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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

     

Ministère des affaires étrangères

et européennes

     
     

NOR :

MAEJ1002022L

PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le

Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Bermudes

relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale

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ÉTUDE D’IMPACT

I – Situation de référence et objectif de l’accord

1. Jusqu’à une date récente, les efforts entrepris en matière de transparence et d’échange d’informations fiscales connaissaient peu de progrès. Malgré la publication des premières listes de paradis fiscaux en 2000 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les Etats ou territoires non coopératifs en matière fiscale n’avaient guère amélioré leurs pratiques, même si la plupart s’étaient engagées à mettre en œuvre les standards internationaux en matière de transparence.

A partir de la fin de l’année 2008, sous l’impulsion de la conférence internationale organisée à Paris par les Ministres des Finances français et allemand le 21 octobre 2008, la situation a de nouveau évolué dans un sens favorable. Ainsi, grâce à une volonté politique forte et très largement partagée au plan international, notamment au sein du G20, l’ensemble des Etats ou territoires qui s’y refusaient jusqu’alors1 ont reconnu les standards internationaux en matière de transparence et d’échange d’informations. Dans le même temps, de nombreux pays, et en particulier ceux qui figuraient sur la « liste grise » établie à la demande du G20 le 2 avril 2009 par le Secrétariat de l’OCDE2, se sont engagés dans la signature d’accords internationaux devant permettre l’échange de renseignements conformément à ces standards.

2. Conformément à son engagement constant en faveur de la transparence et de l’échange d’informations, la France a proposé à l’ensemble des Etats et territoires qui figuraient sur la « liste grise » établie par le Secrétariat général de l’OCDE le 2 avril 2009 de signer des accords d’échange d’informations ou des avenants aux conventions fiscales existantes.

Depuis cette date, elle a entamé et conclu des négociations avec un nombre significatif de ces Etats ou territoires, dont les Bermudes. Entre le 1er mars et le 31 décembre 2009, la France avait signé, outre l’accord avec les Bermudes, 12 accords d’échange de renseignements3 et six conventions ou avenants à des conventions fiscales existantes4.

Ainsi, cet accord, ajouté aux conventions bilatérales ou avenants à ces conventions conclus depuis le début de l’année 2008, complète le réseau français de traités internationaux permettant l’échange d’informations fiscales, qui couvre désormais l’essentiel des Etats et territoires significatifs5 parmi ceux listés à l’occasion du sommet du G20 du mois d’avril 2009 et quasiment l’ensemble des Etats et territoires concernés sur la zone européenne.

De plus, la France est parvenue à signer cet accord avec les Bermudes très rapidement après que celles-ci se soient concrètement engagées à mettre en œuvre les standards internationaux de transparence et d’échange d’informations.

3. Les Bermudes n’ont pas été identifiées en 2000 par l’OCDE comme non-coopératives mais du seul fait de leur engagement in extremis de mettre en œuvre les standards internationaux en matière d’échange d’informations, en mai 2000, juste avant l’établissement de ces listes. Toutefois, cet engagement politique n’ayant pas été suivi d’effet, les Bermudes se sont retrouvées en avril 2009 dans la liste grise de l’OCDE des Etats et territoires n’ayant pas mis en œuvre de manière substantielle les-dits standards. De ce fait, la négociation d’un accord d’échange d’informations avec les Bermudes s’imposait.

De plus, dans cet archipel de plus de 65 000 habitants, la grande partie de l’activité économique, outre le tourisme, consiste dans les services financiers. En effet, 3 295 sociétés locales et 15 631 sociétés internationales, dont la quasi-totalité est exonérée d’impôts (2008), y sont établies. Le secteur d’activité de l’entremise financière représentait en 2008 15,1 % du PIB. Celui des activités des affaires internationales représentait quant à lui 25,3 % du PIB. Les Bermudes comportaient 4 banques et une société de dépôt fin 2007. Ces banques détiennent 15 succursales au sein des Bermudes et les deux plus importantes d’entre elles ont 33 succursales situées à l’étranger. Toutefois, « aucune information concernant les dépôts de non-résidents n’est recueillie et disponible »6. Les dépôts bancaires représentent à eux seuls près de 23 milliards de dollars pour un PIB de 4,1 milliards de dollars en 2008. Déjà en 2006, près de 8 % des « hedge funds » mondiaux étaient domiciliés aux Bermudes, soit 1 302 fonds recensés pour un actif net de 211 milliards de dollars. Enfin, 1 433 compagnies d’assurances et captives d’assurances y étaient recensées fin 2007.

4. Dans ce contexte, l’accord signé le 12 octobre 2009 vise donc à mettre en place un cadre juridique général et auparavant inexistant, de façon à permettre un échange effectif de renseignements, conformément aux standards internationaux en la matière (article 26 du modèle de convention fiscale de l’OCDE et article 26 du modèle de convention fiscale de l’ONU)7. Selon ces standards, la législation interne et les engagements internationaux des Etats et territoires doivent permettre un échange d’informations fiscales effectif. En particulier, ces Etats et territoires ne doivent pas pouvoir opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de leur propre législation fiscale.

II - Conséquences estimées de la mise en œuvre des accords

Conséquences économiques et financières

Dans son rapport annuel de 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait le montant de la fraude fiscale et sociale annuelle entre 29 et 40 milliards d’euros. Il n’est cependant pas possible d’estimer, même en termes d’ordre de grandeur, la part de la fraude et de l’évasion fiscales qui impliquerait des opérateurs profitant de l’absence d’échange de renseignements existant avec les Bermudes, ni les conséquences possibles de la mise en œuvre de cet accord.

Conséquences juridiques

1. L’ordonnancement juridique n’est pas affecté par cet accord.

L’accord d’échange de renseignements offre la possibilité à la France de demander aux autorités des Bermudes toute information utile à la bonne application de sa loi fiscale interne et de transmettre ces informations aux autorités concernées, y compris les autorités juridictionnelles et administratives.

Pourront être sollicités, selon les termes de l’accord, tous renseignements vraisemblablement pertinents pour la détermination, l'établissement et la perception des impôts visés dans l’accord, pour le recouvrement et l’exécution des créances fiscales sur les personnes soumises à ces impôts, ou pour les enquêtes ou les poursuites en matière fiscale pénale à l’encontre de ces personnes.

Les demandes pourront concerner toute personne ou entité, y compris les trusts et les fondations. En outre, les Bermudes ne pourront pas opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de leur propre législation fiscale.

Enfin, l’accord prévoit que les Bermudes doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations prévu dans l’accord, c’est-à-dire en rendant l’information accessible, disponible et en mettant en place des mécanismes d’échange d’informations.

2. Au regard des standards internationaux de transparence et d’échange d’informations, le présent accord est conforme au modèle d’accord sur l’échange de renseignements en matière fiscale élaboré par l’OCDE en 2002, comme les accords de même nature conclus généralement par nos principaux partenaires de l’OCDE.

Toutefois, cet accord va plus loin que ces standards, sur quatre points en particulier :

- le champ d’application de cet accord est plus large que celui prévu dans le modèle OCDE dès lors que l’article 3 n’énumère pas les impôts couverts par l’accord mais précise que sont visés l’ensemble des impôts existants prévus par les dispositions législatives et réglementaires des Parties, ainsi que les impôts de même nature établis après la date de signature de l’accord qui s’ajouteraient aux impôts actuels ou les remplaceraient ;

- l’article traitant des dispositions d’application (article 10) prévoit que les Parties doivent adapter leur législation interne afin de rendre effectif l’échange d’informations avec la nécessité de réunir trois conditions : l’information doit être disponible et l’administration de la partie requise doit y avoir accès et être en mesure de la transmettre ;

- l’article relatif aux frais (article 9) stipule que le remboursement à la Partie requise des frais extraordinaires par la Partie requérante ne constitue qu’une faculté ;

- la limite à l’échange d’informations relative aux sociétés cotées, prévue à l’article 5-4 du modèle OCDE, n’est pas prévue dans l’accord entre la France et les Bermudes.

Conséquences administratives

La mise en œuvre des accords d’échange de renseignements en matière fiscale sera gérée par la Sous-direction du Contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques et, au niveau déconcentré, par les Directions de contrôle fiscal nationales et interrégionales.

Ces services sont déjà en charge de la mise en œuvre de l’assistance administrative, que ce soit dans le cadre communautaire ou en application des conventions fiscales existantes. Au regard des volumes d’informations déjà échangés, l’entrée en vigueur de l’accord ne devrait pas entraîner de surcharges administratives substantielles. Plus qu’une profonde révision de la politique menée en matière de contrôle fiscal, cet accord permettra surtout aux services de contrôle de ne plus être limités dans leurs investigations et de pouvoir poursuivre leurs enquêtes jusqu’au territoire des Bermudes.

Enfin, les informations recueillies dans le cadre de l’échange d’informations pourront alimenter le fichier Evafisc, relatif aux comptes bancaires détenus hors de France par des contribuables, de même que les informations recueillies dans ce fichier pourront susciter des demandes d’informations en application de cet accord.

III - Historique des négociations

Favorisées par le contexte international, les négociations entamées en avril 2009 ont pu être conclues dans des délais réduits, de l’ordre de quelques mois depuis la prise de contact jusqu’à la signature de l’accord le 12 octobre 2009.

IV - Etat des signatures et ratifications

L’accord entre les gouvernements des Bermudes et de la République française relatif à l’échange de renseignements fiscaux a été signé le 12 octobre 2009 par échange de lettres entre M. Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes Publics, de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat et l’Hon. Paula A. Cox, Ministre des Finances des Bermudes.

Les Bermudes ont notifié l’accomplissement des procédures internes requises pour l’entrée en vigueur de l’accord le 17 novembre 2009.

1 En particulier la Suisse, le Luxembourg, la Belgique, l’Autriche, Andorre, Monaco et le Liechtenstein.

2 Les pays de la « liste grise » sont ceux qui se sont engagés à respecter les standards internationaux en matière d’échange d’informations fiscales et à signer au moins 12 accords conformes à ces standards, sans avoir toutefois signé un tel nombre d’accords à ce jour.

3 Andorre, Bahamas, Gibraltar, Guernesey, Jersey, Ile de Man, Iles Caïmans, Iles Turques et Caïques, Iles Vierges Britanniques, Liechtenstein, Saint-Marin, et Vanuatu.

4 Bahreïn, Belgique, Luxembourg, Malaisie, Singapour et Suisse.

5 Même si l’évaluation de la fraude et de l’évasion fiscales demeure, par nature, extrêmement difficile (cf. infra).

6 Detailed Assessment Report du 29 janvier 2008.

7 L’OCDE et l’ONU ont établi des standards de transparence fiscale. Ces deux normes sont totalement concordantes.


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