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mis en distribution

le 8 novembre 2007


N° 312

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2007.

PROPOSITION DE LOI

visant à la transparence des comptes
des
organisations syndicales,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Richard MALLIÉ, Alfred ALMONT, Mme Martine AURILLAC, MM. Patrick BALKANY, Jean-Claude BEAULIEU, Jean-Louis BERNARD, Émile BLESSIG, Marcel BONNOT, Gilles BOURDOULEIX, Loïc BOUVARD, Mmes Valérie BOYER, Françoise BRANGET, MM. Dominique CAILLAUD, Bernard CARAYON, Mme Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, MM. Jean-Louis CHRIST, Philippe COCHET, Hervé de CHARETTE, Bernard DEBRÉ, Bernard DEPIERRE, Jean-Michel FERRAND, Pierre FROGIER, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Jean-Marc LEFRANC, Jean-Louis LÉONARD, Mme Geneviève LEVY, MM. Lionnel LUCA, Daniel MACH, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Philippe Armand MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Georges MOTHRON, Étienne MOURRUT, jean-frédéric POISSON, Mme Bérengère POLETTI, MM. Michel RAISON et Éric RAOULT,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France autorisa la création de syndicats professionnels de salariés et d’employeurs par la loi Waldeck-Rousseau de 1884. Dans la fonction publique, et bien que tolérés depuis la circulaire Chautemps de 1924, les syndicats n’ont été officiellement reconnus dans les statuts de la fonction publique qu’en 1946.

Pourtant, nul ne peut contester l’importance et le rôle des syndicats dans une démocratie moderne. N’est-ce pas Vaclac Havel qui déclarait : « Le rassemblement des citoyens dans des syndicats est une condition nécessaire au fonctionnement de toute société civilisée bien structurée ».

Le syndicalisme français est caractérisé par un taux de syndicalisation faible, situé aux alentours de 6 % au total, et de 4 % dans le secteur privé. Dans la fonction publique, 15 % des salariés sont affiliés à un syndicat. La taille et le secteur d’activité de l’établissement sont donc des facteurs déterminants de la présence syndicale. La faiblesse du poids des cotisations dans le budget des syndicats est problématique car elles constituent seulement entre 15 et 50 % du budget des organisations françaises contre 80, voire 90 %, pour leurs homologues européennes. Cette réalité est un véritable défi pour les syndicats français, les cotisations étant la ressource naturelle des organisations, celle qui est le mieux à même de garantir leur indépendance.

Pour exister, les syndicats français bénéficient donc de participations directes (aides de l’État ou des entreprises) et d’aides indirectes (avantages fiscaux). Ils vont bénéficier d’un financement au titre de la réalisation de missions d’intérêt général (au titre de la participation à la gestion des fonds de la formation proessionnelle ou de la participation à la gestion des organismes de sécurité sociale), de subventions ministérielles et de décharges de service de fonctionnaires, d’aides des entreprises (subventions de fonctionnement et mises à disposition), d’aides des collectivités territoriales et d’aides à caractère fiscal.

Un parallèle apparaît donc clairement entre la situation des syndicats aujourd’hui et celle des partis politiques d’hier. En effet, aucun document, public ou administratif, ne présente de synthèse des ressources financières des syndicats en France, ni même des mécanismes de financement. Il est donc nécessaire de mettre en place un système de financement comparable à celui instauré en 1995 pour la vie politique.

Le rapport de Raphaël Hadas-Lebel, Président de section au Conseil d’État, de mai 2006, démontre que cette opacité certaine résulte d’un émiettement des ressources publiques, d’une absence d’obligation de publication des comptes, et d’une complexité des structures syndicales.

D’une part, la grande majorité des financements des syndicats ne doit provenir que d’un seul acteur: l’État. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui a rendu en octobre 2004 un rapport sur le financement des syndicats dans plusieurs pays européens (Allemagne, Belgique, Grande Bretagne, Italie et Suède), a pu constater qu’afin de garantir l’autonomie des syndicats vis-à-vis des employeurs, les syndicats des pays observés « ne reçoivent généralement pas de soutien financier de la part des entreprises ». Cette réalité correspond moins à un bond vers l’inconnu qu’au retour à une norme largement appliquée en Europe.

Aussi, ce financement de l’État ne remet pas en question les dons privés. Ces derniers, qui ont bénéficié d’élévations successives de l’avantage fiscal de 30 % à 50 %, puis à 66 %, ne se sont pas pour autant traduites par une augmentation significative des adhésions aux syndicats.

D’autre part, les financements publics et parapublics (État, organismes de protection sociale), accordés en contrepartie de l’accomplissement de missions d’intérêt général, ne prennent que faiblement en compte le critère de l’audience. Comme le reconnaissait un responsable syndical, « le financement public est, aujourd’hui, assez largement forfaitaire » et dépend d’une clef de répartition vieille de plus de 35 ans. Il est donc important de réexaminer les conditions de justification de l’octroi de certaines subventions publiques.

Le financement public doit tenir compte de critères objectifs que sont les critères de représentativité. En effet, il sera fonction des résultats obtenus par chaque organisation aux élections des conseillers prudhommaux et aux commissions paritaires administratives.

De plus, la publication des comptes des syndicats, comme c’est le cas pour les partis politiques, correspond à une mesure nécessaire pour un État de droit. Raphaël Hadas-Lebel observait que « si la transparence ne saurait être considérée comme un objectif en soi, elle devient un impératif dès lors que les ressources dont disposent les organisations syndicales proviennent de l’État, des collectivités locales, ou encore des organismes de protection sociale ». Il en est de même pour la désignation d’un mandataire financier, que ce soit une association de financement ou une personne physique, qui collectera les dons des personnes physiques et morales privées en toute transparence.

Enfin, compte tenu des abus et du flou qu’il existe les concernant, il nous faut supprimer les mises à dispositions, aussi bien de la part de l’État et des collectivités territoriales que de la part des entreprises. En effet, les décharges de service de fonctionnaires représentent plus de 160 millions d’euros pour l’État. Les mises à disposition de personnel, qui existent dans les entreprises, sont entourées d’une véritable opacité.

Ensuite, concernant l’importance des mises à disposition de locaux et de matériel, un devoir de publication est nécessaire. Les mises à disposition de locaux, qui sont essentiellement le fait des collectivités locales, représentent des avantages en nature non négligeables. Par exemple, en 1999, l’occupation gratuite de la bourse du travail de Paris représentait l’équivalent d’un loyer annuel d’1,5 million d’euros.

Par cette proposition de loi, je propose donc de simplifier et de clarifier les financements publics et parapublics mais également de définir une obligation de publication des comptes des syndicats afin de répondre à l’objectif démocratique de transparence.

Même si « tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale », nos concitoyens ont un droit essentiel à la transparence du financement de la vie syndicale parce qu’elle dépend des financements publics. C’est en responsabilisant les partis politiques qu’on a pu assainir la vie politique française; c’est en responsabilisant les organisations syndicales que l’on mettra fin à cette opacité qui est pour notre République totalement inacceptable.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre Ier du livre IV du code du travail est complété par un chapitre IV est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Financement des syndicats

« Section 1

« Financement public

« Art. L. 414-1. – Il est instauré un financement public des syndicats professionnels exclusivement par l’État dans les conditions prévues au présent article. Des crédits sont inscrits chaque année dans la loi de finances pour être affectés à ce financement.

« Leur montant est divisé en deux fractions :

« a) Une première fraction est destinée au financement des organisations syndicales qui ont obtenu au moins 5 % des voix au niveau national dans au moins un des secteurs du collège salarié lors des élections prud’homales. La répartition de l’aide allouée est effectuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus ;

« b) La seconde fraction de ces crédits est attribuée aux organisations syndicales qui ont obtenu au moins 5 % des voix au niveau national dans au moins une des catégories de la fonction publique lors des élections aux commissions paritaires administratives. La répartition de l’aide allouée est effectuée proportionnellement au nombre de suffrages obtenus.

« Un décret en Conseil d’État précise la répartition des crédits entre ces deux fractions.

« Art. L. 414-2. – Le montant des aides attribuées à chaque syndicat en application de 1’article L. 414-1 du présent code est retracé dans un rapport annexé au projet de loi de finances de l’année.

« Art. L. 414-3. – La mise à disposition de personnel à destination des syndicats émanant de l’État, des collectivités territoriales ou des entreprises, est interdite.

« Toute mise à disposition de locaux ou de moyen matériel doit faire l’objet d’une publication annuelle transmise à la Commission nationale des comptes de campagne, des comptes syndicaux et des financements politiques, instituée à l’article L. 52-14 du code électoral.

« Section 2

« Dons des personnes physiques et morales privées

« Art. L. 414-4. – Les syndicats recueillent des fonds par l’intermédiaire d’un mandataire qui est soit une association de financement, soit une personne physique, dénommées « mandataire financier ». L’association de financement doit être déclarée selon les modalités prévues par l’article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association.

« Un même mandataire ne peut être commun à plusieurs organisations.

« Art. L. 414-5. – Le syndicat déclare par écrit à la préfecture de son siège le nom de la personne physique ou de l’association de financement qu’il choisit en vue de recueillir des fonds. La déclaration doit être accompagnée de l’accord du mandataire financier désigné et doit préciser la commune à l’intérieur de laquelle la personne physique ou l’association exerce ses activités. Le mandataire financier est tenu d’ouvrir un compte bancaire ou postal unique pour y déposer les dons reçus. L’intitulé du compte précise que le titulaire agit en qualité de mandataire financier du syndicat, nommément désigné.

« Art. L. 414-6. – Les dons consentis par les personnes physiques et morales privées dûment identifiées au mandataire financier du syndicat ne peuvent excéder un montant fixé par décret. Tout don de plus de 200 € consenti à un syndicat doit être versé par chèque, virement ou carte bancaire.

« L’association de financement ou la personne physique mandataire financier délivre au donateur un reçu dont un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’établissement et d’utilisation.

« Aucune association de financement ou personne physique mandataire financier d’un syndicat ne peut recevoir des contributions ou aides matérielles d’un État étranger ou d’une personne morale de droit étranger.

« Les actes et documents destinés aux tiers et émanant de l’association de financement ou de la personne physique mandataire financier doivent indiquer, selon le cas, la dénomination de l’association et la date de sa déclaration à la préfecture ou le nom de la personne physique mandataire et la date de sa déclaration à la préfecture, ainsi que le nom du syndicat destinataires des sommes collectées.

« Tout syndicat contrevenant aux dispositions du présent article est sanctionné par la perte, pour l’année suivante, de son droit à bénéficier des dispositions de l’article L. 414-1 du présent code.

« Section 3

« Publication des comptes

« Art. L. 414-7. – Les syndicats bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles L. 414 et suivants du présent code ont l’obligation de tenir une comptabilité.

« Les comptes sont arrêtés chaque année. Ils doivent retracer tant leurs propres comptes que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels ils détiennent soit la moitié du capital soit la moitié des sièges de l’organe d’administration. Ils sont certifiés par deux commissaires aux comptes.

« Annexés au rapport des commissaires aux comptes, ils sont déposés dans le premier semestre de l’année suivant celle de l’exercice à la Commission nationale des comptes de campagne, des comptes syndicaux et des financements politiques instituée à l’article L. 52-14 du code électoral qui assure leur publication sommaire au Journal officiel.

« Si la Commission constate un manquement aux obligations prévues par le présent article, le syndicat en cause perd le droit, pour l’année suivante, au bénéfice des dispositions des articles L. 414 et suivants du présent code. »

Article 2

I – Dans tous les textes législatifs et réglementaires, les mots « commission des comptes de campagne et des financements politiques » sont remplacés par les mots : « commission des comptes de campagne, des comptes syndicaux et des financements politiques ».

II. – Après l’article L. 52-18 du code électoral, il est inséré un article L. 52-19 ainsi rédigé :

« Art. L. 52-19. – La Commission nationale des comptes de campagne, des comptes syndicaux et des financements politiques a également pour mission de vérifier la comptabilité des syndicats professionnels bénéficiaires des dispositions des articles L. 414-1 et suivants du code du travail et de contrôler leurs associations de financement. »

Article 3

La présente loi s’applique aux collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie sous réserve de dispositions spécifiques fixées par décret en Conseil d’État.

Article 4

Les charges éventuelles résultant pour l’État des dispositions de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.


© Assemblée nationale