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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

     
     

NOR :

MAEJ0913666L

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée

des flux migratoires et au développement solidaire

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FICHE D’IMPACT

I – Problématique et objectifs de l’accord :

Le Cap-Vert est par tradition un pays d’émigration. Les Cap-verdiens vivent plus nombreux à l’étranger (700 000 à 800 000) que dans leur pays (550 000 habitants). La diaspora cap-verdienne se trouve essentiellement, par ordre d’importance des pays d’accueil, aux Etats-Unis,  au Portugal, en Angola, au Sénégal, aux Pays-Bas et en France. Par ailleurs, le Cap-Vert est devenu ces dernières années un pays de transit de la migration irrégulière vers l’Europe. Aux ressortissants ouest-africains de la CEDEAO qui peuvent pénétrer dans l’archipel sans visa, se sont ajoutés, avec le développement de la fraude documentaire, des filières d’Afrique centrale et d’Asie dont la destination finale est l’Europe.

La communauté cap-verdienne en France en situation régulière représente près de 11 000 personnes en 2008 (en croissance légère, mais régulière, de 21 % par rapport à 2003), avec un flux annuel de près de 700 personnes en premiers titres de séjour délivrés depuis 2004, dont près des trois-quart pour motifs familiaux. L’immigration pour motifs professionnel ou d’études reste à ce jour marginale.

Les Cap-verdiens en situation irrégulière sur le territoire français sont estimés à environ 20 000 et la pression migratoire reste forte, comme en témoigne le taux de refus de visas, élevé et en augmentation (17 % en 2004, 29 % en 2008). Le risque migratoire est à la mesure de l’importance de cette communauté cap-verdienne. Le nombre de mesures d’éloignement prononcées est significatif (640 en 2007 pour 116 mesures exécutées) et croissant (doublement par rapport à 2006).

L’accord signé le 24 novembre 2008 à Paris vise à développer un partenariat bilatéral tendant à assurer une maîtrise des flux migratoires et s’inscrivant dans le cadre de la politique européenne en matière de migrations. Cet accord poursuit quatre objectifs :

a) Faciliter la circulation des personnes qui participent activement aux relations économiques, commerciales, professionnelles, universitaires, scientifiques, culturelles ou sportives entre la France et le Cap-Vert, par augmentation du nombre de visas de court séjour à entrées multiples, dits visas de circulation, d’une durée de validité de un à cinq ans délivrés à ces personnes.

La demande globale de visas est assez stable de 2004 à 2007 (entre 4100 et 4300 sauf en 2005) puis a décru en 2008 (3444 visas demandés, soit -17 % par rapport à 2004). La délivrance de visas (de court séjour à près de 96 %) enregistre une forte baisse (3400 en 2004, 2400 en 2008, soit -30 %). La proportion de visas de circulation est significative et continue à progresser, notamment en 2008 (de 11,5 % des visas de court séjour en 2004 à 14,34 % en 2007 et 21,12 % en 2008, soit 481 visas délivrés en 2008). Cette disposition de l’accord vise donc à encourager la poursuite de l’évolution actuelle.

b) Encourager la migration professionnelle temporaire des Cap-verdiens en tenant compte des besoins du marché du travail français et des capacités du Cap-Vert. A cette fin, l’accord prévoit :

- l’ouverture du marché du travail français aux ressortissants cap-verdiens, sans que leur soit opposée la situation de l’emploi, à 40 métiers qualifiés ou hautement qualifiés dans 13 domaines différents ;

- la délivrance de cartes « compétences et talents » sans limitation de renouvellement ;

- le lancement d’un programme d’échanges de jeunes professionnels ;

- la possibilité pour les étudiants cap-verdiens ayant obtenu en France un diplôme au moins équivalent au master d’y rechercher pendant neuf mois un emploi afin de compléter leur formation par une première expérience professionnelle.

En matière de visas de long séjour, le nombre de visas délivrés à des ressortissants cap-verdiens est faible et variable : 82 en 2004, 106 en 2005, 66 en 2006, 123 en 2007, 101 en 2008. Ces visas sont délivrés pour les 2/3 au titre du regroupement familial (82 en 2007, 69 en 2008), le reste allant aux conjoints de Français (20 en 2007, 27 en 2008) et aux étudiants (27 en 2007, 11 en 2008).

La migration professionnelle est à l’heure actuelle marginale : 5 salariés en 2007, 20 en 2008 ; 1 travailleur temporaire en 2007 et 3 en 2008.

c) Accroître l’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière essentiellement dans deux directions :

- la réadmission des nationaux en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie. Dans ce domaine, sur 640 mesures d’éloignement prononcées en 2007 à l’encontre de Cap-verdiens (dont 345 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) et 253 obligations de quitter le territoire français (OQTF)), 116 ont été exécutées (111 en 2008). L’accord conforte ainsi une pratique d’ores et déjà encourageante puisque le Cap-Vert ne fait pas de difficulté pour réadmettre ses nationaux, comme l’atteste le taux de délivrance de laissez-passer consulaires (LPC) passé de 8,3 % en 2003 pour 48 demandes de LPC à 40,3 % en 2007 pour 67 demandes et 42,4 % en 2008 pour 85 demandes. Le caractère fluctuant, selon les années, du nombre de mesures d’éloignement prononcées ou de demandes de LPC rend délicate la fixation d’une cible qui doit, en tout état de cause, s’inscrire en progression par rapport aux derniers résultats

- la poursuite de la coopération policière en bonne articulation avec les programmes des autres Etats européens présents notamment en matière de lutte contre les filières clandestines et contre la fraude documentaire.

d) Contribuer au développement solidaire du Cap-Vert :

L’accord prévoit la mise en œuvre d‘actions de développement solidaire portant notamment sur le soutien aux projets de développement local portés par les associations de migrants cap-verdiens résidant en France, la promotion de l’investissement productif, l’aide à la réinsertion de Cap-verdiens candidats au retour dans leur pays avec un projet créateur d’emploi, ainsi que la promotion des instruments financiers créés en France (compte épargne codévelopement et livret d’épargne codéveloppement) et des outils (site envoidargent.org) destinés à faciliter les transferts de fonds.

II – Conséquences de la mise en œuvre de l’accord :

- dans le domaine économique et social :

En matière de migration professionnelle, l’accord prévoit des contingents annuels chiffrés : 100 jeunes professionnels de part et d‘autre, (contingent susceptible d’être modifié par simple échange de lettres), 100 cartes « compétences et talents », 500 cartes « salarié ». La mise en œuvre de ces dispositions est de nature à remédier aux vacances d’emploi dans les métiers en tension tout en limitant le risque d’exode des élites.

La réalisation de projets de développement solidaire combinée avec l’effet des autres mesures de l’accord (retour de Cap-verdiens ayant acquis une expérience professionnelle en France, mobilisation des ressources des Cap-verdiens résidant en France) devrait avoir un impact sensible sur le développement du Cap-Vert et contribuer à l’amélioration des conditions de vie dans les régions source d’émigration.

- dans le domaine financier :

Il est prévu de consacrer aux actions en faveur du développement du Cap-Vert, sur le programme LOLF 301 « développement solidaire et migrations», un montant de 250 000 euros par an sur trois ans à compter de 2010.

- dans le domaine juridique :

Cet accord est le premier instrument juridique portant sur la problématique migratoire conclu entre la France et le Cap-Vert. Il prend en compte le document cadre de partenariat signé entre les deux pays pour la période 2006-2011.

Il s’inscrit pleinement dans le cadre de l’Approche globale sur les migrations approuvée par le Conseil européen de décembre 2005 et réaffirmée par celui de décembre 2006, et dans le prolongement de la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement qui s’est tenue à Rabat les 10 et 11 juillet 2006. Cette conférence a confirmé le lancement d’un partenariat global entre les pays d’origine, de transit et de destination de la migration, qui couvre à la fois le développement, l’organisation de la migration légale des migrants et la lutte contre l’immigration irrégulière.

Il se situe également dans le cadre du Partenariat pour la mobilité (PPM) signé le 5 juin 2008 à Luxembourg entre le Cap-Vert, la Communauté européenne et les Etats membres de l’Union européenne participants (France, Espagne, Luxembourg, Portugal). Il s’agit d’un document de nature politique constitué d’une déclaration d’objectifs (accompagnement de la migration légale, lutte contre l’immigration clandestine et coopération pour le développement du pays tiers signataire) et d’une annexe comportant des engagements de coopération. La France en a, pour sa part, pris trois :

- l’ouverture d’un certain nombre de métiers sans que la situation de l’emploi soit opposable ;

- une coopération en matière de sécurité (lutte contre le trafic de stupéfiants et l’immigration clandestine) et de formation au contrôle documentaire, ainsi qu’un accroissement de la contribution française aux efforts de gestion des frontières coordonnés par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX), créée par le règlement n°2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004.

- l’engagement d’un programme de développement solidaire.

L’accord bilatéral est l’instrument de mise en œuvre de ces engagements. 

Au plan interne, l’accord s’inscrit, pour plusieurs de ses dispositions, dans le cadre de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et l’intégration et de celle du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, tout en allant au-delà en bonifiant certaines des dispositions au bénéfice des ressortissants du Cap-Vert. Il en va ainsi :

- de l’allongement à neuf mois (au lieu de six mois dans le droit commun) de l’autorisation de séjour accordée à l’étudiant cap-verdien de niveau master pour trouver un emploi lui permettant de compléter sa formation par une première expérience professionnelle en France avant son retour au Cap-Vert ;

- de la possibilité de renouveler sans limitation la carte de séjour « compétences et talents » d’une validité de trois ans ;

- de l’ouverture d’une liste de métiers plus large que celle des trente métiers ouverts aux pays tiers, sans aucune restriction concernant la situation de l’emploi.

Cet accord n’appelle pas, pour autant, de modification du droit interne français.

Conséquences administratives :

- mise en place, avant l’entrée en vigueur de l’accord, d’un groupe de travail bilatéral préfigurant le Comité de suivi prévu à l’article 8 et destiné à préparer la mise en œuvre de l’accord, notamment pour ce qui concerne le rapprochement entre les offres d’emploi des entreprises françaises et les demandes des Cap-verdiens sur la base de la liste de métiers prévus par l’accord ;

- rédaction et diffusion d’une circulaire d’application, précisant notamment les modalités d’organisation de la migration ;

- augmentation du nombre de visas de circulation délivrés, suivie d’une baisse, compte tenu du fait qu’une durée de validité plus longue réduit le nombre de renouvellements ;

- information des publics concernés ;

- réunion annuelle du Comité de suivi prévu à l’article 8 de l’accord, après l’entrée en vigueur de l’accord.

III - Historique de la négociation de l’accord :

En mars 2008, le ministère des affaires étrangères cap-verdien a fait connaître à notre ambassade son souhait d’engager un dialogue sur les questions relevant de la circulation des personnes, de la lutte contre l’immigration irrégulière, de la migration professionnelle et de l’aide au développement comme facteur de limitation de l’émigration, en vue de la signature d’un accord de gestion concertée des flux migratoires. Les autorités cap-verdiennes elles-mêmes ont situé cette démarche dans le cadre des conférences de Rabat et de Tripoli et de la conférence euro-africaine sur les migrations et le développement qui allait se tenir à Paris en novembre 2008, ainsi que dans le cadre du Partenariat pour la Mobilité qui était alors en cours de discussion avec l’Union européenne.

Différentes rencontres entre les autorités françaises et cap-verdiennes sont intervenues : entretien entre M. Hortefeux et le ministre des affaires étrangères du Cap-Vert le 2 avril 2008, entretien du Président de la République avec son homologue cap-verdien le 2 juin 2008, visite de M. Hortefeux à Praia les 21,22 et 23 juin 2008. Une session de négociation a eu lieu au Cap-Vert les 15 et 16 juillet 2008.

Les discussions ont rapidement abouti à un texte agréé par les deux parties qui a été signé le 24 novembre à Paris en marge de la Conférence ministérielle euro-africaine de Paris (23-25 novembre 2008).

IV - Etat d’avancement des procédures d’approbation au Cap-Vert :

Le Cap-Vert a achevé en juin 2009 les procédures constitutionnelles requises pour l’entrée en vigueur de l’accord.


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