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Projet de loi

fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France

NOR : DEFD1132365L/Bleue-1

Étude d’impact

établie en application de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

1er décembre 2011

Introduction

Le 11 novembre 2011, le Président de la République a souhaité que la Nation rende hommage, dans un même geste, aux Poilus disparus lors de la Grande Guerre et à tous les soldats tombés, depuis lors, dans l'accomplissement de leur devoir.

En exprimant la reconnaissance de la Nation à toutes celles et à ceux qui l'ont servie jusqu'au sacrifice ultime, la journée commémorative nationale du 11 novembre ouvre une nouvelle ère dans notre mémoire collective. Désormais, ce sont tous les « morts pour la France », ceux d'hier, et d'aujourd'hui, civils et militaires qui seront associés à l'hommage de la Nation lors de la cérémonie du 11 novembre.

Le soldat inconnu, dont nous fêtons cette année le 90e anniversaire de l'inhumation dans la tombe située sous l'Arc de Triomphe, est devenu, au fil des ans, le symbole de l'ensemble des militaires tombés au champ d'honneur depuis l'armistice du 11 novembre 1918. Successivement, les morts de la Seconde Guerre mondiale, d'Indochine et d'Afrique du Nord, ont été honorés lors de cérémonies organisées sous l'Arc de Triomphe. De même, c'est un 11 novembre que l'on rendit hommage, en 1978, aux unités déployées à Kolwezi puis, en 1982, aux légionnaires et aux parachutistes de la force intérimaire des Nations unies au Liban.

Depuis plusieurs années, l'engagement de nos forces armées a changé de nature. Nos soldats sont désormais engagés loin du territoire national, dans le cadre d'opérations extérieures qui peuvent s'avérer meurtrières. Plus de 8 000 militaires français sont projetés sur une vingtaine de théâtres d'opérations, faisant ainsi de la France l'un des pays les plus impliqués dans les actions destinées à garantir la sécurité internationale et le rétablissement de la paix.

En rendant hommage à celles et ceux qui ont perdu la vie au cours des opérations extérieures dans lesquelles la France a été engagée, la journée commémorative nationale du 11 novembre permettra désormais d'entretenir le souvenir de leurs sacrifices au même titre que celui des combattants tombés lors des deux grands conflits mondiaux du XXème siècle.

I - ALORS QUE TOUS LES TEMOINS DE LA GRANDE GUERRE ONT DISPARU, L'OBJECTIF DU PROJET DE LOI EST DE DONNER PLUS DE SOLENNITE AU 11 NOVEMBRE EN RENDANT HOMMAGE A TOUS LES MORTS POUR LA FRANCE, NOTAMMENT LES SOLDATS TOMBES LORS DES OPERATIONS EXTERIEURES.

1.1 La disparition du dernier poilu, le 12 mars 2008, et la perspective des commémorations du centenaire de la Grande Guerre, impliquent de faire évoluer la portée symbolique de la journée nationale du 11 novembre.

Conscient du risque de désaffection croissante à l'égard des commémorations nationales, le Gouvernement a créé, en décembre 2007, une commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, présidée par le professeur André Kaspi (Rapport consultable sur le site www.ladocumentation française.fr).

Cette commission a rendu ses conclusions au Gouvernement le 12 novembre 2008. Elle a mis en lumière des enjeux importants, parmi lesquels la nécessaire pérennisation de la participation du public aux commémorations et le défi de la transmission aux jeunes générations des valeurs sous-jacentes à ces rassemblements mémoriels.

Elle a souligné le caractère particulier de la cérémonie du 11 novembre qui apparaît, en effet, dans le souvenir collectif des Français, comme la manifestation la plus emblématique d'hommage aux combattants morts pour la Patrie.

Ce souvenir, qui rappelle que l'engagement des combattants au service des idéaux de notre Nation implique une abnégation pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, suggère l'idée de commémorer, ce jour là, "tous les morts pour la France, ceux d'hier, d'aujourd'hui et de demain".

1.2 En joignant aux morts d'hier les morts en opérations extérieures, le lien sera fait.

Alors que les armées françaises ont été engagées une trentaine de fois hors de France entre 1960 et 1990, depuis cette date, elles ont été impliquées dans plus d'une centaine d'opérations.

En 2011, environ 10 000 soldats ont été engagés dans des opérations extérieures, en Afrique (Côte d'Ivoire, Tchad, République de Centre Afrique, Corne de l'Afrique, golfe de Guinée, côtes somaliennes), au Proche-Orient (Liban), en Asie (Afghanistan) et en Europe (Kosovo, Macédoine, Bosnie).

Depuis 20 ans, plus de 300 soldats sont morts en opérations extérieures (OPEX).

La volonté de rendre un hommage particulier à ces morts en opérations extérieures s'est exprimée à plusieurs reprises, par la voix des associations de tous ordres qui rassemblent les militaires et leurs proches, par les demandes, exprimées ou latentes, des familles et des proches des soldats tués en opérations, et par les attentes des militaires d’active et de leur hiérarchie.

C’est pourquoi, afin de traduire la reconnaissance officielle de la Nation, le ministre de la défense et des anciens combattants a décidé la constitution d’un groupe de travail dont il a confié la présidence au général d'armée Bernard Thorette, ancien chef d'état-major de l'armée de terre, afin d'étudier la réalisation d'un monument national.

Ce groupe de travail a présenté ses conclusions au ministre de la défense et des anciens combattants le 10 octobre 2011, préconisant la réalisation à Paris d’un monument nominatif des morts en opérations extérieures.

II - LES OPTIONS PERMETTANT D'ATTEINDRE L'OBJECTIF POURSUIVI.

2.1 Fruit d'un héritage historique, le recours à la loi pour rendre hommage aux soldats morts pour la France permet au Parlement d'investir le champ symbolique des journées commémoratives.

S'agissant des combattants tombés au champ d'honneur, la Première Guerre mondiale a donné lieu au vote de plusieurs lois du souvenir, loi du 2 juillet 1915 instituant la mention "Mort pour la France", lois du 1re et du 19 octobre 1915 relatives à "la commémoration et à la glorification des Morts pour la France au cours de la Grande Guerre" ou encore loi du 8 novembre 1920 relative à l'inhumation d'un soldat inconnu sous l'Arc de triomphe.

A l'exemple de la loi du 6 juillet 1880 instituant une fête nationale du 14 juillet, d'autres célébrations ont été fixées par voie législative. Ainsi, c'est par la loi que la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918 a été imposée par le Parlement au Gouvernement, en trois étapes : la loi du 1re septembre 1920 reportant à cette date la commémoration du cinquantenaire de la République – au lieu du 4 septembre -, la loi du 10 novembre 1921 instituant une commémoration annuelle, et enfin la loi du 24 octobre 1922 relative à l'inscription du 11 novembre dans le calendrier des fêtes nationales.

C'est dans cette lignée que les parlementaires de la Quatrième République ont inscrit le 8 mai comme fête nationale fériée le 20 mars 1953. De même, la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation a été créée par la loi du 14 avril 1954.

Sous l'empire de la Constitution de la Vème République, la frontière entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire a bougé et plusieurs décrets ont d'ailleurs fixé des journées d'hommage à différentes catégories de population.

Si la loi est un acte juridique de caractère général et impersonnel, elle est aussi un acte d'essence politique, traduisant une volonté générale dont l'expression ne saurait se satisfaire de la seule intervention du pouvoir réglementaire.

On peut citer à titre d'exemple la loi n° 2000-644 du 10 juillet 2000 qui a instauré une journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux Justes de France.

2.2 Le vecteur législatif autonome est la solution qui apparait le mieux répondre aux souhaits du Gouvernement.

2.2.1 L'abrogation ou la modification de la loi du 24 octobre 1922 remettrait en cause la volonté du Gouvernement de maintenir la commémoration du souvenir des Poilus.

La loi du 24 octobre 1922 s'inscrit dans le cadre historique d'après guerre et fonde le devoir de mémoire envers les soldats morts lors de la Grande Guerre.

Il est jugé souhaitable de maintenir dans l’histoire, dans la chronologie, l’acte de commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918.

La loi du 24 octobre 1922 doit demeurer l'acte de reconnaissance et de mémoire des seuls soldats morts au cours de la Grande guerre.

Il a donc été décidé de ne pas la modifier.

2.2.2 L'adoption de l'une des deux propositions de loi déposées sur le bureau des Assemblées parlementaires loi ne répond pas à l'objectif recherché.

L'adoption de la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat le 3 novembre 2011 visant à instaurer une journée nationale du souvenir constituerait une strate supplémentaire, voire superfétatoire, du dispositif législatif existant alors qu’elle ne ferait qu’expliciter la portée de la loi de 1922.

L'adoption de la proposition de loi déposée le 15 octobre 2008 sur le bureau de l'Assemblée nationale instituant le 11 novembre comme journée de la mémoire du monde combattant conduirait à supprimer des journées commémoratives au profit des anciens combattants. Or, tel n'est pas l'objectif recherché.

Ces solutions ont donc été écartées.

2.2.3 L'adoption d'une loi autonome répond pleinement à l'objectif recherché.

L'objectif souhaité est que l'ensemble des « morts pour la France » soit commémoré sans que soient remis en cause, de quelque manière que ce soit, les commémorations existantes et les textes les ayant institués.

Il est dès lors naturel que ce soit un texte autonome qui rende hommage à tous les «morts pour la France » quel que soit le conflit ou la mission au cours duquel ils sont tombés.
Cette loi, composée d'un article unique, précise que, le 11 novembre, jour anniversaire de l'armistice de 1918 et de la commémoration de la victoire et de la paix, il est rendu hommage à tous les morts pour la France.

III – LE PERIMETRE DE LA LOI

S'agissant des bénéficiaires de l'hommage, plusieurs options, englobant des périmètres variables, pouvaient être envisagées.

3.1 L'expression « tous les soldats morts pour la France » ne correspond pas à l'objectif recherché.

Le but est qu'il soit rendu hommage le 11 novembre à tous les «morts pour la France », qu'ils soient civils ou militaires.

La notion de soldat ne peut donc pas être retenue.

3.2 L'expression « tous les combattants morts pour la France » n'est également pas adéquate.

Cette expression englobe l'ensemble des personnes qui, à titre ou à un autre, sont considérées comme "combattants" et auxquelles la mention « mort pour la France » a été attribuée et ce, quel que soit le conflit concerné.

Elle intégrerait dès lors l'ensemble des résistants et des civils qui ont combattu. Mais, elle ne prendrait pas en compte l'ensemble des civils qui, sans que le titre de combattant leur soit reconnu, ont fait le sacrifice de leur vie pour la France.

Ce n'est pas le but recherché du projet de loi.

3.3 L'expression « tous les morts pour la France » correspond parfaitement à l'objectif recherché.

Ce périmètre est le plus large et englobe également tous les personnels civils à qui on a reconnu cette mention. C'est l'objectif poursuivi par le projet de loi. En effet, le Président de la République a souhaité que la Nation rende hommage, dans un même geste, soldats et civils qui sont « morts pour la France ».

L'expression « tous les morts pour la France » a donc été retenue.

IV – LES IMPACTS

4.1 L'impact sur la cérémonie du 11 novembre

Aucun impact direct n’existe, puisque le contenu, l’organisation et le déroulé de la cérémonie du 11 novembre ne sont prévus par aucun texte législatif ou réglementaire.

La teneur de la cérémonie est définie chaque année par le cabinet du Président de la République.

4.2 L'impact sur le calendrier des commémorations

Dans le cadre de la mémoire des guerres et des conflits contemporains, le calendrier national français compte neuf journées nationales commémoratives, organisées chaque année en souvenir et en hommage aux acteurs et aux victimes de ces évènements :

- la fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme est fixée le 2ème dimanche de mai (loi du 10 juillet 1920) ;

- la loi du 24 octobre 1922 dispose que « la République française célèbre annuellement la commémoration de la victoire et de la Paix ».  Cette fête est célébrée le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice et le 11 novembre restera jour férié ;

- la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation est fixée au dernier dimanche du mois d'avril (loi n° 54-415 du 14 avril 1954) ;

- la fête de la victoire de 1945 est fixée au 8 mai (dernière loi en date : loi n° 81-893 du 2 octobre 1981) ;

- la journée nationale à la mémoire des victimes et des crimes racistes et antisémites de l'Etat français et d'hommage aux justes de France est fixée le 16 juillet (loi n° 2000-644 du 10 juillet 2000) ;

- la journée d'hommage nationale aux Harkis et aux autres membres des forces supplétives est fixée le 25 septembre (décret du 31 mars 2003) ;

- la journée nationale d'hommage aux morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie est fixée le 5 décembre (décret n° 2003-925 du 26 septembre 2003) ;

- la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Indochine est fixée le 8 juin (décret n° 2005-547 du 26 mai 2005) ;

- la journée nationale commémorative de l'appel historique du général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi est fixée le 18 juin (décret n° 2006-313 du 10 mars 2006).

Comme le précise le rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, ces commémorations s’adressent à des publics différents les uns des autres, ce qui justifie que les dates ne soient pas identiques.

Les anciens combattants sont les porteurs de la mémoire. Ils ont pour mission de témoigner pour leurs camarades disparus et d'assurer la transmission de la mémoire aux autres générations. Ces journées de commémoration permettent, pour partie du moins, d'assurer cette transmission. Ces journées de commémoration seront maintenues, conformément à l’engagement du président de la République.

V – CONSULTATIONS

Le général de corps d’armée (2ème  section) Dominique DELORT, président de la Saint-Cyrienne et l’ensemble du Comité d’entente élargi à 42 associations patriotiques et d’anciens combattants (G 42), représentant sensiblement plus d’1 million d’adhérents, ont été consultés sur la décision du Président de la République de faire du 11 novembre une journée d’hommage à toutes les générations du feu sans exclusive.

Ils ont considéré que la réforme envisagée ne correspond en rien à une évolution vers une journée unique, puisqu’aucune commémoration nationale n’est supprimée.

Ils ont souligné, par ailleurs, que la réforme permet de rendre hommage aux soldats morts pour le France en opérations extérieures, soldats dont l'engagement n’était jusqu’à présent pas commémoré. 


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