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N° 4080

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2011.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique
entre la
Communauté européenne et ses États membres, d’une part,
et les
États du CARIFORUM, d’autre part,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. François FILLON,

Premier ministre,

par M. Alain JUPPÉ,

ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Conformément aux objectifs fixés pour les accords de partenariat économique (APE) dans l'accord de Cotonou du 23 juin 2000, l'APE avec les États des Caraïbes (CARIFORUM) inclut toutes les mesures nécessaires à l'instauration d'une zone de libre-échange compatible avec les dispositions de l'article XXIV du GATT 1994(1).

Cet accord mixte porte à la fois sur des matières relevant de la compétence de l’Union (stipulations commerciales) et sur des matières relevant, au moins pour partie, de celle des États membres (stipulations en matière de coopération au développement, de régime douanier…).

Il vise la mise en place d’un accord de libre-échange asymétrique, entraînant l’ouverture sans droits ni contingents du marché communautaire aux produits provenant des pays du CARIFORUM, moyennant des dispositions particulières destinées à protéger certains secteurs considérés comme sensibles par l’Union européenne (sucre, riz, bananes). À cet égard, des mesures concernant le sucre et le riz, intégrées dans à l’annexe II de l’accord, doivent permettre de répondre efficacement à une hausse importante des importations de produits en provenance des pays du CARIFORUM qui ne figurent pas parmi les pays les moins avancés selon les critères des Nations unies. Elles intègrent des mesures de protection automatiques (application de tarifs douaniers de la nation la plus favorisée en cas de dépassement d’un niveau d’importations précisé par l’annexe II – article 5a, jusqu’en 2015). Par ailleurs, s’agissant des départements français d’Amérique (Guadeloupe, Guyane et Martinique), l’annexe II prévoit des mesures spécifiques destinées à protéger les marchés locaux. Ainsi, pendant une durée de dix ans renouvelable une fois, la libéralisation totale du commerce du sucre et de la banane ne s’appliquera pas aux marchés de ces territoires. Un droit de douane continue donc d’être appliqué tout au long de cette période.

La composante « développement » de l’accord réside essentiellement dans son caractère asymétrique. En effet, hormis les dispositions particulières applicables aux produits précités et nonobstant le maintien de mesures de sauvegarde classiques au sein de l’accord, l’Union européenne a ouvert son marché sans droits ni contingents à tous les produits en provenance des pays du CARIFORUM dès l’entrée en vigueur de l’accord, à l’exception de quelques produits. L’ouverture des marchés des pays du CARIFORUM n’est pas totale.

Les dispositions institutionnelles (partie V) prévoient la mise en place d'un conseil conjoint CARIFORUM-UE, chargé de superviser la mise en œuvre de l'accord. Ce conseil conjoint se composera de représentants des États du CARIFORUM et de représentants du Conseil de l’Union européenne et de la Commission européenne. Il sera assisté d'un comité CARIFORUM-UE « Commerce et développement ».

L'accord prévoit que son impact fera l'objet d'un suivi approfondi. À cet effet, une commission parlementaire conjointe CARIFORUM-UE, qui servira de forum aux membres du Parlement européen et des parlements des États du CARIFORUM, sera mise en place. Un comité consultatif conjoint CARIFORUM-UE assistera en outre le conseil conjoint en vue de promouvoir le dialogue et la coopération entre les représentants de la société civile des deux parties.

Partie I : partenariat commercial pour un développement durable (principes généraux de l’accord).

La libéralisation progressive et asymétrique des échanges entre les parties doit permettre de contribuer à la réduction de la pauvreté, de promouvoir l’intégration régionale et soutenir l’intégration progressive des États du CARIFORUM dans l’économie mondiale, ainsi que de favoriser les conditions d’un accroissement des investissements et des initiatives du secteur privé.

L’accord se fonde sur les principes énoncés dans l’accord de Cotonou, les deux accords étant mis en œuvre de façon complémentaire. L’objectif de développement durable, centré sur la personne humaine, est intégré à tous les niveaux du partenariat économique. Dans cette perspective, la coopération au développement constitue un élément central du partenariat. Elle est mise en œuvre dans le cadre des procédures prévues par l’accord de Cotonou, notamment les procédures de programmation du Fonds européen de développement (FED). L’accord prévoit la possibilité de création d’un fonds de développement régional, pour mobiliser et transférer les ressources.

Partie II : commerce et questions liées au commerce.

Commerce des marchandises (titre Ier).

Les marchandises originaires des États du CARIFORUM sont importées par l’Union européenne en franchise de droits de douane, à l’exception des marchandises mentionnées à l’annexe II. Après une période de dix ans à compter de la signature de l’accord, les marchandises originaires de l’Union européenne sont exonérées de tous les droits de douane autres que ceux énumérés à l’annexe III de l’accord. Eu égard aux besoins spéciaux de certains États du CARIFORUM, les parties peuvent décider, au sein du comité « commerce et développement », de modifier les droits fixés à l’annexe III, dès lors que ces droits restent compatible avec le respect de l’article XXIV du GATT.

L’Union européenne accorde aux États du CARIFORUM tout traitement plus favorable (statut de la nation la plus favorisée) applicable dans le cadre d’un accord de libre-échange conclu postérieurement avec des tiers. De leur côté, les États du CARIFORUM accordent à l’Union européenne tout traitement plus favorable applicable dans le cadre d’un accord de libre-échange conclu postérieurement avec une « économie majeure » (pays représentant 1 % des exportations mondiales de marchandises ou 1,5 % pour un groupe de pays).

L’accord prévoit (chapitre 2) la possibilité pour les parties d’adopter des mesures anti-dumping, ainsi que des mesures de sauvegarde, compatibles avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ces mesures de sauvegarde doivent permettre aux parties de se consulter et de prendre des mesures appropriées lorsque les importations augmentent dans des proportions de nature à porter préjudice aux producteurs nationaux. Elles peuvent être limitées au marché d’une ou plusieurs régions ultrapériphériques (RUP). Ces mesures sont notifiées au comité « commerce et développement », où elles font l’objet de consultations.

L’accord prohibe les restrictions quantitatives (chapitre 3) et prévoit (chapitre 4) l’institution d’un comité spécial de coopération douanière et de facilitation des échanges, composé de représentants des parties, qui rend compte au comité « commerce et développement ».

En outre, les parties s’engagent, dans le respect des règles de l’OMC, à limiter les obstacles techniques au commerce (chapitre 6) et à coopérer en vue d’une harmonisation de leurs réglementations en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires (chapitre 7).

Investissements, commerce des services et commerce électronique (titre II).

Conformément à l’accord général sur le commerce et les services (AGCS) de l’OMC, l’accord prévoit la libéralisation progressive, réciproque et asymétrique des investissements et des services (y compris le commerce électronique).

Les parties s’accordent mutuellement, pour leurs présences commerciales et leurs investisseurs (chapitre 2), ainsi que pour l’accès aux marchés pour la fourniture transfrontalière de services (chapitre 3) un traitement non moins favorable (c’est-à-dire ne modifiant pas les conditions de concurrence), quelle qu’en soit la forme, que celui qu’ils accordent à leurs propres présences commerciales et investisseurs. Les parties s’octroient mutuellement le traitement de la nation la plus favorisée, dans les mêmes conditions que décrites pour le commerce des marchandises. Toutefois, les parties maintiennent les mesures appropriées pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles sur le marché des services de courrier, de la fourniture de services de télécommunication et des services touristiques (chapitre 5). La fourniture de services de télécommunication est soumise à autorisation. Des dispositions particulières régissent les transports maritimes internationaux.

L’accord règle la présence temporaire de personnes physiques, hautement qualifiées, à des fins professionnelles (chapitre 4) : « personnel-clé », stagiaires de niveau post-universitaire, fournisseurs de services contractuels.

Paiements courants et mouvements de capitaux (titre III).

L’accord prévoit l’autorisation de tous les paiements courants, sans restriction, et la libre circulation des capitaux, sans préjudice des mesures de sauvegarde strictement nécessaires lorsque ces mouvements causent ou menacent de causer de graves difficultés dans le fonctionnement de la politique monétaire ou de la politique de change d’un ou plusieurs États parties. Dans ce cas, le conseil conjoint CARIFORUM – UE en est immédiatement informé.

Questions liées au commerce (titre IV).

Les parties s’engagent à élaborer, dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’accord, des législations propres à assurer une concurrence libre et non faussée. Conformément à l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’OMC, les parties s’engagent à coopérer en vue d’harmoniser le niveau de protection de la propriété intellectuelle (droits d’auteur, dessins et modèles, brevets, protection des espèces végétales, indications géographiques, marques) entre leurs régions respectives, sans nuire aux transferts internationaux de technologie. Des conditions dérogatoires sont prévues pour les pays moins avancés.

En vue de promouvoir une pratique transparente et compétitive des marchés publics, les parties s’octroient mutuellement un traitement non moins favorable que celui qu’elles réservent à leurs fournisseurs nationaux.

Les parties réaffirment leur engagement en faveur des normes fondamentales du travail prévues par les conventions applicables de l’OIT et s’engagent à protéger les données à caractère personnel.

Tous ces domaines feront l’objet d’une coopération entre l’Union européenne et les États du CARIFORUM, en vue de soutenir la mise en œuvre des engagements et obligations stipulés par l’accord.

Les dispositions relatives à la concertation, à la médiation et à l’arbitrage font l’objet de la partie III.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part (ensemble sept annexes, trois protocoles et dix déclarations communes) qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord de partenariat économique entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et les États du CARIFORUM, d’autre part, (ensemble sept annexes, trois protocoles et dix déclarations communes), signé à Bridgetown (la Barbade), le 15 octobre 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 14 décembre 2011.

Signé : François FILLON

Par le Premier ministre :
Le ministre d’État, ministre des affaires
étrangères et européennes


Signé :
Alain JUPPÉ

1 () Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (1994).


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