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PROJET DE LOI ORGANIQUE

PROROGEANT LE MANDAT DES MEMBRES

DU CONSEIL SUPERIEUR DE LA MAGISTRATURE

ETUDE D’IMPACT

janvier 2010

I. Le diagnostic : l’impossibilité d’attendre l’entrée en vigueur de la loi organique réformant le Conseil supérieur de la magistrature pour débuter le processus de renouvellement de ses membres magistrats 5

A. Les effets de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature 5

B. Les contraintes du calendrier du processus de renouvellement des membres magistrats du Conseil supérieur de la magistrature 6

C. Les délais prévisibles d’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l’article 65 de la Constitution et de la loi organique prise pour son application 9

II. Les options possibles, leurs impacts respectifs et le choix retenu par le Gouvernement : la prorogation du mandat de l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature 10

A. Le respect du calendrier actuel 10

B. L’option choisie par le Gouvernement : la prorogation du mandat de l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature 13

III. Les modalités d’application de la prorogation du mandat de l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature 14

A. Un projet de loi organique définissant des limites strictes à la prorogation, qui respecte les conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel 14

IV. Les consultations menées 15

V. Les modalités d’application 15

L’article 65 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, a modifié la composition et les attributions du Conseil supérieur de la magistrature.

Le projet de loi organique pris pour l’application de ces dispositions constitutionnelles a été adopté en première lecture par le Sénat, le 15 octobre 2009. Il est actuellement examiné par l’Assemblée nationale.

L’entrée en vigueur de l’article 65 de la Constitution est conditionnée par celle de la loi organique prise pour son application. Cela signifie qu’en l’absence de promulgation de cette dernière, la composition du Conseil supérieur de la magistrature demeure régie par les dispositions de l’article 65 de la Constitution dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-724 du 23 juillet 2008.

Or le mandat des membres du Conseil de la magistrature arrive à expiration en juin 2010. Pour respecter cette échéance, le processus d’élection des membres du Conseil appartenant au corps judiciaire devra débuter au plus tard en mars 2010, compte non tenu du travail nécessaire effectué en amont de cette date par l’administration et les candidats.

Il paraît peu probable que la loi organique relative à l’application de l’article 65 de la Constitution soit promulguée d’ici là, compte tenu du calendrier prévisible des travaux parlementaires.

En conséquence, il est apparu nécessaire de prévoir la prorogation du mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature, afin d’éviter que les nouveaux membres ne soient désignés pour siéger dans une instance dont la composition et les attributions seront appelées à être très rapidement modifiées, ou, même, qui auront déjà été modifiées lorsque s’achèvera le processus électoral.

La présente étude d’impact accompagne le projet de loi présenté à cette fin par le Gouvernement, conformément aux dispositions de la loi organique n°2009-403 du 15 avril 2009 prise en application de l’article 39 de la Constitution.

Toutefois, eu égard à la nature institutionnelle de ce projet de loi organique, l’étude n’appellera à l’évidence pas de développements particuliers sur les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, sur les coûts et bénéfices financiers attendus, ni sur les conséquences possibles sur l’emploi public, si ce n’est pour préciser que le report de la désignation des nouveaux membres du Conseil supérieur de la magistrature ne se traduit par aucune dépense budgétaire supplémentaire pour le budget de l’Etat.

De même, il n’y a pas lieu de s’interroger sur l’application outre mer ou sur l’articulation avec le droit de l’Union, qui n’a pas vocation à s’appliquer dans le champ de l’organisation constitutionnelle des institutions des Etats membres.

Enfin, l’objectif de la réforme tient, assez simplement, à faire que la transformation du Conseil supérieur de la magistrature, selon les dispositions nouvelles de l’article 65 de la Constitution et de la loi organique qui viendra prochainement le préciser, s’opère sans solution de continuité dans le fonctionnement de cette instance, et de façon concomitante avec la réforme de ses attributions.

I. Le diagnostic : l’impossibilité d’attendre l’entrée en vigueur de la loi organique réformant le Conseil supérieur de la magistrature pour débuter le processus de renouvellement de ses membres magistrats

A. Les effets de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié la composition du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur les points suivants :

- La présidence du Conseil supérieur de la magistrature n’est plus exercée par le Président de la République, mais par le premier président de la Cour de cassation pour la formation plénière et pour la formation compétente à l’égard des magistrats du siège et par le procureur général près cette cour pour la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet ;

- De même, le ministre de la justice n’est plus vice-président de droit , ni même membre du CSM, mais il peut participer aux séances de ses formations, sauf en matière disciplinaire ;

- la composition du CSM s’ouvre davantage sur la société civile, avec l’entrée en son sein aux côtés des six membres issus de la magistrature, du conseiller d’Etat et des trois personnalités qualifiées déjà prévues, d’un avocat et de trois autres personnalités qualifiées n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux des six personnalités qualifiées que comprend désormais le CSM.

L’effectif de chaque formation compétente en matière de nomination est porté de 12 à 15, dont 7 magistrats et 8 personnalités extérieures au corps judiciaire. Ces membres sont les suivants /

Composition des formations spécialisées

Formation du siège

Formation du parquet

Président : Premier président de la Cour de Cassation

Président : Procureur général près la Cour de Cassation

5 magistrats du siège

5 magistrats du parquet

1 magistrat du parquet

1 magistrat du siège

1 conseiller d’Etat

1 avocat

6 personnalités qualifiées n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Ces personnalités sont désignées par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat (2 personnalités par chacune de ces autorités)

Lorsqu’elles siègent en formation disciplinaire, ces formations spécialisées doivent comprendre un nombre égal (8) de magistrats et de non magistrats. A cet effet, le magistrat du siège siégeant dans la formation du parquet vient donc rejoindre la formation du siège ou inversement.

La Constitution reconnaît désormais en outre une existence à la réunion plénière des deux formations spécialisées. Toutefois, il faut noter que cette réunion plénière ne rassemble pas la totalité des membres des deux formations spécialisées. Elle comprend 15 membres, dont 7 magistrats et 8 personnalités extérieures au corps judiciaire :

le Premier président de la Cour de cassation, qui la préside, ou le procureur général près cette cour, qui supplée le premier président à la présidence de la formation plénière ;

trois des cinq magistrats du siège appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du siège ;

trois des cinq magistrats du parquet appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet ;

le conseiller d’Etat ;

l’avocat ;

les six personnalités qualifiées.

A. Les contraintes du calendrier du processus de renouvellement des membres magistrats du Conseil supérieur de la magistrature

L’article 6 de la loi n° 94-100 du 6 février 1994 dispose que « les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont désignés pour une durée de quatre ans non renouvelable immédiatement (…) ».

En application de cet article, le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature s’achèvera le 3 juin 2010, la liste des membres de l’actuel Conseil ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 4 juin 2006.

Aux termes de l’article 1er du décret n° 94-199 relatif au Conseil supérieur de la magistrature, « les élections au Conseil supérieur ont lieu quatre mois au plus et quinze jours au moins avant la date d'expiration du mandat de ses membres. La date de ces élections est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice»

En l’absence de prorogation du mandat des membres actuels, il devra donc être procédé, entre le 3 février et le 19 mai 2010, à l’élection des nouveaux membres magistrats du Conseil supérieur de la magistrature. Par ailleurs, devront être désignés par les autorités compétentes un conseiller d’Etat et trois personnalités qualifiées.

Il y aura lieu d’organiser :

- l’élection d’un représentant par l’assemblée des magistrats hors hiérarchie de la Cour de cassation, respectivement du siège et du parquet,

- l’élection d’un représentant par l’assemblée des premiers présidents des cours d’appel,

- l’élection d’un représentant par l’assemblée des procureurs généraux des cours d’appel,

- l’élection d’un représentant par l’assemblée des présidents des tribunaux de grande instance,

- l’élection d’un représentant par l’assemblée des procureurs de la République près les tribunaux de grande instance,

- l’élection par les autres magistrats de deux collèges (160 magistrats du siège et 80 du parquet) ;

- la réunion de ces collèges au Conseil supérieur de la magistrature pour procéder à l’élection de six magistrats appelés à siéger au Conseil supérieur de la magistrature.

Lors des dernières élections organisées en 2006, le calendrier suivant avait été fixé pour l’élection du collège des magistrats du siège et du collège des magistrats du parquet :

ARTICLES

du décret

94-199

OBJET

DÉLAIS

DATES

Art. 16

Établissement des listes électorales

   

Art. 16

Date limite d’affichage de la liste des électeurs.

23 jours au moins

avant le scrutin

mercredi 22 mars

Art. 16

Affichage d’un rectificatif de la liste, le cas échéant.

21 jours au moins

avant le scrutin

vendredi 24 mars 2006

Art. 16

Réclamations devant le Garde des sceaux.

16 jours au moins

avant le scrutin

mercredi 29 mars 2006

Art. 17

Date limite de constitution du bureau de vote.

Date limite de dépôt des candidatures.

14 jours au moins

avant le scrutin

vendredi 31 mars 2006

Art. 19

Le bureau de vote se prononce sur la recevabilité des listes des candidats

11 jours au moins

avant le scrutin

lundi 3 avril 2006

Art. 19

Affichage des listes définitives des candidats.

9 jours au plus tard

avant le scrutin

mercredi 5 avril 2006

Art. 19

Transmission à chaque électeur

• des listes des candidats (qui constituent les bulletins de vote)

• des enveloppes intérieures et extérieures.

   

Art. 20

SCRUTIN

7 jours

vendredi 14 avril

au jeudi 20 avril 2006

Art. 22

Dépouillement

Transmission du procès-verbal, par télécopie à la Direction des services judiciaires.

24 heures

qui suivent la clôture

vendredi 21 avril 2006

Art. 24

Proclamation des résultats.

dans les 24 heures

qui suivent la clôture

vendredi 21 avril 2006

Art. 26

Le Garde des sceaux convoque le collège élu pour l’élection des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

dans les 15 jours

à partir de la proclamation des résultats

 
 

Réunion des deux collèges.

 

Jeudi 4 et

vendredi 5 mai 2006

Ce précédent montre que l’organisation de l’élection des membres représentant les magistrats du siège et du parquet impose de débuter le processus électoral au plus tard à la mi-mars 2010.

Il convient également de tenir compte du délai nécessaire à l’organisation des élections, qui impose tant à l’administration qu’aux candidats un travail de plusieurs semaines en amont.

Or, selon toute probabilité, la loi organique prise en application de l’article 65 de la Constitution ne sera pas entrée en vigueur au mois de février 2010, ce qui signifie que les élections désigneraient les membres d’un Conseil supérieur dont la composition et les attributions seraient modifiées à très courte échéance.

Les élections des autres membres magistrats du Conseil sont plus simples à organiser, puisque ceux-ci sont élus au scrutin uninominal à un tour et à bulletins secrets.

Toutefois, la désignation des personnalités qualifiées prévues par l’article 65 de la Constitution dans sa nouvelle rédaction demande également un délai de mise en œuvre : cela est vrai pour le membre avocat qui, en l’état actuel du projet de loi organique, sera désigné par le président du Conseil national des barreaux, après avis conforme de l’assemblée générale dudit conseil ; cela l’est également pour les membres choisis par les présidents des deux Assemblées, qui seront désignés après avis de la commission permanente compétente intéressée ; cela l’est enfin pour les membres choisis par le Président de la République puisque l’article 65 de la Constitution dispose que la procédure de consultation prévue à l’article 13 du texte constitutionnel trouve alors à s’appliquer.

B. Les délais prévisibles d’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l’article 65 de la Constitution et de la loi organique prise pour son application

L’article 65 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit que « la loi organique détermine les conditions d’application du présent article ». Cela signifie que l’entrée en vigueur de la modification de la composition et des missions du Conseil supérieur de la magistrature, prévue par ces dispositions, est conditionnée par celle de la loi organique prise pour son application.

Le projet de loi organique en question, dans sa rédaction adoptée par le Sénat en 1ère lecture le 15 octobre 2009, prévoit, en son article 29, que « Jusqu’à sa première réunion dans sa composition issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le Conseil supérieur de la magistrature exerce les compétences qui lui étaient conférées en vertu de l’article 65 de la Constitution dans sa rédaction antérieure à la même loi ».

Or il semble acquis que la loi organique prise pour l’application de l’article 65 de la Constitution ne sera pas adoptée à temps pour que les élections des membres magistrats du Conseil supérieur de la magistrature puissent se dérouler dans le cadre du nouvel état du droit.

Le projet de loi organique a été examiné par le conseil des ministres le 10 juin 2009 et déposé au Sénat le même jour. Il a été adopté en 1ère lecture le 15 octobre 2009 et transmis à cette date à l’Assemblée nationale.

La date de l’examen du texte par l’Assemblée nationale n’est pas fixée à ce jour.

Compte tenu des travaux parlementaires prévisibles relatifs à ce texte, sa promulgation avant le mois de mars 2010, date à laquelle le processus électoral devrait être lancé, est d’ores et déjà fortement compromise.

II. Les options possibles, leurs impacts respectifs et le choix retenu par le Gouvernement : la prorogation du mandat de l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature

A. Le respect du calendrier actuel

Face à cette impossibilité d’attendre l’entrée en vigueur des dispositions modifiant la composition et les missions du Conseil supérieur de la magistrature pour lancer le processus de renouvellement de ses membres, une première option consisterait à respecter l’échéance de fin de mandat des membres actuels.

Elle impliquerait d’organiser la désignation des six membres représentant les magistrats du siège et du parquet dits « de base », et sans doute celle des autres membres du Conseil appartenant au corps judiciaire, sur le fondement des dispositions de la loi n° 94-100 actuellement en vigueur.

Si la promulgation de la loi organique prise pour l’application de l’article 65 de la Constitution intervenait avant le 3 juin 2010, il pourrait, dans cette hypothèse, être procédé à la nomination des personnalités qualifiées sous l’empire du nouvel état du droit. Dans le cas contraire, ne pourraient être désignées que celles qui sont prévues par l’article 65 de la Constitution dans sa version antérieure à la révision du 23 juillet 2008.

Le seul avantage de ce choix serait, par définition, d’éviter une loi prorogeant le mandat desdits membres.

Elle présente toutefois un inconvénient majeur.

Celui-ci résulterait de la circonstance qu’au moins une partie des membres du Conseil supérieur aurait alors été choisie avant la modification de la composition et des compétences de cette instance.

Même si la révision constitutionnelle ne modifie pas le nombre ni la qualité des membres du Conseil appartenant au corps judiciaire et si, à la date d’aujourd’hui, aucune révision du processus électoral n’est prévue, il y lieu de considérer que les membres ainsi désignés ne pourront plus siéger lorsque le Conseil supérieur devra se réunir dans sa nouvelle composition.

Ils auront en effet été désignés pour représenter les magistrats dans un Conseil à la composition et aux missions différentes de celles résultant du nouvel état du droit.

Au delà de la question du fondement juridique de la désignation, cela signifierait que les candidats et les électeurs ignoreraient, au moment de la campagne, ce que serait précisément le fonctionnement du Conseil supérieur.

L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions imposerait donc de procéder à une nouvelle désignation de l’ensemble des membres du Conseil supérieur, et donc à une nouvelle élection des membres magistrats, sauf, à ce que le Conseil continue à exercer les missions qui lui étaient confiées selon l’ancienne rédaction de l’article 65 de la Constitution, en application de la disposition transitoire de l’article 29 du projet de loi organique actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Mais cette transition ne saurait excéder quelques mois, le temps d’organiser de nouvelles élections.

Cette nouvelle désignation sera nécessaire très rapidement, puisque la loi organique prise en application de l’article 65 de la Constitution pourrait être adoptée au printemps 2010. Si son entrée en vigueur intervenait avant la date d’expiration du mandat des membres actuels, les membres choisis lors des élections lancées en mars 2010 pourraient finalement ne pas siéger ; le processus électoral pourrait même devoir être interrompu.

Il va sans dire qu’en cas de modification par le Parlement, dans les débats en cours sur le projet de loi organique, des règles de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature, la nécessité de nouvelles élections serait encore plus évidente.

Une telle modification n’est pas à exclure.

Or, cet état de fait aurait deux conséquences, que l’intérêt général commande d’éviter : d’une part, une durée d’existence très courte du Conseil supérieur de la magistrature élu avant l’entrée en vigueur de la réforme de cette instance (i) ; d’autre part, l’organisation de deux élections à des dates très rapprochées (ii).

(i) Concernant le premier point, il est à envisager, en l’absence de prolongation du mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature, que les nouveaux membres élus ou désignés pour siéger à compter du 4 juin 2010 ne puissent exercer leur mandat que pour quelques semaines ou quelques mois au plus, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi organique relative à l’application de l’article 65 de la Constitution.

Cette situation ne manquerait pas de poser d’importants problèmes de suivi des procédures disciplinaires.

En effet, en 2009, le délai moyen entre la saisine du conseil de discipline des magistrats du siège et la décision disciplinaire était de dix-sept mois. Pour ce qui est de la formation disciplinaire compétente à l’égard des magistrats du parquet, les deux avis rendus en 2009 l’ont été respectivement onze mois et quarante et un mois après la saisine du Conseil supérieur de la magistrature (dans le deuxième cas, le délai s’explique par l’existence d’une procédure pénale parallèle).

La phase d’enquête constitue la majeure partie de ce délai.

Cela signifie qu’un Conseil supérieur dont la composition serait renouvelée au bout de quelques mois au plus n’aurait pas la possibilité de mener à terme, dans la même formation, les procédures disciplinaires dont l’ouverture lui aurait été demandée. Le rapporteur initialement désigné ne pourrait mener qu’une petite partie de l’enquête, et le changement de rapporteur induirait nécessairement un retard significatif dans le traitement de l’affaire.

Les formations disciplinaires d’un Conseil supérieur de la magistrature qui ne siégeraient que quelques mois auraient sans doute la possibilité de statuer sur les mesures d’interdiction temporaire d’exercice dont elles seraient saisies sur le fondement des articles 50 et 58-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. La pérennité de ces formations constitue souvent, en cette matière sensible, un paramètre important de la qualité et de la légitimité des décisions et avis rendus.

(ii) Concernant le second point, il doit être souligné que l’organisation de deux élections à des dates rapprochées risquerait de poser des difficultés.

Il est tout d’abord à craindre que des élections ayant pour objet de désigner des membres du Conseil supérieur dont le mandat risque d’être de très courte durée peinent à mobiliser électeurs et candidats.

La participation pourrait en effet être affectée si les magistrats estimaient limité l’enjeu lié à l’élection de personnes qui ne siégeraient que quelques mois.

Il serait difficile de mobiliser les candidats pour briguer un mandat aussi bref. Il convient en effet de relever que l’article 6 de la loi n° 94-100 du 5 février 1994 prévoit que le mandat des membres du CSM n’est pas renouvelable immédiatement. Il est donc à craindre que les candidats réellement qualifiés pour siéger dans cette instance se réservent pour le renouvellement suivant, qui interviendrait à brève échéance.

La mobilisation des organisations syndicales de magistrats peut aussi, dans cette hypothèse, être affectée, en raison des coûts et du temps que représente pour elles ce processus de désignation.

Enfin, le coût pour les finances publiques de l’organisation d’une élection des représentants des magistrats au Conseil supérieur de la magistrature ne saurait être négligé, cette dimension pouvant être prise en compte, avec d’autres, pour caractériser l’existence d’un intérêt général. Sans compter la mobilisation des services de la Chancellerie et des juridictions, le coût financier de ce processus est principalement lié au défraiement des déplacements de ceux des magistrats qui ne peuvent voter par correspondance, à savoir les chefs de cour et de juridiction (article 7 et 11 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature) ainsi que les personnes élues dans les deux collèges de grand électeurs. En 2006, ce sont ainsi 648 magistrats dont le déplacement à Paris a été pris en charge par la Chancellerie

B. L’option choisie par le Gouvernement : la prorogation du mandat de l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature

La seconde option, privilégiée le Gouvernement, consiste en la prorogation du mandat actuel des membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Il s’agit ici de tirer la conséquence de ce que l’entrée en vigueur de la loi organique prise pour l’application de l’article 65 de la Constitution, et donc de cet article lui-même, modifiera la composition du Conseil supérieur de la magistrature et imposera d’en désigner à nouveau les membres.

Cette prolongation, dont les modalités sont détaillées au III de la présente étude d’impact, doit laisser le temps nécessaire à l’entrée en vigueur de la loi organique relative à l’application de l’article 65 de la Constitution et à la prise du décret modifiant le décret n° 94-99 précité. Une fois le nouvel état du droit en vigueur, les désignations des membres du Conseil supérieur, dans sa nouvelle composition, pourront débuter.

Les avantages de cette solution sont évidents, puisqu’ils constituent le pendant des inconvénients de la précédente option : elle fait disparaître le risque de devoir organiser deux élections à quelques mois, voire quelques semaines, d’intervalle, et élimine les difficultés induites par le fonctionnement d’un Conseil supérieur ne siégeant que quelques mois.

Cette prorogation ne retardera pas, par elle-même, l’application des innovations apportées par la réforme constitutionnelle, puisque seule l’entrée en vigueur de la loi organique permettra leur mise en œuvre.

Enfin, la prolongation des mandats ne posera aucune difficulté technique dans la gestion et l’organisation du Conseil supérieur de la magistrature.

Quand bien même le mandat des nouveaux membres du Conseil supérieur de la magistrature devrait ne débuter que le 1er février 2011, date limite prévue par le présent projet de loi organique, le nouveau Conseil supérieur – comme les membres qui seraient ultérieurement appelés à le composer et à être installés à cette même période de l’année – seraient en mesure d’examiner le mouvement de magistrats le plus important de l’année. Les projets de nomination sont en effet préparés en janvier et diffusés – au moyen d’un document communément appelé : « transparence » – en février de chaque année. Le Conseil supérieur de la magistrature ne désigne ses rapporteurs qu’au mois d’avril suivant et les décrets de nomination sont pris en juin ou juillet, pour que les magistrats concernés soient installés et prennent leurs fonctions en septembre. 

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat, Monsieur Jean-René LECERF, a retenu la même analyse, en estimant que « si [l’adoption définitive du présent projet de loi organique] n’intervient pas avant février 2010, le mandat des membres composant actuellement le CSM devra être prorogé » (rapport p. 103).

Monsieur LECERF estime que « l'article 65 de la Constitution issu de la révision de juillet 2008 rend en effet indissociables les nouvelles règles de composition du Conseil supérieur de la magistrature et la mise en oeuvre de ses nouvelles compétences » (rapport p. 102), ce qui rejoint l’analyse du Gouvernement.

III. Les modalités d’application de la prorogation du mandat de l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature

A. Un projet de loi organique définissant des limites strictes à la prorogation, qui respecte les conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Le niveau de norme pour mettre en œuvre l’option retenue par le Gouvernement s’impose de lui-même : la durée du mandat étant prévue par une disposition d’une loi organique – l’article 6 de la loi organique n° 94-100 du 6 février 1994 –, sa modification exceptionnelle doit être décidée par une loi organique.

L’option, un temps envisagée, de proroger le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature par l’introduction, dans le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution actuellement en cours d’examen devant le Parlement, et par voie d’amendement, d’une disposition prévoyant cette prorogation, ne pouvait être retenue que si la promulgation de cette loi organique était absolument certaine avant le 3 juin 2010, date de la fin des mandats des membres actuels. Or, une assurance sur ce point ne parait pas pouvoir être raisonnablement fournie à ce jour.

Le présent projet de loi organique présente toutes les garanties exigées par le Conseil constitutionnel lorsqu’il s’agit de prolonger le mandat de membres élus d’une institution.

Le Conseil constitutionnel juge conforme à la Constitution une telle prorogation dans la mesure où elle répond à un objectif d’intérêt général librement apprécié par le législateur et où les modalités de cette prorogation ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif poursuivi (Décision n° 2005-529 DC du 15 décembre 2005 loi relative à la prorogation du mandat de certains membres du Sénat).

Ces critères, dégagés à l’occasion de la prolongation du mandat d’assemblées élues au suffrage universel, peuvent trouver à s’appliquer en l’espèce, même si les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont élus ou désignés selon des modalités différentes.

L’intérêt général attaché à la prorogation des mandats a été décrit plus haut, lors de l’étude des différentes options.

La proportionnalité de la mesure à l’objectif poursuivi est garantie par les délais prévus par le présent projet de loi.

Celui-ci dispose que les mandats sont prorogés jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois suivant la promulgation de la loi organique prise pour l’application de l’article 65 de la Constitution dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République et, au plus tard, jusqu’au 31 janvier 2011.

Le délai de six mois après la promulgation permet de prendre en compte le temps d’organisation des élections des membres magistrats du Conseil supérieur, y compris la phase située en amont du scrutin lui-même, étant observé que les mois de juillet et août ne sauraient être considérés comme des mois véritablement utiles de ce point de vue.

Il faut également intégrer la nécessité de modifier au préalable le décret n° 94-199 du 9 mars 1994.

La date butoir du 31 janvier 2011 garantit le caractère limité de la prolongation.

IV. Les consultations menées

Une consultation a été menée auprès des personnes concernées par ce texte.

C’est ainsi qu’ont été consultés :

- Le Premier président et le Procureur général près la Cour de cassation ;

- les présidents des différentes formations du Conseil supérieur de la magistrature ;

- les présidents des conférences des premiers présidents de cour d’appel et des procureurs généraux près les cours d’appel

- les représentants des organisations syndicales de magistrats.

V. Les modalités d’application

Le présent projet de loi organique n’implique aucune autre modification ou introduction de texte. Elle est applicable par elle-même, dès sa publication.


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