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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’île Maurice tendant à éviter les doubles impositions

en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune

NOR : MAEJ1123829L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord ou traité

1. La France et l’Ile Maurice sont liées par une Convention fiscale signée à Port-Louis le 11 décembre 19801 dont l’article 27 relatif à l’échange de renseignements n’est pas conforme aux standards internationaux.

Dans le contexte international où la transparence et l’échange d’informations fiscales se sont révélés être des contreparties indispensables à la mondialisation, la France a fait de la lutte contre l’évasion fiscale internationale un axe majeur de sa politique conventionnelle.

L’Ile Maurice est une économie ouverte, dynamique, diversifiée et pleinement intégrée dans les marchés mondiaux. En ligne avec le mouvement international vers plus de transparence et d'échange d'informations, initié par les sommets du G20 depuis 2008, en particulier le G20 qui s’est tenu à Londres le 2 avril 2009, l’Ile Maurice a pris des mesures légales et réglementaires importantes pour améliorer les échanges d'informations2. L'île Maurice est désormais en mesure d'échanger des informations sur les non-résidents et les entreprises. Elle a également imposé des obligations comptables pour toutes les entités mauriciennes, résidentes et non résidentes3.

La France et l’Ile Maurice ont dès lors pu s’accorder pour introduire dans la Convention fiscale du 11 décembre 1980 précitée la clause d’échange de renseignements incluant la levée du secret bancaire.

La signature à Port-Louis, le 23 juin 2011, de l’avenant à la Convention franco-mauricienne constitue ainsi une avancée importante en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

2. Avec 1,3 millions d’habitants répartis sur 1865 kilomètres carrés et un PIB par tête d’environ 7 303 $, Maurice est classé dans la catégorie des pays à revenus intermédiaires supérieurs. Son développement économique post indépendance a d’abord été assuré par l’utilisation du système de préférences européennes pour le sucre et le textile. Avec la fin des accords multifibres (janvier 2005) et du protocole sucre (septembre 2007), Maurice doit changer son mode d’insertion dans l’échange international. Pour surmonter ces chocs extérieurs, le pays s’est orienté vers une économie plus ouverte, plus compétitive et plus diversifiée. Petite économie insulaire en développement sans ressources naturelles, Maurice est largement dépendant de l’échange international. Les exportations représentent 49% du PIB et les importations 63 %.

L’ouverture de l’économie aux investisseurs étrangers et le développement de nouveaux gisements de croissance (secteurs du tourisme, des services financiers, du traitement des produits de la mer, des technologies de l’information et des télécommunications, de l’environnement et de l’externalisation des services) ont enclenché un processus d’émergence solide.

Dans ce cadre, de grands espoirs sont fondés sur le développement des activités financières off- shore. La localisation, la solidité des institutions, et le bilinguisme de Maurice, sont des facteurs d’attractivité pour les investisseurs. Symbole de cette diversification de l’économie mauricienne, les services financiers apparaissent aujourd’hui comme le deuxième pilier, comptant pour 11 % du PIB. Le complexe offshore mauricien représenterait, selon la Financial Services Commission (FSC), autorité de régulation du secteur financier mauricien, 3% du PIB et sans doute de manière indirecte 5 %. Il emploierait 10 000 personnes. Les fonds gérés seraient de l’ordre de 100 milliards de dollars. 19 banques opèrent à Maurice, à la fois sur le terrain domestique et dans l’offshore. Aujourd’hui plus de 24 000 entreprises, ou plus exactement véhicules, y opèrent générant pour Maurice des retours financiers et des emplois.

Dans le souci de favoriser l’émergence d’un secteur offshore, la législation mauricienne prévoit un statut spécial dit « global business » qui se décline en deux types : la « category 1 global business licence » (GBC 1)4 et la « category 2 global business licence » (GBC 2)5.

La FSC estime qu’il y a 9 500 GBC 1 en activité et 15 000 GBC 2. Ces chiffres seraient en deçà de ceux cités il y a trois ans, qui faisaient état de 30 000 licences. Parmi les GBC 2, la FSC estime qu’il y aurait 300 sociétés françaises.

Enfin, s’agissant des relations bilatérales, la France est le premier partenaire économique et commercial de Maurice en 2009, son deuxième client (après le Royaume Uni) et son troisième fournisseur derrière l’Inde (importateur exclusif de produits pétroliers) et la Chine (volume modeste de 602 M€, mais dégageant un solde positif de 98 M€), ainsi que son premier investisseur étranger (stock d’environ 676 M€). Les exportations de la France vers Maurice s’élevaient à 317 M€ en 2010 (dont 2 % en provenance de La Réunion) et les importations françaises depuis Maurice à 259 M€ en 2010 (dont 13 % vers La Réunion). On recense par ailleurs 10 000 Français inscrits au consulat français contre une Communauté mauricienne en France de 50 000 personnes.

3. L'accord signé avec l’Ile Maurice, le 23 juin 2011, constitue un avenant à la Convention fiscale franco-mauricienne du 11 décembre 1980, actuellement en vigueur.

4. Cet avenant introduit une clause relative à l’échange de renseignements très proche de l’article 26 du modèle OCDE. La clause insérée précise, en plus de la clause OCDE, que chaque Etat contractant doit prendre les mesures afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ceux-ci et à les transmettre.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre des accords

Conséquences économiques et financières

Dans son rapport annuel de 2007, le Conseil des prélèvements obligatoires estimait le montant de la fraude fiscale et sociale annuelle entre 29 et 40 milliards d’euros. Il n’est cependant pas possible d’estimer, même en termes d’ordre de grandeur, la part de la fraude et de l’évasion fiscales qui impliquerait des opérateurs profitant de l’absence d’échange de renseignements existant avec Maurice, ni par là même les conséquences économiques possibles de cet accord.

Conséquences juridiques

L’ordre juridique interne n’est pas affecté par cet avenant.

Toutefois, l’introduction dans la Convention de la clause d’échange de renseignements offre la possibilité à la France de demander aux autorités de l’autre Partie contractante toute information utile à la bonne application de sa loi fiscale interne et de transmettre ces informations aux autorités concernées, y compris les autorités juridictionnelles et administratives.

Pourront être requis tous renseignements vraisemblablement pertinents pour la détermination, l'établissement et la perception des impôts, pour le recouvrement et l’exécution des créances fiscales sur les personnes soumises à ces impôts ou pour les enquêtes ou les poursuites en matière fiscale pénale à l’encontre de ces personnes. Les demandes pourront concerner toute personne ou entité. De plus, la République de l’Ile Maurice ne pourra pas opposer un éventuel secret bancaire ni subordonner la délivrance de l’information à l’existence d’un intérêt pour l’application de sa propre législation fiscale. Ainsi, la capacité de la France dans sa lutte contre la fraude et l’évasion fiscales devrait s’en trouver renforcée.

A cet égard, le Forum Mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales a adopté le rapport d’évaluation sur l’Ile Maurice. Ce rapport constate la mise en place par l’Ile Maurice d’une nouvelle législation favorisant l’échange d’information. L’Ile Maurice devra remettre au Forum Mondial un rapport complémentaire relatif à l’effectivité de l’application de cette législation dans les prochains mois.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties seront, pour la France, assurés conformément à :

- la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

- la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, en particulier l'article 26 ;

- la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

Conséquences administratives

La mise en œuvre de l’échange de renseignements sera effectuée par la sous-direction du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques et par les directions de contrôle fiscal nationales et interrégionales au niveau déconcentré. Ces services sont déjà en charge de la mise en œuvre de l’assistance administrative dans le cadre communautaire ou en application des conventions fiscales existantes. Au regard des volumes d’informations déjà échangés, l’entrée en vigueur de l’avenant à la convention fiscale entre la France et l’Ile Maurice ne devrait pas entraîner de surcharge administrative substantielle.

III. - Historique des négociations

A la suite de la réunion relative aux paradis fiscaux qui s’est tenue à Paris à l’initiative de la France, le 21 octobre 2008, l’Ile Maurice a souhaité affirmer sa position d’Etat coopératif auprès de ses partenaires européens.

Ainsi, dans le cadre d’une réunion tenue à Paris le 8 décembre 2008, en présence du Vice-Premier Ministre mauricien, Ministre des Finances, M. SITHANEN, il a été convenu que les autorités compétentes française et mauricienne entameraient un dialogue en vue d’introduire dans la Convention franco-mauricienne du 11 décembre 1980 un article relatif à l’échange de renseignements conforme aux derniers standards internationaux.

La France a souhaité s’assurer préalablement de la possibilité pour le gouvernement mauricien de respecter ses engagements.

L’Ile Maurice a, au cours des années 2009 et 2010, instauré des mesures de droit interne concrètes permettant un échange d’informations effectif, ce qui a récemment été confirmé par le rapport d’audit du groupe des paires du Forum Mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange d’information fiscales, publié en janvier 2011.

La France a dès lors accepté d’amender la convention fiscale en vigueur afin de remplacer les stipulations figurant à l’article 27 relatif à l’échange de renseignements par un article conforme au dernier modèle de l’OCDE.

Les discussions ont abouti au paraphe d’un avenant à la convention substituant à l’article 27 actuel un article 27 permettant un échange d’informations sans restrictions.

IV. - Etat des signatures et ratifications

L'avenant a été signé à Port-Louis le 23 juin 2011 par MM. Jean-François DOBELLE, Ambassadeur de la République française à Maurice et Pravind Kumar JUGNAUTH, Vice-Premier ministre, ministre des finances et du développement économique de la République de Maurice.

La République de Maurice n’a pas à ce jour informé la France de l’état d’avancement du processus de ratification par ses institutions.

1 http://www.impots.gouv.fr/portal/deploiement/p1/fichedescriptive_1920/fichedescriptive_1920.pdf

2 Modification de la Loi relative aux impôts sur les revenus (Income Tax Act), en vigueur depuis juillet 2009, permettant l'échange d'informations concernant les personnes physiques et sociétés non résidentes et l’assistance transfrontalière en matière de recouvrement des créances fiscales (nouvelle section 76A).

3 Applicable à compter d'août 2010, y compris aux sociétés offshore « Global Business Companies 2 ».

4 Sociétés qui sont établies afin d’entreprendre des activités offshore. Elles sont résidentes-fiscales ; à ce titre, elles peuvent bénéficier des avantages résultant des accords de non double imposition conclus entre Maurice et certains pays (31 à ce jour). L’impôt sur les sociétés est réduit à 3 % au lieu de 15 %. Il n’y a pas d’impôts sur les plus-values ni de retenues à la source sur les dividendes versés ou le paiement d’intérêts à des non-résidents. Il n’est pas prévu de capital social minimum.

5 Sociétés non-résidentes et donc franches d’impôts. En revanche, étant des structures complètement extraterritoriales, elles ne donnent pas accès aux bénéfices résultant des traités de non double imposition. Elles sont principalement utilisées pour des activités financières, de négoce ou de prestations de conseil à l'international. Une société GBC 2 ne peut pas faire du commerce avec des personnes résidant à Maurice, ouvrir et maintenir dans une banque un compte en monnaie mauricienne, louer, détenir, acquérir ou céder un bien immeuble ou tout intérêt dans un bien immeuble situé à Maurice.


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