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N° 1792

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er juillet 2009.

PROJET DE LOI

autorisant l’adhésion à la convention internationale de 2001
sur la responsabilité civile pour les
dommages dus à la pollution
par les
hydrocarbures de soute
,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Bernard KOUCHNER,

ministre des affaires étrangères et européennes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Une conférence diplomatique convoquée par l’Organisation maritime internationale (OMI) a adopté à Londres la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus aux hydrocarbures de soute.

Cette convention vise à garantir une indemnisation convenable, rapide et efficace aux personnes victimes de dommages de pollution dus aux déversements d’hydrocarbures de soute. Le terme hydrocarbures de soute recouvre les hydrocarbures minéraux utilisés par les navires pour leur propulsion et pour le fonctionnement des équipements du bord, ainsi que les hydrocarbures minéraux utilisés à des fins de lubrification ou dans des dispositifs hydrauliques. Les résidus de ces hydrocarbures stockés à bord sont également compris dans la définition.

Le dispositif créé par la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus aux hydrocarbures de soute complète celui mis en place par les deux systèmes issus des conventions internationales de 1992 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (CLC) et la création d’un Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) et de la convention de 1996 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (HNS), qui ne couvrent pas les hydrocarbures lorsqu’ils sont utilisés comme combustible de soute par des navires non pétroliers.

Cette convention a en commun avec les dispositifs CLC/FIPOL et HNS de mettre en œuvre un système de responsabilité objective du propriétaire du navire, assorti à un plafond de responsabilité et à une obligation d’assurance ou de garantie financière permettant un recours direct devant l’assureur. Il existe cependant deux différences significatives avec les dispositifs CLC/FIPOL et HNS.

La convention hydrocarbures de soute ne prévoit pas de « canalisation » de la responsabilité vers le propriétaire inscrit ; au contraire même, la définition du propriétaire inclut « le propriétaire inscrit, l’affréteur coque nue, l’armateur gérant et l’exploitant du navire ». Tous ces acteurs sont responsables selon les termes de la convention. L’obligation d’assurance ou de garantie financière ne pèse néanmoins que sur le propriétaire inscrit. La suppression de la canalisation élargit les recours possibles pour les victimes, au risque le cas échéant d’introduire une plus grande complexité des procédures judiciaires. Ce dispositif constitue une différence fondamentale avec la convention CLC 1992 où la responsabilité est fortement canalisée.

La seconde spécificité de cette convention concerne les montants d’indemnisation et le renvoi à ceux de la convention LLMC. En effet, les négociateurs ont considéré que les pollutions couvertes par cette convention étaient potentiellement d’ampleur plus limitée sur celles couvertes par les systèmes CLC/FIPOL et HNS. Pour ces raisons, la convention ne fixe pas son propre plafond mais renvoie aux limites de la convention LLMC. La création d’un fonds d’indemnisation complémentaire, comme il en existe dans les systèmes CLC/FIPOL et HNS, n’a pas paru à l’époque nécessaire.

Champ d’application

a) Champ d’application quant aux navires concernés (article 1) :

La convention s’applique à tous les navires : « tout bâtiment de mer ou engin marin, quel qu’il soit » y compris les navires de pêche. Sont exclus par l’article 4.2 les navires de guerre, les navires de guerres auxiliaires ou autres navires appartenant à un État ou exploités par lui et utilisés exclusivement, à l’époque considérée, pour un service public non commercial. Le paragraphe 3 du même article prévoit la possibilité pour chaque État d’appliquer la convention aux navires précédemment nommés. Il n’est pas proposé d’étendre la convention à ces navires ;

b) Champ d’application géographique (article 2) :

La convention s’applique aux dommages par pollution survenus sur le territoire, y compris la mer territoriale d’un État Partie et dans la zone économique exclusive d’un État Partie ainsi qu’aux mesures de sauvegarde, où qu’elles soient prises, destinées à prévenir ou à limiter de tels dommages.

Responsabilité et exonérations  du propriétaire du navire

La convention prévoit dans son article 3.1, le principe d’une responsabilité objective, c’est-à-dire sans faute, du propriétaire du navire. Ce dernier est « responsable de tout dommage par pollution causé par des hydrocarbures de soute se trouvant à bord ou provenant du navire ». Il ne peut s’exonérer que de façon restrictive, dans les cas mentionnés à l’article 3 paragraphes 3 et 4 : actes de guerre, événements de force majeure, fait intentionnel d’un tiers, négligence d’un Gouvernement dans l’entretien des feux et autres aides à la navigation ou faute de la victime.

Comme évoqué ci-dessus, la convention définit le propriétaire du navire considéré comme englobant « le propriétaire inscrit, l’affréteur coque nue, l’armateur gérant et l’exploitant du navire » (article 1.3 de la convention).

Limitation de responsabilité

L’article 6 de la convention prévoit la possibilité pour le propriétaire du navire de limiter sa responsabilité conformément au cadre créé pour les conventions maritimes. La convention ne crée pas de plafond de limitation spécifique aux soutes. Le propriétaire du navire est ainsi en droit de limiter sa responsabilité en vertu de tout régime national ou international applicable, tel que la convention de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes telle que modifiée (convention LLMC).

La Conférence diplomatique a adopté une résolution demandant à tous les États de ratifier le protocole de 1996 augmentant les plafonds de la convention LLMC. Cette résolution vise à harmoniser le cadre international et permettre d’offrir aux victimes les niveaux d’indemnisation les plus adaptés. Ce protocole, entré en vigueur le 13 mai 2004 a été ratifié par la France en 2006 (Journal officiel du 6 juillet 2006).

La référence aux plafonds de LLMC permet, grâce au protocole de 1996, un relèvement des plafonds par une procédure simplifiée d’amendement tacite. Cela pourrait s’avérer utile s’il apparaissait que les accidents de pollution par combustibles de soute causaient d’importants dommages avec des niveaux d’indemnisation insuffisants.

PLAFONDS DE LLMC 1976 : (entrée en vigueur le 1er décembre 1986)

 

Atteintes aux biens

De 0 à 500 tjb

167 000 DTS

De 501 à 30 000 t

167 DTS / tjb

De 30 001 à 70 000 tjb

125 DTS / tjb

> à 70 000 tjb

83 DTS /tjb

PLAFONDS DE LLMC 1996 : (entrée en vigueur le 13 mai 2004)

 

Atteintes aux biens
ou aux personnes tierces

De 0 à 2 000 tjb

1 million DTS

De 2 001 à 3 0000 t

400 DTS / tjb

De 30 001 à 70 000 tjb

300 DTS / tjb

> à 70 000 tjb

200 DTS /tjb

Souscription d’une assurance ou garantie financière

L’article 7 prévoit que le propriétaire inscrit de tout navire d’une jauge brute supérieure à 1 000 est tenu de souscrire une assurance ou autre garantie financière afin de couvrir sa responsabilité en cas de pollution, pour un montant égal aux limites de sa responsabilité définies par la convention LLMC. Le dispositif de l’assurance ou garantie financière obligatoire est identique à celui existant dans les conventions CLC et HNS. À noter que seul le propriétaire inscrit est concerné par l’obligation d’assurance ou de garantie financière. Cette obligation s’adresse à tout navire quel que soit son lieu d’immatriculation, qui touche ou quitte un port d’un État Partie de même que toute installation au large située dans la mer territoriale d’un État Partie.

Les États membres délivrent à chaque navire un certificat, attestant de la validité de l’assurance ou de la garantie financière. Il doit se trouver à bord du navire et une copie doit être déposée aux autorités compétentes. Les certificats délivrés par un État Partie sont acceptés par les autres États et sont considérés par eux comme ayant la même valeur que les certificats qu’ils ont eux-mêmes délivrés, même lorsqu’il s’agit d’un navire qui n’est pas immatriculé dans un État Partie.

La convention dans son article 7-15 donne la possibilité aux États de ne pas appliquer l’obligation d’assurance aux navires exploités exclusivement sur le territoire et la mer territoriale. Il est proposé de ne pas faire application de cette possibilité.

La convention retient un seuil de jauge de 1 000. Cela devrait concerner en France entre 270 et 300 navires. En comparaison, le seuil posé par la convention CLC est de 2 000 et concerne aujourd’hui moins de 50 navires français. Le certificat délivré doit être conforme au modèle joint en annexe de la convention et porter tous les renseignements qu’elle prescrit. Le certificat demandé comme preuve de l’assurance est quasiment identique à celui de la convention CLC.

La convention laisse aux États le soin de déterminer les conditions de délivrance et de validité du certificat. Actuellement, la procédure de délivrance des certificats CLC est déconcentrée au niveau des préfets de départements (directions départementales des affaires maritimes). La mise en œuvre de la convention de 2001 va nécessiter de revisiter la circulaire transports/DTMPL du 23 mars 1998 relative à certaines procédures de déconcentration (dont procédure de délivrance des certificats) afin de clarifier les conditions de cette délivrance. Sur le modèle des dispositifs anglais et allemands, il est proposé de demander aux services de délivrance de vérifier que les attestations d’assurances ou de garanties financières qui sont soumises à certification ont été délivrées par des organismes relevant de l’international club des P&I, de la fédération française des assurances ou de groupes bancaires reconnus. Dans le cas contraire, une expertise complémentaire devrait être effectuée par l’administration centrale.

La convention de 2001 prévoit la possibilité de dématérialisation des certificats, l’État d’immatriculation devant alors mettre ces derniers à disposition de l’État de contrôle par voie électronique. Cette dématérialisation n’est pas opérationnelle aujourd’hui mais on peut noter la création d’un groupe de travail au sein de l’OMI afin de réfléchir à un certificat d’assurance ou de garantie financière unique qui serait commun à toutes les conventions spécifiques (CLC - HNS - Soutes - épaves) liées à la responsabilité. L’aboutissement de ce travail pourra être suivi d’un volet dématérialisation.

Alors que la situation actuelle est celle d’une assurance ou garantie financière non obligatoire, les armateurs français sont déjà assurés pour ce type de pollution. Néanmoins, même lorsqu’un armateur est déjà assuré conformément aux exigences de la convention, l’absence de certificat délivré par un État Partie à cette convention l’expose à des mesures de refus d’accès, à des détentions, voire à des sanctions pénales. L’absence de certificat étant une non-conformité pour le contrôle de l’État du port a aussi pour conséquence de dégrader le classement au titre de ce contrôle de l’État du pavillon des navires concernés.

Action directe contre l’assureur

En vertu de l’article 7-10, l’action en responsabilité peut être directement formée par les victimes d’une pollution contre l’assureur ou l’organisme ayant fourni la garantie financière. Dans un tel cas, le défendeur pourra invoquer les moyens de défense que le propriétaire pouvait invoquer. De même, l’assureur pourra se prévaloir de la limitation de responsabilité. Ce principe de l’action directe existe déjà dans la convention CLC et HNS.

Une non-exclusion des cas de terrorisme

La convention de 2001 ne prévoit aucune exclusion de responsabilité en matière de terrorisme. Cette question a été posée par l’international club des P&I au comité juridique de l’OMI de 2007. Il est à remarquer qu’aucune disposition spécifique sur le terrorisme n’est présente dans la convention CLC. Alors que l’OMI a souhaité rechercher une solution ad hoc à cette question dans le cadre de la mise en œuvre de la convention d’Athènes en matière d’indemnisation des passagers, l’OMI a indiqué qu’une solution devait être trouvée en la matière pour le volet « soutes » par le marché de l’assurance et maintenu sa position quant à l’exclusion de la responsabilité en cas d’acte terroriste.

Prescription

Les droits à indemnisation prévus par la convention se prescrivent trois ans à compter de la date à laquelle le dommage est survenu. En outre, aucune action en justice ne peut être intentée six ans à compter de la date à laquelle s’est produit l’événement ayant occasionné le dommage.

Compétence des tribunaux, reconnaissance et exécution des jugements

L’article 9 contient des règles relatives à la compétence. Le tribunal compétent est le tribunal du lieu du dommage. L’article 10 contient des règles relatives à la reconnaissance et l’exécution des jugements.

Ces questions sont déjà régies par le droit communautaire dérivé, en particulier le règlement CE 44/2001 (dit « Bruxelles I »). Les règles en matière de reconnaissance et exécution des jugements sont plus précises dans le règlement. La décision 2002/762/CE du Conseil autorise les États membres de la Communauté à signer et ratifier la convention, mais dans son article 3, il est demandé aux États membres de joindre à leur ratification une déclaration aux termes de laquelle les décisions rendues par le tribunal d’un État membre seront reconnues dans les autres États membres conformément aux dispositions du règlement (articles 33 et suivants).

État des ratifications et entrée en vigueur de la convention

L’article 14 de la convention de 2001 prévoit une entrée en vigueur un an après la date à laquelle dix-huit États, dont cinq ayant chacun des navires dont la jauge brute n’est pas inférieure à 1 million, soit l’ont signée sans réserve, soit ont déposé un instrument de ratification. Elle est ainsi entrée en vigueur le 21 novembre 2008.

Il est important que la France puisse adhérer rapidement à cet instrument. En effet, depuis que la convention est entrée en vigueur, l’obligation de détenir un certificat d’assurance s’impose aux armateurs français. Or la France n’est pas en mesure aujourd’hui de leur délivrer ce certificat aussi longtemps qu’elle ne sera pas devenue Partie à la convention. Dans un cadre plus général, cette adhésion permettra aussi à la France de démontrer son soutien aux instruments de l’OMI.

Telles sont les principales observations qu’appelle la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée l’adhésion à la convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (convention « Hydrocarbures de soute ») (ensemble une annexe), adoptée à Londres le 23 mars 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 1er juillet 2009.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères
et européennes


Signé :
Bernard KOUCHNER


© Assemblée nationale