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mis en distribution

le 28 septembre 2007


N° 92

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juillet 2007.

PROPOSITION DE LOI

relative au suivi des conséquences sanitaires
et
environnementales des essais nucléaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Yannick FAVENNEC, Mme Brigitte BARÈGES, MM. Marc BERNIER, Georges COLOMBIER, Jean-Michel COUVE, Dominique DORD, Hervé GAYMARD, Mme Fabienne LABRETTE-MÉNAGER, MM. Marc LE FUR, Thierry MARIANI, Mme Henriette MARTINEZ, MM.  Christian MÉNARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Étienne MOURRUT, Jean-Marc NESME, Jean-Marc ROUBAUD, Max ROUSTAN et Jean-Charles TAUGOURDEAU,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet de répondre à l’attente de toutes les personnes qui ont soit participé en tant que militaires ou civils aux essais nucléaires effectués par la France entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, soit vécu à proximité des sites d’expérimentation du Sahara (Reggane et In Eker) ou de Polynésie française.

Nombreux sont celles et ceux, aujourd’hui regroupés en associations, qui font état de graves problèmes de santé, notamment cancéreux, mais aussi ophtalmologiques et cardiovasculaires. Les mêmes problèmes de santé se retrouvent chez les personnels militaires, les civils du CEA et des entreprises sous-traitantes d’origine métropolitaine que chez nos concitoyens de Polynésie française ou même des populations qui ont été employées en Algérie sur les sites d’essais du Sahara.

Il ne s’agit pas, ici, de remettre en cause l’utilité stratégique militaire de ces essais, mais on ne peut ignorer leurs conséquences sur la santé, même après plusieurs dizaines d’années. Les témoignages abondent de vétérans ou d’anciens salariés décédés dans la force de l’âge de pathologies que certains médecins n’hésitent pas à attribuer à la présence de leur patient sur un site d’essais nucléaires.

Plusieurs vétérans ont, depuis des années, engagé des procédures en justice pour obtenir droit à pension ou à indemnisation en réparations aux préjudices qu’ils attribuent aux essais nucléaires. La plupart des procédures se terminent en fin de non-recevoir, les autorités judiciaires exigeant du plaignant la preuve scientifique du lien entre son état de santé actuel et sa participation à des essais nucléaires, parfois plus de trente ans auparavant.

Les mêmes pathologies se retrouvent chez les vétérans ou les populations ayant vécu à proximité des sites d’essais nucléaires des autres puissances qui ont effectué les mêmes expérimentations. C’est le cas notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, mais aussi en Australie, en Nouvelle-Zélande et aux Fidji où des ressortissants de ces pays ont participé aux essais anglais en Australie et aux Iles Christmas et également aux îles Marshall où ont été effectués des essais nucléaires par les États-Unis.

Dans ces différents États, considérés comme ayant un système démocratique semblable au nôtre, les gouvernements ont pris – certains depuis longtemps – des dispositions concrètes pour faire droit aux revendications de leurs ressortissants :

– depuis la fin des années 1950, les États-Unis ont mis en place un suivi médical spécifique des populations des îles Marshall et ont créé un fonds d’indemnisation pour les populations déplacées de ces atolls ;

– le 25 avril 1988, le Sénat américain a adopté une loi d’indemnisation des vétérans exposés aux radiations, en établissant une présomption d’un lien avec le service, pour des maladies dont souffrent les vétérans ayant été exposés aux radiations. Cette loi américaine, révisée en août 2001, a ainsi défini une liste de dix-huit maladies cancéreuses ;

– en Nouvelle-Zélande, le gouvernement a mis en route, en septembre 2001, une étude sur un groupe de cent vétérans utilisant la méthode des tests radiobiologiques permettant d’affirmer l’exposition aux radiations. Un système de prise en charge des vétérans et de leurs descendants a également été mis en place ;

– le gouvernement australien vient de publier (août 2001) la liste nominative des personnes affectées aux essais britanniques sur son territoire (environ 16 500). Il vient également d’accorder un budget de 500 000 dollars pour des études épidémiologiques et radiobiologiques ;

– le gouvernement britannique, la publication – fin 1999 – d’une étude épidémiologique indépendante sur la santé des membres de l’association des vétérans anglais, a décidé de réviser ses propres études épidémiologiques.

Il s’avère donc qu’une initiative législative représenterait un message fort de reconnaissance vis-à-vis de tous ceux et celles qui ont eu à subir des séquelles sur leur santé et celle de leurs descendants du seul fait de leur participation aux expériences nucléaires de la France.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Il est établi le principe de présomption de lien avec le service pour la ou les maladies dont souffre toute personne, civil ou militaire, ayant participé à une activité à risque radioactif lorsqu’il était en service actif, c’est-à-dire lorsqu’il a participé sur site à une explosion d’un dispositif nucléaire entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.

Article 2

Pour être considérées comme liées au service, la loi exige que ces maladies aient été contractées à un niveau de 10 % ou plus, dans les quarante années après la dernière date à laquelle la personne désignée à l’article 1er participait à une activité à risque radioactif, cette durée étant réduite à trente ans après cette date dans les cas d’une leucémie.

Article 3

La liste des pathologies considérées comme liées à une activité à risque radioactif est fixée par décret.

Article 4

Il est créé un fonds d’indemnisation des victimes civiles et militaires des essais nucléaires et un droit à pension pour les personnels civils et militaires et leurs ayants droit. Ce fonds d’indemnisation est alimenté pour partie par les crédits de la défense alloués au titre de la compensation de l’arrêt des essais nucléaires.

Article 5

Il est créé auprès du Premier ministre une Commission nationale de suivi des essais nucléaires. Cette Commission est composée des ministres chargés de la défense, de la santé et de l’environnement ou de leur représentant, du Président du gouvernement de Polynésie française ou de son représentant, de deux députés et deux sénateurs, de représentants des associations représentatives des personnes civils ou militaires concernées, de représentants des organisations syndicales patronales et de salariés et des personnes qualifiées.

La répartition des membres de cette commission, les modalités de leur désignation, son organisation et son fonctionnement sont précisés par décret en Conseil d’État. Le président de la commission est membre de droit de la direction du département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires créé par l’arrêté conjoint du 7 septembre 1998 par le ministre de la défense et le secrétaire d’état à l’industrie.

Article 6

Le suivi des questions relatives à l’épidémiologie et à l’environnement, jusqu’à présent attribué au département de suivi des centres d’expérimentations nucléaires par l’arrêté du 7 septembre 1998, est attribué à la commission nationale de suivi des essais nucléaires. La commission assure le suivi de l’application de la présente loi. La commission assure en outre le suivi des populations qui vivent ou ont vécu à proximité des sites d’essais tant au Sahara qu’en Polynésie française.

Article 7

La décision concernant l’application du « principe de présomption de lien avec le service » défini à l’article 1er est prise par le Premier ministre sur proposition de l’un ou l’autre des ministres désignés à l’article 5.

Article 8

La Commission nationale de suivi des essais nucléaires publie chaque année un rapport sur l’application de la présente loi.

Article 9

Les dépenses de l’État résultant des dispositions qui pourraient résulter de la présente loi sont compensées par une majoration, à due concurrence, des droits de consommation sur les tabacs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Article 10

La présente loi est applicable aux territoires d’outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte.


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