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le 15 avril 2009


N° 1599

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2009.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

relatif à l’application
de l’
article 61-1 de la Constitution,

(Renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par Mme Rachida DATI,

garde des sceaux, ministre de la justice.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la VRépublique a ouvert un droit nouveau au bénéfice des justiciables, permettant que le Conseil constitutionnel puisse être saisi, à l’occasion des procès intentés devant les juridictions administratives et judiciaires, de la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis de dispositions législatives promulguées.

L’article 61-1 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 précitée, dispose ainsi : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »

Le second alinéa de cet article 61-1 renvoie à la loi organique le soin d’en déterminer les conditions d’application. Tel est l’objet du présent projet de loi organique, qui entend traduire l’équilibre voulu par le pouvoir constituant et garantir un large accès à ce nouveau mécanisme de contrôle tout en s’assurant qu’il ne puisse être mis en œuvre à des fins dilatoires.

Il conviendra de s’assurer que la mise en œuvre effective de ce nouveau mécanisme respecte cet équilibre et traduise une articulation harmonieuse de l’intervention des différentes juridictions. C’est pourquoi un bilan de cette mise en œuvre sera réalisé au terme des trois premières années d’application ; ce bilan sera transmis par le Gouvernement au Parlement et pourra conduire, le cas échéant, à envisager la modification de certaines des règles fixées par la loi organique.

L’article 1er du présent projet de loi organique insère dans l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel un chapitre II bis relatif à la question de constitutionnalité. Ce nouveau chapitre précise les conditions dans lesquelles :

– une question de constitutionnalité peut être transmise au Conseil d’État ou à la Cour de cassation par une juridiction ;

– le Conseil d’État et la Cour de cassation renvoient au Conseil constitutionnel une question de constitutionnalité qui leur est directement soumise ou une question qui leur est transmise par une juridiction ;

– le Conseil constitutionnel statue sur la question de constitutionnalité.

1° La question de constitutionnalité devant une juridiction relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation

a) Le champ d’application de la question de constitutionnalité

La question de constitutionnalité pourra être soulevée au cours de toute instance devant toute juridiction, qu’elle relève du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Elle pourra être soulevée pour la première fois en cause d’appel. Ainsi que le précise le projet de loi organique, la question de constitutionnalité ne pourra être relevée d’office.

En matière pénale, la question pourra être soulevée au cours de l’instruction. Le projet de loi organique aménage toutefois les conditions dans lesquelles elle pourra alors être posée, en précisant qu’au cours de l’instruction la question sera portée devant la chambre de l’instruction. En effet, ni le juge d’instruction ni le juge des libertés et de la détention n’ont le pouvoir d’annuler un acte ou une pièce de la procédure d’instruction. Ce pouvoir est dévolu à la chambre de l’instruction (articles 170 et 173 du code de procédure pénale) ; il est ainsi logique de confier à la juridiction compétente pour statuer sur la validité de la procédure la responsabilité d’apprécier si la question de constitutionnalité soulevée affecte ou non la régularité de la procédure. La chambre de l’instruction pouvant être saisie à tout moment par une partie ou un témoin assisté, cette disposition n’a nullement pour conséquence de restreindre le droit des justiciables de soulever une question de constitutionnalité.

À l’instar du projet qui avait été préparé en 1990, le présent projet de loi organique exclut la possibilité de soulever une question de constitutionnalité devant la cour d’assises. Cette restriction est justifiée par la composition particulière de cette juridiction et l’intérêt qui s’attache à ce que les questions de droit et de procédure soient réglées avant l’ouverture du procès criminel. Toute latitude est ouverte, dans la phase de l’instruction en amont du procès criminel, pour permettre de soulever des questions de constitutionnalité ; le projet prévoit, en outre, en cas d’appel d’une décision de cour d’assises rendue en premier ressort, que la question pourra être soulevée au moment de la déclaration d’appel. Elle sera alors transmise à la Cour de cassation – dont la chambre criminelle est chargée de désigner la cour d’assises qui jugera en appel – de telle sorte que la question de constitutionnalité puisse être examinée avant l’ouverture des débats devant la cour d’assises statuant en appel.

b) La procédure applicable

La juridiction qui sera saisie de la question de constitutionnalité devra procéder, afin d’écarter les questions qui seraient soulevées à des fins dilatoires, à un examen portant sur trois points. En premier lieu, la question ne sera transmise que si la disposition contestée commande l’issue du litige, la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites. En deuxième lieu, la juridiction devra s’assurer que la disposition dont la constitutionnalité est contestée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision, sauf changement de circonstances. En troisième lieu, la juridiction procèdera à un examen sommaire visant à s’assurer que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

La juridiction devra en tout état de cause, si elle est saisie de moyens contestant, de façon analogue, la conformité de la disposition à la Constitution et aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur la question de constitutionnalité, sous réserve, le cas échéant, des exigences résultant de l’article 88-1 de la Constitution en matière de droit communautaire. Cette priorité d’examen est liée à l’effet erga omnes de la déclaration d’inconstitutionnalité qui conduira à l’abrogation de la disposition législative contestée. Elle s’inscrit dans la volonté de réappropriation de la Constitution par les justiciables exprimée par le pouvoir constituant lors de la révision du 23 juillet 2008.

Si la question soulevée satisfait aux conditions posées par le projet de loi organique, la juridiction transmettra rapidement la question à la juridiction suprême dont elle relève.

Afin d’éviter que la mise en œuvre du mécanisme ne serve de prétexte à des manœuvres procédurales, il est prévu que la décision de transmettre ne sera pas susceptible de recours, étant entendu que la partie qui s’oppose à ce que la question soit posée pourra faire valoir son point de vue devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation en plaidant, le cas échéant, que les conditions posées par la loi organique n’étaient pas remplies. Quant à la décision refusant de transmettre la question, elle ne pourra être contestée qu’à l’occasion d’un recours portant sur la décision au fond.

c) L’effet de la décision de transmission sur l’instance en cours

La décision de transmettre la question au Conseil d’État ou à la Cour de cassation impose que le juge sursoie à statuer jusqu’à leur décision ou, s’il a été saisi, jusqu’à celle du Conseil constitutionnel. Compte tenu des délais prévus pour l’examen de la question de constitutionnalité, la durée du sursis sera limitée à trois ou six mois.

Toutefois, afin de garantir le bon fonctionnement du service public de la justice et de permettre de répondre aux situations d’urgence, le projet de loi organique prévoit, d’une part, que le cours de l’instruction ne sera pas suspendu par la transmission de la question de constitutionnalité et, d’autre part, que le juge pourra toujours prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires. En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question pourra toujours statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

Les délais d’examen de la question de constitutionnalité par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, puis, le cas échéant, par le Conseil constitutionnel, ne sont pas compatibles avec certaines règles de procédure qui imposent que le juge statue dans un délai déterminé. Il en va ainsi, par exemple, devant le juge judiciaire, pour l’examen d’une demande de mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire ou, devant le juge administratif, dans le cadre des référés, du contentieux électoral ou de certains recours touchant au droit des étrangers.

En outre, si elle devait systématiquement avoir pour effet de retarder la clôture de l’instruction pénale, la question de constitutionnalité pourrait être utilisée à des fins dilatoires afin d’obtenir la mainlevée d’une mesure de détention provisoire par le jeu des délais fixes qui encadrent cette dernière.

Enfin, il serait contraire au but recherché que la transmission d’une question de constitutionnalité à l’occasion d’une instance portant sur une mesure privative de liberté ait pour conséquence de retarder la décision susceptible de mettre fin à cette mesure.

C’est pour ces raisons que le projet de loi organique prévoit que le juge ne sursoit pas à statuer, malgré la transmission de la question de constitutionnalité, lorsque la privation de liberté d’une personne est en cause et qu’il laisse également au juge la possibilité de ne pas surseoir à statuer lorsqu’un texte lui impose de statuer dans un délai déterminé ou en urgence.

2° La question de constitutionnalité devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation

a) La question de constitutionnalité transmise au Conseil d’État ou à la Cour de cassation

Le Conseil d’État ou la Cour de cassation disposera d’un délai de trois mois, à compter de la réception de la transmission de la question, pour saisir ou non le Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel sera saisi si le Conseil d’État ou la Cour de cassation estime que la disposition contestée commande l’issue du litige, la validité de la procédure ou constitue le fondement des poursuites, que, sauf changement de circonstances, elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision, et qu’elle soulève une question nouvelle ou présente une difficulté sérieuse.

b) La question de constitutionnalité soulevée directement devant le Conseil d’État statuant au contentieux ou devant la Cour de cassation

La question de constitutionnalité pourra également être soulevée pour la première fois devant le Conseil d’État, statuant comme juge de cassation, comme juge d’appel ou comme juge de premier et dernier ressort, ou devant la Cour de cassation. Il appartiendra au Conseil d’État ou à la Cour de cassation de saisir ou non le Conseil constitutionnel au vu des mêmes critères que ceux qui s’appliquent lorsqu’une question leur est transmise par une juridiction.

Le Conseil d’État ou la Cour de cassation surseoira à statuer tant que le Conseil constitutionnel ne se sera pas prononcé sur la question de constitutionnalité, sauf si l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. Ils pourront également ne pas surseoir à statuer s’ils sont tenus de se prononcer en urgence.

c) La création d’une formation nouvelle de la Cour de cassation pour se prononcer sur les renvois au Conseil constitutionnel

Les différentes formations du Conseil d’État statuant au contentieux pourront appliquer ce nouveau mécanisme en mettant en œuvre les règles d’organisation et de procédure de droit commun applicables devant le Conseil d’État.

En revanche, pour la Cour de cassation, il apparaît nécessaire d’instituer une formation nouvelle comprenant le premier président, les présidents des chambres et deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée. Il reviendra en principe à cette formation non spécialisée de décider du renvoi, ou non, des questions de constitutionnalité. Toutefois, lorsque la solution paraît s’imposer, le Premier président pourra renvoyer la question devant une formation réduite, composée de lui-même ainsi que du président et d’un conseiller de la chambre concernée. Le premier président et les présidents de chambre pourront être suppléés.

3° L’examen des questions de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel

a) La procédure devant le Conseil constitutionnel

Dès qu’une question de constitutionnalité aura été renvoyée par le Conseil d’État ou la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel en avisera le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, de telle sorte que ces autorités puissent adresser, si elles le souhaitent, leurs observations au Conseil constitutionnel.

La procédure devant le Conseil constitutionnel sera contradictoire. Sauf cas exceptionnel, elle sera publique. Les modalités de l’instruction seront précisées par le règlement intérieur du Conseil.

La question de constitutionnalité constitue un incident d’instance et ne se distingue pas de l’instance principale à l’occasion de laquelle elle est soulevée. Par conséquent, il n’y a pas lieu de prévoir que l’aide juridictionnelle puisse être accordée à une partie spécialement en vue ou à l’occasion de la question de constitutionnalité. Toutefois, un décret fixera les modalités de majoration de la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au titre de l’aide juridictionnelle lorsqu’une question de constitutionnalité est transmise au Conseil constitutionnel.

b) La décision du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel rendra sa décision dans un délai de trois mois. Cette décision sera notifiée aux parties et communiquée au Conseil d’État ou à la Cour de cassation ainsi qu’à la juridiction devant laquelle la question de constitutionnalité a été soulevée. Elle sera également notifiée au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents des assemblées et publiée au Journal officiel.

Pour la bonne information des justiciables, l’article 2 du projet de loi organique insère dans le code de justice administrative, le code de l’organisation judiciaire et le code de procédure pénale un chapitre consacré à la question de constitutionnalité, qui renvoie aux dispositions de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

L’article 3 prévoit que les mesures réglementaires d’application de la loi organique seront prises dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 précitée.

L’article 4 prévoit l’entrée en vigueur de la loi organique le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication. Ce léger différé d’application permettra au pouvoir réglementaire d’adopter les dispositions nécessaires, par exemple en matière d’aide juridictionnelle, et aux juridictions de se préparer dans les meilleures conditions à la mise en œuvre de la nouvelle procédure.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui sera chargée d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article 1er

Il est inséré, après le chapitre II du titre II de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, un chapitre II bis ainsi rédigé :

« Chapitre II bis

« De la question de constitutionnalité

« Section 1

« Dispositions applicables devant les juridictions
relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation

« Art. 23-1. – Devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office.

« Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis.

« Si le moyen est soulevé au cours de l’instruction pénale, la juridiction d’instruction du second degré en est saisie.

« Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d’assises. En cas d’appel d’une décision rendue par la cour d’assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d’appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation.

« Art. 23-2. – La juridiction transmet la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° La disposition contestée commande l’issue du litige ou la validité de la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

« 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

« 3° La question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

« La juridiction doit en tout état de cause, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant, de façon analogue, la conformité de la disposition à la Constitution et aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur la question de constitutionnalité, sous réserve, le cas échéant, des exigences résultant de l’article 88-1 de la Constitution.

« La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d’État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n’est susceptible d’aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.

« Art. 23-3. – Lorsque la juridiction décide de transmettre la question, elle sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires.

« Toutefois, il n’est pas sursis à statuer lorsqu’une personne est privée de liberté à raison de l’instance, ni lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté.

« La juridiction peut également statuer sans attendre la décision relative à la question de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu’elle statue dans un délai déterminé ou en urgence. Si la juridiction de première instance statue sans attendre et s’il est formé appel de sa décision, la juridiction d’appel sursoit à statuer à moins qu’elle ne soit elle-même tenue de se prononcer dans un délai déterminé ou en urgence.

« En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

« Si un pourvoi en cassation a été introduit alors que les juges du fond se sont prononcés sans attendre la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, celle du Conseil constitutionnel, il est sursis à toute décision sur le pourvoi tant qu’il n’a pas été statué sur la question de constitutionnalité. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.

« Section 2

« Dispositions applicables
devant le Conseil d’État et la Cour de cassation

« Art. 23-4. – Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l’article 23-2 ou au dernier alinéa de l’article 23-1, le Conseil d’État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article 23-2 sont remplies et que la disposition contestée soulève une question nouvelle ou présente une difficulté sérieuse.

« Art. 23-5. – Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Il ne peut être relevé d’office.

« Le Conseil d’État ou la Cour de cassation saisit le Conseil constitutionnel de la question de constitutionnalité dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article 23-2 sont remplies et que la disposition contestée soulève une question nouvelle ou présente une difficulté sérieuse.

« Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d’État ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu’à ce qu’il se soit prononcé. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation est tenu de se prononcer en urgence, il peut n’être pas sursis à statuer.

« Art. 23-6. – Le premier président de la Cour de cassation est destinataire des transmissions à la Cour de cassation prévues à l’article 23-2 et au dernier alinéa de l’article 23-1. Le mémoire mentionné à l’article 23-5, présenté dans le cadre d’une instance devant la Cour de cassation, lui est également transmis.

« Le premier président avise immédiatement le procureur général.

« L’arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.

« Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la question devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre.

« Pour l’application des deux précédents alinéas, le premier président peut être suppléé par un délégué qu’il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation. Les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués qu’ils désignent parmi les conseillers de la chambre.

« Art. 23-7. – La décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation de saisir le Conseil constitutionnel lui est transmise avec les mémoires ou les conclusions des parties. Le Conseil constitutionnel reçoit une copie de la décision par laquelle le Conseil d’État ou la Cour de cassation décide de ne pas le saisir d’une question de constitutionnalité.

« La décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation est communiquée à la juridiction qui a transmis la question de constitutionnalité et notifiée aux parties.

« Section 3

« Dispositions applicables devant le Conseil constitutionnel

« Art. 23-8. – Le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ceux-ci peuvent adresser au Conseil leurs observations sur la question de constitutionnalité qui lui est soumise.

« Art. 23-9. – Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. L’audience est publique, sauf dans les cas exceptionnels définis par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel.

« Art. 23-10. – La décision du Conseil constitutionnel est motivée. Elle est notifiée aux parties et communiquée soit au Conseil d’État, soit à la Cour de cassation ainsi que, le cas échéant, à la juridiction devant laquelle la question de constitutionnalité a été soulevée.

« Le Conseil constitutionnel notifie également sa décision au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.

« La décision du Conseil constitutionnel est publiée au Journal officiel.

« Art. 23-11. – Lorsqu’une question de constitutionnalité a été transmise au Conseil constitutionnel, la contribution de l’État à la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au titre de l’aide juridictionnelle est majorée selon des modalités fixées par voie réglementaire. »

Article 2

I. – Il est créé au titre VII du livre VII du code de justice administrative (partie législative), après le chapitre Ier, un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« Chapitre Ier bis

« La question de constitutionnalité

« Art. L.O. 771-1. – La transmission par une juridiction administrative d’une question de constitutionnalité au Conseil d’État obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

« Art. L.O. 771-2. – Le renvoi par le Conseil d’État d’une question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel obéit aux règles définies par les articles 23-4, 23-5 et 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »

II. – Il est créé au livre IV du code de l’organisation judiciaire (partie législative), un titre VI ainsi rédigé :

« TITRE VI

« QUESTION DE CONSTITUTIONNALITÉ

« Art. L.O. 461-1. – La transmission par une juridiction de l’ordre judiciaire d’une question de constitutionnalité à la Cour de cassation obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

« Art. L.O. 461-2. – Le renvoi par la Cour de cassation d’une question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel obéit aux règles définies par les articles 23-4 à 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »

III. – Le titre Ier bis du livre IV du code de procédure pénale (partie législative) est rétabli dans la rédaction suivante :

« TITRE IER BIS

« DE LA QUESTION DE CONSTITUTIONNALITÉ

« Art. L.O. 630. – Les conditions dans lesquelles le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé dans une instance pénale, ainsi que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut être saisi par la Cour de cassation de la question de constitutionnalité, obéissent aux règles définies aux articles 23-1 à 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »

Article 3

Les modalités d’application de la présente loi organique sont fixées dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. À l’article 56, après les mots : « les règles de procédure », sont ajoutés les mots : « applicables devant lui ».

Article 4

Les dispositions de la présente loi organique entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication.

Fait à Paris, le 8 avril 2009.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
La garde des sceaux, ministre de la justice


Signé :
Rachida DATI


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