’annulation des versements ne doit pas imposer de restrictions à la banque, sauf en ce qui concerne les versements aux détenteurs d’actions ordinaires.

8. Le paiement des dividendes/coupons doit être imputé aux bénéfices distribuables.

9. L’instrument ne peut pas comporter une clause liant le dividende au risque de crédit, autrement dit le dividende/coupon ne peut être redéfini périodiquement, en fonction, intégralement ou partiellement, de la note de crédit de l’établissement bancaire.

10. L’instrument ne peut pas faire apparaître un passif supérieur à l’actif si la législation nationale détermine que, dans ce cas, la banque est insolvable.

11. Les instruments désignés comme passifs à des fins comptables doivent avoir une capacité d’absorption des pertes, en principal, par le biais soit i) de leur conversion en actions ordinaires à un niveau de seuil prédéfini, soit ii) d’un mécanisme de dépréciation qui impute les pertes à l’instrument à un niveau de seuil prédéfini. La dépréciation aura les effets suivants :

a. réduction de la créance représentée par l’instrument, en cas de liquidation ;

b. réduction du montant remboursé, en cas d’exercice d’une option ;

c. réduction partielle ou intégrale du versement du dividende/coupon sur l’instrument.

12. L’instrument ne peut avoir été acheté par la banque, ni par une partie liée sur laquelle la banque exerce son contrôle ou une influence significative, et la banque ne peut avoir financé directement ou indirectement l’achat de l’instrument.

13. L’instrument ne peut présenter de caractéristiques nuisant à la recapitalisation, comme des dispositions imposant à l’émetteur d’indemniser les investisseurs si un nouvel instrument est émis à un prix inférieur durant une période déterminée.

14. Si l’instrument n’est pas émis par une entité opérationnelle ou la société holding du groupe consolidé (par une structure ad hoc, ou SPV, par exemple), le produit du placement doit être à la disposition immédiate et illimitée d’une entité opérationnelle(27) ou de la société holding du groupe consolidé de telle manière que soient respectés ou dépassés tous les autres critères d’inclusion dans les autres éléments du Tier 1.

III. Critères d’inclusion dans les fonds propres complémentaires (Tier 2) :

1. L’instrument est émis et libéré.

2. La créance a un rang inférieur à celles des déposants et des créanciers chirographaires de la banque.

3. Le capital versé n’est adossé ni à des sûretés, ni à une garantie de l’émetteur ou d’une autre entité liée, et il n’est assorti d’aucun dispositif rehaussant, sous une forme juridique ou économique, le rang de la créance par rapport à celles des déposants et des créanciers chirographaires de la banque.

4. Durée :

a. L’instrument a une durée initiale de 5 ans au minimum ;

b. sa comptabilisation dans les fonds propres réglementaires durant les cinq dernières années précédant l’échéance s’effectue sur la base d’un amortissement linéaire ;

c. l’instrument ne comporte ni saut de rémunération (step up) ni aucune autre incitation au rachat.

5. L’instrument peut comporter une option de remboursement anticipé à l’initiative de l’émetteur, mais celle-ci ne peut être exercée qu’au bout de 5 ans au minimum.

a. Pour exercer son option de rachat, la banque doit recevoir l’autorisation préalable de son autorité de contrôle.

b. La banque ne doit pas laisser croire qu’elle exercera son option de rachat. 

c. La banque ne doit pas exercer son option de rachat sauf :

i. si elle remplace l’instrument racheté par des fonds propres de qualité égale ou supérieure et à des conditions viables en fonction de son revenu ; ou

ii. si elle démontre que la position de ses fonds propres est bien supérieure à son exigence minimale après exercice de l’option de rachat.

6. L’investisseur ne doit pas avoir le droit de verser par anticipation des paiements programmés (coupon ou principal), sauf en cas de faillite et de liquidation.

7. L’instrument ne peut pas comporter une clause liant le dividende au risque de crédit, autrement dit le dividende/coupon ne peut être redéfini périodiquement, en fonction, intégralement ou partiellement, de la note de crédit de l’établissement bancaire.

8. L’instrument ne peut avoir été acheté par la banque, ni par une partie liée sur laquelle la banque exerce son contrôle ou une influence significative, et la banque ne peut avoir financé directement ou indirectement l’achat de l’instrument.

9. Si l’instrument n’est pas émis par une entité opérationnelle ou la société holding du groupe consolidé (par une structure ad hoc, ou SPV, par exemple), le produit du placement doit être à la disposition immédiate et illimitée d’une entité opérationnelle ou de la société holding du groupe consolidé de telle manière que soient respectés ou dépassés tous les autres critères d’inclusion dans le Tier 2.

Tous ces éléments de définition et listes de critères sont intégrés dans la proposition de règlement du « paquet Bâle III / CRD IV ».

Source : Banque des règlements internationaux, Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, « Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires » (décembre 2010, document révisé en juin 2011).

ANNEXE 4 :
CALENDRIER DE MISE EN
ŒUVRE PROGRESSIVE PREVU PAR BÂLE III

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

A partir de 2019

Ratio de levier

Surveillance par les

autorités de contrôle

Période d’évaluation parallèle :

1er janv. 2013 – 1er janvier 2017

Publication : à compter du 1er janv. 2015

 

Intégration

au Pilier 1

 

Ratio minimal pour le CET 1

   

3,5 %

4 %

4,5 %

4,5 %

4,5 %

4,5 %

4,5 %

Coussin de conservation

         

0,625 %

1,25 %

1,875 %

2,5 %

Ratio minimal pour les fonds propres de base

(Tier 1)

   

4,5 %

5,5 %

6 %

6 %

6 %

6 %

6 %

Ratio minimal pour le total des fonds propres

(Tier 1 + Tier 2)

   

8 %

8 %

8 %

8 %

8 %

8 %

8 %

Ratio minimal pour Total des fonds propres

+ coussin de conservation

   

8 %

8 %

8 %

8,625 %

9,25 %

9,875 %

10,5 %

Ratio de liquidité à court terme (LCR)

Début de la période

d’observation

     

Introduction du ratio minimal

       

Ratio de liquidité à long terme (NSFR)

Début de la période
d’observation

           

Introduction

du ratio

minimal

 

Les cases grisées correspondent aux périodes de transition ; la date de début est toujours le 1er janvier de l’année indiquée.

Source : Banque des règlements internationaux, Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, « Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires » (décembre 2010, document révisé en juin 2011).

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, Espagne, Etats-Unis, France, Hong Kong, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Suède, Suisse, Turquie (en italique : pays du G20). La Commission européenne participe aux travaux en qualité d’observateur.

3 () Ces directives ont ensuite été modifiées à deux reprises, en 2009 (« CRD II ») et en 2010 (« CRD III »). La directive du « paquet » de deux textes visant à introduire Bâle III en droit communautaire et faisant l’objet du présent rapport est donc désignée comme la « CRD IV ».

4 () Tier One : rapport entre le capital de l’établissement et le total de ses engagements.

5 () Selon le Comité de Bâle et la Commission européenne, la crise financière a révélé que les instruments de fonds propres nécessaires pour absorber les pertes imprévues liées aux risques du portefeuille de négociation doivent être d’aussi bonne qualité que ceux requis pour les risques hors portefeuille ; la qualité des instruments de fonds propres de catégorie 3 (Tier 3) s’est révélée insuffisante.

6 () Voir Annexe 3 du présent rapport.

7 () Par exemple, dans plusieurs droits nationaux existe un instrument appelé « silent partnership », mais dont la définition exacte varie selon l’Etat. Le « silent partner » est un bailleur de fonds ou un commanditaire impliqué dans les opérations d’une autre entreprise par le biais d’une contribution au capital de celle-ci, qui lui assure une participation aux profits comme aux pertes. Seuls ceux de ces instruments de droit national qui répondent aux 14 critères de Bâle III, et qui permettent donc le plus possible de contribuer à l’absorption de pertes, pourront être inclus dans le « noyau dur » de la plus haute qualité des fonds propres.

8 () « Quels sont les défis pour les banques de la zone euro ? », Flash Economie-Natixis, 16 septembre 2011.

9 () « Les ratios de liquidité dans Bâle III », Revue de l’Autorité de Contrôle Prudentiel, juillet-août 2011.

10 () Comité de Bâle, « Bâle III : dispositif réglementaire mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires », décembre 2010.

11 () Sur un marché de gré à gré, les règles sont librement fixées par les parties au moment de leur opération. Un produit financier dérivé est négocié « de gré à gré » (« over the counter » - OTC) lorsque la transaction s’effectue de manière bilatérale sans intervention d’un organisme de compensation ou d’un régulateur.

12 () Un produit financier dérivé est un instrument financier dont le prix dépend (ou « dérive ») de la valeur d’un autre actif, le « sous-jacent » (matières premières, devise, taux d’intérêt, indice boursier…).

13 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1060/2009 sur les agences de notation de crédit (COM (2011) 747).

14 () « Les ratios de liquidité dans Bâle III », Revue de l’Autorité de Contrôle Prudentiel, juillet-août 2011.

15 () Comité de Bâle, « An assessment of the long-term economic impact of stronger capital and liquidity requirements », août 2010.

16 () Les banques françaises doivent soumettre d’ici le 13 janvier 2012 à l’Autorité de Contrôle Prudentiel leurs plans de renforcement de leurs fonds propres et d’évolution de leurs risques montrant leur capacité à atteindre l’objectif au 30 juin 2012.

17 () Patrick Artus, « Quels sont les défis pour les banques de la zone euro ? », Flash Economie-Natixis no 699, 16 septembre 2011.

18 () Interview de Christian Noyer sur RMC-BFM TV, 4 novembre 2011.

19 () Banque de France, Stats Info, « Flux de crédits nouveaux et taux d’intérêt – France – novembre 2011 » (4 janvier 2012).

20 () Projet de rapport PE478.506 sur la proposition de règlement et projet de rapport PE478.507 sur la proposition de directive, présentés par M. Othmar Karas, rapporteur de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, 14 décembre 2011.

21 () La Commission européenne présentera en mars 2012 une proposition législative spécifique sur le secteur bancaire « informel » (« shadow banking »), qui visera les hedge funds, les fonds monétaires et l’ensemble des organismes de crédit non bancaires.

22 () Estimation de la Banque des règlements internationaux de juin 2011.

23 () La Commission indépendante sur les banques (ICB), présidée par Sir John Vickers, avait été chargée en juin 2010 par le Gouvernement de formuler des propositions sur la structure du système bancaire et sur le degré de concurrence sur le marché britannique. Elle a remis son rapport final le 12 septembre 2011, et le Gouvernement a immédiatement annoncé qu’il entendait mettre en œuvre ces recommandations – il a déposé un projet de loi de réforme du secteur bancaire en ce sens.

24 () Le rapport recommande la création d’un périmètre d’activités sanctuarisées : la fourniture de services bancaires de base sera à l’intérieur du périmètre, la banque d’investissement et de marchés sera à l’extérieur, et les services de base aux grandes entreprises non financières pourront tomber dans l’une ou l’autre catégorie.

25 () Une entité liée peut être une société mère, une société soeur, une filiale ou toute autre société affiliée. Une société holding est une entité liée, qu’elle fasse ou non partie intégrante du groupe bancaire consolidé.

26 () L’exigence minimale est celle qui est prescrite par l’autorité nationale de contrôle ; elle peut être plus élevée que l’exigence minimale fixée par Bâle III.

27 () Une entité opérationnelle est une entité créée pour mener des activités avec la clientèle dans l’intention de dégager un bénéfice pour elle-même.