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N° 1733

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juin 2009.

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire
en
matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Bernard KOUCHNER,
ministre des affaires étrangères et européennes
.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 18 avril 2008, le ministre des affaires étrangères et européennes et le ministre marocain de la justice, ont signé à Rabat une convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière pénale, à la suite de l’engagement en novembre 2005 de négociations portant sur deux projets de convention judiciaire en matière pénale (entraide judiciaire et extradition).

En effet, l’actuelle convention d’aide judiciaire mutuelle, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957 se révèle inadaptée aux évolutions de la criminalité affectant les deux pays, notamment dans le domaine du terrorisme, du trafic de stupéfiants et de l’immigration clandestine. En outre, les modifications du droit positif des deux États, marquées notamment par l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale marocain en octobre 2003 et l’adoption en France de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, justifiaient une modernisation du cadre juridique de la coopération judiciaire bilatérale.

La signature de cette convention, avec celle, concomitante, de la convention d’extradition entre les deux États, et après celle de l’avenant à la convention sur l’assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés intervenue au mois d’octobre 2007, ouvre la voie à une coopération judiciaire en matière pénale renforcée et modernisée entre le Maroc et la France.

Cette nouvelle convention a un vaste champ d’application puisque les Parties s’engagent à s’accorder mutuellement l’aide la plus large possible y compris, comme l’a souhaité explicitement la Partie française dans les actions civiles jointes aux actions pénales, et dans les procédures d’instruction et de notification en matière d’exécution des peines ou des mesures de sûreté. Par ailleurs, elle introduit de nouvelles formes d’entraide, telles que la communication d’informations bancaires ou le recours aux livraisons surveillées. Enfin, elle consacre le principe de la communication directe des demandes et de leurs pièces d’exécution entre les ministères de la justice.

La présente convention comporte trente articles.

L’article 1er, qui définit par une formulation très large le champ de l’entraide, précise que les deux Parties s’engagent à s’accorder mutuellement l’aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions dont la répression est, au moment où l’entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la Partie requérante. Le paragraphe 2 inclut, notamment, dans le champ de l’entraide, sous condition, les actions civiles jointes aux actions pénales. Le paragraphe 3 exclut du champ de la convention l’exécution des décisions d’arrestation et de condamnation et les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

L’article 2 prévoit que les autorités compétentes pour la mise en œuvre de la convention sont les autorités judiciaires.

L’article 3 traite des restrictions à l’entraide en distinguant les motifs de refus.

Les motifs de refus comprennent, de manière classique, le risque d’atteinte à la souveraineté, la sécurité, l’ordre public ou d’autres intérêts essentiels de la Partie requise, ainsi que le caractère politique de l’infraction.

En revanche, conformément au paragraphe 4, le secret bancaire ne saurait constituer un motif de refus.

Conformément au paragraphe 5, avant de refuser l’entraide judiciaire, la Partie requise apprécie si elle peut être accordée à telles conditions qu’elle juge nécessaires. Si la Partie requérante y consent, elle doit s’y conformer.

Conformément au paragraphe 6, tout refus d’entraide doit être motivé.

L’article 4 détermine les éléments que doit comporter la demande d’entraide, la forme qu’elle doit présenter, et pose le principe de l’utilisation, indifférente, de la langue de la Partie requérante ou de celle de la Partie requise.

L’article 5 définit les modalités de transmission qui peuvent être utilisées dans le cadre de l’entraide judiciaire et pose le principe d’une transmission directe entre ministères de la justice. Le paragraphe 2 de cet article prévoit néanmoins qu’en cas d’urgence, les demandes d’entraide peuvent être adressées directement par les autorités judiciaires de la Partie requérante aux autorités judiciaires de la Partie requise, sous réserve de régularisation ultérieure de la procédure.

L’article 6 précise que les autorités centrales sont les ministères de la justice respectifs.

L’article 7 rappelle le principe classique selon lequel l’entraide est exécutée conformément à la législation de la Partie requise.

Toutefois, il prévoit également que la demande est exécutée dans les formes spécifiées par la Partie requérante, dans la mesure où ces formalités et procédures ne sont pas contraires aux principes fondamentaux de la Partie requise, ce qui devrait favoriser l’admissibilité des preuves recueillies dans la procédure pénale engagée dans cet État.

Ce même article précise que lorsque la demande ne peut pas être exécutée, ou ne peut pas être exécutée entièrement, les autorités de la Partie requise en informent sans délai les autorités de la Partie requérante et indiquent les conditions dans lesquelles la demande pourrait être exécutée ; il fait également obligation à la Partie requise d’informer la Partie requérante de toute circonstance pouvant retarder de manière significative l’exécution de la demande.

Deux points méritent d’être relevés : d’une part, la Partie requise peut différer l’entraide si l’exécution de la demande est susceptible d’entraver une enquête ou des poursuites en cours, d’autre part, les autorités de la Partie requérante ou les personnes mentionnées dans la demande, peuvent faire interroger un témoin ou un expert, si la législation de la Partie requise le permet.

À moins qu’elle ne sollicite expressément les originaux, les documents ou dossiers demandés par la Partie requérante peuvent lui être communiqués en copies ou photocopies certifiées conformes.

Les originaux et les objets qui auraient été communiqués sont renvoyés aussitôt que possible à la Partie requise, à moins que celle-ci n’y ait renoncé.

L’article 8 régit les conditions de divulgation et d’utilisation des éléments communiqués en exécution d’une demande d’entraide. Ainsi, afin d’éviter de compromettre les investigations, il pose le principe du respect, par la Partie requise, de la confidentialité de la demande. Si la Partie requise ne peut exécuter la demande sans lever la confidentialité exigée, il en informe la Partie requérante qui décide de donner suite ou non. Le paragraphe 3 prévoit explicitement que la Partie requérante ne peut utiliser une information ou un élément de preuve à d’autres fins que celles qui auront été stipulées dans la demande sans l’accord préalable de la Partie requise.

L’article 9 traite des demandes d’entraide complémentaires et en fixe le régime. À noter que si l’autorité compétente, qui a fait une demande d’entraide judiciaire, participe à son exécution dans la Partie requise, elle peut adresser une demande complémentaire directement à l’autorité compétente de la Partie requise tant qu’elle est présente sur le territoire de cette Partie

L’article 10 précise que la Partie requérante a la faculté, si elle l’estime particulièrement nécessaire, de demander la comparution personnelle d’un témoin ou d’un expert. La Partie requise invite ce témoin ou cet expert à comparaître.

Elle doit alors indiquer le montant approximatif des indemnités, frais de voyage et de séjour à rembourser.

Le paragraphe 4 pose le principe que le témoin ou l’expert qui n’aura pas déféré à une citation à comparaître n’encourt, conformément à l’usage international, aucune sanction, alors même que la citation à comparaître contiendrait des injonctions, à moins qu’il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de la Partie requérante et qu’il y soit régulièrement cité à nouveau.

À noter, enfin, que les deux Parties peuvent convenir des mesures de protection de la personne concernée.

L’article 11 prévoit, dans une rédaction largement inspirée de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, la comparution des témoins ou experts sur le territoire de la Partie requérante et aménage, au profit de ces derniers, certaines immunités.

L’article 12 dispose que toute personne détenue dont la comparution personnelle est demandée par la Partie requérante est, sous conditions, transférée temporairement sur le territoire où l’audition doit avoir lieu. Le transfèrement peut être refusé si la personne détenue n’y consent pas, si sa présence est nécessaire dans une procédure pénale en cours sur le territoire de la Partie requise, si son transfèrement est susceptible de prolonger sa détention ou si d’autres considérations impérieuses s’opposent à son transfèrement sur le territoire de la Partie requérante.

L’article 13 a pour objet spécifique le transfert temporaire de personnes détenues aux fins d’une instruction.

L’article 14 traite des questions communes aux articles 12 et 13 concernant les modalités du transfèrement temporaire d’une personne détenue dans la Partie requise vers la Partie requérante. Il pose le principe de la fourniture d’une déclaration relative au consentement de la personne détenue, ainsi que celui du maintien en détention de l’intéressé sur le territoire de la Partie requérante.

L’article 15 permet de doter d’un cadre juridique la coopération bilatérale pour le recours aux « livraisons surveillées » effectuées dans le cadre d’une enquête pénale relative à une infraction susceptible de donner lieu à une extradition.

Les articles 16 et 17 traitent de la question de la responsabilité pénale et civile des fonctionnaires participant aux livraisons surveillées prévues ci-dessus. Ils posent le principe de leur assimilation aux fonctionnaires de la Partie sur le territoire de laquelle ils opèrent. Dans le domaine civil, la Partie dont les fonctionnaires ont causé des dommages à des tiers rembourse à l’autre Partie les sommes versées éventuellement à ces victimes ou à leurs ayants-droit.

L’article 18 a trait aux demandes d’informations en matière bancaire et prévoit une obligation de transmission à la Partie requérante de tous les renseignements concernant les comptes de toute nature, détenus ou contrôlés, dans une banque quelconque située sur le territoire de la Partie requise, par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale dans la Partie requérante. La possibilité d’un suivi des opérations bancaires sur une période déterminée est également prévu (paragraphe 3).

L’article 19 prévoit que la Partie requise exécute, dans la mesure où sa législation le lui permet, les demandes de perquisition, de gel d’avoirs et de saisie des pièces à conviction relatifs à l’infraction, objet de l’enquête dans la Partie requérante. La Partie requise informe cette dernière du résultat de l’exécution de la demande.

L’article 20 prévoit que la Partie requise s’efforce, sur demande de la Partie requérante, d’établir si des produits ou des instruments d’une infraction pénale se trouvent dans sa juridiction. Si tel est le cas, la Partie requise, à la demande de la Partie requérante, prend, conformément à sa législation, les mesures nécessaires pour empêcher que ces produits fassent l’objet de transactions. Les produits et instruments confisqués doivent, dans la mesure où la législation de la Partie requise le permet, être transférés à la Partie requérante si cette dernière en fait la demande.

L’article 21 traite de la restitution à leur propriétaire légitime des objets obtenus par des moyens illicites.

L’article 22 traite des modalités pratiques d’envoi et de remise d’actes judiciaires en matière pénale qui font intervenir le parquet dans le ressort duquel se trouve le destinataire de l’acte.

À noter que le paragraphe 6 réserve la faculté pour les Parties contractantes de faire remettre directement par leurs représentants ou les délégués de ceux-ci les actes judiciaires et extrajudiciaires destinés à leurs propres ressortissants.

L’article 23 prévoit la transmission directe entre autorités judiciaires des dénonciations aux fins de poursuite devant les tribunaux de l’autre Partie.

L’article 24 stipule qu’en dehors de toute demande en ce sens, les autorités compétentes des deux Parties peuvent échanger des informations sur des faits pénalement punissables pour lesquels l’autorité destinataire est compétente, sous certaines conditions.

L’article 25 prévoit que la Partie requise communique, dans la mesure où ses autorités judiciaires pourraient elles-mêmes les obtenir en pareil cas, les extraits du casier judiciaire et tous renseignements relatifs à ce dernier qui lui sont demandés par les autorités judiciaires de la Partie requérante pour les besoins d’une affaire pénale. Dans les autres cas, il est donné suite à une telle demande dans les conditions prévues par la législation, les règlements ou la pratique de la Partie requise.

L’article 26 traite de la dispense de légalisation pour tous les pièces et documents transmis en application de la présente convention.

L’article 27 pose le principe que sous réserve des dispositions du paragraphe 3 de l’article 10, l’exécution des demandes d’entraide ne donne lieu au remboursement d’aucun frais, à l’exception de ceux occasionnés par l’intervention d’experts sur le territoire de la Partie requise et par le transfèrement de personnes détenues en application des articles 12 et 13.

L’article 28 prévoit que les Parties se consultent sur l’interprétation et l’application de la présente convention par la voie diplomatique.

L’article 29 a pour objet l’abrogation, résultant de l’entrée en vigueur de la présente convention, des dispositions des articles 8, 14 et 15 de la convention d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, faite à Paris le 5 octobre 1957, ainsi que les autres dispositions de cette dernière en tant qu’elles sont susceptibles de s’appliquer à l’entraide judiciaire en matière pénale.

S’agissant des clauses finales d’entrée en vigueur et de dénonciation, l’article 30 dispose que la convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification relative à l’accomplissement des procédures constitutionnelles requises. Par ailleurs, chacune des deux Parties pourra dénoncer à tout moment la présente convention, par une notification écrite adressée à l’autre Partie par la voie diplomatique ; dans ce cas, la dénonciation prendra effet le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de ladite notification

Telles sont les principales observations qu’appelle la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, signée à Rabat le 18 avril 2008, qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc signée à Rabat le 18 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 10 juin 2009.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre
des affaires étrangères et européennes,


Signé :
Bernard KOUCHNER

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